Les éthiques environnementales et la question du pluralisme
p. 55-74
Texte intégral
1Dans les années 1970, la réflexion morale, surtout dans les pays de langue anglaise, et plus spécialement en Amérique du Nord, s’est dotée d’un nouvel objet : l’environnement ou la nature. Un certain nombre de philosophes ont affirmé que les relations morales n’engageaient pas seulement les hommes entre eux, mais qu’il existait en dehors de l’humanité un grand nombre d’entités (animaux, plantes, ensembles naturels, comme les écosystèmes) qui avaient droit à être moralement prises au sérieux et envers qui les hommes pouvaient avoir des devoirs. On a ainsi affirmé (ou découvert) que le bien que prennent en considération les théories morales n’est pas seulement celui des êtres humains, mais aussi celui de diverses entités naturelles, voire de la nature comme un tout1.
2L’existence d’éthiques environnementales (de théories morales affirmant que nous avons des devoirs vis-à-vis de la nature, que nous devons sinon viser son bien, du moins nous efforcer de ne pas lui faire de mal) ajoute-t-elle au fait du pluralisme moral, en étendant aux non-humains la diversité des conceptions du bien ? De leur côté, les éthiques environnementales se contentent-elles d’ajouter de nouvelles conceptions du bien à celles qui existaient déjà ou ont-elles l’ambition de présenter une théorie englobant ces différentes conceptions du bien (anciennes ou nouvelles) en une vision unifiée, ou moniste ? Telles étaient les questions posées, en 1988, par Christophe Stone, un des pionniers de ce nouveau courant moral (il s’était fait connaître en défendant l’idée que les arbres pouvaient ester en justice2), pour le dixième anniversaire de la revue Environmental Ethics, le principal organe de presse de ce courant. Dans un article intitulé « Moral pluralism and the course of environmental ethics3 », article où il résumait un livre qu’il venait de faire paraître4, Stone se déclarait en faveur de ce qu’il appelait le « pluralisme moral » : après avoir montré que la solution morale des questions environnementales ne pouvait pas consister simplement à appliquer des principes moraux préexistants (empruntés à l’une des théories dominantes, utilitariste ou kantienne) mais supposait des principes propres, nouveaux, il affirmait également que le nouveau domaine ainsi constitué pouvait venir s’ajouter aux domaines moraux antérieurs, sans remettre en question les autres principes ni modifier la configuration des domaines.
3Durant ses dix premières années d’existence, la revue Environmental Ethics a offert une tribune de discussion à tous ceux qui voulaient participer à l’élaboration d’une éthique environnementale. Mais, en même temps, elle a contribué à les replier sur eux-mêmes. La réflexion sur l’éthique environnementale s’est développée en laissant largement en dehors d’elle les courants dominants de la réflexion morale, considérés par les environnementalistes comme « anthropocentriques » (on qualifie ainsi ceux pour qui moralité et humanité sont coextensives) et jugés sinon responsables des problèmes environnementaux (parce que de telles positions rejettent la nature et ce qui la compose dans la catégorie des objets ou des moyens), du moins incapables d’y répondre (parce qu’ils ne reconnaissent pas la valeur intrinsèque, et non simplement instrumentale, des entités naturelles). De leur côté, les membres du mainstream ne se souciaient guère de ces nouveaux venus, qui ne respectaient pas les règles généralement admises de la discussion morale (le courant environnementaliste ignorait généralement la philosophie analytique) et s’intéressaient à des questions bien exotiques, quand tant de débats sérieux (dont celui du pluralisme) agitaient la communauté morale. En s’interrogeant, au début de son article, sur la place qu’occupait l’éthique environnementale dans le monde plus vaste de la philosophie morale5, Christopher Stone pouvait sembler mettre fin à cette ignorance réciproque et entamer un processus de reconnaissance. Non seulement Stone introduisait, en éthique environnementale, une thématique familière et largement développée dans les courants dominants, celle du pluralisme, mais en plus, en se déclarant pluraliste, il affirmait sa volonté de coexister pacifiquement avec les théories antérieures, tentant ainsi d’insérer l’éthique environnementale dans la globalité du champ de la réflexion morale. Ce pouvait être la fin d’une mise à l’écart, ou d’une ignorance réciproque.
4Ce ne semble pas avoir été le cas. À ma connaissance, l’article de Stone n’a provoqué aucune réaction du côté du mainstream, de ceux pour qui le pluralisme n’engage que les rapports des humains entre eux. En revanche, il a déclenché, sur le terrain de l’éthique environnementale, une vive polémique entre les défenseurs du monisme et les tenants du pluralisme. John Baird Callicott (qui défend, en éthique environnementale, des positions dites « écocentriques » inspirées de la Land Ethic d’Aldo Leopold) s’est lancé dans une véhémente apologie du monisme, seule position morale cohérente, selon lui. Il s’est trouvé des critiques chez les environnementalistes qui se réclament du courant pragmatiste. Ceux-ci, cependant, ont tenu à faire la différence entre le « pluralisme pratique » dont ils se font les avocats et celui de Stone, jugé trop « extrême ».
5Que nous apprend ce débat ? Au début, les choses ne sont pas très claires. Il y a en effet plusieurs pluralités. Il y a la pluralité des théories morales préexistantes, à laquelle se rajoute la réflexion morale sur l’environnement. Et puis il y a la pluralité des éthiques environnementales (le courant s’est en effet très vite scindé en différentes théories, biocentriques, écocentriques, deep ecology...). Stone se réfère plutôt à la première forme de pluralité (et demande qu’on y accueille l’éthique environnementale), alors que Callicott insiste plutôt sur la seconde et fait la revue des principales positions. Mais c’est pour faire ressortir que les meilleures d’entre elles ont vocation à régner seules, se présentent comme monistes6. L’insistance de Callicott à justifier le monisme ne peut que choquer des esprits libéraux pour qui monisme et imposition violente ou coercitive d’une conception du bien vont de pair. Inversement, comme le révèle l’étude de la défense pragmatiste du pluralisme en matière environnementale, les positions pluralistes passent par un retour à l’anthropocentrisme, que l’environnementalisme moral avait à l’origine rejeté. Si le débat révèle ainsi une certaine incompatibilité entre la réflexion morale en environnement et les formes classiques du pluralisme libéral, faut-il voir là une raison de condamner l’environnementalisme (ou du moins ses formes les plus radicales) ou ne serait-ce pas plutôt la démonstration des limites du pluralisme, tel qu’on l’entend d’habitude ? N’y aurait-il donc place, dans la pluralité des biens, que pour les biens humains ?
6Nous essaierons de répondre à ces questions en envisageant, dans l’ordre où ils se sont succédé, les principaux moments du débat : la proposition pluraliste de Stone, la contre-offensive moniste de Callicott, le plaidoyer pragmatiste que mène Andrew Light pour le pluralisme. Nous pourrons alors, en conclusion, réfléchir sur le paradoxe que cet examen révèle : si l’existence même d’éthiques environnementales pouvait apparaître (à Stone notamment) comme une preuve de plus du fait du pluralisme, la discussion que provoque son adoption semble montrer soit qu’il doit être rejeté du domaine environnemental (Callicott), soit qu’il ne peut être défendu qu’en en rétrécissant le champ (l’anthropocentrisme pragmatiste). À moins qu’il n’y ait une autre solution, à découvrir dans la notion même de pluralisme.
