Spinoza ou la puissance de la traduction
p. 377-391
Texte intégral
L’idéologie classique de la traduction
1Si l’on parcourt les textes par lesquels les traducteurs tentent de justifier leur pratique on retrouve souvent les mêmes thèmes :
Le présupposé de l’unité du texte : une unité de langue, de thème, etc.
Un idéal de traduction comme système d’équivalences ou de correspondances réglées qui entend restituer dans la langue cible un texte équivalent à celui qui est écrit dans la langue source.
Dans le cas d’un texte théorique : des exigences supplémentaires de rigueur, d’exactitude, de précision plus fortes que le souci d’élégance, le langage devant être mis au service du concept.
Un aveu d’impuissance : l’incapacité inévitable du traducteur à remplir convenablement ce programme donne lieu à un discours auto-dévalorisateur ou défaitiste qui souligne l’impossibilité de conserver tous les aspects du texte. D’où les remarques sur l’irréductibilité des génies des langues, sur la singularité culturelle de chacune, sur le caractère intraduisible de tel ou tel jeu de mots, ambivalence, etc. immédiatement compensé par une traduction effective et une note en bas de page1. Il est clair que toute pratique de traduction donne lieu à des choix qui sont d’autant plus « douloureux » qu’ils sont exprimés en termes d’impuissance, parce qu’on a d’abord postulé une homogénéité et une clarté supérieures du texte source, particulièrement du texte philosophique. Toutefois quiconque a pratiqué tant soit peu la traduction sait bien que traduire c’est choisir et donc aussi abandonner mais — et plus particulièrement dans le cas de la traduction philosophique — que cela peut être aussi choisir et abandonner en connaissance de cause, pour des raisons méditées et clairement élucidées. Aussi voudrions-nous faire ici l’hypothèse inverse : analyser la pratique de la traduction — sous le double aspect de la lecture de textes philosophiques traduits par d’autres et de l’élaboration d’une nouvelle traduction d’un texte plusieurs fois traduit — en termes de productivité et de puissance, non point tant du traducteur bien sûr que de l’activité même de traduction. Cette hypothèse, pour le dire vite, consistera à poser qu’une traduction, menée selon les règles de scientificité et de rigueur requises, loin d’être une trahison constitue une nouvelle chance, une interprétation révélatrice (au sens photographique) du texte et que la meilleure façon de connaître un texte, c’est encore de le traduire. Pour justifier cette perspective nous commencerons par prêter attention à quelques remarques de Spinoza sur le langage et la compréhension d’un texte, puis nous expliciterons sur quelques exemples des problèmes propres à la traduction philosophique pour montrer combien est forte l’interaction entre l’analyse systématique du texte et le travail de traduction.
I. Remarques spinoziennes sur le langage et la lecture
2Bien que lisant plusieurs langues (latin, néerlandais, hébreu, espagnol...) et en écrivant plusieurs (latin, néerlandais) Spinoza n’a pas écrit spécifiquement sur la question de la traduction et n’a pas exercé, à la différence de bon nombre de ses amis et proches (L. Meyer, Glazemaker,...) une activité de traducteur2, quoiqu’il ait suivi de près la traduction en néerlandais, par Balling, des Principia de Descartes et refusé la publication d’une traduction néerlandaise du TTP. Il a toutefois accordé une certaine importance aux modalités d’expression et aux conditions de bonne lecture d’un texte dans des passages qui, pour être incidents, peuvent toutefois servir d’entrée à notre réflexion.
Nimis noti
« Horum definitiones omisi, quia nimis noti sunt »3.
3De la définition de l’orgueil (déf. 28), Spinoza déduit le plaisir que l’orgueilleux trouve à la compagnie des flatteurs et des parasites en soulignant, dans une parenthèse de la démonstration, qu’il a omis de définir ces deux termes parce qu’ils sont trop connus. En quoi le trop connu dispense-t-il de l’exigence d’élucidation complète et que nous apprend cette remarque incidente sur l’un des problèmes que rencontre la traduction, à savoir comment garantir exactitude et précision ? Le syntagme « parasites et flatteurs » (parasiti seu/vel adulati), dans un contexte où il est question d’orgueil, de vaine gloire, de faveur recherchée, de courtisanes follement aimées... fait surgir immédiatement à l’esprit les images familières à la comédie, tant latine que moderne4, du bouffon, du pique-assiette, thuriféraire éhonté de l’hôte riche et ridicule qui l’entretient. Alors que de certains objets du discours5, il faudrait pouvoir tout expliciter parce que le langage est toujours en-deça du degré d’exactitude et de précision requis, dans le contexte de la « comédie humaine » l’ellipse-même surabonde de sens et d’expressivité. Or, si nous prenons garde que cette remarque incidente sur l’inutilité d’une définition du bien ou trop connu, prend place dans une démonstration more geometrico d’un phénomène d’observation courante : que l’orgueilleux aime la présence des parasites ou des flatteurs et qu’il hait celle des généreux, nous en induisons que le langage spécifique de la démonstration6 ne prend son sens qu’à l’intérieur d’un univers de discours déjà présent dans l’esprit du lecteur. La compréhension du texte ne requiert pas seulement la connaissance commune (ou savante d’ailleurs) de la langue du texte (vocabulaire, syntaxe, tours de langue, idiotismes...) mais encore le partage d’un certain univers culturel dont la langue est le vecteur privilégié7, avec ses références et ses évocations spontanées, ses connotations immédiates, positives, négatives ou neutres, de tel ou tel terme, ses associations culturelles, bref son inscription dans une tradition tant parlée qu’écrite. C’est en ce sens notamment qu’il faut comprendre le refus spinozien de traiter du Nouveau Testament comme il a pu traiter de l’Ancien parce que, dit-il, « je n’ai pas moi-même une connaissance assez complète de la langue grecque pour me risquer dans cette entreprise »8. Non qu’il soit incapable de lire le grec, mais parce qu’il ne baigne pas dans la tradition culturelle du grec comme il le fait pour celle du latin ou de l’hébreu.
