Chapitre 5. Le temps d’un équilibre (1914-1958)
p. 291-454
Texte intégral
1Traiter dans un long chapitre une période de quarante-quatre ans, plus longue que les précédentes et la suivante et qui connaît des événements si denses (deux guerres, sans compter les guerres coloniales, une crise grave, le Front populaire...), peut paraître une gageure étrange. C’est que l’histoire urbaine, en tout cas celle de Plaisance, a ses temporalités propres. Et dans tous ces bouleversements, c’est le Plaisance populaire qui trouve son équilibre, qui se construit, en partie, au détriment de son identité.
2Dans un premier temps, il faut décrire ce peuple et la vie populaire de Plaisance qui, certes, se renouvellent – nous verrons l’étonnante aventure du cinéma et la fin du banquet – mais dont les grands traits démographiques, sociaux, professionnels, spatiaux sont stables. Ensuite nous verrons que le quartier élabore un équilibre nouveau permettant d’atténuer certaines tensions antérieures et les tensions politiques brutales de la période. Enfin nous constaterons que des formes anciennes et inédites de la crise urbaine sont là, des anticipations aussi des années 1960-1980. Il sera alors temps de conclure sur ce Plaisance des crises sans crise, mais moins lisible ?
Le peuple en son faubourg, 1914-1958
3En son faubourg ? Ne faudrait-il pas mieux écrire en son quartier ? Ce ne serait pas faux, mais faubourg précise mieux à quel profil de quartier parisien nous avons désormais affaire. Non plus faubourg comme une banlieue, et de moins en moins comme une lointaine périphérie, mais faubourg comme un espace particulier de la ville-capitale, un espace pleinement parisien qui donne à son tour même de plus en plus son allure à Paris.
4À la veille de la Grande Guerre, les 80 000 à 85 000 habitants ont occupé, à quelques exceptions près, tout ce que les usines, les fortifs et les hôpitaux laissaient de libre aux constructeurs. Ainsi, pendant les quarante à cinquante ans qui suivent, le bâti est peu modifié et peu agrandi. Toutefois la destruction des fortifs dans les années 1920 et l’édification de grands habitats collectifs sur les terrains laissés par l’armée apportent une population nouvelle vers 1930 à l’extrémité sud du quartier, et l’agrandissement de Paris, qui étend son emprise en 1925 sur la zone au pied des fortifs (qui relevait jusqu’à cette date de Malakoff), donne à Plaisance quelques milliers d’habitants supplémentaires. Quelques autres habitats collectifs sont aussi édifiés sur des terrains abandonnés comme le célèbre « 156 » rue de Vanves.
5À la fin des années trente et au tournant des années quarante, quelques signes inédits apparaissent avec de premières opérations de destruction. Vichy fait raser la zone et, à l’autre bout du quartier, près de la gare Montparnasse, la SNCF augmente son emprise au détriment de la vieille rue Vandamme.
6Mais, au bilan, la stabilité prime pour qui compare avec les mutations de Plaisance au xixe siècle. Sur ce cadre urbain maintenant stable il y a place pour un « peuple de Plaisance ». 83 000 habitants en 1914, 81 000 en 1921, 84 000 en 1936, 80 000 en 1958. Cependant la relative stabilité des chiffres pourrait cacher une instabilité des habitants. Mais si les Plaisanciens changent, leur cadre urbain ne change pas ou peu et la sociologie socioprofessionnelle non plus.
Plaisance populaire ou le quartier des travailleurs
7Nos dizaines de milliers de Plaisanciens nous filent entre les doigts tant ils sont nombreux. Il faut donc choisir. Notre choix s’est porté sur un sondage au 1/10 de la population recensée en mars 1936. La date est à la médiane exacte de notre période. Sans doute la crise a-t-elle eu quelques effets sur notre population (des immigrés sont partis, le chômage est surreprésenté...) mais pas au point d’en modifier la structure profonde qui nous intéresse ici. Sans doute peut-on contester certains aspects des recensements (comme de toute source) : les immigrés clandestins sont sous-représentés, les professions incorrectement formulées ou dissimulées. Des informations manquent sur la parentèle... Mais à la différence des actes de mariage ou des listes électorales, il n’y a pas d’absents systématiques. Ainsi la population non mariée, énorme à Plaisance, n’est-elle pas oubliée de l’histoire sociale.
8L’historien n’est jamais entièrement satisfait, mais nos 8 200 Plaisanciens saisis, par nos soins comme un bon artisan, nous autorisent tout de même, dès lors que l’on accepte un regard critique, une belle vision de notre peuple.
Plaisanciens travailleurs
9Les actifs du quartier sont 53 % des habitants, soit environ 44 000 personnes (en y comptant les 500 étudiants et religieux du quartier...). Ce chiffre ne signifie pas grand-chose et dépend de la structure démographique et sexuée du quartier. Aucun enfant de moins de 14 ans n’a été déclaré travaillant par sa famille, ce qui cache sans doute une réalité qu’on ne peut mesurer. À 14 ans, un quart de nos enfants sont déclarés actifs, à 15 ans, un tiers, à 16 ans, le grand saut, les deux tiers travaillent. À l’autre extrémité de la vie, notre actif le plus âgé a 84 ans, mais c’est une exception dans notre échantillon. Par contre, jusqu’à 80 ans, il n’est pas rare de travailler.
10Dans un quartier où les femmes représentent 54 % de la population (comme dans le reste de Paris) et l’emportent sur les hommes dans toutes les classes d’âge, sauf les 30-35 ans, il importe d’examiner les niveaux d’activité différenciés selon le sexe. Globalement, une évidence, 38 % des femmes travaillent contre 72 % des hommes. Chez les femmes, le plus haut niveau d’activité est de 62 % chez les 20-24 ans, puis il décline entre 25 et 30 ans pour se stabiliser ensuite autour de 46-47 % entre 30 et 54 ans – ce qui est loin d’être négligeable – et de nouveau décliner progressivement1. Chez les hommes, la plus grande activité est la classe des 30-34 ans (99 %) mais, grossièrement, les taux sont très élevés de 20 à 54 ans (entre 92 et 97 %) pour décliner ensuite, comme les femmes, mais en restant toujours à un niveau assez élevé ; 79 % d’actifs chez les 60-64 ans, 67 % chez les 65-69 ans, 44 % chez les 70-74 ans, 39 % chez les 75-79 ans... La norme médiale masculine semble de travailler jusqu’à 71-72 ans (lorsqu’on a survécu...).
11Que font nos 44 000 Plaisanciens actifs ? De multiples classifications sont possibles. Proposons-en quelques-unes. Le statut d’abord :
Patrons – à leur compte 9 %
Salariés en activité 74 %
Chômeurs 6 %
Inconnus-inclassables (I.I.) 2 10 %
Et toujours les étudiants et religieux 1 %
12Le fait principal est la domination du salariat. Aux 74 % de salariés en activité on peut ajouter la grande majorité des chômeurs3 et une partie non quantifiable des I.I. Sans doute notablement plus de 80 % des actifs plaisanciens relèvent ainsi du salariat, qui se révèle comme la situation structurante du peuple plaisancien, sensiblement plus que nous ne l’attendions. L’évolution est sensible depuis le Second Empire, même si les listes électorales de 1867 ne permettaient pas de saisir le phénomène salarial pleinement. Ceci laisse bien sûr place à quelques milliers de patrons, commerçants, artisans, professions libérales ou plus modestement travaillant à leur compte. Mais ils ne font plus grand nombre.
13Au début de 1936, la crise de 1929 est encore bien là ; avec 6 % de chômeurs déclarés, près de 3 000 Plaisanciens n’ont pas de travail. Mais le chiffre est là circonstanciel, il ne concerne ni les années 1920, ni les années 1950.
14Le classement par activité et position est plus délicat à mener. La distinction principale ouvrier/employé/cadre pour les salariés est souvent difficile à réaliser ; aisée généralement dans les industries et services privés, elle l’est beaucoup moins dans les services publics ou concédés, dans les branches à statut voisin de celui de la fonction publique. Ainsi on peut proposer une vue qui doit être prise comme approchée malgré les décimales.
15On se déclare ainsi généralement cheminot ou employé des chemins de fer sans que le métier soit précisé ; on ne sait donc si l’on a affaire à un ouvrier des ateliers ou à un employé à la caisse ou à un chauffeur de locomotive... Dans ces cas, je n’ai pas cherché à classer. J’ai donc maintenu globalement dans un même bloc les travailleurs des services publics, concédés et à statut (en isolant les seuls cadres, bien distingués), et j’ai créé une catégorie OE où je regroupe les métiers qu’il serait vain de chercher à classer Ouvrier ou Employé. J’ai aussi renoncé à affecter les artistes à ces classements.
Répartition des actifs en grands types socioprofessionnels
Patrons de l’industrie/artisans4 2,6 %
Patrons des services, commerces 6,7 %
Cadres du privé 1,3 %
Cadres des services publics et concédés 1,2 %
Techniciens, maîtrise... du privé 1,5 %
Ouvriers du privé 33,6 %
Employés du privé 19,5 %
OE5 du privé 8,3 %
OE des services public et concédés6 15,6 %
Professions manuelles I.I. 6,9 %
Professions de services I.I. 0,8 %
OE I.I.7 0,5 %
Apprentis sans précision 0,3 %
Artistes 1,3 %
16Si le salariat est quasiment hégémonique chez nos actifs plaisanciens, et si les ouvriers sont les plus nombreux dans ce salariat, ces derniers ne sont pas en nombre si écrasant au regard des employés du privé et des travailleurs des professions à statut. Et même en ajoutant au tiers d’ouvriers du privé, une part (notable mais sûrement pas majoritaire) des travailleurs des services publics et une part des professions manuelles I.I., nous restons assez loin des 50 % des actifs. Assurément à Plaisance, l’ouvrier, largement premier de la course, n’est pas majoritaire. C’est que les employés du privé ou des services publics sont devenus une force conséquente, sans doute plus de 30 % des actifs. Des gros bataillons déjà.
17L’autre fait significatif est la rareté des cadres. Non qu’ils soient absents, un gros millier sans doute, mais c’est fort peu au regard de nos 44 000 actifs.
Le grand tour des horizons sociaux
18Si l’on examine les branches d’activité dans le travail productif, on ne sera pas surpris de voir la métallurgie en tête avec près de 4 500 Plaisanciens. Le métallo est, comme ailleurs à Paris et en banlieue, la figure dominante8. Ensuite l’habillement et le bâtiment9, à peu près sur la même ligne (2 500), puis le livre-papier10 et les industries de bouche11 (2 000) constituent les gros bataillons ouvriers12. Le temps du déclin a déjà sonné pour certaines activités si fortes au xixe siècle, ceux du bois et du meuble ne sont plus que 500, ceux du cuirs et peaux 350 (c’est la fin du cordonnier de Plaisance ?), ceux de l’horlogerie-bijouterie 200... Entre les deux, un millier de travailleurs de la manutention et des transports de produits13 constitue un fort groupe de prolétaires modestes auquel pourraient s’ajouter 1 300 manœuvres et journaliers qui ne relèvent d’aucune branche précise. Pour le pittoresque, le secteur agriculture élevage compte encore une centaine d’actifs. C’est microscopique (0,2 %).
19Du côté du tertiaire, un gros millier de commerçants, près de 3 000 employés de commerce14, pas loin de 4 000 employés de bureau (sans compter les services publics) avec 1 000 sténos-secrétaires, 800 comptables, 1 000 employés d’assurances, de banque et de bourse, 400 employés dans l’industrie, 500 divers, et 1 500 employés sans autre indication forment des groupes considérables15, qui rivalisent avec les salariés productifs.
20À la course entre les grands services publics ou concédés, la poste gagne avec 1 600 postiers (Plaisance abrite de grandes installations). Les autres fonctionnaires (près de 2 000) se dispersent entre les différents ministères (avec un très fort contingent de 1 000 militaires et agents du ministère des Armées, logés souvent dans les nouveaux logements collectifs, et près de 300 instituteurs qui résident à Plaisance). On compte aussi un gros millier de travailleurs hospitaliers, un gros millier de travailleurs des transports en commun, presque autant de travailleurs municipaux16. Les cheminots sont moins nombreux que la mémoire ne nous le laisse entendre, 650 à 700.
21Parmi les catégories les moins classables et souvent modestes, mais qui sont nombreuses dans notre quartier, les concierges et gardiens sont plus de 1 000. 600 domestiques, 1 100 femmes de ménage (déjà nombreuses et dont nous ne connaissons bien évidemment pas le volume horaire travaillé). Le monde des cafés-hôtels-restaurants-marchands de vins dépasse les 1 500 actifs. Le monde des arts et des lettres regroupe 850 personnes (le chiffre impressionne mais en termes relatifs ne fait pas 2 % des actifs), que dominent les artistes (pas loin de 600 ce qui est élevé et attendu17). Il y a aussi une vingtaine de bons abbés et une grosse centaine (comptés à part dans les recensements, mais que nous comptons) de religieux (surtout les sœurs de Bon-Secours et Saint-Joseph). Des filles soumises (rares à s’autodésigner) et des étudiants...
22Plaisance ne compte plus que quelques dizaines de personnes à se déclarer « rentier » et encore sont-elles bien vieilles...
23Statut (patron/salarié), type de profession (ouvrier/employé...), branche d’activité découpent ainsi de manière complexe notre population active plaisancienne. Ils ne nous disent pas toujours pour autant toute la vérité sociale. Un chiffonnier18 (classé à patron du commerce) n’a guère à voir avec le négociant en gros et est sans doute plus proche du journalier (classé à salarié, souvent dans l’industrie). On sait à quel point l’artiste peut toucher au lumpen ou à la grande richesse. En réfléchissant à cette question, on peut proposer bien des regroupements, souvent subjectifs, il est vrai. Nous en avons proposé un19, qui court des plus faibles catégories aux plus aisées :
240. manœuvre, servante, femme de ménage, journalier, fille de salle, plongeur...
250,5. concierge, OS
260,7. apprenti
271. aide et garçon, peintre en bâtiment, terrassier, blanchisseur, laveur, linger, chimiste, bonne, brocheur, papetier, mouleur, livreur, manutentionnaire, charretier, cantonnier, gardien de la paix
281,5. teinturier, gazier, domestique, femme de chambre, magasinier, confectionneur, coupeur, monteur, polisseur, tourneur, métallurgiste, déménageur, emballeur, commis PTT, camionneur, garçon de café, ouvrier sai, chauffeur sai
292. la grande masse des salariés de métier qualifié
303. les salariés à haute qualification (dessinateur, métreur20, comptable, sous-chef, instituteur, agent technique, préparateur en pharmacie, musicien, brigadier, maître d’hôtel...)
313,5. les artistes plasticiens
324. les cadres sup (expert-comptable, directeur, professeur, ingénieur21, médecin, architecte, artiste dramatique, journaliste, officier, chef de...).
33Une classification reprend les « à leur compte » et patrons :
345. brocanteurs-forains-quatre saisons-camelots-couturières
355,5. gérants
366. artisans commerçants
377. patrons négociants ou industriels22
38Et sont comptés à part :
398. les étudiants.
40Vu de ce point de vue très grossier, des classes pauvres et précaires apparaissent nombreuses (0+0,5+0,7+1+1,5+5) qui constituent un tiers des actifs, les classes supérieures sont très rares (4+7), soit 3 %, des classes moyennes (3+3,5+5,5+6) pourraient se compter autour de 14 % et le grand bloc des salariés ouvriers et employés à métier qualifié (sans en séparer les chômeurs) représente 50 % des actifs.
41Concluons sur le plus sensible. L’hégémonie salariale est le fait le plus net chez les Plaisanciens. Dans ce bloc massif, les ouvriers d’industrie sont désormais concurrencés nettement par les employés et les services publics tout en gardant une première place avec les métallos. Ceci laisse très peu de place pour des élites rares (1 avocat dans notre échantillon de 4 300 actifs, par exemple), même si elles ne sont pas absentes, sauf de la zone. Le petit commerce et l’artisanat23, les salariés supérieurs fournissent une présence de la petite classe moyenne. À l’autre bout, la population sans métier, sans qualification, ou à qualification fragile et médiocre, reste très nombreuse (un tiers).
42Serait-il temps déjà de dire des peuples plaisanciens ? Plaisance ouvrier ne convient plus, Plaisance prolétaire paraît meilleur mais excessif, Plaisance miséreux assurément aussi largement excessif, Plaisance salarial, oui, mais bien triste. Alors sans doute « travailleur » serait le mot qui correspond le mieux à une identité dominante qui traduit un peuple laborieux, salarié en tout premier lieu mais sans exclusive. Quant à « peuple », le socioprofessionnel n’y suffit pas.
État civil
Métiers féminins, métiers masculins
43Nous avons déjà vu la dominante féminine à Plaisance (54 %), sensible à tous les âges. Mais du fait de la moindre activité des femmes, que nous avons établie plus haut, il est clair que cette domination s’efface parmi les actifs où les femmes ne sont plus que 38 %. Nous ne donnerons que très rapidement la répartition selon les sexes des activités plaisanciennes. Elle ne surprendra pas le connaisseur de l’historiographie du gender.
44Les femmes sont très représentées dans de traditionnelles branches d’activité féminine, blanchisserie-teinture (86 %), habillement (84 %) dont 1 200 couturières24. Elles ont envahi les services privés (93 % des concierges, 100 % des femmes de ménage, 95 % de la domesticité). Mais elles ont aussi de fortes positions dans des services publics : 79 % des enseignants déjà, 67 % des hospitaliers. Ailleurs elles sont moins nombreuses et des chiffres moyens cachent de grosses disparités. Chez les employés, elles dominent, bien sûr, le secrétariat (87 %), les sténos-dactylos (99 %), les caissiers (73 %), elles sont nombreuses dans les commerces (54 %). Dans le livre-papier, elles sont margeuses, coloristes, brocheuses (89 %), papetières, voire relieuses (61 %). Dans la manutention, elles sont 77 % dans les manutentionnaires, 69 % chez les emballeurs, mais 0 % chez les livreurs et déménageurs.
45Cas particulier que celui des fonctionnaires, les femmes ne s’y comptent que 23 %, car les militaires ne leur font qu’une place microscopique et ils sont nombreux à Plaisance. Dans les autres ministères, on retrouve des taux plus normaux.
46Comme commerçants, sans surprise les femmes sont bien représentées, à 46 % dans l’ensemble, avec des points forts chez les marchands de quatre-saisons (73 % de femmes), les fleuristes, les merciers (86 %), les crèmeries ou les confiseries. Elles sont bien présentes dans le secteur hôtels-cafés-restaurants. Beaucoup plus dans les hôtels que dans les cafés, naturellement.
47Dans une vue plus globale, on ne trouve aucune différence significative au niveau des statuts (39 % de femmes parmi les salariés, 37 % parmi les patrons, 38 % parmi les inconnus-inclassables). Le principal est peut-être dans la classification des niveaux. Même imprécise, elle révèle que les femmes se situent plus dans les métiers à médiocre ou bas salariat (38 % contre 28 %). Il n’est pas jusqu’au très petit patronat qui ne soit plus souvent le fait des femmes (elles sont 57 % des brocanteurs-quatre-saisons..., 53 % des gérants, 39 % des commerçants et artisans moyens, 5 % des industriels et négociants !). Des domestiques aux filles de salles des hôpitaux, des concierges aux brocheuses, des femmes de ménage aux commerces miséreux, toute une gamme de travaux à très faible revenu sont réservés aux femmes.
48N’exagérons rien, les hommes sont aussi souvent mal lotis comme les manœuvres ou les journaliers, qui sont très principalement masculins. Et des femmes accèdent à des niveaux de responsabilité déjà importants, en particulier dans la fonction publique et particulièrement dans l’enseignement. Mais dans les professions libérales et les cadres du privé (déjà très rares à Plaisance), elles sont presque inexistantes.
Sur les origines de nos Plaisanciens
Peuple migrant, famille plaisancienne ϩ
49Nos sources ne permettent pas de préciser dans quelle proportion nos Plaisanciens de 1936 sont natifs de Plaisance. Au mieux nous connaissons précisément la proportion de natifs de la Seine (Paris et banlieue approximativement), soit 45 %. Une majorité de nos Plaisanciens est donc migrante de province ou de l’étranger. Le croisement des lieux de naissance avec les âges fait apparaître des écarts brutaux :

50Les plus de 20 ans sont très largement nés hors de la Seine, ce qui confirme la dominante foraine du quartier. Mais les plus jeunes sont massivement nés à Paris et dans sa banlieue. Le modèle largement dominant (environ deux tiers des foyers) (et assez classique en histoire des migrations) de nos Plaisanciens est donc d’être nés en province (ou à l’étranger) puis, après être venus à Paris, plus ou moins jeunes adultes, d’y avoir des enfants, « purs » parisiens eux... Il arrive, mais c’est plus rare, que l’on soit venu avec ses enfants nés en province.
51Les natifs de Paris et sa banlieue se distinguent ainsi en deux groupes, les enfants des provinciaux venus à Paris (la deuxième génération...), 15 000 personnes environ, très majoritaires dans leur génération, et les natifs parisiens plus âgés, très minoritaires dans leur génération, un peu plus de 20 000 personnes.
52Tout ceci laisse ouverts beaucoup de « possibles » identitaires. Entre les natifs parisiens anciens, les natifs provinciaux ou étrangers avec enfants parisiens, les natifs provinciaux ou étrangers venus avec leurs enfants et les natifs provinciaux ou étrangers – souvent célibataires – qui n’ont pas d’enfants, nous voyons quatre types plausibles. Avec la conscience que le groupe familial des Plaisanciens provinciaux qui a conçu des enfants à Paris est le plus important et qu’il contient une identité double en son sein : des adultes migrants et des enfants qui témoignent d’un ancrage parisien (plaisancien ?). Un peuple en voie de stabilisation spatiale ?
Les Bretons sont là !
53Ces originaires de province et de l’étranger, qui sont-ils ? Encore assez rarement, sans être négligeables, des natifs de l’étranger (ou des colonies) qui sont 6,3 % des habitants et 11,5 % des natifs hors Seine. Nous y reviendrons
54Désormais, les Bretons, peu présents nous l’avons vu en 1867, sont là, près de 6 000 (en comptant la Loire-Atlantique), ce qui en fait le premier groupe provincial (6,9 % des habitants, 12,4 % des natifs hors Seine). Toutefois, on se saurait parler d’un quartier breton sans outrance au vu de ces chiffres. D’autres régions fournissent de gros contingents. On vient encore beaucoup de la proche région parisienne, du Nord et de Picardie. Surtout le revers ouest et nord du Massif central, du Limousin au Berry, est très fortement représenté, autant que la Bretagne. Mais, bien sûr, toute la France fournit à Plaisance : les Normands, les Picards, les Bourguignons, les Lorrains, les Champenois sont encore là, mais relativement moins nombreux qu’en 1867. Grands perdants, les Auvergnats, qui ne forment plus qu’un score médiocre des provinciaux plaisanciens. Avec une vingtaine de cas, les Basses-Alpes ferme la marche de nos départements...
55Les natifs de l’étranger, des colonies ou de l’outre-mer sont un peu plus de 5 000 dans le quartier. C’est bien sûr le temps des natifs de l’Italie, environ 1 200, seule origine étrangère qui se marque sensiblement dans le quartier. L’Europe orientale fournit aussi un contingent important et attendu à Plaisance, surtout de Russie – ce qui est typique du XIVe arrondissement en général – avec 500 natifs.
56Ceux de Pologne sont moins nombreux (moins de 300). Notons aussi les anciens contingents belges (450), suisses (380), luxembourgeois (100) et un retour des natifs d’Allemagne (150). Ensemble en baisse cependant. Plus inédits, mais encore pas très nombreux, plus de 200 venus d’Espagne et une centaine du Portugal. Il ne faut pas non plus négliger une assez sensible immigration d’un grand Moyen-Orient, entre 200 et 250 personnes dont 80 de Turquie et 70 d’Arménie mais aussi de Palestine, d’Iran... Le reste paraît négligeable.
57Attention, il n’y a pas naturellement parfaite adéquation entre lieu de naissance et nationalité. Des Français sont nés à l’étranger (400), des étrangers se sont fait naturaliser (500 environ dont plus de 200 Italiens) ou ont obtenu la nationalité française par mariage (150 femmes, belges en tout premier lieu, ayant épousé un Français).
58Pour les natifs des colonies et départements ou territoires d’outre-mer, nous en comptons un bon millier, dont 600 d’Algérie et une soixantaine de natifs de Tunisie. L’Afrique noire fournit près d’une centaine de Plaisanciens, l’Indochine une cinquantaine, et les futurs DOM-TOM plus de 200... Toutefois les situations en termes de nationalité, sont très variables. Ainsi, parmi les 600 natifs de l’Algérie, plus de 200 sont citoyens français, quelques-uns sont notés « français israélites », et 60 % seulement sont algériens (musulmans, arabes, kabyles). Ainsi, dans la centaine de Plaisanciens d’Afrique noire, la grande masse est citoyen français. Les Africains noirs sont sans doute très peu nombreux (une dizaine peut-être dans le quartier). De même et plus nettement encore, notre cinquantaine d’Indochinois sont presque tous citoyens français. Vietnamiens, Laotiens ou Cambodgiens sont rarissimes (même situation pour les natifs de Tunisie). Ceux des futurs DOM-TOM sont tous citoyens français.
59Au bilan, ces natifs des colonies et départements ou territoires d’outre-mer sont bien souvent ce qu’on appelle des Français d’outre-mer (anciens colons ou fonctionnaires généralement...). Seule vraie masse sensible, sans doute, près de 400 Algériens forment un groupe lisible socialement, mais qui reste encore marginal (0,5 % des habitants).
Quartier/quartiers
60Notre population plaisante se disperse dans un grand quartier (un des plus grands de Paris, avons-nous dit) et la question de son éventuelle hétérogénéité mérite d’être examinée plus encore qu’en 1867. Nous avons procédé à un découpage en sept sous-quartiers que nous ne détaillons pas ici.
61Ces sept quartiers ont des particularités sensibles. Cependant, à l’exception de la zone, les écarts doivent céder le pas aux proximités.
62Examinons d’abord l’origine géographique. Seuls trois quartiers se distinguent. La zone a une population vraiment originale. Ce sont les provinciaux des régions proches de Paris, du Nord, de Picardie, de Champagne et de Bourgogne qui y sont bien représentés. Si des Italiens, Polonais ou Portugais y sont présents, aucun colonial ou exotique ou infimement.
63Au sud, dans le quartier des grands logements des ex-fortifs, on trouve une forte population de natifs des Antilles, du Midi ou de Français nés à l’étranger, tout signe d’une population importante de militaires et des services publics. Et un nombre infime de natifs, non français, de l’étranger (0,4 %).
64Au cœur de Plaisance, le quartier Pernety a, lui, une spécificité forte avec les natifs de l’étranger. C’est là que les immigrés se retrouvent le plus souvent, et en particulier les Algériens dont 53 % habitent cette zone, mais les Italiens, les Polonais, les Portugais, les Roumains, les Espagnols et les Russes abondent aussi, ce qui ne signifie nullement que la population native, non française, de l’étranger domine Pernety (ils comptent pour 7,6 % des habitants seulement contre 4 à 5 % dans les autres quartiers).
65Si l’on reprend le raisonnement par originaires, peu de régions paraissent significativement typées dans l’espace. L’espace plaisancien pratique un large melting-pot des originaires et on cherchera vainement des petites Bretagne, des petits Berry ou des petites Normandie. Certes, il y a des rues bretonnantes comme les rues Blottière, Bourgeois, Francis-de-Pressensé, Georges-Saché, Henrion-de-Pansey, Henry-de-Bournazel, Maurice-Bouchor, Médéah, Niepce, Pierre-Larousse, Perrel, Sauvageot, Vercingétorix, mais les Bretons n’y dépassent pas les 20 %. Et tout ceci ne fait pas regroupement sensible d’originaires.
66Il en va de même, un peu moins nettement, pour les immigrés, présents de manière équilibrée dans cinq de nos quartiers, mais absents des grands logements collectifs du boulevard Brune, et surreprésentés (en particulier les Algériens) au cœur du quartier, vers Pernety. Quelques garnis (6 et 10 rue Decrès, 67 et 69 rue des Thermopyles, 140 et 233 rue Vercingétorix) accueillent volontiers les colonisés, surtout d’Algérie, mais sans jamais une exclusive coloniale ou ethnique. Dans un garni assez typique du 17 rue Bourgeois qui accueille 49 « foyers », on compte sept étrangers, de nationalités diverses. Et le sculpteur, italien, Bruno Bartoli, vit avec son amie française...
67Au niveau socio-professionnel, une hiérarchie attendue apparaît ; deux quartiers, Didot-Plantes, qui regarde vers le Petit-Montrouge, et Maine-Daguerre, au Nord, sont moins modestes, accueillant plus de classes moyennes et supérieures. Les habitats collectifs des anciennes fortifs, le quartier nord, le vieux Plaisance autour de la rue du Château sont dans la moyenne. Le cœur de Plaisance (Pernety) est plus modeste et, bien sûr, la zone (1 000 habitants) est la plus misérable.
68Notons toutefois que partout les classes populaires dominent très largement, ne descendant jamais en dessous de 78 %. A contrario des classes supérieures, rares, sont présentes partout, sauf dans la zone, seul vrai espace entièrement ségrégé où n’habite aucun avocat, aucun médecin, aucun ingénieur, aucun négociant et où dominent chiffonniers, journaliers et miséreux25. Des postiers, qui travaillent aux ateliers voisins du boulevard Brune, font figure d’aristocrates de la zone !
69Les habitats collectifs des anciennes fortifs méritent un examen plus approfondi. Si leur niveau social global est bien proche de la moyenne plaisancienne, cette vue macro-statistique cache une particularité notable : la domination des actifs des services publics et concédés y est très grande (près de 40 % des actifs contre 17 % sur l’ensemble du quartier). Militaires, fonctionnaires, postiers, travailleurs de la Ville de Paris... forment un gros contingent des présents dans un espace où le chômage est aussi quasiment inexistant, ce qui indique que les autres salariés du privé ont aussi une moindre précarité. Par ailleurs, le petit commerce et l’artisanat y sont rares (4 % des actifs contre près de 10 % dans l’ensemble du quartier). Ainsi, une fois traversé le boulevard Brune, ce sont tout de même deux peuples très différents du reste du quartier qui se présentent ; sur les anciennes fortifs, un peuple modeste, certes, mais à large dominante salariale d’emploi stable (condition, avec la présence d’enfants nombreux, pour accéder à ces logements) et, à quelques mètres plus au sud, la zone, où misère et précarité dominent. À l’est, près de la porte de Châtillon, les habitats collectifs s’embourgeoisent, réservés aux cadres de la fonction publique et de l’armée.
Du côté des ménages
70Nos 8 300 individus se répartissent dans 3 400 ménages (ou foyers si l’on préfère) environ. Ces ménages peuvent se regrouper en grandes catégories classiques :
Couples mariés sans enfants 23 %
Couples mariés avec enfants 28 %
Couples mariés famille complexe26 7,2 %
Couples concubins sans enfants 2,9 %
Couples concubins avec enfants 1 %
Couples concubins autres 0,2 %
Séparés isolés 2,2 %
Séparés avec enfants 0,9 %
Séparés autres 0,2 %
Divorcés isolés 1,6 %
Divorcés avec enfants 0,8 %
Divorcés autres 0,1 %
Veuf(ve)s isolé(e)s 9,3 %
Veuf(ve)s avec enfants 5,2 %
Veuf(ve)s autres 1,3 %
Célibataires isolés 14 %
Célibataires avec enfants 0,5 %
Célibataires autres 0,3 %
Fratries 0,9 %
Ami(e)s 0,6 %
71Les couples mariés dominent donc largement le panorama familial avec plus de 58 % des ménages (et bien plus si on raisonnait en pourcentage d’habitants). Les couples concubins ne sont que 4 % des ménages, ce qui, sans être négligeable (près de 1 500 couples concubins dans le quartier), souligne l’extension du mariage depuis le xixe siècle dans les classes populaires et la raréfaction des naissances illégitimes27.
726 % des ménages ont un(e) chef de famille divorcé(e) ou séparé(e). Une situation monoparentale qui reste donc très rare dans le quartier d’autant qu’un tiers seulement de ces ménages a des enfants. La différence est ici sexuée. 90 % des séparés avec des enfants sont des femmes alors que 63 % des séparés sans enfants sont des hommes. Même situation pour les divorcés. 82 % des divorcés avec enfants sont des femmes, 67 % des divorcés isolés sont des hommes. Lourde charge donc pour ces femmes chefs de famille.
73Les veufs (en fait surtout des veuves à 80 %) comptent bien davantage à Plaisance, avec 16 % des ménages. Pas tous (toutes) si âgé(e)s que cela, car la mortalité, surtout masculine, est souvent précoce dans le quartier. D’ailleurs un tiers ont encore leurs enfants à la maison, certes souvent déjà jeunes gens ou jeunes filles et parfois jeunes adultes.
74Viennent enfin les célibataires (non en couple), 16 % aussi des ménages (mais bien moins des habitants). Ici, les hommes dominent un peu (54 %), souvent jeunes migrants. Surtout là l’enfant est excessivement rare. À Plaisance, point d’enfants sans couple ou sans ancien couple. Quelques-uns se regroupent en fratries ou entre amis sans que ce soit très fréquent.
75Un autre type de regroupement permet de totaliser tous les isolés : 27 % des ménages, soit un peu plus de 10 % des habitants qui vivent seul(e)s. Mais la catégorie est très disparate avec une dominante de célibataires plutôt jeunes, un fort contingent de veufs et une petite minorité de divorcés ou séparés.
76Au bilan, la famille plaisancienne semble assez bien se porter dans le Plaisance de 1936. Les couples mariés, les veufs dominent largement sur les célibataires, les couples séparés ou concubins. Les enfants, s’ils ne sont pas très nombreux, sont étroitement liés à une conception du couple constitué. Pour ce peuple de « travailleurs », le modèle familial « bourgeois » s’est désormais imposé et la famille devient un mode de vie du peuple, même s’il reste des cas dissidents. La principale menace contre la famille plaisancienne reste la perspective du décès, souvent précoce, d’un conjoint qui fragilise les horizons d’attente des couples.
77Comme nous l’avons souvent vu, la zone et les habitats collectifs des fortifs se distinguent. Dans les grands logements sociaux, le couple marié domine plus encore (82 %). C’est le triomphe de la famille. Aucun couple concubin sans enfant, seulement 2 % de célibataires seuls (contre 14 %), seulement 2 % de veufs seuls (contre 9 %). Globalement, seulement 6 % des ménages n’ont pas d’enfants ! Et les familles sont très généralement des familles nombreuses. C’est dans ces habitats28 que le nombre de personnes par foyer est de très loin le plus élevé. La priorité étant donnée à ces familles pour y obtenir un logement.
78Le paysage est différent dans la zone. Non que la famille y soit ignorée, au contraire. Ainsi les couples mariés sont 55 % des ménages. Rien de significatif, et il en va de même pour les couples concubins. La première différence tient aux veufs : 28 % des ménages, ce qui indique une population un peu plus âgée et surtout plus gravement touchée par la mortalité précoce d’un conjoint. C’est là qu’est le drame de la misère. Écart sensible aussi pour les séparés (5 % contre 3 %), ce qui pourrait signifier des couples fragiles, mais la zone n’accueille aucun divorcé ! Les deux se compensent donc : si l’on va à la mairie pour se mettre en couple, on se sépare sans y passer. Ceux qui sont absents ou presque de la zone, ce sont les célibataires (4 % contre 15 %). Que l’on soit migrant ou parisien, on ne vient quasiment sur la zone qu’une fois en couple ; avant, il y a le garni ou la petite chambre sous les toits pour les plus pauvres.
Des couples de « pays »
79Plaisance est donc dominé par les couples, sur lesquels le recensement donne des renseignements intéressants. En tout premier lieu sur les origines géographiques des mariés. Et ce qui est frappant, c’est l’importance du mariage entre « pays ». Environ 44 % des couples viennent d’une même région ou d’un même pays. Avec des variations notables. Les mariages interrégionaux ou nationaux dominent chez les Auvergnats (57 % des Auvergnats ont épousé une Auvergnate29), les Bretons (56 %), les Limousins (54 %), les Parisiens (52 %), les Italiens (58 %), les Polonais (71 %), les Roumains (100 %), les Russes (50 %), les Suisses (44 %). Au contraire, moins de propension à ce mariage en Rhône-Alpes (28 %), Bourgogne (29 %), Aquitaine (23 %), dans le proche Bassin parisien (26 %). Ailleurs les taux sont proches de la moyenne, c’est-à-dire tout de même assez élevés. En outre ces pourcentages ne font pas apparaître les mariages qui ont un caractère proche dans le cas où les parents des mariés sont « pays » ou dans le cas où l’un des mariés est « pays » de son beau-père ou de sa belle-mère. Une jeune Bretonne épousera ainsi souvent un natif de Paris fils de Bretons.
80Pas de Petite Bretagne, avons-nous dit, au niveau de l’espace, mais encore beaucoup de Très Petites Bretagne (et de Très Petites Auvergne...) au niveau des couples et de la famille. Certes, nous ne savons pas si ces couples se sont constitués avant de venir à Paris ou plus tard (ce qui signifierait une sociabilité ou des réseaux de « pays » forts), mais peu importe à notre propos. C’est la famille qui (main)tient l’origine. Même les Parisiens d’origine ont une assez forte endogamie, se mariant très volontiers entre eux, témoignant d’une culture parisienne de couple.
81Si les taux élevés de mariage entre étrangers de même nationalité ne surprend pas non plus, deux exceptions notables. Les colonisés d’abord. Un seul Algérien de notre sondage au 1/10e est marié à une Algérienne, encore est-elle absente et vit-elle au bled. Seuls sept Algériens vivent en couple, mais comme il n’y a pas d’immigration algérienne féminine, aucun n’a épousé ou ne vit avec une femme algérienne. Une mixité (rare) mais réelle s’établit ainsi avec des Françaises d’origine.
82Les Belges ensuite. Le phénomène est différent car les femmes nées en Belgique sont aussi nombreuses que les hommes à Plaisance. Mais les femmes d’origine belge épousent massivement des Français (et constituent ainsi une part importante des Françaises par mariage) alors que les hommes belges épousent massivement des Françaises d’origine. Le couple belge est donc très rare. Signe d’une intégration ancienne et qui a perdu toute identité d’origine.
83Ces deux cas d’exception ne changent pas la donne. Les couples de Plaisance sont d’abondance des couples d’originaires.
Plaisanciennes au foyer
84Sans grande surprise, le mariage30 et beaucoup les enfants, signifient pour une large majorité des femmes la cessation du travail. 63 % des femmes mariées sans enfant ne travaillent pas, 76 % des femmes mariées avec enfants, alors que la proportion des femmes chefs de famille qui travaillent monte à 61 % (et bien plus si on enlevait les veuves les plus âgées). Sans atteindre au niveau du modèle grand bourgeois où l’activité des femmes tombe, à cette époque, à presque rien, il reste que la grande majorité des couples avec enfants se situe dans ce modèle. L’examen des 2 200 femmes mariées et mères de famille qui travaillent nous fait apparaître certaines spécificités des professions qu’elles exercent et des professions incompatibles ou impensables pour ces femmes. Ainsi, des professions féminines très fréquentes chez les célibataires ne sont plus jamais, ou presque, pratiquées par les mères de famille : cuisinière, fille de salle (dans les cafés-restaurants ou dans les hôpitaux), domestique, coiffeuse31, la quasi-totalité des emplois de bureau, de banque, de secrétaire, de dactylo. En baisse aussi, mais moins forte, les couturières (sauf les mécaniciennes à domicile) ou les lingères.
85A contrario les mères de famille sont volontiers patronnes (d’un commerce, d’une épicerie, marchandes de vins-charbons, et même brocanteuses...). Le couple commerçant étant une figure courante de la vie sociale urbaine. Mais le métier triomphant dans le peuple féminin des mères de famille de notre quartier salarié, c’est la concierge (38 % des concierges sont des femmes mariées mères de famille). On trouve aussi nombreuses, mais pas tant que cela, des femmes de ménage, des ouvrières du livre, des confectionneuses. Enfin, certaines femmes continuent d’exercer leur métier dans les services publics ou concédés (institutrices, infirmières, cheminotes – fort peu nombreuses au demeurant –, postières). Les employées de commerce constituent le cas médian, sur les 1 200 femmes qui exercent ce métier, 160 sont mères de famille.
Sortir de Plaisance
86Où vont travailler nos Plaisanciens ? Ils paraissent volontiers casaniers puisque 41 % travaillent dans le XIVe arrondissement où ils trouvent nombre d’emplois. Si l’on prend en compte la couronne des arrondissements et communes contigus de Plaisance (VIe et XVe arrondissements, Montrouge, Malakoff, Vanves), on arrive à 61 % des habitants du quartier qui travaillent à Plaisance ou dans son voisinage. Inversement, des arrondissements sont répulsifs : à l’évidence les Plaisanciens répugnent aux arrondissements périphériques éloignés. Par contre, les Ier, IIe, VIIIe et IXe arrondissements, le centre-ouest classiquement actif de la capitale attirent 15 % d’entre eux.
87La banlieue est également répulsive. Seules les usines du sud-ouest de la Seine font appel de main-d’œuvre. Ainsi au moins 1 000 de nos Plaisanciens vont travailler dans le 9232 (hors Vanves-Malakoff-Montrouge), surtout à Boulogne-Billancourt.
88Les Plaisanciennes sont un peu plus casanières que les Plaisanciens mâles puisque 48,5 % travaillent dans le XIVe et 66 % dans la première couronne de Plaisance. Chose assez attendue, avec beaucoup de travail à domicile ou au tout proche voisinage, des couturières aux concierges, de la domesticité au petit commerce. Elles sont absentes de la banlieue et des arrondissements éloignés. Par contre, elles l’emportent sur les hommes dans les IIe, IVe, VIe et VIIIe arrondissements. Lorsque les femmes bougent, elles envahissent les quartiers centraux, midinettes des grandes maisons de couture, employées des grands magasins..., et deviennent les figures reconnues de la médiation sociale de la grande ville.
89Certaines entreprises constituent un vrai réservoir d’emplois pour nos Plaisanciens. Dans le quartier même, La Belle Jardinière33 (plus de 400 emplois occupés par des Plaisanciens), Bréguet (150)... Malheureusement nous ne pouvons savoir combien les trois grands hôpitaux ou les établissements de la poste, boulevard Brune, attiraient de Plaisanciens. Hors du quartier, il faut sortir de l’arrondissement pour trouver des entreprises significatives (dans les grands magasins, Le Bon Marché, 220 employés de Plaisance ; dans les banques, Le Crédit Lyonnais, 150 ; dans le livre, Hachette, 150, l’Imprimerie nationale, 150 ; dans la métallurgie, Renault, 350, Citroën, 200, Les Compteurs de Montrouge, 210...). Encore ces chiffres sont-ils minimisés car nombre de journaliers et manœuvres n’indiquent pas l’entreprise où ils travaillent.
90Peut-on tirer un bilan de cette vision statistique de nos Plaisanciens de 1936 ? Un peuple assurément, et en tout premier lieu un peuple de salariés modestes, avec un fort ventre d’employés et d’ouvriers qualifiés et un tiers de miséreux ou presque. Le petit commerce et des salariés intermédiaires complètent cette population d’où est presque totalement absente, comme en 1867, la vraie bourgeoisie. Ce peuple laborieux, où dominent les métiers masculins et féminins attendus (du métallo à la midinette...), avec toutefois une grande diversité et de plus en plus d’employés, prévaut dans tous les quartiers avec de faibles mais réelles nuances sociales ; plus on va vers les frontières avec le Petit-Montrouge, plus le quartier s’embourgeoise (mais si peu...). Seule la zone misérable, où l’on meurt tôt et où n’habite aucun membre de la bourgeoisie, et le nouveau quartier des habitats collectifs des anciennes fortifs où les familles nombreuses dominent et où les employés des services publics sont nombreux se distinguent notablement. Ailleurs on différenciera difficilement des sous-quartiers. Il faut aller à l’îlot, à la portion de rue, voire l’immeuble, pour percevoir certains regroupements, jamais systématiques, qui ne sont alors pas des ségrégations sensibles.
91Sexe et famille donnent plus de différences. Nous l’avons vu, métiers masculins et métiers féminins ne se mêlent pas, bien souvent, et bien sûr le mariage et les enfants entraînent pour le plus grand nombre des femmes la cessation du travail. Toutefois le mariage se porte bien à Plaisance, même si l’on n’y fabrique pas beaucoup d’enfants (un à deux par ménage, sauf dans les habitats collectifs), généralement nés à Paris. Et le mariage entre « pays », très fréquent, renforce une homogénéité sociale du couple, conservant, là, une vie d’originaires, y compris pour les Parisiens d’origine.
De 1936 à 1954
92Un autre document, issu du recensement de 195434, nous donne des informations complémentaires qui confirment et nuancent les résultats de 1936. Issus du dépouillement exhaustif du recensement, les résultats par îlots deviennent plus fiables que ceux de notre étude de 1936 au 1/10. Au niveau général du quartier, en reprenant nos macro-classifications, nous trouvons le résultat suivant pour la population active de 1954 (nous donnons aussi les chiffres du quartier voisin du Petit-Montrouge).

93Les chiffres sont très proches de ceux de 1936, manifestant toujours plus une massive domination salariale (87 %), un gros cœur d’ouvriers qualifiés et d’employés, une grande rareté de la « bourgeoisie ». Le niveau d’ensemble semble toutefois avoir légèrement progressé, avec moins de couches pauvres notamment. Mais il peut s’agir d’une différence de classification entre les CSP 1954 et notre classification de 193635. Ainsi les terrassiers, classés par nous dans les classes pauvres en 1936, sont classés OQ par les recenseurs de 1954.
94L’étude fine par îlots nous montre la particularité attendue du Plaisance des quartiers Maine-Daguerre et Plantes-Didot où les taux de classes supérieures dépassent 5 ou 7 %, mais n’atteignent toutefois quasiment jamais la moyenne du Petit-Montouge. Les habitats collectifs sont partagés entre la partie occidentale, peuplée massivement de classes populaires d’où toute classe supérieure est absente, et la partie orientale entre la porte Didot et la porte de Châtillon, peuplée de plus de cadres supérieurs (officiers notamment), ce qui fait de l’avenue du Général-Maistre la rue la plus bourgeoise du quartier ! À l’extrême sud, la zone a disparu, comme espace habité. La partie sud du quartier, au sud de la rue d’Alésia, reste disparate avec ses îlots plus aisés cohabitant avec des îlots miséreux. Au nord de la rue d’Alésia, le cœur de Plaisance, autour du métro Pernety et autour de la rue du Château, reste sans aucune classe supérieure ou presque.
95Les résultats par îlots de 1954 nous sont aussi donnés avec précision pour le nombre de « Musulmans d’Algérie », signe ô combien révélateur de l’inquiétude que commencent à susciter ces immigrés alors que la tension ne cesse de croître en Algérie. Globalement, Plaisance reste un quartier peu marqué par cette immigration36, qui constitue 1 % de la population. C’est plus qu’au Petit-Montrouge mais moins qu’à Montparnasse. Cette immigration est diffuse dans le quartier, plus nombreuse certes dans les îlots les plus pauvres. Mais elle n’atteint jamais des pourcentages très élevés. Des pics sont atteints dans le petit quadrilatère rue de l’Ouest/rue Sauvageot/rue Vercingétorix/Rue Jules-Guesde (autour de 10 %), passage de Vanves (10 %), rue de l’Eure (7 %), passage des Thermopyles et cité Bauer (autour de 6 %), rue de la Briqueterie (près de la porte de Vanves 6 %). Il ne paraît pas du tout approprié de parler d’un phénomène de ségrégation ethnique même si ces chiffres témoignent de la présence de garnis où les Algériens se retrouvent nombreux mais jamais isolés. L’examen des chiffres des autres immigrés laisse apparaître une dispersion plus grande encore. Le melting-pot de l’espace plaisancien sensible en 1936 se confirme ainsi en 1954.
De ces vues sociales quantifiées que retiennent les discours et les représentations ?
96L’image du Plaisance « populaire », « populeux », « laborieux », « ouvrier » ne cesse, comme dans les années de l’avant 1914, de courir les discours. On ne s’y étendra guère. Voici Henri Calet, qui évoque « la partie populeuse » du XIVe arrondissement37, voici un politique de droite qui parle de Plaisance « quartier si populeux38 » ; un conseiller municipal communiste évoque « la population ouvrière39 ». La dimension du travail manuel, du métier est particulièrement mise en avant comme par le Comité de Plaisance du Parti radical, soulignant les valeurs de « travail », de « probité »..., « caractéristiques de notre quartier laborieux40 ». Fayola-Augereau insiste sur « ce que sont, ce que veulent les habitants de ce quartier qui, en majorité, travaillent manuellement41 ». Au tournant des années 1950 et 1960, le Dictionnaire de Paris évoque « l’atmosphère [...] artisanale » de Plaisance, son « air [...] populaire42 » et son habitat par « une population laborieuse43 ». Ce sentiment est partagé par les témoins ou les essayistes postérieurs, souvent avec nostalgie : « des gens modestes [...] et tous les métiers manuels y étaient représentés44. » R. L. Cottard, le président de la Société historique, se rappelle : « Nous avons beaucoup fréquenté Plaisance dès les “petites années 1920” : certes la vie populaire y était animée45... »
97C’est sans doute l’article sensible d’Alexandre Arnoux en 1958 qui fixe avec le plus de finesse et d’ambiguïtés l’image du peuple de Plaisance46. Écrit à une date charnière, il est à la fois témoignage sur le Plaisance des années concernées par ce chapitre et construction d’un mythe mémoriel sans cesse retravaillé dans les années qui suivent.
98Ainsi Plaisance est décrit comme un village populaire, pittoresque et poétique. Et Plaisance n’est pas un seul ghetto prolétarien ; la population y est variée : « le prolétaire de Plaisance, solide et pullulant, qui a conscience de sa force et de son nombre », « l’homme de Plaisance, mécanicien syndiqué ou manœuvre à moustaches gauloises », « le cheminot généralement originaire de l’Ouest » constituent la phalange la plus nombreuse et signifient une certaine classe ouvrière consciente, pour laquelle l’auteur a une évidente admiration. De plus, à ces travailleurs salariés viennent s’ajouter les anciens de Montrouge, épiciers, rentiers, petits commerçants, le peuple de François Coppée, nous dit Arnoux, peut-être plus pauvres que les premiers. Viennent aussi les « habitants relativement récents [...] le flot envahissant, cosmopolite. J’entends par là les Peintres », « clan uniforme et horde bariolée ». Enfin Alexandre Arnoux n’oublie pas les relents de la gare Montparnasse qui ont fixé, à son voisinage, comme dans un port, les filles et leurs amis. Prolétaires, boutiquiers, artistes, filles constituent la diversité du paysage social plaisancien de l’écrivain où manque toutefois la grande cohorte des employés, femmes et hommes, toujours invisibles.
99Rien de tout ceci ne dément vraiment notre analyse d’ensemble du peuple plaisancien ; et il est vrai qu’il aurait été impossible de fabriquer l’image d’un Plaisance bourgeois ! Seule la notion du salariat n’est guère mise en avant malgré son écrasante domination, mais il est vrai que ce concept, comme celui des employés, ne porte guère à l’imaginaire...
100Mais, pour les contemporains de notre période, comme pour leurs prédécesseurs d’avant 1914, le sentiment d’un quartier très peuplé ou surpeuplé compte aussi beaucoup : Plaisance « qui renferme la moitié des habitants du XIVe arrondissement et est l’un des quartiers les plus peuplés de Paris47 », Plaisance « le plus peuplé, croyons-nous » de l’arrondissement48, Plaisance « grande ville par sa population49 », toutes déclarations qui servent souvent à dénoncer le mauvais sort réservé au quartier, mais qui correspondent bien à une réalité tant en termes absolus qu’en densité de population50.
Un quartier stable ϩ
101Nous manquons de mesures de la stabilité de notre population plaisancienne entre 1914 et 1958. On pourrait toutefois formuler l’hypothèse que la grande croissance démographique étant achevée, il y a eu une tendance à la stabilisation. Ici une tension apparaît entre le sentiment des contemporains, qui insistent souvent sur les mutations et les départs (parfois avec quelques excès), et la mémoire de la fin du xxe siècle, qui insiste sur la stabilité de la population plaisancienne. La revue de la Société historique multiplie, en effet, les exemples de ce genre. Nous discuterons dans le chapitre suivant des causes de ces choix, mais au moins la revue nous fournit des exemples significatifs et nombreux de cette stabilité de longue durée. Il y a, bien sûr, des records avec la famille Taulin qui habite Plaisance des années 1850 à 197051. En voici un rapide tableau :
Maurice Tremblay, maître de chapelle, habitant en 1907 le 48 rue Didot, y est encore en 1969. Sa femme était née rue Daguerre.
La famille Tournois, le grand-père sculpteur rue Blottière décédé en 1905, le père sculpteur-modeleur rue Vercingétorix, décédé en 1951, sa fille Madeleine vit rue Vercin de 1909 à 1972.
La famille Masson, un peu plus migrante : grand-mère maternelle née rue Campagne-Première (XIVe non Plaisance), mère née rue Lalande (id.), se marie avec tailleur de pierre d’Ivry. Le couple se fixe rue Bénard, puis rue Vercin en 1931. La fille, née en 1908, y est encore en 1975.
Famille Guillot-Hoffmane, maréchal-ferrant rue Didot en 1900, sa petite-fille écrit des poésies sur le quartier dans les années 1970.
Famille Werrie, grand-mère blanchisseuse vers 1900 rue Perrel, puis épicière rue du Texel, son fils crée une entreprise de mécanique impasse Lebouis vers 1920. La petite-fille habite encore l’impasse en 1982.
Famille B., grand-père horticulteur boulevard Brune, son fils né en 1888 habite encore en 1981 les HLM du boulevard... D’autres membres de la famille dans le voisinage.
Famille Dufresne, depuis le début du siècle villa Brune.
Famille Nouet, rue de Gergovie en 1871. Encore dans le XIVe en 1996.
Famille Bouloy-Hornois, père arrivé 14 rue Decrès en 1890, marié, se fixe au 73 rue de Vanves. Leur fille reste au 73 jusqu’en 1983.
Famille Nolot, fixée quartier Alésia-Bénard.
102Tous ces témoignages et souvenirs recueillis par la Société historique entre 1969 et 2004 nous montrent bien l’existence d’un noyau significatif de Plaisanciens fixés durablement dans le quartier. Un petit poème de Simone Hoffmane, « Le pays natal, rue Didot », insiste encore dans l’après Seconde Guerre mondiale sur cet attachement au quartier52. Toutefois cette vision est contredite par nombre d’écrits, qui soulignent, dès l’entre-deux-guerres, les départs et les mobilités. Ainsi en 1927, Fayola-Augereau regrette que les jeunes ouvriers quittent le quartier (où le terrain est déjà trop cher pour envisager de nouvelles constructions sociales, selon lui) et ne peuvent « stabiliser leur vie53 ». Calet estime que, rue Raymond Losserand, « les habitants (comme les plaques de la rue) ont également changé54 », surtout du fait de la Deuxième Guerre mondiale. Les premiers départs pour la banlieue des couples jeunes commencent, selon Suzanne Masson, dans les années 1950, bien avant la rénovation55. Elle note aussi la disparition progressive, après la Seconde Guerre mondiale, des brodeuses, blanchisseuses, matelassiers, charbonniers... Ainsi c’est en 1953 que M. Diard (lui livreur de journaux, elle couturière) quitte le 97 rue Vercingétorix où il habitait depuis vingt ans pour un HLM de banlieue56. Dans son étude sur un îlot du Moulin de la Vierge (2782), Moraux note aussi ce phénomène de premiers départs qui conduisent dans les années 1950 à un très léger embourgeoisement57.
103À défaut de mesures sérieuses sur les mobilités plaisanciennes, ces exemples montrent que se superposent un noyau dur et des populations qui arrivent ou qui partent (souvent dans ces deux cas des jeunes adultes).