CHRISTOPHER STONE : UN PLURALISME EXTRÊME ?
7Se demander, comme le fait Stone au début de son article, quelle est la place occupée par l’éthique environnementale dans la philosophie morale globale, c’est d’abord situer l’éthique environnementale par rapport aux trois niveaux classiquement distingués. Il s’agit de la méta-éthique (la réflexion sur la spécificité des concepts moraux), puis de l’éthique normative, ou pratique, qui donne un contenu substantiel aux prescriptions ou aux principes moraux, soit à un niveau général (comme la Théorie de la justice de Rawls), soit dans des domaines spécifiés : on parle alors d’éthique appliquée7. À première vue, il semblerait que l’éthique environnementale qui envisage des relations sectorielles (celles de l’homme, ou des hommes, et de la nature) relève de ce dernier niveau. Or il n’en est rien : l’histoire de l’élaboration de la réflexion morale sur l’environnement montre le contraire. L’éthique environnementale n’est pas le résultat de l’application, au domaine particulier de l’environnement, de principes moraux préexistants. Ceux-ci, qu’ils soient utilitaristes ou kantiens (pour reprendre les deux grandes théories normatives existantes), ont fait preuve de leur incapacité à remplir une telle fonction : avec le kantisme, pour qui il n’est de sujets moraux qu’humains, on ne peut définir que des devoirs indirects à l’égard de la nature ; l’utilitarisme, plus souple (il accorde la considération morale à tous les êtres sensibles, pas seulement humains) a bien du mal à définir « le plus grand bien du plus grand nombre » lorsqu’il faut prendre en considération les générations futures. L’éthique environnementale a inventé ses propres principes (parmi lesquels celui de la valeur intrinsèque des entités naturelles) : elle peut revendiquer le statut d’éthique normative à part entière. Mais cela ne pose-t-il pas des problèmes au niveau méta-éthique ? L’extension du champ de la moralité à l’ensemble de la nature que réalise l’éthique environnementale ne remet-elle pas en cause les partages méta-éthiques sur lesquels s’appuie la philosophie morale contemporaine ? La réponse pluraliste de Stone vise précisément à éviter ce genre de conflits : il peut y avoir une pluralité de principes qui organisent une pluralité de domaines.
8En disant cela, Stone ne fait que décrire une situation de fait. La forte demande d’éthique normative, depuis les années 1960, dans des domaines très variés (médecine, sciences, technique, vie quotidienne, environnement...), a conduit à un morcellement des domaines de réflexion morale sans qu’il y ait eu recherche d’une cohérence globale : les principes de la bioéthique ne sont pas ceux de l’éthique des affaires ni de l’éthique des techniques... Chacun de ces domaines s’est développé indépendamment des autres, à la façon dont s’est élaborée la réflexion morale sur l’environnement. Mais cette constatation empirique ne suffit pas à faire de Stone un pluraliste : il lui faut montrer que ce pluralisme est réel et pas seulement apparent ou temporaire, et en faire voir la valeur.
9L’échec des deux grandes éthiques (utilitariste et kantienne) à prendre en charge les questions environnementales est, pour Stone, une indication de la réalité et de la nécessité du pluralisme. Les interrogations récentes ont suscité, pour la philosophie morale, de nouveaux « clients exotiques » : « Les générations futures, les morts, les embryons, les animaux, ceux qui sont spatialement éloignés, les tribus, les arbres, les robots, les montagnes, les œuvres d’art8 [...].» Aucune théorie morale ne peut, à elle seule, prendre en charge tous ces « clients » : ils sont trop nombreux, trop hétérogènes, peuvent être envisagés sous trop d’aspects distincts. La leçon méta-éthique est qu’il faut renoncer à chercher un principe unique (quel qu’il soit, « le plus grand bien du plus grand nombre », l’impératif catégorique). Il faut accepter que la philosophie morale soit – Stone ne dit pas morcelée (le terme est facilement péjoratif) – « compartimentée », à la façon de ce qui se passe dans les sciences, où les mêmes lois ne s’appliquent pas dans tous les domaines : les particules, au niveau nanométrique (10-9), présentent des propriétés que l’on ne retrouve pas à d’autres échelles.
10À une telle compartimentation, la réflexion morale gagne. En précision, principalement. À trop étendre les principes moraux, on ne peut formuler que des injonctions très générales, difficiles à appliquer à une situation donnée. Dans un domaine plus restreint et mieux délimité, on peut procéder à des descriptions plus fines, à partir desquelles on peut mener des évaluations morales : celles-ci ne sont pas du même ordre, suivant que l’on s’intéresse aux individus (lorsqu’il s’agit d’humains) ou à des populations (lorsqu’il s’agit de végétaux ou d’animaux). Le risque serait plutôt inverse : se trouver avec un trop grand nombre de propositions normatives ou d’évaluations. Pour être compartimentés, les différents domaines éthiques ne sont en effet pas complètement indépendants. Un même domaine peut faire appel à différentes doctrines morales : en matière d’environnement, les questions traitées peuvent relever des éthiques animales (quand des animaux s’y trouvent engagés) comme des éthiques environnementales (celles – biocentriques – qui attribuent une valeur intrinsèque à toute entité vivante, ou celles – écocentrique – qui se règlent sur le bien de la communauté biotique, de l’ensemble interdépendant que forment les éléments vivants et non vivants). On peut arriver à des injonctions contradictoires. L’exemple pris par Stone (et souvent repris par d’autres) est celui du bison captif de la rivière gelée du Yellowstone : faut-il le sauver de la souffrance et de la mort (ce que prescrivent les éthiques animales attentives à la souffrance) ? Faut-il s’abstenir d’intervenir et laisser s’accomplir des processus de sélection qui maintiennent la stabilité et l’intégrité des ensembles naturels (ce que recommanderaient plutôt les éthiques environnementales) ? Ne se heurte-t-on pas là au problème classique du pluralisme, celui de l’incompatibilité des valeurs ?
11Le risque n’est pas si grand, répond Stone. Des approches multiples ne sont pas toujours conflictuelles. Elles peuvent même être convergentes. Des justifications différentes, venant de domaines moraux distincts, peuvent être mises au service d’une même fin. Ainsi du végétarisme : on peut être végétarien par souci des animaux (dont on veut éviter les souffrances et la mise à mort systématique), par souci personnel (un régime plus équilibré) ou par un souci social, parce que l’on pense que la production de viande animale consomme trop de protéines, au détriment des plus pauvres9. Par ailleurs, avoir le choix entre différentes options n’est pas forcément un inconvénient : Stone suggère qu’en matière environnementale on n’a pas besoin de prescriptions aussi rigides que dans le domaine humain (quand il s’agit de valeurs fondamentales), et qu’il peut être bon, au contraire, de comparer différentes solutions. Finalement, ce n’est que dans un petit nombre de cas que l’on se trouvera avoir à se décider entre A et non-A, comme dans l’histoire du bison. Dans ce cas, soit l’on se référera, en dernier recours, à une règle jugée dominante, soit l’on fera appel à l’intuition. De telles situations sont décevantes, mais on ne doit pas leur sacrifier l’ensemble de l’approche pluraliste.