4Cette remarque peut nous amener à penser que la structure sémantique d’un signe requiert non pas trois mais quatre pôles : le signifiant, le signifié, le référent et en quatrième lieu la « réserve culturelle » du mot ou de l’expression. Il ne faut pas entendre par là seulement la connotation9, mais l'horizon de sens qui pour certains mots déterminés — et assurément pas pour tous — résulte de leur inscription dans une tradition spécifique. C’est le cas par ex. de fortuna qu’on sera amené à traduire par fortune (et non par sort, chance, hasard) pour en exprimer le sens technique, lequel résulte d’une transformation d’un héritage historique qui renvoie à Tacite, Quinte-Curce, Machiavel. Entre le lecteur et l’auteur existe, en certains lieux et moments du texte, outre la communauté de langue, une communauté d’univers de discours qui renvoie à des traditions partagées et qui dispense de définir certains termes, pourtant abondamment chargés de sens immédiat et de propriétés dérivées, parce qu’ils sont bien et même trop connus.
5Cette dispense ne vaut évidemment pas pour tous les termes, mais pour quelques-uns et dans quelques domaines bien déterminés. Dans la mesure où cette connivence spontanée entre un auteur-lecteur du XVIIe et un lecteur du XXe siècle risque fort d’avoir disparu, une des difficultés de la traduction consistera à repérer ces termes et les langages intermédiaires10 qui leur correspondent et à procurer quelque équivalent de cette anticipation de sens.
Le modèle de l’interprétation de l’écriture
6Dans le chapitre VII du TTP consacré à l’interprétation de l’Écriture, Spinoza, après avoir énoncé les règles de sa méthode, se livre à quelques réflexions sur la différence entre un ouvrage de fiction (le Roland furieux) et un texte théorique (les Éléments d’Euclide) pour souligner la supériorité de ce dernier genre eu égard à la traduction :
« Euclide qui n’écrivit que des choses très simples et fort intelligibles est facilement compris par chacun en n’importe quelle langue. Pour comprendre sa pensée et être certain de son vrai sens, point n’est besoin d’avoir une connaissance parfaite de la langue dans laquelle il a écrit, mais seulement d’en avoir une connaissance tout ordinaire, celle d’un enfant presque ; nul besoin de savoir la vie, les occupations et les mœurs de son auteur, ni en quelle langue, pour qui, ni quand il a écrit, ni la fortune de son livre, ni ses différentes leçons, ni comment et sur la décision de qui il a été reçu. Ce que nous disons là d’Euclide, il faut le dire de tous ceux qui ont écrit sur des sujets que leur nature rend compréhensibles »11.
7Pouvons-nous donc appliquer cela à Spinoza ? On pourrait certes alléguer que, s’il a écrit des choses fort intelligibles, elles ne sont pas toujours très simples. Plus sérieusement, suffit-il d’avoir une connaissance rudimentaire du latin pour le comprendre ? Peut-on ignorer sa vie, les gens qu’il fréquentait, son travail, les conditions d’édition et de réception de ses livres ? On pressent bien que non. Ce n’est pas que son latin soit particulièrement riche ou difficile, mais une traduction scientifique ne peut ignorer la comparaison entre les Opera Posthuma et les Nagelate Schriften par exemple. Faut-il alors accorder au texte philosophique un statut intermédiaire entre la pure fiction et la théorie pure, analogue à celui que Spinoza lui-même reconnaît à l’Écriture Sainte ? Peut-être !12 Plus sérieusement nous pouvons tirer de la conscience de ce hiatus l’exigence de prise en compte des horizons de sens dont nous parlions plus haut qui, sans affecter la vérité du discours, interviennent assurément dans la compréhension de son sens vrai, de ce que l’auteur a effectivement voulu dire. Pour analyser ce que nous appelions la réserve culturelle du mot ou d’un système d’expressions, nous proposons le concept de langage intermédiaire13 pour désigner un lexique spécifique renvoyant à des analyses canoniques et des exemples typiques et constituant un horizon de culture déjà censé être partagé avec le lecteur. On verra qu’un des problèmes de la traduction à plusieurs siècles de distance est de trouver des moyens substitutifs pour réinstaurer cette connivence sémantique qui n’est plus immédiate.