Un peuple particulier ϩ Ou la culture discrète des Bretons
104Nombreux à Plaisance sans être dominants, les Bretons ont construit après la Grande Guerre une culture sensible que la mémoire contemporaine tend à quelque peu surestimer dans son goût du pittoresque parisien. Progressivement s’efface l’image du Breton migrant misérable, grand fournisseur de truands et de prostituées, ou du Breton catholique, grand fournisseur de pratiquants à Notre-Dame-du-Travail. Sans doute les Bretons continuent-ils à débarquer gare Montparnasse, sans doute le paysage reste marqué par les cafés et hôtels de Bretagne : « On aperçoit, aux carrefours, de petits hôtels touchants et délabrés où devaient camper jadis les paysans bretons qui débarquaient par convois entiers à la gare du Montparnasse58 », écrit Georges Duhamel lors d’une promenade plaisancienne. Et les photographes du quartier, Bovis59 ou Kertesz, ne peuvent s’empêcher de photographier cafés-hôtels bretons ou épicier vendant des « Produits de Bretagne ».
105La vitalité de la culture bretonne se manifeste le plus souvent à l’occasion de fêtes ou de journées marquantes. Les jours de communion solennelle, les familles bretonnes sortent en costume et coiffe dans la rue60. À compter de 1929 (et jusqu’en 1975), l’élection annuelle de la duchesse de Bretagne donne lieu à réjouissances et défilé à Montparnasse et Plaisance. Et Doisneau ne peut rater la photo d’un petit bal populaire au pied du café breton61.
106Catholiques et communistes tentent aussi d’encadrer les Bretons. C’est vieille tradition chez les premiers, qui s’essoufflent dans notre quartier. Dans les années 1920, Loïc Cloarec fonde un foyer breton qui devient le siège des Bretons émancipés où se retrouvent les communistes et leurs amis.
107Toutefois ce n’est peut-être pas à Plaisance que les Bretons ou la Bretagne sont les plus visibles. C’est par la multiplication des crêperies à Montparnasse (de la Gaîté au boulevard) que s’affirme le plus la visibilité bretonne dans un quartier qui connaît un essor touristique considérable. Plaisance est plus discret Certes le pharmacien de la rue des Plantes affiche « Ici on parle breton « et porte le chapeau rond62, mais cela ne fait pas masse. C’est à l’extrême nord du quartier, rue Vandamme, que se manifeste le plus l’emprise bretonne. C’est là que s’ouvre en 1949 la crêperie-cabaret d’Adèle Ollitrault, le Ti-Jos, qui accueillera jusqu’en 1972 tous les grands noms de la culture bretonne63. Tout à côté, au stade de la SNCF, les cheminots jouent aux boules « en parlant breton64 ».
108Mais la tendance dominante reste à la discrétion ou à l’intégration. Il est frappant de voir que Les Échos du XIVe, le principal journal local de l’arrondissement dans l’entre-deux-guerres, n’évoque pratiquement jamais les Bretons de Plaisance. Certes il y a le drame de la folie d’une veuve-mère de sept enfants, venue avec ses quatre plus jeunes de son village d’Île-et-Vilaine se loger dans un garni de la rue de l’Ouest et dont les enfants sont envoyés aux Enfants assistés. Mais le journal sou ligne seulement son statut de veuve de guerre65. Dans une imagerie plus classique de l’avant Grande Guerre, le journal évoque le cadavre d’un Breton découvert sur la voie ferrée66. Tout ceci fait fort peu, mais correspond bien à la maigre présence des Bretons dans les mains courantes de 1936.
109Dans ce quartier qui passe sous hégémonie communiste, la présence de Bretons dans le militantisme de la section du PCF ou des syndicats CGTU puis CGT est sans doute un signe d’une voie vers l’intégration à Paris, le terrassier et granitier François Jolivet67, l’ouvrier coiffeur Marcel Cordier en témoignent. Mais, sans doute, c’est Henri Tanguy dit Rol, puis Rol-Tanguy, qui en est le plus fort symbole. Le jeune fils de marinier, né à Morlaix en 1908, et monté avec sa mère à Paris en 1924, devenu ouvrier chez Renault à 17 ans, puis, après avoir tenté sa chance comme coureur cycliste, devenu un actif militant communiste et du syndicat de la métallurgie, sera un des principaux chefs des Brigades internationales puis de la Résistance.
110Tout ceci ne fait pas une vraie Petite-Bretagne si l’on entend par là une culture particulière qui conserverait tous les traits de ses origines. C’est plutôt le quartier qui intègre dans son imaginaire une présence bretonne qui devient de l’arrivée à la gare à la musique un élément de son identité.
Activités
Du côté des usines
111Plaisance est, depuis la fin du xixe siècle, marqué par un paysage industriel de grandes et moyennes usines, rue Didot, rue d’Alésia, boulevard Brune en particulier. Paysage maintenant perdu, il est présent pleinement en ces années 1914-195868, même si certains signes légers d’effacement apparaissent.
112Sans doute, en tout premier lieu, doit-on indiquer à quel point ces usines sont, dans l’entre-deux guerres, l’espace où se construit le communisme (du quartier et au delà). L’usine Ballot, qui joue un rôle très important dans l’économie de guerre, voit passer au moins trois futurs cadres du PCF ; l’ajusteur Alexandre Chabert y conduit la grève de mai 1918 et en est renvoyé. Joseph Ambrogelli, secrétaire du 9e rayon des JC en 1925, participe activement à la grève de 1925 dans la même usine. Enfin Roi-Tanguy est embauché à 22 ans chez Bréguet, en 1930, créant la cellule communiste en 1934, le syndicat CGTU et publiant deux feuilles Ronéo, Le Bélier rouge et Le Projecteur unitaire. Il sera licencié de Bréguet en 1935.
113Mais ce ne sont pas les seules usines métallurgiques qui sont les lieux de la construction communiste. Joseph Roux, le Varois, vient travailler aux ateliers des PTT du boulevard Brune de 1925 à 1930. Pierre Sanceau, le Breton, est tailleur-coupeur à La Belle Jardinière. Militant actif, il est le délégué de l’usine au congrès contre la guerre de 1925. Lui aussi est un élu municipal communiste de Malakoff. François Salom, le conseiller municipal communiste – puis dissident – du quartier, a travaillé à la sous-station de la CPDE, rue de Vanves.
114Les plus petites entreprises ne sont pas absentes de ce dynamisme communiste ou syndicaliste unitaire. Ainsi Dominique Luca, né en 1896 en Corse, s’emploie en 1922 à la biscuiterie industrielle du Moulin-de-la-Vierge (au coin de la rue Vercingétorix). Dans une interview il se souvient : « Et là il a bien fallu que je me syndique car c’est la première chose que les ouvriers m’ont dit de faire sinon je ne travaillerais pas. J’ai donc adhéré à la CGTU et, par la suite, j’ai compris la nécessité du syndicat69. » De 1933 à 1936, il travaillera au Planteur de Caïffa où il animera la grève de 1936.
115Certes, les communistes ne sont pas les seuls à agir dans les usines de Plaisance. Nous retrouvons, par exemple, la trace de l’extrême gauche chez Ballot en 194670. Mais les forteresses ouvrières de Plaisance (comme Renault-Billancourt où travaillent nombre de nos Plaisanciens) sont bien des lieux de l’hégémonie communiste.
116En face, le patronat des usines de Plaisance tente d’accentuer son rôle dans le quartier en multipliant des initiatives que l’on peut qualifier de « paternalistes » sans que jamais, à Paris, on puisse parler d’un paternalisme patronal encadrant toute la vie des ouvriers comme dans certaines villes ouvrières ou usines de province.
117Dans la liste des membres souscripteurs de la crèche de Plaisance-Montparnasse, nous relevons ainsi la maison Bréguet dans la liste des membres perpétuels et membres bienfaiteurs nous relevons les Chemins de fer de l’Ouest, les Planteurs de Caïffa71 ; dans la liste des donateurs de récompenses aux apprentis, nous notons Bréguet, Ernault, l’imprimeur Kauffmann, Caïffa, La Précision Électrique, La Belle Jardinière72... Participant au Groupement des industriels du XIVe et de l’arrondissement de Sceaux, Pinon, Bréguet et Ernault, qui sont aussi au Comité d’aide aux familles nécessiteuses73. Bréguet, décidément très actif, fonde avec Léonie Chaptal la Fédération industrielle du XIVe de lutte contre la tuberculose en 191874. D’un point de vue politique, l’usine Ernault devient le siège du Comité de libération de l’arrondissement75.
118Ce face-à-face s’inscrit dans une emprise de l’usine sur le paysage plaisancien que l’on mesure mal de nos jours. Les usines sollicitent tous les sens des passants. L’usine d’asphaltes de la rue d’Alésia était sensible à tous par ses « odeurs de caoutchouc brûlé76 », par son environnement sociable avec le petit café en face, impasse Florimont, où « venaient se retrouver devant un petit “Kaouah” les ouvriers maghrébins de l’usine77 ». L’impasse Florimont nous fait rencontrer pour la première fois Georges Brassens :
Ils ont foutu les Asphaltes en l’air : les gens du quartier ont assez gueulé contre les Asphaltes. Ils ont eu tort, d’ailleurs moi j’aimais bien ça, c’était chouette de voir ces espèces de bagnoles. [...] Je les ai vues traînées par des chevaux78.
119Les Planteurs de Caïffa permettent aussi d’évoquer ces souvenirs sensitifs :
Les livreurs des Planteurs de Caïffa utilisaient les mêmes voitures, avec deux grandes roues à l’avant et une petite à l’arrière. On les entendait crier « Caïffa Caïffa79 ».
120Mais ce sont aussi les sentiments de la modernité et de la force qui se dégagent de ces usines. Ainsi se décrit encore la Belle Jardinière en 1964 : « Au cœur du XIVe arrondissement, un immense lord “B.J.” rouge et blanc de quatre mètres de haut, règle la circulation à l’angle de la rue Didot et de la rue d’Alésia. À ses pieds s’étend sur 11 000 m2 une usine ultra-moderne consacrée aux peignés de qualité supérieure et pour une bonne part depuis 1952 au Bodygraph80. » Des photos soulignent « les techniques les plus modernes » employées dans les ateliers.
121De superbes photos réalisées entre 1919 et 196381 montrent aussi de nombreux aspects de l’usine Ernault. Machines, cheminées, façades, murs, fumées, sorties des ateliers, toits... autant de signes d’un espace qui manifeste son emprise sur le quartier.
122Ce quartier d’usines, reconnu comme tel82 et qui est à son apogée, est cependant déjà menacé. Prémonitoire, Fayola-Augereau, dès 1927, estime que l’augmentation du prix du terrain à Plaisance interdira de nouvelles constructions d’usine et que, progressivement, les industriels du XIVe partiront. Il espère cependant que les petites industries se maintiendront bien. D’autres pressions, qui restent faibles, se manifestent contre l’industrie plaisancienne, en particulier les protestations contre les pollutions83.
123Le dynamisme industriel84 paraît en tout cas stoppé. La dernière grande installation est la sous-station électrique, rue de Vanves, construite par la CPDE dans les années 1920. Par contre, l’usine Ballot, boulevard Brune, reprise par Hispano-Suiza en 1931, a des difficultés avec la grande crise. Son fondateur, Maurice Ballot, décède en 193785. Les derniers ateliers ferment en 1948, laissant seulement derrière eux le centre d’apprentissage de l’usine86. En 1958, cependant, la puissance et la sociabilité usinières sont encore bien là dans notre quartier.
124Le tissu des petites entreprises mérite aussi qu’on s’y attarde. Certaines ont eu leur heure de gloire comme les cyclos Vimer (Villard-Mercier), installés 188 rue d’Alésia avant de partir à Gentilly, spécialisés avant la guerre dans la fabrication des roues, freins et amortisseurs, ou comme dans les années 1950 et 1960, « Le Discographe », villa Collet (à la fois fabrique de platines et enregistrement magnétique). Les garages se multiplient.
125Parmi les activités qui ont attiré l’œil des Plaisanciens, le Laboratoire expérimental de physiologie animale, boulevard Brune, tout près de la zone, qui cédera sa place en 1937 à l’école de puériculture. On y pratiquait la vivisection des animaux derrière « de très hauts murs et deux grandes portes qui ne s’ouvraient jamais87 » dans des bâtiments d’un étage entourés d’un grand parc. Toutefois, si l’on excepte les établissements médico-hospitaliers, Plaisance n’est jamais marqué par la présence d’établissements scientifiques importants. On y trouve un Bureau d’études scientifiques et techniques, rue Léonidas, de 1946 à 1966, qui aurait employé jusqu’à 40 personnes88, un « Laboratoire de la Maisleriose (sic) » dans les années 193089.
Commerces
126Les souvenirs du quartier évoquent toujours le monde du commerce. Souvenirs sensibles qui renvoient au voisinage, à la promenade, aux bruits, odeurs et visions de la rue. Les vendeurs de rue sont ainsi souvent privilégiés : « tous les matins, ils passaient à la même heure : chiffonniers, marchands de quatre-saisons..., vendeurs de mourons... ou de bigorneaux, raccommodeurs de faïence... », avec « chacun son cri », se souvient le père Lagrange90. Madeleine Tournois se rappelle des cris « Habits, chiffons, ferrailles à vendre91 ». Au voisinage du 73 rue de Vanves, Hélène Boulois se souvient de « notre » boulanger, du crémier, du magasin de photo, du bijoutier, des deux charcutiers, d’un petit magasin de frites-légumes-bouteilles, d’un marchand d’instruments de musique, d’un bougnat92.
127Des espaces sont privilégiés. La rue de l’Ouest est plus commerçante que la rue Vercingétorix. La rue de Vanves n’est que boutiques ou ateliers-boutiques, de petite taille cependant ; l’avenue du Maine attire aussi le chaland. Là, il y eut longtemps le Grand Bazar au coin de la rue Vercingétorix et de l’avenue, qui vendait des « produits très ordinaires », de « modestes joujoux93 ». « AU SOLEIL » au 94-110 avenue du Maine ferme dans les années trente94. Le magasin de chaussures Finoki peut se payer des pages de publicité (ou de soutien) dans les rapports de la crèche de Plaisance-Montparnasse95, tout comme le magasin de photo-ciné-phono Régis au 76.
128L’avenue du Maine attire aussi le promeneur Henri Calet et, en particulier, une boutique de corsets pour dames sise là où tomba le dirigeable Pax en 1902. Évidemment le regard se fait là plus ambigu : « La corsetière expose un joli mannequin, grandeur nature ... Ce qui me plaît surtout, ce sont les soutiens-gorge. J’ai beaucoup hésité entre le “Rêve étincelant”... le “Petit sorcier”... et “l’Invite à la Romance”...C’est “Amour divin” qui vaut le plus cher96... » Mais le regard de Calet ne fait qu’ajouter une touche de sensualité à ce registre qui fait appel aux sens et qui fait présence vive du commerce dans le souvenir du quartier, sans d’ailleurs qu’il y ait ici une particularité plaisancienne par rapport aux autres quartiers populaires de Paris.
129Notons enfin que le commerce fait aussi parfois trait d’union du passé et du présent. Les publicités peuvent insister sur l’antiquité d’un commerce comme ce « 1877-1927 - Cinquantenaire de Harry, chapelier, 88 avenue du Maine97 » ou l’« Imprimerie-Papeterie G. Caboche et Cie - Ancienne Maison Fleury98 ».
130Cette perception du commerce dans l’espace pourrait faire sociabilité et identité. Ainsi la bijoutière du 73 rue de Vanves était « très avenante ». Le boulanger et le crémier du 71 étaient « notre » boulanger, « notre » crémier99. Henri Calet, lui, célèbre Mme Avril, l’épicière de la rue de l’Eure :
J’aimais bien aussi Mme Avril. Non pas que je fusse entré souvent dans sa boutique. C’était une épicière d’exception : elle ne vendait pas au marché noir. Chez elle tout se vendait au grand jour, à des prix de barèmes, contre des tickets. Et c’est pourquoi ses rayons étaient vides... Les vieillards et les « économiquement faibles » se fournissaient chez elle, par sympathie. Des enfants aussi, pour les cachous... Mme Avril avait une belle conscience d’épicière et il semble que sa pauvre vitrine soit encore rayonnante100.
131Toutefois ces témoignages de relations solidaires entre habitants et commerçants restent très rares et le texte de Calet fait bien de la belle figure de Mme Avril, épicière, une exception. Si les commerces marquent les sens, s’ils animent le quartier, pour autant commerçants et Plaisanciens ne paraissent pas se lier d’autant que certaines tensions entre commerçants et consommateurs continuent à se manifester.
132C’est plutôt par leur participation à l’animation du quartier que les commerçants font encore figure de constructeurs d’une symbolique identitaire de Plaisance. Le fait est particulièrement sensible dans les belles années 1920. Lors des fêtes de la Reine du XIVe101, des Amis des enfants assistés102, lors de la fête des Fruits, les commerçants sont présents par leurs cadeaux pour les prix, leur aide aux infrastructures. Les 14 juillet 1926 et 1927 seront leur triomphe : « Le carrefour Pernety est un carrefour de joyeux vivants et d’actifs commerçants », note Les Échos qui estime que la réussite des fêtes vient des commerçants103.
133Cette dimension de l’animation du quartier par les commerçants, présente, nous l’avons vu, dès la fin du xixe siècle, paraît s’affaisser sensiblement dans les années 1930. Mais il est clair qu’en ces années de crise, les commerçants plaisanciens tendent à s’organiser de manière corporative en tout premier lieu et à défendre leurs intérêts plus que ceux du quartier.
134Les comités se multiplient, en effet, dans ces années 1930, suivant des divisions professionnelles ou spatiales : en 1931 est créé le comité de défense des commerçants de Vanves-Pernety104. En 1932 est créé un groupement des commerçants de la rue de l’Ouest et des rues adjacentes105. En 1934 se crée un comité de défense des commerçants et artisans de la rue Daguerre et des rues adjacentes106. La même année, les hôteliers du XIV tiennent leurs propres réunions107. Enfin, en 1935, un comité de défense des commerçants de Plaisance est créé dont le siège social au 194 rue d’Alésia indique qu’il concerne plutôt les commerçants de la partie méridionale du quartier108.
135Ces groupements ont des revendications ou défendent des positions très corporatives et souvent étroites. Par exemple, les commerçants font figure d’« éternels mécontents » lorsqu’ils se plaignent des travaux du métro (certes très longs) qui gêneraient leur commerce, alors que Plaisance réclame un métro depuis l’avant Première Guerre mondiale ! R. P. Bisson, le président d’honneur du comité de défense des commerçants de Pernety-Vanves, avait aussi été en pointe dans un mouvement des commerçants contre la création d’un square rue Didot (le futur square de l’abbé Viollet), dans un quartier qui en manquait pourtant gravement. Dans un article il estime que la construction d’un square se ferait au détriment de celle d’immeubles d’habitation et donc porterait préjudice au commerce (moins d’habitants, moins de clients...) et entraînerait des dépenses supplémentaires pour la Ville de Paris (donc des impôts plus élevés)109.
136Les deux guerres, bien entendu, ont aussi contribué à une situation des commerçants, vite perçue comme négative dans les grandes villes. Nous avons vu l’évocation de l’attitude des commerçants du quartier à propos du marché noir pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant la Grande Guerre, l’image générale du mercanti qui profite de la guerre pour augmenter ses prix ne peut manquer d’être aussi, bien sûr, présente à Plaisance.
137Évoquer « les commerçants » unifie sans doute un groupe qui n’est pas si homogène que cela, même si, dans notre quartier populaire, les gros négociants sont rares. Ainsi un homme politique local de droite, Th. Dronchat, tente de défendre les petits commerçants sur l’affaire du square en soulignant que l’opposition vient d’abord des gros commerçants, qui avaient établi leurs remises là où le square devait s’établir110. Le conseiller municipal communiste dissident Salom tente, lui, d’opposer un candidat à Bisson comme président d’honneur du comité de défense en 1932111. Les radicaux, qui avaient eu des électeurs commerçants avant 1914, continuent d’essayer de défendre leur conception d’un commerçant participant du peuple travailleur de Plaisance112, mais sans grand succès. Il n’est jusqu’aux communistes qui, dans le cadre de leur stratégie de Front populaire, n’essayent de capter l’attention des commerçants et bistrotiers. Ainsi, à l’occasion de l’attaque de la maison des syndicats de la rue du Château par des milices d’extrême droite en 1935, L’Humanité fait déclarer à un patron de café voisin qu’il en a assez des fascistes et à une commerçante qu’elle est apolitique mais antifasciste113. Propagande, peut-être, mais aussi reflet, dans le second cas, d’une situation sociale que nous avons relevée dans les couples homme-salarié femme-commerçante. Un bon exemple en est le couple Jarzé. Jarzé est cheminot à Montparnasse et secrétaire du syndicat CGTU. Il habite rue Vandamme avec sa femme, qui tient une épicerie-commerce de vins114.
138Mais les divisions du monde du commerce ne sont pas seulement socio-politiques. Il y a aussi les diversités du sort des commerces115 et des mobilités des descendants. Deux beaux exemples méritent notre attention. En 1911, d’une famille de modestes crémiers de la rue Didot naît un jeune garçon qui fera après guerre ses études dans les écoles primaires de Plaisance, Maurice Allais116. Plus âgé, car né en 1896, Maurice Trignol est le fils d’une veuve installée en 1913 rue de Vanves : « elle n’avait pas les moyens de vivre à rien faire, elle avait acheté un petit fonds de bonneterie-mercerie-journaux, dans la rue de Vanves117 ». Le jeune adolescent devient très vite un des voyous du quartier avant de devenir, par un coup de chance du destin, un ami des stars de l’entre-deux-guerres.
139Notre propos n’est pas une histoire du commerce parisien dont on semble se préoccuper peu dans le quartier118 ; nous connaissons ainsi mal les difficultés du commerce dans l’après Seconde Guerre mondiale, au moment où s’amorce la concurrence des grands magasins ou succursales avant les premières grandes surfaces. Paris a peut-être mieux résisté. Il semble bien toutefois que les commerçants, qui ne constituent plus que quelques pour-cent de la population active de Plaisance, ne soient plus la force qui porterait les échanges symboliques identitaires du quartier même si leur présence visible et sensible reste vive.
Sociabilités
Des cafés apaisés ?
140Cafés, bistrots, buvettes... sont assurément nombreux à Plaisance depuis le xixe siècle119. Trop nombreux pour certains sans doute. Ainsi, en 1984-1985, le président de la Société historique estimait qu’il y avait dans les années 1930 « un bistrot pour trois maisons et même rue du Château, on avait fait ce relevé en 1938, un zinc pour deux maisons et demi120 ». Nous ne connaissons pas les sources de M. Cottard. Notre propre relevé à partir des listes de recensement de 1936 donne des chiffres un peu moindres : 200 marchands de vins, 190 cafetiers, 50 cafés-hôtels, 90 cafés-restaurants. Soit 530 lieux de boissons assurés. À ceci il convient d’ajouter une part très importante des 240 hôteliers. Car même s’ils ne se sont pas déclarés aussi cafetiers, nous savons que la grande majorité des garnis avait un très petit café associé. Or le garni est le cas général des hôtels plaisanciens. Nous arrivons ainsi à 700 lieux de boisson environ, chiffre auquel il conviendrait d’ajouter quelques épiceries-buvettes. Nous trouvons ainsi un zinc pour quatre maisons, ce qui est un peu moins que Cottard – mais pas si différent –, et un zinc pour une centaine d’habitants, ce qui correspond aux chiffres habituels des quartiers populaires parisiens.
141Il y a certes lieu d’établir des distinctions. Les grands cafés (souvent brasseries) sont rares à Plaisance (à la différence de Montparnasse), du fait du parcellaire étroit et de la voirie resserrée. L’avenue du Maine est la plus propice à ces grands établissements comme Au rallye de Montparnasse, au 80 de l’avenue, qui emploie huit salariés au moins121. La dominante est donc le petit bistrot, voire le tout petit établissement comme cette épicerie-buvette tenue par la famille de Louis Brélivet, rue de l’Abbé-Carton122.
142La mémoire actuelle tend à embellir les bistrots d’avant les années 1960, d’autant qu’ils se prêtent bien à la construction d’une image du Paris humaniste que les photographes des années 1930-1950 ont su saisir et que nous aimons à regarder. Je me souviens du XIVe arrondissement présente ainsi les photos de Bovis (1940) et Kertesz (1932) des cafés-hôtels de Bretagne ou de Normandie, des cafés populaires de la rue du Château123. La Revue historique du XIVe publie en 1971 une série de photos issues des archives de la SNCF et prises en 1942 rue Vandamme, lors de l’agrandissement de l’emprise de la gare124. Les « Vins », « Cafés », « Hôtel », « Bois », « Charbon », « restaurant », « auberge » dominent largement le paysage de la rue.
143Pour certains contemporains, les cafés de Plaisance n’étaient que de tristes bistros, loin des vrais lieux de plaisir qu’étaient les cabarets de la rue de la Gaîté, « dernier trait de joie parisienne avant les zones réservées aux logis médiocres et à la vie sous la lampe à moins que ce ne soit chez le bistro125 ». Cette vue plutôt tristounette du café plaisancien ne se retrouve pas dans des témoignages qui insistent sur les traits d’une sociabilité populaire locale. Évoquant ses souvenirs de la rue Pernety et du café Père Nety, P. Nolot évoque les « jeux de mots au comptoir », les « conversations abracadabrantes », tout trace du « vieux Paris bambochard des années 1930126 ».
144Sans doute là encore faut-il distinguer. Il y a les cafés ouvriers, où viennent les travailleurs des ateliers environnants. C’est le cas du petit troquet de Mme Firmat, rue Bardinet, « le genre troquet de quartier... 12 heures, les ouvriers débauchent et déboulent au zinc127 ». C’est le cas de Au rendez-vous des cheminots, rue Vandamme, ou du café des Maghrébins des Asphaltes, impasse Florimont.
145Il y a des cafés de famille, pourrait-on presque dire. Ainsi Le Petit pot, rue de Vanves, accueille le jeudi après-midi ou pendant les vacances les petites filles Hornoy, qui viennent jouer avec les enfants du patron128. Rue de l’Abbé-Carton, dans l’épicerie-buvette le soir, « on se retrouvait là » pour danser en famille et avec les amis.
146Cette image plutôt sage des cafés plaisanciens se juxtapose avec l’image, tout de même déclinante au regard de la fin du xixe siècle, du café criminogène. Des bagarres et des violences restent signalées129. Lors d’un duel au couteau dans un débit de la rue Vercingétorix, l’agresseur n’est pas dénoncé car c’est, selon le journaliste, « la loi du milieu130 ». Fernand Trignol, qui avait commencé sa carrière de truand avant la guerre dans les bistros de la rue de Vanves, la continue après dans un café-hôtel de la rue du Texel, tenu par une voleuse et fréquenté par les clochards et les tapineuses : « C’est dans ce bistrot qu’un soir arrivèrent des journalistes venus pour faire une étude de mœurs131. »
147Un autre bistrot qui atteint aussi la notoriété, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, est Les Tamaris, fréquenté par Giacometti :
Rue d’Alésia, à peu de distance de l’atelier il y avait une brasserie, les Tamaris, dont le patron était un ancien détenu du quartier de la Bastille, du nom de Jacques. Les petits escrocs et les jeunes voyous du quartier la fréquentaient, c’était le premier endroit que visitait la police en cas de coup dur dans le voisinage132.
148Toutefois, la Grande Guerre, en imposant la fermeture des cafés à 21 heures pendant quatre ans, semble avoir laissé des traces durables. Trignol reconnaît que c’est désormais dans des quartiers plus centraux, vers Montparnasse et Edgar Quinet, que se déplacent les activités plus ou moins ouvertes des truands. Et il est vrai que notre sondage dans les mains courantes de 1936 ne fait plus apparaître, contrairement à 1896, les débits de boisson comme des lieux sensibles de la violence et du crime. Nous ne trouvons qu’une affaire de paris clandestins, tolérés par L. P., le débitant du 36 rue de Vanves133. L’affaire du café-hôtel du 90 rue du Château où un client tient des propos antisémites, dénonçant le patron comme « n’aimant que les juifs et qu’il va le faire fusiller », renvoie à la question plus tard évoquée du racisme134. Il resterait, bien sûr, la question de la prostitution, présente dans certains bars, rue de Vanves135, rue du Texel...
149La diversité paraît la règle dans le monde des cafés de Plaisance, même si la tendance à une sociabilité qui reste débridée et populaire, plus apaisée, est sensible.
150Tout ceci se retrouve sans nul doute dans d’autres quartiers parisiens. Mais nos cafés plaisanciens sont aussi marqués par la présence du milieu des artistes et poètes qui leur donne une coloration particulière. Georges Brassens, notamment, était un grand amateur des cafés du quartier, que ce soit celui qui se situait à l’angle de la rue Bardinet et de la rue d’Alésia (qui lui a inspiré L’Auvergnat), le café PMU au coin de la rue Didot, le Bistrot des Plantes, ex Au vrai sans souci, rue des Plantes, ou Le rendez-vous des camionneurs136. Giacometti aimait aussi traîner la nuit dans les cafés de Plaisance, notamment aux Tamaris, que nous avons évoqué : « Un couple d’artistes mal vêtus, avec de la poussière de plâtre dans les cheveux et des traces d’argile sous les ongles, risquait peu d’attirer l’attention aux Tamaris137. » Toutefois le rapport aux cafés des artistes et poètes est contradictoire. Pour une part, le café est un lieu de dérive ou d’accueil pour les plus pauvres, les plus miséreux, les plus marginaux d’entre eux. C’est bien sûr le cas du jeune Brassens, celui des années 1940-1950. C’est le cas, beaucoup moins connu, du grand poète Roger Gilbert-Lecomte, venu pendant la Seconde Guerre mondiale vivre chez la mère Firmat, rue Bardinet, alors qu’il était au dernier stade de son intoxication par la drogue :
La came le cloue ici. Ce café est son ultime refuge. C’est là qu’il vit. Ou survit... Depuis quelque temps déjà madame Firmat l’héberge, le nourrit, lave son linge, achète son laudanum. Au plus profond de la misère et du dénuement, les poètes trouvent toujours un ange gardien pour les recueillir138.
151Dans ces cas, des relations s’établissent entre les artistes et le milieu populaire des cafés. Ainsi Roger Gilbert-Lecomte participe à des soirées où l’on danse au son d’un accordéoniste de Malakoff ; lui-même récite des poèmes et chante de vieilles chansons. Le Plaisance marginal, artistique et populaire se retrouve bien. là.
152Les choses deviennent tout autres lorsque le quartier se trouve confronté à une arrivée massive des artistes plasticiens dans l’entre-deux-guerres et que la perspective d’un nouveau Montparnasse se profile pour Plaisance : « La bistrocratie de Plaisance a compris. Elle a eu vent de ce que furent les façons ambitieuses des limonadiers du grand quartier voisin. Déjà des comptoirs vulgaires se parent d’ornements dont le maître de la “Coupole” d’avant trop de fortune swing eût approuvé les intentions, dont l’esprit ravirait notre amie de la rue Campagne-Première139... » Pour le grand nostalgique de Montparnasse, des bistros plaisanciens tenteraient ainsi de se transformer en d’attirants cafés artistiques où viendraient se promener les Parisiens amateurs d’art et de plaisir. De marginal et populaire le bistro plaisancien deviendrait un lieu de la centralité et de la mode parisienne, se substituant dans les années 1940 et 1950 à un Montparnasse en déclin. Mais nous ne trouvons que très peu de chose qui confirmerait ce propos d’André Salmon.
153Nos cafés, enfin, sont comme avant la Grande Guerre des lieux d’une sociabilité plus construite, tant par la présence des fêtes, réunions... des associations ou organisations dans les débits, leur arrière-salle ou leur étage, que par la participation des bistros à l’animation du quartier. Dans le premier registre évoquons L’Avenir du XIVe, qui organise au Clair de lune, rue de Vanves, son bal de nuit140. Dans le second, voici le Zanzi au coin de la rue du Château et de la rue de Vanves qui organise des concerts de plein air l’été.
154Une autre institution plaisancienne mérite notre examen, le lavoir. Espace fondamentalement féminin, il n’échappe pas plus que le café à la perception générale de la vie du quartier au point que Georges Duhamel l’évoque dans sa promenade de 1941-42 : « On voit encore un établissement de bains publics et un lavoir à drapeau de zinc141. » Le lavoir organise la « vie de village142 » :
Un peu plus loin la grande cheminé du lavoir qui crachait sa fumée. À ses pieds les séchoirs – bâtiments en bois à claire-voies. Le lavoir était au 57 rue de Vanves, on y accédait par un chemin de terre mal pavé, nous allions y porter notre ballot de linge pour le faire « couler » et le lendemain devant un baquet, on frottait, on frottait143.
Le dynamisme associatif de l’entre-deux-guerres
155Nous avons vu que le développement des associations avait accompagné la montée en puissance symbolique de Plaisance à la fin du xixe siècle et au début du xxe. La Grande Guerre entraîna toutefois de grandes difficultés pour certaines associations et les plus fragiles moururent. Nous comptons plus de 20 associations qui ont disparu avec la guerre. Mais le mouvement de création (ou de reconstruction) reprend après 1918, et le solde redevient vite positif, puisque nous enregistrons près de 40 créations entre les deux guerres. C’est sans doute dans les années 1930 que Plaisance connaît un premier apogée associatif. La Seconde Guerre mondiale, de nouveau, frappe durement les associations et, vers 1958, le solde reste cette fois négatif.
156Comme dans l’avant Grande Guerre, nous constatons que les associations proprement plaisanciennes sont minoritaires (une dizaine sans compter les Carabiniers de Plaisance, association qui rayonne sur tout le XIVe arrondissement) ; mais plus d’une vingtaine d’associations qui ont dénomination du XIVe agissent en fait essentiellement à Plaisance. D’autres sont à cheval sur deux quartiers dont Plaisance.
157Le dynamisme associatif est inégal. Si les associations culturelles restent en tête, leur dynamisme est toujours sensiblement moindre que celui des associations sportives. Les associations socio-économiques, mutualistes par exemple, régressent brutalement. Par ailleurs le sud du quartier tend à développer ses propres associations (Sport-Club Brune, Les Bleuets du XIVe et du XVe arrondissements...)
Les associations culturelles : la musique reste au premier plan !
158Rallye Plaisance144, société de trompes de chasse (neuf adhérents !)/La Générale du XIVe (trompettes et tambours)145/La Lyre d’Or (musique et poésie)146/ La Lyre Joyeuse du XIVe147/L’Avenir du XIVe (fanfare)148/Les Anciens de l’Avenir du XIVe/La Symphonie parisienne149/L’Harmonie ouvrière du XIVe150/La Sinfonia du XIVe151/Le Groupe Harmonique du XIVe152/Les Amis de l’Opéra et de la Musique153/l’Orchestre miniature de Plaisance (20 jeunes musiciens de moins de 15 ans)154.
159Toutes ces sociétés musicales ont leur siège ou leur direction à Plaisance. On peut seulement noter que deux associations qui prônent la musique noble, La Sinfonia du XIVe et les Amis de l’Opéra et de la Musique, ont leur siège rue Gassendi, près de la mairie, aux limites extrêmes du quartier.
160Mais le théâtre et les lettres ne sont pas absents avec Les Masques du XIVe, qui donnent leurs représentations au 36 rue Vandamme155, et les Arlequins, groupe lyrique et théâtral, rue de Vanves. Notons aussi que la République du Mont-Parnasse, « groupement artistique et intellectuel », siège au 128 avenue du Maine, à la limite du quartier156. Les Théâtreux de Plaisance, souvent à la limite de l’amateur et du professionnel, ont même fait l’objet d’un roman qui nous a introduit à l’imaginaire du quartier.
161L’association Les Bleuets du XIVe et du XVe arrondissements, association lyrique qui organise concerts-bals, matinées..., est significative du glissement vers le sud du dynamisme associatif de Plaisance. À l’examen de ses principaux membres, on peut constater que l’association rayonne à 95 % sur le sud-Plaisance157.
Modernités culturelles
162Notons aussi, nouveau signe du goût plaisancien de la modernité technicienne, plusieurs associations. D’abord deux associations de radio : le Radio-Club du XIV158 et l’Amicale Radio159, qui semblent curieusement se concurrencer dans un même quartier. Plaisance a moins de succès avec l’Aéro-club du XIV, fondé en 1933. Aucun des dirigeants de l’association n’est de Plaisance. Tout est au Petit-Montrouge. Toutefois les concours de ballons organisés par l’association auprès des enfants de l’arrondissement voient les petits Plaisanciens fort bien représentés160. Par ailleurs l’organisation départementale L’Aviation de la Seine a son siège dans le quartier161.
163Non loin du sport aussi soulignons l’apparition d’un moderne Club des motards du XIVe.
Les associations sportives
164Elles abondent aussi et connaissent une forte croissance dans l’entre-deux-guerres. Les Carabiniers de Plaisance est une des plus anciennes associations de l’arrondissement162. Une autre association de tireurs, Les Ex du XIVe, a son siège et son stand au 125 rue de Vanves163. En Avant, très ancienne association du XIVe, société gymnique, semble en déclin et nous ne connaissons plus son rayonnement propre à Plaisance. Évoquons aussi Parisiana-Sports pour les jeunes filles (rue de Plaisance164), l’Union vélocipédique de Plaisance165, le Vélo-Club du XIVe (lié à un commerçant)166, le Club Sportif de Plaisance167, Concordia Sports168, Les Volants169, le comité de défense sportive du XIVe170. Sport Club Brune, fondé en 1934, s’adresse essentiellement aux nouveaux habitants voisins des Maréchaux171. À cheval sur Plaisance et le Petit-Montrouge, la société athlétique de Montrouge ne déborde pas à Plaisance les limites de l’ancien Montrouge, signe des traces de l’ancienne partition d’avant 1860172... Il ne faudrait pas négliger les associations liées à la paroisse comme le Club athlétique du Rosaire, très dynamique, ou à la Fédération sportive du travail, qui connaît des scissions parallèles à celle des communistes et des socialistes en 1920. L’Union athlétique Jean Jaurès est un bon exemple de ce sport travailliste173.
165Aux limites du genre, la puissante association La Défense, société de dressage de chiens, atteint 106 adhérents, surtout dans la petite bourgeoisie plaisancienne174. Mais comme rien n’est simple dans le petit monde associatif, La Défense connaît une scission dès 1928 ! Apparaît alors Le Canin-Club du XIVe, qui aurait une quinzaine de membres175...
Les associations socio-économiques
166Nous avons déjà évoqué les associations de commerçants. Nous évoquerons rapidement les associations issues de la mouvance catholique, avec les œuvres et activités autour de Notre-Dame-du-Travail (comment ne pas citer déjà les pittoresques Jongleurs de Notre-Dame-du-Travail), de Notre-Dame-du-Rosaire ou du Moulin-Vert (mutualité familiale, association ouvrière familiale, club athlétique du Rosaire, Cours d’action familiale, Éclaireurs de France, œuvre du retour à la terre, cercle catholique du XIVe...).
167La mouvance du mouvement ouvrier produit aussi sa nébuleuse, de la 14e section de la mutualité socialiste176 à l’Union des locataires177. En 1932, la section de la Mutualité socialiste connaît de graves problèmes financiers avec la crise178. Ces difficultés, la plupart des petites sociétés mutuelles, de prévoyance, de retraite, d’épargne, nombreuses à Plaisance avant 1914, les avaient connues avec la guerre. Presque toutes avaient dû mettre la clé sous la porte, ne tenant pas devant le choc de la guerre et de l’inflation. Sept sociétés locales de « Prévoyants » ont ainsi disparu. Avec les deux mutuelles socialistes et catholiques, seule
168L’Humanité, société de secours mutuel des travailleurs municipaux du XIVe, se maintient véritablement179.
169Ce tissu associatif si riche de Plaisance ou par Plaisance n’est curieusement guère souligné dans la presse. Le silence des Échos sur la question mérite notre attention, alors même que le journal reconnaît le dynamisme festif de Plaisance. C’est que Plaisance associatif connaît des limites. Certains secteurs lui échappent ; sans doute les plus forts symboliquement. Deux exemples : d’abord la création dans les années 1920 de la Société historique du XIVe arrondissement dont il est beaucoup question dans le journal. Une société phare de l’arrondissement, qui atteint vite 300 adhérents. Plaisance y est absent, tant dans ses animateurs tous de Petit-Montrouge ou de Montparnasse, que dans son nom : Les Trois Monts (allusion à Montrouge, Montparnasse et Montsouris), qui efface entièrement Plaisance de l’arrondissement !
170Même médiocre présence symbolique et concrète de Plaisance dans les associations liées au monde ancien combattant. Ici, le XIVe arrondissement prime symboliquement (autour de la mairie) et les cadres issus de l’ouest de l’arrondissement dominent le mouvement combattant.
171D’autres signes se font jour d’un affaiblissement de l’association plaisancienne au cœur de son triomphe. Certains regroupements se font au détriment de Plaisance. À la veille de la guerre avait disparu L’Avenir de Plaisance, la grande coopérative locale, par sa fusion dans l’Union des coopératives parisiennes. Dans le but d’une plus grande efficacité. L’histoire courte de La Commune libre de Plaisance, fondée en 1932180 à destination de ceux qui voulaient « s’amuser sainement » dans le quartier, et qui voulait imiter Montmartre, témoigne aussi des limites du Plaisance associatif. Elle se transforme rapidement, dès septembre 1933, en une Commune libre de Plaisance, Montparnasse et Montrouge, puis, en novembre en une Commune libre du XIV arrondissement. La tendance à la concentration, à l’élargissement des associations est enfin sensible encore en 1933 lorsque les trois fanfares plaisanciennes fusionnent pour fonder Les Anciens du XIV181 (association qui reste, il est vrai, dominée par les Plaisanciens).
172Le système symbolique d’un Plaisance associatif est donc affecté tôt, tant par son absence de légitimité à prendre place dans les secteurs « nobles » du monde associatif que par ces mouvements de concentration, d’origines diverses, qui touchent le tissu associatif local dès la première moitié du xxe siècle. Il reste une vitalité impressionnante au moins jusqu’en 1939.
Deux associations de circonstance
173Deux associations plaisanciennes n’ont eu qu’un objet limité dans le temps. La première est le Groupement de défense des locataires expropriés du quartier de Plaisance qui agit de 1928 à 1933, suite aux effets de la décision de prolonger le métro de Montparnasse jusqu’à la porte de Vanves qui entraîna l’expropriation de quelques maisons de la rue de Vanves. Ces locataires luttèrent pour un relogement prioritaire dans les nouveaux HBM du boulevard Brune. Le député de droite, Dumat, et les conseillers municipaux Grangier, le socialiste, puis le communiste Salom obtinrent le relogement des familles avec enfants182. Toutefois certains locataires, « modestes travailleurs » âgés sans enfant, ne purent accéder aux logements de l’Office183. Une anticipation des années 1960-1990 ?
174Le second groupement est le Comité d’hygiène et de défense des intérêts généraux du quartier de Plaisance qui, de 1928 à 1930, agit contre la menace de tuberculose que l’hôpital Broussais aurait fait peser sur les habitants du quartier. Nous en traitons ailleurs, le problème renvoyant à la question des rapports du quartier à son environnement.
175La Seconde Guerre mondiale allait gravement affecter le dynamisme associatif plaisancien, déjà sans doute ralenti dans les années 1930184. Certes la question des sources mérite d’être évoquée, car nous ne disposons plus pour la période 1945-1958 d’une riche presse locale comme à la fin du xixe siècle et dans l’entre-deux-guerres. Mais cet affaissement, puis disparition, de la presse locale prend aussi sens sociable. Car une société civile dynamique aurait recherché une presse pour communiquer ses informations, la presse locale étant ainsi le premier signe d’un dynamisme de la société civile locale.
176Aussi les années 1945-1958 sont-elles d’une moindre richesse associative. Toutefois, nous disposons d’annuaires des associations édités par la mairie de l’arrondissement. À l’évidence, toutes les associations n’y figurent pas. Parfois pour des causes idéologiques. Ainsi les associations de la mouvance communiste sont maltraitées en temps de guerre froide, alors que les associations de la mouvance catholique trouvent une légitimité auprès des pouvoirs publics. Mais aussi il est clair que certaines petites associations ne figurent pas dans ces listes plutôt par défaut de communication. Le bilan établi pour 1955185 doit ainsi être manié avec précaution. Il est toutefois clair que les associations culturelles plaisanciennes ont subi une grave tempête avec la guerre puisque seule la grande fanfare, Les
177Anciens du XIVe186, est signalée. Que sont nos Lyres et autres Arlequins devenus ? A la place, nous trouvons seulement l’Union des Arts plastiques187, association militante des artistes plasticiens, et Les Amis des Cathédrales188... Bien peu de choses et guère à voir avec les associations de culture populaire de l’avant 1939. Toutes les autres associations culturelles, musicales... ne sont plus à Plaisance.
178Au contraire, les associations sportives restent très bien représentées puisque nous en comptons (hors parascolaire) treize :
Cercle pédestre de Montrouge/Club athlétique du Rosaire/Club olympique de Lutte et Boxe/Club sportif de Plaisance/Les Ex/Les Mouettes de Paris/Union sportive du XIV/Club sportif Hispano/Club sportif Bréguet/Sporting Club Ernault/Union vélocipédique du XIVe/Union motocycliste sportive et touristique/Mouvement laïque des Auberges de Jeunesse.
179Trois relèvent de mouvances diverses (le Club du Rosaire, l’Union sportive et les AJ), trois du sport d’entreprise (les trois usines métallurgiques), certaines sont les héritières des associations d’avant guerre (le cercle pédestre de Montrouge, le Club sportif de Plaisance, Les Ex, l’Union vélocipédique du XIVe), mais de très antiques sociétés comme En Avant ou les Carabiniers de Plaisance ont disparu du quartier. Les associations d’anciens combattants restent aussi vivaces et se renouvellent avec les associations d’anciens résistants comme les Anciens FTP animés par M. Michelaere (69 rue Raymond Losserand).
180Le bilan qu’il faut nuancer paraît clair : comme dans l’entre-deux-guerres, les associations sportives connaissent un dynamisme même si elles se renouvellent. Les associations les plus liées à la culture populaire locale ancienne sont fortement touchées. Globalement, la Quatrième République plaisancienne ne semble pas porteuse d’un enrichissement de la société civile hors des réseaux socio-politiques.
Les plaisirs plaisanciens
181L’examen des loisirs des habitants du quartier permet aussi de comprendre les mutations des associations et le ralentissement du dynamisme associatif. C’est que, lentement, les Plaisanciens entrent dans une culture de masse urbaine et parisienne qui laisse place à certaines pratiques locales et en efface d’autres (bien avant la télé...). Ce que les Plaisanciens des années 1914-1958 aiment par-dessus tout, c’est le cinéma et, tout de suite après, le sport et la danse. Le temps des Harmonies et des Lyres populaires et joyeuses paraît bien s’éloigner de l’horizon sociable. La culture du cinéma et de la danse est proposée par des acteurs privés et non plus par des associations (ce n’est pas le cas du sport).
182Le cinéma mérite bien un examen particulier.
Le triomphe du ciné de quartier
183Notre propos n’est pas de faire une histoire culturelle du cinéma plaisancien qui, sans doute, ici comme ailleurs, a connu le bouleversement du cinéma muet au cinéma parlant, etc. Par contre, le succès du cinéma à Plaisance est une évidence quand on voit le développement des salles. Plaisance compte dans les années 1930-1958 sept cinés (contre un actuellement).
184Un des plus anciens, Le Maine-Palace189, est sis au 95 de l’avenue du Maine, avenue qui compte d’autres cinémas. Le cœur du quartier, autour du métro Pernety, accueille trois cinémas. Le plus ancien est le Plaisance-Cinéma, situé au 46 rue Pernety. Il y a également le Vanves-Ciné au 53 de la rue et l’Olympic-Palace au 10 de la rue Boyer Barret.
185La rue d’Alésia accueille deux cinémas : au 114, l’Idéal s’est substitué au Casino Montrouge, fermé dans les années 1910190. Cette substitution est intéressante et confirme le triomphe du cinéma sur les cabarets. Au 120-122, tout près, se trouve l’Alésia-Palace. Enfin l’extrême sud du quartier accueille un cinéma au 224 de la rue de Vanves, le Majestic Brune.
186L’emplacement des salles révèle les lieux passants du quartier (avenue du Maine près de la Gaîté), autour de Pernety, la rue d’Alésia. Mais tout le quartier d’est en ouest et du nord au sud a un cinéma de proximité. Les souvenirs témoignent presque tous de cette culture du cinéma de quartier : « cela animait le quartier, c’était sympathique191 », se souvient Madeleine Mandra, évoquant l’Olympic. Même si certains vont parfois à des cinémas de Montparnasse ou de la Gaîté.
187Au temps du muet, mais même encore quelque temps après, la séance est précédée de musiques ou de chansons qui ont beaucoup retenu l’attention. La grand-mère du « Petit rouquin de Montparnasse » chantait ainsi dans les cinémas du quartier dans les années trente. La règle était celle d’un pianiste pour accompagner les films muets, mais il y avait aussi de petits orchestres, souvent de qualité192. Il y a aussi les actualités, la publicité et même des petits concours de beauté en première partie193 !
188Pour le plaisir plus que pour une étude rigoureuse, quelques titres qui donnent une idée du registre des films projetés : films d’aventure avec L’audacieux vagabond194 ou Torgus195, films sentimentaux avec La faiblesse humaine196, voire érotisants avec La femme nue197. Mais le jeudi, les enfants ont droit surtout à des films drôles dans une atmosphère calme et familiale198. Les adolescents, eux, y viennent volontiers pour amorcer des flirts199. Au Vanves, les trois loges sont particulièrement recherchées par les amoureux200. Parfois aussi on signale un très bon film, « d’une haute tenue201 ».
189Les témoignages insistent sur l’inconfort de ces cinémas, mais le percevait-on quand les témoins y allaient ? Les « sièges à bascule, en bois léger » de la rue Pernety202 ou « les puces avec ! » à l’Olympic203 n’empêchent en tout cas pas l’« enthousiasme général » pour le Plaisance-Ciné de la rue Pernety, ses très bonnes qualités de projection, l’amabilité de son personnel204.
190L’ouverture de ces cinémas à la vie du quartier, c’est aussi leur usage pour d’autres fonctions. Ainsi le Radio-Club du XIV tient ses séances au Vanves-Ciné205, la Commune libre du XIV organise son arbre de Noël à l’Olympic206, et le Comité d’action républicaine de Plaisance organise un gala sportif dans le Vanves-Ciné en décembre 1929207.
191L’annuaire de 1955 témoigne encore de la présence des sept cinémas de Plaisance, mais le déclin va bientôt venir.
192Avec le cinéma et le sport, la danse et le bal constituent le loisir préféré des Plaisanciens de ce temps. Sans doute est-ce là moins nouveau.
193Tout semble donc prétexte pour danser. Les fêtes, d’abord, et bien sûr le 14 Juillet, « En 1939, j’ai dansé pendant trois jours au carrefour de la rue du Château » se souvient Mme Boulois208. C’est d’ailleurs l’enjeu essentiel de la préparation de la fête nationale : « Dansera-ton dans les rues de Vanves, du Château, et Pernety aux prochaines fêtes du 14 juillet ? - Un comité de quartier y prépare de grandes réjouissances209... », titre Les Échos du XIV en 1927. On y dansera, au son de haut-parleurs cette année-là. Le journal note une affluence énorme de danseurs, tant le mercredi 13 juillet que le jeudi 14 juillet210.
194Mais on danse aussi dans les bals plus réguliers organisés rue de Vanves, rue de Gergovie ou rue Pernety : « le soir les ouvriers se retrouvaient au bal de la rue Pernety211 », se souvient Eugène. Il y rencontre sa future femme. Bal qui avait pourtant assez mauvaise réputation, fréquenté par nombre de mauvais garçons qui aimaient la java et la valse. P. Nolot évoque ainsi le « bal un tantinet interlope de la rue Pernety212 ». On y rencontrait le jeune Albert Simonin213.
195Y eut-il un sommet au temps du Front populaire ? Ainsi un témoin se souvient que l’on dansait « très souvent » rue Daguerre entre 1936 et 1939214. Mais nous manquons de sources pour conclure rigoureusement.
« Montmartre à Plaisance215 »
196Ce titre d’un article de 1928 signé D. R. nous introduit dans ce Plaisance joyeux et festif qui serait un trait de la sociabilité plaisancienne.
197Le journal dresse, particulièrement en 1927 et 1928, une image de Plaisance comme le quartier le plus festif de l’arrondissement, voire comme l’un des plus festifs de Paris. Et il est vrai qu’il a de solides arguments à faire valoir. Ce sont les fêtes des 14 juillet 1926, 1927 et 1928 – le 14 Juillet, la fête « par excellence216 » souligne le journal – qui constituent le point d’orgue de ce Plaisance festif.
198Évoquant les fêtes de 1926, le journal écrit : « Il [le carrefour Pernety] a eu l’année dernière les fêtes les plus brillantes de Paris à l’occasion du 14 juillet, au point que la grande presse n’a pas dédaigné de les raconter et de les louer217 ». En 1927, évoquant le 14 Juillet dans l’arrondissement, le rédacteur souligne encore que « c’est la rue de Vanves qui remporte le prix et qui le remporte largement » tant par l’affluence énorme que par le nombre des danseurs. Mais aussi par ses illuminations : « De l’avenue du Maine, la rue de Vanves produisait le plus merveilleux effet. Les guirlandes, de verres lumineux, étaient gracieuses, multicolores et brillantes. » Et « les autres quartiers à côté d’elle avaient l’air d’être dans l’ombre ».
199En 1928, c’est au coin de la rue du Château et de la rue de Vanves, au Zanzi, que se situe le bal le plus réussi de l’arrondissement pour D. R.218. Ce n’est pas notre propos d’expliciter ici en quoi et pourquoi le 14 Juillet a trouvé un écho considérable au travers des réjouissances des quartiers populaires parisiens. Il reste que Plaisance a toute sa place dans cette sociabilité et se distingue au moins du reste de l’arrondissement.
200Toutefois, il ne faut pas oublier le rôle des commerçants et cafés dans cette réussite. Les « joyeux vivants » de Plaisance ne vont pas sans les « actifs commerçants », avons-nous vu. Les moyens ne sont pas négligeables, avec une tombola dont le gros lot, en ce temps de crise du logement, est une place dans un logement moderne avec le loyer et les charges payés pendant six mois219 ! Le 14 Juillet cristallise ainsi le quartier : « Tout le quartier s’est groupé et s’est entendu220. »
201Mais Plaisance se fait aussi remarquer par son dynamisme dans les fêtes générales de l’arrondissement comme la fête de la Reine du XIV. Ainsi l’élection est un triomphe pour Plaisance, qui voit Odette Delpirou, du 3 de la rue Pernety, élue reine de l’arrondissement. Les première et deuxième dauphines sont aussi du quartier221.
202Même mobilisation pour la fête des Amis des enfants assistés du 26 février 1927222, qui bénéficie de la publicité de nombreux commerçants, de la Pharmacie ouvrière de la rue de Vanves à Alésia mobiliers. Dernier signe que je voudrais évoquer, le cortège de la fête du printemps en mai 1927 (sur le thème des fruits). Son itinéraire ne laisse pas de doute. Il passe longuement dans la partie occidentale, favorisant ainsi Plaisance. Là encore la fête est l’occasion d’une agrégation du quartier, avec la participation très importante des nouveaux Parisiens que sont les zoniers de Malakoff, tout récemment absorbés dans la capitale223. Encore en 1935, l’orchestre miniature du XIV qui se compose de vingt jeunes musiciens de moins de quinze ans et qui anime une fête de l’arrondissement en décembre, vient de Plaisance224.
203D’autres festivités mériteraient d’être évoquées, la fête foraine du boulevard Brune en juin, les fêtes des paroisses comme la fête foraine de l’œuvre d’éducation populaire de Notre-Dame-du-Rosaire en 1928225 ou d’autres petites fêtes de quartiers et d’associations comme les Amicales scolaires226.
204Le bal constitue le point d’orgue des festivités, mais on trouve aussi des cortèges de chars comme le char de la mascotte à la fête de la rue de l’Ouest de 1932227, des mâts de cocagne avec un gigot en haut228. Pour le 14 Juillet, dans les années 1950, rue Du-Cange, on dressait un mât de cocagne, on organisait une course en sac et un concours de visages noircis avant que, le soir, le père Nicole ne descende « son piano du premier étage » pour faire danser les gens229. Notons aussi que s’associent dans ces fêtes assez heureusement passé et présent. Mais le quartier revendique aussi une certaine modernité. Le 14 juillet 1927, le comité local organise des bals à tous les carrefours à l’aide d’un haut-parleur qui diffusera la même musique230.
205Un Plaisance réel et symbolique de la fête populaire est bien là à la fin des années 1920 et au début des années 1930 et semble rayonner au-delà du quartier, sûrement dans le reste de l’arrondissement, possiblement à Paris. Nous n’en connaissons pas bien les suites au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, même si nous savons que le 14 Juillet reste largement fêté.