12Les arguments de Stone nous paraissent effectivement pluralistes : certains sont présents dans d’autres contextes10, d’autres (particulièrement l’argument de la convergence) seront repris dans la polémique, du côté des pluralistes. Mais la proposition de Stone, dans sa globalité, a été rejetée par ceux qui ont pris part au débat. Dans un article où il s’emploie plus à clarifier les positions en présence qu’à avancer la sienne propre, Peter Wenz qualifie de « pluralisme moral extrême » cette façon de passer d’une théorie morale à l’autre, suivant les situations11. Il faut dire que la présentation même que Stone avait faite de sa conception du pluralisme exposait à la critique. Il avait pris l’exemple d’une sénatrice qui, le matin, pour prendre une décision à propos d’un dépôt de déchets toxiques, adopte une approche utilitariste. L’après-midi, dans une commission où l’on examine si l’on peut percer une route dans un parc national, elle adopte la Land Ethic (écocentrée) d’Aldo Leopold. Le soir enfin, rentrée tard chez elle, elle se souvient qu’elle a promis à son fils de l’aider à faire un devoir, et, se réglant sur la maxime kantienne selon laquelle une promesse doit être respectée, elle se met au travail malgré sa fatigue. On ne peut pas être utilitariste le matin, léopoldien l’après-midi et kantien le soir sans mettre en péril son identité, objecte Callicott, qui déclare indéfendable ce qu’il qualifie de « pluralisme intrapersonnel12 ».
CALLICOTT : MONISME ET HIÉRARCHIE
13On ne peut pas alterner les morales comme on change d’outils, passant du tournevis au vilebrequin. Les morales ne sont pas des instruments neutres mais des systèmes philosophiques qui ont des fondements métaphysiques et qui s’excluent mutuellement. Callicott reproche à Stone, en optant pour la « balkanisation » des domaines éthiques, d’avoir renoncé à ce qui fut le projet de l’éthique environnementale, sa recherche du « Saint Graal » : une « superthéorie, cohérente, inclusive13 », capable d’ordonner nos différents devoirs, au lieu de les traiter de façon séparée, dispersée.
14Lorsque Callicott en appelle à développer des « systèmes conceptuels compréhensifs » capables d’embrasser tout un ensemble de connaissances et de données, il désigne par là bien plus que ce que Rawls entend par « doctrines compréhensives ». Rawls se réfère aux doctrines morales classiques, qui exposent une conception substantielle du bien et prennent en considération tous les aspects de la vie. Callicott vise plus haut ou plus large : c’est de « visions du monde », d’une conception globale, pas seulement morale, mais aussi métaphysique et scientifique, qu’il veut parler. Il a en tête la succession des philosophies naturelles ou des systèmes physiques, de l’Antiquité à nos jours : de Ptolémée à Einstein, en passant par Copernic et Newton. On a là pour lui des ensembles cohérents qui, autour d’un noyau scientifique et de quelques propositions métaphysiques fondamentales, organisent l’ensemble d’une vision du monde. Ces ensembles incluent une conception du bien : la vision moderne, notamment, qui se construit autour de la science newtonienne et s’appuie sur la distinction métaphysique entre le sujet et l’objet (et donc entre l’homme et la nature), incorpore une vision morale essentiellement individualiste ou atomiste (que l’on retrouve sous des formes diverses chez Hobbes, Kant ou Bentham). Le passage d’une vision du monde à l’autre entraîne aussi un changement de modèle moral. Pour Callicott, il n’y a donc pas une pluralité de conceptions du bien, mais une succession de visions du monde. Entre les philosophies morales dominantes (utilitariste ou kantienne) et l’éthique environnementale en formation, il n’y a pas tant simplement une distinction entre des conceptions du bien qu’une opposition, beaucoup plus globale et radicale, entre le passé et le présent (ou plutôt l’avenir), entre le système moderne en voie d’obsolescence et le nouveau système en gestation. Le « Saint Graal » de l’éthique environnementale consiste à identifier ce système et à en exposer les composantes morales. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter une nouvelle éthique, il s’agit de changer de conception du monde.
15Callicott passe ainsi complètement à côté de ce qui, dans la philosophie morale contemporaine, semble aller de soi : l’idée que le pluralisme moral (le fait de la multiplicité de conceptions incompatibles du bien, et la reconnaissance positive de ce fait) est une des caractéristiques de la modernité14. Pour Callicott, le pluralisme moral n’est pas consubstantiel à la modernité, il est au contraire lié à son déclin. Il se trouve du côté de la postmodernité, chez Derrida ou Rorty, dans la déconstruction, le relativisme, le nihilisme. Ce type de pluralisme se rencontre, selon Callicott, lorsqu’une vision du monde (ou un paradigme) est en train de s’effacer alors que la suivante ne s’est pas encore clairement mise en place. On est alors placé devant l’effritement des certitudes anciennes, sans aucun repère pour les recomposer : la postmodernité déconstruit la modernité, sans rien proposer à la place, sinon le chaos. Le pluralisme est, pour Callicott, synonyme de relativisme ou de scepticisme. Il conduit au cynisme moral : Callicott l’accuse de favoriser la « promiscuité morale15 »: devant la pluralité indifférente des règles ou des conceptions morales, chacun choisira celle qui conforte le plus son propre intérêt. Quand le pluralisme moral s’impose, par exemple à travers la déconstruction, la morale disparaît : ce n’est pas l’argumentation rationnelle qui décide de ce qui est juste, mais l’intérêt, ou les rapports de force16.
16On comprend que, dans ces conditions, Callicott considère le pluralisme affiché par Stone comme une démission qui le rend incapable de répondre au défi qu’affrontent les éthiques environnementales : comment arbitrer entre les conflits de valeurs ou de devoirs ? Le problème est réel, s’agissant des éthiques environnementales. La critique qui leur est souvent adressée est que, en étendant le champ de la considération morale (des hommes aux animaux, aux végétaux, ou même aux ensembles abiotiques comme les écosystèmes...), on suscite des concurrents aux hommes dont, par ailleurs, en les généralisant, on affaiblit les droits. En multipliant les « clients » moraux, on multiplie les conflits possibles, et, en affaiblissant les droits de tous, on met les hommes en position de faiblesse : ils sont susceptibles d’être sacrifiés à des valeurs intrinsèques non humaines. Ainsi se met en place la querelle entre un humanisme et un environnementalisme accusé, comme le dit Callicott, d’être par trop « misanthrope17 ».
17En optant pour le pluralisme, Stone peut considérer qu’il donne des gages à ceux qui s’inquiètent de la concurrence des nouveaux « clients » : les affaires seront traitées de façon compartimentée, les relations entre les hommes d’un côté, les relations avec la nature ou les animaux de l’autre, on ne mélangera pas tout. Mais cela conduit plus à masquer les conflits qu’à les éviter véritablement : pourquoi, sur la question du dépôt de déchets toxiques, par exemple, considérer comme allant de soi qu’elle relève d’un traitement utilitariste ? Il ne s’agit pas seulement du plus grand bonheur du plus grand nombre d’hommes, mais aussi de la santé des écosystèmes menacés par le dépôt de déchets : un léopoldien peut avoir son mot à dire sur cette question aussi, pas seulement sur la gestion des espaces protégés. Et, quand les conflits sont manifestes (comme dans le cas du bison), Callicott peut objecter que le morcellement moral conduit à la décision arbitraire, pas au juste arbitrage. L’ambition de Callicott est de proposer une vision morale suffisamment intégratrice (ou « compréhensive ») pour que l’on puisse rapporter les différentes valeurs les unes aux autres, sur une base commune. Si le pluralisme consiste en l’affirmation de l’incommensurabilité des valeurs, Callicott appelle à sortir du pluralisme : il s’agit, dit-il, de « peser ou de comparer » nos différentes valeurs ou nos différentes obligations, « avec des termes qui les rendent commensurables18 ».