Langages intermédiaires
8D’une certaine façon, cette question des langages intermédiaires est une variante de ce qu’on appelle le cercle herméneutique. Pour comprendre un texte, il ne suffit pas de présupposer qu’il y a en lui du sens ou quelque chose à comprendre en fonction d’une intention signifiante, d’un vouloir-dire14 ; il faut encore partager avec le locuteur une certaine précompréhension. Il est requis, d’abord, de posséder des significations communes pour pouvoir, étant auteur, faire penser par le lecteur des significations nouvelles et, en tant que lecteur, rentrer dans l’univers de sens de l’auteur. Cette précompréhension requise et présupposée se marque explicitement chez Spinoza, par exemple lorsqu’il s’adresse au lecteur philosophe en excluant d’autres catégories possibles de lecteurs. L’appel à ce lecteur-là15, délivré des préjugés issus de la superstition et de la crainte, capable de distinguer entre concept et fiction et de considérer l’objet de pensée selon l’ordre causal, celui de la connaissance du deuxième ou du troisième genre, fonctionne de la même façon : je m’adresse à ceux qui sont capables de m’entendre, qui, sous le nom de cause, n’évoquent pas quelque puissance merveilleuse de métamorphose mais un moment d’un processus de production et de transformations réglées par une loi. Seuls ceux qui partagent cette précompréhension théorique du monde sont susceptibles de donner sens à mon discours et d’entrer avec moi dans un processus d’inter-locution et de discussion sensée. Ce qui est évoqué ainsi allusivement dans l’adresse au lecteur-philosophe et qui concerne spécifiquement l’attitude rationnelle16 face au réel, se retrouve sur plusieurs plans, constituant autant de langages intermédiaires, parfois plus qu’hétérogènes, divergents voire contradictoires17, induisant de ce fait tout un travail de réélaboration sémantique. Avant de s’interroger sur les difficultés induites pour l’entreprise de traduction il importe d’abord de les repérer.
Exemples chez Spinoza
9Sans vouloir prétendre à l’exhaustivité ni satisfaire à un ordre d’exposition rigoureux, on peut déjà énumérer :
la culture rhétorique néo-latine18 : comiques et satiristes, orateurs et historiens : ex. Plaute, Térence, Tacite, Quinte-Curce, mais aussi maîtres de sagesse19, par exemple Sénèque ;
la tradition de l’exégèse juive20 ;
la tradition de la théorie des passions : si la description (référent) des passions renvoie à la comédie ou à la satire, le vocabulaire et les instruments d’analyse théorique renvoient au modèle cartésien du Traité des passions ;
le langage traditionnel et toujours remanié de la métaphysique21 (saint Thomas, Suarez, Descartes) ;
les logiques d’inspiration cartésienne (les textes cartésiens mais aussi Heerebord ou Clauberg) ;
le vocabulaire de la science nouvelle (et notamment les articulations du more geometrico) ;
le langage juridique et politique, renvoyant à des traditions d’ailleurs complexes ;
le langage religieux du credo minimum (points fondamentaux, religion universelle, culte intérieur vs extérieur, combinaison originale de Cicéron et du néo-stoïcisme néerlandais de Lipse et Grotius par ex.).
10Or, ces langages intermédiaires ne sont pas superposables ni réductibles l’un à l’autre selon une hiérarchie bien ordonnée. Chacun d’eux est parcouru de tensions internes, ce qui empêche qu’on puisse en faire un usage purement descriptif et instrumental. S’insérer dans une tradition, c’est toujours en même temps prendre parti dans les conflits qui la structurent, fût-ce en en modifiant le jeu. Prenons l’exemple du vocabulaire juridique : s’insérer dans la tradition en identifiant jus et lex, droit et loi, c’est s’inscrire du côté augustinien ou nominaliste ; les distinguer, introduire de nouvaux termes non pas en inventant des mots mais en inscrivant dans le vocabulaire juridique des mots qui n’en relevaient pas jusqu’alors22, c’est aménager une nouvelle position23. On pourrait aussi le montrer sur l’emploi du terme potentia en métaphysique et dans la théorie du droit de nature. Mais il est temps maintenant d’analyser plus précisément quelques exemples.
II. Difficultés de traduction
« Autant qu’il m’a été possible, j’ai cherché pour chaque mot latin significatif le terme français qui m’a paru correspondre le mieux ou le moins mal et je me suis astreint à l’employer partout où Spinoza usait du même mot [...]. Enfin, outre la lourdeur de mes phrases, suivant d’aussi près que possible l’original latin, on peut me reprocher d’user parfois de tours vieillis ; j’avoue l’avoir fait sans scrupule quand ma traduction m’a paru y gagner en exactitude. Je m’excuse ici de n’avoir pas su mieux concilier le devoir d’être fidèle avec celui d’épargner au lecteur tout peine inutile ; on le reconnaîtra toutefois, une façon d’écrire qui serait maladroite si j’exprimais ma pensée personnelle a droit à quelque indulgence dans la traduction d’un auteur vieux de deux siècles et qui use lui-même d’un style latin fort, précis, d’une réelle beauté parfois dans sa sévérité mais s’astreignant volontairement à de constantes répétitions de mots, sans prétention aucune à la légéreté, ne reculant pas devant l’emploi du vocabulaire scolastique et détournant parfois de leur sens habituel les mots de la langue commune ». Charles Appuhn24.
11Traduire un mot par un mot, et toujours par le même s’il s’agit d’un mot significatif, la formule sert surtout à affirmer, contre la tentation d’enjoliver le texte, qu’un texte philosophique est un agencement de concepts et que les concepts se désignent par des mots. Cela étant, il convient d’y apporter quelques nuances. Seules les expressions relevant d’un langage intermédiaire ou du lexique problématique propre de l’auteur sont soumises strictement à ce principe. Par exemple le est latin, quand il est descriptif, peut se traduire indifféremment par est, il y a, se trouve, avoir (est + datif) ; en revanche, dans un passage ontologique est devra être traduit toujours de la même façon, en tenant compte du terme choisi pour dari. C’est évidemment le travail propre du traducteur que de repérer les lieux où un mot est marqué conceptuellement et ceux où il ne l’est pas.