206La musique accompagne bien sûr les défilés et la danse, et les sociétés musicales de Plaisance peuvent y trouver leur public. Au-delà, les Plaisanciens sont-ils musiciens ? Des témoignages limités tendent à le montrer. Mme Boulois se souvient231 du « marchand d’instruments de musique ; il discutait souvent avec papa qui aimait la musique ». Ce goût de la musique, les chanteurs de rue en profitent ; parfois ce sont des jeunes comme les trois frères René, 11 ans, Edmond, 16 ans et Maurice, 18 ans, qui jouent du violon et sont interpellés par la police232. N’exagérons pas le phénomène, qui ne semble pas plus que les sociétés musicales en hausse.
207Je suis aussi bien incertain sur le sort de la culture – au sens plus classique du terme – dans le quartier. Le temps de l’université populaire paraît là bien fini. Certes, certaines institutions tentent encore de jouer cette carte. Notre-Dame-du-Travail, en tout premier lieu. Salle Soulange-Bodin, les Jongleurs de Notre Dame-du-Travail jouent une pièce d’Erckmann Chatrian233 et l’association des pères et mères de familles de la paroisse prépare aussi de petites pièces. Lors de la fête des Persévérants, on joue Le Barbier de Séville au Rosaire234. On présente aussi de petites revues comme Cocktail-Plaisance. À L’Union des coopératives aussi, dans les années 1920, le théâtre est présent235.
208Toutefois, si de petites troupes locales sont présentes à Plaisance ou sur Plaisance-Montparnasse et animent un peu le quartier236, nous avons peu retrouvé de traces du mouvement culturel du Front populaire dans le quartier. Défaut de sources ? Ou est-il pensé à une autre échelle que celle du quartier (c’est le cas du Musée du soir de Poulaille) ou résonne-t-il plus dans les lieux de travail que dans les quartiers ?
209Il y a bien d’autres plaisirs populaires, comme les boules dont les terrains s’installent dans les interstices de la ville : « Un jeu de palets et de boules s’est installé petitement dans une brèche fuligineuse entre deux hautes bâtisses237. » Tombolas qui accompagnent les fêtes, jeux clandestins ou paris aussi dans certains bistros, et plaisir de la bonne aventure238 font aussi la joie de nombreux Plaisanciens.
210D’autres formes déclinent. Nous ne trouvons plus de ces banquets si nombreux au xixe siècle. Pour d’autres raisons, spatiales, la guinguette disparaît du paysage plaisancien. La disparition des fortifs, et des talus verdoyants qui les accompagnaient, et la construction des grands habitats collectifs font disparaître les dernières qui subsistaient boulevard Brune. En ce sens, Plaisance n’est plus du tout cet espace à la limite (mouvante) de la nature qui l’avait caractérisé de 1840 à 1914. Et il n’a pas, à la différence de Montmartre, tenté de sauvegarder ces lieux des antiques plaisirs.
211La rue reste un des lieux privilégiés de la sociabilité plaisancienne, comme dans tous les quartiers populaires. Au quotidien, confondant l’espace privé et l’espace public, comme l’observait Mme Masson, « il n’était pas rare de voir descendre le dimanche matin les mères de famille en robe de chambre pour acheter des croissants chauds239. » Dans les rues, « tout le monde se connaissait », note R. L. Cot-tard240. Cette interpénétration du privé et du public, ce sont aussi « les petits bruits de la rue » que l’on entend par la fenêtre : âne, trains, commerces, chanteurs, vitriers, fanfares, mais aussi les vendeurs de journaux et les marteaux des carriers, ce sont les lumières de la rue comme, modernité oblige, les « premiers clous lumineux » au coin de la rue Vercingétorix et de la rue du Château entre les deux guerres241. Le spectacle de la rue fait partie de cette vie populaire. Il a quelques particularités à Plaisance, quartier parcouru par les bêtes que l’on mène aux abattoirs de Vaugirard et « les troupeaux destinés aux abattoirs harcelés par les chiens et les conducteurs » font partie des souvenirs forts des Plaisanciens242.
212La curiosité du public s’entraperçoit aussi dans cet événement rapporté par Les Échos : une femme « ivre et folle » se promenant rue de l’Ouest en relevant ses robes et en interpellant les passants est suivie par « 200 personnes, lui faisant cortège243 » !
213En opposition à cette vie de la rue, des circonstances comme la Deuxième Guerre mondiale font que le quartier « était devenu presque désert244 ».
214Enfin la rue c’est aussi la réappropriation populaire du pavé dont le moment fort est le 14 Juillet. Ainsi le grand père ébéniste de Marcel Coignet, « avec son voisin d’en face, le père Nicole, il enlevait quelques pavés de la rue Du Cange, où nous habitions [...]. Avec une masse, il faisait éclater le pavé... et réveillait tout le quartier », puis montait les estrades et descendait le piano pour le bastringue245.
215La rue, le cinéma, la danse, la fête, la musique, Plaisance paraît plaisant à vivre, même si les difficultés sociales sont encore là. Cette vision du Plaisance joyeux par sa sociabilité populaire est partagée ou reconnue généralement. André Salmon et J. Rosny aîné aimaient ainsi à s’enfoncer dans Plaisance, « Plaisance où nous fîmes des folies246 ! ». Le diseur de Montparnasse y voit surtout l’influence de l’arrivée des artistes. Calet pense que dans la « partie populeuse » du quartier, en été, les gens sont « émoustillés par l’amour247 ». Dans le registre des promeneurs de Plaisance qui ne sont pas du quartier, le président de la Société historique, Cottard, écrit que « nous avons beaucoup fréquenté Plaisance dès les petites années 1920, certes la vie populaire était animée, colorée et joyeuse248 ». Le « certes » implique toutefois une nuance, la misère des lieux. La nostalgie naturelle des témoins rend leur témoignage plus incertain. Mais encore en 1956, Raymond Benoit peut publier une petite poésie dont voici un extrait significatif :
Si vous venez le Samedi
Traînant vos ennuis en silence
Vous repartirez sans soucis
De mon vieux quartier de Plaisance
Car la joie est notre parti
Je vous le dis sans éloquence ;
On ne peut oublier Paris
Dans mon vieux quartier de Plaisance249.
216Cette vision du gai Plaisance parisien est nuancée par certains, comme Fayola-Augereau, qui regrette la suppression des fortifs et de leurs talus verts, dernier endroit où « les pauvres gens » du quartier pouvaient « s’allonger librement et respirer un peu mieux250 ». On voit là les traces d’un sentiment de quartier irrespirable, enfermé, plus directement exprimé par Louis Léon-Martin : « les zones réservées aux logis médiocres et à la vie sous la lampe251 ». Ici, à la différence du petit poème de Raymond Benoit, voici Plaisance présenté comme une banlieue triste qui n’a plus beaucoup de la joie parisienne ! La sociabilité du bistro n’étant plus perçue que comme une manifestation d’un triste alcoolisme.
Nouveaux équilibres
217Les tensions étaient extrêmement vives dans le Plaisance de la grande croissance démographique jusqu’en 1914, tension nature-culture, tension ancien-nouveau, tension église-laïcité, tension centre-périphérie... Dans la période 1914-1958, des équilibres peuvent s’installer, lisibles jusque dans les moments de plus graves crises que sont les guerres.
Du côté de la nature et de la modernité
218Témoignages d’époque et souvenirs concordent sur une vision d’un Plaisance vert, vert par interstices, par petites oasis le plus souvent privées mais qui donnent à tous, visiteurs ou habitants, le sentiment d’un quartier campagnard. Les contemporains nuancent par leurs pratiques et leurs propos ce sentiment d’un Eden ou d’un paradis...
219Évoquant la rue de l’Eure, Henri Calet écrit en 1948 :
J’aime bien cette petite rue tranquille, une voie privée où les gens conduisent leurs chiens, au crépuscule du soir. L’herbe pousse autour des pavés ; une vigne vierge grimpe le long d’un mur : on ne se croirait plus à Paris, mais en province, dans l’Eure252...
220Le ton est donné du vert Plaisance, des lilas, des vignes, des rosiers, des cytises, des glycines, des arbustes, des arbres, des jardins... « De place en place, verdoie le bouquet d’un jardin. Des souffles de lilas embaument. [...] On a bêché jusqu’aux pelouses. (...) Un cytise, dans une encoignure, balance avec ravissement ses grappes d’or253. » Les Échos du XIVe évoquent sur un même ton les « villas » qui donnent sur la rue des Plantes, la rue Jonquoy et la rue Didot « une charmante voie bordée de coquets petits jardins254... ». À ces témoignages d’époque, on peut ajouter des constats indiscutables sur le jardin et les arbres du 6 rue de Vanves/ Raymond Losserand où s’est installé depuis 1936 le sculpteur Gaston Petit, ou sur « l’allée verdoyante » de la villa Brune255.
221Tout ceci confirme plus qu’il n’infirme les souvenirs verdoyants des témoins. Le petit rouquin se souvient du « verger » de Notre-Dame-du-Travail256, Madeleine Tournois évoque la maison avec glycine de la rue Blottière257, M. Grimaldi a la nostalgie des « petits jardins » où les artistes de la rue Maurice d’Ocagne s’étaient installés après 1949258. Léon Brachev se souvient du « petit jardin, de plates-bandes... cachées » rue de Vanves en vis-à-vis de la cité Raynaud, sans compter le grand parc du Laboratoire de physiologie animale, son cerisier blanc et ses rosiers au 26 boulevard Brune259.
222Le bilan paraît assez convaincant. Certes la nature n’est pas partout, et elle est, ô combien, humanisée, mais le Plaisancien la rencontre au détour d’une promenade (jardins des villas, passages...). De là ce sentiment de la campagne qu’évoque Calet, qui s’articule aussi aux constructions sur lesquelles nous reviendrons. Il n’est, jusqu’à Notre-Dame-du-Rosaire dont le guide Baedeker ne dise « la jolie église Notre-Dame-du-Rosaire a la simplicité d’un sanctuaire de campagne260. »
223Une variante assez subtile de ce sentiment d’un monde encore rural fait appel à une mémoire vivante des lieux, comme chez Alexandre Arnoux, qui « voit encore à Plaisance des porches rustiques, des cours de métairies abandonnées de leurs porchers261 », comme ces photographies de 1942 qui montrent encore une « auberge du cheval blanc » ou une « ferme normande262 ». Un très bel exemple de cette présence du passé rural est encore donné par Nino Frank, en 1964 :
Il suffit, rue du Château, de dépasser l’ample perspective que révèle le nouvel aménagement du pont ferroviaire pour retrouver, rue Vercingétorix et rue de l’Ouest, cet air campagnard et populaire, celui-là même que respirait le douanier Rousseau et qui [...] perpétue le souvenir des champs de bluets et de coquelicots où François Villon venait baguenauder en voisin à la recherche constante du diable vauvert263.
224Si la citation est légèrement postérieure à notre période, elle s’applique parfaitement à cette posture active et sensible d’un Plaisance vert.
225Toutefois, et cette fois-ci venant des seuls contemporains et, donc, oubliés ou occultés par les souvenirs des témoins, des aspects moins idylliques du Plaisance vert doivent être notés. D’abord certains observateurs notent que la nature plaisancienne a quelque chose de déplaisant dans son urbanité. L’écrivain Jacques Audiberti, réalisant une série pour Le Petit Parisien, à la veille de la guerre, sur les îlots insalubres, voit à Plaisance « parfois... un jardin où monte la garde un arbre qui a l’air en ciment264 ». Et rue Didot, de « vieilles casseroles les plus diverses agrémentent – fleurs vivaces de la périphérie – de leur présence les villas en bordure265 » !
226Pire, la verdure continue à se raréfier, en particulier avec la construction des immeubles collectifs sur les fortifications où règne « un paysage de ville anéantie » et où « deux rangées de platanes ébranchés [...] qui ont l’air de madriers plutôt que d’arbres, quelques touffes d’herbe pâle dans le mâchefer » forment un pauvre substitut à la campagne266. Gilbert Perroy, enfin, mais il s’agit d’un cas exceptionnel, évoquant le quartier d’avant Chauvelot, conclut : « Que reste-t-il de cet immense espace vert ? Rien qu’un seul arbre peut-être267. » Avis excessif qui vise au soutien à la « rénovation ».
227Nuances aussi avec ces politiques de reconstruction de la nature au travers des fêtes ou des jardins ouvriers. La fête des Fleurs de mai 1927 témoigne bien de cette ambiguïté. Elle présente des chars de fruits, des automobiles fleuries par les zoniers : « Une voiture était complètement garnie de fleurs naturelles, ces merveilles de nos champs et de nos jardins que les Zoniers avaient étalées à profusion268. » Le cortège témoigne du goût de la nature, et tout à la fois de sa présence et de sa rareté.
228Les témoignages embellissent ainsi le passé en oubliant ces aspects plus gris que verts, mais ils concordent assez avec les sentiments des contemporains et les faits que nous constatons pour conclure quand même à une petite Plaisance-nature vécue comme suffisante par des Plaisanciens devenus des Parisiens qui n’ont plus la nostalgie du Plaisance vert perdu qui se manifestait si fort jusqu’en 1914.
229La présence du cheval confirme le rapport à la nature. Certes, on aurait tort de faire du cheval un indice de la nature opposé à la culture urbaine. Paris a existé avant l’automobile et le cheval est dans la ville depuis des siècles ! Toutefois son remplacement par les véhicules motorisés individuels ou collectifs prend bien signe d’élimination d’un animal qui faisait un lien ville-campagne naturellement. Là encore témoignages et souvenirs soulignent la présence chevaline à Plaisance. Il y a certes les chevaux (et vaches) que l’on conduit à l’abattoir269, mais aussi les charrettes, omnibus... qu’ils tirent comme ces « chevaux de traits » du tailleur de pavés de la rue Léonidas270, ces voitures du Planteur de Caïffa ou des Asphaltes dont se souvient Brassens. Le quartier, ancien faubourg de la barrière du Maine, accueille aussi de longue date maréchaux-ferrants ou forgerons271, qui ferment leur atelier progressivement. Mais Henri Calet voit encore en 1950, avenue du Maine, un maréchal-ferrant :
Au fond de la cour, se trouve encore la forge d’un maréchal-ferrant d’où viennent quelquefois des fumées qui sentent la corne brûlée ainsi que des bruits de marteau frappant l’enclume qui me ramènent au temps de l’école communale et de l’homme à barbe, à demi nu, de mon livre de lectures272.
230Mais Plaisance connaît encore la présence de toute une autre gamme d’animaux, lapins, poules, coqs, ânes, chèvres, vaches sont signalés... Il reste quelques laiteries ou vacheries comme rue Bénard « où vivait et beuglait une paire de vaches. Les habitants du quartier venaient chercher le bon lait du matin au sortir des pis273 ». Le père Lagrange aussi se rappelle : « Au petit matin, place Villemain, j’allais au lait. » Jusque dans les années 1950 un chevrier vendait du lait et des fromages sur la zone274. Et encore après la guerre de 1939-1945, « on allait chercher du lait dans une ferme rue Asseline, en face de l’école275. » Bien entendu, tout ceci est très marginal dès qu’on se met à compter. Nous avons vu que les actifs relevant de l’agriculture ne sont même plus 1 % des actifs plaisanciens de 1936.
231Le bestiaire plaisancien est encore celui de la ferme, même si l’on trouve quelques – rares – échos des chats et des chiens. Nous n’irons pas jusqu’à dire qu’on respire un air de campagne et deux témoignages divergent. J.-E. Bayard évoque « l’air pur qu’on y respire276 », alors qu’Audiberti pense que « l’air y manque277 » ! Végétaux et animaux sont bien présents à Plaisance, de manière à l’évidence hybride, marginale, parfois imbibée de la minéralité urbaine. Cette petite nature urbanisée suffit alors à embellir la vie des contemporains et rendre leurs souvenirs quelque peu sélectifs.
232On peut confirmer cette conclusion en examinant la question du square de Plaisance. Cette revendication avait été au cœur du Plaisance des années 1890-1914, celui de la grande croissance, alors que la frontière nature-ville se déplaçait sans cesse vers la périphérie du quartier et que les tensions nature-culture étaient extrêmes.
Quand Plaisance a enfin deux petits squares
233La lecture des nombreux souvenirs des anciens du quartier montre que l’inexistence d’un square à Plaisance dans l’entre-deux-guerres les laisse entière ment indifférents. Comme si, enfants, la verdure, pourtant limitée et ambiguë, qu’ils avaient connu leur avait suffi ou comme si la rue avait été un terrain de jeux et de liberté qui les avait comblés. Silence donc total !
234La presse de l’époque est moins indifférente. L’antique revendication plaisancienne continue à avoir un défenseur avec Fayola-Augereau, qui regrette qu’on n’ait pas prévu des jardins pour remplacer les fortifs278 alors que les « petits enfants du quartier n’en ont pas ».
235Par ailleurs, en 1926279, pour la première fois le conseil municipal se penche sur la création d’un square vers la rue du Moulin-Vert. En 1928, une délibération de la Ville décide de cet aménagement280. Mais il faudra dix ans pour le réaliser ! Il y a certes là une traduction de la lenteur coutumière des travaux de la Ville de Paris. Mais il est frappant de constater que des obstacles sont dressés dans le quartier même qui n’encouragent pas à une réalisation rapide. Une partie des terrains appartenaient à des commerçants qui furent très réticents à céder ceux-ci qu’ils utilisaient comme resserres281.
236En outre, au square de Plaisance s’oppose indirectement la campagne pour la création d’une piscine dans l’arrondissement, qui devient une priorité absolue pour certains282. Le président du comité qui agit pour cette construction est d’ailleurs de Plaisance, Geo). Aguiré. Il est intéressant de voir comment le conseiller municipal de Plaisance, Grangier, tient difficilement les deux bouts de la chaîne, soumis à la pression de plus en plus forte des piscineux283. Une pétition en faveur de la piscine de l’arrondissement est signée en 1928 par 25 000 personnes, chiffre considérable qui dénote une volonté des habitants bien plus grande que celle qui s’affirme alors pour le square.
237Toutefois, l’injustice dont a été victime Plaisance dans la répartition des espaces verts de l’arrondissement continue à être évoquée, avec moins de violence de langage qu’avant 1914. Fayola-Augereau constate que Plaisance n’a ni square, ni espaces libres alors que, par sa population, c’est une grande ville284. Théophile Dronchat regrette en 1934 qu’on parle depuis vingt ans du square de Plaisance (en fait depuis bien plus...), « quartier si populeux et si déshérité de ce point de vue285 ». Également, les élus ou les candidats, sans la faire ressortir comme une question clé, continuent à poser la demande du square286.
238Toujours est-il que le square de Plaisance, que l’on croyait devenu un « mythe287 », est enfin inauguré en 1939288. Un square de taille moyenne (3 300 m2), qui deviendra le square de l’abbé Viollet. Vers 1940 est aussi inauguré le très petit square (1 745 m2) situé au bout de l’impasse Sainte-Léonie, dans le dernier lambeau du grand parc du Château dont certains, vers 1890, avaient rêvé de faire le parc de Plaisance... Très petit square, mais chargé d’histoire puisqu’il semble que l’on y voyait des traces du géorama de 1840289 !
239Ouvrir des rues, classer des voies privées, élargir les chaussées, développer les transports avaient été les obsessions des modernisateurs urbains de Plaisance avant 1914, tant radicaux que catholiques. Il s’agissait d’intégrer le quartier périphérique à l’urbanité parisienne et à sa modernité. Le mouvement se poursuit dans l’entre-deux-guerres mais, là aussi, avec moins d’âpreté comme si Plaisance était bien devenu une partie de la grande ville et non une périphérie retardée. Tout sentiment d’une injustice sur cette question vis-à-vis du quartier disparaît.
240Toutefois, les descriptions des difficultés de la voirie restent spectaculaires, notamment pour les rues et voies encore non classées. La rue de l’Eure est « un cloaque absurde et infâme qui déshonore Paris », écrit Marc Minerath290. Ce sont souvent les trottoirs qui sont en mauvais état, trop resserrés pour laisser passer une poussette, rue des Plantes291, vers la rue Ledion ou peu viables. Le quartier Plantes-Ledion-Didot-Jonquoy-Pauly est ainsi une « petite Suisse292 » ! Rue Pernety, le trottoir est pavé de « grosses pierres difformes et inégales » et interrompu par une fontaine dangereuse car elle entraîne des chutes :
Le chef-d’œuvre du lieu, c’est la fontaine qui orne la rue Pernety, à la hauteur du n° 54. Devant cette fontaine, une superbe grille de fonte s’étale jusqu’au ruisseau293.
241On pourra noter que l’auteur n’est guère sensible au pittoresque... La rue Pauly est recouverte d’« une immense nappe d’un liquide verdâtre sur lequel flottait une vieille savate orpheline294 ».
242De là, bien sûr, les demandes de classement des voies privées dont les propriétaires ne se constituent pas en syndicat pour entretenir la voirie. Grangier en dénote encore, en 1929, 58 dans le quartier et, les visitant en février, constate qu’elles sont très généralement « impraticables », que ce sont des « patinoires », sans viabilité et sans assainissement. Il conclut à une demande de classement général295 qui s’effectue progressivement296.
243Classer pour paver ou revêtir d’asphalte chaussée et trottoirs. Mais il s’agit aussi d’améliorer le pavage en abandonnant les vieux pavés de bois pour le pavage en pierre ou en mosaïque297. Inédite en 1928, la revendication de l’abandon du pavage en pierre de la rue des Plantes car il y a trop de trépidations, premier signe du souci automobile298. La Ville, là encore malgré des difficultés financières299, augmente la portion de chaussées pavées300. L’asphalte et le bitume restent cependant l’exception jusqu’après la Seconde Guerre mondiale301.
244L’élargissement est aussi réclamé pour certaines rues, élargissement de la chaussée et/ou de la rue. Ainsi, là aussi grande première, une lettre ouverte demande un recul des murs des propriétés pour éviter les accidents d’automobile302. Toutefois, il s’agit d’abord d’élargir les rues comme voies de communication303 et c’est dans ce sens que le conseil municipal vote des délibérations304. Des mesures d’alignement sont aussi prises pour le boulevard Brune, l’avenue de la Porte de Vanves, le passage Léonidas.
245La voirie n’est pas sans lien avec une certaine idée de l’urbanisme. Ainsi la question des grandes voies de circulation suscite des avis divers. Si Fayola-Augereau aime l’avenue du Maine, chance du quartier305, déjà certains goûtent les petites rues prometteuses d’un meilleur art de vivre. En particulier le fait est sensible dans les milieux artistes. Salmon insiste ainsi, en 1950, dans une comparaison entre Montmartre et Plaisance :
De l’autre côté de l’eau, la Butte rivale qui porte le Sacré-Cœur sur son dos n’a pas plus de boulevard que Plaisance. Ça ne l’a pas empêchée de compter les beaux jours et les soirs mémorables306.
246Le sentiment d’une voirie où subsiste le pittoresque des pavés se retrouve chez Jacques Baschet visitant l’atelier de Drivier vers 1939 :
Je ne savais pas que dans des quartiers actifs de Paris, il existât encore des îlots aussi provinciaux [...] La rue Blottière longe un haut mur noir [...] La chaussée cahoteuse est faite de cailloux. De gros pavés défoncés forment tant bien que mal un trottoir. Au milieu de masures jaunies par le temps, telles que les aime Utrillo [...]307.
247N’exagérons pas la portée de ce discours. Mais dans un quartier où la présence des artistes est grande, s’amorce ainsi une première réflexion sur l’articulation art/vieux Paris/petite rue pavée.
Les feux de la ville
248Plaisance bénéficie aussi des programmes d’éclairage de la voie publique. Certes, il existe des rues sombres et parfois inquiétantes308 et, encore en 1930, Salom doit demander l’éclairage au gaz de la totalité des rues Didot et de l’Ouest309. Mais la modernité arrive et Fayola-Augereau se dit satisfait en 1931 de l’évolution du quartier du fait de l’éclairage électrique de toute la rue de Vanves310. D’ailleurs, Salom souligne que l’éclairage électrique doit remplacer l’éclairage au gaz rue des Plantes et rue du Château où la circulation automobile est importante311. Là encore, les souvenirs se font plus nostalgiques lorsque Gaston Mauve se souvient du bec de gaz de la rue de Ridder en 1948 : « Quand il s’éteignait, cela sentait le gaz et on appelait les pompiers312. »
Quand le métro atteint la porte de Vanves
249Du côté des transports en commun de surface, Plaisance paraît bien loti à la veille de la Grande Guerre et dans l’entre-deux-guerres. Plusieurs lignes de tramways ou d’autobus313 traversent maintenant le quartier. L’antique ligne Q de la CGO, qui est desservie désormais par un autobus, passe toujours dans la rue de Vanves, partant de la porte de Vanves pour Montparnasse. Elle est doublée de la ligne AF, qui suit le même itinéraire dans le quartier à l’aller, mais revient de Montparnasse à la porte de Vanves par la rue Vercingétorix ; elle va ensuite de Montparnasse à l’Opéra. Autre ligne d’autobus, la ligne AL, qui, à partir de 1922, part de la porte de Châtillon314 et remonte la rue des Plantes jusqu’à l’avenue du Maine pour se terminer porte d’Asnières. Une quatrième ligne sud-nord, un tramway, cette fois, le 87, part de Malakoff, passe à la porte Didot, remonte la rue Didot puis l’avenue du Maine pour s’achever aux Halles.
250Deux transports est-ouest sont disponibles aussi : la Petite Ceinture ferroviaire et le tramway 62 qui parcourent la rue d’Alésia. Enfin, à son extrémité nord, Plaisance bénéficie du trafic de la ligne de tramway 28, qui part de la porte d’Orléans et remonte l’avenue du Maine. En tout donc sept lignes, ce qui couvre bien Plaisance qui n’est pas, de ce point de vue, un quartier délaissé.
251Des modifications ont lieu entre les deux guerres, seulement techniques ou d’exploitation, dans le cadre de la suppression générale par la STCRP des tramways et de leur remplacement par des autobus entre 1931 et 1938. La seconde modification tient à l’interruption du service voyageur, qui déclinait sans cesse, sur la Petite Ceinture en 1927. À sa place, la STCRP crée sur les Maréchaux la ligne PC.
252Comme dans d’autres quartiers, de nombreuses revendications concernent la fréquence des bus ou du tram315, la place disponible, d’autant que, avec la création des HBM de la porte de Vanves et le fait que des banlieusards de plus en plus nombreux viennent y prendre le bus, les besoins augmentent316. La proposition de prolonger la ligne O de Montparnasse à la porte de Vanves est aussi faite317. Et, dans un quartier où la question sociale est importante, des revendications de la suppression de la première classe au profit de transports « ouvriers » à tarif spécial apparaissent318.
253Toutefois, la question principale du quartier est le métro. Revendiqué avant la Première Guerre, le prolongement de la ligne 13 de Montparnasse à la porte de Vanves reste un objet de grave insatisfaction jusqu’à son ouverture tardive en 1937. C’est là que se manifeste le plus durablement le sentiment du Plaisance victime d’une injustice. Ainsi « un habitant de Plaisance » se plaint que Les Échos du XIVe soit trop silencieux sur la question du métro Vanves-Montparnasse alors que le quartier « renferme la moitié des habitants du XIVe et est un des plus peuplés de Paris319 ». Un imprimeur de Plaisance, F. Chrétien, s’étonne en 1932 que Plaisance, avec ses 84 000 habitants, n’ait pas de métro320.
254En fait, comme pour le square, le processus fut très long. La décision de principe fut prise en juillet 1926321 par le conseil municipal. Mais il fallut ensuite fixer les détails du parcours et des stations et, surtout, procéder aux travaux d’aménagement de la rue de Vanves. Les délais s’allongèrent avec la création d’associations de défense des expropriés et expulsés322. Les travaux eux-mêmes semblent avoir duré plus longtemps que prévu, ce qui entraîna l’exaspération de nombre de commerçants323.
255Le sentiment s’est ainsi installé que la ligne ne s’achèverait jamais, du fait aussi des annonces optimistes de certains : en 1930, Salom espère son ouverture en 1933324 ; en février 1932, François-Latour l’espère pour 1934325, et en décembre 1932, Salom l’espère pour 1935326, ce que Les Échos croit encore possible en avril 1933327. En vérité le métro n’arrivera porte de Vanves qu’en 1937 !
256D’où ce scepticisme : « Finira-ton par la construire cette malheureuse ligne328 ? » s’interroge-t-on. Mais l’inauguration de la station en 1937 sera un temps fort de l’histoire du quartier, qui apparaît pour la première fois au cinéma dans les actualités, forte reconnaissance symbolique, et qui donne son nom à une station.
257Heureux Plaisanciens à la veille de la Seconde Guerre mondiale, qui bénéficient alors de sept lignes de bus et du métro. Les voici bien raccrochés à leur ville.
258Les voici bien, de ce point de vue aussi, apaisés et devenus un quartier comme les autres.
259La guerre, ici comme ailleurs, fut fatale à de nombreuses lignes, qui furent suspendues ou complètement interrompues. L’existence du métro fut un prétexte, à la Libération, pour ne pas en rouvrir un certain nombre. De quatre lignes de bus nord-sud, on passait à deux, dont une, le 48, était moins facilement accessible. La rue de Vanves ne voyait plus passer de transports en commun. Sur les axes est-ouest, pas de changement avec les PC, 62 et 28. Il y a peu de témoignages sur la portée de ces changements.
260Nous pourrions évoquer d’autres services, eau, bureau de poste et urinoir... Le bilan serait le même. Plaisance se modernise et s’urbanise, Plaisance s’intègre à Paris. Plaisance, encore un faubourg, mais assurément plus une banlieue. Et ce au prix, bien sûr, d’un éloignement de la nature que ne compensent pas des squares rares et tardifs, mais sans que cela affecte le sentiment dominant d’un Plaisance vert. Plaisance semble bien avoir trouvé un équilibre, rare, dans son histoire urbaine.
L’église invisible ou apaisée ?
261Avant la Première Guerre mondiale, Notre-Dame-du-Travail était devenue le symbole d’une église dynamique. La paroisse s’était aussi voulue le phare de la lutte contre l’État républicain laïque. Toutefois, dès l’avant 1914, cette politique avait en grande partie échoué. Le peuple de Plaisance n’avait guère retrouvé le chemin de la paroisse. La séparation et l’éviction des congrégations avaient affaibli la puissance de l’Église dans le quartier.
262À lire la brochure consacrée à l’histoire de Notre-Dame-du-Travail de Plaisance en 1985 par l’abbé de La Morandais329, la paroisse semblerait tout simplement n’avoir pas existé entre 1909 et 1960 ; pas une ligne consacrée à cette période qui nous concerne ici dans la brochure ! Il faut bien dire que les sources contemporaines sont aussi très discrètes. Les Échos du XIVe ne consacre aux paroisses catholiques que de rares échos (même quand le journal évolue clairement vers la droite). L’ensemble donne bien l’impression d’une discrétion après l’éclat médiatique et social.
263Bien entendu, nos paroisses et nos catholiques n’ont pas disparu pour autant. Saint-Pierre de Montrouge tend, il est vrai, à quitter Plaisance, une nouvelle carte des paroisses établie en 1925, cette fois-ci bien tardivement – l’Église a perdu visiblement de sa capacité à anticiper les territoires –, réduisant son champ dans notre quartier à un périmètre approximativement compris entre la rue Didot et la rue des Plantes. Notre-Dame-du-Rosaire, établie au sud du quartier, près de la porte de Vanves, est la plus dynamique, bénéficiant, il est vrai, de l’apport des populations nouvelles des immeubles collectifs et de la zone.
264Les œuvres sociales qui avaient fait la richesse et la force des paroisses tendent à s’en éloigner. Si la Grande Guerre voit le retour de l’Église catholique dans le consensus national et républicain, c’est, en partie, au détriment de l’affirmation de son identité. Ainsi les œuvres catholiques sont déclarées très généralement d’utilité publique et, de ce fait, évoluent – comme le souhaitent d’ailleurs certains de leurs fondateurs – vers une sécularisation de leurs pratiques (sinon une laïcisation totale). On peine à reconnaître dans l’école d’infirmières du Bon-Secours une école catholique.
265Les églises se replient ainsi sur l’action catholique. La brochure publiée dans les années 1930 par la paroisse du Rosaire ne consacre aux Œuvres d’Assistance que deux pages sur les vingt-six pages qu’elle compte330. On retrouve ainsi :
Les antiques Conférences de Saint-Vincent de Paul (visiteur(se)s des pauvres) – L’œuvre des Berceaux – Le Fourneau économique – Le secrétariat social (toute question juridique et sociale)
266Ce qui fait tout de même assez peu – quand on pense à l’avant 1914. –, même en y incluant la sœur Andrée (48 rue Pierre-Larousse), qui soigne à domicile, ou les jardins ouvriers.
267À côté, la liste des institutions relevant de l’action catholique de tout genre reste impressionnante331 :
Le Cercle paroissial et ses trois commissions (d’action religieuse, d’action sociale, pour les intérêts généraux du quartier) – La ligue féminine d’Action catholique (qui propose aussi des cours) – Le patronage des Garçons – Le patronage des Filles des écoles de la Ville – Les quatre colonies de vacances – Le cercle de Jeunes (Petit et Grand cercle selon l’âge) – Le Club athlétique du Rosaire – La Caisse des militaires – Le cercle de Jeunes filles (Le Foyer et le Cercle Sainte-Agnès) – Les Bernadette – Le Cercle de l’Immaculée conception (pour les jeunes filles qui ne sont pas scolarisées) – La Congrégation des Enfants de Marie – La J.O.C. (une section ouvriers, une section ouvrières) – Le scoutisme (meute de louveteaux, troupe de Scouts et clan de Routiers des garçons) – Le scoutisme (Jeannettes, compagnies de Guides et feu de Guides aînées) – Conférences Faucon332 – Groupe artistique du Rosaire – Bibliothèque paroissiale – Bulletin paroissial.
268Le dynamisme du scoutisme est significatif de cette nouvelle orientation et le Rosaire peut s’enorgueillir avec les Intrépides d’avoir créé en 1913 la première troupe parisienne333.
269Bien entendu, dans ces multiples groupes la réflexion sur l’action sociale, la question sociale est très présente : ainsi le Rosaire peut s’enorgueillir d’avoir accueilli dans sa section JOC en 1937 Georges Montaron. L’apprenti dessinateur, à 16 ans, allait devenir un des plus actifs jocistes de Paris puis, résistant notoire, devenir une des figures de la gauche catholique française. Le quartier a aussi ses sympathisants du Sillon comme Paul Balter, proche de Roger Lardenois334. Mais on voit bien combien la paroisse la plus dynamique de Plaisance n’a plus la volonté ou l’ambition d’organiser directement l’action sociale.
270Le noyau syndical féminin de la rue Vercingétorix est encore très actif pendant la guerre de 1914-1918 : Mlle Raulin335, du conseil du syndicat des ouvrières à domicile, obtient ainsi des commandes de l’Intendance pour 250 travailleuses. Mais, après la guerre, les syndicats quittent la rue Vercingétorix.
271La réintégration de l’Église dans la communauté nationale est visible336 dans l’Annuaire de 1955, édité et soutenu par la mairie du XIVe arrondissement, qui donne une liste des groupes dépendant des paroisses du quartier. On y trouve l’Union paroissiale Notre-Dame du Rosaire ; la Ligue féminine d’action catholique ; les Œuvres d’éducation populaire de Notre Dame-du-Rosaire, l’Association du Mariage Chrétien, les Guides de Notre-Dame-du-Travail, les patronages Saint-Paul et Sainte-Jeanne d’Arc et la JOC.
272La dernière trace de l’action catholique est la reconstitution rapide d’un enseignement privé catholique.
273Dans l’enseignement primaire, les écoles de garçons Saint-Joseph (86 bis rue du Château) et Charles de Foucault (172 rue Raymond Losserand – ce dernier établissement ayant des liens plus lâches avec l’église), les écoles de filles Sainte-Isabelle (12 rue Crocé-Spinelli) et Notre-Dame-du-Rosaire (176 rue Raymond Losserand). Après la Seconde Guerre mondiale apparaît un enseignement secondaire de filles avec le cours Sainte-Isabelle, installé 64 rue des Plantes.
274Autour de cette reconstitution d’un enseignement privé catholique, nous ne notons pas la présence de débats vifs comme dans l’avant 1914 même si, en 1929, deux lecteurs des Échos du XIV s’opposent sur le fait que la caisse des écoles de l’arrondissement aide ou non les écoles privées337. De tout ceci se dégage bien le sentiment d’une église discrète, qui ne se situe plus sur le terrain médiatico-politique. Cela ne signifie nullement que la foi et la mission de conversion aient été vécues moins intensément dans les paroisses de Plaisance. L’itinéraire du père Lagrange, né en 1910, allant à l’école laïque mais qui trouve sa vocation de dominicain en lisant les livres du patronage de Plaisance de l’abbé Imbault, en témoigne bien338. Par ailleurs la vie paroissiale reste animée par les fêtes339, les spectacles340, les sorties, les ventes de charité341... Les paroisses savent aussi continuer la tradition soulangiste de liens avec les arts et les artistes : musique avec Maurice Tremblay, le maître de chapelle du Rosaire de 1913 à 1969342, arts plastiques avec L’Atelier de Nazareth, créé en 1928, 50 rue Vercingétorix, par le maître verrier Jacques Gruber, « atelier d’art sacré343 ».
275Tout ceci traduit une vie plutôt tranquille et sans conflits. C’est en banlieue « rouge » que se situent maintenant les enjeux essentiels de reconquête catholique, c’est là que vont maintenant les missionnaires et les avant-gardes catholiques. Ceux d’avant 1914 connaissent une carrière qui les situent à un autre niveau que Plaisance même si l’abbé Viollet continue de vivre dans le quartier et si l’œuvre qu’il a créée au Moulin Vert continue ses activités familiales. Dans les années 1930, une controverse publique entre l’abbé Viollet et l’écrivain anarchiste Han Ryner (du quartier lui aussi) pourrait sembler remettre en avant les vieux combats d’avant 1914, mais le ton de la controverse est empreint d’un grand respect mutuel344. Les couvents et communautés religieuses, si nombreux à Plaisance345, se caractérisent aussi par une discrétion et un dévouement, pour certaines sœurs, qui ne les situent plus en opposition avec la population peu pratiquante de Plaisance.
276Les protestants n’avaient pas vécu avant 1914 cette tension avec la République. Et la paroisse de Plaisance (rappelons que, située à Plaisance, elle rayonne sur plusieurs arrondissements de la rive gauche) continue son action dans le quartier et au-delà. En 1939, deux pasteurs à plein-temps y sont affectés et son école du dimanche accueille 300 enfants. Elle a créé une annexe rue Olivier Noyer, « Notre Maison », où se tiennent conférences et réunions, notamment celles du groupe des jeunes ouvriers. Par contre, la paroisse protestante, comme les catholiques, abandonne en partie ses œuvres sociales. Ainsi l’orphelinat de la rue Pernety interrompt ses activités et est remplacé par un foyer pour étudiants346.
Œuvres et hôpitaux : Plaisance comme les autres ?
277En 1927, Jean-Émile Bayard écrit : « En raison de l’air que l’on y respire, Plaisance abrite, encore aujourd’hui, des couvents, des établissements d’assistance et d’instruction, des dispensaires et des crèches, des asiles privés et des hôpitaux347. » Passons sur l’air pur, réalité devenue bien discutable. Mais si les œuvres et les hôpitaux sont toujours très bien représentés, le sens que prend cette présence est tout autre que celui de l’avant-guerre. Les œuvres privées ou publiques avaient généralement, avant la Grande Guerre, une double dimension : locale et militante. Locale car elles venaient d’initiatives de personnes ou d’institutions locales sans que les pouvoirs publics parisiens ou nationaux (sauf pour Broussais) y soient vraiment pour quelque chose. Militante car elles exprimaient une démarche catholique, solidariste ou laïque non neutre, engagée partiellement, même si, à la veille de la guerre, la tendance commence à s’inverser.
278Cette évolution est de longue durée, bien sûr. Le développement de l’État social, la création de normes hygiéniques et techniques pour l’action sociale ou socio-médicale, conduisent les autorités à un contrôle accentué des œuvres (notamment avec le label d’utilité publique). Les moyens mis en place par l’État s’avèrent aussi rapidement plus élevés que ceux des institutions privées et court-circuitent des initiatives dont la portée paraît soudainement réduite ou anachronique.
279La Grande Guerre joue aussi un rôle clé dans cette évolution. Le consensus pour la Défense nationale (qui réintègre l’Église catholique et le socialisme dans le jeu) et les exigences d’une action sociale d’importance et maîtrisée par l’État contribuent à une mise en relation rationalisée des œuvres et initiatives privées du « Paris charitable ».
280L’exemple le plus significatif de ces orientations est l’évolution des deux grands établissements hospitaliers catholiques de Plaisance : Notre Dame-de-Bon-Secours et Saint-Joseph. Le Bon-Secours, rue des Plantes, est reconnu d’utilité publique en 1923348 et bénéficie de subventions municipales sur rapports. Ce qui lui vaut certaines critiques sur la qualité de certains de ses pavillons349 et des observations sur son public : « Cette œuvre charitable au premier chef rend les plus signalés services à la classe moyenne. » Il est vrai que le Bon-Secours est situé à l’extrême orient du quartier, tout près du Petit-Montrouge, dans la zone où sont le mieux représentées ces classes moyennes. Hôpital de 300 lits, Notre-Dame-de-Bon-Secours a gardé son « asile » de vieillards, qui accueille 100 à 120 vieux des deux sexes. Élargissant sa gamme, Bon-Secours crée aussi en 1924 une école d’infirmières. Sa maternité deviendra, aussi, vite réputée dans l’arrondissement et au-delà. Dernier écho du vieux conflit religieux, son adresse est rue Giordano-Bruno, nom donné avant 1914 à la rue qui longeait un côté de l’hôpital. Mais plus personne, d’un côté comme de l’autre, n’en est choqué.
281Le grand hôpital modèle catholique, Saint-Joseph, devient, lui, d’utilité publique pendant la Première Guerre mondiale. Il connaît un développement considérable puisqu’en 1947 il comptait 840 lits, occupant 33 médecins, 20 infirmières laïques et 65 sœurs. Il a désormais une grande façade sur la rue Raymond-Losserand et, ouvert son école d’infirmières350. Bien sûr, les sœurs sont présentes. Mais Saint-Joseph n’est pas bégueule et c’est là qu’en décembre 1937, Raoul Ponchon, l’ami de Bouchor et Richepin, l’auteur de La muse au cabaret, vient mourir. Au demeurant, la discrétion de Saint-Joseph est telle que Les Échos du XIV ne lui consacre aucun écho dans l’entre-deux-guerres !
282Plaisance, déjà riche avant-guerre de trois grands hôpitaux (nous revenons plus loin sur Broussais), en accueille à compter de 1918 un quatrième ! Petit dispensaire fondé en décembre 1918 par l’association Léopold Bellan (qui est à l’origine de nombre d’institutions sociales et médicales en région parisienne), il devient vite un établissement hospitalier, de taille modeste, mais très moderne (« son organisation est spacieuse, confortable, son aménagement moderne et répondant aux services auxquels il est destin351 »). En 1925, il compte 70 lits et a donné plus de 7 500 consultations gratuites ou à prix réduits (nombre de ses médecins sont bénévoles). Très vite, l’établissement fait figure d’hôpital de pointe dans le traitement des cancers. D’esprit démocratique, Léopold Bellan sera aussi un des lieux de la Résistance dans le XIVe. L’image brillante de Léopold Bellan est présente dans L’Inventaire de l’abîme où Georges Duhamel écrit : « J’ai revu la rue du Texel352 et je suis allé saluer mon ami le docteur Leriche qui, prophète et pèlerin de la chirurgie, anime de son esprit étincelant le petit hôpital privé dans lequel Thierry de Martel opérait, avant la guerre. Le moment viendra sans doute de peindre René Leriche. Patience ! »
283On pourra observer que Plaisance a aussi désormais quatre écoles d’infirmières ! Bon-Secours, Saint-Joseph et celle, pionnière et fondée avant la guerre par Léonie Chaptal, qui est transférée en 1929, avenue de la porte de Vanves. Puis en 1933, au 20-26 boulevard Brune est aussi inaugurée, en grande pompe, en présence du président Lebrun, l’école de puériculture353. L’école devient d’ailleurs aussi, rapidement, un dispensaire pour les maladies infantiles et les mères, enrichissant encore la panoplie médico-hospitalière de Plaisance. Il en va de même pour l’école d’infirmières de la porte de Vanves, devenue hôpital des tout petits et siège de l’Œuvre des tuberculeux adultes354.
284À côté de ces grandes institutions reconnues, les antiques œuvres plaisanciennes font sans doute petite figure, mais s’inscrivent encore fortement dans le paysage local. Elles évoluent d’ailleurs. Ainsi l’Asile temporaire d’enfants du 88 rue de Gergovie (donnant aussi sur le 39 avenue Villemain), issu en 1896 de l’œuvre de la Chaussée du Maine (reconnue de longue date d’utilité publique), avec « son vaste pavillon, avec cour et jardin, parfaitement exposé, aéré et ensoleillé355 », qui accueillait depuis 1922 des jeunes garçons de 7 à 13 ans dont les parents sont tuberculeux, se transforme en 1931 en Maison de retraite Julie Siegfried, succursale de Broussais356. La Résidence sociale, fondée par Léonie Chaptal, 41 rue de Vanves, devient dans l’entre-deux-guerres, sous l’impulsion de Marie Abadie, une garderie promise à un grand avenir357. L’œuvre de Mme Furtado-Heine, une des gloires de Plaisance avant la Grande Guerre, évolue également. Si le dispensaire de la rue Delbet et les ateliers d’aveugles du 3 rue Jacquier se maintiennent, la crèche du 7 rue Jacquier ferme ses portes en 1924. Ainsi orphelinat, asile d’enfants, résidence sociale, crèche laissent place à un dispositif d’accueil moins misérabiliste, plus socio-médical. Les dispensaires358, eux, se maintiennent bien comme l’Assistance maternelle et infantile du 63 rue Vercingétorix, le dispensaire antituberculeux du 23 rue Guilleminot, le dispensaire d’aide aux Enfants paralysés du 7 rue Wilfrid Laurier, nouvellement créé dans les nouveaux immeubles collectifs.
285Bien sûr, il subsiste des formes d’assistance sociale catholique ou publique. Les Berceaux de Plaisance, une œuvre du Rosaire fondée entre les deux guerres, regroupe des dames visiteuses marraines de bébés des familles miséreuses auxquelles elles apportent layettes, vêtements, lait, mais pas d’argent car l’œuvre n’est « pas riche359 ». La mairie conserve ses dispositifs de l’avant-guerre avec les aides aux familles nombreuses nécessiteuses360 qui s’inscrivent dans le renforcement de la politique nataliste et qui bénéficient du soutien de toutes les institutions publiques et privées de l’arrondissement361. Le bureau de bienfaisance devra compter avec la réorganisation générale du dispositif d’assistance sociale entre 1930 et 1947. Le XIVe est divisé en secteurs, suivant les procédures rationnelles souhaitées par les hygiénistes et réformateurs sociaux de l’époque.
286Les temps de crise favorisent toutefois le retour de formes d’aides plus traditionnelles. Ainsi les deux guerres mondiales voient le développement des soupes populaires. La société des soupes populaires du XIVe362 vit au rythme de la situation sociale. Celle-ci est suffisamment grave pour que les conseillers municipaux communistes, Raymond Losserand et Léon Mauvais, demandent en septembre 1938 l’installation d’une nouvelle soupe populaire au dépôt d’autobus, 2 rue Didot363. Leur adversaire politique, l’ancien député de droite Dumat, tente de lancer un Vestiaire en 1936 pour les familles nécessiteuses364.
287Par ailleurs, de grandes institutions nationales s’installent à Plaisance. Trois méritent d’être citées : l’œuvre de protection des nourrissons, mais elle ne fait rien sur le quartier, ne s’intéressant qu’à la banlieue365, le Secours catholique366 et l’Armée du Salut. Cette dernière est sans doute celle qui s’inscrit le plus dans la constance du Plaisance misérable et accueillant des plus marginaux.
288Ouverte dans l’entre deux-guerres, 28 rue Henrion-de-Pansey, la plaisamment nommée « Bonne Hostellerie de Plaisance367 » accueille une dizaine de miséreux sans domicile dans son dortoir. Y habite aussi un capitaine de l’Armée du Salut, en 1936, Émile Noël. Le lieu attire souvent l’attention du commissariat de Plaisance pour ses vols, voire pour ses drames comme le suicide par défenestration, en mai 1936, de Nicolas Nabokoff, immigré russe de 35 ans, « malheureux et neurasthénique368 ». L’enthousiasme du Front populaire s’est arrêté à la porte de la « Bonne Hostellerie ».
289L’épisode est là pour nous rappeler que la tendance générale à la médicalisation, la technicisation, la rationalisation du secteur social et hospitalier à Plaisance, comme ailleurs, qui élimine en grande partie l’originalité de l’avance sociale du quartier, ne peut effacer, dès qu’il y a crise individuelle ou collective, la précarité des vies des travailleurs de Plaisance. La très riche offre, réorganisée, en hôpitaux, dispensaires, œuvres dans notre quartier ne peut répondre à toute la question sociale.
290Le dernier grand paquebot hospitalier du quartier, l’hôpital Broussais, connaît lui aussi une rénovation en profondeur. Jusqu’en 1930, ce n’est que récriminations contre cet hôpital pourtant relativement récent, que les habitants du quartier perçoivent encore comme un dépotoir de Paris à sa périphérie : « Broussais étant le dépotoir où tous les hôpitaux de Paris déversent leur trop-plein de tuberculeux graves369. » Mais c’est surtout à la question des bâtiments qu’on porte attention. Ceux-ci, construits effectivement à la va-vite en matériaux de qualité médiocre où le bois prédomine, tombent en ruine ; ces « singuliers pavillons » voient les planchers de bois céder et les briques tomber. La lingerie est inondée et la chaudière en mauvais état370. La décision de reconstruire entièrement l’hôpital, prise en 1927, est financée en 1929. Reconstruit entre 1933 et 1940 suivant une architecture moderne371, Broussais devient, après la Seconde Guerre mondiale, un hôpital de pointe pour la chirurgie cardiaque avec les professeurs René Israël et Milliez.
291Dans un volume de souvenirs sur l’hôpital372, les auteures ont recueilli beaucoup de témoignages sur l’hôpital, malheureusement pour le moins flous au point de vue chronologique (sauf à propos de la Résistance). Aussi le souvenir d’un ancien médecin, « avant c’était un poulailler, la moitié de Broussais c’étaient des bâtiments immondes, en brique, des bicoques de trois mètres de haut sur pilotis. [...] Dire qu’on a fait les premières angiographies là ! », remonte probablement à 1935-1940 lorsque l’hôpital était en reconstruction.
292Broussais entre donc dans cet ensemble hospitalier réorganisé dans l’entre-deux-guerres au grand profit des habitants du quartier. Bien sûr, l’identité de l’hôpital est demeurée bien distincte de celle de Saint-Joseph, qui lui est contigu. Y eut-il longtemps des incidents pittoresques comme celui de la nuit du 9 au 10 août 1928 où les internes de garde de Broussais installèrent un dispositif reliant la salle de garde à la cloche de la chapelle de Saint Joseph, qu’ils firent sonner à toute volée à trois reprises autour de minuit373 ? Aragon avait lui-même été à Broussais en 1921 avant d’abandonner ses études de médecine374.
293Sur un point le mouvement de modernité du secteur social et socio-médical paraît limité, ou du moins tardif, celui des crèches. Après la disparition de la crèche Furtado-Heine en 1924, notre quartier de 80000 habitants ne comptait plus qu’une crèche, la vieille crèche municipale (mais à statut associatif) de Plaisance-Montparnasse, 14 rue Jules-Guesde. Et la fréquentation de cette crèche reste irrégulière dans l’entre-deux-guerres375 en un temps où, malgré le natalisme, la natalité reste très faible et où, à cause du natalisme, une pression s’exerce sur les mères pour qu’elles gardent leurs bébés. Le rapporteur de la crèche, Perier, peut ainsi déclarer devant son conseil d’administration : « Il serait à souhaiter évidemment que toutes les femmes puissent rester dans leur foyer, à condition d’avoir leur bien-être assuré376. » La crèche de Plaisance doit fermer ses portes en 1940. Elle les rouvre en 1946 dans des conditions floues, continuant de fonctionner grandement sur les bases d’une aide privée :
vente de charité, vieille formule, puis gala d’artistes, puis enfin bal des berceaux avec tombola, vieille formule encore [...] Ce bal de décembre considéré comme le plus « élégant » de la saison du XIVe arrondissement... Tout cela pour permettre à 40 mamans de ne pas trop payer le placement journalier de leur enfant377.
294Tout ceci qui fleure bon la bonne vieille œuvre sociale, situation qui continuera jusqu’en 1968 !
295Une crèche (et un jardin d’enfants378) est créée cependant au nouvel HBM, 156 rue de Vanves, dite crèche Broussais, et une autre impasse Sainte-Léonie, vis-à-vis du nouveau square, dite crèche du Maine. Bénéficiant du statut PMI – AP, elles ont un budget plus régulier et accueillent plus aisément les familles modestes. On reste cependant très loin des besoins des femmes, qui s’exprimeront vraiment à partir de 1960.
La traversée des crises
296Entre 1914 et 1958, Plaisance traverse, comme les autres quartiers de Paris, des temps très durs, voire dramatiques. La Première Guerre mondiale, la crise de 1929 et la crise politique qui s’ensuit, la Seconde Guerre mondiale, les guerres coloniales... Ce qui me paraît frappant, c’est que si le quartier connaît des difficultés et des tensions graves, ou extrêmes, il réussit à les surmonter en construisant, même pendant les crises les plus dures, un équilibre en proposant des solutions économiques, sociales, politiques ou symboliques qui fondent, sans doute pas un bien-être, mais un sentiment de communauté renforcée malgré les divisions naturelles et souvent vives qui naissent en ces périodes agitées. Cependant, nombre de ces solutions ne se situent pas à l’échelle du quartier, ce qui contribue, à terme, à affecter la lisibilité de l’identité plaisancienne.
La Grande Guerre, Plaisance comme partout ?
297Oubliée, du fait de l’omniprésence de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à ces dernières années où s’amorce une sensible résurrection de la mémoire collective française, la Grande Guerre reste pourtant le drame humain le plus important du xxe siècle français. À Plaisance, on peut estimer que 2 000 à 2 500 hommes379 ont été victimes du sacrifice qu’ils ont consenti pour leur patrie (nous ne discutons pas ici du sens réel de la guerre, défense nationale, profits de guerre, impérialisme...). La saignée est énorme, mais l’on ne peut manquer de constater que les Plaisanciens ne disposent pas de la liste visible des noms de ces morts380. C’est le cas général à Paris, alors que c’est exceptionnel en banlieue ou en province où toutes les communes affichent ces listes sur leurs monuments aux morts. Donnons ici les trois morts de la petite impasse Florimont, qui nous serviront de symbole du drame :
Georges Dorgères, qui avait choisi la marine, mort à 26 ans, le 17 décembre 1914 lors du combat de Zuydschoote en Belgique, pendant la bataille des Flandres. Charles Cornu, mort à 22 ans, le 5 mai 1915, à « Beauséjour » pendant la bataille de Champagne.
Jean René Houlle, classe 1917, mort un mois après son vingtième anniversaire, le 31 juillet 1917, lors d’une escarmouche à Cerny dans l’Aisne.
298Trois parmi des milliers.
299Les hommes mobilisés, sans doute 15 000 Plaisanciens, ont été en partie remplacés par des femmes. Mais on sait que ce remplacement ne fut pas durable et que l’effet principal de la guerre fut plutôt une virilisation de la société française que l’émancipation féminine.
300La guerre conduit à l’arrière à une mobilisation économique et sociale sans précédent, qui débouche sur des formes de consensus inédit et sur une volonté de modernisation sans précédent. Le cas des œuvres sociales en est un très bon exemple.