18Le dénominateur commun, qui permet de rapporter les unes aux autres des valeurs jusque-là incommensurables, c’est celui de la « communauté19 ». Callicott propose, pour les conflits de valeurs qui accompagnent l’entrée en scène de l’éthique environnementale, une solution qu’il dit « communautarienne20 ». Elle consiste à envisager les conflits de valeurs comme des conflits entre les devoirs qu’engendre la multiplicité de nos appartenances communautaires et à trouver le moyen d’ordonner ces différents devoirs. Il prend l’exemple de la chouette tachetée (spotted owl : un cas de protection des espèces célèbre aux États-Unis) dont l’existence est menacée par l’exploitation des forêts du Nord-Ouest du Pacifique. Faut-il, pour protéger la chouette, interdire cette exploitation, mettant en péril le gagne-pain des bûcherons qui y travaillent21 ? Pour Callicott, ce problème met en jeu deux appartenances : celle à la communauté des humains, d’une part, celle à la « communauté biotique » plus large que les humains forment avec leur environnement, d’autre part. En règle générale, les devoirs les plus stricts sont à l’égard de ceux qui nous sont le plus proches : nous devons plus aux humains qu’au reste de la nature. Les hommes sont ainsi à l’abri des effets potentiellement destructeurs des exigences environnementales. Mais des obligations même secondaires (parce que engageant une communauté plus lointaine) peuvent l’emporter sur l’obligation à l’égard des proches, si l’enjeu est plus grave. On fera donc passer la protection de la chouette, dont la survie est en jeu, avant l’emploi des bûcherons dont la vie n’est pas en danger et qui peuvent bénéficier de plans de restructuration économique.
19Callicott nomme « holiste » cette morale qui insiste sur l’appartenance communautaire et se donne comme objet l’emboîtement hiérarchique des communautés. Il en trouve l’origine dans la théorie des sentiments moraux de Hume (pour qui nous pouvons avoir des sentiments moraux pour la communauté sociale comme telle et pas seulement pour les individus qui la composent) et dans la théorie de Darwin, exposée dans la Filiation de l’homme, selon laquelle il y a eu sélection, à l’intérieur des populations animales, puis des sociétés humaines, de conduites de coopération entre les membres d’une même communauté. Il trouve chez Leopold, dans une morale qui évalue une action en fonction de son effet sur la communauté biotique (« une chose est juste lorsqu’elle tend à préserver l’intégrité, la beauté et la stabilité de la communauté biotique22 »), une reformulation de ce courant à partir des connaissances écologiques (sur l’interdépendance des êtres dans la relation avec leur milieu naturel, et sur la communauté qu’ils forment) qui en fait une éthique environnementale (Land Ethic).
20Telle est donc la solution moniste de Callicott : une « philosophie morale une » (a single moral philosophy) qui permet d’unifier une multiplicité de communautés morales23. Callicott peut faire valoir que la règle hiérarchique de cette morale holiste est préférable à l’« ordre lexical » proposé par les morales individualistes pour régler les conflits de valeurs et auquel Stone doit avoir recours. Si l’on envisage l’ordre lexical de la façon dont Rawls le propose (« C’est un ordre qui demande que l’on satisfasse d’abord le principe premier avant de passer au second24 » et ainsi de suite25), c’est une solution assez rigide : tous les cas qui relèvent du principe premier passeront avant ceux qui relèvent du principe second. Pour illustrer cela à l’aide de la métaphore alphabétique évoquée par le terme de lexical : tout ce qui commence par A passe avant tout ce qui commence par B. Azyz est toujours rangé avant Baal. Dans l’ordre hiérarchique proposé par Callicott, l’obligation propre à une communauté de second rang, si elle est mieux placée dans l’ordre des devoirs de cette communauté que ne l’est à l’intérieur de sa propre communauté une obligation d’une communauté de rang supérieur, passera quand même avant. Baal peut passer avant Azyz. La chouette peut être préférée aux bûcherons. Par là, les humains sont bien reconnus comme les valeurs de premier rang (et Callicott répond ainsi à l’accusation d’éco-fascisme lancée contre lui26), mais les chouettes ne sont pas toujours laissées de côté. Valeurs humaines et valeurs naturelles peuvent coexister dans un même système, dans une même vision du monde.
21Cela suppose que l’on trouve la vision intégratrice qui permet d’ordonner les différentes communautés et de les rapporter les unes aux autres. C’est ce qui fait la différence entre Callicott et les communautariens orthodoxes (ceux qui ne parlent que des communautés humaines, historiques). Il n’insiste pas seulement sur la diversité ou la multiplicité des appartenances, il cherche le schéma qui les intègre toutes. C’est pourquoi il n’est pas pluraliste (comme le sont les communautariens) mais moniste. La hiérarchie des obligations (le proche avant le lointain) suppose un ordre inverse, qui est celui des intégrations (l’englobé dans l’englobant27). Pour confronter les chouettes et les bûcherons, il faut comprendre qu’une communauté humaine (un village forestier de la côte ouest des États-Unis) fait partie d’un ensemble plus vaste, qui est lui-même une communauté, mais qui cette fois mêle les humains à des vivants naturels (la forêt, les populations animales et végétales qui s’y trouvent). C’est cette recherche du niveau intégrateur que présente l’historiette célèbre de Leopold, « Penser comme une montagne28 ». Pour comprendre que les chasseurs (humains) ont tort de vouloir se débarrasser des loups pour pouvoir tuer plus de daims, il faut se placer au niveau de la montagne (d’un ensemble d’écosystèmes) : c’est là que l’on verra les effets de la destruction des loups : pullulation des daims, disparition du couvert végétal et reprise d’érosion, diminution subséquente des populations d’ongulés... La crise environnementale se situant de plus en plus à un niveau global, cette intégration qui, chez Leopold, n’est mise en évidence qu’à un niveau local est transférée à la biosphère entière : dans ses travaux récents, Callicott redonne de l’importance à l’hypothèse Gaïa, à la Terre comme un organisme vivant, peut-être doté d’une âme. C’est à ce niveau-là que l’on peut mesurer les effets des actions humaines et appliquer la maxime de Leopold : l’objectif est de « préserver l’intégrité, la stabilité, la beauté »... de la biosphère29.