12Un mode de fonctionnement normal du travail philosophique consiste en outre à transformer des termes du langage courant en vocabulaire technique. C’est particulièrement vrai, comme le remarque Appuhn, dans le cas de Spinoza qui n’aime guère forger de mots nouveaux et préfère donner un sens spécifique à un groupe de mots qui fait sens nouveau par convergence ou par opposition à un autre groupe25. Nous examinerons donc d’abord la question des termes techniques, puis celle des répétitions ou plus généralement des équilibres sémantiques.
Termes courants/termes techniques
La constitution du lexique philosophique propre au système
13Elle se fait par emploi du vocabulaire déjà reçu comme technique au sens philosophique (ex. substantia, accidens, modus), par emprunt à des termes techniques d’autres disciplines (ex. : dominium, alieno jure esse), par reprise avec modification de sens soit d’un terme d’une autre discipline (providentia qui relève du vocabulaire théologique devient le conatus d’un être)26, soit d’un mot du langage ordinaire : ex. indignatio27. D’où un double danger pour le traducteur : a) ne pas repérer les termes techniques nouvellement créés (risque faible quand ils sont annoncés comme tels et précédés d’une définition qui fixe leur sens mais risque réel quant leur valeur technique est induite du contexte) — ou bien, si on les repère, ne pas les traiter comme tels, c’est-à-dire en les traduisant toujours de la même façon, b) Les surévaluer quantitativement : ex. lorsque Appuhn traduit (TTP VII) lingua par philologie.
Comment traduire un terme technique ?
14En principe toujours par le même mot ou la même expression. Sinon il faut en prévenir le lecteur par une note et justifier le changement : on choisit certes de perdre du sens quand on traduit les termes techniques toujours de la même façon ; en particulier on perd le sens contextuel ou les effets de rime ou d’allitération (ex. genium et ingenium)28. Mais traduire c’est choisir ; il faut donc savoir ce qu’on sacrifie et faire le choix du moindre mal, c’est-à-dire de la perte de sens fonctionnellement minimale.
15Quelques exemples : on traduira toujours identiquement fortuna par fortune et non par sort ou chance parce que c’est un terme technique mais cela ne devient vraiment patent qu’après l’analyse du système. Experimentum sera toujours traduit par expérimentation et non pas par expérience parce qu’il a le sens d’expérience scientifique par distinction d’avec experientia. Enfin plutôt que de dire que l’on traduit toujours un mot par un mot, il serait plus exact, dans un certain nombre de cas, de dire que l’on traduit un champ conceptuel par un champ conceptuel. Si le même mot porte deux champs clairement distincts, sans que Ton puisse montrer que leur articulation serait essentielle à la construction théorique, il est alors légitime de les considérer comme homonymes et de les rendre par deux mots différents. Ainsi imperium sera traduit généralement par État, parfois par commandement, mais jamais par pouvoir, réservé à potestas.
16On voit donc que la solution consiste à prendre en compte les associations de termes récurrentes, les effets de contexte et à tenter de produire les mêmes effets de contexte par d’autres moyens. Par exemple on rencontre à trois reprises dans le chapitre VII du TTP le syntagme Vita, mores et studium qui fonctionne donc comme une unité. Impossible alors de traduire ici studium par ferveur comme en d’autres lieux du livre ; on gardera l’effet de répétition : vie, mœurs et occupations. En d’autres cas, la solution consistera à réactiver un sens vieilli voire obsolète : institution (au sens actif d’institution de la vie) pour institutum (TIE Proemium). Ou encore complexion pour ingenium. Emendatio en revanche, dans le titre du TIE constitue un redoutable défi : le terme a une acception juridique, éthique, médicale29 ; il signifie corriger, remédier, amender, purger, pratiquer les dernières corrections avant impression. Faut-il conserver en français le terme de réforme (avec l’ambiguïté due à la connotation religieuse du terme) ou préférer correction, amendement ? Le choix est difficile et le cas illustre bien la difficulté supplémentaire qui résulte du poids de l’héritage des traductions préalablement reçues. Enfin il faut prendre en compte la systématicité interne des termes techniques : on a vu qu’un terme pouvait être déterminé comme terme technique par son fonctionnement intra-systémique. Mais un terme technique fait lui-même système avec d’autres termes techniques. Par ex. imperium avec societas, civitas, status civilis. Or on observe dans le passage du TTP au TP, une modification du réseau lexical d'imperium ; il est donc légitime et souhaitable de modifier en conséquence la traduction.
Respect des équilibres sémantiques
17Une autre exigence de la traduction consiste à respecter les procédures d’énonciation, qu’il s’agisse de répétitions ou de diversification lexicale à valeur sémantique. Un simple processus de répétition qui scande le texte peut parfois suffire à conférer à un terme une valeur localement technique.
18Distrahere dans les premiers § du TIE est répété 3 fois : § 3 his tribus adeo distrahitur mens ; § 4 non parum etiam distrahitur mens ; § 5 honore vero multo adhuc magis mens distrahitur. Une solution possible consiste à traduire distrahitur par « est déchirée » afin de garder la scansion qui fait le ton tragique du passage. Consilium revient 3 fois dans la première page de la préface du TTP. Le terme signifie conseil ou décision. Appuhn traduit la première occurence par dessein, la seconde par conseil et la troisième par le doublet conseil et avis ; du même coup il perd la scansion du texte et cette tension entre la décision (quand on sait ce qui nous attend et ce qu’il convient de faire) et l’indécision qui sollicite autrui de décider pour nous. La solution dans ce cas, consiste à garder le même mot, conseil30 ou avis en jouant sur le double sens du terme : a) opinion dans une délibération donnant lieu à décision (avis du Conseil d’État) ou encore parti pris31 ; b) conseil32, avertissement.