301Sous l’égide de la mairie du XIV une coordination des différentes œuvres fut progressivement mise en place381, débouchant sur la création d’une Union des Œuvres de guerre de la mairie. On y retrouvait toutes les œuvres d’avant la guerre avec une orientation accrue vers l’aide alimentaire. Des soupes ouvrières sont créées par Mme Couyba (quatre dont deux à Plaisance) où l’on sert des repas à très bas prix. Le Planteur de Caïffa, la Société des Asphaltes (qui fournit un local), Digard sont parmi les donateurs. De leur côté les socialistes avaient fondé dès l’automne 1914, une soupe communiste, sise au 23 rue d’Alésia (quartier de la Santé), qui se coordonnera ensuite avec les soupes ouvrières. Le grand magasin Aux Élégants, avenue du Maine, ouvre aussi une soupe. La CGT organise à la Maison du peuple de la rue du Château des repas à vingt centimes. Progressivement aussi apparaissent les œuvres municipales du Vestiaire, du Chauffage, de l’aide aux Orphelins de guerre.
302Cette coordination d’œuvres d’origines très diverses s’accompagne d'un jeu d’échelle qui n’est plus celui du quartier (ou de la paroisse). C’est l’arrondissement – c’est-à-dire les pouvoirs publics car le maire est nommé alors par l’État – qui s’impose comme le grand coordinateur de l’action. Cette échelle correspond bien à la structure de la section socialiste de l’arrondissement, qui prend pendant la guerre un poids considérable dans l’arrondissement. En effet, les socialistes, comme ailleurs à Paris, sont parmi les organisateurs de la vie économique et sociale avec les industriels de guerre et les pouvoirs publics382. L’Union sacrée est donc bien présente à Plaisance et elle prend mille formes comme cette petite fête de Noël 1914 à l’école Huyghens, où la petite Descotils, petite fille très pauvre de la rue Vandamme, récite avec une petite fille riche des poésies patriotiques devant Mme Poincaré383.
303Toutefois, il y a tôt des dissonances dont nous ne pouvons mesurer si elles sont plus importantes à Plaisance qu’ailleurs. Certains se sentent peu concernés, comme le jeune truand Trignol qui se fait ajourner et que la fermeture des bistrots de la rue de Vanves à 21 heures conduit à aller plus souvent boulevard Edgar-Quinet384. Le jeune employé de 17 ans, Victor Arrighi, demeurant avec ses parents, impasse Decrès, se mêle aux grèves ouvrières de 1917 et est arrêté385. La longueur de la guerre et l’ampleur du massacre conduisent au développement du pacifisme. L’évolution de la section socialiste du XIV en est un signe. Partisane très majoritairement en 1914-1915, à l’image du conseiller municipal Grangier et du député Bracke, de la guerre et de l’Union sacrée, la 14e section bascule en 1917 dans la minorité pacifiste386.
304Par ailleurs, la plongée dans les mains courantes du commissariat de Plaisance pour les affaires qui concernent les permissionnaires387 révèle de très nombreux cas d’incivisme. Les désertions ou plutôt les retards au retour de permissions se comptent par dizaines comme ce Georges P., 19 ans, charretier, qui n’est pas encore retourné de sa permission plus de deux mois après sa fin et utilise des faux papiers388, ou ce Georges V., 24 ans, électricien, qui, lui, a quatre mois de retard et dispose de deux livrets militaires falsifiés389 ! Les affaires de vols restent nombreuses. Permissionnaire voleur comme Alfred C, 21 ans, charpentier en fer, qui profite de sa permission pour faire des coups ; spécialiste avec une petite bande des ateliers, en trois nuits il a volé 32 paires de chaussettes, des timbres et monnaies anciennes, une machine à écrire et 61 pantalons390. Mais aussi permissionnaire volé (malgré la gloire du Poilu) comme cette fille soumise qui vole l’argent d’un client permissionnaire du 1er génie391. La guerre et ses normes n’interrompent donc pas la geste du Plaisance délinquant.
305Dernières dissidences : pendant la guerre, comme ailleurs, les usines de Plaisance se sont mises à travailler massivement pour l’armée. Ces usines ont accueilli des femmes, des travailleurs étrangers, mais aussi beaucoup d’ouvriers mobilisés affectés à l’arrière. Ces ouvriers mobilisés ont fourni les cadres d’une nouvelle action syndicale et gréviste. Chez Ballot, A. Chabert et Henri Gamelin392, affectés spéciaux, vont conduire les grèves de 1918 et deviendront des militants actifs du PCF.
306Si le quartier est ainsi loin d’être apaisé, si la mort rôde dans toutes les maisons393, il n’en reste pas moins que Plaisance traverse la Grande Guerre sans tensions extrêmes. Au contraire, certaines des tensions, plus politiques que sociales, d’avant-guerre semblent s’affaisser : les paroisses sont revenues dans le giron républicain, les socialistes confirment leur mouvement d’insertion dans la nation et dans Paris. Cependant, ce n’est plus le quartier qui est porteur de cette évolution, mais la mairie d’arrondissement.
307La mémoire de la Grande Guerre imprègne le quartier entre les deux guerres. Toutefois, il n’en existe pas de trace sensible locale sauf dans les églises. En effet, les Poilus, vrais porteurs de cette mémoire, ne se sont pas organisés au niveau du quartier mais à celui de l’arrondissement. La puissante Amicale des Poilus du XIVe, l’UNC, l’ARAC, la FNCR... agissent en tout premier lieu en direction de la mairie, notamment sur la question de l’érection d’un monument aux morts dont le financement est difficile. Plus largement, la mémoire des Poilus se fait d’abord parisienne ou nationale avec le tombeau du Soldat inconnu et la Flamme à l’Étoile. À Plaisance, peu, sinon dans l’intimité des familles et des institutions, ne manifeste le souvenir du terrible événement.
Plaisance l’hégémonie communiste : un équilibre populaire ?
308Dans l’entre-deux-guerres, Plaisance devient une forteresse communiste. Au point qu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les deux conseillers municipaux du quartier (il y en a deux à élire depuis 1935 – la vieille revendication de tenir compte de l’importance de la population plaisancienne ayant enfin été satisfaite) et le député de Plaisance-Montparnasse sont communistes. Après la Seconde Guerre, le phénomène devient moins lisible puisqu’il n’y a plus ni conseillers municipaux de quartier, ni députés élus au scrutin de circonscription, la IV République mettant la proportionnelle partout, mais le score communiste atteint son maximum en 1946 (41 %) puis redescend un peu mais reste très élevé394.
309Une première lecture de cette évolution politique vers le communisme pourrait être qu’elle est le signe d’une crise sociale et urbaine, mais à l’examen approfondi des choses, une réalité plus nuancée apparaît.
310Si la conquête communiste de Plaisance est éclatante en 1936, il faut souligner que la puissance du parti dans le quartier ne remonte pas au Front populaire. Dès 1920, au moment de la scission, une large majorité de la 14e section socialiste vote en faveur de l’adhésion à la IIIe Internationale communiste (comme ce fut le cas de la quasi-totalité des sections parisiennes). Toutefois les deux élus, le conseiller municipal Grangier et l’ancien député de Plaisance-Montparnasse, Bracke, choisissent de rester avec la minorité qui reconstitue le parti socialiste SFIO. Avant la scission, Grangier avait été triomphalement réélu conseiller municipal de Plaisance en décembre 1919 avec 52 % des suffrages exprimés dès le premier tour. Mais l’enthousiasme pour la révolution russe est si intense dans le quartier qu’elle attire les opérateurs d’Albert Kahn, qui viennent filmer un meeting à la maison commune de la rue du Château contre l’intervention en Russie le 7 décembre 1919395.
311La scission n’était donc pas si facile pour la jeune section communiste du XIVe arrondissement, d’autant qu’assez rapidement elle est conduite, dans le cadre de la stratégie nationale du PCF, à un isolement, au moins au niveau électoral. Cependant les résultats électoraux du PCF à Plaisance sont tôt importants, que ses candidats soient des locaux ou des parachutés – comme on dit maintenant –, mais le concept n’a aucun sens pour les militants communistes d’alors pour lesquels le localisme du quartier doit être combattu au profit de l’unité de la classe.
312Dès 1925, Albert Treint obtient 27,5 % des suffrages lors de l’élection municipale à Plaisance, et ce score sera approximativement celui des autres élections de l’entre-deux-guerres. On pourra noter que le triomphe de 1935 de Léon Mauvais et Marcel Paul ne tient pas à un meilleur score au premier tour (ils font 28 %), mais à l’alliance de la gauche au second tour. Il faut attendre 1936 pour voir une progression nettement plus sensible, Croizat obtenant 37 % des suffrages à Plaisance au premier tour. Le bilan est clair : la force électorale du parti à Plaisance est nette dès les années 1920. Le communisme plaisancien n’est pas une traduction des crises sociales et politiques des années 1930 mais un phénomène populaire parisien de plus longue durée. Cependant c’est bien le Front populaire qui le porte aux responsabilités locales.
313Ce communisme militant ne détonne pas de la sociologie communiste de l’entre-deux-guerres. On y trouve une large place des métallos (Roi-Tanguy, Croizat), des cheminots (Célor), mais aussi des employés, des instituteurs(rices) (Maria Rabaté), voire des artisans (Raymond Losserand, Francotte...). La seule particularité pourrait être les électriciens-gaziers, qui trustent les places municipales (Salom, Marcel Paul, Léon Mauvais), du fait d’un réseau de connaissances et d’une construction délibérée.
314Le communisme plaisancien a laissé peu de traces : il ne publie pas de revues importantes, il n’est pas organisé en tant que tel, le parti donnant la priorité aux sections d’arrondissement et aux cellules d’entreprise ou locales.
315Par contre, au niveau symbolique, à compter de 1934, Plaisance compte beaucoup pour le parti et ses adversaires. Un peu comme la banlieue rouge se forge un Plaisance rouge ou bolchevique. Les Échos du XIVe, qui glisse à droite dans le courant des années 1930, estime ainsi que Plaisance est un « champ de manœuvres pour le drapeau rouge et l’Internationale396 », puis que « Plaisance glisse au bolchevisme » tandis que les socialistes disparaissent397, ce qui déboucherait sur une quasi-dictature communiste398.
316Mais le sentiment d’une forteresse communiste plaisancienne est aussi construit par le parti, qui fait de Plaisance un de ses bastions visibles. La meilleure preuve de cette importance accordée à Plaisance est la présence des plus hauts dirigeants communistes lors des campagnes électorales. Dès 1925, le choix d’Albert Treint comme candidat communiste aux élections municipales à Plaisance n’est pas innocent. Les connaisseurs en histoire sociale se rappelleront qu’il était alors tout simplement le numéro 1 du PCF, son secrétaire général. Et le parti ne présente pas son secrétaire général n’importe où.
317Lors de la campagne municipale de 1935, viennent animer les meetings plaisanciens la quasi-totalité des dignitaires communistes (ou de la CGTU, confédération syndicale dirigée par des communistes avant la réunification de 1936) : Sémard, ancien secrétaire général du PCF, Gitton, numéro trois du PCF en 1935, Cachin, le populaire et respecté directeur de L’Humanité, Monmousseau et Racamond (numéros 1 et 3 de la CGTU) et, à tout seigneur tout honneur, Maurice Thorez, le secrétaire général du parti, participent aux meetings plaisanciens399. Le titre des articles de L’Humanité consacrés à leur présence insiste sur le fait que Plaisance est un modèle du Front populaire, les deux candidats socialistes s’étant retirés en faveur de leurs adversaires communistes arrivés en tête : « Front populaire à Plaisance » revient comme un leitmotiv de l’image plaisancienne. Cette construction du Plaisance forteresse communiste et du Front populaire n’est pas seulement le fait d’une visée. Le quartier fait belle figure rouge en 1935 puisqu’il donne deux des huit conseillers municipaux communistes parisiens élus en 1935.
318Si les principaux dirigeants communistes viennent faire de la propagande à Plaisance, l’installation ou la présence à Plaisance d’une pléiade de militants communistes de tout premier plan national est aussi significative de cette forteresse locale. Énumérons-en les six principaux : Raymond Losserand, Marcel Paul, Léon Mauvais, Roi-Tanguy, Ambroise Croizat, Jean Jérôme. Tous élus et/ou habitants de Plaisance dans les années 1930 et 1940. Certains sont connus pour leur seule action locale comme Raymond Losserand, le conseiller municipal communiste fusillé par les nazis le 21 octobre 1942 après avoir été torturé. Évidemment, ce sort tragique à 39 ans interrompit une carrière politique ou militante qui s’avérait importante puisqu’en 1942, il était un des commandants FTP de la Résistance communiste.
319Marcel Paul et Roi-Tanguy sont, eux, d’abord connus pour leur résistance et le premier aussi comme un des héros de la lutte des déportés à Buchenwald. Mais Marcel Paul fut aussi conseiller municipal de Plaisance-Sud à 35 ans, secrétaire général ou président de la Fédération CGT de l’éclairage (de 1937 à 1939 et de 1946 à 1966), député communiste et ministre de la Production industrielle à la Libération, enfin président-fondateur de la FNDIRP. Roi-Tanguy, le colonel « Roi », est encore plus connu pour avoir été le chef régional des FFI de l’Île-de-France en juin 1944 et avoir dirigé l’insurrection parisienne en août 1944. Ce commandeur de la Légion d’honneur était aussi un militant communiste convaincu, ayant animé les grèves de 1936 dans l’arrondissement, permanent du syndicat des métaux, officier des Brigades internationales en Espagne, puis, après la guerre, membre du comité central du PCF de 1947 (officieusement car il était officier d’activé) à 1987.
320Ambroise Croizat, peut-être moins connu, n’en a pas moins joué un rôle considérable ; d’abord comme secrétaire de la toute-puissante Fédération CGT des métaux entre 1936 et 1939. Élu député du Front populaire, déchu en février 1940, il fut envoyé en Algérie par Vichy en 1941. Libéré par les Alliés en février 1943, il participe aux instances de la Résistance. À la Libération, il redevient député puis ministre du Travail (on lui doit l’essentiel de la Sécurité sociale). Il décède précocement à 50 ans en 1951.
321Les deux derniers noms sont encore moins connus du grand public, mais ne comptent pas moins dans l’organisation communiste. Léon Mauvais400, qui fut comme Marcel Paul un responsable important de la Fédération de l’éclairage et de la CGT, fut conseiller municipal de Plaisance-Nord entre 1935 et 1939. A 28 ans, il avait été représentant de la CGTU à Moscou. Arrêté en 1940, il s’évade en juin 1941 et devient un des trois dirigeants du parti dans la zone Sud pendant l’Occupation. Après la guerre, il est de nouveau conseiller municipal puis député, mais il se consacre surtout à une action dans l’appareil du PCF. Il devient membre du bureau politique de 1945 à 1964, un temps officieux numéro 3 du parti derrière Maurice Thorez et Jacques Duclos. Jean Jérôme401, enfin, n’est guère connu que des spécialistes de l’histoire du communisme. Originaire de Pologne (son vrai nom est Michel Feintuch), il aurait été, selon certains, un des hommes les plus influents du PCF, responsable de ses finances et de ses liens avec les pays communistes. D’autres estiment cette vision excessive et réduisent son rôle à celui d’un permanent très important (notamment dans le secteur culturel et financier) certes, mais non décisionnaire.
322Le bilan reste considérable : deux ministres communistes de la Libération sont de Plaisance ! Trois des plus grands noms de la Résistance communiste, mais aussi quelques hommes clés de l’appareil. Plaisance a bien accueilli des éléments décisifs de la direction communiste, particulièrement dans la période 1935-1947, à l’apogée du communisme. Plus modestement, le fait que Léon Mauvais soit président du groupe des élus communistes au conseil municipal de Paris entre 1935 et 1939 signifie aussi cette importance de Plaisance dans le dispositif communiste.
323Plaisance communiste ne fut pas le fait du Front populaire, mais remonte aux années 1920. Dès cette date, le PCF a l’œil sur ce quartier populaire qui donne près d’un tiers de ses votes au parti (qui alors tourne autour de 8 à 10 % des suffrages au plan national). Mais c’est le Plaisance communiste du Front populaire, de la Résistance et de la Libération qui constitue son apogée symbolique.
324Après 1945, les voix communistes restent très nombreuses à Plaisance, plus élevées même qu’avant la guerre. Ainsi le parti atteint en 194641 % des suffrages exprimés, 34 % en 1951 et, en 1956, encore 36 % (soit son score de 1936). Son hégémonie est donc toujours incontestable402. Toutefois, la suppression de l’élection du conseiller municipal au niveau du quartier et du député au niveau d’une circonscription locale (suppression pleinement soutenue par les communistes, qui prônent la proportionnelle comme mode de scrutin le plus démocratique et éliminant le clientélisme local) aboutit au paradoxe de l’affaiblissement symbolique du communisme plaisancien. Les votes communistes du quartier sont noyés dans des résultats parisiens qui ne sont pas les plus favorables au parti. Plaisance communiste ne semble plus une forteresse communiste réduite désormais à la banlieue rouge. Un autre signe significatif est l’absence de rôle important du conseiller municipal communiste Robert Francotte403, élu communiste fidèle et dévoué mais sans grande responsabilité nationale. Il en va de même, dans une moindre mesure, pour Maria Rabaté. Institutrice, venue dans le XIVe à la Libération, députée du 1er secteur de la Seine entre 1947 et 1958, elle fut une dirigeante de l’Union des femmes françaises mais n’eut pas de responsabilité nationale notable au parti. Elle n’habitait d’ailleurs pas à Plaisance. Cependant Maria Rabaté était très connue dans le quartier, et cette redoutable lutteuse lança un jour un lourd registre à la face du commissaire du quartier404 !
325Certains points de la vie de la section communiste méritent d’être notés405. Nous avons déjà constaté l’importance de l’entreprise pour les communistes406, et de ce fait du syndicalisme sur lequel nous reviendrons. L’activité de propagande est aussi naturellement très importante, meetings, réunions, tracts, affiches. L’affichage communiste est évident au regard des nombreuses photographies du quartier des années 1930-1950 (mais peut-être y a-t-il là effet de choix des photographes). Une affiche collée à Plaisance, « À bas les diminutions de salaire – Les industriels sont assez riches – Ils peuvent bien payer », suscite l’ire des Échos du XIVe407. Des affiches collées sur les panneaux publicitaires de Dufayel, au 148 rue d’Alésia, entraînent un constat policier contre le journal Avant-garde et le Comité franco espagnol408.
326Mais l’activité communiste s’appuie aussi sur des thématiques et des organisations très diversifiées409 : les coopératives, dont Georges Leroy410 est un des animateurs dans les années 1920, le Secours rouge avec l’ouvrier coiffeur Marcel Cordier, les activités sportives (la fédération sportive du travail avec Jean Dormans), les associations d’anciens combattants ou résistants (l’ARAC, l’ANACR, la FNDIRP...), les activités culturelles avec l’AEAR (association des écrivains et artistes révolutionnaires avec Paul Couesnon, professeur d’espéranto), les Pupilles de Jean Dormans. Dans le contexte du soutien à l’URSS existe aussi la section du XIVe des Amis de l’URSS (dont le trésorier adjoint est Raymond Losserand). Le prestige de l’URSS dépasse d’ailleurs, ne l’oublions pas, les rangs communistes. Ainsi Fayola-Augereau, le journaliste – d’orientation radicale modérée – des Échos estime que les hôpitaux soviétiques sont de bien meilleure qualité que Broussais411. Certaines organisations visent des publics spécifiques. En particulier après 1945 avec la puissante Union des femmes françaises (Suzanne Mahé). Il n’est pas jusqu’aux Bretons que le PCF n’essaie d’encadrer avec Les Bretons émancipés de L. Cloarec.
327Trois activités comptent beaucoup dans la période. L’organisation et la lutte des chômeurs. La section crée un Comité de chômeurs (Louis Letutour) qui fait souvent parler de lui412. La lutte pour la paix est aussi constante. Les usines du quartier participent activement au Congrès pour la Paix de 1925413. Les circonstances dramatiques de la guerre civile en Espagne conduisent aussi les communistes à s’engager dans la défense de la République et du Front populaire espagnol. S’engager littéralement dans les Brigades internationales, comme le futur Roi-Tanguy ou René Landas, et bien d’autres414. Le soutien prend aussi la forme financière avec les quêtes réalisées par les Jeunes communistes de l’arrondissement : 11 d’entre eux sont arrêtés – et relâchés – le 25 octobre 1936 devant la brasserie Zeyer au métro Alésia, huit sont de Plaisance415.
328Ces intenses et diverses activités des communistes du XIVe ont toutefois, au regard de notre histoire, une particularité. Si les Plaisanciens y participent très nombreux, si la Maison commune est au cœur de Plaisance, il reste que la section est longtemps organisée au niveau du seul arrondissement. La lisibilité du Plaisance rouge et communiste ne se situe donc pas au niveau organisationnel, mais électoral. Après la Seconde Guerre mondiale, la lisibilité électorale disparaissant, le parti communiste n’est plus un vecteur d’une symbolique du quartier. Et s’il se réorganise en sections locales, vu le nombre de ses adhérents la 14e section devient trop importante, ces sections ne recoupent que très partiellement Plaisance416.
329Le communisme plaisancien est devenu la première force politique du quartier dans les années 1920 et l’est resté jusqu’en 1958. Sans doute, dans les années 1920 et au début des années 1930, on ne peut faire de l’action et de la puissance du parti seulement un signe d’équilibre et la mort dramatique d’un militant en témoigne en 1925. Mais le communisme plaisancien est bien à son apogée symbolique dans les années du Front populaire, de la guerre et de la Libération. Et c’est bien à Plaisance qu’Aragon situe son roman-thèse, Les Communistes. Désormais, le communisme plaisancien signifie ainsi le peuple de Paris – au moins alors autant que Belleville – et donne au peuple travailleur une autorité nationale. Plaisance, devenu quartier plein et entier de la capitale, associe ainsi pendant dix ans les signes du parti et ceux de la capacité du peuple travailleur à surmonter les crises sociales et nationales.
Dissidences
330L’histoire du communisme français est aussi une histoire de ses dissidences. Que ce soit du fait de désaccords politiques profonds ou de l’organisation du PCF, très centraliste et autoritaire alors, de nombreux militants quittèrent le parti, rejoignant des organisations qui, généralement, n’eurent qu’une vie fragile. Plaisance n’échappe pas à ce processus sans qu’on puisse dire qu’il lui soit très particulier, sinon par le cas du conseiller municipal François Salom. Cet électricien né dans une banlieue pauvre d’Alger, orphelin, se fit marin à 12 ans. Après son service il entra à la CPDE (la Compagnie parisienne de distribution de l’électricité) où il fut un syndicaliste actif. En 1927, il devint secrétaire417 du syndicat parisien CGTU de la CPDE avec Léon Mauvais. Révoqué de la compagnie, le PCF le présenta à Plaisance en 1929 où il fut élu conseiller municipal au deuxième tour.
331Un an après son élection, en mars 1930, sa cellule l’exclut pour deux raisons, des désaccords politiques mais officiellement pour avoir accepté comme élu de participer à la fête du couronnement de la Reine du XIVe, considérée comme fête bourgeoise par le parti. Avec d’autres conseillers municipaux anciennement communistes il fonda le POP (Parti ouvrier-paysan), puis participa au PUP (Parti d’unité prolétarienne)418.
332Il fut de 1929 à 1935 un conseiller municipal actif et reconnu comme tel par Les Échos du XIV, dès avant son exclusion419. À la différence de la section du parti, il reconnut la nécessité de défendre les intérêts du quartier, qu’il déclare mal desservi alors que très peuplé420. En mars 1931, Fayola-Augereau estimait le bilan du conseiller municipal nettement positif421.
333Ce bilan, satisfaisant, lui valut un score honorable au premier tour de l’élection municipale de 1935 alors que le PCF avait présenté contre lui son ancien camarade du syndicat de la CPDE, Léon Mauvais422. Il obtint 23 % des suffrages exprimés, assez près de Léon Mauvais (29 %). Il eut cependant le tort de se maintenir au second tour dans une triangulaire avec Léon Mauvais et le candidat de droite, un homme de la droite extrême, ami de l’antisémite Xavier Vallat, ce qui ne fut pas compris de l’électorat de gauche et antifasciste. Il perdit la moitié de ses voix et n’eut plus de carrière politique à Plaisance.
334L’influence du trotskisme dans le XIVe arrondissement est plus difficile à mesurer car les différents partis qui en relevaient répugnaient alors à présenter des candidats423. Toutefois, sans qu’on sache s’ils habitent ou non à Plaisance, on peut noter que l’arrondissement a accueilli quelques grandes figures de la IVe Internationale. À commencer par Pierre Franck, membre de la 14e section socialiste en 19341935, il avait été le fondateur de l’USTICA, un des premiers syndicats de techniciens et ingénieurs, au lendemain de la Grande Guerre et sera un des fondateurs de la section française de la IV Internationale. Notons aussi Maria Craipeau, militante à la 14e section communiste dans les années 1930, ralliant le trotskisme en 1935, Mathias Corvin, secrétaire des Jeunes socialistes du XIVe en 1930, ou le postier Carie Magne. Raymond Molinier a aussi habité rue de Gergovie dans les années 1920. Léo Malet, que nous évoquerons plus longuement, adhéra aussi, comme une partie des surréalistes, en 1936 au Parti ouvrier internationaliste et y resta jusqu’en 1939. Son appartement au-dessus du cinéma de la rue de Vanves accueillait régulièrement Mathias Klement, le secrétaire de Trotsky, qui venait y travailler.
335D’autres petits groupes ont eu des activités dans le quartier après 1945. C’est au 74 ou au 76 de la rue des Plantes que Maximilien Rubel, philosophe et traducteur de Marx, avait son bureau. C’est là que se réunissait dans les années 1950 le Groupe communiste des Conseils424. Plaisance reste fidèle à sa tradition d’accueil des marginalités politiques.
336Les anarchistes, qui avaient eu une influence non négligeable à Plaisance à la fin du xixe siècle, manifestent encore une certaine activité au lendemain de la Grande Guerre puis déclinent brutalement ; en particulier du point de vue de leur influence dans les syndicats (nombre de syndicalistes anarchisants se ralliant au communisme à cette période). Ainsi la police signale en 1921 à Plaisance des anarchistes-communistes notoires, Eugène Besnard en est le principal puisque que ce cheminot est le secrétaire du Comité de défense syndicaliste (tendance révolutionnaire au sein de la CGT)425. En 1922, Némorin Pagès (quel joli nom) est le seul membre des Jeunesses anarchistes426 alors que les anciens, Léon Heude, Charles Wielhorsky le peintre, Ernest Lohy (Devaldes) et Han Ryner continuent de résider à Plaisance, que Malato a quitté.
337Le renouvellement fut sans doute difficile et s’organisa autour de thématiques militantes. Emma et François Mahé427 (habitaient-ils à Plaisance ?) animèrent le groupe du XIVe de l’Union anarchiste dans les années 1930. Le quartier accueillait aussi en 1936 le Comité de ravitaillement des militants antifascistes au 203 rue d’Alésia428.
338Si l’on excepte, bien sûr, Léo Malet, il est frappant de voir combien ces militants, des anarchistes aux diverses dissidences communistes, sont absents de la mémoire locale. Certes leur influence fut très faible au regard de celle du parti communiste.
Déclin du parti socialiste
339Nous n’évoquons pas là le déclin du « parti » socialiste dans un sens large car l’addition des voix des candidats du PCF, du PS et d’autres partis se réclamant du mouvement ouvrier n’est nullement en baisse dans cette période. Par contre, le parti socialiste SFIO, issu de la scission de Tours, tend à s’affaiblir à Plaisance, en partie du fait des progrès du PCF. Toutefois le parti socialiste conserve le siège de conseiller municipal de Plaisance de la Grande Guerre à 1929, avec Grangier, et prend le siège de député de Plaisance-Montparnasse en 1932, avec Graziani, siège perdu en 1936 au profit du PC.
340Le déclin est ainsi lent en termes de suffrages dans l’entre-deux-guerres. Le PS conserve autour de 25 à 30 % des voix. Ce n’est plus suffisant dans les années du Front populaire pour devancer le PC mais le niveau reste important.
341Le vrai recul est dans l’après Seconde Guerre mondiale. Le parti socialiste n’obtient plus que 15,4 % dans le quartier en octobre 1946 et tombe à 9,4 % en janvier 1956 (il est vrai que des électeurs socialistes préfèrent à cette élection voter radical du fait de la popularité de Mendès France).
342Parmi les militants connus, nous ne savons guère s’ils habitent à Plaisance. Graziani le député socialiste de 1932 à 1936 était-il de Plaisance ou, comme son prédécesseur Bracke, d’un autre quartier du XIVe arrondissement ? Toujours est-il que le mouvement amorcé avant 1914 de la sociologie des élus ou responsables s’accentue. Nous ne trouvons plus que des employés ou petits cadres des services publics ou concédés (ex-postier comme Grangier, cheminots comme Lucien Cancouet ou Bidegaray, employé des établissements de guerre comme Pierre Beaubois, fonctionnaire comme Maurice Danglard, instituteur comme Charles Pivert), voire des ingénieurs comme Georges Soules dit Raymond Abellio (polytechnicien) ou Sansimon Graziani (ingénieur des Arts et Métiers)429. Le discours reste cependant très classiste comme l’appel au vote socialiste « Aux travailleurs de Plaisance ! » pour la candidature de Graziani en 1928 à l’élection législative, qui souligne que le candidat est fils d’ouvrier430. La section socialiste semble surtout animée pendant les périodes électorales, attachant une grande importance à la propagande. Elle continue de publier, mais très irrégulièrement sans doute, La Griffe du XIVe dont nous n’avons pas trouvé d’exemplaires.
343Par ailleurs, minoritaires au moment de la scission de 1920, les socialistes de la 14e section perdent l’usage de la Maison commune du 111 rue du Château, réservée aux communistes et aux syndicats unitaires. Ils semblent avoir retrouvé un siège au 79 rue du Château431.
344C’est sans doute les Jeunesses socialistes qui ont le plus de dynamisme ; ainsi les JS de l’arrondissement mettent en place une section nautique en 1928432. Mais les JS sont l’objet de nombreuses convoitises et nombre de leurs membres sont influencés par les trotskystes et rejoignent leurs rangs dans les années 1930.
345Si Grangier avait été triomphalement réélu conseiller municipal en 1919, puis encore assez aisément en 1925, il semble bien que son dernier mandat ait été difficile. Les Échos du XIVe, journal qui ne lui est pas hostile, fait état de nombreuses critiques sur son inefficacité, son irrésolution. On lui reproche, en vrac, de n’agir pas assez vivement pour des espaces verts433, d’hésiter à réclamer une piscine pour l’arrondissement434, de ne pas avoir réclamé vigoureusement une fontaine pour les zoniers435, etc. Mais d’autres lui reprochent de réclamer un square, au détriment du commerce, dans le seul but d’y avoir son buste436. Non que Grangier ait été un conseiller municipal inactif437, mais alors même que les problèmes urbains du quartier deviennent moins brûlants il apparaît ni sans vraie influence au conseil municipal, ni assez déterminé ou combatif, perdant ainsi sur sa droite et sur sa gauche. Sa non réélection en 1929 au profit du communiste Salom ne surprend guère alors.
346Battu par la droite dans une triangulaire en 1928, Sansimon Granziani est élu député dans une nouvelle triangulaire en 1932438. La personnalité de ce député mérite quelques mots. Né à Ajaccio, ingénieur de l’École des arts et métiers d’Aix-en-Provence, monté à Paris à 20 ans en 1904, adhérent du nouveau parti socialiste réunifié en 1905, le jeune ingénieur, proche de Bracke, prend tôt des responsabilités nationales (mais pas de premier plan) au parti socialiste. Battu en 1936 au premier tour par Ambroise Croizat pour lequel il se désiste, il deviendra chef de cabinet de Marx Dormoy dans le gouvernement Blum. Gravement malade, il se retirera de la politique en 1938439.
347D’autres socialistes, comme l’instituteur Charles Pivert, frère de Marceau Pivert, mériteraient aussi un développement.
348Comme dans de nombreux autres quartiers populaires parisiens et en banlieue « rouge », le parti socialiste maintient difficilement ses positions à Plaisance dans l’entre-deux-guerres. Il perd une partie de l’électorat le plus ouvrier au profit du parti communiste sans réussir à gagner vraiment sur sa droite malgré son image déjà de parti dirigé par des élus issus des petites classes moyennes. Il est vrai qu’il y a peu à gagner dans un quartier où le radicalisme a perdu beaucoup de sa force dès avant 1914 et où la droite est faible mais constante. Cette tendance au déclin s’accentue brutalement après la Seconde Guerre mondiale.
Du côté des radicaux
349Ils avaient dominé Plaisance de 1871 à 1910 (à l’exception de l’épisode girouiste). De 1910 à 1920, ils connaissent une chute sensible, voire brutale de leur influence au profit des socialistes (alors que, dans les autres quartiers du XIVe, la chute de leur influence se fait au profit de la droite, qui leur prend les autres sièges de conseiller municipal). Devenus marginaux, ils ne jouent même pas le rôle de parti charnière, comme au niveau national, socialistes et communistes ayant la majorité sans eux dans le quartier (sous réserve de s’entendre !).
350Toutefois le radicalisme ne disparaît pas du quartier. Il connaît même certaines résurgences, en particulier en 1956 où la liste RGR et radicale-socialiste obtient 17 % des suffrages440, bénéficiant de l’effet Mendès France.
351Les radicaux continuent aussi de bénéficier du soutien de figures notoires du quartier. Nous avons souvent cité dans ce chapitre les articles de Fayola-Augereau, fin connaisseur du quartier, dans Les Échos du XIVe. Le collaborateur du journal ne cache pas ses sympathies radicales, défendant à l’occasion Édouard Herriot441. Il est issu d’une des vieilles familles du quartier puisque son père avait ouvert une petite entreprise du bâtiment, avenue du Maine, à la fin du xixe siècle. Il représente assez bien ainsi le vieux Plaisance des petits artisans qui a cédé la place, nous l’avons vu, à un Plaisance où domine massivement le salariat.
352À certaines occasions, les radicaux font une campagne dynamique, comme en 1928 où l’avocat Raymond Gruny est candidat à Plaisance-Montparnasse. Le comité de Plaisance du parti radical442 retrouve à cette occasion son ton d’avant 1914 en s’adressant aux « citoyens », en évoquant les traditions du quartier, traditions politiques de fermeté républicaine, de « travail », de « probité », de « bon sens », de « désintéressement », toutes caractéristiques prêtées aux Plaisanciens443. Les résultats restent moyens avec 16 % sur l’ensemble de la circonscription et un peu moins à Plaisance.
353La tradition républicaine et laïque du quartier, qui s’était exprimée par les radicaux à la fin du xixe siècle, a classiquement basculé vers les socialistes puis les communistes dans la première moitié du xxe siècle. Toutefois le radicalisme maintient une petite force locale (autour de 10 % en moyenne) après 1920 qui rend compte davantage de la présence d’une mémoire républicaine locale que les socialistes ou les communistes, toujours moins quartieristes. La présence de Jean Moulin avant la guerre au 26 rue des Plantes444, où il avait son pied-à-terre parisien, mérite-t-elle d’être signalée ici ? Sa sensibilité radicale est alors incontestable. Aurait-il participé, comme un autre martyr de la Résistance, Jean Zay, l’avait tenté avant la guerre, à un renouveau du radicalisme local ?
De la gauche plaisancienne
354Au bilan, de 1914 à 1958, la gauche domine largement le paysage politique plaisancien. Avec un total de 67 % à l’élection municipale de 1919, de 66 % en 1935, le(s) siège(s) de conseiller municipal n’échappe jamais à la gauche (Grangier, Salom, Paul et Mauvais, Lossserand et Mauvais). Le siège de député de Plaisance-Montparnasse ne lui échappe que de très peu en 1928 du fait d’une triangulaire. Mais les scores de la gauche à Plaisance vont de 65 à 71 % aux législatives entre 1919 et 1956. Au-delà des variations conjoncturelles, les deux tiers des Plaisanciens (et Plaisanciennes après 1945) votent à gauche avec constance. Si les reports électoraux ne sont pas parfaits, en particulier en 1935 et 1936, ils sont sensibles445 (les deux tiers des électeurs socialistes votent pour Croizat au deuxième tour de 1936) et l’électorat a tendance à soutenir le candidat de gauche arrivé en tête en sanctionnant celui qui se maintient malgré tout. Ainsi, en 1929, Grangier, arrivé second derrière Salom, perd des voix au deuxième tour. Aux législatives de 1932, Mauvais, arrivé derrière Graziani et maintenu au deuxième tour du fait de la tactique « classe contre classe », perd un gros quart de ses voix... Tout signe que la forteresse communiste plaisancienne est encore une trace de la stabilité de la « vivante cellule démocratique qu’est Plaisance républicain446 » au moins autant que de la crise sociale. Cellule par moments quelque peu en sommeil mais que réactive le danger antifasciste en 1934 où l’on voit un nouveau dynamisme des anciennes, déjà, sections du XIVe de la Ligue des droits de l’homme447 ou de la Libre-Pensée448.
355Et en mars 1935, Henry Poulaille, l’écrivain prolétarien bien connu (ou méconnu ?), fonde avec plusieurs autres écrivains issus du peuple comme Fernand Teulé et René Bonnet le musée du Soir449. Installé d’abord dans le XIXe arrondissement, il est rapidement transféré 15 rue de Médéah, dans notre quartier. Assez proche dans ses visées de la Maison de la culture fondée par Aragon dans la même période, mais sans la même proximité avec le parti communiste et se voulant plus populaire, elle propose aux travailleurs des conférences, une bibliothèque, etc., un peu sur le modèle de l’université populaire d’avant la guerre mais sans son caractère semi officiel. Le musée du Soir disparaît pendant la guerre.
Syndicalisme et mouvements sociaux
356Nous trouvons bien sûr des syndicalistes qui habitent à Plaisance, des syndicalistes qui n’habitent pas à Plaisance mais qui y travaillent et dont la situation syndicale est variable, et certains qui cumulent ces deux caractères.
357L’idéal serait de dresser une typologie et de l’étudier, mais les sources nous l’interdisent. Force est toutefois de constater que nombreux sont, après comme avant la Grande Guerre, les militants syndicalistes qui habitent le quartier. Marcel Paul n’en est que le premier exemple450. Certains militants se dégagent par le rôle qu’ils jouent dans l’arrondissement comme Cerezetto, responsable du Comité intersyndical du XIVe arrondissement en 1920, l’ouvrier tourneur Roger Métayer, l’instituteur Charles Pivert, secrétaire de l’UL confédérée (CGT) dans les années 1930, ou Louis Letutour, ouvrier émouleur, permanent à la Maison commune dans les années 1930 et secrétaire de la cellule 131 du PC dans les années 1930451. Maison commune où Roi-Tanguy aime à organiser des guinguettes.
358On pourra noter la place prise par les militants instituteurs dans le dispositif syndical local. Leur métier les met au contact de la population locale, et souvent ils habitent au voisinage de leur école. Parmi ces figures, notons Marius Maitron, le père de Jean Maitron, Mme Mézerette, active militante du SNI, qui joue un rôle local par son activité intense pour maintenir le souvenir de l’œuvre de Jean Baffier452. Volontiers socialistes, les instituteurs assurent aussi un lien entre activité politique et syndicale comme cette motion adoptée par la 14e section socialiste en 1918 sur l’initiative de son secrétaire, l’instituteur Sigrand, motion pour le respect du droit syndical des instituteurs453.
359Plus généralement, le syndicalisme devient sans doute un trait du mode de vie de très nombreux Plaisanciens que l’on rappelle rapidement mais comme naturellement dans des souvenirs comme ceux de M. Régnier454 ou de Mme Lucas455.
360Et l’écrivain Alexandre Arnoux en fait une figure symbolique du quartier encore en 1958 : « l’homme de Plaisance, mécanicien syndiqué456... », écrit-il.
361Et le quartier s’anime au souffle des grands mouvements sociaux. En 1936, le fait est bien connu. Mais, déjà en 1919, la grève générale conduit à une remue populaire. Les ouvriers grévistes parcourent les rues pour débaucher, avec plus ou moins de succès et quelques heurts avec la police, mais sans gravité, ceux de Bouillet, de Ballot457, d’Ernault, de Multipleix458. On se réunit au 111 rue du Château, mais dès que l’affluence prévisible devient trop grande (plusieurs milliers de grévistes), les gymnases Vandamme (28 rue Vandamme) ou Huyghens (on sort de Plaisance) deviennent nécessaires459. Certaines sorties sont plus animées, comme celle du 4 juin 1919 où 800 grévistes tentent de se rendre sur l’avenue du Maine et sont dispersés par la police460. 1919 et 1936 voient ainsi l’appropriation de l’espace local par les grévistes des usines, retissant le lien du travail, du mouvement social et syndical avec le quartier.
362Le lecteur attentif aux notes aura cependant pu remarquer que Les Échos du XIVe, source si notoire de ce chapitre, n’est jamais cité dans ce passage. Le syndicalisme n’a pas droit de presse locale. Propos délibéré de couper le quartier ou l’arrondissement d’un monde du travail dominé par les rouges ou signe d’une cassure local/travail imposée par le genre de la presse locale ? Le bilan ne pourra être tiré qu’à l’examen de la période suivante où, après la disparition de la presse locale entre 1939 et 1958, cette presse connaît un grand renouveau.
Coopératives : le déclin
363Plaisance avait été avant la guerre un des berceaux du coopérativisme parisien, tant de consommation avec L’Avenir de Plaisance que de production avec les ouvriers en instruments de précision. Toutefois nous avions noté que, dès avant 1914, Plaisance perdait de ses particularités.
364La Grande Guerre est pourtant une bonne période461 pour les coopératives de consommation appelées à jouer un rôle important pour le ravitaillement et contre la vie chère. C’est pendant cette période que les coopératives parisiennes atteignent leur plus grand chiffre de vente (en volume). Mais la tendance, notée avant la guerre, à la concentration des coopératives s’accentue. L’Avenir de Plaisance avait fusionné à la veille de la guerre avec L’Égalitaire du XIXe arrondissement pour fonder une Union des coopérateurs. En 1920, toutes les coopératives parisiennes (sauf La Bellevilloise) fusionnent en une grande Union parisienne des coopératives. La coopérative devient donc anonyme, perdant de ses anciens toponymes locaux ou utopiques. Localement il reste toutefois des lieux ou des Cercles des coopérateurs. On en compte deux à Plaisance, au 13 rue Niepce et au 11 rue Vercingétorix, en 1920462. Le 13 rue Niepce est devenu surtout un grand entrepôt de l’Union des coopératives pour la boucherie et la bonneterie-chaussures463. Les succursales de vente de l’Union sont situées à Plaisance au 107 rue de Vanves (boucherie et épicerie), au 35-37 rue Bénard (boucherie et épicerie) et au 79 rue du Château (épicerie).
365Comme avant-guerre, les cercles organisent aussi toute une sociabilité, théâtre, piano, cours de chant, club sportif, conférences... La jeune Descotils se souvient du club de basket féminin et des bals de la rue Froidevaux464. Le mouvement coopérateur tend toutefois à s’affaisser localement après cette dernière embellie de l’immédiat après Première Guerre mondiale. À Plaisance comme ailleurs, la crise de 1929 lui porte un coup fatal avec la faillite de l’Union des coopératives. La consommation sociale comme forme de vie forte du quartier est morte.
366Du côté des coopératives de production, la situation n’est guère meilleure. Dès avant-guerre, certaines coopératives avaient quitté Plaisance. La guerre ne favorise pas les coopératives de production, structures économiquement fragiles et peu aptes à produire pour la guerre. Nous ne retrouvons plus après la guerre que trois coopératives plaisanciennes : L’Effort des peintres est encore là comme L’Union de la Confection. Une Société parisienne d’entreprises électriques est apparue boulevard Brune465. Mais en ce temps du triomphe de la grande industrie standardisée, la place de la coopérative de production est difficile à trouver d’autant que les militants communistes ont tendance à y voir une forme de réformisme ou d’embourgeoisement.
Du côté de la droite
367Avec son tiers des suffrages la droite plaisancienne n’a guère d’espoir aux élections locales, sauf à profiter de la division de la gauche ou à s’avancer quelque peu masquée. C’est le cas en particulier des candidats qui se présentent sous l’étiquette « républicain de gauche » en 1919 ou du Comité de concentration républicaine, démocratique et sociale de Plaisance en 1925, 1929 ou 1932. En 1929, par exemple, Louis Gérard se présente comme « un vieux républicain466 » (il est vrai qu’il était radical avant 1914), mais contre les partis et la démagogie ; il insiste sur le fait qu’il est « habitant [du] quartier de Plaisance depuis plus de vingt ans, fils de ses œuvres467 ». En 1932, aux législatives, c’est R.-P. Bisson qui est le candidat du Comité qui veut représenter « des commerçants, des artisans, des anciens combattants468 ». Bisson, publiciste, mutilé de guerre et un temps président de l’Amicale des poilus du XIVe, fait une campagne anticommuniste pour la « justice », la « paix » et la « liberté ».
368L’influence de ces candidats de l’extrême centre, assez proches de l’esprit ancien combattant, va toutefois en déclinant à Plaisance. Gérard avait obtenu 3 949 voix en 1925, il n’en a plus que 2 248 en 1929 et le pauvre Bisson ne fait que 814 voix sur Plaisance-Montparnasse en 1932... Ils doivent céder la place à une droite beaucoup plus dure, représentée par de jeunes politiciens qui obtiennent un certain écho : Dumat (candidat aux élections législatives en 1928,1932 et 1936, élu en 1928, battu ensuite, candidat malheureux à Plaisance nord aux municipales de 1935) et Bardel (candidat malheureux aux municipales à Plaisance en 1929 et à Plaisance sud en 1935). Une droite nationale qui flirte avec l’extrême droite.
369Louis Dumat469 est bien représentatif de cette nouvelle vague de la droite. Né en 1901 à Nantes, fils d’un agent de change, travaillant dans la publicité et la presse, membre des Jeunesses patriotes de Taittinger, il se lance dans la conquête de la difficile circonscription de Plaisance-Montparnasse en 1928, année du retour au vote par circonscriptions. En quinze jours de campagne, le jeune loup gagne l’élection, en partie du fait du contexte favorable à Poincaré dont il se réclame, mais surtout du fait d’une triangulaire qui l’oppose à Barbé et à Graziani. À la Chambre, il se fera le défenseur des affichistes, appartiendra au « Parti colonial »... Battu de 25 voix par le socialiste Graziani en 1932, il sera de nouveau battu par le communiste Ambroise Croizat en 1936, beaucoup plus largement cette fois du fait du désistement socialiste.
370Pendant son mandat, il sera un député attentif aux intérêts de sa circonscription, en particulier de Plaisance, demandant bureau de poste, école et métro, réclamant le classement des voies privées470... Sa défaite et l’aggravation des tensions politiques le conduisent ensuite à une radicalisation inquiétante, il est particulièrement lié avec Philippe Henriot et Xavier Vallat, deux figures de la droite fascisante et raciste française. Son comité organise une causerie avec le premier devant 800 personnes en décembre 1933471. Une tentative472 pour organiser une réunion avec Xavier Vallat en juillet 1934 (dans la salle du 105 rue de Vanves) se heurte à la menace d’une manifestation antifasciste et l’abbé Viollet lui retire la salle.
371Pendant l’Occupation et le vichysme, il part au Maroc, dirige des sociétés et observe une attitude prudente. Il se fera élire député une dernière fois en 1945 par les Français du Maroc.
372En 1929 et 1935, la droite présente, à Plaisance, Pierre Bardel. Il a 31 ans, fils d’un architecte, il est journaliste sportif, mais se revendique d’avoir été un temps ouvrier chez Ballot, dans le quartier.
373Les thèmes politiques avancés par ces jeunes de la droite dure parisienne ne surprennent pas : nationalisme, libéralisme économique, anticollectivisme qui devient de plus en plus anticommunisme473, dénonciation des impôts excessifs, discours contre « la république des camarades474 », opposition du drapeau tricolore au drapeau rouge qui signifie sanguinaire475... Mais ils ont su prendre en compte les questions du quartier et saisir l’importance de la symbolique locale : « Vive la France, Vive la république, Vive la circonscription de Plaisance », conclut l’appel de Dumat en 1928476. Bardel sait insister sur ses liens au quartier, lui « qui compte tant d’amitiés à Plaisance477 ». En 1936, Dumat édite un journal intitulé Plaisance républicain.
374Dumat et Bardel sont aussi de ceux qui insistent sur la pauvreté du quartier : « Plaisance, région déshéritée, foyer de misère et d’insalubrité478 », « Plaisance [qui] n’est pas un quartier riche479 ».
375Toutefois, si l’on excepte l’épisode de l’élection législative de 1928 (encore Dumat arrive-t-il derrière Barbé à Plaisance et doit-il son élection à Montparnasse), Dumat et Bardel ne réussissent pas à percer à Plaisance et à vraiment remonter le score de la droite. La visée de Bardel de faire en sorte que la droite ne soit pas toujours battue480 à Plaisance ou la dénonciation de l’idée que « le Front populaire voudrait faire croire qu’il est le maître de Plaisance481 » sont plutôt discours volontaristes à la veille d’un scrutin que réalité socio-politique.
376La droite s’appuie sur des structures présentes souvent dans le XIV arrondissement sans que nous en connaissions l’implantation exacte à Plaisance. La Ligue des Patriotes482, le Redressement français483, les Croix de feu484, l’Action démocrate485 ont ainsi des sections du XIVe arrondissement plus ou moins présentes à Plaisance. Au niveau du quartier, Pierre Bardel crée un Comité d’action républicaine de Plaisance qui le soutient dans ses campagnes486. Dumat lui met en place un Comité républicain d’union nationale et sociale de Plaisance487.
377Notons enfin la faiblesse de la droite catholique (sociale ou non) à Plaisance dans l’entre-deux-guerres. Certes, il existe une section du XIVe du PDP (l’ancêtre du MRP selon certains historiens), active à Plaisance, sans doute dans la foulée du catholicisme militant de l’avant 1914. La section se réunit d’ailleurs parfois salle Jeanne d’Arc à la paroisse488. Elle organise des réunions contradictoires489 et crée en 1930 un « cours d’habitude à la parole490 ». Ses dirigeants, Marcel Oger, Louis Cassagne, sont de Plaisance et très liés au Rosaire491.
378Cependant, le PDP doit renoncer à présenter des candidats aux élections à Plaisance dans l’entre-deux-guerres, laissant le terrain aux seuls candidats de la droite dure et plus laïque que sont Bardel et Dumat492. Et si, en 1946, le MRP atteint 24 % des suffrages à Plaisance, c’est parce qu’il est alors le seul parti de droite présentable après l’épisode vichyste et en l’absence de candidats gaullistes... Et en 1956, Plaisance, fidèle à sa dominante laïque, ne donne au MRP que 5,7 % des suffrages493 (sensiblement moins qu’à Le Pen, tête de liste de Poujade)...
379Les militants de la droite plaisancienne sont mal connus, le président d’honneur du Comité Bardel en 1929 est un officier, le commandant Debeney, et on trouve aussi dans le bureau du Comité un gardien de la paix, Germain Meunier, demeurant rue Maurice-Bouchor. C’est d’ailleurs le bureau de vote des immeubles collectifs situés entre la porte Didot et la porte de Châtillon, dont nous avons vu qu’il était le plus bourgeois de Plaisance avec sa dominante d’officiers qui donne de loin son meilleur score à la droite. Encore en 1956, ce 59e bureau est le seul à donner 50 % à la droite. Dans les bureaux les plus populaires, voire très pauvres, elle tombe à 25 % environ, ce qui indique qu’elle n’est tout de même pas absente chez certains milieux populaires. Sans doute obtient-elle les suffrages de commerçants et d’artisans comme le montre le score en 1956 de la liste Poujade conduite par Le Pen dans la 1re circonscription de la Seine : la liste fait 8,2 % à Plaisance, et pas chez les militaires puisque le fameux 59e bureau ne lui donne que 2 % des suffrages ! Cette liste dépasse 10 % rue de l’Ouest, une des rues les plus commerçantes du quartier.
380Au bilan, les droites plaisanciennes ne peuvent s’opposer au succès de la gauche, des socialistes puis des communistes. Cependant la droite n’est pas absente et profite parfois des divisions de la gauche. Plus profondément, elle peut s’appuyer sur certaines couches sociales ressources, sans compter le 59e bureau : en particulier une partie des petites classes moyennes non salariées et certains travailleurs à statut lui donnent constamment des suffrages dans le quartier.
381Dans cette histoire politique du quartier les femmes restent peu présentes. Le radicalisant Fayola-Augereau peut encore, en 1929, écrire un article contre le vote des femmes sans susciter de critiques494. C’est au parti communiste et dans les groupes dissidents que l’on trouve le plus de femmes militantes. Avec notamment la figure de Maria Rabaté, célèbre pour son féminisme avant 1939 et devenue député communiste après la guerre. Toutefois, elles restent peu nombreuses et peu évoquées.
Plaisance forteresse résistante
382Plaisance n’échappe pas aux difficultés matérielles graves liées à la Seconde Guerre mondiale495. Témoins et essayistes les ont souvent évoquées. Elles peuvent être liées au chômage qui frappe certaines professions ; ainsi « un ancien maçon-platrier qui n’a pu trouver du travail après sa démobilisation habite un taudis [dans la zone] avec sa femme enceinte496 ». Les problèmes du ravitaillement sont les plus graves cependant. Comment se chauffer alors que le charbon manque ? On utilise n’importe quoi dans le poêle de l’appartement de M. Diard, rue Vercingétorix497. Au 73 rue de Vanves, « avec deux vieilles robes que nous teignions, on en faisait une nouvelle498 ». Le pire fut cependant d’assurer sa subsistance alimentaire (et la Libération ne changea rien à l’affaire). Ainsi les parents de Mme Hornois perdirent de dix à quinze kilos. Et le système de la débrouille doit se généraliser. « 9 juillet [1944] plus de pain. Ma sœur monte à Châtillon pour en avoir – 10 juillet par mon travail nous avons des petits pois – 13 juillet, des haricots. C’est la première fois de la saison que nous en mangeons499. » Ces extraits des notes quotidiennes de Mme Hornois montrent bien l’obsession du pain quotidien.
383Plus rarement, nous trouvons aussi à Plaisance des traces des dangers de la période. Comme ce, 24 avril 1944 où l’on annonce des menaces de bombardement dans le XIVe arrondissement et où l’on invite la population à dormir ailleurs500. Toutefois on sait que Paris intra muros ne connut pas les grands bombardements des villes de province ou de communes de banlieue comme Boulogne.
384Le paysage, sonore et visuel, du quartier fut changé, en particulier par les restrictions d’essence et d’électricité, qui diminuèrent brutalement la circulation des automobiles et des transports en commun. Georges Duhamel, se promenant dans ce qui n’était pas vraiment son ancien quartier, note en 1942-43 : « Dans ce quartier autrefois si riche d’enfants, règne un silence maladif. [...] Le cheval est revenu parmi nous. [...] J’ai parcouru la rue de l’Ouest, maintenant veuve de voitures501. » Le même fait avait frappé le jeune Diard : « Montparnasse [entendre Plaisance502] était devenu presque désert », on n’y entendait plus ni les chanteurs de rue, ni les rémouleurs. Bien sûr, là encore, n’y voyons pas une particularité plaisancienne, mais le fait de tous les quartiers populaires parisiens.
385Un premier point mérite d’être évoqué, qui fonderait davantage une particularité plaisancienne (ou tout au moins une particularité des quartiers périphériques de Paris). C’est la politique vichyste de destruction des îlots d’insalubrité et qui concerne pendant cette période la zone. Vichy rase entièrement en 1942 ou 1943, dans un silence total, les habitations de la zone, ne laissant subsister que quelques roulottes de miséreux. Nous développons plus longuement cet aspect dans la troisième partie de ce chapitre sur les premiers indices d’une nouvelle crise urbaine.
386Nous approchons d’une autre particularité du quartier (et sans doute d’autres quartiers populaires parisiens de la périphérie de Paris) avec cette observation fine du jeune Diard :
On n’en voyait [des soldats allemands] que très rarement du côté de la rue Vercin-gétorix et dans les rues avoisinantes. Il fallait dépasser l’avenue du Maine pour rencontrer les premiers soldats allemands503.
387En effet, les occupants ne s’installèrent que très rarement dans les petites rues populeuses des quartiers populaires périphériques, préférant les quartiers du centre, les quartiers bourgeois et les grands axes. Ainsi les Allemands sont installés dans un hôtel de l’avenue du Maine, dans des installations militaires du boulevard Brune. Ils ont aussi occupé le grand garage de la rue d’Alésia (au 122) où ils ont installé un stockage de pièces de rechange pour leurs transports. Ailleurs, on les voit peu, sauf à l’occasion de certaines patrouilles.