22L’hypothèse Gaïa, pour liée qu’elle soit aux développements scientifiques récents de l’étude de la biosphère, reprend cependant, en affirmant que la Terre est un organisme vivant, une idée déjà présentée par Platon dans le Timée. En conjurant les hommes d’orienter leurs activités afin de préserver la biosphère, Callicott, grand admirateur de Platon, pourrait reprendre à son compte l’injonction que celui-ci met dans la bouche de Socrate s’adressant à Calliclès : « À ce qu’assurent les savants, le ciel et la terre, les dieux et les hommes sont liés entre eux par une communauté, faite d’amitié et de bon arrangement, de sagesse et d’esprit de justice, et c’est la raison pour laquelle, à cet univers, ils donnent le nom de cosmos, d’arrangement, et non celui de dérangement, non plus que de dérèglement30. » Le monisme de Callicott a d’illustres antécédents.
23À ceux qui s’inquiètent de ce que ce monisme expose à des dérives autoritaires, on peut faire plusieurs remarques. L’ordre hiérarchique proposé par Callicott permet une grande variété de relations et n’impose jamais une solution unique : ce n’est pas un algorithme rigide. Suivant les cas, l’ordre des préséances varie. C’est pourquoi Peter Wenz prête à Callicott un « pluralisme moral minimal », qu’il retrouve d’ailleurs dans toutes les théories monistes : aucune ne tranche absolument, pas même la morale kantienne31. Cependant, nous voyons là moins une affirmation minimale de pluralisme que la reconnaissance que l’on ne peut pas être, même si l’on est kantien, complètement absolutiste. Et une position conséquentialiste comme celle de Callicott (la formule de Leopold se règle sur l’appréhension des conséquences) ouvre à la diversité des cas32. Pourtant, si la diversité des cas multiplie les solutions, Callicott laisse entendre que, pour chaque cas, il n’est qu’une solution. Mais cela tient non pas tant à ses positions morales qu’à ses conceptions scientifiques : le régime de la science, pour Callicott, n’est certes pas celui des controverses, la science tend à la vérité, au moins à l’intérieur d’un paradigme33. Il en résulte que, si imposition d’un modèle unique il risque d’y avoir, cette imposition ne relève pas de la violence politique mais de l’autorité des savants.
24S’ils ne peuvent pas être dits fascistes, cet autoritarisme du vrai, cette dictature platonicienne des savants ne sont pas très engageants34. Mais Callicott tient à nous rassurer. S’il est hostile au pluralisme intrapersonnel (qui expose la sénatrice aux troubles mentaux), il s’affirme ferme partisan du pluralisme interpersonnel, qui reconnaît à chacun le droit d’avancer la conception de son choix ou de sa conviction, et pose que la philosophie morale ne peut que profiter de la diversité des contributions et ne peut progresser que par la libre discussion et l’argumentation rationnelle entre les différentes positions35. Nous voilà donc revenus à la démocratie et à la coexistence de conceptions multiples (du vrai, comme du bien). Mais suffit-il d’accepter, c’est-à-dire de tolérer, la coexistence ? Ne faut-il pas rechercher la coopération ? C’est sur cette proposition que le pluralisme pragmatiste d’Andrew Light s’appuie.
ANDREW LIGHT : PLURALISME ET PRAGMATISME
25Rebondissant sur le « pluralisme interpersonnel » de Callicott, Andrew Light suggère de passer de la « tolérance » à la « coopération » en faisant appel à la plus grande variété possible de justifications des valeurs environnementales pour les mettre au service de la protection de la nature36. Son article adopte donc une position ouvertement pluraliste : il ne se contente pas de constater la diversité des valorisations de la nature, il montre qu’elle est un avantage : plus on trouvera de raisons de protéger la nature, mieux on le fera. Il élargit le champ du pluralisme du côté du multiculturalisme : chaque culture établit un certain rapport à son environnement et à la façon de le valoriser. En affirmant, à la suite d’Arne Naess, que la diversité culturelle fait partie de la biodiversité, « de la richesse et de la diversité des formes de vie sur Terre37 », il ajoute même un argument naturaliste à la valorisation du pluralisme culturel et moral38.
26Bien loin de chercher la théorie intégratrice, capable de ramener à l’unité la multiplicité des appartenances, Light en appelle à diversifier au maximum les approches. Ce retournement du monisme au pluralisme passe par un changement radical de perspective. Il faut substituer la pratique à la théorie. D’où la référence au pragmatisme39. Le débat doit être restructuré autour d’objectifs pratiques : la pierre de touche pour juger des positions en présence sera leur efficacité pratique. Light dénonce tout particulièrement le sectarisme des pères fondateurs de l’environnementalisme (Callicott, Rolston) pour qui seuls comptent les arguments non anthropocentriques et qui font peser la suspicion sur toute justification prudentielle (donc anthropocentrique) de la protection de la nature. Il faut mettre fin aux divisions, affirme-t-il, et, à la suite de Bryan Norton (le premier environnementaliste à s’être réclamé du pragmatisme), il en appelle à l’unité des environnementalistes autour d’un objectif commun40.
27En défendant donc, au nom du « pluralisme pratique », le « besoin de faire travailler ensemble diverses théories divergentes à une seule et même entreprise41 », Light s’oppose à Callicott tout en se démarquant du pluralisme extrême, intrapersonnel de Stone : il ne s’agit pas, pour un même agent, de changer de théorie morale suivant la situation, mais d’encourager les théoriciens à coordonner une diversité d’arguments au service des mêmes fins. Mais s’il rejette le pluralisme tel que le présente Stone, il retient un de ses arguments : celui de la convergence des valeurs. Un même objectif ou une même action peuvent avoir plusieurs justifications. Bien loin de rejeter les arguments en faveur de la protection de la nature que leur provenance anthropocentrique rendrait suspects (comme les environnementalistes figés dans leur rejet de l’anthropocentrisme sont accusés de le faire), Light (comme Norton et les autres pragmatistes) en appelle à toutes les justifications possibles du moment qu’elles ne sont pas compromises par des engagements intolérables (fascistes par exemple) et qu’elles visent la même fin. Plus les justifications seront nombreuses, mieux cela sera ! Aussi ne faut-il pas chercher à convertir à une théorie préexistante ceux qui se montreraient réticents devant cet objectif : il faut trouver des arguments qui soient recevables dans leurs propres conceptions morales et enrichir de la sorte l’argumentation en faveur de l’environnement.
28L’objectif est donc de former le « consensus moral le plus large » autour des fins environnementales42, d’y rallier le plus vaste public possible. Lorsque Andrew Light soupçonne Callicott de ne pas avoir les mêmes préoccupations43, il n’a sans doute pas tort. Sans doute Callicott ne dédaigne-t-il pas d’établir le consensus le plus large autour des objectifs environnementaux, mais son souci premier est celui de la vérité. Celui d’Andrew Light est à la fois pratique et politique. Il est visiblement persuadé qu’il est plus facile de réaliser un accord sur des questions pratiques (des objectifs précis) que sur des questions théoriques, du moment que l’on accepte de ne pas faire des divergences théoriques une affaire de principe. Il y a, pour un pragmatiste, une dynamique heuristique de l’engagement dans l’action : celle-ci Fait appel à toutes les bonnes volontés (chacune avec ses théories justificatives), et les valeurs, ainsi mobilisées dans leur pluralité, contribuent à une meilleure connaissance de la situation. C’est pourquoi les pragmatistes remettent en cause la séparation entre faits et valeurs : les valeurs ne sont pas indépendantes des faits, elles aident à les connaître, et ce que nous appréhendons, c’est, indissociablement, des faits et des valeurs.