19Cas inverse, toujours dans la même première page de la préface du TTP qui fonctionne comme F. Akkerman l’a montré33, comme un exordium : on y voit décrits selon une structure à 3 niveaux : 1) ce que font les hommes (flottants entre espérance et crainte, ils tombent dans la superstition) ; 2) ce que savent ceux qui les regardent, vous et moi, donc nous : que tous réagissent de la sorte ; 3) ce que souligne Spinoza : ce savoir est opaque quand il convient de l’appliquer à soi : « atque haec neminem ignorare existimo, quamvis plerosque se ipsos ignorare credam »34. Ces trois niveaux sont marqués syntaxiquement par l’emploi de personnes différentes : 1) troisième personne du pluriel : si homines possent..., tenerentur... (1. 1-2) ; 2) première personne du pluriel : Cum igitur haec ita sese habeant turn praecipue videmus.. (1.26) ; 3) première personne du singulier : existimo, credam... (1.10). Si l’on ne respecte pas cette distinction dans la langue de traduction, on perd une bonne partie du mouvement argumentatif et rhétorique du texte.
Cas des citations implicites
20L’apprentissage scolaire d’une langue passe par l’imprégnation de certains auteurs35 qui fournissent souvenirs diffus et réminiscences involontaires. Qui lirait dans un texte français « ô vieillesse ennemie » ou bien « là tout n’est qu’ordre et beauté » ne serait-il pas tenté de poursuivre « luxe, calme et volupté » ? Or, ce phénomène est plus sensible encore chez quelqu’un qui, comme Spinoza écrit dans une langue savante, apprise sur le tard en lisant des livres, en jouant des pièces de théâtre et probablement en se constituant des recueils de citations. Cela le porte à utiliser des expressions qui peuvent apparaître comme des citations implicites ; par ex. le vocabulaire du proficiens au début du TIE : novum institutum, continua, summa laetitia, in aeternum fruere assidua meditatio évoquent littéralement le vocabulaire de la Lettre 72 de Sénèque. Mais la proximité lexicale n’impose nullement la reprise dans la traduction d’un vocabulaire à connotation nettement stoïcienne ; d’une part parce que le texte se détermine aussi par ce qu’il exclut : le studium mortis notamment ; d’autre part parce que la pensée de ce texte est totalement anti-stoïcienne : chez Spinoza la découverte du vrai bien n’annule pas la positivité et la valeur des premiers biens un temps apparus comme décepteurs tandis que le stoïcisme établit une coupure radicale entre le Bien qu’est la sagesse et tout le reste.
Le poids des héritages
21Un texte philosophique s’inscrit toujours dans une tradition qui lui préexiste, poétique, mythologique et bien entendu philosophique. Très fréquemment cette tradition préalable est elle-même plurilingue. Un certain nombre de concepts, notamment métaphysiques, ont été forgés en reprenant, en un sens différent et abstrait, un mot concret du langage ordinaire. Un des cas les plus typiques est la transformation sémantique, opérée par Aristote, du grec ὕλη qui désigne d’abord36 le bois coupé ou le matériau de construction (bois, pierre) pour signifier le concept de matière associée à la forme (εἴδος). Or, ces notions philosophiques d’origine grecque furent traduites en latin dans une tradition philosophique déterminée laquelle a ensuite donné lieu dans d’autres langues à des traductions canoniques. Comment traduire οὐσία ? désormais sinon par substance ? Comment traduire ἔξις par habitus ; et habitus ? Les théoriciens (ex. les sociologues) peuvent bien reprendre à l’identique le mot latin ou grec (Bourdieu) pour l’affecter d’une valeur théorique spécifique, le traducteur, lui, voudrait une équivalence moins littérale37. Une solution, théoriquement possible mais difficilement applicable, consiste à redonner vie à un mot, obsolète ou disparu, qui correspond bien au terme : ex. sapience proposé par Jolif pour la ϕρόνησις aristotélicienne au lieu de l’usuel et ambivalent prudence38. Mais s’il est vrai qu’une traduction peut imposer un terme nouveau, cela demande un temps long et c’est une pratique qu’il vaut mieux éviter tant elle donne facilement lieu à excès.
III. La traduction comme interprétation
22Toute traduction, comme le veut le sens même du terme latin interpres est une interprétation, non un décalque39. Il faut redonner pleinement à la traduction les trois sens du mot interpres selon Louis Meyer : médiation, élucidation, traduction dans une autre langue40. Aussi, après avoir montré sur quelques exemples comment la traduction philosophique présupposait, comme première phase, une analyse très précise du mouvement, de la structure d’un texte et de ses modes d’expression, nous voudrions pour finir élargir cette hypothèse de la fécondité du travail de traduction pour la compréhension même d’un système philosophique, en montrant comment ce travail est partie prenante de la vie et du travail du texte.