388Les conséquences de cette situation sont doubles. D’une part, Plaisance n’est pas un lieu où se déroulent de nombreuses actions visibles de la Résistance, faute de cibles importantes. Et Plaisance n’est pas d’une grande importance stratégique. Pendant la Libération, les combats essentiels se déroulent avenue d’Orléans ou près de la gare Montparnasse. Mais cet isolement relatif du village populaire Plaisance peut favoriser l’éclosion des activités de la clandestinité ou de formes de manifestations publiques.
389Ainsi nous ne notons que trois actions armées spectaculaires dans le quartier : l’attaque à la grenade, le 28 novembre 1941, de l’hôtel Océan, occupé par la Wehrmacht, par un groupe de FTP504, le combat devant le garage Alésia le 22 août 1944 entre les FFI et les Allemands qui fit deux morts parmi les insurgés, et l’attaque par les FTP MOI le 25 septembre 1943 du célèbre restaurant du Moulin-Vert fréquenté par les officiers allemands505. Par contre, la Résistance organisa deux actions symboliquement très importantes à Plaisance. La première fut la manifestation des ménagères, rue Daguerre, à la limite du quartier, organisée par la Résistance communiste le 1er août 1942. Lise Ricol (épouse d’Arthur London), dirigeante des Comités patriotiques féminins, y harangue des centaines de ménagères. Des tracts sont jetés et des produits alimentaires volés dans l’épicerie Félix Potin. Roi-Tanguy avait mis au point un dispositif de protection par les FTP très important et deux policiers français et un officier allemand qui voulurent intervenir furent abattus506.
390L’autre manifestation importante menée dans le quartier fut le défilé du 14 juillet 1944, qui remonta la rue de Vanves, de la porte de Vanves à l’avenue du Maine, sans doute le plus important à Paris avec celui de la rue de Belleville507. La Résistance communiste utilise ainsi le quartier où elle sait obtenir une sympathie forte et où la présence allemande est peu importante pour organiser ces importantes manifestations populaires à grand effet symbolique.
391Plaisance est aussi un centre de commandement pour la Résistance508, en tout premier lieu et assez normalement communiste, mais pas seulement. Centre de commandement en tant qu’espace d’abord. Ainsi, « un soir de printemps 1944, arrivant en rasant les murs dans une petite chambre d’un rez-de-chaussée du quartier de Plaisance509 », se réunissent les membres du futur Comité de Libération du XIVe arrondissement. Puis c’est à l’usine Ernault-Batignolles que s’installe du 12 au 20 août le PC du Comité local de Libération de l’arrondissement510. Enfin, c’est au 32 rue Olivier Noyer que se réunit l’État-major des FFI de l’arrondissement511. Le quartier est aussi le lieu de réunion des policiers résistants qui préparent la prise de la préfecture de police en août 1944512.
392Si donc Plaisance est le centre stratégique des FFI et du CLL du XIVe arrondissement, le quartier accueille aussi des résistants communistes plus discrets, qui y trouvent un refuge pour organiser leur action. Trois cas méritent d’être évoqués. C’est dans le calme de l’hôpital Broussais que Gaston Deslandes, un dirigeant communiste, organisait ses rendez-vous513. C’est rue Plaisance (au numéro 11) que Manouchian, le chef des groupes MOI des FTP, et sa femme avaient leur planque en 1943514. C’est dans l’atelier de maroquinerie de Robert Francotte que Jean Jérôme, un des principaux organisateurs de la clandestinité du PCF, venait travailler ses dossiers certains après-midi (il fut arrêté dans le voisinage)515. Le café de Joseph Lacan, 37 rue Raymond Losserand, servait aussi de lieu tranquille pour Bayet, qui venait, y corriger les épreuves de Franc Tireur516. On voit bien que le Plaisance forteresse communiste est devenu aussi pendant la guerre une forteresse, plus discrète..., de la Résistance, qu’elle soit ou non communiste.
393Enfin, Plaisance apparaît comme un centre de commandement de la Résistance par ses hommes. Et cette fois-ci au plan parisien, voire national. Ainsi le premier triangle de commandement des FTP de la région parisienne entre août 1941 et mai 1942 comprenait Raymond Losserand, Roi-Tanguy et Gaston Carré. Les deux premiers étaient de Plaisance (le troisième d’Aubervilliers). Deux des trois responsables de l’organisation résistante militaire liée au PCF sont ainsi de notre quartier. Ce n’est pas un hasard. Que Roi-Tanguy devienne en juin 1944 colonel-chef de la région P1 (Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise) des FFI (qui regroupent l’ensemble des courants de la Résistance) ne surprend pas non plus. C’est la pointe avancée d’un phénomène qui a, certes, une dimension personnelle mais qui traduit une réalité déjà ancienne. Et c’est ainsi un Plaisancien qui commandera l’insurrection parisienne et recevra, avec Leclerc, la capitulation de von Choltitz !
394Mais il faudrait aussi évoquer ici la grande figure de Jean Moulin. On sait que le jeune préfet avait son pied-à-terre à Paris, au 26 rue des Plantes, où il résidait très souvent. Certes sa résistance fut d’abord lyonnaise et méridionale. Mais c’est ici le Jean Moulin proche des artistes (on sait qu’il avait un joli coup de crayon) et qui avait le goût des plaisirs du Montparnasse voisin qu’il faut évoquer dans ce choix résidentiel.
In Memoriam
Liste malheureusement incomplète des résistants morts pour la France
Habitant ou travaillant à Plaisance517
Alviger Roger/Amable/Aubouet/Angibeau/Auriac Félix/Bancic Olga/Baron Louis/ Basserie/Battut Jean/Bernard/Bernard Constant/Bertrand Georges/Blache Robert/ Bonhomme Gustave/Bougard/ Brélivet Louis/Bruneau Augusta/Chennevière Edmond ou Edouard/Cavagna/Cornet Jules/Couesnon/Daniel Joseph/Dedreuil/ Delaunay/Deslandes René/Désusclades Clément/Didio Pierre/Dorange Henri/ Dubouis Edmond/Dubreuil/Duchamps/Dyskin/Evezard Paul/Faucher André/Feldman Armand/Fontaine Albert/Fougeron/For Henri/Gaget Lucien/Gardelle André/ Garreau Jean/Gautey Henri/Gérard/Giraud ou Grimaud Jeanne/Gorègues/Gourdin Raymond/Guisco/Guyot Henri/Haudecœur Gabriel/Herkel Albert/Hirel René/ Hirsch/Holzmann/Kalifat/Kauchelevitz/Lannemajou/Larue/Le Bail René/Le Gall Noël/Lecluze Roger/Legros Lucien/Lejope/Leray Lesturgie/Lhuillier Alphonse/ Lock/Losserand Raymond/Macé/Manouchian/Marin/Martin/Mauclerc/Meunier/ Moulin Jean/Nicolaï/Ouf Jean/Outemin/Pattrucco Richard/Pellier/Perrier/Ponty/ Pozzi/Qatrevaux/Rémi Rémy/Ripoche Maurice/Roitbourg Nathan/Roque/Roques Joseph/Rouzières Paul/Royer René/Tardif Raymond/Taylor Maurice/Tellier/Tournois Jean/Valix Mme/Vieubant Marcel/Vincent Henri/Voisin
395À côté des grands noms et des grands gestes, il y a place pour une Résistance plus modeste, diversifiée. Nous décomptons, chiffre a minima, 70 résistants plaisanciens morts pour la France, tués au combat, fusillés, déportés518. Nous observons une multitude de formes de résistance, du refus du STO ou du travail en Allemagne519 aux actions de solidarité comme l’arbre de Noël du Secours populaire pour les enfants des emprisonnés en 1941520. Il y a ceux qui impriment521, qui stockent des tracts522. Cécile Tanguy installe 10 rue de l’Ouest une machine à écrire et une Roneo en 1941523. Il y a aussi une imprimerie clandestine dans la charcuterie de la rue Vercingétorix524.
396Certains servent de cache ou de planque comme Robert Francotte dont le tranquille atelier de maroquinerie abrite les activités de dirigeants de la Résistance communiste ou comme le café de Jacques Lacan, qui abrite des dirigeants de Franc-Tireur. On loge et restaure aussi des passagers clandestins dans le restaurant breton de Noël Le Gall, rue Vandamme. Dans le HBM du 156 rue de Vanves, un oncle résistant de M. Régnier est caché. Mlle Valot cache des enfants juifs de l’UGJF dans le dispensaire de la rue Jacquier... Parfois, on a seulement l’écho de la présence de résistants comme au 69 rue de Vanves, avec Eugène dont nous ne connaissons pas l’action concrète. Cas extrême que celui du docteur de Martel, le directeur de la clinique de la rue Vercingétorix, qui se suicide en apprenant l’arrivée des Allemands à Paris525.
397Des entreprises publiques paraissent avoir joué un rôle particulièrement notable comme les PTT du boulevard Brune526, comme les pompes funèbres de l’avenue du Maine527, comme les hôpitaux Broussais ou Léopold Bellan528, comme certaines écoles529. À Broussais, une tradition résistante se serait même installée dans le personnel : « Broussais a déjà caché des résistants et des juifs sous l’occupation. On a participé à la Libération de Paris. Il y avait une trappe dans l’ancien local de la CGT530. »
398Ces actions très diverses d’une résistance modeste mais dangereuse paraissent avoir été nombreuses à Plaisance comme y fut forte la participation à l’insurrection en août 1944. Le plan des barricades de l’arrondissement établi par Robert Francotte montre que Plaisance se transforma en un quartier couvert de barricades, quasi inexpugnables531. Un témoin raconte sa tentative de traverser le quartier le 23 août 1944 :
Tant pis nous passons par des rues secondaires toutes barrées par des murailles de sacs à terre aux extrémités, dépassées et hérissées d’obstacles ; bref toute la partie du XIVe arrondissement entre l’avenue de Châtillon et la rue Vercingétorix est transformée en bastion compartimenté et défendu par des hommes à l’air pas très commode532.
399Embusqués un peu partout, les tireurs attaquent les automitrailleuses allemandes qui remontent l’avenue du Maine. Les FFI s’emparent aussi du dernier bastion militaire du boulevard Brune533. Dès le 19 août, Mme Hornois note que « les drapeaux aux fenêtres poussent comme des champignons534 ».
400Et quand, le 25 août, les troupes françaises remontent vers la gare Montparnasse par l’avenue d’Orléans et l’avenue du Maine, c’est la liesse dans le quartier, qui s’était pratiquement libéré avant. Une infirmière de Broussais témoigne de cette « merveilleuse journée » où tous, soignants et malades, sortent de l’hôpital pour saluer les chars de Leclerc boulevard Brune535. Et, note Robert Francotte, « dans l’après-midi, de toutes les voies de Plaisance, la foule descend vers Montparnasse, place de Rennes536 ». Certes Plaisance est trop marginal, trop loin des grandes voies centrales, des grandes places comme Denfert-Rochereau (où Rol a établi son PC dans les catacombes) ou Montparnasse (où a lieu la capitulation) pour être immédiatement visible à l’histoire des combats de la Libération. Mais le peuple de Plaisance y est pleinement présent.
401Doit-on nuancer cette vision d’un Plaisance résistant ? Massivement résistant ? Les sources évoquent peu la collaboration. Il y a visiblement encore une gêne dans l’historiographie locale à évoquer la collaboration locale. Sur cette question le silence est total dans La Revue de la Société historique du XIVe. Nous observons cependant un point notable pour Plaisance. Lorsque Vichy voulut remplacer les deux conseillers municipaux communistes de Plaisance (Raymond Losserand et Léon Mauvais), tous deux déchus, au conseil municipal de Paris, les pouvoirs publics vichystes nommèrent en 1941 Gaston Aubal et Paul Nart. Le premier était un instituteur, vice-président de la section du XIVe des officiers de réserve, le second était un ancien syndicaliste de la CGT entre les deux guerres. Or aucun des deux n’habitait Plaisance537 comme s’il n’y avait pas eu dans le quartier un réservoir satisfaisant pour fournir un conseiller nommé par Vichy. Il y eut cependant quelques cas d’antisémitisme. L’atelier du peintre Laurens fut maculé car le peintre était d’origine juive538. Un policier dénonça Mme Glozmann, dont le fils était résistant, pour outrages. Triste affaire de voisinage, impasse Florimont539. Mais le jeune couple Boulois refuse de s’installer dans le logement de Juifs emmenés en Allemagne540. Et il y eut des Justes à Plaisance, comme Geneviève et Pierre Berthoumeyrou, qui recueillirent deux enfants dont les parents étaient déportés à Auschwitz541, ou le pasteur Henri Vincent de l’église évangélique de l’avenue du Maine542.
402À Plaisance, comme ailleurs, la population juive, assez peu nombreuse dans le quartier, fut gravement touchée par la politique génocidaire des nazis. Au mur de l’école du 46 rue Hippolyte-Maindron, une plaque rappelle le sort tragique des enfants déportés (le nom de quatre élèves figurent dans l’établissement). On doit citer les cas les plus graves, comme cette famille du 10 boulevard Brune de 9 personnes (dont 7 enfants, la plus jeune a 11 mois en 1943), les Benichou, partie de Drancy le 11 juillet 1943. Tous furent gazés dès leur arrivée à Auschwitz. Au 6 rue Maurice-Bouchor, la famille Patentieger (7 enfants aussi) fut déportée le 31 mars 1943 à Majdanek où tous furent exterminés. N’oublions pas aussi ce bébé de trois mois, au 8 avenue de la porte Didot, parti avec ses deux frères aînés dans le convoi numéro 59 du 2 septembre 1943 à destination d’Auschwitz, et gazé avec eux543.
403D’autres ambiguïtés furent peut-être tout aussi importantes. Ainsi du sort des prisonniers de guerre. Revenus de captivité, ces hommes pouvaient paraître des vaincus ou des privilégiés au regard du sort des résistants et des déportés. Certaines blessures apparaissent dans la mémoire, que l’on perçoit bien chez Henri Calet. Il manifeste un évident relativisme vis-à-vis du combat résistant. Le changement de nom de la rue de Vanves en rue Raymond Losserand suscite chez lui ce commentaire acide : « Une des conséquences de la guerre a été le changement de l’appellation de nombreuses rues - un héros chasse l’autre544. »
404Plaisance fait bien figure d’une forteresse résistante qui s’inscrit dans la suite de la construction d’une forteresse communiste dans l’entre-deux-guerres, mais aussi dans la configuration d’un faubourg où peuple et patrie se sont conjugués depuis la Commune. Est-ce un hasard si Georges Duhamel voit en 1942 à Plaisance :
un lavoir à drapeau de zinc, humble drapeau bleu, blanc, rouge, dont le spectacle serre le cœur : le seul drapeau de ces couleurs déployé dans tout Paris545.
405Le Plaisance politique traverse les tensions graves de 1914 à 1945 en y trouvant ainsi une nouvelle légitimité. Il devient un quartier où une grande partie des habitants trouve dans le communisme l’expression politique de l’articulation du peuple de Paris et de ses aspirations sociales et nationales. Certains points faibles pour l’identité politique du quartier apparaissent toutefois. Beaucoup de regroupements identitaires passent par l’arrondissement plutôt que par le quartier. Les organisations, des coopérateurs aux partis, des associations d’anciens combattants aux journaux politiques, choisissent de moins en moins le quartier comme territoire, quartier pensé trop petit pour être efficace dans un temps de rationalisation et trop particulariste pour être universel du point de vue de la démocratie.
406Après la Seconde Guerre mondiale, ces évolutions s’accentuent avec la généralisation des élections à la proportionnelle par la IV République. Plaisance se glisse, tant pour les municipales que pour les législatives, dans un vaste conglomérat comportant plusieurs arrondissements. Il est fini le temps des conseillers municipaux qui, de Édouard Jacques à Raymond Losserand, fixaient aussi l’identité locale. Ô combien, nous l’avons vu !
407Si Plaisance ne perd pas de cet équilibre symbolique politico-social du faubourg populaire de la capitale qui caractérise toute cette période qui va de 1914 à 1958, après 1945, Plaisance perd de la lisibilité de cet équilibre au profit, notamment du point de vue du PCF, de la banlieue rouge. Par ailleurs, au temps de la guerre d’Algérie – mais est-ce un effet du manque de sources ? –, Plaisance paraît moins visible. Même si des incidents sont signalés, comme cette agression au 69 rue Raymond Losserand contre M. Michelaere, militant communiste notoire de la rue546.
408Il reste toutefois un dernier point à examiner pour conclure sur cette question d’un quartier stabilisé, celui de l’arrivée nombreuse des artistes à Plaisance.
Plaisance, un rêve parnassien ?
409Nous avons écrit parnassien, pour le plaisir du mot, mais nous entendons plutôt monparnassien !
410Plaisance était de longue date un quartier d’artistes plasticiens. Nous avons vu ces artistes plutôt marginaux jouer le rôle de porte-drapeaux pendant la Commune, nous avons vu qu’ensuite l’on goûtait fort leur pittoresque au temps de Baffier, même s’ils abandonnent largement la vie politique. Le quartier restait un refuge pour artistes marginaux, comme Gauguin, ou incertains, comme Cézanne (alors qu’on n’y voyait pas les grands noms de l’impressionnisme). À la veille de la Grande Guerre, Apollinaire fit du Douanier Rousseau le peintre exemplaire, attirant l’œil des avant-gardes sur Montparnasse et Plaisance.
411À compter donc de 1910, commence ainsi le règne de Montparnasse sur lequel des dizaines de livres ont été écrits, qui généralement annexent (ou ignorent) Plaisance sans nuances. Ce règne, la plupart des auteurs convergent pour dire qu’il s’affaisse avec la crise dès les années 1930 pour s’achever progressivement dans les lendemains de la Seconde Guerre mondiale. Dès 1934, Nesto Jacometti constate que les artistes s’en vont et que ce sont « les anciens Montparnos de Montrouge, de la porte de Vanves ou d’une plus lointaine banlieue qu’on rencontre parfois chez le marchand de couleurs547 ».
412De notre observatoire plaisancien, nous retrouvons bien cette chronologie avec un fort décalage. La grande époque artistique plaisancienne est un peu plus tardive et court jusqu’en 1960, au point que certains observateurs le constatent se demandant vers 1950 si Plaisance n’est pas le nouveau Montparnasse. En 1937, Jacques Audiberti situe la zone insalubre de Plaisance, en une image étrange mais significative, « entre la voie de chemin de fer de l’État et la peinture moderne548 ».
413Toujours est-il que, tant quantitativement que qualitativement, Plaisance compte, ô combien ! Citons, parmi les plus connus, qui ont habité ou eu leur atelier un temps à Plaisance :
Roy Adzak/Jean Bazaine/Francisco Borès/Gaston Boucart/Constantin Bran-cusi/Victor Brauner/Camille Bryen/Alexandre Calder/Jean Carzou/César/Beau-ford Delaney/Léon Drivier/Dufrêne/Max Ernst/Maurice Estève/Jean Even/|ean Fautrier/Albert Féraud/Foujita/Giacometti/Julio Gonzalez/Kertesz/Marcel Gro-maire/Hains/Alexandre Istrati/Jean Hélion/Kokoschka/Michel Kikoïne/Henri Laurens/Fernand Léger/Lehmbruck/Claude Lhoste/Lipschitz/Alfred Manessier/ Jules Pascin/Gaston Petit/Picasso/Edouard Pignon/Robert Pikelny/Gilbert Privât/ Hans Reichel/Rivera/Niki de Saint-Phalle/Sanyu/Soutine/Survage/Szenes^Tanaka/ Yves Tanguy/Varese/Maria Vieira da Silva/Villeglé/A. Volti/Zao Wou Ki/Zingg.
414Impressionnant, et même si Dali, Klein, Lurçat, Matisse, Miro, Modigliani, Picabia, Utrillo... n’ont jamais ni résidé, ni peint à Plaisance549, ils y sont souvent venus voir leurs amis ou collègues.
415En 1936, le recensement nous donne 350 à 400 plasticiens dans le quartier. Avec le turn over, on peut penser que quelques milliers d’artistes sont passés à Plaisance, certains quelques mois, d’autres, comme Giacometti, pour la quasi-totalité de leur vie artistique.
416André Salmon, l’observateur privilégié de Montparnasse, est celui qui a le mieux noté ce mouvement vers Plaisance :
Il y eut, avant la dernière guerre, une tentative de conquête des alentours mont-parnassiens par les moins pourvus de la famille artistique. Un certain esprit populiste aidant, et quand il demeurait permis d’emménager comme à son gré, on vit quelque peu prospérer des ateliers au-delà du centre. Ce fut dans le quartier Croulebarbe. Mais l’École dite de la « Croul » a vécu. À présent, des jeunes occupés de tourments analogues réussissent de rendre leurs couleurs aux lieux qu’illustrèrent Henri Rousseau dit le Douanier et Paul Gauguin, le taciturne enragé, de la rue Perrel à la rue Vercingétorix.
Rue Perceval, Volti, élève de Jean Boucher converti à la taille directe, tape bellement dans la pierre, comme s’il n’avait jamais été Prix de Rome. D’autres marteaux lui répondent. La chanson d’un modèle ou d’une petite amie s’élève d’un autre atelier550.
417Du point de vue de l’irruption des peintres à Plaisance551, André Salmon a assurément raison, même s’ils n’en avaient jamais été absents avant 1930. Alexandre Arnoux évoque aussi en 1958 « les habitants relativement récents [...] le flot envahissant, cosmopolite. J’entends par là les Peintres (...) clan uniforme et bariolé » venu de Montparnasse et ne s’intégrant pas complètement au quartier selon lui552.
418L’espace des peintres peut nous fournir un premier indice d’une éventuelle intégration au quartier. Nous disposons de plusieurs sources (liste établie par la Société historique, liste nominative du recensement...) qui permettent d’établir les principales concentrations d’artistes plasticiens. La rue Vercingétorix553 était la principale avec le 3 (la cité Chenue), tout près de l’avenue du Maine, le 6 (là où vécut Gauguin avant la Grande Guerre), le 50-52 (petite impasse aboutissant sur le chemin de fer). Puis vient la rue du Moulin-de-Beurre (en particulier le 10-12 et le 18). Ensuite la villa Brune avec, en particulier, les numéros 3 et 7, la rue Bardinet (numéros 4 et 16 bis – la villa Leone). De grosses implantations sont plus ponctuelles comme le 26 de la rue des Plantes, véritable immeuble d’artistes créé dans l’entre-deux-guerres, ou le 46 rue Hippolyte-Maindron554...
419Le recensement de 1936 nous montre ainsi cinq foyers d’artistes (sur sept) au 15 rue Bourgeois (Eric Norsélins, un peintre suédois, Jacques Chafanel, Jean Guérin, Édouard Maroulle et Albert Bazeilles) et cinq foyers d’artistes (sur cinq) au 6 rue Asseline, dont celui d’un Cubain, Miguel Loto !
420Ces concentrations d’artistes ne doivent pas faire oublier qu’une grande partie des peintres et sculpteurs vivent et/ou créent un peu partout, du 2 bis rue Perrel à la zone où le jeune Bazaine a installé son atelier entre les deux guerres. Par ailleurs nous devons noter de fortes disparités de « standing » entre ces différents lieux. Il y a des rues d’artistes assez cossus comme la villa Brune ou la rue des Plantes, des lieux d’artistes où le confort est modeste mais où la sociabilité entre artistes est vive, rue Vercingétorix en particulier. Le 46 rue Hippolyte-Maindron où vit et travaille Giacometti est particulièrement misérable. Sa chambre comprend un mobilier restreint, un évier avec l’eau courante froide, un réchaud à gaz, un poêle à bois pour se chauffer. Ni salle de bains, ni toilettes555 !
421D’autres regroupements peuvent être opérés. Ainsi le 18 rue Sauvageot accueille les artistes roumains et Constantin Brancusi, en 1927, y conçoit un projet d’atelier et d’habitation au cinquième étage556. Mais on chercherait toutefois vainement à systématiser des regroupements d’originaires. Artistes italiens, américains, russes, espagnols, chinois... se dispersent dans le paysage plaisancien. On trouve même un peintre logé dans l’immense HBM du 10 boulevard Brune, en 1936, Pierre Jarnach.
422Plus pertinents sont les itinéraires. Grossièrement on peut distinguer des artistes jeunes (Bazaine, Borès, Calder, César, Estève, Niki de Saint-Phalle...), qui sont venus un temps à Plaisance parce que les coûts de location des ateliers ou des logements étaient très faibles (bien inférieurs à ceux de Montparnasse où la rue de la Grande-Chaumière, par exemple, devient entre les deux guerres une rue très chère) et parce qu’ils y retrouvaient le voisinage de confrères et d’aînés admirés. Ainsi César vient s’installer au 46 rue Hippolyte-Maindron aux côtés de Giacometti. Les circonstances de la vie ou une certaine réussite les amènent à quitter le quartier pour parfois y revenir. D’autres, au contraire, lui restent fidèles pour une grande partie de leur vie et de leur carrière. C’est le cas, bien sûr, de Giacometti, qui y vécut 40 ans, mais aussi de Victor Brauner, Divrier, J. Even, Laurens, Pignon, Tanguy, Volti, Zao Wou Ki, Sanyo... Enfin d’autres y sont passés dans un itinéraire tourmenté (Max Ernst, Soutine, Gromaire...). Sans doute pourrait-on trouver des processus voisins pour les centaines d’artistes in(mé)connus qui ont vécu et créé à Plaisance.
423Il y a enfin les « écoles ». Chacun sait que si les artistes sont individualistes, en général, ils ne répugnent pas à tel ou tel moment de leur cheminement à se regrouper dans un manifeste, une démarche... On trouvera ainsi facilement trace à Plaisance de la présence nombreuse des surréalistes, mouvement sans doute plus intellectuel qu’artistique sur lequel nous reviendrons plus loin, mais qui compte à Plaisance avec Yves Tanguy, Max Ernst ou Victor Brauner. Et que Victor Brauner se retrouve après 1945 au 2 bis rue Perrel, dans l’atelier même du Douanier Rousseau, qui avait tant attiré les pionniers du surréalisme quarante ans avant, témoigne de rencontres beaucoup moins hasardeuses qu’on pourrait le croire. Sur le conseil d’André Breton, Brauner en a tiré un tableau, La rencontre du 2 bis rue Perrel (1949). De Rousseau à Brauner, c’est l’art magique, sauvage qui se construit à Plaisance. C’est aussi dans ses ateliers de la rue Perceval et de la rue Vercingétorix que Camille Bryen invente l’art de la dérive urbaine devant la misère et la dégradation du quartier qui s’accentuera avec la rénovation-destruction557.
424On peut aussi noter la présence importante des Plaisanciens parmi les artistes de ce que les historiens de l’art ont appelé la Nouvelle École de Paris. La participation de Borès, Bazaine, Pignon, Estève à l’exposition des « Jeunes peintres de tradition française » en 1941, exposition qui avait une petite et complexe allure résistante, signe bien que le quartier articule art d’avant-garde (nombre de ces peintres sont des abstraits) et une tradition parisienne dont les points sensibles seraient l’harmonie des couleurs, voire l’équilibre des formes. De très nombreux artistes du quartier sont alors dans la mouvance de « l’abstraction lyrique558 » : Bazaine, Bryen, Estève, Fautrier, Istrati, Manessier, Reichel, Vieira da Silva, Zao Wou Ki... Plus tardivement, à la fin des années 1950, un très grand nombre des artistes du « nouveau réalisme » se retrouvent un très court temps à Plaisance : César, Niki de Saint-Phalle, Villeglé, Hains...
425On n’aura garde d’oublier la présence d’artistes figuratifs nombreux, ou de sculpteurs plus ou moins académiques se situant dans la mouvance des statuaires classiques, comme G. Privat, qui réalise les monuments aux morts de la mairie de l’arrondissement.
426Ces artistes animent-ils le quartier ? Il y a bien sûr des épisodes ou des ligures pittoresques encore, comme Henri Héraut dont on visite l’atelier, rue du Moulin-de-Beurre, avec ses centaines de poupées et son « tombeau de la poupée inconnue559 ». Il y a ce jeune modèle qui se suicide au gaz, rue Boyer-Barret560. Certains glissent des croquis dans la presse locale. Ceci ne me semble pas suffisant pour une transformation profonde du quartier même si la « bachelette » plaisancienne, l’ornementation des comptoirs, le peintre « rénovateur » de Plaisance, « la chanson d’un modèle ou d’une petite amie » contribuent à ce sentiment d’un Plaisance plus gai, moins tourmenté, plus coloré qu’avant 1914. Cependant Plaisance ne devient ni Montparnasse, qui conserve les grands lieux de plaisirs, les grands cafés et les galeries, ni Montmartre, qui conserve en tout temps le pittoresque et les attraits de la Butte. Et Plaisance reste toujours un quartier qui attire ceux des peintres et des artistes qui cherchent la discrétion ou une marginalité.
427Ce goût, évident chez un Giacometti, se retrouve chez une autre figure artistique significative de Plaisance, Georges Brassens. Le jeune Sétois fut tôt accoutumé, dans les années 1930, à venir passer ses vacances d’été chez sa tante, qui habitait 173 rue d’Alésia. En 1940, le jeune homme fait le grand saut et s’installe à Paris chez sa tante. Il fait la connaissance de Jeanne, la « cane » qui habite au fond de l’impasse Florimont dans une maison sans confort, « sans électricité, sans eau courante, sans tout à l’égout561 ». C’est là qu’il vivra finalement – améliorant progressivement le confort – jusqu’en 1966. Le jeune homme, au début sans le sou, bénéficie de l’aide du bougnat au coin de la rue Bardinet et de la rue d’Alésia (Ce sera « l’Auvergnat » de la chanson), fréquente assidûment la bibliothèque du 132 rue d’Alésia et les bistrots environnants562.
428C’est dire que Plaisance a une place considérable dans la vie de Georges Brassens, qui l’a souvent évoqué dans ses textes (L’Auvergnat, Montparnasse, Entre la rue Didot et la rue de Vanves...). Il en trace l’image d’un quartier populaire et solidaire, accueillant pour le jeune provincial désargenté et où il faisait bon vivre caché malgré la pauvreté.
429D’autres musiciens, plus classiques, ont habité Plaisance, comme le maître de chapelle Maurice Tremblay563, le compositeur Bohuslav Martinu564 ou le plus connu Luigi Russolo, qui inventa la musique « concrète » sous l’influence du futurisme, avec son Rumorharmonium, une sorte de caisse en bois avec une mécanique complexe565.
Plaisance surréaliste
430En 1924, Marcel Duhamel566, qui était le « riche » du groupe, achète au 54 rue du Château une ancienne boutique de peaux de lapin qui allait devenir un des lieux principaux d’une des grandes aventures intellectuelles, artistiques et politiques du xxe siècle, le surréalisme. Le logement, misérable – on s’était bien gardé d’effacer sur la façade les traces d’une ancienne inscription « Chiffons567 » –, allait devenir le siège d’un « phalanstère » où résideront les plus grands noms du mouvement à l’exception d’André Breton, fidèle à la rive droite. Avec Marcel Duhamel s’installent Yves Tanguy, Jacques Prévert, puis Benjamin Péret, le poète. Queneau, Leiris et bien d’autres y firent de courts séjours. En 1928, Marcel Duhamel vend le bien à Georges Sadoul, l’historien du cinéma, et André Thirion, le surréaliste communiste. Y vinrent vivre alors Aragon et Elsa Triolet (quelques mois seulement), le peintre Taslitszky, Maiakowsky, Lily Kagan568... La maison était aussi devenue le lieu de réunion du Comité provisoire de l’AAER (Association des artistes et écrivains révolutionnaires).
431On ne saurait reprendre ici l’histoire du surréalisme, mais le choix de Plaisance ne tient pas au hasard. Ces jeunes et brillants intellectuels et artistes « contestataires » avaient suivi la mode montparnassienne lancée par Apollinaire, mais ils se voulaient révolutionnaires, communistes – dans un sens large –, proches du peuple, et dénonçaient les écrivains et artistes académiques qui vivaient, selon eux, à Montparnasse. À Plaisance, ils trouvaient tous ces ingrédients réunis et pouvaient aussi aisément aller faire de vifs chahuts aux manifestations artistiques ou intellectuelles « bourgeoises » des cafés de Montparnasse ou de La Closerie des Lilas.
432Rue du Château, ils pouvaient aussi se livrer à leurs jeux, un peu dadaïstes, littéraires et poétiques et ne dédaignaient pas de fréquenter les voyous du café d’en face où se cachait un truand notoire de l’époque. En 1928, l’arrivée de Sadoul et Thirion signifia surtout une politisation du mouvement. On sait qu’à compter de 1930, le groupe découvre les plaisirs du sectarisme et de l’exclusion auxquels Breton se prêtait volontiers comme le pape du mouvement. Le groupe se réunissait aussi au Bar du Château, en face au 53 de la rue.
433Dans ces années, le surréalisme éclate donc. Les uns comme Aragon ou Eluard s’orientant vers le PCF, d’autres comme Prévert ou Léo Malet (après une étape trotskyste) vers un humanisme sceptique et une écriture populaire, d’autres comme Thirion vers le trotskisme, d’autres se repliant sur l’art ou la poésie...
434Mais le quartier continue d’accueillir certains anciens surréalistes. Prévert, après la rue du Château (1924-1928), vit un temps chez Giacometti, puis de 1932 à 1935 villa Duthy. En 1933, Léo Malet, qui est alors crieur de journaux, vient habiter avec lui, avant de s’installer de 1934 à 1939 au 224 rue de Vanves. Tous deux trouvèrent dans le quartier une source importante d’inspiration à leur veine populaire. Ainsi Plaisance a bien été entre les deux guerres un terrain privilégié du surréalisme, se situant une nouvelle fois au carrefour du peuple et des expériences d’avant-garde, un temps dissidentes.
435Naturellement Plaisance vit aussi passer des écrivains ou essayistes étrangers, mais beaucoup moins que les artistes. Miller, dans l’introduction à son Tropique du capricorne, rappelle les souvenirs de son séjour à Paris en 1930 :
J’allais voir un hôtel de la rue du Château juste au coin de la rue de Vanves, un lieu que Eugène m’avait recommandé. C’était à quelques centaines de mètres de Montparnasse. Un quartier familier.
436Miller ira même habiter quelques nuits dans le cinéma de la rue de Vanves ! Walter Benjamin, le célèbre écrivain des passages de Paris et fin analyste de la ville, vécut quelque temps au 23 rue Bénard569.
437Plaisance abrite aussi des écrivains modestes, pauvres, parfois en bout de course. C’est, pour ce dernier type, le cas du merveilleux poète Roger Gilbert-Lecomte, réfugié pendant la Seconde Guerre mondiale chez Mme Firmat, qui tenait un café rue Bardinet :
Alors que la plupart des écrivains sont passés derrière la ligne de démarcation, Roger Gilbert Lecomte, lui, n’a pas quitté Paris. La came le cloue ici. Ce café est son ultime refuge. C’est là qu’il vit. Ou survit... Depuis quelque temps déjà, Mme Firmat l’héberge, le nourrit, lave son linge, achète son laudanum. Au plus profond de la misère et du dénuement, les poètes trouvent toujours un ange gardien pour les recueillir570.
438Roger, devenu une sorte de prince des pauvres, meurt, dévoré par la drogue, en décembre 1943, à l’hôpital Broussais.
439Le destin d’Henri Calet est moins tragique, mais c’est dans une soupente sommairement aménagée au huitième étage571 du 26 rue de la Sablière qu’il s’installe de retour de sa captivité en 1945 et qu’il vivra jusqu’à sa mort. L’installation à Plaisance de cet écrivain modeste qui avait vécu une vie aventurière nous vaut de belles pages sensibles sur le quartier.
440Les écrivains à succès de l’époque sont eux rares572 à Plaisance ; certains aiment à s’y plonger comme Georges Duhamel, qui y fait un long pèlerinage pendant la Seconde Guerre mondiale, Rosny aîné, Sartre ou Aragon. Nous trouvons toutefois quelques rares noms comme Léon-Paul Fargue, qui vécut de 1935 à 1940 rue Hippolyte-Maindron avant de s’installer boulevard Montparnasse. Certains sont demeurés inconnus ou presque573, comme André Lamandé (une plaque au 147 avenue du Maine) ou Gabriel Audisio, qui aurait vécu rue Didot574. Il y a aussi les poètes locaux comme le commissaire de police Raynaud, vice-président de la société des poètes, Raymond Benoît, « poète modeste », membre de la Société historique à sa fondation en 1954, France Lambert, qui écrit en 1927 une très jolie poésie, « Les demeures abandonnées575 » ou Mme de Billy, 6 rue Julie576. D’autres sont plus inconnus encore.
441Nous retrouvons ainsi dans le Plaisance littéraire ces traits du quartier refuge ou marginal, mais aussi du quartier de certaines avant-gardes. La présence à la fin des années 1940 de la toute naissante maison des Éditions du Fleuve Noir au 52 rue Vercingétorix, dans une « maisonnette à toit de tuiles » avec « quelques pièces exiguës577 », va dans le même sens.
442On conçoit que le quartier ait eu beaucoup aussi pour attirer les photographes. Ils l’ont souvent photographié à l’époque de la photographie humaniste (Bovis, Doisneau...). Le pittoresque populaire n’avait pas non plus échappé à Georges Duhamel, qui demande en 1931 à Jean Roubier de photographier des enfants jouant sur le trottoir rue Vandamme578. Certains l’ont habité comme le célèbre photographe d’origine hongroise Kertesz, qui a vécu au 5 de la rue de Vanves entre 1926 et 1928. Habitant ensuite à Montparnasse, Kertesz a continué à photographier abondamment Plaisance (son domicile, la rue de Vanves, la porte de Vanves, la rue du Château...). À 23 ans, en 1951, la jeune photographe Agnès Varda, à la recherche d’un atelier-logement à Montparnasse, choisit de s’installer rue Daguerre dans la partie occidentale de la rue, la plus populaire, la plus proche de l’avenue du Maine qui est en partie rattachée à Plaisance. La description de son logement et de sa vie est bien celle de nombre des artistes que nous avons évoqués : « Le tout dans un état de demi-taudis, avec pour seul sanitaire un cabinet à la turque dans la cour. L’espace m’a plu (il y a deux parties séparées) et j’ai imaginé de vivre là579... »
443Quelques comédiens, comédiennes pourraient s’ajouter à ce panorama. De jeunes artistes ont vécu au début de leur carrière à Plaisance : Maria Casarès et Dominique Marcas cohabitaient rue Asseline dans les années 1950580.
Fragiles apaisements
L’entre-deux des rapports sexués
444Nous avons vu que la famille populaire s’était renforcée, que le modèle dominant était largement le couple marié, avec ou sans enfant, et que, dans ce dernier cas, la femme au foyer l’emportait aussi largement. Les guerres, les crises, les politiques natalistes ont accentué ce phénomène. Ainsi, en 1938, le rapport d’activité de la crèche de Plaisance-Montparnasse constate que « la crise, qui continue, ainsi que le chômage qui en est la conséquence, ont fait que l’année 1938 est celle où il y a eu le moins de présence à la crèche, les femmes restant dans leur foyer et y gardant les enfants581 ». Même si des difficultés apparaissent avec les célibataires, souvent masculins, souvent migrants, souvent les plus pauvres, ou avec les femmes séparées ou divorcées, souvent en charge d’enfants et vivant dans des conditions plus difficiles, peut-on alors parler de moindre tension liée au sexe dans notre quartier, d’apaisement des problèmes liés aux relations entre les sexes ?
445Un élément vient conforter ce sentiment : la disparition quasi-totale dans les mains courantes de 1936 des violences, si fréquentes en 1896, envers les femmes. Nous n’en trouvons qu’un seul cas dans la presse locale avec un employé demeurant rue Mouton-Duvernet qui met femme et enfants à la porte582. Comme si, là aussi, une certaine urbanité des rapports sociaux se manifestait583. Toutefois, cette moindre violence s’accompagne de la multiplication des conflits portés à la connaissance du commissariat dans une visée judiciaire et financière. Ainsi, environ 200 affaires figurent sur les mains courantes en 1936 ; affaires d’adultère, règlements de divorces584, conflits sur le versement des pensions585 et sur la garde des enfants586. Le 24 mars 1936, Ernest F., 35 ans, marié, un enfant, demeurant 21 rue Bénard, employé à la STCRP, est surpris en pleine « activité » avec Juliette D., 36 ans, divorcée, journalière587.
446Mais l’image communément donnée dans la presse locale ou les souvenirs est celle des familles tranquilles, allant se promener le dimanche sur les fortifs588. Fayola-Augereau, le principal échotier et analyste de Plaisance, se prononce systématiquement pour la femme au foyer, dont il fait même une tradition – fausse – du vieux et bon Plaisance589. La question du vote des femmes n’est abordée qu’une seule fois dans Les Échos du XIVe pour s’y opposer590. Guère plus moderne, l’élection de la reine du XIV qui semble susciter une attention particulière à Plaisance. En 1927, seule année pour laquelle nous avons ce résultat, la reine et ses deux dauphines sont de Plaisance591.
447À côté de l’image dominante de la mère, on retrouve des images plus ambiguës. Lorsque M. Audiard évoque ses souvenirs du bal de la rue Pernety, il trouve des mots bien significatifs :
Nos petites danseuses de Pernety ou de Robinson savaient d’instinct que leurs ambitions putassières ne pouvaient excéder un demi-panaché ou un cornet de frites592.
448Certes, l’écrivain est volontiers grossier et source douteuse, mais nous trouvons un autre écho, tout aussi masculin, chez André Salmon, beaucoup plus intellectuel, lui, qui, parlant des cafés de Plaisance, évoque « de fraîches créatures ne dédaignant jamais d’ajouter aux agréments d’une tournée générale celui de leurs grâces immédiatement contrôlables593 ».
449Mais les témoignages ou écrits de femmes contemporains de notre période sont inexistants. Les femmes de Plaisance n’ont pas accès à cette légitimité et, dans les souvenirs plus tardifs, rares sont encore celles qui parlant de leur spécificité de femmes, évoquant plus la famille que la femme. Bien peu nous reste de la vie quotidienne des Plaisanciennes, du « lavoir » au repassage, nettoyage, raccordage594... ou sur leur éducation, comme le pré-apprentissage de Mme Bouloy, rue Sévero, où elle apprend la couture, la mode, la lingerie et la cuisine595.
450Bien rares aussi sont les traces des avortements réprimés si férocement en ces temps natalistes et moralisateurs596. Une jeune couturière Germaine C. (25 ans) décède en novembre 1936 à Broussais. Maîtresse du frère de 17 ans de sa logeuse, elle semble victime d’un avortement mal effectué597. Selon M. Audiard, « Mme T. l’avorteuse de la rue du Moulin-Vert » était fort connue dans le quartier598. Sartre a mis au cœur de son premier roman, La nausée, la recherche d’une avorteuse pour une femme de Plaisance.
451Aussi avons-nous choisi de faire de ces relations entre les sexes à Plaisance, en partie apaisées, en partie renouvelées, un entre-deux. Si une urbanité gagne aussi le quartier de ce point de vue, les tensions restent là, dans et hors du couple.
L’image apaisée du gamin de Plaisance
452Dans cet entre-deux, il faut aussi mettre les enfants et les jeunes de Plaisance. La querelle scolaire est moins vive dans le quartier, le système des écoles est pour l’essentiel achevé et se développent des formations professionnelles nombreuses qui paraissent relativement bien adaptées aux jeunes du quartier alors que la généralisation des cours complémentaires leur donne une ouverture généraliste599. Parmi les principales innovations, citons la création en 1945 de deux classes spéciales et d’une classe complémentaire professionnelle à l’école de garçons de la rue Desprez et la transformation du CAP d’Hispano Suiza, rue des Camélias, en Centre de formation professionnelle et CET dans les années 1940600. L’édition d’une brochure et l’importance accordée à l’inauguration attestent bien l’attention désormais portée à cet enseignement professionnel, à Plaisance comme dans les autres quartiers populaires.
453Les écoles continuent de jouer un important rôle social, par la personnalité de certains de leurs enseignants ; citons Mme Aggeri, institutrice de la rue Maurice-Rouvier, une des pionnières du mouvement Freinet en 1937601. Les œuvres et patronages laïques maintiennent leur activité de soutien scolaire ou d’aide aux enfants en difficulté par les fêtes ou les kermesses traditionnelles602.
454Dans ce climat, une image du gamin de Plaisance se reconstruit, assez proche de celle du gamin de Paris. L’extrême importance des jeux dans la cour des écoles603, et plus encore dans la rue604, est soulignée. Le besoin de jeu des « enfants de Plaisance605 », de terrains de jeux, de grands espaces où ils puissent jouer en liberté est un des arguments les plus avancés pour justifier la construction de squares ou s’opposer à la destruction des fortifs : « Plaisance a besoin de grands espaces libres pour que ses enfants y puissent respirer et s’amuser606. » Les nouvelles grandes constructions collectives sont même dénoncées au motif qu’elles écraseraient « les élans et l’imagination » des gamins607.
455De là à construire une image un peu sainte des relations entre générations il n’y a qu’un pas, qui est franchi par R. Benoît, qui associe dans un même vers « des vieux aux portes sont assis » et « la rue est un paradis pour les écoliers en vacances608 », alors que le comité des fêtes de l’arrondissement demande aux « jeunes gens et jeunes filles » de le rejoindre en 1956. Bien sûr, on ne peut voir dans certains modes de sociabilité des jeunes une quelconque trace d’une opposition générationnelle. Les Jeunesses socialistes ou communistes suivent les traces de leurs parents. Les jeunes du « 156 » rue de Vanves, qui ont « un sifflet de ralliement, un petit air que nous avions composé » et qui, à ce signe, se retrouvent « devant la porte d’entrée du HBM » et vont ensuite au Cinéac, ont des traits d’une vie de groupe plutôt tranquille609.
456Seule trace d’aigreur, mais le cas est très particulier, celle de Marius Boisson, en 1927, qui regrette que les jeunes méprisent la vieille construction du Robinson de Plaisance. Plus grave, sans doute, la persistance, mais sensiblement atténuée comme nous le verrons après, d’une délinquance des jeunes qui ne marque pas autant les esprits qu’avant 1914. Les Échos ne l’évoque que très rarement610. Dans l’après Seconde Guerre mondiale, l’absence d’une presse locale nous empêche de voir si apparaissent des images de blousons noirs plaisanciens.
457S’il y a tension ou crise, elle se concentre autour des nouveaux habitats collectifs des ex-fortifs. D’abord il faut souligner les lenteurs avec lesquelles le nouveau quartier s’équipe en constructions scolaires. Elles sont réclamées longtemps sans succès par les élus611, qui devront se satisfaire de constructions provisoires rue Prévost-Paradol612, puis rue Maurice d’Ocagne, heureusement compensées par un certain pittoresque :
Les enfants des écoles, qui s’entassaient encore [en 1950] dans des baraques en planche, provisoires, passaient et s’arrêtaient pour tenter de voir les artistes au travail [dans les ateliers près de la porte de Châtillon]613.
458C’est très tardivement que des équipements scolaires et sportifs de qualité (le stade Jules Noël est inauguré en 1955) apparaissent dans le quartier périphérique. Et c’est bien dans ces nouveaux habitats, ou autour, que se concentre une délinquance qui n’est certes pas exclusivement le fait de jeunes mais où ceux-ci se retrouvent nombreux.
459Disparate cette évocation de la religion, de la nature, de la politique, des arts, du genre et des générations ? Sans doute, pourtant dans ces domaines fort différents se manifestent les effets, les signes et la construction d’un quartier qui vit maintenant au rythme de la ville et qui ressent pleinement son intégration à Paris. La fin de la croissance urbaine débouche ainsi sur des tensions moins vives entre le religieux et le laïc, entre le centre et la périphérie, entre la nature et la culture alors que l’hégémonie populaire stabilisée s’accompagne d’une hégémonie communiste qui, certes, traduit aussi la force et la gravité des tensions sociales et politiques de cette période difficile, mais lui donne un sens positif, voire glorieux, avec la Résistance, en particulier. La présence des artistes, des écrivains renforce ce sentiment d’un quartier devenu presque glorieux, à la fois populaire et d’avant-garde, à la fois tradition et renouveau. Cependant, après 1945, l’affaissement de la lisibilité politique et organisationnelle du quartier, du fait du changement des structures électorales et administratives et de la disparition de toute presse locale notable, ne joue pas dans le sens d’un maintien de ce Plaisance symbolique.
Les tensions – persistances et nouvelles questions
460Ce Plaisance équilibré des années 1914-1958 n’ignore cependant pas des tensions vives qui affleurent notamment quand la crise sociale s’exacerbe dans les années 1930. Malgré les progrès sociaux, la précarité de la condition populaire pèse toujours sur nombre de Plaisanciens, d’autant que la période n’a pas vu d’amélioration sensible des conditions de logement malgré quelques constructions sociales. Tout ceci indique que les facteurs d’une crise latente ou ouverte restent présents à Plaisance, Jamais la criminalité ou la misère n’en ont été éradiquées.
461Mais de nouveaux problèmes apparaissent. Les premières opérations de rénovation ou les premières destructions sont effectuées au tournant des années 1930 et 1940, prémisses des grandes opérations des années de la Ve République. Ainsi se pose déjà la question des rapports du quartier à son passé car détruire est toujours un acte qui s’inscrit dans le mouvement de la mémoire locale. Or Plaisance n’a pas su ou pu construire en ce temps où le quartier se stabilise une mémoire qui lui soit propre, une appropriation d’une histoire qui remonte maintenant à un siècle.
Misère et violence
462Ce que nous percevons du quartier dans les années 1930, au travers en particulier des mains courantes du commissariat de Plaisance, ne se différencie pas sensiblement de ce que nous avons écrit à propos des années de la Grande Dépression à la fin du xixe siècle. Il a suffi d’une aggravation du chômage et de la précarité pour que nombre des habitants de ce quartier pauvre et populaire frôlent le drame. Tout indique que ce que nous décrivons ici au travers principalement des mains courantes de 1936 se retrouverait encore bien souvent après la Seconde Guerre mondiale. Et, malgré le plein emploi, la précarité reste grande. Ainsi M. Tury, 43 ans, chef de rang, subit de longues périodes de chômage hivernal dans les années 1950 et ne part plus jamais en vacances614.
463Un premier signe de la précarité est les cas de réclamations pour dettes non remboursées comme ce porteur de gare de 27 ans, père de trois enfants615, comme ces chômeurs616, comme cette veuve de 32 ans dont la mère est malade617. Plus dramatique, le cas de ce jeune garçon de 16 ans, détenu pour vol à Fresnes, élevé par sa grand-mère à Persan-Beaumont en grande banlieue, dont le père, un conducteur de camion de 37 ans, remarié, demande « qu’il soit confié à une œuvre mais ne peut rien payer618 ».
464De cette vie à la marge de la misère, certains glissent vite au petit vol, comme ce charcutier au chômage de 19 ans, demeurant dans un meublé de la rue de Plaisance, qui vole par effraction à son hôtelière une médaille estimée à trois ou quatre francs (dix euros...)619. Mais lorsqu’une femme de ménage de 41 ans, Henriette G., est accusée de brutaliser et d’avoir tenté de prostituer sa fille de 16 ans avec des hommes de passage pour 30 francs en lui disant : « Tu vas te laisser faire ou je te tape dessus », il n’y a plus là que le sordide de la misère. Même si la mère réfute les accusations de sa fille, les témoignages concordent sur le « taudis » dans lequel vivent les deux femmes620.
465« Les tristesses dramatiques621 » de Plaisance, « le village misérable622 », le « profond paupérisme... la misère véritablement endémique623 », autant d’expressions qui soulignent cette triste situation, peu évoquée dans le journal local Les Échos du XIVe. Le journal reproduit toutefois un article d’un quotidien, « Dans des taudis, des misérables mènent une vie lamentable », évoquant le sort d’un couple avec un bébé logeant dans une pièce inondée au sixième étage, dormant dans un grabat624. Le cas d’une veuve, venue de Bretagne avec ses quatre plus jeunes enfants habiter dans un meublé de la rue de l’Ouest, atteinte d’une crise de folie et dont deux des enfants sont envoyés aux Enfants assistés625, est mis en avant car il s’agit d’une veuve de guerre. Seule l’insalubrité des logements attire vraiment l’attention du journal, comme nous le verrons.
466Si un bébé mort de privation626 fait figure d’exception, les rats dans les taudis627, les très nombreux cloches ou vagabonds dans les meublés628, près du chemin de fer629, sont le lot quotidien comme la fatigue du peuple travailleur de Plaisance qui conduit Alexandre Arnoux à une vision de la rue moins animée que celle qu’en donne la majorité des témoignages : « quelques passants incolores, vidés de fatigue, qui n’aspirent qu’à la soupe et au sommeil630 ». Fatigue doublée des nombreux accidents du travail631 comme celui de ce maçon, tombé d’un chantier, porte de Vanves, « à l’une des grandes maisons qu’on y construit ».
467De là nous retrouvons encore tous les traits qui accompagnent souvent le quartier misérable, l’alcoolisme, le vol, la folie, la violence, le suicide.
468Le commissariat de Plaisance enregistre en 1936 des centaines de déclarations de vol (du même ordre de grandeur qu’en 1896 sans chercher une comparaison plus fine). Malheureusement, contrairement à 1896, nous sommes très mal renseignés sur les voleurs. Il est possible que les arrestations n’aient pas été indiquées sur les mains courantes (pourtant certaines y sont), que ces arrestations aient été, plus qu’avant 1914, le fait de la PJ ou de la brigade criminelle et non du commissariat ou que les arrestations aient été très rares au grand bénéfice des voleurs ! Nous ne sommes guère en mesure de trancher entre ces hypothèses. Toujours est-il que nous connaissons mieux les vols que leurs auteurs. En tête arrivent les vols par effraction dans les appartements632, les caves633, les habitations collectives634 ou les pavillons. La plus belle réussite de l’année est le vol de 80 000 francs de bijoux dans le coffre de Mme Nathan, 2 rue de Vanves635.
469Les commerçants et artisans sont aussi souvent visés. Parfois, il s’agit d’effraction pendant la nuit comme ces vols de 12 boîtes de conserves de poisson chez le poissonnier de la rue de Vanves636 ou de 100 bouteilles de bons vins (400 francs) chez l’épicière du 171 rue du Château637.
470Fréquents sont également les vols dans les espaces publics comme le vol à la tire. Une ménagère de 58 ans se fait voler son porte-monnaie contenant 138 francs rue de l’Ouest638. Il y a quelques plus grosses affaires, comme cet industriel demeurant villa Hippolyte-Garnier, qui se fait voler son portefeuille dans l’autobus639. Le vol de bicyclettes est aussi fréquent (on en compte des dizaines par an)640.
471Restent les vols, plus rares qu’en 1896, « par salariés ». La plus grosse affaire est le détournement de sommes encaissées par un garçon de café et une caissière du Rallye de Montparnasse, 80 avenue du Maine (en ne tapant pas les sommes reçues sur la caisse enregistreuse)641.
472Que Plaisance compte nombre de voleurs est assuré. Un bon indice en est le vol des voitures. Des dizaines de voitures volées à des propriétaires qui ne sont pas du quartier sont retrouvées dans l’année à Plaisance, abandonnées642 ou à l’occasion d’une poursuite643. Il arrive aussi que des voitures de personnes de passage à Plaisance soient volées dans le quartier, comme celle de cet ingénieur résidant à Vincennes qui est volée dans l’après-midi au carrefour du boulevard Brune et de la porte de Vanves. Beaucoup plus rares sont les cas de vols de voitures appartenant à des Plaisanciens. Là encore les voleurs (qui semblent souvent ne pas garder les voitures) sont très mal connus.
473Dans les mains courantes, ce sont surtout les jeunes du quartier qui apparaissent. Gamins qui volent dans les caves644, aux marchés645, dans la rue646. Nous trouvons une affaire spectaculaire avec l’arrestation en plein cinéma Olympic d’un jeune garçon de café de 18 ans et de sa maîtresse de 17ans pour vols de voiture647. Des employés de l’ΑΡ (un infirmier demeurant rue des Thermopyles et un porteur de farine demeurant chez sa mère, rue de Vanves) cambriolent la cantine et la pharmacie – pour la morphine – de Broussais648.
474Dernier indice, spatial, de cet espace du vol plaisancien. S’il y a dispersion dans tout le quartier, l’espace privilégié de 1896, qui associait voleurs et proxénètes, autour de l’avenue du Maine a quasiment disparu. Les meublés restent présents. Par contre, le « crime » (pour écrire comme dans Le Petit Parisien) apparaît, en 1936, abondant autour des Maréchaux, et en particulier à proximité des nouveaux habitats collectifs et de la zone. Voitures et motocyclettes volées porte de Vanves ou porte Didot, voitures retrouvées porte de Vanves, landau volé rue Georges-Lafenestre, petits voleurs habitant sentier des Mariniers, villa des Acacias, boulevard Brune, avenue du Général Humbert. Près des deux tiers des affaires que nous pouvons situer sont, par un biais ou un autre, localisées dans cette partie aux marges sud-ouest du quartier.