29On devrait ainsi pouvoir arriver, grâce à la convergence des valeurs, à un accord politique. L’objectif est de sortir les environnementalistes de leur isolement. Lorsqu’elles ne sont pas considérées comme dangereuses pour les hommes, les éthiques environnementales les plus radicales (celles qui rejettent l’anthropocentrisme) sont souvent assimilées, par leurs critiques, à des positions religieuses, et donc considérées comme des convictions privées qui ne peuvent avoir place dans le débat public. Philippe Van Parijs écrit ainsi : « Exiger un respect pour la Nature comme telle, indépendamment de l’intérêt que celle-ci présente pour l’homme [...] n’a pas d’autre poids, dans une société pluraliste, que le respect qu’une communauté de croyants exige pour les commandements de son Dieu : décisif s’il s’agit de déterminer le sens de sa vie ou la source de ses engagements, nul dès que l’on quitte le domaine de l’éthique privée pour établir par le débat public les règles qu’il est équitable que la société impose à tous ses membres44. » L’approche pluraliste des pragmatistes peut être considérée comme une tentative pour faire entrer les valeurs environnementales dans le débat public.
30Cette tentative réussit-elle ? Il faudrait pouvoir comprendre de plus près ce que représentent « former » ou « construire » un consensus sur les objectifs environnementaux, ce sur quoi les textes pragmatistes ne sont pas très explicites, ne serait-ce que parce qu’ils présupposent ce qu’il faudrait montrer (et analyser) : qu’il existe, au-delà des positions sectaires et militantes, un intérêt partagé pour la protection de la nature et qui ne demande qu’à s’étendre. Quoi qu’il en soit, le consensus que cherchent à établir les pragmatistes satisfait aux conditions posées par Van Parijs : l’accord se fait sur la diversité des intérêts que les hommes peuvent trouver à la nature, pas sur sa valeur intrinsèque. Le pragmatisme, dans les questions environnementales, se présente sous la forme de ce que Bryan Norton appelle « anthropocentrisme faible » ou élargi45. Il s’agit de remettre en cause l’opposition tranchée entre valeurs instrumentale et intrinsèque, sur laquelle s’est appuyé le rejet de l’anthropocentrisme, en montrant la diversité des valeurs instrumentales. Toute instrumentalisation de la nature n’implique pas son mépris ou sa destruction. La valorisation esthétique, religieuse ou scientifique de la nature est sans doute instrumentale mais elle conduit à sauvegarder la nature, nullement à la détruire. Les valeurs convoquées par les pragmatistes dans le débat public sont peut-être diverses, mais elles sont toutes anthropocentristes (c’est cela qu’ils appellent renoncer à faire des divergences théoriques une affaire de principe).
31Il n’est donc de pluralisme qu’anthropocentrique. Mais s’agit-il encore de pluralisme ? L’hypothèse de convergence suppose que les différentes valeurs ainsi rapportées les unes aux autres soient comparables. C’est ce dont se réjouit Dieter Birnbacher, philosophe utilitariste, adepte de l’hypothèse de convergence, qui explique que l’on ne peut raisonner, en matière environnementale comme ailleurs, qu’en ayant recours à la quantification. C’est ce qu’il appelle introduire un « certain degré de rationalité “économique” dans l’éthique46 ».’Mais si les valeurs sont ainsi non seulement comparables mais même commensurables, qu’en est-il du pluralisme ? Les valeurs ne sont-elles pas réduites à de simples préférences, substituables, et leur comparaison ne risque-t-elle pas de prendre la forme d’un calcul coûts/avantages ?
32Bryan Norton ne va pas jusque-là. Il sait très bien que, en matière de protection de la biodiversité, une comparaison coûts/avantages entre deux scénarios (entre un projet technologique entraînant des disparitions d’espèces et une opération de sauvegarde de ces espèces) se conclura presque toujours en faveur du premier, vu la difficulté qu’il y a à attribuer une valeur économique aux espèces menacées. Il rejette les calculs coûts/avantages en matière de protection de la biodiversité et ne s’en tient pas à l’uniformité des préférences (à leur indifférente différence). Il réintroduit une certaine diversité entre les valeurs, en distinguant entre les valeurs qui répondent à nos intérêts immédiats (ce qu’il appelle demand values) et celles qui ne nous apparaissent comme telles que si nous avons transformé nos préférences, par exemple en prenant en considération nos intérêts à long terme (ce qu’il appelle transformative values47.) Les valeurs environnementales sont de cette deuxième catégorie. On n’est plus dans la commensurabilité intégrale du calcul économique (qui nous paraît exclure tout pluralisme), mais on reste sinon dans le commensurable, du moins dans le comparable. S’il s’agit de pluralisme, ce ne peut être qu’un pluralisme faible, qui n’affirme pas l’irréductibilité des valeurs.
33À suivre Stone, l’existence même d’éthiques environnementales, qui ne peuvent être l’application d’aucun système moral préexistant, est une preuve supplémentaire de pluralisme. Mais la reprise de cette idée dans le débat sur le pluralisme, à l’intérieur des éthiques environnementales, conduit à un paradoxe. Ceux qui, comme Callicott, affirment la spécificité, l’irréductible de la visée éthique de l’environnementalisme rejettent le pluralisme. Ceux qui, comme les pragmatistes, prônent le pluralisme ne peuvent le faire qu’en rejetant ce qu’il y avait de plus différent dans les éthiques environnementales, leur mise en cause de l’anthropocentrisme, et sont finalement conduits à défendre un pluralisme faible, s’il s’agit même encore d’un pluralisme. Environnementalisme et pluralisme seraient-ils incompatibles ? Entre le holisme moniste et le réductionnisme économique, n’y aurait-il pas d’intermédiaire possible ?
CONCLUSION
34Le débat sur le pluralisme que mènent entre eux les environnementalistes n’est pas toujours facile à suivre. Cela tient d’abord à ce qu’ils n’entendent pas tous ce mot dans le même sens. Pour Stone, la pluralité est celle des disciplines ou des sous-disciplines : il existe plusieurs domaines éthiques, relativement indépendants. C’est une pluralité régionale. Callicott réagit à cela par une vision unifiée du monde. C’est à l’intérieur d’une même unité que doit coexister la pluralité des appartenances ou des devoirs. Il reconnaît par là une certaine pluralité morale, celle des obligations, qui ne sont pas automatiquement réductibles les unes aux autres. Cela suppose une hétérogénéité trop grande pour les pragmatistes, qui en reviennent à une pluralité moins tranchée, celle de la diversité des croyances humaines sur les valeurs naturelles. Ce qui est retrouver le sens que la philosophie morale dominante donne le plus souvent au pluralisme : la pluralité des croyances sur le bien. Mais cela conduit à ce résultat paradoxal que ceux qui se proclament le plus ouvertement pluralistes sont peut-être ceux qui le sont le moins, qui n’admettent qu’une faible différence entre ces croyances.