Le texte comme système de traductions internes
23L’aspect homogène et unitaire d’un texte est généralement trompeur. Il est le résultat de la combinaison de plusieurs langages intermédiaires, agencés selon un équilibre provisoire. Comprendre (et traduire) un texte implique de déplier ces niveaux. Un texte peut donc apparaître, avant même toute entreprise de traduction dans une autre langue, comme un système de traductions internes. Renée Balibar a montré41, en inventant à cet effet le terme de colinguisme, combien de textes de la littérature ou de la pensée politique française (notamment de la période de la Révolution française) étaient écrits dans un français calqué sur la structure de la phrase latine. On pourrait se demander si ce même jeu interne implicite entre deux langues ne se retrouve pas chez Leibniz ou chez Spinoza. En tout cas, Spinoza lecteur était sensible à ce processus et au risque de mésinterprétation qu’il implique, puisqu’il écrit dans la lettre 75 à Oldenburg :
24« Vous croyez que les passages de l’Évangile de Jean et de l’Épître aux Hébreux que vous alléguez sont en opposition avec le langage que je tiens moi-même parce que vous mesurez à un mètre emprunté aux langages d’Europe des phrases toutes orientales. Bien que Jean ait écrit son Évangile en grec, il hébraïse cependant »42.
25En outre, nous l’avons dit, au sein même de sa langue d’expression, le texte fait jouer différents langages intermédiaires. Or, selon que l’on repérera plutôt la culture latine derrière par ex. le TTP, ou plutôt la culture hébraïque, on aura des choix différents de traduction43. Le travail de traduction force ainsi le texte à livrer le jeu de ses langages, c’est-à-dire à montrer comment il les organise, comment à travers eux il se rend irréductible. L’unité du texte n’est donc pas immédiate et donnée, elle est construite, conquise comme aboutissement de conflits, de prises de position et de lignes de démarcation, de stratégies afférentes à l’intérieur et à l’extérieur du texte, de la part de son auteur et de la part de ses lecteurs. Ce dont témoigne notamment l’existence de générations de traductions.
Les générations de traductions
26La première génération acclimate en général le système (même quand elle prétend ne le traduire que pour le mieux combattre44) Ainsi Saint Glain, Saisset emploient peu de termes techniques ; dans le cas de Spinoza la traduction peut devenir un instrument polémique, comme on le voit sur l’exemple du manuscrit de Grenoble45, traduction militante et « belle infidèle » dont le but est de prouver la fausseté des livres sacrés et qui s’autorise en fonction de ce principe des résumés, des omissions et des ajouts. Mais avec cette réserve qu’il s’agit là d’une traduction manuscrite, sans objectif de publication, à usage interne donc et qui excède de ce fait le cadre de notre propos.
27Pour en revenir à la première traduction française complète du TTP, celle de Saint Glain, s’il est vrai qu’elle modifie parfois le texte et semble forcer la note, un examen plus attentif montre qu’en réalité elle accélère souvent le rythme du texte en disant plus tôt ce qui sera explicité plus bas. L’anticléricalisme de la préface du TTP est plus fort dans la traduction de Saint Glain que dans le texte latin. C’est en un sens une infidélité mais, en un autre sens, cette infidélité même sert de révélateur à une couche du texte : elle met à jour la faible transformation qui suffit pour faire de la préface du TTP un texte libertin. Il serait intéressant de se demander si la même opération est possible en sens inverse pour transformer le KV ou les CM en texte mystique.
28Quand le système est mieux connu et davantage étudié il devient nécessaire de reprendre la traduction, indépendamment même de l’évolution de la langue cible, en fonction de l’acquis de l’analyse historique et philosophique. Ce que fait Appuhn dont à bien des égards la traduction est encore un modèle. Mais depuis Appuhn la connaissance et la compréhension du système spinoziste ont beaucoup évolué : d’une part grâce aux admirables, analyses de l’architecture du système que nous devons à M. Gueroult et à A. Matheron pour n’en citer que deux parmi les plus grands, d’autre part grâce aux connaissances acquises sur l’horizon intellectuel (scientifique, juridique, théologique) de Spinoza et du cercle spinoziste, sur sa culture néo-latine, etc. Cela seul justifierait la reprise du travail de traduction pour des textes plusieurs fois traduits et cela explique pourquoi, en un sens, la prolifération de traductions contemporaines46 n’est pas une déperdition d’énergie mais une richesse et une chance pour la compréhension du système.
29Sed satis superque...
Annexe
DISCUSSIONS
Mme Rodis-Lewis (à la suite des questions posées à Mme Beyssade par M. Misrahi)
Si Descartes n’est pas Spinoza, c’est précisément parce qu’il y a un fossé entre la certitude que j’existe et son insuffisance tant qu’on n’est pas passé de fini à l’infini, ce qui marque leur différence.
M. Moreau
Spinoza, comme Husserl, tire de Descartes quelque chose qui n’est pas dans le cartésianisme, mais qui a pourtant à voir avec Descartes — disons : une réfraction du cartésianisme dans une architectonique qui n’est pas la sienne, mais où il produit néanmoins des effets dont la traduction doit rendre compte. Il faut tenir compte aussi du fait que Spinoza, à un certain moment, et les gens qui sont autour de lui, voient en Descartes la force d’une affirmation de la Raison, avec l’appui sur la science nouvelle et le rejet de la scolastique (y compris la scolastique réformée). Ils sous-estiment ou rejettent tout ce qui chez Descartes peut limiter cette force affirmative.