475Les Échos du XIVe n’a accordé de l’attention à la criminalité locale qu’en 1927 et 1928, à ses débuts. Ensuite, visiblement, le journal n’envoie plus personne lire les mains courantes des commissariats et on croirait volontiers qu’il n’y a plus de voleurs dans l’arrondissement ! Évolution difficile à interpréter.
476Par ailleurs, le journal, en 1927 et 1928, n’évoque que rarement les lieux des vols, pratiquant une démarche globale pour l’arrondissement. Ainsi l’obsession du vol n’est pas focalisée sur Plaisance (contrairement à l’avant 1914) : « les vols, oh les vols649 ! ! ! », « on vole partout, partout, partout650 », « Pas de vacances pour les voleurs651 », « les vols se multiplient652 », « le XIVe, patrie préférée des voleurs653 »...
477Pour les cas plaisanciens décrits, qui n’apparaissent pas en nombre exceptionnel, nous retrouvons les vols à l’étalage654, les vols de bijoux655, de vêtements656, les cambriolages657, les vols sur chantier658. Bien sûr, le journal privilégie le sensationnel ou l’inquiétant, comme ce vol de bêtes inoculées au Laboratoire expérimental du boulevard Brune659 ou cette poursuite d’un jeune voleur, « un drôle » de 19 ans, pourchassé d’une crémerie de la rue de Vanves jusqu’à la rue Didot660. Le vol d’un violon à l’Idéal Cinéma fait aussi l’objet d’un titre661 ! Curieusement le journal ironise sur les mauvais garçons sans les condamner toujours vivement.
478Ainsi le journal distingue-t-il, bien plus que la presse ne le faisait avant 1914, la délinquance sans violence662 de la violence qu’il dénonce par ailleurs vivement. Malgré la campagne médiatique qui parle abondamment des vols en 1927-1928, les voleurs n’ont pas si mauvaise presse. Ainsi, en ce temps économique favorable des années 1920, la délinquance locale, pourtant très médiatisée, ne fait pas l’objet d’une ire si grave. Malheureusement nous ne pouvons pas étudier s’il y a eu une évolution avec la crise des années 1930. Toutefois nos sources concordent sur la moindre violence lors des vols au regard de 1896.
479Nous insisterons moins sur les petites escroqueries, infractions ou contestations financières relevées dans les mains courantes de Plaisance. Elles ne concernent souvent que marginalement l’histoire du quartier. Les affaires les plus fréquentes sont les (non) reconnaissances de dettes663, les chèques impayés664, les travaux non effectués665... Deux affaires plus originales mettent en cause des libraires-éditeurs. Des clients du Moniteur Documentaire, 15 rue de Médéah, se plaignent d’escroquerie de la part de son représentant666. Un habitant de Saint-Dizier est en conflit avec la Librairie nationale, rue Hippolyte-Maindron, sur la signature d’un bulletin de souscription à un ouvrage667. Signe des temps, enfin, la découverte d’une escroquerie aux allocations de chômage mise en place par une lingère de 29 ans, demeurant dans un meublé, qui touche l’allocation avec un certificat de complaisance de sa patronne668.
480Notons aussi que les commerçants paraissent beaucoup moins souvent en infraction qu’en 1896. Nous ne trouvons qu’un cas de vente forcée669, un cas de prix illicite670 et un cas d’insuffisance de la hauteur de l’étalage d’un grainetier de la rue de l’Ouest671. Les fraudes et tromperies sur la marchandise ont disparu de notre échantillon.
481Viennent enfin les petites infractions au quotidien, descente du train en marche avant la gare Montparnasse672, billet de transports en commun périmé, inobservation du règlement par un chauffeur de taxi, remorque de voiture non autorisée par un garagiste673, affiches lacérées674, bruit excessif675. Rien de bien méchant...
482De tout ceci semble sortir l’image d’un quartier quelque peu apaisé au regard du xixe siècle finissant, mais la violence reste présente, latente ou ouverte, dans les relations sociales des Plaisanciens. Nombre de tensions vives se manifestent dans les familles, dans les voisinages. Un coiffeur de 33 ans aurait menacé et donné des coups à sa belle-sœur, employée de banque de 28 ans, qu’il rendait responsable du départ de sa femme676. Un homme inconnu aurait menacé de mort le mari de sa maîtresse, électricien, avenue du Maine677. Auguste T., 52 ans, marié, grainetier, aurait frappé – ou seulement poussé – sa belle-sœur pour des raisons personnelles678. Les femmes s’y mettent assez souvent. Ainsi Germaine G., 32 ans, divorcée, brocheuse, gifle Mme L. qui avait insulté sa mère, la traitant de « salope679 »... Marie Α., 42 ans, blanchisseuse, rue Ledion, a frappé M. L., chômeur et voisin qui l’avait insultée en la traitant de « putain680... ». Les bagarres681 dans les débits sont aussi souvent présentées par la presse, duels au couteau ou au revolver évoquant toutefois plus une image du milieu de la rue de l’Ouest ou de la rue Vercingétorix682 : « triste choc, rue de l’Ouest, une rixe, des coups de couteau, un mort683... ». Il arrive aussi des histoires tragiques qui ne sont pas sans rappeler certain grand film. Ainsi un homme seul de 26 ans, ouvrier recherchant son ancienne amie dans divers meublés de Plaisance, s’affole à l’arrivée d’un car de police. Réfugié dans une chambre d’un hôtel meublé de la rue de Vanves, il blesse au revolver un agent puis se suicide684.
483Les affaires d’agressions pour vols sont finalement rares dans les mains courantes, comme ces deux chauffeurs qui auraient exigé de l’argent d’un chef pilote demeurant dans les « bons » immeubles collectifs de la rue du Général-de-Maud’huy. Ce dernier, refusant, aurait été roué de coups de pieds et de poings685. Mais la presse donne plus d’écho à ces violences, à des agressions parfois nocturnes, avenue du Maine686 : « L’avenue du Maine, un coin simple, charmant, aimé des artistes ? Erreur ! Les plus dangereux repris de justice y rôdent687. » La rue de Vanves688 aussi manquerait de sûreté la nuit : « Décidément la vieille rue de Vanves offre de moins en moins de sécurité !... A la saison où nous sommes, on ne peut pas s’y promener à 10 heures du soir sans être obligé de se méfier des fous qui s’y peuvent promener689. » Encore dans les années 1950, « les ruelles qui croisaient la rue Raymond Losserand étaient, le soir, de véritables coupe-gorge », selon Robert Canault690.
484Plus rares encore les cas d’extrême violence et les deux cas que nous évoquons restent donc très isolés. Ce sont des cas de brutalités à l’encontre des enfants. Rue Pernety, un homme de 27 ans bat sa femme et ses enfants691 ; pis, un enfant de huit ans est battu jusqu’à connaître des fractures graves et brûlé au tisonnier par son père, menuisier au chômage692.
485Notre propos n’est pas ici de prédestiner le quartier à la violence. On ne glisse pas de la violence des mots693 à la violence extrême. Mais on se doit de constater qu’à un niveau moindre qu’en 1896, une violence reste présente dans le quartier au temps du Front populaire, sans doute un peu moins centrée qu’en 1896 sur l’appropriation des biens.
486De là aussi peut-on parler d’un milieu criminel à Plaisance ? Sans doute le quartier sert-il de refuge à certains. Robert Voisin, interdit de séjour, un célibataire de 42 ans, est arrêté chez sa maîtresse, 6 impasse Sainte-Léonie694. La possession ou la présence de revolvers signent aussi un milieu695. Il y a également le silence qui atteste le groupe. À l’issue d’un duel au couteau dans un débit de la rue Vercingé-torix, l’agressé « se refuse à désigner son agresseur [...] c’est la loi du maquis696 ».
487Encore au tournant des années 1950 et 1960, une étude montre que Plaisance est un quartier où la criminalité est présente. Sur un sondage concernant les trois années 1958, 1962 et 1963, cinq des soixante-sept condamnés pour meurtre de la Seine habitent Plaisance. Des foyers de jeunes délinquants apparaissent au travers des adresses des détenus en 1950 comme les 10 boulevard Brune, 63 et 77 rue de l’Abbé-Carton697.
488Le phénomène de bandes est sensible longtemps. Les antiques bandes de l’avant 1914 se sont en effet reconstituées après la guerre comme le montrent les mémoires de F. Trignol, jeune truand d’avant-guerre, revenu dans la truanderie de Plaisance dans les années 1920698. Des témoignages confortent cette vision durable :
Du côté de la porte Brancion et de la porte de Vanves, c’était plutôt mal famé. Mon père me racontait que vers 1920-1925 lorsqu’il devait aller par-là, il emportait toujours un couteau. Il y avait « la bande de Montparnasse » et la « bande de Brancion »... C’étaient des apaches comme dans Casque d’Or. [Plus tard], la rue Vercingétorix, longée d’un côté par le chemin de fer, de l’autre par des ateliers, était très mal famée, on ne s’y aventurait pas la nuit. Dans les années 1950, deux bandes de voyous, la bande de « Pernety » et la bande de « Saint-Lambert » se battaient là au couteau. C’étaient des caïds sur leurs territoires699...
489« Le petit rouquin de Montparnasse » signale l’existence d’une bande du pont (d’Alésia) en 1948. Dans les années 1950, la brasserie des Tamaris, rue d’Alésia, dont le patron était un ancien détenu était bien connue pour accueillir toute la nuit les voyous du quartier700.
490La prostitution et l’entôlage, qui l’accompagne parfois, ont aussi continué à se manifester à Plaisance entre 1914 et 1958. Là encore les sources sont hétérogènes. Ainsi, en 1936, il est clair que la rafle quasi quotidienne des prostituées dans le courant de la nuit qui se pratiquait en 1896 a été abandonnée, d’où bien moins d’informations présentes dans les mains courantes, qui privilégient les affaires d’entôlage.
491Il reste que le quartier connaît une prostitution assez importante, sans doute moins dispersée qu’avant 1914. Les filles se montrent moins dans les voies principales comme l’avenue du Maine, la rue de Vanves701 ou la rue de l’Ouest, se concentrant dans les petites rues du nord du quartier, Sauvageot, Perceval et Lebouis :
À la hauteur de la rue Sauvageot existait un commerce dont on ne parlait qu’à voix basse. Des petits hôtels en vivaient. Les jours de beau temps, ces dames s’enhardis saient jusqu’au trottoir de la rue Vercin. Il y en avait de tous les âges et l’une d’elles, dans la cinquantaine, tricotait en surveillant l’approche d’éventuels clients702.
492L’hôtelière du 10 rue Lebouis est ainsi régulièrement condamnée à des contra ventions pour recevoir des « filles de débauche703 ».
493Les sources favorisent une vision de prostituées liées au milieu criminel. Les Échos évoque une bagarre « entre gens du grand monde », rue Perceval, qui met aux prises un homme huit fois condamné et une « dame » quatre fois condamnée704. Une fille soumise demeurant dans un meublé, 84 rue de Vanves, Georgette R., 19 ans, pure Parisienne, vit avec son amant interdit de séjour qui possède un 6.35705.
494Mais quelle idée eut donc Romulus D., à 79 ans, d’amener une jeune prostituée de 19 ans chez lui, rue Vercingétorix706 ! Le réveil est douloureux puisque ses deux portefeuilles contenant 3000 francs ont disparu. Sans doute nos sources accentuent-elles cette vision d’une prostitution délinquante alors qu’au quotidien, il en allait tout autrement.
495Après la Seconde Guerre mondiale, le phénomène prostitutionnel continue et même, selon certaines sources, s’étend. Plaisance n’est pas concerné par la fermeture des maisons closes, puisque le quartier n’en a jamais accueilli, mais il est possible que cette fermeture ait amené de nouvelles filles dans les rues du quartier. Si, à Montparnasse, la rue de la Gaîté et le boulevard Edgar-Quinet restent l’épicentre de ce commerce, il se maintient « rue Perceval, rue Sauvageot707 ».
496Plusieurs affaires d’aliénés venues au commissariat de Plaisance attestent aussi la difficulté à fixer les limites entre aliénation, alcoolisme, violence... Dans au moins quatre des six cas relevés (au dixième, rappelons-le) en 1936, il y a débat. Pour Claudine V., 45 ans, femme de ménage à Saint-Denis, ce sont ses deux fils qui veulent la faire envoyer à l’infirmerie spéciale alors que Saint-Joseph l’avait hospitalisée puis ramenée à son domicile, rue des Arbustes708. Dans les trois autres cas, la famille souhaite au contraire que son proche, enfermé, lui soit rendu. Une femme réclame son mari, chauffeur-livreur interné après une crise violente durant laquelle il a cassé tout chez lui, en soulignant qu’il n’est pas fou mais ne supporte pas l’alcool709. Nous relevons aussi un cas de paranoïa d’un passant qui se croit poursuivi dans la rue par des tueurs710 et un cas original d’internement d’un alcoolique qui tient des propos violents et antisémites dans les bistros et dont les cafetiers disent qu’il n’a plus ses facultés mentales711. La presse se fait beaucoup moins l’écho de l’aliénation qu’avant 1914. La folie semble passer de mode ou de peur.
497Au terme de nombre de ces destins de vie, le suicide, qui avait connu une forte hausse dans le quartier à la fin du xixe siècle, reste très présent. Sans doute des dizaines chaque année à Plaisance. Une statistique analytique est impossible, sinon pour noter que la presse rend beaucoup plus compte des suicides féminins, beaucoup plus rares que ceux des hommes dans la réalité des mains courantes. Suicides des jeunes comme ce garçon boucher de 16 ans, demeurant 7 rue Vercingétorix, qui se tue parce qu’on a découvert qu’il avait un petit peu volé dans la caisse712, ou cette jeune modèle de 24 ans713. Les « désespérés de la vie », comme les nomme Les Échos, sont plus rarement des personnes adultes. Nicolas Nabokoff, 35 ans, Russe demeurant à l’Armée du Salut, se défenestre du 4e étage, étant « neurasthénique et malheureux714 ». Mais, classiquement et tristement, les cas les plus nombreux sont les personnes âgées de plus de 50 ans. Victor D., 53 ans, né dans l’arrondissement, peintre en bâtiment, habitant dans un meublé, rue de la Sablière, se suicide, malade, sans ressources, venant de perdre sa maîtresse715.
498Violence et désespoir se confondent dans le geste de cet ouvrier qui se suicide en 1939 au revolver dans une chambre de meublé après avoir blessé un agent de police716. Il faudra attendre l’après Seconde Guerre mondiale pour voir s’amorcer une baisse significative du nombre des suicides plaisanciens.
499Au bilan de tout ceci, si le quartier semble quelque peu apaisé, s’il n’est plus ni vécu, ni désigné comme un quartier aussi violent, criminel et tragique qu’au xixe siècle finissant, on perçoit bien la grande fragilité, tant collective qu’individuelle, de cet apaisement. Il en faut peu pour que « la vie fragile » reprenne le dessus, qu’un jeune dérape vers le vol, que la violence éclate ou que la misère et ses manifestations extrêmes reviennent sur le devant de la scène.
La crise permanente du logement et du taudis/une lecture souvent ambiguë
500Entre 1914 et 1958 les constructions
501se font rares à Plaisance, le quartier ayant achevé sa croissance urbanistique. Seules les grandes opérations d’habitat collectif sur les fortifs constituent une vraie innovation (avec quelques rares nouveaux grands HBM, au 156 rue de Vanves, ou dans l’îlot Alésia-Ridder). Le reste du patrimoine immobilier connaît un vieillissement naturel aggravé, comme souvent ailleurs en France, par le fait de très faibles investissements des propriétaires, qui estiment depuis la Grande Guerre les loyers parisiens trop bas pour y effectuer des travaux d’entretien et de rénovation. La loi de 1949 ne change rien ou aggrave cette situation.
502Les constructions plaisanciennes, de médiocre qualité avant 1890 (sauf quelques jolis pavillons, souvent modestes), puis un peu meilleures entre 1890 et 1914 (mais inégalement), vieillissent mal dans ce contexte. Si certains équipements sont progressivement généralisés, l’eau courante, le gaz et l’électricité, d’autres (les toilettes privées) n’existent que dans les logements récents construits après 1890 et ne sont pas aménagés dans les plus anciens logements modestes, d’autres (bains ou douches) n’existent que dans les logements vraiment bourgeois. Les équipements les plus modernes, comme le téléphone, sont presque partout absents.
503Quelques chiffres tirés du recensement de 1954717 permettent de dresser un bon bilan à la fin de notre période. Si 95 % des logements ont l’électricité, 85 % le gaz de ville et 82 % l’eau courante, seuls 48 % (61 % au Petit Montrouge) des logements ont des W.-C. particuliers, seuls 9 % (24 % au Petit-Montrouge) ont une baignoire ou une douche, seuls 6 % (20 % au Petit-Montrouge) ont le téléphone. Sans faire d’études de micro-quartier, le recensement permet de dégager des îlots qui cumulent le pire comme le 2767 (rue et impasse Lebouis, rue de l’Ouest et impasse de l’Ouest) où un tiers des logements n’ont pas l’eau, 86 % pas de W.-C, 99 % pas de bains ou douches, 100 % pas le téléphone. Ces chiffres, à peine meilleurs, se retrouvent dans nombre d’îlots du quartier.
504L’îlot le mieux équipé, si l’on ne prend pas en compte les nouvelles constructions des fortifs, est rue des Plantes où l’eau courante est à 91 %, les W.-C. intérieurs à 68 %, les bains ou douches à 55 % et le téléphone à 21 % (un record pour l’époque !).
505Les logements sont bien sûr petits : 70 % ont une ou deux pièces (au sens optimiste du recensement de 1954). Seuls 369 logements, soit 1 % d’entre eux, ont 5 pièces ou plus (contre 1283, soit 6 %, au Petit-Montrouge). Le nombre moyen de personnes par pièce est le plus élevé des quatre quartiers du quatorzième et un tiers des logements sont considérés surpeuplés (selon les critères de 1954) contre 22 % au Petit Montrouge. Ce surpeuplement est accentué à l’examen de la densité de la population, qui est encore en 1954 de 453 à l’hectare (contre 322 pour le XIVe dans son ensemble). Et ce malgré de nombreux très petits immeubles (souvent des maisons) puisque plus d’un quart de ceux-ci ont au plus deux étages (contre 18 % à Paris en 1954, pour changer d’échelle de comparaison...).
506Par contre, là encore sans surprise, Plaisance se distingue dans l’arrondissement par son nombre élevé d’hôtels, 192, soit 6 % des immeubles, pourcentage inférieur à celui du quartier Montparnasse, mais très nettement supérieur à ceux du Petit-Montrouge et de la Santé-Montsouris. Le plus important est que ces hôtels ne sont que très rarement des hôtels à destination d’une clientèle de passage (VRP... et encore moins touristes) comme à Montparnasse mais des meublés ou garnis destinés à une clientèle, certes instable, mais pour laquelle il s’agit du domicile principal.
507Si la statistique ne dit pas tout, à l’évidence le plus grand nombre des Plaisanciens vit dans des logements médiocrement – pour le moins – équipés. Si la corvée d’eau se fait rare, mais pas exceptionnelle, disposer de W.-C. privés n’a de sens que si l’on a la chance d’avoir été logé dans un immeuble relativement récent718, car les propriétaires des logements anciens ne les ont pas installés. La quasi-totalité de nos Plaisanciens se lavent à l’évier ou dans une bassine et, bien sûr, n’ont pas le téléphone en 1954. Ils habitent un petit appartement de une ou deux pièces dont le surpeuplement dépend de la taille de la famille et ont très rarement accès à de plus grands appartements. Célibataire ou en couple sans enfants, la situation est acceptable, dès qu’il y a enfants, le surpeuplement menace.
508La statistique ne nous dit pas l’aspect des immeubles, l’humidité des murs, l’état des plafonds, la présence de métaux nocifs (zinc, plomb...), l’ensoleillement et l’air, la qualité du chauffage, etc. Pour cela nous devons nous contenter d’informations plus éparses même si nous savons que le classement d’une partie du quartier en îlot insalubre à la veille de la Grande Guerre s’est en partie appuyé sur ces facteurs, décrits dans le casier sanitaire de Paris. Toutefois le classement « insalubre » tenait aussi et surtout au niveau de tuberculose rencontré dans les immeubles, du fait de l’hygiénisme dominant. Or nous savons maintenant que ce niveau n’est pas toujours lié à des facteurs concernant la qualité des immeubles mais plus souvent à la pauvreté générale des habitants (surpopulation, alimentation, fatigue et usure au travail...).
509Curieusement, l’appréciation portée sur le bâti plaisancien d’avant la « rénovation » est extrêmement variable selon les témoignages, études, personnes et contextes... Même si on peut trouver certains points d’accord, chacun met l’accent sur un point particulier qui domine son discours sur les murs de Plaisance : du modernisateur-rénovateur au nostalgique passéiste, du témoin misérabiliste au propriétaire-vendeur enjoliveur...
510Sur l’extrême pauvreté des équipements, la convergence est grande. Une étude comme celle de Loed sur Giacometti montre le bâtiment de la rue Hippolyte-Maindron sans électricité, sans eau courante, sans chauffage en 1910. Si ces équipements viennent dans l’entre-deux-guerres, les toilettes demeurent communes dans la cour. Des souvenirs aussi comme ceux du Petit Rouquin de Montparnasse évoquant le 97 rue Vercin, sans eau courante entre 1934 et 1954, les toilettes communes sur le palier, le chauffage au poêle enfumant l’appartement et les murs humides. Ceux de Brassens sur la maison de la mère Jeanne, impasse Florimont, dans les années 1940 sont les mêmes : pas d’eau courante, pas d’électricité, pas même de tout-à-l’égout (cas devenu rare à cette date). Progressivement Brassens y apporte, bien sûr, dans les années 1950 des améliorations sensibles.
511Sans doute le témoignage le plus proche de notre réalité statistique est-il encore celui de Mme Bouloy sur le 73 rue de Vanves (construit entre 1860 et 1880) :
Sept escaliers en bois desservaient près de cent logements... Ils étaient petits et sans confort, des W.C. à la turque étaient à mi-étage et desservaient trois familles, ainsi que l’eau qui arrivait dans une petite fontaine et que nous allions chercher avec un broc. Enfin un jour l’eau arriva sur notre évier, à la grande joie de la grand-mère719. [Un deux pièces cuisine où logent les parents, les deux filles et la grand-mère.]
512Cette concordance se retrouve moins largement sur la mauvaise qualité générale du bâti, ou d’une partie de celui-ci. Les Échos dénonce les immeubles entièrement en pans de bois, qui vieillissent très mal et qui n’ont pas d’aération, du 233-235 rue d’Alésia et souhaite leur remplacement par des HBM modernes720.
513Dans un article de L. Léon-Martin, l’essayiste met en scène un contraste entre la rue de la Gaîté et Plaisance où sont « les zones réservées aux logis médiocres721 ». Dans un registre différent, Chalvon oppose, dans une étude anthropologique, en 1984, le quartier au nord de l’avenue du Maine, qui s’embourgeoise, et celui au sud où, dans les années 1960, « se dressaient les immeubles vétustes et délabrés, les îlots insalubres voués à la démolition depuis 1919722 ». Les constructions pour artistes sont aussi souvent citées pour leur qualité médiocre. Il est difficile parfois de savoir si des problèmes graves tiennent à la qualité de la construction ou au mauvais entretien des propriétaires. Ainsi des toits qui fuient723, des fenêtres dont les travées sont pourries724 ou les garde-corps rouilles, ce qui cause des accidents dramatiques725. Marie Gaudron, concierge de 67 ans, du 95 rue Didot, est retrouvée inanimée avec son petit-fils de 16 ans dans sa loge suite aux émanations d’oxyde de carbone de son poêle Gaudin, resté allumé. Elle décède à Broussais.
514De là, certains glissent à une présentation du quartier comme dominé par les taudis et l’insalubrité. Plutôt des témoins ou acteurs qui dénoncent une misère qui gêne ou inquiète plus qu’elle ne choque et qui envisagent, parfois, la transformation radicale du quartier. Cela va du commissaire de police du quartier, Raynaud, qui parle du « flot des travailleurs qui remontent vers leurs taudis de Plaisance et de banlieue726 » au candidat de droite aux élections municipales en 1929, qui veut lutter contre « les taudis727 » ou aux Échos du XIVe, devenu en 1935 un journal de droite dure, qui parle de Plaisance comme d’un « foyer d’insalubrité728 ».
515Dans un sens voisin nous retrouvons les propos de la mouvance catholique sociale, avec le père Lagrange évoquant la « baraque sordide » de la rue de l’Eure où rats et détritus cohabitent dans la cour729.
516Le plus bel exemple de ces descriptions très noires de Plaisance est l’article de Gilbert Perroy, maire du XIVe et fondateur de la Société historique, dans l’annuaire de la Société daté de 1956-1957730. Il dénonce les « maisons presque toutes semblables », « presque toutes construites à la même triste époque d’un lotissement destiné à une population très pauvre ». Aucune des ruelles plaisanciennes ne trouve grâce à ses yeux. Ainsi la rue des Thermopyles et le passage Léonidas deviennent « deux infectes ruelles qui traversent l’îlot le plus insalubre de tout le quartier ». Le travail de justification de la future rénovation-destruction du quartier commence.
517Bien sûr, il ne s’agit pas de nier la dimension tragique du cadre de vie des Plaisanciens du premier xxe siècle. Les rats sont bien là, dans des immeubles semi abandonnés de l’avenue du Maine731 ou rue de l’Eure, et le bébé de la rue des Plantes tousse dans sa soupente inondée par la pluie. Et nous n’avons pas minimisé ces faits graves. Mais d’autres perçoivent de manière plus nuancée le cadre plaisancien.
518Il y a d’abord les descriptions des petites maisons plaisanciennes et de leur charme, bien sûr davantage dans la partie orientale, plus cossue, du quartier.
519Voici les « villas » de la rue des Plantes avec leurs « coquets petits jardins732 ». Il y a aussi les charmes des maisons d’artistes présentes un peu partout.
520Plus généralement, c’est l’ensemble du quartier, voire ses maisons ou immeubles modestes et pauvres, qui suscite une vue d’où le positif n’est pas absent. Un exemple significatif en est un article d’un fin observateur paru en 1937. Audiberti publia entre 1936 et 1938 des articles dans Le Petit Parisien sur Paris. Entre autres, il écrivit une série sur le sujet, alors très prisé, des îlots insalubres. Son chemin le conduisit à Plaisance :
Enfin, à Montparnasse [sic], du côté de l’avenue [resic] Vercingétorix et de l’avenue du Maine, j’ai pénétré dans un bout de quartier d’aspect engageant, absolument dépourvu de relation avec quoi que ce soit de dramatique ou de caricatural. Maisons étriquées, banales, au visage terne mais amical, sagement disposées en rues étroites, entre le chemin de fer de l’état et la peinture moderne. Parfois un pavillon de bois, aux toitures retroussées, fortement humidifié, ou bien un jardin où monte la garde un arbre qui a l’air en ciment, interrompent ces alignements apparemment inoffensifs. Pourtant des percées sont prévues ici, et des destructions. Nous sommes en effet dans un îlot insalubre : rue Sauvageot, impasse de l’Ouest... Il en est beaucoup, à Paris, du même genre qui, en temps qu’îlots insalubres, ne paient pas de mine. Mais l’air y manque. Le soleil les évite. Ils suintent. Ils s’effritent733.
521Beau témoignage équilibré, qui souligne à la fois la présence de traits d’insalubrité et le – petit – charme de l’habitat. Brassens va même plus loin dans ses souvenirs, peut-être embellis, de l’impasse Florimont puisqu’il se rappelle, lui, du plaisir des bains de soleil pris dans la minuscule cour de la maison misérable de Jeanne734.
522Une hypothèse très intéressante, bien qu’écrite très postérieurement à notre propos, a été formulée dans une étude de 1975, qui a étudié l’évolution d’un îlot du quartier entre 1954 et 1968735. Selon l’auteur, jusque dans les années 1960, les constructions de Plaisance, malgré leur qualité sans doute inégale et leur confort plus que médiocre, étaient proches de la population car construites par des bâtisseurs « du même milieu culturel sinon social » qu’elle. Ainsi le respect du petit parcellaire initial pour les constructions et reconstructions736 est moins une contrainte qu’un choix qui autorise un bâti modeste, mais « amical » et « engageant », pour reprendre les expressions de Jacques Audiberti. Les études des urbanistes attestent cette continuité du parcellaire737 et d’un certain type de bâti. Ce sentiment, nous le retrouvons dans des témoignages de l’époque. Marius Boisson, en 1927, défend vigoureusement la maison du Robinson de Plaisance, critiquée par certains architectes modernes et menacée de destruction : « On l’a surnommée la maison branlante. Pourquoi ? À ce compte toutes les maisons de Paris, par la grâce du camion automobile, sont des maisons branlantes. » Cette maison, construite par un artisan guêtrier dans les années 1850, devient le signe du rêve de « l’ouvrier parisien indépendant738 ». Il convient de rappeler que cette maison exemplaire n’est pas une petite maison, mais un immeuble de six étages pourvu de jolies et modestes décorations. Ce n’est donc pas seulement la maisonnette qui fait l’originalité du bâti plaisancien, mais un rapport au travail.
523Georges Duhamel décrit en 1942-1943 le même paysage plaisancien du « grand village suranné » :
On aperçoit, aux carrefours, de petits hôtels touchants et délabrés [...] On aperçoit des murailles dont le faîtières sont soutenues par de larges gâteaux de plâtre où demeurent encore imprimés les doigts caressants du maçon [...] On trouve même un porche vétusté dont les pilastres supportent deux lions de fonte [...] De petits pavillons fragiles s’épaulent l’un l’autre [...] On aperçoit de place en place des maisons à cinq étages qui jouent un peu les buildings au milieu des bicoques [...] Ces maisons par leur structure, leur isolement et leur population ressemblent si peu, quand même, aux immeubles des quartiers opulents – ici le mot d’immeuble reprend bien sa sonorité vaniteuse [...]739.
524C’est ce type d’espace imbriqué, où l’on sent la main du maçon, qui a pu plaire autant à la jeune artiste Agnès Varda qu’à la fille du menuisier, Mme Bouloy : « Sans le confort moderne, nous nous sentions bien chez nous740. » Tout n’est pas seulement nostalgie dans ces mots. Une description de la rue Vercingétorix des années 1940-1950 va dans le même sens : « Petits cafés à rideaux, épiceries étroites où se voyaient encore les tonnelets d’anchois en saumure, courettes à gros pavés, impasse à rigole centrale avec des ateliers de guingois – artisans imprimeurs, sabotiers, peintres (en bâtiment et en génie)741. »
525Seul, sans doute, le meublé échappe à cette vision positive ou nuancée. Il est vrai qu’il est habité par les plus pauvres ou précaires (on y trouve un pourcentage très supérieur à la moyenne de manœuvres, journaliers, chômeurs ou artistes en 1936742). Également d’étrangers et de Français musulmans. Les meublés sont l’objet d’une présence fréquente dans les mains courantes ou dans la presse pour des affaires de vols, prostitution, alcoolisme... que nous avons relevées plus haut.
526On n’aura garde, dans ce panorama des tensions liées à cette crise du logement, de négliger deux phénomènes. Un phénomène social d’abord, qui s’exprime dans les conflits entre propriétaires et locataires dont témoigne la vigueur des associations de locataires dès la fin de la Grande Guerre. Certains excès des propriétaires sont aussi dénoncés par la presse locale, comme ce propriétaire de la rue Edouard-Jacques qui refuse à un locataire de se brancher sur le câble montant d’électricité743. On proteste aussi contre le fait que sept maisonnettes de la zone, avenue des Acacias, non loin de la porte de Châtillon, soient privées de débouchés sur la rue par un propriétaire qui a une bande de terrain d’un mètre744. Le pire survient, aux yeux des médias, lorsqu’il y a un lien avec la guerre. Une famille de six personnes, évacuée des Ardennes en 1914, logée en sous-location, 1 rue de l’Ouest, est expulsée par son propriétaire en 1927. Une foule de plusieurs centaines de personnes s’oppose à cette expulsion745.
527Le second phénomène, plus contextuel, nous reste mal connu. Les lendemains de la Seconde Guerre mondiale ont vu s’accentuer la crise des logements (non au sens du confort, mais à celui de la disponibilité des logements). L’absence d’une presse locale entre 1945 et 1958 nous conduit malheureusement à ne pas pouvoir parler avec sérieux de ces difficultés, sans doute aussi sensibles à Plaisance qu’ailleurs.
528Le vieillissement d’un parc immobilier mal entretenu, l’absence de confort, et souvent de tout confort, sont bien une caractéristique de l’essentiel de l’habitat plaisancien. Mais pour autant le sentiment de vivre dans un habitat avec lequel on sent une proximité qui relève de l’anthropologie socio-culturelle n’est pas absent.
HBM et HLM, une réponse qui fait déjà problème
529La réponse à la crise du logement fut pensée, dès l’avant Grande Guerre, avec les premières – et très limitées – tentatives de constructions de logements sociaux. Après la Grande Guerre, les dispositifs socio-économiques mis en place permettent d’envisager une politique de plus grande ampleur. Aux initiatives semi-privées de l’avant-guerre se substitue la primauté donnée à l’Office public d’habitations bon marché (puis d’habitations à loyer modéré) de la Ville de Paris (ou de la Seine, mais plutôt en banlieue). Des dispositifs financiers autorisent des opérations de grande taille. La principale, qui concerne l’entre-deux-guerres, est la construction sur les anciennes fortifications, détruites au milieu des années 1920, d’une couronne de logements.
530Il faut toutefois clairement distinguer les opérations qui concernent le bastion 76 (entre la porte de Vanves et la porte Didot) et celles qui concernent les bastions 77 et 78 (entre la porte Didot et la porte de Châtillon). À l’ouest (bastion 76) furent construits par l’Office des immeubles destinés normalement aux familles nombreuses les plus modestes. À l’est (bastions 77 et 78) furent construits des logements plus diversifiés, dont la qualité augmentait en allant vers la porte de Châtillon, où ils étaient destinés aux officiers (le terrain provient de l’armée) et aux cadres de la fonction publique ou de la Ville de Paris. En 1954, encore, il est frappant de constater que les îlots situés sur l’ancien bastion 76 ne comportent aucun, absolument aucun, logement avec bains ou douches, alors que l’îlot de la porte de Châtillon (avec un taux de 51 %) est le mieux loti, de ce point de vue, de tout Plaisance746 ! Toutefois tous les logements comprennent des W.-C. (l’usage du mot semble beaucoup moins vulgaire en 1930-1950 que de nos jours...) intérieurs et en ce sens bénéficient, même pour les plus modestes, d’un équipement que nous avons vu loin d’être général à Plaisance.
531Deux autres grandes opérations de construction d’habitat social ont eu lieu dans la période. La première est la construction en 1930 du 156 rue de Vanves. La seconde est la construction des HLM à l’angle Alésia-Vercingétorix-Ridder. Une partie fut achevée en 1940, puis la guerre ayant interrompu les travaux, une seconde partie fut achevée en 1952. À la suite des pressions du conseiller municipal Salom, dès 1930, ces derniers HLM furent équipés de douches ou bains747.
532Toutes ces constructions ont, malgré ces sensibles différences dans les équipements, des points communs qui touchent à des conceptions de l’habitat social et qui concernent aussi le cadre urbain. Toutes sont élevées en immeubles de six-sept étages, où la brique est quasiment hégémonique. Ces immeubles sont censés être disposés de telle sorte que le soleil, l’air y soient sensibles dans tous les logements. Des cours et, parfois, des cours-jardins doivent favoriser la réalisation de cette exigence. La question de la sécurité a été aussi grandement discutée et l’ensemble des bâtiments est fermé par des grilles contrôlées par des gardiens. Par ailleurs, les ensembles réalisés devaient rester de taille modeste pour conserver une dimension familiale (maintenant on dirait humaine...) au cadre de vie. Les Échos du XIVe 748 se fait l’écho de ces ambitions en publiant le rapport du conseiller municipal Dherbécourt au Conseil de Paris en 1927. Ainsi le groupe dit Didot est divisé en quatre îlots comportant eux-mêmes plusieurs immeubles (en tout 13). Le rapporteur souligne que « l’expérience a montré qu’il était préférable de scinder les groupes d’habitations à bon marché en immeubles de moindre importance ». Les escaliers de ces « petits immeubles » pouvant déboucher soit dans les cours, soit dans des vestibules ouvrant directement sur rue. Toutefois, pour l’îlot sud (le plus grand) on envisage, par souci d’économie, de réunir les issues des six immeubles prévus de telle sorte que « les concierges puissent ainsi assurer l’ouverture des portes et la surveillance de nuit sans qu’il soit nécessaire de créer un poste de veilleur ». Le rapporteur se félicite enfin qu’un grand nombre de logements bénéficient d’une vue large vers le sud, vers l’ancienne zone militaire.
533Ces constructions ont été largement analysées par les contemporains. Nous n’insisterons pas sur les problèmes d’équipement collectif immédiatement posés (école, transports, poste...) et les interventions à ce propos des élus locaux749. Il s’agit là d’une question qui n’est pas particulière à ces habitats et que Plaisance avait connue depuis un siècle déjà... Par contre, les réactions sont nombreuses à propos de la qualité de ces constructions et de leur effet sur le cadre de vie du quartier. Du côté des Échos du XIVe, on peut dire que les réactions furent massivement négatives. Le principal animateur d’une véritable campagne hostile à ces constructions fut un des chroniqueurs attitrés du journal, Fayola-Augereau, personnalité locale, journaliste issu de la vieille bourgeoisie de petits entrepreneurs plaisanciens, républicain convaincu de sensibilité radicale modérée.
534Les critiques portent sur la qualité des logements. Pour Fayola-Augereau, les immeubles sont trop hauts pour la taille des terrains sur lesquels on les a construits. Les cours sont étroites, glaciales et un grand nombre d’étages ne bénéficie ni de l’air ni du soleil. Au contraire des visées initiales, Fayola-Augereau voit dans les habitats collectifs des anciennes fortifications des risques d’épidémies et un manque d’hygiène750. Le journal se fait aussi l’écho d’une polémique (bien excessive) sur la solidité des nouveaux immeubles du boulevard Brune sans toutefois prendre partie751.
535Les critiques portent aussi sur les effets sur le mode de vie de ce nouveau bâti. Il est dénoncé d’un double point de vue. D’une part Fayola-Augereau reproche à ces immeubles une trop grande dimension qui interdit que l’on s’y sente comme chez soi et, écrit-il, il aurait préféré la construction de petites maisons individuelles, bien dégagées, avec un jardinet, la construction de « foyers » (ce qui favoriserait la femme au foyer), pas de « logements752 ». Et en même temps, Fayola-Augereau reproche à ces « casernes » de trop discipliner, de trop encadrer les habitants d’un quartier qui a ses traditions de liberté, et de « comprimer les élans et l’imagination des enfants sous des masses de briques et de ciment ». On voit bien ici comment l’auteur ressent ces constructions comme l’expression d’un mode de vie qui est contraire à celui des vieux Plaisanciens, qui conjuguent de manière contradictoire des normes individualistes et sociables.
536Mais les critiques portent aussi très fortement sur les effets nocifs pour le quartier de ces nouvelles constructions. La première porte sur la laideur des HBM. Fayola-Augereau y voit des « immeubles du plus affreux style munichois. On a enlaidi irrémédiablement l’accès de nos quartiers, sans compensation d’aménagement en vue de leur hygiène753 ». L’esthétique est « vulgaire », « triste » et enlaidit Paris754. Ce style munichois, ou anglo-saxon, c’est celui d’immenses « casernes755 », mot sans cesse répété : « immenses et mornes casernes pour habitations ouvrières756 ». Et Fayola de citer un de ses amis tchèques qui aurait ironisé sur les logements « casernes » en se demandant si Dieu était encore Français757 ! On aura pu noter, à lire ces citations, que l’auteur dénonce ainsi la nocivité pour le rayonnement de l’arrondissement et de Paris de cet urbanisme qui enlaidirait la ville. Ce sentiment est partagé par le journal, qui publie un éditorial évoquant « les immenses et peu élégantes casernes de la Régie municipale758 ».
537L’autre axe critique porte sur les effets nocifs en termes de soleil, hygiène et verdure pour le quartier. Les grands immeubles collectifs font de l’ombre, bouchent l’horizon et prennent les rares espaces dont disposaient les Plaisanciens. Pour Fayola-Augereau, « l’ombre des grands immeubles s’étend » au détriment des derniers espaces libres pour « les mamans de Plaisance759 ». Ainsi « on a démoli les fortifications qui, pour les pauvres gens et leurs familles, étaient, le dimanche, un lieu de promenade où ils prenaient l’air » pour des « constructions immenses [...] qui ferment l’horizon760 ». La lutte porte alors sur la limitation des constructions, leur arrêt même pour empêcher que « de puissantes sociétés immobilières de construction dévorent ce qui nous reste d’espaces libres dans Plaisance autour de l’ancienne porte Didot » et que soit sauvé le dernier « petit coin d’horizon qui s’ouvre, comme une lucarne, sur la belle campagne verdoyante magnifiée par le soleil ». L’inversion est donc totale par rapport aux projets des promoteurs des logements sociaux, désormais accusés dans leur fondement hygiéniste même...
538Toutes ces critiques, radicales, sur la qualité des logements, sur le mode de vie qu’ils induisent, sur la laideur des constructions et sur leurs effets « écologiques » négatifs sont-elles partagées par les lecteurs du journal, par les Plaisanciens, en particulier par la dominante des travailleurs qui caractérise le quartier, et par les nouveaux habitants des habitats collectifs ? La réponse est difficile, car les nouvelles constructions sur les fortifs sont peu évoquées dans les autres sources, peut-être parce que l’au-delà des Maréchaux reste marginal pour Plaisance. Notons toutefois une première nuance aux thèses de Fayola-Augereau dans Les Échos lorsque le journal note avec une certaine satisfaction que le nouveau quartier se peuple, que « de nombreuses boutiques » s’ouvrent et qu’« apparaît une animation pleine de vie à toute la région qui s’étend de la porte de Gentilly à la porte de Vanves761 ». Et la construction en 1937 de l’école de puériculture vient encore renforcer l’image d’un boulevard Brune moderne et animé, à l’architecture cohérente762. Par ailleurs un vif débat se manifeste dans le journal à propos de l’architecture moderne.
539Les nouveaux HBM/HLM sont aussi le lieu de sociabilités et de tensions nouvelles. Mais il importe là de distinguer nettement les cas. Le « 156 », inséré dans le tissu urbain de Plaisance, rue de Vanves/Raymond Losserand, malgré son modeste confort (il n’y a ni ascenseur, ni vide-ordures et « il fallait descendre les six étages la poubelle à la main763 »), paraît animé d’une vie populaire intense. Les jeunes se retrouvent au son « d’un petit air que nous avions composé » à la porte d’entrée pour aller au cinéma ou au bal des pompiers. L’immeuble s’est aussi illustré pendant la Résistance par des figures de martyrs.
540Sur les anciennes fortifs, les statistiques de la population issues du recensement de 1936 nous montrent le contraste social très vif entre ceux de la porte de Vanves et ceux de la porte de Châtillon. Les mains courantes nous dévoilent la présence de tensions sociales764, avec la présence de voitures volées, de jeunes des immeubles de la porte de Vanves visitant les caves des « bourgeois » de la porte de Châtillon. Il ne faut pas négliger non plus la proximité de la zone comme particularité de cet espace. Après 1925, rattachée à Paris, elle est partiellement jonchée de débris des fortifs et partiellement habitée par les anciens zoniers de Malakoff devenus parisiens ; puis, après 1942, elle n’est plus qu’un désert, une friche avec quelques nomades. Cet environnement divise aussi. Pour les habitants aisés de la porte de Châtillon, cette « perspective d’avoir à leur porte ou sous leurs fenêtres [...] des terrains vagues, obscurs le soir, entourés de planches pourries, pleins d’ordures et de détritus – voire de cadavres d’animaux – véritables repaires de malandrins765 » inquiète alors que d’autres témoignages vont plus dans le pittoresque766.
541Les nouveaux habitats collectifs n’ont pas sensiblement modifié le paysage urbain de notre quartier, construit massivement avant 1914. Ils n’ont pas non plus sensiblement modifié le goût plaisancien d’un logement populaire appuyé sur un parcellaire resserré qui associe immeubles de taille petite et moyenne et rue sociable. Il n’en reste pas moins que le grand inconfort, la surpopulation et pour certains, le taudis sont aussi des éléments constitutifs de la vie fragile de nos travailleurs. Et que les avis des modernisateurs dominent encore. Pour Jacques Audiberti, dont nous avons vu pourtant l’avis nuancé, il n’en reste pas moins que Plaisance insalubre « obstrue les grands courants migratoires de la ville que nous aimons ».
Crises de la modernité/Nouvelles crises ?
542La ville, sa population, ses modes de vie se transforment malgré la relative stabilité du quartier. Car Plaisance est naturellement pris dans des évolutions générales. Trois questions nouvelles ou autrement posées affleurent après la Première Guerre mondiale et amorcent ou retravaillent des crises locales.
Du côté de l’automobile
543Le développement de l’automobile à Paris en est sans doute le meilleur exemple767. J’ai déjà évoqué la question des vols de voitures (et surtout pour Plaisance des voitures volées abandonnées dans notre quartier), mais l’auto (et la moto, un peu) est omniprésente aussi dans les mains courantes du commissariat de Plaisance pour une tout autre raison.
544C’est par des dizaines et dizaines d’affaires que le commissariat se voit, en 1936, envahi par l’auto ! Certes, il y a les contraventions, mais ce ne sont pas les mains courantes les plus abondantes ; contraventions pour stationnement illicite, pour circulation sans éclairage, pour défaut de permis de conduire et pour infractions768 aux règles de la circulation. Mais les affaires qui viennent les plus nombreuses au commissariat sont les accidents et leurs suites. L’essentiel des accidents viennent des automobiles qui ont heurté des piétons ou des commerces de rue. Le cas le plus triste étant ce gamin de cinq ans renversé par une voiture en courant en bas de chez lui, rue Perrel769. Nous trouvons aussi des accidents entre autos et motos où l’on se rejette volontiers la responsabilité770 ! Comme nous sommes en 1936, nous rencontrons aussi des accidents auto-cheval771. Par contre, les accidents entre voitures sont excessivement rares ou peu signalés.
545Cependant le fait le plus intéressant pour nous est le nombre élevé de mains courantes qui voient se mettre aux prises un automobiliste qui n’est pas de Plaisance et un Plaisancien. L’accident auto-piéton, redoublé d’un accident non Plaisancien-Plaisancien, prend alors un fort sens social. Un marchand des quatre-saisons, âgé de 65 ans, voit son étalage défoncé, avenue de la porte Didot, par un automobiliste de Montrouge772. Une jeune fille de 27 ans, demeurant rue Bénard, victime de la part d’un automobiliste de Boulogne d’un accident grave deux ans auparavant et non dédommagée par l’assurances du conducteur, en faillite, se retourne contre ce dernier773. Un peintre en bâtiment de 30 ans, demeurant 16 rue Didot, obtient un dédommagement d’un automobiliste d’un quartier plus chic du XIVe774. Un cordonnier de la rue de la Sablière porte plainte contre celui, inconnu, qui l’a écrasé775. Un retraité de 67 ans, habitant 35 rue du Moulin-Vert porte plainte contre un conducteur de Neuilly qui l’a blessé rue des Plantes776, etc.
546Ces affaires, présentes par dizaines chaque année, tendent ainsi à cristalliser le quartier dans sa modestie en opposition au reste de la capitale et de son agglomération. C’est la face inverse des voitures volées hors de Plaisance et retrouvées dans notre quartier. Cependant il arrive que des Plaisanciens soient aussi responsables d’accidents, particulièrement en banlieue le dimanche et en province pour les représentants de commerce, les chauffeurs et quelques vacanciers777.
547La presse locale se fait l’écho, sans les mettre en valeur sensiblement, de ces accidents : un triporteur fleuriste renversé au carrefour Vanves-Villemain, gravement blessé778, une fillette renversée par une auto rue de Vanves779. Le pittoresque de la fausse manœuvre d’un camion tentant de rentrer à reculons dans l’étroit passage des Thermopyles depuis la rue de Vanves et pénétrant dans la charcuterie voisine ne lui échappe pas780.
548S’il existe une section du XIVe de la Ligue des piétons, ce qui est seulement demandé, c’est l’amélioration de l’éclairage des rues des Plantes et du Château où la circulation automobile est forte781, ou le recul des murs pour éviter les accidents des piétons qui marchent trop près des chaussées782.
La nouvelle inquiétude hygiénique : la tuberculose
549En août 1928, un Comité d’hygiène et de défense des intérêts du quartier de Plaisance dénonce une augmentation de la tuberculose autour de la rue des Mariniers, au sud de Plaisance. Micro-quartier où domine très largement la petite maison (en 1954, 37 des 71 immeubles ont de un à deux étages, soit plus de 50 %, contre un peu plus de 20 % pour Plaisance) et peuplé d’une population modeste d’où ne sont pas absentes des petites classes moyennes.
550L’animateur du Comité est M. Cayeux, ingénieur. Le point de vue du Comité est que Broussais est à l’origine de la contagion car l’hôpital accueillerait 365 tuberculeux, dont de très nombreux tuberculeux au troisième degré. Or ils sont autorisés à sortir librement ou effectueraient des « sorties clandestines » au cours desquelles ils rencontreraient des enfants. Les élus sont invités à une réunion où le Comité leur remet une pétition signée par 483 personnes. La solution réclamée est soit l’interdiction stricte de sortie, soit le départ de Broussais des tuberculeux au troisième degré. Les deux élus présents (le conseiller municipal socialiste Grangier et le député de droite Dumat) se prononcent en faveur de cette dernière solution, qui ne sera jamais mise à exécution783.
551Sans que l’on puisse parler d’une campagne en profondeur sur ce thème tuberculeux784, Dumat, dans son compte rendu de mandat, évoque comme un point positif d’avoir pu faire arrêter la libre circulation des tuberculeux à Broussais785.
552Quelle importance accorder à cet épisode ? Un révélateur d’une peur profonde de la population dans un quartier où la tuberculose sévit fortement, comme le montrent les statistiques ? Mais la tuberculose sévit surtout dans le Plaisance le plus misérable. Un révélateur de la peur des petites classes moyennes qui ont choisi de vivre dans un micro-quartier alors plutôt vert, avec de petites allées ou ruelles à l’allure presque pavillonnaire de banlieue ? L’affaire se complique lorsque l’on sait que les communistes de Plaisance, force importante rappelons-le, tentèrent de faire obstruction à la réunion. Mais nous ne savons s’ils agissaient à l’encontre du thème de la réunion ou de la présence des deux élus ennemis de classe.
553Soyons donc prudent et contentons-nous de conclure que Plaisance n’échappe pas au problème de ce temps d’angoisse tuberculeuse.
Une crise xénophobe ?
554L’entre-deux-guerres, et particulièrement les années 1930, connaît un renouveau de manifestations xénophobes, racistes et d’un antisémitisme inégalement partagé. Là encore, il eût été étonnant que rien de ceci ne se manifeste à Plaisance. Mais le bilan est là aussi tout en nuances.
555D’un certain point de vue, le sujet ne se sépare pas du précédent. En effet, la seule violente manifestation raciste que nous avons constatée concerne les questions hospitalières. Le 30 juillet 1927, bien avant la crise donc, Les Échos du XIVe (alors un journal qui n’est que peu marqué politiquement) publie un article titré :
Dans l’arrondissement – Quel est ce mystère ? ? ?
Allons-nous être envahis par tous les Sidis ?
556Tout est dit dans ce titre, qui engage le journal puisque l’article est anonyme et qu’il ne s’agit pas d’un communiqué d’un groupe quelconque. De quoi est-il question ? L’article s’inquiète de l’annonce par des grands quotidiens parisiens de la création d’un hôpital franco-musulman rue Gassendi. Les arguments avancés sont repris dans un second article la semaine suivante786. Ils sont de deux types. D’abord l’inquiétude sanitaire puisque « l’installation des éléments les moins désirables de la population musulmane » amènera des risques d’épidémies. Mais il y a aussi un sentiment (douteux) d’injustice puisque l’on construirait un hôpital pour les « Sidis » alors que les habitants du quartier n’ont qu’un médiocre hôpital avec Broussais. Enfin la protestation prend un caractère raciste et sécuritaire puisque les « Sidis » ont « trop souvent des instincts de brutalité ou de bestialité » et que leur présence en trop grand nombre conduira à des troubles et à une augmentation de l’insécurité. Réputation totalement imméritée en ce qui concerne notre quartier puisque nous ne trouvons trace d’aucun Algérien (sinon comme victime) dans notre échantillon des mains courantes de 1936. Disons tout de suite que le XIVe arrondissement évitera l’hôpital franco-musulman, qui sera relégué dans une banlieue lointaine du futur 93 !
557Indiscutablement, toute la panoplie du discours raciste est bien présente. Mais la question reste posée du partage de ce type de discours qui, il faut d’abord le noter, ne revient que très rarement dans le journal.
558Par ailleurs, il nous faut centrer notre réflexion sur Plaisance, alors que l’article concerne tout l’arrondissement. Une première observation tient à ce que l’hôpital annoncé devait être construit rue Gassendi, rue qui se partage entre Plaisance et le Petit-Montrouge, au cœur du XIVe, à quelques dizaines de mètres de la mairie de l’arrondissement... Notons aussi que la campagne est orchestrée en fait par un Groupe d’études et de défense des intérêts généraux du Petit-Montrouge. De ces deux faits, il serait bien rapide de dire que Plaisance n’est concerné qu’à la marge et que l’opposition à l’hôpital franco-musulman laisserait indifférents nos Plaisanciens.
559Rappelons d’abord que Plaisance, avant la Grande Guerre, avait connu des formes mineures de xénophobie ou d’antisémitisme. Une certaine xénophobie était présente dans certains milieux d’artisans et ouvriers d’art sensibles à la concurrence des étrangers et/ou immigrés. Un certain antisémitisme était présent dans une partie du monde catholique (à commencer par l’abbé Soulange). Mais le quartier n’avait pas été antidreyfusard, loin de là, et bien moins que les quartiers « bourgeois » du XIVe auxquels nous avons pu le comparer.
560Rappelons aussi, comme nous l’avons vu plus haut, que le quartier, comme l’ensemble de l’arrondissement, n’est pas marqué par une forte immigration, même si, comme ailleurs à Paris, Italiens et originaires d’Europe centrale et orientale y viennent. Par ailleurs, une arrivée de Maghrébins, massivement algériens, se fait sentir. Toutefois nous n’avons pu repérer, ni en 1936, ni encore en 1954, de vrais ghettos même si quelques meublés accueillent plus volontiers les immigrés (comme les provinciaux). Cependant la visibilité des Algériens se fait sentir à l’extrême fin de notre période, comme le constate avec un peu d’inquiétude Anatole Jakovsky :
La rue Vercingétorix, « Vercin » pour les autochtones et les familiers [...], est devenue le fief des Nord-Africains. Partout, dans tous ses cafés, tout le long de la rue, on ne voit plus que d’étranges et malhabiles peintures représentant les minarets, les oasis, les palmiers et les forêts tropicales787.
561Revenons à nos échos racistes ou xénophobes des Échos. Ils sont rares finalement. Avec l’affaire des « Sidis » de l’hôpital, nous ne retrouvons que quelques allusions aux voleurs venus d’Europe orientale : « l’un des voleurs qui porte le nom bien français de Tarabovski788 ». Un porteur de revolver est nommé « Pierre Krutchoff (un nom bien français)789 ». Et lorsque, dans les années 1930, le journal évolue vers la droite dure, il ne reprend pas plus de tels propos.