35Cependant, malgré ces malentendus sur le mot, un certain accord se dégage sur ce qui fait l’objet du débat : peut-on rapporter les unes aux autres valeurs humaines et valeurs naturelles, les valeurs que nous autres humains attribuons à nos propres activités et celles que nous attribuons (ou que nous reconnaissons) à la poursuite des processus naturels ? Pour Callicott (et plus généralement pour ceux qui rejettent l’anthropocentrisme), cette mise en relation ne peut être faite qu’au sein d’une entité naturelle dont les hommes font partie, mais qui les englobe. C’est dans la nature, au-delà de l’homme, que se découvre la mesure qui permet de rapporter les unes aux autres les différentes valeurs. Pour les anthropocentristes (et les pragmatistes ne sont pas les seuls à l’être, même s’ils sont les plus actifs), ce n’est pas la peine de chercher au-delà de l’humain. Comme l’écrit David Wiggins, « l’échelle humaine des valeurs n’est en aucune façon une échelle des valeurs humaines48 ». À cela, ceux qui rejettent l’anthropocentrisme peuvent objecter que, à remettre l’homme au centre de l’évaluation, à le considérer comme la mesure de toutes choses, ces valeurs seront des valeurs économiques et non morales, les entités ainsi valorisées auront peut-être un prix, mais pas une dignité49.
36Et le débat ainsi engagé n’est pas terminé. Pourquoi toute appréciation humaine des choses ne pourrait-elle être exprimée qu’en termes économiques ? La réflexion morale sur la justice a bien montré qu’un équilibre économique n’était pas synonyme de distribution juste, que la théorie du marché ne rendait pas inutile une théorie de la justice établie sur des principes moraux. En matière de justice, anthropocentrisme économique et humanisme moral doivent être distingués. Pourquoi en serait-il différemment en matière d’éthique environnementale ? Que les questions environnementales puissent être l’objet d’un traitement économique (comme le montre le fameux rapport Stern50) n’implique pas qu’il ne puisse pas y avoir aussi une élaboration morale de ces questions, qui ne relèvent pas uniquement d’une gestion économique51. La question de savoir comment peut être faite cette élaboration morale reste ouverte.
37On peut simplement suggérer une piste, pour avancer dans la discussion. Quelles que soient les positions adoptées (pour ou contre l’anthropocentrisme), la question débattue est celle de la pluralité des valeurs. À ceux qui affirment la plasticité de l’anthropocentrisme et disent que rien n’empêche les humains d’attribuer de la valeur à autre chose qu’eux, qu’il y a, d’un point de vue humain, des valeurs non humaines, on peut répondre qu’ils ne le reconnaîtraient peut-être pas si bien si les théoriciens de la valeur intrinsèque n’avaient, les premiers, attiré l’attention sur ce que l’on avait un peu tendance à négliger jusque-là : que les plantes, les oiseaux, les insectes, les paysages... méritent que l’on s’intéresse à eux, pour eux-mêmes, quelle que soit futilité que l’on peut y trouver. On reconnaîtra aux pionniers de l’environnementalisme d’avoir fait surgir des valeurs ignorées ou négligées, d’avoir été, en matière de valeurs aussi, des lanceurs d’alerte. Ils ont, de ce point de vue, contribué de façon décisive à l’enrichissement du pluralisme moral. Nous sommes, grâce à eux, plus riches en valeurs.
38Mais s’agit-il uniquement de valeurs ? La découverte des éthiques environnementales ne nous paraît pas seulement être qu’il y a, en sus des valeurs humaines, des valeurs naturelles. Elle est tout autant qu’il y a, en sus des évaluateurs humains, d’autres évaluateurs dans la nature. Du côté du biocentrisme, la multiplicité des valeurs intrinsèques, c’est la multiplicité des entités vivantes qui, pour se maintenir dans l’existence et se reproduire, valorisent leur environnement (l’utilisent à leur profit) et donc sont elles-mêmes des valeurs, c’est-à-dire des centres de valeur, des évaluateurs52. Du côté écocentrique, ce que découvre le chasseur dans la montagne, c’est que son point de vue sur le monde (il faudrait que les loups disparaissent pour qu’il puisse tuer plus de daims) n’est qu’un point de vue parmi d’autres, il y a aussi celui du loup et celui du daim... La montagne est l’ensemble qui intègre ces points de vue, ces modes de valorisation conflictuels. On peut lire cette intégration, comme le fait Callicott, du côté d’une lecture scientiste, objectiviste de l’unité naturelle ainsi dégagée. On peut la lire dans un autre sens, du côté de la communauté, c’est-à-dire d’un ensemble social. La pluralité, alors, n’est plus celle des valeurs, mais celle des évaluateurs. Peut-on faire société entre les humains et les non-humains53 ? La question de la pluralité, alors, ne serait pas celle des conceptions du bien, mais celle des conceptions du juste.
Notes de bas de page
1 Pour une introduction francophone à cette réflexion morale, voir C. Larrère, Les philosophies de l’environnement, Paris, PUF, 1997 ; ou H. S. Afeissa (dir.), Éthique de l’environnement, Paris, Vrin, 2007.
2 C. D. Stone, Should Trees Have Standing ? Toward Legal Rights for Natural Objects, Los Altos, William Kaufmann, 1974.
3 C. D. Stone, « Moral pluralism and the course of environmental ethics », dans A. Light et H. Rolston (dir.), Environmental Ethics, an Anthology, Oxford, Blackwell, 2003.
4 C. D. Stone, Earth and Other Ethics : The Case for Moral Pluralism, New York, Harper and Row, 1987.
5 Where does environmental ethics situate itself within the larger world of moral philosophy ? C. D. Stone, « Moral pluralism and the course of environmental ethics », art. cité, p. 193.
6 Callicott conclut ainsi sa revue : One begins to wonder why our best, most systematic and thoroughgoing environmental philosophers cling to moral monism (J. B. Callicott, « The case against moral pluralism », dans A. Light et H. Rolston (dir.), Environmental Ethics, an Anthology, op. cit., p. 208).
7 M. Canto-Sperber et R. Ogien, La philosophie morale, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2004.
8 C. D. Stone, « Moral pluralism and the course of environmental ethics », art. cité, p. 196.
9 Ce que confirme la récente crise alimentaire, où l’augmentation du prix des céréales, dont souffrent les populations les plus pauvres, est le résultat de l’accroissement de la demande pour les céréales consacrées à l’alimentation du bétail, en conséquence de l’accès des classes moyennes des pays émergents à une consommation carnée.
10 Montesquieu, dans la Défense de l’Esprit des lois (où il répond aux critiques de l’Église), montre ainsi qu’en matière de politique on a rarement à choisir entre le bien et le mal, le blanc et le noir. Il arrive plus souvent qu’il faille, parmi les solutions possibles, retenir la moins mauvaise. D’où l’importance d’une évaluation normative attentive aux nuances et capable de saisir les différences, pas seulement les oppositions tranchées.
11 S.P. Wenz, « Minimal, moderate and extreme moral pluralism » dans A. Light et H. Rolston (dir.), Environmental Ethics, an Anthology, op. cit., p. 222-223.
12 J. B. Callicott, « Moral monism in environmental ethics defended », Beyond the Land Ethics. More Essays in Environmental Philosophy, Albany, State University of New York Press, 1999.