M. Beyssade
Je crois que c’est un point important que nous avons rencontré les uns et les autres, cette « perfection » d’expression à laquelle pour l’Éthique Robert Misrahi est l’un des plus sensibles. Parlons des références culturelles implicites quand certaines expressions renvoient à un univers culturel, par exemple latin - par exemple Térence... Il me semble que ce qui fait la difficulté pour le traducteur c’est que précisément cette tradition n’est plus directement vivante. Déjà quand Jacques Brunschwig citait Britannicus, je me sentais un diplodocus de connaître encore ces vers et je me disais : combien parmi mes étudiants les connaissent ? Mais à plus forte raison pour la latin de Térence... Doit-on maintenir l’effet d’éloignement temporel en traduisant comme ça aurait pu être compris par un français du milieu du XVIIe siècle, c’est-à-dire donner une traduction qui restera incompréhensible pour la majorité des lecteurs actuels, mais qui fait le même effet d’étrangeté... ? Est-ce qu’il faut garder la chose avec son effet d’étrangeté ? Ou est-ce que vous pensez que le souci d’exactitude littéraire, une fois qu’on a relevé cette origine et la raison pour laquelle on ne la comprend plus directement, invite au contraire à tenter une transposition avec tous les risques que cela présente, quelque chose qui serait comme un analogue et aiderait à donner en quelque sorte le sentiment équivalent qu’on aurait aujourd’hui si on écrivait aujourd’hui un tel texte ? Là, il me semble qu’il y a un parti à prendre et que vous seriez d’accord pour dire les uns et les autres qu’une fois qu’on a identifié la source, le problème se pose. Mais je voudrais savoir les réponses, en quelque sorte le principe des solutions...
M. Moreau (en réponse à la question de M. Beyssade sur les citations latines de Spinoza)
Si on rend un effet d’éloignement, on ne rend pas ce qu’un lecteur du XVIIe pouvait éprouver... Peut-être était-il éloigné de la scolastique juive ou chrétienne (en gros ce qui intéresse Wolfson) mais je crois que dans Térence ou Tacite, il trouvait un effet de proximité. La langue de Spinoza n’est pas nouvelle, mais il y a un usage nouveau de la langue et c’est pour cela que son usage de la langue est hétérogène. On parcourt dans Spinoza des zones qu’on pourrait appeler « zones wolfsoniennes » dans les textes où il y a une terminologie forte, conceptuelle que Spinoza reprend, retravaille... et puis on retrouve des zones dans lesquelles Spinoza ne se soucie pas de démontrer, mais plutôt de persuader. C’est moins un problème de proximité ou de distance que de persuasion. Je pense — je ne dirai pas que c’est facile — qu’une fois qu’on a repéré ces zones-là, au niveau de la lecture, il faut trouver un usage du français qui soit un usage persuasif plus que démonstratif. C’est une des principales tâches du traducteur.
Notes de bas de page
1 Par ex. la grossièreté du terme Pfaffentum chez Kant = le clergé ou la curaille.
2 Nous laissons de côté, comme peu probante, la récente attribution à Spinoza, par Popkin, d’une traduction de Margaret Fell.
3 Éthique, IV, P57, G. II p. 251, 28-29.
4 Plaute ; Térence ; Horace, Juvénal, Molière ; aujourd’hui Labiche : Le voyage de Monsieur Perrichon.
5 Particulièrement de ceux qui font l’objet des deux premières parties de l'Éthique.
6 Avec ses exigences propres : univocité des termes, stricte cohérence et rigueur d’emploi...
7 Mais peut-être pas unique : on peut penser aussi à la musique, à l’art en général, aux rites religieux..., encore que nombre de ces domaines s’expriment aussi dans le discours : la chanson populaire, les proverbes, les formules toutes faites ou incantatoires, etc.
8 « Quia tarn exactam linguae graecae cognitionem non habeo ut hanc provinciam suscipere audeam ». TTP, X, G. III, p. 151.
9 Qui à côté de la dénotation joue sur l’axe paradigmatique du texte.
10 Nous reviendrons plus bas sur le sens et le caractère opératoire de cette notion,
11 TTP, VII, G. III p. 111. Trad. Lagrée-Moreau, c’est nous qui soulignons.
12 Le prophète, nous dit Spinoza, parle la langue de son peuple et s’adresse d’abord à son peuple, mais par-delà cet auditoire restreint son discours a un noyau universel (l’enseignement de la vraie piété par la justice et la charité) qui vaut pour tous les hommes et pour tous les temps. Mutatis mutandis le TTP s’adresse à un public déterminé (lecteur philosophe et chrétien non dogmatique) dans une visée déterminée (la défense de la liberté de pensée) mais a une validité qui les excède largement. Ce que dit ici Spinoza du prophète peut assez bien s’appliquer à son œuvre propre. On pourrait dire aussi que dans la fiction, le sens vrai prime sur la vérité ; en science, la vérité prime sur la fiction. en philosophie, la visée de vérité de l’auteur ne dispense pas l’interprète de chercher d’abord ce que l’auteur voulait dire ou le sens vrai.
13 Différent de ce qu’on entend par registre de langue.
14 Ce qui distingue l’interprétation linguistique de l’attitude du promeneur qui entend le chant des oiseaux sans le traiter comme signe, ou de celle du chasseur qui le décrypte selon les catégories du chassable ou non chassable.
15 TTP, fin de la préface ou Lettre IV à Oldenburg : « j’ai d’ailleurs dans le même scolie justifié cette différence assez clairement, sauf erreur, surtout pour un philosophe » (c’est nous qui soulignons) satis clare... praecipue Philosophe (G. IV, 13-9) : autre variante du satis notus.
16 Ou scientifique, ou de la connaissance du deuxième genre.
17 Par exemple entre le langage néo-scolastique parlant de substance, mode, attribut, cause formelle, etc. et le langage mathématique de la science nouvelle.