562Il est alors difficile de conclure. Les propos racistes du journal paraissent très limités et tiennent à une conjoncture particulière. Toutefois cette expression, violente, signe tout de même une latence raciste dont nous ne pouvons connaître ni la profondeur ni ses espaces de prédilection. Peut-on aussi tirer une conclusion d’un épisode relevé dans les mains courantes de 1936 ? Le 27 avril, un client de 37 ans, demeurant 78 rue de l’Ouest, tient dans un café de la rue du Château, alors qu’il est légèrement pris de boisson, des propos qui sont dénoncés comme « extravagants » par le rédacteur de la main courante du commissariat. Il « n’aime pas les étrangers, ni les communistes » et il déclare que « le cafetier de la rue du Château est un salaud qui n’aime que les Juifs et qu’il va faire fusiller ». Des témoins estimant qu’il ne dispose plus de toutes ses facultés mentales, il est envoyé à l’infirmerie spéciale de la préfecture de police790. Ainsi, au cœur de Plaisance, un individu qui tient des propos antisémites se fait dénoncer (par un cafetier hôtelier et un comptable) et arrêter par la police. Pour autant faut-il faire du quartier un bastion antiraciste et non xénophobe ? Nous ne le pensons pas même si le peu d’antisémitisme manifesté aussi pendant la Seconde Guerre mondiale (cf. infra) tendrait à le confirmer.
563Des tensions se manifestent aussi dans les affaires qui opposent un étranger et un Français. Les affaires sexuelles ne sont pas négligeables. Une fillette, Henriette M., de 13 ans, demeurant chez ses parent, dans la zone, accuse un voisin, Umberto C, 36 ans, italien, maçon au chômage, marié sans enfants, de lui avoir montré ses parties sexuelles. Umberto nie, prétendant qu’il s’était arrêté pour uriner791. Y a-t-il une trace de xénophobie dans cette dénonciation qui n’a pas de suite ? A contrario, les affaires d’entôlage que nous avons évoquées semblent nombreuses à avoir concerné des étrangers masculins qui se font avoir par des filles françaises. Tout ceci signe certaines difficultés dans les relations entre immigrés, souvent masculins, et Françaises. Et lorsque Henri Calet note que dans l’immeuble en face de chez lui, rue de la Sablière, un Kabyle est en ménage avec une naine, chacun pourra mesurer l’ambiguïté du propos792... Sans compter le pittoresque de l’affaire de Clemento S., tailleur d’habits, qui, ayant quitté l’Italie il y a douze ans en laissant femme et fille, s’est mis en ménage avec une nouvelle femme dont il a quatre enfants793.
564Tout ceci ne doit pas masquer les difficultés de la vie des immigrés, qui ont souvent été étudiées par d’autres. Il y a les papiers perdus, il y a les expulsions794, les arrestations pour vagabondage795, les brutalités : H. G., un Italien de 59 ans, plongeur au chômage, porte plainte contre les violences qu’il a subies d’un garde vigile796. Et la misère ou le désespoir, conduisent, nous l’avons vu, certains au suicide.
565S’il fallait une conclusion, je parlerais volontiers d’une certaine indifférence à cette question des immigrés à Plaisance. Certes, il faut se méfier des mémoires, mais le silence absolu de tous les souvenirs de vie sur cette question prend sens. Peu présente et assez bien dispersée dans le quartier jusqu’aux premières années 1950, l’immigration n’est pas ressentie comme une question grave et ne suscite pas d’animosité. Toutefois la crise hygiéniste conduit à des propos publics violents contre les « Sidis » et un temps court d’inquiétude sécuritaire conduit à relever les consonances étrangères. Ceci atteste un certain champ des possibles, toutefois là encore moins sensible et suscitant des réactions antiracistes plus vives à Plaisance que dans les autres quartiers de l’arrondissement.
Vie fragile, mémoire fragile
566Dans les années 1940, Plaisance aurait pu fêter son centième anniversaire. L’époque ne s’y prêtait sans doute pas, mais le quartier a donc désormais une histoire.
567Les rapports d’un quartier parisien au passé ne sont certes pas limités au passé du quartier. Comme l’identité de quartier compose avec d’autres identités territoriales (Paris, la France...), la mémoire du quartier n’a sûrement jamais été exclusive de la mémoire parisienne ou nationale. Comme pour toutes les études de mémoires, il ne faut pas confondre non plus la mémoire visible (les bâtiments, les noms des rues, les cérémonies...) avec la mémoire invisible. Les modes de construction de la mémoire sont aussi multiples, même localement : la presse, les historiens locaux, les organisations... construisent une/des mémoire(s).
Prémisses : des noms de rues
568L’analyse des noms des rues de Plaisance nous introduira à ces questions complexes. De ces noms distinguons déjà deux grands types :
5691. D’abord les noms nouveaux donnés aux rues pendant la période qui nous concerne ici (1914-1958), soit par un changement de nom d’une rue (tout ou partie) ancienne, soit du fait de l’apparition d’une nouvelle rue (dans notre cas, ce sont surtout les noms des rues issues des ex-fortifs qu’il convient d’étudier). Ces noms révèlent ainsi une construction, en partie mémorielle, contemporaine de la période, le choix de mettre en valeur une personne, un événement... du passé. L’objectif se situe aussi dans le futur car il s’agit de faire durer cette mémoire, de lutter contre l’oubli attendu. Certains des toponymes choisis peuvent venir d’une demande du quartier plus ou moins partagée et qui devra être acceptée par les pouvoirs décisionnaires. Mais le plus grand nombre de cas vient d’une initiative du conseil municipal de Paris et des pouvoirs publics, qui doivent d’ailleurs trouver un accord entre eux. Dans ce cas il devient difficile de parler d’une mémoire locale mais on parlera plutôt de la mémoire nationale ou parisienne dans le quartier. Cependant le conseil municipal ne met pas les noms de rues n’importe où : il est difficile d’imaginer qu’il ait eu envie de mettre une avenue Karl Marx à Passy !
570Neuf noms de rues ont été changés dans la période. Mettons à part les deux cas de la rue Boucicaut, devenue Bourgeois en 1937 pour éviter un doublon, et du changement du nom d’un tronçon de la rue des Thermopyles en rue Olivier-Noyer pour des raisons de clarté de la voirie. Trois nouveaux noms sont ceux d’hommes politiques : en 1928 les rues Brodu, Chatelain et Schomer laissent la place à Maurice-Rouvier, Francis-de-Pressensé et Jules-Guesde. Tous trois sont des républicains laïques indiscutables, mais le premier est un modéré, le second un socialiste indépendant, fondateur de la Ligue des droits de l’homme, et le troisième le dirigeant national du POF, un des fondateurs du socialisme français, dans son courant marxiste. Alors que le conseil municipal de Paris est à droite, Plaisance, avec son conseiller municipal alors socialiste et sa tradition républicaine, est bien placé pour recevoir et admettre cette triplette républicaine, jusqu’à Jules Guesde. Deux nouveaux noms sont des noms de résistants, donnés dans l’immédiat après-Seconde Guerre mondiale. La section plaisancienne de la rue Mouton-Duvernet devient Maurice-Ripoche et, surtout, la rue principale du quartier, la rue de Vanves, devient la rue Raymond Losserand, du nom du conseiller municipal communiste du quartier, torturé par les nazis avant d’être exécuté.
571Restent deux cas. Un cas est très particulier, celui de la rue Pierre-Laval (nom donné en 1942 à la nouvelle voie, en lisière de Paris et qui longe Malakoff). Dès 1944, la rue est débaptisée et devient boulevard Adolphe-Pinard, du nom du fondateur de l’Institut de puériculture du boulevard Brune. Enfin la rue Julie devient en 1954 la rue de l’Abbé-Carton. Avec ce dernier exemple nous entrons dans les exemples des rues qui sont nommées en relation avec une demande locale. Le quartier des années 1870-1890 est reconnu dans le symbole de l’abbé catholique social et fondateur du Bon-Secours à la grande joie de la paroisse Saint-Pierre de Montrouge.
572L’autre cas significatif d’une demande locale est la rue Maurice-Bouchor, ouverte sur le bastion 76 en 1928. L’écrivain socialisant et animateur de l’Université populaire devient le symbole du Plaisance populaire et progressiste de la Belle Époque, la demande venant des milieux radicaux ou socialistes. Les autres voies ouvertes sur les anciens bastions n’ont que peu à voir avec le quartier sinon par la particularité du militaire. Les généraux de la Grande Guerre (Humbert, de Maud’huy), les officiers de la guerre du Maroc (Henri de Bournazel), les officiers techniques du xixe siècle dominent les îlots où habitent nombre d’officiers ou de sous-officiers. Mais le conseil municipal y a aussi casé deux écrivains peu connus, Prévost-Paradol et Georges Lafenestre.
573Au bilan, on est frappé du petit nombre de changements (assez classique à Paris), du très petit nombre de locaux connus (trois cas, Bouchor, Losserand, l’abbé Carton).
5742. Cette observation tient pour les noms de rues du deuxième type, c’est-à dire les noms de rue antérieurs à 1914 et conservés ensuite, qui sont largement les plus nombreux. Le plus frappant est l’hégémonie des propriétaires, de Baillou à Vandal. Et nombre de petites gloires signalées par la voirie le sont sans doute plus de ce fait que par leur gloire. Les généraux de l’Empire Guilleminot et Pernety, le jurisconsulte Caussin de Perceval, Henrion de Pansey et même le ministre de l’Instruction et spécialiste de littérature, le baron Villemain, étaient propriétaires dans le quartier.
575Nombre de noms sont des traces des activités anciennes (moulins et tour, quatre cas, briqueterie, sablière, omnibus, voire rue de l’Ouest, qui évoque la compagnie des chemins de fer éponyme) et de la verdure-culture (Plantes, Camélias, Jonquilles).
576On peut aussi encore suivre une évolution chronologique, des traces de l’Ancien Régime (Maine, Château, Liancourt, Maison Dieu, Suisses) à celles de l’époque fondatrice des lotissements des années 1840 (Plaisance, Thermopyles, Léonidas, Médéah), des traces de la période du Second Empire, qui a favorisé généraux et batailles (Mouton-Duvernet, Vandamme, Texel et, bien sûr, comme partout sur les boulevards extérieurs, un maréchal, Brune) et qui a aimé Rome (Alésia), à celles de la Troisième République d’avant 1914, laïcisation que nous avons déjà évoquée (de Giordano Bruno à Asseline et Édouard Jacques) ou patriotisme (Vercingétorix, Gergovie), sans compter les traces d’événements locaux comme les aéronautes tombés (Sache, Sévero et, par extension, Crocé-Spinelli).
577Enfin érudits-libraires complètent ce tableau (Didot, Du Cange, Pierre-Larousse) avec de rares artistes (Daguerre et Niepce797 pour l’invention de la photographie et Hippolyte Maindron, unique artiste plasticien).
578De cette énumération on doit retenir aussi qu’il n’y a guère de grands noms de notre histoire nationale, excepté sans doute Vercingétorix et Jules Guesde. La dominante reste celle des propriétaires locaux et, dans une certaine mesure, que la rue principale du quartier, la rue de Vanves, ait longtemps gardé ce nom souligne le fait d’une voirie modeste par ses noms. La question restant posée de savoir s’il s’agit d’un souhait implicite des habitants que de conserver ces dizaines de noms anonymes ou s’il s’agit d’une marginalisation du quartier par le conseil municipal et les pouvoirs publics, qui n’auraient jamais vu l’intérêt de donner aux petites rues de Plaisance les noms de personnalités de premier plan. La réponse ne saurait être à l’examen des toponymies dont il est par ailleurs presque impossible de mesurer l’influence sur la mémoire collective des habitants d’un quartier.
Deux mémoires ?
579En 1914, le quartier n’avait, ce qui se concevait bien, qu’une mémoire balbutiante. La Commune de Paris, qui avait été la mémoire chaude du quartier jusqu’en 1900 (en positif ou négatif), tendait à laisser la place à une mémoire plus légère où la nostalgie du premier Plaisance commençait à s’affirmer.
580La période qui nous concerne ici ne dément pas cette évolution tout en la nuançant sensiblement. Car on peut noter un partage sensible de la mémoire en deux groupes. Chacun de nos émetteurs, avec plus ou moins de rigueur chronologique, présente le temps du Plaisance des guinguettes. Puis une divergence se fait sentir. Pour les uns, la construction du quartier est montrée négativement et, finalement, sans forcer la note, on a le sentiment que Plaisance n’a pas d’histoire ou si peu. Pour les autres, le Plaisance populaire du xixe siècle et du premier xxe siècle mérite au moins un sentiment de sympathie avec de nombreuses différenciations fines. Après la Seconde Guerre mondiale, il apparaît nettement que le premier de ces deux modèles l’emporte.
581Glissons rapidement sur certaines erreurs qui eurent toutefois la vie longue. Encore en 1956, le bulletin du comité des fêtes de l’arrondissement798, publiant une histoire des quartiers, fait du Château (de la rue du Château) « un pavillon de chasse appartenant au duc du Maine ». Cette légende fait plaisir tout en accentuant l’image du Plaisance charmant d’avant...
582Le premier temps mis en valeur est celui du xviiie siècle et des cabarets et folies où venaient nobles et filles799. C’est aussi le temps des chasses et des chasseurs800, des conflits des promeneurs et des fermiers801. Il y a aussi le temps des bals, lorsque la barrière du Maine fut édifiée à la veille de la Révolution ; et estampes ou dessins du début du xixe siècle sont abondamment présentés802. Le plaisir de chanter, de bien manger des plats « de goujon et de lards aux choux803 » sur la chaussée du Maine, « terre classique de la ripaille804 », revient aussi fréquemment
583Le moulin fait partie des références les plus récurrentes. Le Moulin des Trois Cornets ou janséniste, le moulin de Beurre, le moulin de la Galette805 : « Il existait aussi un vieux moulin : le moulin de Beurre806. »
584Les auteurs s’étendent longuement sur le temps héroïque de la mère Saguet, des artistes, écrivains, chansonniers qui s’y pressaient avec plaisir807. Lucien Descaves, écrivain très connu alors, évoque aussi ce cabaret et le temps heureux des Béranger et des joies bachiques dont lui aurait parlé son père :
585Je me rappelle que mon père, dans nos promenades, me montrait barrière du Maine, rue du Moulin de Beurre [aujourd’hui rue du Texel], le cabaret fréquenté par lui et les jeunes artistes de sa génération808.
586Le territoire n’est souvent pas dissocié de Montparnasse et de la rue de la Gaîté809. Mais les cabarets ne sont pas qu’à la proximité de la barrière et un article présente celui qui aurait existé en 1804 à la proximité du futur pont des Bœufs, décoré d’une prairie avec un bœuf, avec un petit ruisseau et un clocher810. Ainsi « à son nom [Plaisance] s’attache une idée de guinguettes811 ».
587La dimension agricole est aussi représentée avec les pépinières812 ou les fermes comme celle du Moulin de Beurre, qui aurait fonctionné jusqu’en 1881813. Mais l’existence d’un peuple dont les conditions de vie sont très dures est très rarement évoquée sinon par une allusion aux chiffonniers et chiffonnières de la barrière du Maine, « le croc au poing814 », ou aux carriers815.
588Les souvenirs des plus anciens, remontant aux années 1860, donnent à voir généralement ce paysage idéal :
L’Avenue du Maine n’était pas bâtie ; cela permettait à des marchands de vin d’avoir des jardins et des bosquets où les dimanches après-midi les familles venaient faire des parties de tonneau ou de balançoire816.
589Ainsi historiens locaux, écrivains, journalistes, essayistes convergent pour présenter abondamment une mémoire du Plaisance vert, joyeux, un pays rural fréquenté par les nobles, les artistes ou les familles endimanchées. Un Plaisance libre et sans misère.
590Ce Plaisance, assez naturellement, les auteurs n’en distinguent pas aisément le terme et chacun le fixe à l’aune de son sentiment. Pour certains, dès l’arrivée de Chauvelot, dans les années 1840, le quartier se gâte. Pour d’autres, le processus est plus tardif et commence autour de 1870. Il est achevé pour tous en 1898 lorsque le dernier lambeau du château dit du Maine est vendu à une compagnie des transports qui y installe son dépôt moderne et électrifié.
591Nombre d’auteurs convergent vers l’idée que cette évolution est nocive, que Plaisance fait désormais mauvaise figure et, pis, ne peut avoir de vraie mémoire. Plaisance sans histoire, au mieux une préhistoire. Ce mode mémoriel culmine dans les années 1950.
592« On y [Plaisance] chercherait en vain de vieux souvenirs817 », cette formule résume bien ce Plaisance qui n’a pas ou à peine de passé. Après avoir évoqué le temps de la mère Saguet, Gilbert Perroy, le maire du XIVe et fondateur de la Société historique, voit en Plaisance un quartier « dénué de cachet historique818 ». Un lien est établi entre ce sentiment d’absence d’intérêt historique de Plaisance et la construction du quartier en lotissements miséreux par Chauvelot : les rues anonymes « ne nous disent plus rien », les maisons toutes semblables ont été « construites à la même triste époque d’un lotissement destiné à une population très pauvre ». En 1951, évoquant le Plaisance des Pasquier de Georges Duhamel (le roman de Duhamel évoque les années 1890), l’érudit – bien discutable – René Héron de Villefosse ironise sur « la rue du Château – personne n’a jamais su lequel » et fait de Plaisance un « sol sans légendes, une terre sans monument819 ». André Salmon, lui, parle des « murs sans joie » de Plaisance avant l’arrivée des artistes dans les années 1930820.
593Examinant la nomenclature des rues du quartier, Henri Calet constate aussi que Plaisance n’a pas « les avenues aux grands noms d’une gloire militaire ou esthétique durable » et que les grands noms, « c’est plus exaltant que : rue Hippolyte Maindron ou rue Brézin. Qui étaient-ils ces bonshommes là821 ? ». Ainsi Plaisance n’ayant ni beau monument, ni grand toponyme, ni souvenirs intéressants (après les lotissements) est un quartier mémoriellement pauvre, comme il l’est socialement.
594Cette conception, devenue dominante dans la mémoire, qui s’exprime dans les années 1950, était sensiblement moins marquée dans l’entre-deux guerres où, avec des nuances, fonctionne l’image plutôt positive d’un peuple de Plaisance. Les Trois Monts, qui pourtant ne consacre pas beaucoup d’articles à Plaisance, rapporte avec plus de sympathie la vie et l’œuvre de Chauvelot, sa volonté d’agir pour la santé des pauvres, sa visée de créer des constructions sociales positives que traduirait bien son choix du nom du quartier : « Par ses soins le nom de Moulin de Beurre, d’origine féodale, fut changé en celui de Plaisance, plus vrai et plus euphorique822. »
595L’esprit même de ces constructions par et pour le peuple dans ces petits lots est particulièrement défendu par Marius Boisson, qui met longuement en valeur la construction de sa maison par le Robinson de Plaisance, Pernot, dans les années 1840 et 1850823. La morale du travail (« Travail, courage et patience » était gravé sur sa maison), l’indépendance, le goût de la petite maison sont les qualités attribuées ainsi à ce premier peuple de Plaisance, celui du xixe siècle. Les Trois Monts aussi évoque cette construction824. Jean-Emile Bayard, lui, évoque la tradition démocratique et égalitaire du quartier des années de la Seconde République825. Thématique reprise par la deuxième société historique de l’arrondissement, qui rappelle l’action des Plaisanciens en 1869 pour obtenir le prolongement de la ligne d’omnibus jusqu’à la porte de Vanves par une pétition826. La tradition coopérative du quartier est encore évoquée par Les Échos en 1927, qui consacre un article aux fondations des coopératives des ouvriers boulangers en 1877 et des ouvriers en instruments de précision en 1872827.
596Cette vision d’un bon premier peuple de Plaisance, autour des années 1840-1870, connaît des inflexions à propos de la période de l’avant 1914. Pour Marius Boisson, une trop grande modernité se serait manifestée à la Belle Époque, qui aurait gâché quelque peu l’esprit du quartier où il avait vécu avant 1914. Ce serait surtout le cas de l’art avec la vive dénonciation qu’il fait du Douanier Rousseau, en qui il voit, nous l’avons dit, « un nigaud, insignifiant », au bas mot, mis en vedette par des intellectuels étrangers à Plaisance. Le succès de ce mystificateur primaire dont la peinture mérite seulement les Puces, témoigne des pires aspects du progrès, et de la perte du « sens de la perfection828 ». L’écrivain plaisancien sans succès manifeste ainsi une certaine aigreur, sans doute partagée par des artistes du quartier829. Mémoires du ressentiment, qui prolongent celles que nous avions vu s’amorcer à la veille de la Grande Guerre.
597D’autres, au contraire, continuent à présenter un peuple de Plaisance sympathique, chaleureux, sociable, actif, citoyen sous la Troisième République. Dans ses souvenirs, l’ancien député radical Messimy évoque dans le Plaisance de la Belle Époque, le prototype du « peuple de Paris », d’un peuple compréhensif, ouvert, émotif, « sensible au langage de la raison » et prêt à agir pour toute cause « juste, généreuse et noble ».
598Le souvenir de Maurice Bouchor et de l’Université populaire du XIVe est aussi évoqué pour rappeler l’esprit (idéalisme et vivacité) du peuple de Plaisance, « le succès des lectures populaires de Bouchor et de l’Université populaire, l’immense vague d’idéalisme de 1900 l’attestent pleinement830 ». Une campagne réussie est lancée par Fayola-Augereau et le conseiller Grangier pour que le nom de Maurice Bouchor soit donné à une des nouvelles rues créées sur les anciennes fortifications. Et l’adéquation avec Plaisance est bien soulignée : « le quartier de Plaisance qu’il aimait à fréquenter et où nombreux sont encore ceux qui ont gardé le souvenir de ses charmantes causeries populaires831 ».
599La dernière trace de cette approche du peuple plaisancien de la Troisième République, nous l’avons retrouvée chez Georges Duhamel, dans cet essai que nous avons déjà cité où il visite le quartier des Pasquier pendant l’Occupation. Il approche là l’image humaniste du gamin de Paris :
Il existait, rue Vandamme, une maison en retrait, et le bitume du trottoir, soudainement élargi, était propice aux jeux des gamins. En 1931, on pouvait encore admirer cette plage nette et spacieuse. Jean Roubier, photographe insigne, en avait, à ma prière, pris un cliché qu’il doit conserver dans son iconothèque. Ce magnifique terrain de jeu ne se voit plus aujourd’hui832.
600Cette mémoire du Plaisance populaire portait aussi sur la Commune de Paris, si vive à Plaisance. Nous savons qu’elle continue d’être célébrée par la 14e section du parti socialiste même pendant la Grande Guerre. Ainsi, le 6 juin 1915, une délégation de 12 membres conduite par Bracke va au cimetière Montparnasse déposer une couronne que la police fait retirer833. Nous retrouvons encore des manifestations de cette commémoration dans l’entre-deux-guerres. Ainsi le parti communiste aurait réuni 1 000 personnes au cimetière en 1933834. Une dernière trace de l’ancien communard Martelet figure dans les souvenirs de Messimy parus en 1937. Ensuite, il semble que la mémoire locale de la Commune s’affaisse au profit de la seule mémoire parisienne au mur des Fédérés du Père-Lachaise, même s’il arrive qu’un journal communiste y fasse exceptionnellement allusion835.
601La mémoire du Plaisance catholique social, du territoire privilégié des œuvres à la fin du xixe siècle, devient aussi bien médiocre. La transformation de la rue Julie en rue de l’Abbé-Carton en 1954 est l’occasion de rappeler l’œuvre du curé de Saint-Pierre de Montrouge, fondateur de Notre-Dame-de-Bon-Secours836. En 1930, Notre paroisse rappelle la création des œuvres du Rosaire dans les années 1880 et 1890 par l’abbé Soulange et son successeur l’abbé Boyreau, et l’érection en paroisse de Notre-Dame-du-Rosaire en 1911837, en insistant sur l’évangélisation de la classe ouvrière.
602Ainsi donc deux mémoires de Plaisance circulent en parallèle : toutes deux partent du Plaisance des guinguettes d’avant 1840, période souvent confondue avec celle qui va de 1840 à 1870. Puis elles divergent sur la suite, pour l’une Plaisance n’a ensuite pas d’histoire ou une histoire pauvre de pauvres, pour la seconde Plaisance s’inscrit dans une histoire populaire. La première l’emporte sensiblement dans les années 1950 alors que la seconde semble disparaître.
603Ces mémoires plaisanciennes sont le fait d’auteurs assez disparates où prédominent essayistes et publicistes. La vie des sociétés d’histoire locale témoigne aussi, à deux niveaux, de la difficulté à construire cette mémoire du (quartier. D’abord ces sociétés sont fragiles. La société d’histoire de Montrouge, fondée avant la Grande Guerre, est balayée par celle-ci, la société Les Trois Monts, société d’histoire du XIVe arrondissement, fondée en 1927838, connaît bien un développement rapide (160 adhérents en 1928839, 313 en 1930840), publie une petite revue mensuelle, mais peine à survivre à la crise. La revue se transforme à compter de 1932 en une lettre d’information. La société disparaît avec la Seconde Guerre mondiale. C’est seulement en 1954-1955 que la Société d’histoire du XIVe arrondissement est reconstituée par le maire de l’arrondissement, Gilbert Perroy, qui lui accorde un fort soutien.
604Cette fragilité des sociétés historiques est redoublée pour Plaisance par la part médiocre qu’y prend le quartier. Le nom bien symbolique de Trois Monts adopté par la société du XIVe en 1927 évoque Montparnasse, Montrouge et Montsouris, trois des quartiers de l’arrondissement, mais élimine tout simplement Plaisance841 ! Quinze des vingt-trois numéros de la revue n’évoquent pas du tout Plaisance, auquel un seul article est vraiment consacré en cinq ans. Il en va de même pour la société d’histoire recréée en 1954 dont les premiers numéros ignorent totalement Plaisance avec l’exception ambiguë de l’article de Perroy (Plaisance n’a pas ou peu d’histoire après 1840). Ce qui intéresse alors ces sociétés, ce sont surtout les grands hommes (Chateaubriand, Balzac...), les grands monuments (Observatoire, Saint-Vincent-de Paul...).
605Parmi les auteurs qui, à la Société historique, dans la presse ou dans de petites publications, évoquent Plaisance, citons tout de même A. L’Esprit, passant de l’arrondissement comme il y a des passants de Paris, le gardien de la paix Philibert Biollet, qui candidate en 1954 à un prix de vertu de l’Académie française842, et Fayola-Augereau.
606La personnalité de ce dernier nous permet d’aborder la question difficile de la transmission et de l’appropriation de la mémoire locale. Le collaborateur des Échos est, en effet, le fils d’un entrepreneur de peinture qui avait fondé son entreprise en 1874843 et petit notable local. Fayola-Augereau devient un passeur de mémoire, qui souhaite articuler passé, présent et avenir en se présentant au nouveau conseiller municipal comme le vrai connaisseur du quartier du fait de son ancienneté :
Nous sommes né et nous avons grandi dans ce quartier [...] Nous avons à Plaisance des amis, de ces vieux amis fidèles et sûrs qui donnent prix à la vie [...] Nos savons [donc] ce que veulent les habitants de ce quartier844...
607Ce témoignage des anciens se retrouve aussi dans la signature de certains articles sur le passé du quartier par un « Vieux Gavroche845 », qui parle de ses souvenirs de « gosse » regardant passer les trains dans les années 1860. Les souvenirs ou les références au passé peuvent fabriquer continuité ou discontinuité. La continuité structure certaines activités, certaines fidélités comme ces publicités qui soulignent l’ancienneté d’une boutique : « 1877-1927 – Cinquantenaire de Harry, chapelier 80 avenue du Maine846 ».
608Mais au fond, avec la nostalgie naturelle du temps qui passe, le mot « vieux » devient tout de même une caractéristique sémantique des discours. Anciens d’un quartier ancien : « Dans mon vieux quartier de Plaisance », peut poétiser R. Benoit, poète local, en 1956847 ; on évoque « la vieille rue de Vanves848 » ou « cette vieille auberge » du Cheval Blanc : « Qui (en) donnera une photographie à la commission du Vieux Paris849 ».
609Ce désormais nouveau vieux quartier n’a toutefois pas d’histoire digne d’être légendée, ou digne d’un récit d’historien dans les années 1950. Signe d’une mémoire fragile dans ce quartier fragile. Cependant, à côté de la mémoire exprimée, nous pouvons nous interroger sur la mémoire intime. Ce que dit Lucien Descaves en 1930 sur les promenades avec son père, autour de 1870, qui lui raconte ses souvenirs des années 1850 n’est-il pas présent dans d’autres familles, en particulier dans les familles populaires ? Un bon indice en est la richesse, que nous avons souvent utilisée dans ce livre, des récits familiaux de Plaisanciens recueillis et publiés par la Société archéologique à compter des années 1970. Ils nous montrent toute la transmission orale qui remonte aux années 1870 dans ces familles. Ainsi existait bien, avant que ces mémoires populaires deviennent légitimées ou sollicitées, une mémoire familiale, privée, qui s’est transmise, et que traduit aussi, sans doute, l’attachement que nous avions noté aux noms des anonymes dans la voirie.
610Notons enfin, et ce n’est pas rien, que le PCF plaisancien accorde peu d’attention à la mémoire locale. Si l’on excepte la courte période des années qui suivent la Libération où il agit pour que le souvenir de la Résistance soit présent par la voirie et les plaques, on trouve peu de choses alors même que le PCF est le vecteur d’une très importante mémoire parisienne et nationale.
Rénovation : premiers projets. Destructions : premières alertes
611Il n’y a pas de chronologies pures, et toute période comprend des traits de la période précédente qui perdure et des anticipations de la période qui suit. C’est le cas ici.
612De grands projets d’aménagement de l’îlot insalubre furent présentés avant 1939, comme la réalisation de la Cité internationale des arts et de la pensée850. Cet énorme projet, voté par le conseil municipal en 1934, prévoyait la destruction totale du quartier entre l’avenue du Maine et la rue d’Alésia, entre le chemin de fer et la rue de Vanves, la construction d’une immense salle de conférences, de musées, de bibliothèques, de logements pour intellectuels et artistes et pour le relogement des habitants, d’un groupe scolaire, d’un square, de commerces... Le projet est soutenu par toutes les forces politiques et syndicales. La CGT y voit un outil de lutte contre le chômage dans le cadre de la politique des grands travaux851. Le conseiller Salom, dénonçant aussi les 450 à 500 morts annuels de tuberculose dans l’îlot, souhaite que « Plaisance et Paris soient le phare de tous ceux qui recherchent la prospérité dans le travail » et qu’ainsi Paris redevienne « le centre intellectuel et artistique du monde852 ». Son successeur, Léon Mauvais, défend aussi le projet tout en demandant « que les immeubles de relogement soient vraiment à la portée des bourses des travailleurs853 ». Beaucoup des éléments du débat des années 1960 et 1970 sont ainsi déjà là : démolition des habitats insalubres associés à la lèpre urbaine ; Plaisance comme fer de lance de la modernisation et de la rénovation de Paris et devenant prolongement d’avant-garde de Montparnasse ; question du relogement des habitants... Le projet ne verra finalement pas le jour à cause du manque de moyens.
613Cependant, du fait des opérations de modernisation, encore limitées alors, Plaisance connaît déjà des destructions de maisons suivies d’éventuelles reconstructions et accompagnées d’un temps flou de terrains vagues854, ruines et traces. Les quatre principales opérations furent, par ordre croissant d’importance, l’achèvement de l’élargissement et de l’alignement du boulevard Brune (côté opposé aux fortifications et habitats collectifs), les destructions, rue de Vanves et rue Niepce, en vue de la construction du métro (autour de 1930), les destructions, rue Vandamme, avenue du Maine, en vue de l’agrandissement de l’emprise de la gare Montparnasse (entre 1937 et 1942), et la destruction des habitats permanents de la zone (sous Vichy, vers 1942).
614La destruction par expropriation au profit de la SNCF de la partie de la rue Vandamme donnant sur la rue du Château (et de l’impasse Vandamme) et de certains immeubles de l’avenue du Maine posa pour la première fois la question de la sauvegarde de traces du passé, en particulier par la photographie. Pour la première fois aussi une nostalgie se manifesta pour un espace bâti typiquement populaire et plaisancien.
615Le peintre Vlaminck, qui fut touché par ces destructions (il habitait tout près de la gare, mais pas à Plaisance), le dit bien dès 1951 : « Tout a disparu, tout a été démoli, rasé à partir de la loi d’expropriation de la SNCF855. » La SNCF semble avoir été sensible à ces questions puisque les archives de sa région ouest conservent une collection de photographies, prises dans les années 1940, de la rue Vandamme, de l’avenue du Maine et alentours. Ainsi le 54 avenue du Maine, siège de l’Académie russe et d’une revue russe d’art, fut photographié avant sa destruction. Georges Duhamel est heureux qu’un ami photographe ait sauvé une image des jeux d’enfants impasse Vandamme856. Des prémisses de cette volonté de sauver des traces du passé s’étaient manifestées dès l’avant Seconde Guerre mondiale, quand A. L’Esprit demandait la photographie de l’auberge du Cheval Blanc ou que Les Échos publiait la photographie du dernier vestige des fortifications, porte de Châtillon857.
Vie et mort de la zone
616La destruction de la zone mérite un détour. Cette œuvre vichyste d’éradication d’un lieu peuplé des plus pauvres et des plus marginaux du quartier peut être pensée comme propre à Vichy ou/et comme vraie anticipation des destructions des années 1958-1980.
617Nous avons souhaité ne pas parler dans ce livre de la zone avant son annexion par Paris en 1925, car il y aurait artificialité à l’évoquer dans un livre sur un quartier parisien. Rappelons cependant que cette partie de Vanves, puis de Malakoff, avait été dans les années 1860 un des lieux de plaisir parisien lorsque le toujours habile Chauvelot y installa des établissements divers, dont le plus célèbre et le plus pittoresque fut la tour Malakoff. Chauvelot y établit aussi un grand ensemble de lotissements, appelé La Nouvelle Californie, épicentre du futur Malakoff. Le tout fut fort abîmé pendant le siège de 1870 et 1871.
618Mais des habitations, plus ou moins légales et tolérées par l’armée, se maintinrent ou se bâtirent de l’autre côté du fossé des fortifications, des voies poussiéreuses furent tirées858 et une vie durable s’installa.
619Les zoniers, toujours inquiets de leur sort, furent absorbés par Paris en 1925. À vrai dire, leur séparation d’avec Malakoff n’était pas sensible du tout au point de vue de la voirie. Un promeneur de 1928 ne cesse de passer du XIVe arrondissement à Malakoff au gré des sinuosités des allées, rues, chemins, sentiers859.
620Nous avons vu, à l’étude du recensement de 1936, que cette population était la plus misérable (mais tous les habitants n’étaient pas des marginaux) d’un quartier déjà pauvre. Sur la zone, Simone Arsicaut a vu « une famille dans un autobus désaffecté couchant les plus petits dans des caisses d’oranges vides ». Ailleurs, un arbre passe par le toit d’une baraque. Évidemment, il n’y a nulle part ni eau, ni gaz, ni électricité860. Des baraques miteuses peuvent se dissimuler dans « des jardins jalousement fermés au regard par d’épaisses haies de verdure861 ».
621Les zoniers firent des efforts sensibles pour s’intégrer à la population du quartier, participant à certaines fêtes, accueillant dans de maigres auberges les promeneurs du dimanche. Le cortège des automobiles « complètement garnies de fleurs naturelles, ces merveilles de nos champs et de nos jardins que les zoniers avaient étalées à profusion » en mai 1927 est admiré par les Plaisanciens862. Léon Brachev se souvient d’une « guinguette » sur la zone dans les années 1930, environnée de « la cour des gitans : sur trois côtés des cabanes de torchis de plâtre recouverts de tôle ondulée », des buissons de la rue de l’Amérique-du Nord, des cahutes mal abritées et des allées de terre mais où se manifestait la « splendeur de l’automne rougeoyant863 ». En ce sens, la zone et « son berger » qui fournit du « lait et du fromage864 » aux Plaisanciens participent de l’image du Plaisance nature : « La porte de Vanves c’était notre dimanche à la campagne. On voyait des hirondelles au-dessus des jardins maraîchers865. »
622Les zoniers, organisés dans l’ancienne section de Malakoff de la Ligue des zoniers, tentent aussi de participer à la vie civique du quartier. Certains adhèrent au Comité d’hygiène et de défense du quartier de Plaisance en tentant d’en faire un allié contre les expropriations annoncées866. Des actions ont lieu en direction des élus, avec succès, pour faire installer une borne d’eau potable avenue de la porte de Vanves867.
623La zone n’apparaît ainsi pas autant un espace criminel, après 1925, que du temps des fortifs. Elle continue à inquiéter, mais souvent des confusions s’opèrent. Ainsi Fayola-Augereau dénonce un repaire de « malandrins » sur des terrains vagues vers la porte de Châtillon en 1930, mais il s’agit des terrains résiduels des destructions des fortifs non encore reconstruits et non de la zone868. Les mains courantes montrent peu d’affaires la concernant ou s’y passant, alors que les habitats collectifs de la porte de Vanves apparaissent déjà plus souvent. Mais la zone et les zoniers restent un espace social et un territoire propices aux images du crime. Il est vrai que Landru avait son garage dans ces limites incertaines de la grande ville ! « Vers cinq heures l’hiver, il faisait nuit. On marchait très vite dans le chemin qui serpentait au milieu des cabanes de planches et des baraques en tôle. On avait peur... On disait que le Petit Chaperon rouge habitait porte de Vanves869. »
624À la limite des ex-fortifs et de la zone s’installent les puces, qui ajoutent au folklore local avec leurs « biffins » et leurs revendeurs incertains, très photographiés par les photographes humanistes.
625La zone fut rasée en 1942-1943 par Vichy, épisode encore très peu connu de l’histoire parisienne870. On ne sait ce que devinrent ses habitants.
626Elle devint ensuite, au pied des grands habitats collectifs, une sorte de vaste terrain vague sur lequel vivaient des nomades, des clochards, des gitans, au milieu des ruines (ils ne sont pas recensés par le recensement de 1954...) : « Un no man’s land de terrains vagues aux allures de campagnes bordait l’avenue Maurice d’Ocagne (vers 1950) ; les herbes hautes abritaient des clochards871. » Puis ce terrain se remplit progressivement et lentement d’équipements sportifs (stade Jules Noël), scolaires (école Maurice d’Ocagne), au début en constructions sommaires et provisoires. La zone connaîtra son jour de gloire avec la construction du lycée François Villon. La séparation d’avec Malakoff est mieux marquée par un espace non bâti (où s’édifiera le boulevard périphérique) et une rue, le boulevard Adolphe-Pinard.
Une esthétique de la destruction ?
627Avec ces destructions réapparaissent les sentiments ambigus des artistes et écrivains devant ces espaces indéfinis que sont les terrains vagues, ruines, brèches... Ils constituent des espaces de liberté et des lieux qu’une esthétique de la marge et de la destruction peut investir en même temps qu’elle dénonce. Un très beau texte d’Henri Calet peut nous introduire à ce sentiment. Lors de l’Exposition universelle de 1937, l’écrivain populaire et quelque peu misérable avait obtenu d’un copain une carte d’invitation qui lui fut ensuite supprimée :
Après que nous avons été dépossédés de notre carte d’invitation à l’Expo, nous sommes allés tous les soirs dans ce secteur de l’arrondissement qui était en démolition – il l’est encore – du côté de la rue Vandamme, à deux pas de chez nous, en bordure de la ligne du chemin de fer de l’ouest. Nous étions là parmi des ruines anticipées, si je puis dire, avant les bombardements véritables. Par une trouée, nous avions une large perspective sur l’exposition. La tour Eiffel était rougie à blanc. C’était tout bonnement féerique. Pas de gardien soupçonneux, ni rien à débourser872...
628Tout y est, la liberté, la beauté, la perspective, la ruine, la tragédie. Une esthétique et une éthique. Un paysage singulier et mi-sauvage, mi-urbain, qui échappe à la norme des urbanistes et à la géométrie des architectes.
629Avec plus de nostalgie, Georges Duhamel semble nous dire autre chose, mais exprime une même sensibilité lors du récit de sa promenade des ruines, rue Vandamme, en 1942 :
Une heure durant, j’ai croisé devant l’entrée de l’impasse Vandamme Elle n’existera bientôt plus que dans mes rêveries et mes livres. Les maisons qui la formaient sont, dès maintenant, désertées. Toutes fenêtres béantes, elles montrent, avec impudeur et désespoir, l’intérieur des chambres vides où l’on voit la place des meubles, l’encoignure des lits, la tache à rebours des cadres. On entend dans la substructure besogner les démolisseurs873.
630Continuons cette visite du Plaisance mourant par ces vers de France Lambert, publiés dans Les Échos en 1926 au vu d’une maison abandonnée :
Papiers peints déchirés, à des drapeaux en berne
Vous ressemblez un peu, vus ainsi du dehors
Taudis où ne vit plus dans une gaze terne
Qu’une araignée obèse et des moucherons morts874.
631Et achevons-la par ces sentiments de Léon Brachev et de Henri Calet se rappelant la zone rasée en 1942-43 :
La zone rasée apparaissait, sous la neige, entre les platanes et, sur leur terrasse, les roulottes des nomades étalaient des couvertures de couleurs fanées comme une estampe de Vuillard875.
Il n’en reste rien qu’un paysage de ville anéantie. C’est vide et plat. De loin en loin un tas de pavés. Les rues sont tracées seulement. Deux rangées de platanes ébranchés et tronqués qui ont l’air de madriers plutôt que d’arbres, quelques touffes d’herbe pâle dans le mâchefer, il n’en faut pas plus pour nous faire divaguer876...
632En 1937, Jacques Audiberti conclut un article sur Plaisance par ces mots : « Partout des percées sont prévues ici, et des destructions877. » Cette anticipation de vingt ans sur les opérations massives de destruction du quartier aurait pu s’accompagner, au regard des premières destructions que nous avons étudiées, d’une perception de ces signaux d’alarme. Si la destruction fondait une esthétique, c’était celle de la douleur. Qu’en serait-il lorsque le quartier serait affecté plus profondément ?
Plaisance sous Montparnasse ?
633Il est temps de conclure ce long chapitre en revenant au territoire. Au xixe siècle, Plaisance fut longtemps ce quartier marginal de Paris, déshérité, presque encore une banlieue malgré l’absorption de 1860. Si ce sentiment commence à diminuer avec la construction du Plaisance catholique ou du Plaisance des œuvres, ou du Plaisance républicain et socialiste, il restait fort en 1914.
634Cette vision se manifeste encore dans les années 1920. Plaisance est « si injustement laissé, depuis des années, loin des rythmes de progression de la Capitale878 ». Nous avons vu le sentiment d’injustice au regard de l’absence de squares879.
635Toutefois, ces expressions se raréfient encore dans les années 1930 et un vieux Plaisancien comme Fayola-Augereau se réjouit de l’amélioration de l’équipement du quartier et lui prédit une grande prospérité880. L’idée que Plaisance devient un quartier parisien se manifeste chez nombre de ses habitants : Plaisance, « un bon vieux coin de Paris », poétise R. Benoit en 1956881. Des descriptions du paysage découvrent un paysage plaisancien parisien unifié, reproduisant des images courantes de la capitale. De son huitième étage de la rue de la Sablière, Henri Calet voit « les dômes, les flèches, les coupoles, les cheminées d’usine, les toits, le gris du zinc et de l’ardoise et des fumées ou des brouillards882 ».
636Tous ne partagent pas cette fusion de Plaisance et Paris et marquent une différence. Ainsi Georges Duhamel, après sa promenade à Plaisance, écrit : « Puis comme une bête marine qui retrouve la pleine eau, j’ai plongé dans Paris883. »
637Mais si Plaisance perd de sa césure d’avec Paris, que lui reste-t-il qui lui permettrait identité(s) ou reconnaissance(s) ? D’autant que le quartier vit une symbiose accentuée avec les quartiers parisiens voisins. Avec le XVe arrondissement, par exemple, la symbiose socio-économique est particulièrement sensible. Microsymbiose comme celle de la tante de Georges Brassens, rue d’Alésia, mais travaillant dans une épicerie de la rue Castagnary884. Symbiose plus sensible lors de la grève des métallurgistes de juin 1919, puisque les grévistes des quatorzième et quinzième arrondissements (voire du treizième) se réunissent souvent ensemble, gymnase Vandamme et gymnase Huyghens885.
638Toutes proches, aussi, la rue de la Gaîté et Montparnasse attirent comme avant une foule de Plaisanciens, surtout jeunes, qui viennent le soir s’y distraire886. La fillette Descotils y va au cinéma dans les années 1910887 et, quarante ans plus tard, le jeune Régnier, du « 156 », se plaît à aller au célèbre Cinéac, près de la gare888. Il y a aussi les liens familiaux comme ceux du jeune couple Diard, de la rue Vercin, avec ses grands-parents boulangers dans la rue de la Gaîté889.
639Plaisance quartier parisien pourrait aussi perdre de son identité avec une intégration dans son arrondissement, le XIVe. L’arrondissement dispose avec la mairie et son infrastructure administrative d’une force de frappe symbolique et politique évidente. Et le seul vrai journal local de l’entre-deux-guerres, Les Échos du XIVe, occupe ce territoire, fabriquant du XIVe, même pour les voleurs, nous l’avons vu, alors que Plaisance ne dispose plus de presse propre durable. Des indices vont dans le sens d’une quatorziémisation de Plaisance. Ainsi l’éphémère La Commune libre de Plaisance devient La Commune libre du XIVe après un an d’existence890.
640On le voit, ces sollicitations symboliques diversifiées tendent à minimiser une image propre de Plaisance. Mais Plaisance a d’autres réseaux que parisiens. En particulier, sa contiguïté de la banlieue et, en tout premier lieu, de Malakoff, continue de situer le quartier dans un espace plus complexe. Il y a des liens là encore au quotidien. Aller « à Vanves où un fermier ami avait tué et préparé la veille au soir cinq magnifiques lapins blancs » en 1938 évoque des liens familiers891. Les liens familiaux892, les migrations quotidiennes893, les déménagements894 tissent une histoire commune du Sud parisien. Dans cette histoire, il faudrait faire une part plus grande aux migrations vers la banlieue des militants communistes, qui commencent dès l’entre-deux-guerres et s’accentuent après la Seconde Guerre mondiale.
641Enfin, il convient de faire la part, essentielle au niveau des représentations, des liens symboliques de Montparnasse et de Plaisance où s’exprime l’impossibilité de Plaisance à effacer le Montparnasse artistique comme marqueur symbolique dominant, voire hégémonique. La République du Montparnasse a beau avoir son siège à Plaisance895, la revue Montparnasse-Quartier latin a beau être dirigée par L. Sourdy, rue Vercingétorix, Plaisance n’y a pas droit de présence symbolique. L’écrivain Marius Boisson, résident du quartier, évoque son habitation « au fond d’un Montparnasse qui prend arbitrairement le nom de Plaisance896 ». Il consacrera d’ailleurs un roman entier à Plaisance, qu’il titrera L’amour à Montparnasse. Dans un livre de 1934 de Nesto Jacometti, tous les artistes de Plaisance sont des « Montparnos », même s’ils habitent porte de Vanves, et Loutchanski, rue du Texel, est « un vieux loup de Montparnasse897 ». Et encore en 1959, le Dictionnaire des rues de Montparnasse publié par le Crapouillot évoque les rues Vercingétorix, Texel... sans parler de Plaisance.
642Plaisance sous Montparnasse, l’image, que nous avons rencontrée avant 1914 déjà et qui n’était alors pas si fausse, se conforte donc après 1914 et même après les années trente, alors que les artistes sont désormais, nous en avons cité la liste impressionnante, beaucoup plus plaisanciens que montparnassiens. Les symboliques dominantes ne sont pas toujours affectées par les évolutions du réel, au contraire pourrait-on dire dans notre modèle.
643Les photographes humanistes (Doisneau, Kertesz, Bovis, Ronis, Boubat, Yzis...) ont abondamment photographié Plaisance. Mais ils y ont trouvé surtout des traits qui leur permettaient de retracer la richesse de leur imaginaire personnel et leur poétique parisienne. Ainsi leur goût pour les marges s’y retrouve par une abondante photographie de la zone ou des puces.
644Que reste-t-il alors à Plaisance pour une reconnaissance symbolique du territoire ? Sans nul doute les traits sociaux et politiques. Plaisance ouvrier et pauvre est généralement bien différencié des autres quartiers du XIVe. Plaisance festif, le 14 Juillet, est aussi célébré. Plaisance communiste est reconnu dans les années 1930. L’image d’un Plaisance village pointe dans les souvenirs. Le Baedeker des années 1930 ne dit pas autre chose lorsqu’il parle de Notre-Dame-du-Rosaire comme « d’une jolie église (...) ayant la simplicité d’un sanctuaire de campagne898 ».
645Le bilan symbolique est cependant plutôt médiocre pour notre quartier. Et les silences de Léon-Paul Fargue écrivant sur le XIVe dans un essai sur Paris où il ne dit mot sur Plaisance, ne dépassant pas l’avenue du Maine899 alors qu’il avait habité le quartier, ou d’Alexandre Arnoux en 1939, qui consacre à peine quelques lignes à Plaisance sur vingt pages concernant le XIVe dans sa Féerie des XX arrondissements, Paris-sur-Seine, sont parlants. Et il arrive que la pauvreté du quartier affecte l’image possible que lui donnerait son nom même, sur lequel les journalistes ironisent volontiers900. François Mauriac, dans son Journal de 1944, évoque « ces sombres églises de Pantin et de Plaisance ».
646Plaisance est aussi bien éloigné de la Seine et ne possède « ni fleuve, ni rivière901 » qui captent les pas des promeneurs, ni vraie éminence comme Belle-ville ou Montmartre. Plaisance, « quartier qui jouxte Vaugirard sur la pente à peine sensible des collines méridionales902 », n’attire pas l’objectif de Paris Match en 1955 qui, publiant une série « Les belles images de votre quartier », ne consacre aucune ligne à Plaisance dans le fascicule sur le XIVe et aucune photo sur les douze de l’arrondissement !
647Plaisance ne fonctionne pas non plus dans les grands moments de la légitimité. C’est avenue d’Orléans et gare Montparnasse qu’ont lieu les fêtes locales de la Libération (alors que le quartier avait été un bastion résistant)903.
648Plusieurs romans continuent d’évoquer largement Plaisance, mais le quartier est totalement absent des titres (Marius Boisson, L’amour à Montparnasse, 1926 ; Michel Georges-Michel, Les Montparnos, 1928 ; Léo Malet, Les rats de Montsouris, 1955). Dans ces romans et dans bien d’autres, on retrouve le quartier populaire, plein de vie, riche de la chaleur humaine de ses bistrots, des couleurs et des odeurs de ses rues, une image de bohème et de liberté, mais aussi la face plus sombre des vies modestes, déclassées, et de la chute criminelle. Quartier de sensations, de perte, de vies illégitimes, Plaisance parle aux écrivains, qui ne lui donnent que peu de place symbolique. Même dans le monde réel des Communistes d’Aragon, qui se déroule pourtant pour l’essentiel dans notre quartier rouge.
649Ce Plaisance invisible laisse une place toutefois à des expressions identitaires, d’appartenance au quartier. À un quartier qui n’est certes pas toujours défini. C’est bien le cas avec Henri Calet qui, plusieurs fois, se revendique d’être du Petit-Montrouge : « Ah J’ai été un grand voyageur avant de m’établir au Petit-Montrouge » ou « je me suis fixé maintenant au Petit-Montrouge dans le XIVe904 » mais qui, lorsqu’il prend le 92 à la gare Montparnasse, est bien conscient de « quitter [s]es terres905 ». Les affirmations sont plus nettement plaisanciennes avec R. Benoit, « Dans mon vieux quartier de Plaisance », le candidat Gérard « habitant le quartier de Plaisance depuis plus de vingt ans, fils de ses œuvres906 », ou cette tribune libre signée d’un « habitant de Plaisance », fier d’« habiter depuis [s]on enfance le quartier de Plaisance » et contestant le silence des Echos du XIVe sur son quartier907.
650Ces hérauts de l’identité plaisancienne paraissent avoir un trait commun : une ancienneté de résidence, de famille à Plaisance. Ne peut-on se revendiquer de Plaisance qua la condition d’en être un ancien ? Mais André Salmon constate, avec un peu d’ironie, des sentiments d’appartenance à Plaisance dans une autre catégorie d’habitants, celle des jeunes filles populaires du quartier, si attachées à Plaisance qu’elles se vantent « de n’être jamais descendues à Montparnasse908 ».
651Plaisance possède ainsi des traits qui, à la fois, renforcent et affaiblissent ses signes de reconnaissance. Le quartier de travailleurs se distingue bien des quartiers environnants comme le note clairement le conseiller municipal de droite de la Santé : il y a « l’ouvrier et l’employé de Plaisance... le peintre et le statuaire de Montparnasse... le commerçant du Petit-Montrouge909 ». Ce Plaisance des travailleurs et de la pauvreté se distingue ainsi nettement et peut se glorifier des traits du Paris populaire et ouvrier. Mais cette pauvreté même lui interdit la gloire symbolique des grands quartiers.
652Il y aurait bien eu la possible identité artistique mais elle ne fonctionne que sous Montparnasse et nombre des artistes plaisanciens en sont satisfaits. Pour les uns, le terme Montparnasse est satisfaisant car il assure le rayonnement ; pour les autres, le quartier invisible permet le refuge d’un art qui se veut marginal, libre. « Le glacis populaire de Montparnasse », qui n’a pas de nom, fabrique ainsi précocement le « défense d’interdire » de Camille Bryen910.
653Plaisance va maintenant entrer dans des temps difficiles de remise en cause profonde du quartier. Ce demi-siècle, de 1914 a 1958, aura été celui du peuple des travailleurs triomphant en son quartier désormais quelque peu stabilise et mieux intégré à Paris, malgré le prix à payer des guerres et des crises. Mais le Plaisance symbolique n’en était guère sorti renforcé, malgré le rêve artistique, malgré la station de métro, surtout après la Seconde Guerre mondiale.

Kertesz, manifestation, porte de Vanves, 1934, © RMN
Kertesz, le grand photographe hongrois, accompagne le mouvement massif de l’entre-deux-guerres des artistes, en particulier étrangers, vers Plaisance, proche mais moins cher que Montparnasse. Les photographes« humanistes » nous ont laissé des dizaines de photographies du quartier. Celle-ci nous rappelle que Plaisance est devenu un quartier clé de l'action ouvrière, et particulièrement communiste, et de la Résistance.

Bovis, porte de Vanves, 1933, © RMN
C’est sur les boulevards extérieurs et la zone, où subsiste quelque verdure, que se déplace une sociabilité populaire festive et heureuse qui attire les photographes. Ils mettent volontiers I’enfant au centre de I’image.

Plaisance « rénové ». En grisé, le bâti de 1960-1980, en noir le bâti de 1980-1995, d’après Monts 14, Quête d’un patrimoine menacé, Le XIVe arrondissement, 2000
Notes de bas de page
1 Nous reviendrons plus longuement sur les traits des Plaisanciennes actives en relation avec leur situation de famille.
2 I.I. regroupent ceux pour lesquels les renseignements sont incomplets, ambigus ou absents. Certaines professions relèvent aussi d’une impossible affectation au duo patron/salarié comme nombre de chauffeurs de taxis...
3 Même si certains commerçants ou artisans en faillite peuvent s’être déclarés chômeurs.
4 Parmi ceux-ci, relevons deux artisans conseillers municipaux communistes ; l'artisan fourreur Raymond Losserand et l'artisan maroquinier Robert Francotte.
5 OE signifie que l'actif, salarié, peut être ouvrier ou employé.
6 Ce sont les cheminots, hospitaliers, fonctionnaires, travailleurs municipaux, travailleurs des transports en commun, gaz électricité, postes...
7 Solution de l'énigme ! Professions ou individus qu'on ne peut classer ni par leur statut, ni par leur activité !
8 Avec, bien sûr, plus de mécaniciens, de tourneurs ou d’ajusteurs alors que des métiers anciens déclinent. Ainsi le peintre Jacques Loutchansky s’installe au début des années 1920, « rue Texel [où] il trouva une usine déserte dont le forgeron ruiné avait oublié quelques outils », Nesto Jacometti, Têtes de Montparnasse, 1934. Le jeune père de Mme Werrie, lui, s’installe comme artisan mécanicien en 1922 impasse Lebouis, RH XIV, 1982.
9 Rue Leonidas, M. Nolot évoque un tailleur de pierres et de pavés, RH XIV, 1997.
10 André Aubouet, jeune résistant communiste exécuté à 19 ans en 1942, était comme son père ouvrier à l’Imprimerie nationale.
11 Comme le jeune ouvrier biscuitier aux Halles en 1951 fils du livreur de journaux, Diard qui a raconté ses souvenirs romancés dans le petit rouquin de Montparnasse, 1994 (mais écrit en 1974).
12 On compte aussi près de 700 travailleurs blanchisseurs-laveurs-teinturiers. Gros bloc plaisancien. La grand-mère de Mme Werrie a été blanchisseuse avant de devenir épicière. RH XIV, 1982. 700 chauffeurs, sans autre indication, sont difficiles à affecter (gaziers ou conducteurs ?).