13 J.B. Callicott, « The case against moral pluralism », art. cité, p. 205.
14 Sur ce point, voir C. Larmore, Modernité et Morale, Paris, PUF, 1993.
15 One problem with moral pluralism [...] is that it invites a kind of moral promiscuity (J. B. Callicott, « The case against moral pluralism », art. cité, p. 209).
16 Deconstructive postmodern differance is also, in my opinion, untenable – because its endpoint is the doctrine that might [power], not argument determines what is right (J. B. Callicott, « Moral monism in environmental ethics defended », art. cité, p. 175).
17 J. B. Callicott, « The case against moral pluralism », art. cité, p. 205.
18 J. B. Callicott, « Moral monism in environmental ethics defended », art. cité, p. 173.
19 The common denominator is the community concept (ibid., p. 177).
20 A form of communitarianism (ibid., p. 173).
21 Ibid., p. 174.
22 A. Leopold, Almanach d’un comté des sables, trad. A. Gibson, Paris, Aubier, 1995 [1949].
23 J. B. Callicott, « The case against moral pluralism », art. cité, p. 214.
24 J. Rawls, Théorie de la justice, trad. C. Audard, Paris, Seuil, 1987 [1971], p. 68.
25 Stone emploie l’expression d’« ordre lexical » et Callicott lui répond en la reprenant. Aucun des deux ne fait référence à Rawls. Le rapprochement est donc de notre fait.
26 J. B. Callicott, « Holistic environmental ethics and the problem of ecofascism », Beyond the Land Ethics. More Essays in Environmental Philosophy, op. cit., p. 59-76.
27 Si l’on suit la définition que donne Louis Dumont de la relation hiérarchique (l’« englobement du contraire »), on peut dire que c’est le niveau dernier d’englobement qui fixe le rang des englobements subordonnés. Ce n’est pas forcément complètement rigide : il peut y avoir des renversements de hiérarchie (ce que, en théorie des systèmes, on appelle des « hiérarchies enchevêtrées »),
28 A. Leopold, Almanach d’un comté des sables, op. cit., p. 168-172.
29 J. B. Callicott, « The future of environmental philosophy », Ethics and the Environment, The Future of Environmental Philosophy, 12 (2), 2007 p. 119-122.
30 Platon, Gorgias, Paris, Flammarion, coll. « Garnier-Flammarion », 1987, 507e-508a.
31 S. P. Wenz, « Minimal, moderate and extreme moral pluralism », art. cité, p. 220-222 ; J. B. Callicott, « Moral monism in environmental ethics defended », art. cité, p. 171-172.
32 C. Larrère, « L’éthique environnementale : axiologie ou pragmatisme ? », dans A. Leroux et P. Livet (dir.), Leçons de philosophie économique, Paris, Economica, 2006, p. 218-240.
33 J. B. Callicott, « Moral monism in environmental ethics defended », art. cité, p. 177-179.
34 C. Larrère et R. Larrère, Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l’environnement, Paris, Aubier, 1997 ; B. Latour, Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, 1999.
35 J.B. Callicott, « Moral monism in environmental ethics defended », art. cité, p. 175.
36 From toleration [...] to coopération (A. Light, « The case for practical pluralism », dans A. Light et H. Rolston (dir.), Environmental Ethics, an Anthology, op. cit., p. 236).
37 Arne Naess, cité dans A. Light, « The case for practical pluralism », art. cité, p. 242.
38 Callicott n’ignore ni la diversité culturelle du rapport à l’environnement (à laquelle il a consacré un livre : Earth’s Insights : A Multicultural Survey of Ecological Ethics from the Mediterranean Basin to the Australian Outback, Berkeley, University of California Press, 1994), ni la liaison entre diversité culturelle et diversité biologique (« Diversité culturelle », dans C. Larrère (dir.), Nature vive, Paris, Muséum national d’histoire naturelle/Fernand Nathan, 2000), mais il n’en parle pas dans ses articles sur le pluralisme. Cela compliquerait encore son modèle multicommunautaire, qui est déjà assez complexe.
39 A. Light et E. Katz (dir.), Environmental Pragmatism, Londres, Routledge, 1996.
40 B.G. Norton, « Environmental ethics and weak anthropocentrism », Environmental Ethics, 6, 1984, p. 131-148 (trad. H.S. Afeissa, « L’éthique environnementale et l’anthropocentrisme faible », dans H. S. Afeissa (dir.), Ethique de l’environnement, op. cit., p. 249-284).
41 A. Light, « The case for practical pluralism », art. cité, p. 235.
42 Forming a moral consensus about environmental issues (ibid., p. 233).
43 Maybe the issue of how pluralism could build a moral consensus on the same ends is not a concern for him (ibid., p. 235).
44 F. de Roose et P. Van Parijs (dir.), La pensée écologique. Essai d’inventaire à l’usage de ceux qui la pratiquent comme de ceux qui la craignent, Bruxelles, De Boeck, 1991. Même argument chez F. Blais et M. Filion, « De l’éthique environnementale à l’écologie politique. Apories et limites de l’éthique environnementale », Philosophiques, 28 (2), 2001, p. 255-280.
45 B. G. Norton, « Environmental ethics and weak anthropocentrism », art. cité.
46 D. Birnbacher, « Éthique utilitariste et éthique environnementale – une mésalliance ? », Revue philosophique de Louvain, 3, 1998, p. 432.
47 B. G. Norton, Why Preserve Natural Variety ?, Princeton, Princeton University Press, 1987, p. 212.
48 D. Wiggins, « Nature, respect for nature, and the human scale of values », Proceedings of the Aristotelian Society, 100, 2000, p. 16. Cité par D. Jamieson, Ethics and the Environment, an Introduction, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 155.
49 Voir le débat entre Callicott et Norton sur ce point ; A. I. Cohen et C. H. Wellman (dir.), Contemporary Debates in Applied Ethics, Oxford, Blackwell, 2005.
50 N. Stern, The Economics of Climate Change, Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
51 Sur ce point, voir par exemple D. Jamieson, Ethics and the Environment, an Introduction, op. cit.
52 C. Larrère et R. Larrère, Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l’environnement, op. cit. ; C. Larrère, « L’éthique environnementale : axiologie ou pragmatisme ? », art. cité.
53 C’est vers cet élargissement des communautés humaines aux non-humains que s’orientent aussi bien Bruno Latour (Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, op. cit.) que Philippe Descola (Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005).
Auteur
Catherine Larrère est professeur émérite à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Spécialiste de philosophie morale et politique, elle s’intéresse aux questions éthiques et politiques liées à la crise environnementale et aux nouvelles technologies (protection de la nature, prévention des risques, développement des biotechnologies). Elle a publié notamment L’invention de l’économie. Du droit naturel à laphysiocratie (Paris, PUF, 1992) ; Actualité de Montesquieu (Paris, Presses de Sciences-Po, 1999) ; Les philosophies de l’environnement (Paris, PUF, 1997), Du bon usage de la nature. Pour une philosophie de l’environnement (en collaboration avec Raphaël Larrère, Paris, Aubier, 1997 ; rééd. Paris, Flammarion, 2009) ; elle a codirigé les ouvrages suivants : La crise environnementale (en collaboration avec Raphaël Larrère, Paris, Éditions de l’INRA, 1997) ; Nature vive (Paris, MNHN-Fernand Nathan, 2000).
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