18 Voir en particulier dans Lire et traduire Spinoza, (T&D du GRS n° 1, PUPS, 1989), les articles d’Akkermann : La pénurie de mots de Spinoza, aspects humanistes de son métier d’écrivain et O. Proietti : Lettres à Lucilius, une source du TIE de Spinoza.
19 Voir la démonstration précise faite par O. Proietti de « la présence diffuse d’un texte précis, les Lettres à Lucilius » de Sénèque, dans le début du TIE (article cité note précédente).
20 Voir par exemple l’opposition des rêveries cabbalistes et de la volonté hyper-rationalisatrice de Maimonide.
21 Voir la justification de V. Delbos dans Le spinozisme, ch. III, La justification rationnelle du principe de l’unité de substance et Gustav-Theodor Richter : Spinoza Philosophische Terminologie, Leipzig, 1913.
22 Jus civitatis # jus civile ; jura communia, jura constituta. Sur l’explicitation de ces emplois, Cf. P.-F. Moreau : « Jus et lex, Spinoza devant la tradition juridique d’après le dépouillement informatique du Traité politique », Raison présente, no 43, p. 53-61.
23 Voir P. F. Moreau, article cité : « Le lexique, ici, c’est d’abord un ensemble de prises de positions théoriques qui se sont lexicalisées » (p. 54) ou « Que des questions politiques aient besoin de s’exposer dans un champ à dominante de droit ou dans un champ à dominante de loi (ou de souveraineté) cela n’est nullement indifférent ; on ne peut en déduire a priori les conclusions d’un auteur, mais on peut accéder au climat théorique dans lequel se posent pour lui les problèmes. Ce type de lecture ne disqualifie pas celui où le lecteur suit la démonstration dans l’ordre de ses raisons ; il indique une autre approche, qui fait apparaître les limites déjà tracées avant le commencement de la démonstration » (p. 56).
24 Avertissement à la première édition de sa traduction de l'Éthique, GF III, p. 17.
25 Cf. P. F. Moreau, article cité : par ex. lex naturae/lex suae naturae.
26 Court Traité, I, V.
27 Éthique III, Définitions des affections, XX, explication, G. II, ρ. 195 ; toutefois généralement (et comme c’est le cas ici), lorsque Spinoza juge nécessaire de modifier le sens usuel d’un terme, il prend soin de préciser cette modification en soulignant qu’elle ne s’éloigne pas trop de l'usage reçu.
28 TTP VII, G. III, p. 102, 2-4 : « eo facilius verba alicujus explicare possumus quo ejus genium et ingenium melius noverimus ». Il est impossible de conserver ici l’effet de rime (génie et ingéniosité par ex.) parce qu'ingenium a dans le système un sens technique et que pour cette raison on a décidé de le traduire toujours par complexion.
29 Voir l’exposé de Pina Totaro sur l’indexation du TIE au colloque de Groningue, septembre 1990.
30 Solution adoptée par J. F. Prière dans sa traduction manuscrite (Cf. J. Lagrée « Une traduction française du TTP de Spinoza au XVIIIe siècle » in Lire et traduire Spinoza, p. 109-123) : 1) Si les hommes avaient un conseil sûr pour se régir ; 2) je ne crois pas qu’il y en ait eu un [...] qui n'eût été fâché de se voir donner un conseil ; 3) ils demandent en suppliant conseil à tous (p. 119).
31 « Et je suivrai l’avis que vous prendrez pour moi ». Corneille Sertorius, IV, 3.
32 « La nuit porte avis » Corneille, Le Menteur, III, 6 ; « Je ne prends avis que de ma passion » Molière, Don Garde de Navarre, IV, 7.
33 « Le caractère rhétorique du Traité théologico-politique » in Spinoza entre Lumières et Romantisme, Cahiers de Fontenay 36-38, 1985, p. 381 sq.
34 TTP, Préface, G. III, p. 5, 9.
35 Par ex. La Fontaine en français. Voir sur ce thème les travaux très éclairants et très stimulants de Renée Balibar.
36 Cf. Xénophon, Hérodote ou Platon, Lois, 705c.
37 Qualité déterminante, employée pour traduire ἔξις en contexte stoïcien ; ne convient pas pour Aristote.
38 Cf. aussi ayance employé par Scipion Dupleix pour traduire ἔξις.
39 Comme dans le cas des traductions juxtalinéaires qui ne sont pas des traductions justement.
40 « Comme celui qui traduit d’une langue inconnue dans une langue connue rend en quelque sorte clair et intelligible un discours qui demeurait obscur on appelle interprète en un troisième sens celui qui traduit d’une langue dans une autre, soit par écrit soit oralement ». L. Meyer, La philosophie interprète de l'Écriture Sainte, Trad. Lagrée-Moreau, Intertextes, Paris, 1985, p. 38.
41 Renée Balibar, L’institution du français. Essai sur le colinguisme des Carolingiens à la République, Paris, PUF, 1985 et La littérature française, QSJ ?, PUF, 1991.
42 Ep. LXXV, G. IV, p. 315, GF IV, 340. (soulignement J. L. - P.-F. M.)
43 Appuhn vs Zac.
44 Boulainvillers.
45 J. Lagrée, « Une traduction française du TTP de Spinoza au XVIIIe siècle », in Lire et traduire Spinoza.
46 Pour l'Éthique B. Pautrat, R. Misrahi, prochainement J. M. Beyssade ; pour le TIE, B. Rousset, M. Beyssade, par exemple.
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