13 Georges Duhamel évoque les « remises poussiéreuses » aperçues par les « portes charretières », Inventaire de l’abîme, 1944.
14 Henri Calet, dans « D’un “extra” à l’autre », Les deux bouts, 1954, nous donne le bel exemple d’un chef de rang, fils de Breton, marié à une serveuse, demeurant rue Pernety, qui ambitionne de faire de sa fille unique une secrétaire.
15 Les employés sont peu présents dans les constructions mémorielles. Pourtant nous les retrouvons largement dominants parmi les 106 adhérents de La Défense, association de dressage des chiens, Les Échos du XIV, 13 août 1927.
16 Le président de la Société des travailleurs municipaux du XIVe, M. Millent, habite 31 rue Blottière, Arch. Paris, DX6 11.
17 Artistes qui font vivre toute une gamme de métiers comme les encadreurs. Léon Brachev évoque un encadreur près de la cité Raynaud, dans « une maison qui résistait à l’alignement... La façade était la boutique d’un encadreur, Assié », art. cité, RH XIV, 1987.
18 M. Nolot se souvient que, vers 1920, « à l’angle de la rue Bénard et de la rue des Plantes opérait un “chiftin”... connu de tout un chacun ». Faisant l’hiver les poubelles pleines de mâchefer et de poussier, « la silhouette toute noire de ce chiftin, où seul le blanc des yeux tranchait, l’apparentait à quelque visage de démon des légendes populaires », « Souvenirs... », RH XIV, 1998.
19 Les I.I. ne sont pas décomptés dans cette classification, qui ne porte plus que sur 3 976 personnes.
20 Le père Lagrange est fils de métreur. Le futur dominicain devient métreur après son brevet élémentaire en 1925, RH XIV, 1982.
21 Graziani, député socialiste de la circonscription de Plaisance-Montparnasse entre 1932 et 1936, était ingénieur des arts et métiers.
22 Rares dans le quartier, ils jouent cependant un rôle socio-économique souvent clé. Ainsi une commission locale chargée d’examiner le prolongement du métro de Montparnasse à la porte de Vanves accueille Piola, industriel, Duriez, commerçant, Damothe, propriétaire, « La ligne C. Gare Montparnasse porte de Vanves », Les Échos du XIVe, 3 décembre 1927.
23 L. Michel, l’infatigable animateur du comité des fêtes, est « l’électricien bien connu de la rue de Vanves », ibid., 26 février 1927.
24 Jeanne Planche qui accueillit Brassens, était la couturière de sa tante. Le père Lagrange est le fils d’une couturière, RH XIV, 1982.
25 II y a eu longtemps aussi un berger dans la zone qui vendait son lait et ses fromages, Je me souviens du XIVe, op. cit.
26 Le ménage comprend des parents ascendants (père, mère, belle-mère, beau-père...), des frères, sœurs, cousins, des neveux, nièces, filleuls, des ami(e)s, des domestiques...
27 Même si, bien sûr, la source minimise les naissances illégitimes, car le mariage a pu intervenir après la naissance.
28 D’autres habitats sociaux du quartier donnent aussi des records. Ainsi le 90 rue du Moulin Vert semble accueillir dans les années 1920 la famille record, la famille T. avec 13 enfants ! Archives de Paris, aide aux familles nombreuses, VD6 2107.
29 Les pourcentages d’Auvergnates qui ont épousé un homme auvergnat..., donnent des résultats très proches.
30 On le concubinage. Le pourcentage de femmes inactives est pratiquement le même chez les femmes mariées et chez les femmes en couple illégitime.
31 La rupture est ici la naissance de l’enfant. Les coiffeuses continuent fréquemment d’exercer mariées sans enfant.
32 La première usine du jeune métallo, M. Regnier, en 1948, est à Issy-les-Moulineaux, cf. www.multi-mania.com/regnier.
33 La mère d’Hélène Bouloy était plumassière dans l’atelier des plumes d’autruche et fantaisie des Galeries Lafayette. Elle y confectionnait des boas, « Souvenirs d’une Parisienne née à Plaisance », RH XIV, 2004.
34 INSEE, Données statistiques sur la population et les logements de la Ville de Paris (répartition par îlots), 1954, Hôtel de Ville.
35 La disparition de tout habitat sur la zone explique aussi ce phénomène.
36 Et par l’immigration en général.
37 « La rue Vercingétorix que nous appelons courtement Vercin, la rue Raymond Losserand, ex rue de Vanves ... et toutes les petites rues adjacentes », Henri Calet, Le Tout sur le Tout, 1948.
38 T. Dronchat, Les Échos du XIV, 10 février 1934. De droite aussi le conseiller municipal de la Santé, Georges Prade, rapproche « l’ouvrier et l’employé de Plaisance et de la Santé » comme types sociaux de ces deux quartiers, ibid., 25 février 1933.
39 Salom, ibid., 27 août 1932.
40 Ibid., 21 avril 1928. Fayola-Augereau, essayiste, de sensibilité radicale, au même journal, parle de même des industries qui « ont groupé autour d’elles – à leur origine – toute une population laborieuse », ibid., « Notre Destin - généralités sur le XIV arrondissement », 19 novembre 1927.
41 « À Plaisance, une conversation avec M. Salom, conseiller municipal du quartier », ibid., 19 avril 1930.
42 Dictionnaire de Paris, 1964, entrée « Montparnasse » par Nino Frank, qui déborde sur Plaisance.
43 Ibid., entrée « Plaisance » par Héron de Villefosse.
44 Souvenirs d’Hélène Boulois, RH XIV, 2004. Madeleine Tournois se souvient des « gens de métier », « On se plaisait à Plaisance rue Vercingétorix (Sud) », RH XIV, 1975.
45 R. L. Cottard, « L’évolution... », art. cité, RH XIV, 1984-1985.
46 « Géographie sentimentale du XIV arrondissement de Paris », RH XIV, 1958.
47 Lettre d’un habitant de Plaisance, Les Échos du XIV, 8 novembre 1926.
48 Fayola-Augereau, « Le pouvoir d’attraction du XIVe », ibid., 3 décembre 1927.
49 Fayola-Augereau, « Lettre ouverte à M. le conseiller municipal du quartier de Plaisance », ibid., 27 juin 1936.
50 En 1954, Plaisance a une densité par kilomètres carrés de 453 habitants contre 322 à l’ensemble de l’arrondissement et 328 à l’ensemble de Paris.
51 De Édouard, marié en 1865, fermier, à son fils Albert et à son petit-fils Albert, employé au Crédit municipal, RH XIV, 1971.
52 Mais pour l’auteure, plus que Plaisance, c’est l’ensemble du XIVe qui constitue l’échelle du souvenir, cf. RH XIV, 1977.
53 Fayola-Augereau, « Notre Destin... », art. cité, Les Échos du XIV, 19 novembre 1927.
54 Henri Calet, Les grandes largeurs, 1951.
55 Suzanne Masson, « On se plaisait à Plaisance, rue Bénard depuis 1914 et rue Vercingétorix (nord) depuis 1931 », RH XIV, 1975.
56 Diard J., Le petit rouquin de Montparnasse, 1994.
57 A. Moraux, « Analyse architecturale et sociologique d’un îlot du quartier de Plaisance compris dans la “Rénovation” (avec destruction) », RH XIV, 1975.
58 Georges Duhamel, Inventaire de l’abîme, 1944 ; cf. aussi Andrée Lucas, « Une coopérative... », RH XIV, 1983, qui évoque « les trains qui débarquaient dans la vieille gare Montparnasse les émigrés d’alors, les Bretons venus chercher fortune à Paris ».
59 La célèbre photo de Bovis, en 1936, du 64 rue du Château est parue dans JMS XIV ou dans Autrefois Paris Aujourd’hui, 2001.
60 Andrée Lucas, art. cité.
61 Didier Violain, Bretons de Paris, Des exilés en capitale, Parigramme, 1999.
62 Cf. JMS XIV, op. cit.
63 Glenmor, Stivell, Servat et Yves Ollitrault, JMS XIV.
64 Selon Adèle Ollitrault, ibid.
65 Les Échos du XIV, 28 mai 1927, « À bout de ressources, une veuve de guerre, mère de sept enfants, perd la raison ».
66 Les Échos, 3 mai 1930.
67 Il habitait 27 rue Perceval.
68 De nouvelles entreprises s’installent dans l’entre-deux-guerres comme la société Bretin, 46 rue de Vanves, qui emploie 150 ouvriers mécaniciens, ou la société Jouets et automates français, 168 rue Vercingétorix, cf. Gérard Jigaudon, « Industriels et artisans », dans AAVP, Montparnasse et le XIV, 2000.
69 Interview par M. Barnaud, citée dans le Dictionnaire Maitron.
70 « Hispano boulevard Brune », La Voix des travailleurs. Bulletin inter-usines de l’Opposition Syndicale « Lutte de Classes » CGT, 18 février 1946.
71 Société des crèches du XIV arrondissement - Crèche de Plaisance-Montparnasse, Rapport annuel, mairie du XIVe, 1939.
72 Les Échos du XIV, janvier 1929.
73 Archives de Paris, VD6 2107.
74 Evelyne Diebolt, art. cité, RH XIV, 1990.
75 Une plaque aurait été affichée le 19 août 1945. Cf. Histoire Ernault-SOMUA, 1963.
76 Nolot, RH XIV, 1998.
77 RH XIV 1993.
78 Brassens cité dans je me souviens du XIV, op. cit., la citation date de 1979.
79 Témoignage de Gabriel Gallice, Je me souviens..., op. cit.
80 Gérard Perin et Ph. Menerat, « Un grand de l’habillement La Belle Jardinière », Reflets économiques et sociaux, octobre 1964.
81 Consultables aux archives de la Société historique du XIVe.
82 E. Fayola-Augereau, « Notre Destin... », art. cité, Les Échos du XIV, 19 novembre 1927. Voir aussi sur l’industrialisation de l’arrondissement, « surtout à Plaisance », AAVP, Le XIVe arrondissement, op. cit.
83 Salom intervient au conseil municipal contre la pollution par des ateliers d’industrie chimique, Les Échos du XIV, 25 avril 1931.
84 Tout autre chose est la mobilité des petites entreprises. Il y a des morts comme celle de l’historique entreprise de peinture Augereau, fondée en 1874 et décédée pendant la Grande Guerre, ibid., 25 mai 1935 ; des substitutions comme au 5 villa Brune où une usine de couronnes de céramique cède la place à une épicerie puis à un garage, Dufresne, art. cité, RH XIV, 1998.
85 Les Échos du XIV, 8 octobre 1937. Maurice Ballot n’habite pas à Plaisance mais une belle villa de la rue du parc Montsouris.
86 Gilbert Perroy, « Le départ de nos industries du XIVe arrondissement », RH XIV, 1970.
87 Léon Brachev, « Espaces verts inconnus, méconnus et disparus du XIVe et des environs », RH XIV, 1991.
88 Son directeur, Lucien Romani, commis d’architecte et inventeur, se suicidera.
89 Au 143 rue d’Alésia.
90 RH XIV, 1996.
91 RH XIV, 1975. Pour les marchandes des quatre-saisons, cf. aussi Le petit rouquin de Montparnasse...
92 RH XIV, 2004. Il y a aussi les cafés que nous évoquons plus loin.
93 Masson, art. cité. Cf. aussi les souvenirs de Madeleine Tournois, RH XIV, 1975.
94 Les Échos du XIV du 25 mai 1935 indique que le magasin est fermé et que s’y installe une foire-exposition.
95 Finoki est au 85-87 avenue du Maine, Rapport crèche, op. cit., 1939. Le petit rouquin de Montparnasse évoque aussi ce magasin.
96 Henri Calet, Les grandes largeurs, 1951.
97 Les Échos du XIVe, 3 septembre 1927.
98 Rapport Crèche, op. cit., 1939. Le chausseur Finoki rappelle « Maison fondée en 1876 ».
99 Hélène Bouloy, RH XIV, 2004.
100 Henri Calet, Le tout sur le tout, 1948. Cette boutiquière vient d’être assassinée.
101 Vidal, avenue Villemain, prête ses chevaux au convoi, Les Échos du XIV, 19 février 1927.
102 Les commerçants ont payé des pages de publicité, ibid., 12 mars 1927 : le magasin de TSF du 76 avenue du Maine, le joaillier du 73 rue de Vanves... Le déménageur Bailly, au 148 avenue du Maine, a aidé par des prêts de matériel, ibid., 21 mai 1927.
103 Ibid., 23 juillet 1927.
104 Ibid., 28 mars 1931 et 20 février 1932.
105 Ibid., 26 novembre 1932. Son président est M. Tavers.
106 Ibid., 13 octobre 1934. Ses dirigeants ont des commerces tous situés à l’extrémité orientale, populeuse, de la rue, côté Plaisance.
107 Ibid., 26 mai 1934.
108 Ibid., 9 mars 1935. Le comité se préoccupe du déplacement de la gare Montparnasse vers les boulevards extérieurs.
109 R. P. Bisson, « Un square », ibid., 18 décembre 1926.
110 Th. Dronchat, « Le square de la rue Didot », ibid., 10 février 1934.
111 Ibid., 20 février 1932.
112 Réunion du candidat rad-soc Grussy devant les commerçants de Plaisance, ibid., 21 avril 1928.
113 « L’agression fasciste contre la Maison des syndicats du XIVe », L’Humanité, 21 juin 1935.
114 Cf. Dictionnaire Maitron. Marcelin Jarzé est né en 1896 dans les Deux-Sèvres.
115 Nous avons vu la disparition d’Au Soleil dans les années 1930.
116 Allocution de Maurice Allais le 3 février 2001 devant les élèves du lycée Lakanal, document privé.
117 Maurice Trignol, op. cit., 1946.
118 À l’exception de Fayola-Augereau, qui pense que Plaisance n’a pas assez de force d’attraction (pas quartier central, ni pittoresque, ni vert, mal construit) pour attirer une clientèle sauf à transformer le quartier, Les Échos du XIVe, « Notre destin... », art. cité.
119 Nous n’insisterons pas sur les Auvergnats, comme le patron du café qui a inspiré la chanson de Brassens ou la « tante Marie », née dans le Cantal, qui fonde en 1935 le Restaurant bleu, rue Didot, qu’elle dirige pendant trente ans, archives de la Société historique.
120 R. L. Cottard, « L’évolution... », art. cité, RH XIV, 1984-1985.
121 Deux employés auraient tenté d’y détourner de l’argent avec de faux tickets de caisse ; mains courantes, 1er décembre 1936.
122 Selon la belle-sœur de Louis Brélivet, Ici est tombé. Paroles sur la Libération de Paris, Tirésias, 2004.
123 La rue du Château a beaucoup de bistrots mais elle est aussi photogénique par sa rare perspective d’ouverture vers la tour Eiffel.
124 « C’était l’îlot Vandamme en 1942 », RH XIV, 1971.
125 Louis-Léon Martin, « Braderie - Plaisance », Les Échos du XIV, 26 mai 1934.
126 RH XIV, 2002.
127 L’usine Ernault est juste à côté du café ; cf. Marc Dufaud, « Vie et mort “outrash” du poète Roger Gilbert-Lecomte », s.d., s.l.
128 Boulois, « Souvenirs... », art. cité, RH XIV, 2004.
129 Les Échos du XIV, 31 décembre 1927, dans un débit rue d’Alésia ; ibid., 5 novembre 1927, dans un bar de la rue de l’Ouest...
130 Ibid., 9 juin 1928.
131 F. Trignol, Pantruche ou les mémoires d’un truand, 1946.
132 Loed, Giacometti, 1983 (1997).
133 Mains courantes, 12 février 1936.
134 L’homme, considéré finalement comme fou, est envoyé à l’infirmerie spéciale, mains courantes, 27 avril 1936. Un cas de délire est aussi évoqué par Mme Boulois, RH XIV, 2004, qui a vu un homme nu au Petit Pot, rue de Vanves.
135 « De tout un peu », Les Échos du XIVe, 22 novembre 1935.
136 G. Viaud, « Le bal de Brassens dans le XIV », RH XIV, 1993.
137 Loed, op. cit.
138 Marc Dufaud, site Internet cité.
139 André Salmon, Montparnasse, 1960.
140 Les Échos du XIVe, 15 septembre 1928.
141 Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit., 1944.
142 Souvenirs de Madeleine Mandra, Je me souviens du XIVe.., op. cit.
143 Souvenirs Hornois, RH XIV, 2004.
144 Son siège est 49 rue de Vanves, son secrétaire Rispal, Les Échos du XIVe, 1er octobre 1927 et 28 avril 1928.
145 L’association organise une quête pour les chômeurs en 1932, « Un beau geste de solidarité », ibid., 23 janvier 1932.
146 Son président Louis Guyon habite 127 rue Didot, ibid., 12 mars 1927.
147 Fondée en 1910, son siège est 153 rue d’Alésia (ibid., 20 novembre 1926 et 25 décembre 1926) : un de ses directeurs théâtraux, Edmond d’Arius, habite rue de Vanves, ibid., 24 octobre 1932.
148 Fondée en 1924, son siège est 49 rue de Vanves, ibid., 1er janvier 1927. Elle anime de nombreuses soirées au Clair de Lune (15 rue de Vanves), au Zanzi, au Petit Château..., ibid., 15 septembre 1928.
149 Son siège est 15 rue Boyer-Barret.
150 Elle répète 36 rue Vandamme et son administrateur, M. Bourbon, habite 31 rue Vercingétorix, ibid., 7 mai 1927.
151 Sise 36 rue Gassendi, ibid., 29 janvier 1927.
152 Siège 37 rue de l’Ouest ; grand bal de nuit le 19 janvier 1927, ibid., 29 janvier 1927.
153 Siège 30 bis rue Gassendi, ibid., 24 septembre 1927.
154 Fondé en 1935, siège 217 rue Vercingétorix, ibid., 21 décembre 1935.
155 Ibid., 25 février 1928.
156 Secrétaire René Virard, ibid., 29 octobre 1927.
157 Ibid., 8 janvier 1927. Administrateur, J. Lefèvre, 213 rue de Vanves, président, A. Duchon, 168 rue de Vanves ; régisseur lyrique, Edmond d’Arius, 212 rue de Vanves, ibid., 11 juin 1927 ; secrétaire général, Gaignard, 16 cité Raynaud, ibid., 21 juin 1930.
158 Fondé en 1925 par M. Michel, siège au cinéma de la rue de Vanves, ibid., 28 décembre 1926, 9 avril 1927.
159 Créée en 1927, président Grangier, conseiller municipal, secrétaire Henri Pétillault. Siège rue du Moulin-Vert, ibid., 9 avril 1927.
160 Les premiers prix des concours de 1937 sont remportés par deux gamins de Plaisance, Abel Baron et Michel Rousseau, qui ont envoyé leurs ballons à 440 et 700 kilomètres de Paris ! Aéro-Club du XIV, 16 octobre 1937 et janvier 1938.
161 Au 30 rue Vercingétorix, Les Échos du XIV, 28 avril 1928.
162 Son siège est rue de la Gaîté, comme avant 1914, Les Échos du XIV, 29 janvier 1927.
163 Ibid., 29 janvier 1927.
164 Responsable, Mme Peltier, 10 rue de Plaisance, ibid., 20 novembre 1926.
165 Héritière de l’Union cycliste de Plaisance, disparue en 1914, l’association compte 100 adhérents, ibid., 27 octobre 1934.
166 Siège 157 rue d’Alésia. Le Vélo-club organise en avril 1927 un prix des commerçants, ibid., 20 novembre 1926, 16 avril 1927.
167 Probable descendance de l’Union sportive de Plaisance d’avant 1914, ibid., 29 janvier 1927.
168 Siège 8 rue Paturle, ibid., 29 janvier 1927.
169 Siège 16 rue de l’Ouest, ibid., 29 janvier 1927.
170 Qui semble une association qui polémique avec Th. Dronchat, son président est A. Colas, 30 rue Didot, ibid., 26 septembre 1931.
171 Siège social 35 boulevard Brune, secrétaire Maurice Mercier, 4 rue Maurice-Bouchor, ibid., 13 janvier 1934.
172 Son siège social est à Plaisance, 30 rue de la Sablière, ibid., 29 janvier 1927.
173 Siège 79 rue du Château, ibid., 29 janvier 1927.
174 Fondée en 1927. Les exercices ont lieu avenue de la porte de Vanves au 15, ibid., 12 février, 2 avril, 11 et 25 juin, 13 août 1927.
175 Ibid., 7 avril 1928. Siège Maison Thibaudeau, 61 rue de l’Ouest.
176 Ibid., 26 novembre 1927, 18 décembre 1926. Les réunions se tiennent toujours à Plaisance.
177 Ibid., 24 octobre 1932.
178 AG du 10 décembre 1932, salle Carlec, 170 rue d’Alésia, ibid., 24 décembre 1932.
179 Son président en 1925, M. Millent, habite 31 rue Blottière, archives de Paris, DX 6 11.
180 Le vice-président fondateur, M. Handré dit Flipot, est un ancien de la Lyre Joyeuse, Les Échos du XIV, 29 octobre 1932.
181 La Générale du XIV, L’Avenir du XIVe et Les Anciens de l’Avenir du XIV fusionnent dans Les Anciens du XIVe, « formidable fanfare ». Le siège est au 49 rue de Vanves, le président M. Blot, ibid., 28 janvier 1933.
182 Ibid., 27 avril 1929, 28 décembre 1929, 7 juin 1930, 5 juillet 1930, 29 novembre 1930, 11 novembre 1933.
183 Cf. lettre de Florence, ibid., 15 septembre 1928.
184 Bien entendu, l’arrêt de la croissance de la population de Plaisance explique aussi cette tendance.
185 Liste conservée dans les archives de la Société historique.
186 Toujours au 49 rue Raymond Losserand.
187 Berthaut-Villette, 50 rue Vercingétorix.
188 Siège, 5 rue Hippolyte-Maindron.
189 A. L’Esprit, « L’avenue du Maine - Histoire locale », Les Échos du XIV, 27 novembre 1926.
190 Cf. Hillairet, Dictionnaire des rues de Paris.
191 IMS, op. cit. Cf. aussi Le petit rouquin de Montparnasse, op. cit., le site Internet Régnier, les souvenirs Hornois, RH XIV, 2004.
192 On note un orchestre de tout premier ordre, « Au cinéma de Plaisance – 46 rue Pernety », les Échos du XIVe, 10 septembre 1927.
193 Au Plaisance-Ciné selon le père Lagrange, « Souvenirs d’un enfant de Plaisance-Nord (1912-1927) », RH XIV, 1996.
194 Au Plaisance-Ciné, Les Échos du XIV, 10 septembre 1927.
195 À l’Olympic, ibid., 15 décembre 1928.
196 Au Plaisance-Ciné selon le père Lagrange, RH XIV, 1996.
197 Au Vanves-Ciné, Les Échos du XIV, 27 novembre 1926.
198 Souvenirs Hornois, RH XIV, 2004.
199 Un jeune garçon de café et sa maîtresse de 17 ans sont arrêtés à l’Olympic car accusés de vol, mains courantes, 7 décembre 1936.
200 Témoignage de l’ouvreuse Mme Lente, recueilli par Henri Calet, « Un métier de femme seule », Les deux bouts, 1954.
201 Les Échos du XIV, 26 octobre 1929. À l’Olympic.
202 Au Plaisance-Ciné selon le père Lagrange, RH XIV, 1996.
203 Je me souviens du XIV arrondissement, op. cit.
204 « Au cinéma de Plaisance », art. cité, 10 septembre 1927.
205 Les Échos du XIV, 9 avril 1927.
206 Ibid., 8 décembre 1934.
207 Ibid., 23 novembre 1929.
208 Souvenirs Hornois, RH XIV, 2004.
209 Les Échos du XIV, 4 juin 1927.
210 Ibid., 23 juillet 1927. On y a bien plus dansé et illuminé que dans les autres quartiers de l’arrondissement.
211 Marie-Douce Albert, « Le carré des irréductibles du Château des ouvriers », Le Figaro, 14 juin 1997.
212 Nolot, RH XIV, 1998.
213 Albert Simonin, Confessions d’un enfant de La Chapelle, Paris, 1977.
214 Je me souviens du XIV arrondissement, op. cit.
215 Les Échos du XIV, 21 juillet 1928.
216 Ibid., 9 juillet 1927.
217 Ibid., 4 juin 1927.
218 Ibid., 21 juillet 1928.
219 Ibid., 4 juin 1927.
220 Ibid., 9 juillet 1927.
221 Ibid., 19 février 1927.
222 Ibid., 12 mars 1927.
223 Ibid., 14 et 21 mai 1927.
224 Ibid., 21 décembre 1935.
225 Organisée le dimanche 24 juin 1928 par l’abbé Blaize, elle vise à financer les colonies scolaires, à se rapprocher des commerçants et à faire se retrouver les anciens du Rosaire, ibid., 16 juin 1928.
226 Elles organisent des kermesses, ibid., 30 juin 1928, ou des fêtes et soirées, ibid., 2 février et 30 mars 1929.
227 Il y a à cette fête fanfare, musique, illuminations, jeux, char, troupe, ibid., 26 novembre 1932. Chars aussi à la fête du printemps 1928, « La fête du printemps », ibid., 5 mai 1928.
228 Souvenirs Hornoy, RH XIV, 2004.
229 Souvenirs de Marcel Coguet, Je me souviens du XIV arrondissement, op. cit.
230 « Le comité Vanves-Château-Pernety ou l’orchestre invisible », Les Échos du XIV, 25 juin et 2 juillet 1927.
231 Souvenirs Hornoy, RH XIV, 2004.
232 Mains courantes, 15 avril 1936.
233 Les Échos du XIV, 1er février 1930.
234 Ibid., 21 juin 1930.
235 Souvenirs Descotils, RH XIV, 1979-1980.
236 Une troupe, L’œuf et l’Eléphant de Montparnasse participe à la fête de la rue de l’Ouest, Les Échos du XIV, 26 novembre 1932.
237 Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit., 1944. Cf. aussi le terrain de boules rue Vandamme des cheminots déjà évoqué.
238 Dite par les gitanes de la porte de Vanves, cf. je me souviens du XIVe arrondissement, op. cit.
239 Masson, RH XIV, 1975.
240 R.L. Cottard, « L’évolution... », art. cité, RH XIV, 1984-1985.
241 Souvenirs Lagrange, Tournois et Masson, RH XIV.
242 Suzanne Masson, « On se plaisait à Plaisance, rue Bénard depuis 1914… », art. cité, RH XIV, 1975.
243 « Pour rire ou pour pleurer », Les Échos du XIV, 20 août 1927.
244 Diaud, Le petit rouquin de Montparnasse, op. cit. Cf. aussi Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit.
245 Je me souviens du XIVe arrondissement, op. cit.
246 Salmon, Montparnasse, 1950.
247 Calet, Le tout sur le tout, op. cit.
248 Cottard, « L’évolution... », art. cité, RH XIV, 1984-1985.
249 R. Benoit, « Dans mon vieux quartier de Plaisance », BO du Comité municipal des Fêtes du XIV arrondissement, juillet 1956.
250 Fayola-Augereau, « Le pouvoir d’attraction... », art. cité, Les Échos du XIVe, 3 décembre 1927, et « Lettre ouverte à M. le Conseiller municipal de Plaisance », ibid., 27 juin 1931.
251 « Braderie-Plaisance », ibid., 26 mai 1934.
252 H. Calet, Le tout sur le tout, op. cit., 1948.
253 G. Duhamel, Inventaire de l’abîme, 1944.
254 « Voyage économique », Les Échos du XIV, 2 novembre 1929.
255 Elle l’est encore partiellement, cf. « Hector de Pétigny, sculpteur, graveur, peintre, céramiste et verrier », RH XIV, 1981.
256 Le petit rouquin de Montparnasse, op. cit.
257 Souvenirs Madeleine Tournois, RH XIV, 1975.
258 Andrée Grimaldi, « Les ateliers de la porte de Châtillon. 50 ans de création », RH XIV, 1999.
259 Brachev, RH XIV, 1987.
260 Cité dans Notre Dame du Rosaire, brochure citée, s.d., (vers 1935).
261 « Géographie sentimentale... », art. cité, RH XIV, 1958.
262 Avenue du Maine et 4-6 rue Bourgeois, photos d’avant la destruction par la SNCF, RH XIV, 1971.
263 Nino Frank, entrée « Montparnasse » du Dictionnaire de Paris, 1964.
264 Le 13 décembre 1937.
265 « Voyages économiques », Les Échos du XIV, 2 novembre 1929.
266 H. Calet, Le tout sur le tout, op. cit., 1948. Mêmes plaintes de Fayola-Augereau déjà citées.
267 G. Perroy, art. cité, RH XIV, 1956-57.
268 Les Échos du XIV, 12 mars, 14 mai et 21 mai 1927.
269 P. Nolot, « Des dizaines de chevaux », RH XIV, 1998.
270 P. Nolot, RH XIV, 1998.
271 Celui de la rue du Texel est repris par un artiste, Jacques Loutchansky, cf. Nesto Jacometti, Têtes de Montparnasse, 1934.
272 Henri Calet, Les grandes largeurs, op. cit., 1951.
273 Souvenirs Nolot, RH XIV, 1998.
274 Gallice, Je me souviens du XIV arrondissement, op. cit.
275 Souvenirs Hélène Amman, Je me souviens du XIV arrondissement, op. cit.
276 J.E. Bayard, Montparnasse - Hier et Aujourd’hui, 1927.
277 Jacques Audiberti, Le Petit Parisien, 13 décembre 1937.
278 Fayola-Augereau, « Des jardins pour Plaisance », Les Échos du XIV, 28 janvier 1928. La demande d’un aménagement, boulevard Brune, d’une promenade verte et de jeux pour enfants revient ensuite, Fayola-Augereau, ibid., 8 février 1930, etc.
279 « Allons-nous enfin avoir le square des Thermopyles ? », ibid., 18 juin 1927.
280 Ibid., 19 mai 1928.
281 Compte rendu du mandat de Dumat, ibid., 7 juin 1930.
282 « Pour la piscine », ibid., 20 novembre 1926 ; « Un effort de réalisation pour la Piscine », ibid., 18 décembre 1926, « La piscine du XIV », ibid., 5 mars 1927 ; Aron (qui rit), « La question de la piscine », ibid., 19 mars 1927, etc.
283 Lettre de Grangier du 20 novembre 1926, où il s’affirme partisan de la piscine depuis 1918, ibid., 27 novembre 1926.
284 Fayola-Augereau, « Des terrains de jeux pour nos sociétés... des poumons pour Plaisance », ibid., 13 juillet 1929.
285 Th. Dronchat, « Le square de la rue Didot », ibid., 10 février 1934.
286 Programme de Girard, candidat radical, ibid., 4 mai 1929 ; programme de Bardel, candidat de droite, ibid., 4 mai 1929 ; compte rendu de mandat du député Dumat, ibid., 7 juin 1930. Interventions de Grangier, ibid., 18 décembre 1926 et de Salom, « Et le square Hippolyte Maindron ? », ibid., 1er juin 1929.
287 Selon une expression citée dans l’article « On réclame dans nos quartiers », ibid., 12 janvier 1929.
288 Selon A. M. Depaillat, « De l’abbé Lemire à Vercingétorix-Jonquilles... », RH XIV, 2003.
289 Cf. la photo de M. Brachev parue dans le Bulletin intérieur de la Société historique et archéologique du XIV, mars 2004.
290 Les Échos du XIV, 18 février 1928.
291 Théophile Dronchat, « Dans l’arrondissement », ibid., 23 mai 1931. Am (qui rit), « Voyages économiques », ibid., 2 novembre 1929.
292 « Voyages économiques II », ibid., 2 novembre 1929.
293 Marc Minerath, « Histoire de pavés et d’une fontaine », ibid., 23 juin 1928.
294 « Voyages économiques II », ibid., 2 novembre 1929.
295 Intervention de Grangier auprès du préfet, ibid., 27 avril 1929 ; demande du député de droite, Dumat, de classer les voies privées, ibid., 7 juin 1930.
296 Sont classées, entre 1931 et 1935, les rue Olivier Noyer, Joanès, Léonidas et l’impasse des Plantes.
297 Demande de Grangier, ibid., 29 janvier et 3 décembre 1927 ; demande de Salom, ibid., 20 juillet 1929.
298 Fayola-Augereau, « La rue des Plantes », ibid., 27 octobre 1928.
299 Le pavage de la rue des Plantes doit être interrompu en 1929 de ce fait, ibid., 14 décembre 1929.
300 Ainsi, en 1931, le pavage en mosaïque des rues Du-Cange, Paturle, Perceval, Decrès et Vandamme est décidé, ibid., 22 août 1931.
301 « À Messieurs le conseillers Pinelli et Salom », ibid., 25 avril 1931.
302 Cf. le témoignage de Madeleine Mandra, JMS, op. cit. Une revendication d’asphalter la contre-chaussée du boulevard Brune, « Les habitants du quartier Brune, avenue de Châtillon, rue des Plantes réclament », Les Échos du XIV, 19 novembre 1927.
303 Le candidat Girard propose d’élargir les rues de Vanves et le boulevard Brune, ibid., 4 mai 1929.
304 Élargissement de la rue du Moulin-Vert au droit des 60-62, de l’ensemble du boulevard Brune, etc.
305 « Les chances d’expansion de l’arrondissement », ibid., 17 décembre 1927.
306 A. Salmon, Montparnasse, op. cit., 1950.
307 Jacques Baschet, « Sculptures de ce temps », s.d., sur le site Internet <sculpture1940.com>.
308 Fayola-Augereau dénonce « l’ombre sinistre » la nuit, rue des Plantes, à son extrémité, Les Échos du XIV, 14 décembre 1927.
309 Ibid., 13 juillet 1929.
310 « À Plaisance - L’éclairage de la rue de Vanves, du boulevard Brune, de la rue de Plaisance », ibid., 28 mars 1931.
311 Ibid., 12 juillet 1930.
312 Je me souviens du XIV arrondissement, op. cit.
313 Brageu, « Attention ! Un tramway peut en cacher un autre. Petite histoire des transports avant le métropolitain », RH XIV, 2004.
314 Les riverains ne cessent de demander une amélioration de la tête de bus, Les Échos du XIVe, 8 février 1930.
315 Intervention de Salom au conseil municipal pour l’augmentation des passages sur les lignes Q et AF, Les Échos du XIVe, 28 septembre 1929. En décembre 1929, Salom estime que le temps d’attente de l’AF peut atteindre encore trente minutes, ibid., 14 décembre 1929.
316 Intervention de Salom au conseil général de la Seine (qui contrôle la STCRP), ibid., 7 décembre 1929
317 Ibid.
318 La STCRP refuse des tarifs ouvriers sur la ligne Q, ibid., 5 octobre 1929. Girard demande une carte à la semaine sur l’AF, ibid., 4 mai 1929.
319 Tribune libre dans Les Échos du XIV, 8 novembre 1926. Cf. aussi une lettre de lecteur parue dans ibid., 4 décembre 1926.
320 Ibid., 26 novembre 1932.
321 Ibid., 8 novembre 1926, 1” janvier 1927, 7 mai 1927.
322 Ibid., 24 décembre 1932.
323 Ibid., 28 mars 1931, 22 avril 1933.
324 Rencontre Fayola-Augereau et Salom, ibid., 22 mars 1930.
325 Ibid., 20 février 1932.
326 « Le quartier de Plaisance », ibid., 24 décembre 1932.
327 « Une nouvelle ligne de Métropolitain est mise en chantier dans le XIVe arrondissement », « enfin », ibid., 22 avril 1933.
328 « On reparle de la ligne Gare Montparnasse-Porte de Vanves », ibid., 20 août 1927.
329 Notre-Dame du Travail de Plaisance, brochure citée, s.d., vers 1985.
330 Notre paroisse, op. cit., s.d., s.l.
331 L’Union paroissiale avait été reconstituée en 1923. Certaines activités annoncées en 1926 ne sont plus présentes dans la brochure des années 1930, chorale et orchestre, cinéma du Rosaire et groupe des cheminots.
332 Elle porte en novembre 1926 sur l’Action française, Les Échos du XIVe, 27 novembre 1926.
333 Cf. le site Internet du scoutisme français - partie historique.
334 « Nos Résistants (1940-1944). Roger Lardenois (1905-1979) et la presse clandestine inspirée par la Jeune République de Marc Sangnier », RH XIV, 1980-1981.
335 Dictionnaire Maitron.
336 À la même période, les abbés glorieux du quartier obtiennent la reconnaissance toponymique ; la rue Julie devient la rue de l’Abbé-Carton en 1954, le square Didot devient le square de l’Abbé-Viollet en 1961.
337 G. Gavillet, 7 rue Crocé-Spinelli, dénonce l’autarcie de la caisse à l’égard des écoles privées et Jean Hecker lui répond que la caisse n’a pas à financer ces écoles, Les Échos du XIV, 25 mai 1929 et 1er juin 1929.
338 Simone Hoffman, « Une vocation de dominicain au Patro de Plaisance (1922-1931) », RH XIV, 1982.
339 Fête foraine de l’œuvre d’éducation populaire de Notre-Dame-du-Rosaire, Les Échos du XIV, 16 juin 1928...
340 Pièce d’Erckmann-Chatrian, ibid., 1er février 1920 ; L’Académie et Cocktail-Plaisance, ibid., 25 février 1933.
341 Salle Soulange-Bodin, ibid., 7 décembre 1935.
342 Léonide Madre-Tremblay, « Une jeunesse musicale au Petit-Montrouge (1893-1919) », RH XIV, 1969.
343 RH XIV, 2000.
344 Dieu existe-t-il ? Controverse publique à Paris entre M. l’abbé Viollet et Han Ryner, Éd. de l’Idée Libre, s.d., vers 1934.
345 Les Petits Frères de Jésus, Les Sœurs du Saint-Nom de Jésus et Marie, Les Religieuses dominicaines de Sainte-Catherine de Sienne, Les Augustines hospitalières de l’Hôtel-Dieu, les Sœurs des écoles chrétiennes de la Miséricorde, Annuaire, 1955.
346 Henri Heinemann, « La paroisse protestante de Plaisance », RH XIV, 1991. L’église baptiste continue aussi ses activités.
347 Montparnasse, op. cit., 1927.
348 Le 7 décembre 1923, archives de Paris, D6 X 40.
349 Rapport du 3 mars 1925, archives de Paris, D6 X 40.
350 Hôpital Saint-joseph de Paris, Lyon, 1948.
351 Rapports de la Direction de l’hygiène des 3 septembre 1924 et 1925, archives de Paris, DX 6 18.
352 Léopold Bellan est construit sur l’emplacement du cabaret de la mère Saguet et du moulin qui y attenait.
353 Les Échos du XIVe, 28 janvier et 11 mars 1933. Elle avait été fondée dès 1919 mais s’installe dans ses locaux définitifs en 1933.
354 Annuaire, 1955.
355 Rapport du 11 novembre 1925, archives de Paris, DX 6 11.
356 Maison de cure médicale Julie Siegfried, 1977, Arch. Société hist. Elle double désormais la fondation Tisserand, qui accueille les hommes, RH XIV, 1979-1980.
357 Centre social Marie Abadie, s.d., archives de la Société historique.
358 Cf. Annuaire, 1955.
359 Simone Arsicault, « Les Berceaux de Plaisance, une œuvre entre les deux guerres », RH XIV, 1995.
360 Archives de Paris, VD 6 2107.
361 Cf. aussi la fête des Amis de l’enfance assistée, Les Échos du XIVe, 26 février 1927.
362 Son secrétaire général, A. Grandchamp, 18 rue du Moulin-de-Beurre, est de Plaisance, Annuaire, 1er décembre 1928.
363 Gérard Milhaud, Raymond Losserand, fusillé par les hitlériens le 21 octobre 1942, une vie ardente et généreuse, 1949.
364 « Pour le vestiaire », Plaisance républicain, 10 avril 1936.
365 Archives de Paris, rapport du 30 septembre 1925, DX 6 18.
366 Annuaire, 1955.
367 Ibid.
368 Mains courantes, 16 mai 1936.
369 Fayola-Augereau, « À Broussais », Les Échos du XIV, 7 juin 1930.
370 Extrait d’un article de Candide de Mme Annette Pannetier, cité par Fayola-Augereau, « À Broussais », art. cité.
371 Et hygiéniste : le pavillon des tuberculeux est situé au fond de l’hôpital et isolé par le système des ailes rentrantes en peigne. La désinfection, le service des morts... sont situés au-delà du chemin de fer de ceinture, Les Échos du XIVe, 11 août 1934.
372 Anne Vega, Marie-Christine Pouchelle, Regards sur l’hôpital Broussais, Assistance publique des Hôpitaux de Paris, 1999.
373 Séance du conseil de surveillance de Broussais du 11 octobre 1928, site leplaisirdesdieux.com (site mémoriel des internes...).
374 Courte et mystérieuse allusion à ce fait dans Le roman inachevé, 1956.
375 Le Dr Guérin constate qu’un très grand nombre de parents ne mettent pas leur bébé à la crèche, « Rapport médical », Crèche de Plaisance-Montparnasse, Rapport annuel présenté à l’Assemblée générale du 13 mars 1939, mairie du XIVe, 1939.
376 « Compte rendu moral de l’exercice 1938 », Ibid.
377 « La crèche de Plaisance-Montparnasse rendue à la Préfecture et Ville de Paris », BO du comité des fêtes du XIVe, janvier 1969.
378 Il y a aussi un jardin d’enfants au 6 rue du Général-Humbert, Annuaire, 1955.
379 Évoquons le père du futur prix Nobel, Maurice Allais, boutiquier rue Didot.
380 Si l’on excepte les 350 noms affichés sur une plaque à Notre-Dame-du-Travail, mais il s’agit là d’une mémoire paroissiale.
381 Cf. 1914 – Secours d’assistance et de solidarité du XIV arrondissement (œuvres publiques et privées) – Guide pratique ; mairie du XIVe arrondissement, Œuvres municipales de guerre – Alimentation – Vêtement – Chauffage, Hiver 1915-1916 ; mairie du XIVe arrondissement, Union des Œuvres de guerre de la mairie du XIVe arrondissement, Hiver 1916-1917.
382 « Les repas populaires – La solidarité socialiste et ouvrière du XIVe » par A.-M. M., L’Humanité, 12 octobre 1914. Les socialistes travaillent avec la mairie et un industriel leur offre le local de la soupe.
383 Souvenirs Descotils, RH XIV, 1977.
384 Trignol, Les mémoires d’un truand, op. cit.
385 Dictionnaire Maitron.
386 Au conseil fédéral du 10 février 1918, les voix des 500 adhérents de la section se répartissent en 286 minoritaires, 182 centristes et il ne reste plus que 30 partisans de la majorité belliciste, AN, F7 13073.
387 Fichier constitué pour tout Paris par Emmanuelle Cronier, qui nous a aimablement prêté les affaires concernant Plaisance.
388 Mains courantes, 21 mai 1916.
389 Mains courantes, 9 mars 1917.
390 Mains courantes, 21 novembre 1917.
391 Mains courantes, 28 janvier 1916.
392 Dictionnaire Maitron.
393 Sans compter les bombardements, comme celui du 23 mars 1918 qui éventre un immeuble de la rue Liancourt, cf. R. L. Cottard, Vie et histoire du XIVe arrondissement, Paris, 1995.
394 Pour les résultats détaillés, archives de Paris, 28W4, 28W58, 28W64.
395 Albert Kahn avait le rêve de créer une banque d’images du monde. Cf. musée Albert Kahn à Boulogne Billancourt.
396 « Battre le communisme, tel est dimanche le devoir des électeurs de Plaisance », Les Échos du XIVe, 11 mai 1935.
397 G. Prade, « La leçon des élections municipales », ibid., 25 mai 1935.
398 « Les communistes contre la liberté de parole », ibid., 25 avril 1936.
399 Source L’Humanité de 1935.
400 Il habitait, lors du recensement de 1936, au 23-25 rue Bénard, un gros immeuble prolétarien du quartier, avec sa femme et sa fille.
401 Il habitait 122 rue d’Alésia, source privée.
402 La section du PCF du XIV en 1945 aurait compté 3 000 adhérents, Robert Francotte, Une vie de militant communiste, 1973.
403 Il a laissé des souvenirs, Une vie de militant communiste, 1973. Il est arrivé dans le quartier en 1940 où il s’installe artisan maroquinier. Il habitait rue du Moulin-Vert.
404 Cf. Jean Rabaté, Octave et Maria. Du Komintern à la Résistance, Paris, 2007.
405 La section a une activité mémorielle avec les commémorations de la Commune de Paris, Les Échos du XIVe, 24 juin 1933.
406 Et pas seulement pour ceux du XIVe, Georges Marrane, le maire d’Ivry, avait travaillé dans une usine de la rue d’Alésia.
407 Éditorial, « L’appel au peuple », Les Échos du XIVe, 30 avril 1927.
408 Du 26 rue de la Pépinière, mains courantes, 9 décembre 1936.
409 La liste est loin d’être exhaustive. Nous ne citons que les militants qui apparaissent dans le Dictionnaire Maitron.
410 Son nom entre dans l’histoire en décembre 1920 comme auteur d’un amendement à l’adhésion à la IIIe Internationale.
411 Fayola-Augereau, « À Broussais », Les Échos du XIV, 7 juin 1930.
412 « La crise du chômage à travers Paris. Une réunion de chômeurs dans le XIVe arrondissement », ibid., 21 novembre 1931. En 1927 le Comité des chômeurs regrette l’arrestation de deux de ses quêteurs, ibid., 23 avril 1927.
413 Le tailleur communiste Pierre Sanceau est le délégué des ateliers de la Belle Jardinière.
414 Alfred Brugères, Clovis Duval, Le Ven, Vospette sont les noms de brigadistes tués, sans que nous sachions s’ils sont de Plaisance. Robert Francotte, op. cit.
415 Mains courantes, 26 octobre 1936. L’un d’entre eux, Raymond Tardif, 15 ans, sera fusillé six ans plus tard par les nazis.
416 Archives privées.
417 Selon le Dictionnaire Maitron, sa gestion financière du syndicat fut fort discutée...
418 Au recensement de 1936, il habitait 9 boulevard Brune. Sa fille de 23 ans est portée coiffeuse.
419 Les Échos du XIVe, 28 septembre, 9 novembre, 7 décembre, 14 décembre 1929.
420 Intervention au conseil général, Les Échos du XIVe, 7 décembre 1929.
421 Les Échos du XIVe, 28 mars 1931.
422 La campagne fut très dure comme le montre ce titre : « Dans la circonscription de Plaisance 1. Le pupiste Salom se dévoile : les ouvriers socialistes y voient clair », L’Humanité, 24 avril 1935.
423 La liste du PCI (Parisot) obtient, en octobre 1946, 412 suffrages soit 1 % des suffrages exprimés à Plaisance.
424 Cf. Alain Rustenholz, Paris des avant-gardes : au rendez-vous des amis, des romantiques aux existentialistes, Paris, 2004.
425 Cf. AN, F7 13053. On y trouve aussi Auguste Leroy, de la fédération anarchiste, Albert Mayre.
426 AN, F7 13053.
427 Dictionnaire Maitron.
428 Le Libertaire, décembre 1936. Il aidait les anarchistes antifascistes espagnols et catalans.
429 Nous ne connaissons ni l’adresse ni la profession de militants importants comme Farinet et Bellet, les candidats socialistes à Plaisance en 1935, ou comme Maurice Dreyfus, qui signe un communiqué de la 14e section, cf. Les Échos du XIV, 6 avril 1929, ou Siryès et R. Dubois, ibid., 17 mars 1928.
430 Ibid., 21 avril 1928. Il est présenté comme « technicien » et non comme ingénieur.
431 Ibid., 9 avril 1928.
432 Ibid.
433 Fayola-Augereau, « Des jardins pour Plaisance », ibid., 28 janvier 1928.
434 Il doit s’en défendre dans La Griffe du XIVe, Les Échos du XIV, 11 février 1928.
435 Le président de la Ligue des zoniers le critique dans Les Échos du XIV, 6 avril 1929.
436 R. P. Bisson, « Un square », ibid., 18 décembre 1926.
437 Il intervient à de nombreuses reprises pour une rue Maurice-Bouchor, ibid., 23 février 1929 ; pour le classement des voies privées dont les propriétaires n’ont pas constitué le syndicat et laissent la rue dans un état lamentable, ibid., 27 avril 1929, etc.
438 Les Échos du XIV sont partagés sur son élection, T. Dronchat lui est hostile, Fayola-Augereau, de sensibilité radicale, est plus favorable, 28 mai 1932. Ensuite le journal évoluant vers la droite dure se contente de parler du danger communiste.
439 Il s’installe dans l’Eure, Dictionnaire Maitron.
440 Auxquels on pourrait ajouter les suffrages de listes proches, comme ceux de l’UDSR, 1 % à Plaisance.
441 Les Échos du XIVe, 23 juillet 1932.
442 Il est présidé par M. Boucheron, 5 rue Bardinet.
443 Ibid., 24 mars, 14 avril, 21 avril 1928.
444 Cf. « Le centenaire de Jean Moulin », RH XIV, 2000.
445 Georges Prade regrette ainsi les reports des suffrages radicaux sur les communistes, « Les leçons des élections municipales », Les Échos du XIVe, 25 mai 1935.
446 Ibid., 27 août 1932. La constatation vient du Comité de concentration républicain, démocratique et social de Plaisance.
447 Maury intervient pour la Ligue des droits de l’homme à un meeting antifasciste, L’Humanité, 25 juin 1935.
448 Marius Ambrée intervient pour la Libre-pensée à un meeting électoral en 1935, « Front populaire à Plaisance », L’Humanité, 11 mai 1935. Il existe aussi dans l’arrondissement une section d’Amsterdam-Pleyel.
449 Victor Serge y aurait participé, cf. Claire Auzias, Un Paris révolutionnaire. Émeutes. Subversions. Colères, Paris, 2001.
450 Nous relevons aussi comme militants ayant des responsabilités syndicales et habitant Plaisance entre 1916 et 1922 : Coussinet des menuisiers, Bidegaray et Besnard des cheminots, Delaunay des employés, Nardou et Vigouroux des terrassiers, Puyjalon des ports et docks, Schaffret de l’UD de la Seine, cf. AN, F7 13053. Et plus tard, bien d’autres présents dans le Dictionnaire Maitron.
451 Dictionnaire Maitron.
452 Gilbert Perroy, « Nos artistes – Jean Baffier », RH XIV, 1980-1981.
453 L’Humanité, 2 août 1918. Sigrand habite rue Jacquier.
454 Apprenti en 1946, ouvrier en 1948, il se syndique naturellement dans les usines d’aviation où il travaille, site Régnier cité.
455 Son père mécanicien célèbre les 1er Mai, RH XIV, 1983.
456 Art. cité, RH XIV, 1958.
457 Police municipale, XIV arrondissement, 3 juin 1919, APP, BA 1386.
458 Police municipale, XIVe arrondissement, 4 juin 1919, APP, BA 1386.
459 D’autant que certains meetings accueillent les grévistes des XIIIe, XIV et XV arrondissements.
460 APP, BA 1386.
461 Même si certains de ses militants meurent à la guerre : Quilhault, L’Humanité, 26 décembre 1914, Duforest, ibid., 16 mars 1919.
462 Almanach de la coopération, 1920.
463 Almanach du militant, 1922.
464 Rose Descotils, RH XIV, 1979-1980 ; cf. aussi Lucien Lucas, art. cité, RH XIV, 1983.
465 Bulletin du Ministère du Travail, avril-mai 1920.
466 Les Échos du XIV, 16 février 1929.
467 Ibid., 20 avril 1929.
468 Ibid., 22 août 1931, le président est M. Carsureur.
469 Cf. Jean Jolly, Dictionnaire des parlementaires, Paris, 1960-1977.
470 Compte rendu de mandat devant 2 000 personnes, le 21 mai 1930, Les Échos du XIV, 7 juin 1930.
471 Ibid., 13 janvier 1934.
472 « La liberté de réunion n’existe plus pour les nationaux », ibid., 14 juillet 1934.
473 « Battre le communisme, tel est dimanche le devoir des électeurs de Plaisance », ibid., 11 mai 1935. Le journal, passé entièrement à droite, évoque les « deux communistes de la pire espèce [...] agitateurs révolutionnaires de métier », Marcel Paul et Léon Mauvais.
474 Programme de Dumat en 1928, ibid., 21 avril 1928. Il demande aussi le vote des femmes, ce qui lui vaut le soutien du PDP.
475 Plaisance républicain, 10 avril 1936.
476 Les Échos du XIV, 21 avril 1928.
477 Ibid., 23 mars 1935.
478 « Battre le communisme... », art. cité, ibid., 11 mai 1935.
479 Le Comité, « Pour le vestiaire », Plaisance républicain, 10 avril 1936.
480 Les Échos du XIV, 27 avril 1929.
481 Dumat, « La fin d’une légende », Plaisance républicain, 17 avril 1936.
482 Le vice-président pour Plaisance s’appelle Camelin, Les Échos du XIVe, 9 avril 1927.
483 Le président est R. P. Bisson, la permanence est à Plaisance au 176 avenue du Maine, ibid., 4 juin 1927.
484 Le président n’est pas de Plaisance, ibid., 9 juin 1928.
485 Le vice-président pour Plaisance est Foreau, ibid., 25 mars 1933.
486 Ibid., 26 janvier (président M. Cavier) ; 23 novembre (président Albert Ronces) 1929 ; 24 mai, 5 juillet 1930, 22 décembre 1934.
487 Ibid., 13 janvier 1934 ; Plaisance républicain, 10 avril 1934 ; président Joseph Raguet.
488 Ibid., 22 février 1930, au 16 rue Vercingétorix.
489 « Une réunion du PDP à Plaisance » (pour la rive gauche). Il serait venu 600 personnes. Des représentants du PC, de la SFIO, du PSC et de la Jeune République y sont intervenus, ibid., 29 décembre 1930.
490 Sept à huit élèves y viendraient une fois par mois, ibid., 28 mars 1931.
491 Ibid., 26 septembre 1931 et 28 janvier 1933.
492 Ibid., 17 et 31 mars 1928, 22 décembre 1934.
493 Seul le bureau où votent les sœurs lui donne un score honorable...
494 « Le vote des femmes », ibid., 15 juin 1929.
495 Cf. aussi l’action de la caserne de pompiers Plaisance, site Internet <pompiers2paris.com>.
496 Article s.d., sans référence, sans doute de 1940, cité dans Les années 40, Parigramme.
497 Diard, Le petit rouquin de Montparnasse, op. cit.
498 Bouloy née Hornois, art. cité, RH XIV, 2004.
499 Ibid.
500 Bouloy, art. cité.
501 Duhamel, Inventaire de l’abîme, 1944, op. cit.
502 Encore un cas où Plaisance se dissimule sous le nom de Montparnasse !
503 Ibid.
504 Francotte, op. cit.
505 Arsène Tchakarian, Les Francs-Tireurs de l’Affiche Rouge. Une enquête, des révélations, des vérités inédites sur l’affaire Manouchian, Paris, 1986.
506 Francotte, op. cit. ; d’après des notes de Roi-Tanguy. Cf. aussi les souvenirs Hornoy, RH XIV, 2004.
507 Selon André Carrel et ses souvenirs dans L’Humanité du 25 août 1994.
508 Pour une vue de la Résistance dans le XIVe arrondissement, la brochure de M. Maupoint sur la question, Arch. Sté historique.
509 Conférence de Roger Morel à la mairie le 6 novembre 1965, citée dans Francotte, op. cit.
510 Histoire – H. Ernault-SOMUA, 1963. Une plaque avait été apposée en août 1945, qui semble avoir disparu.
511 Une plaque le rappelait, qui semble avoir disparu, R. L. Cottard, « Les plaques commémoratives... », art. cité, RH XIV, 1985-1986.
512 Au café 37 rue Raymond Losserand, cf. plaque sur la façade.
513 Francotte, op. cit. Ce fait est repris par Aragon dans Les Communistes.
514 Cf. Francotte, op. cit. et A. Thoraval, Des résistants à Paris, 2000 (qui ne cite que deux cas à Plaisance !).
515 Francotte, op. cit. et Jean Jérôme, Les Clandestins, 1940-1944, 1986.
516 Cf. A. Thoraval, op. cit.
517 Cette liste s’inspire de diverses sources complétées par Josette Lahana et Georges Viaud, Chemin de mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans le XIVe arrondissement de Paris, numéro spécial de RH XIV, 2006/2007.
518 Mais, comme pour la Grande Guerre, le monument aux morts réalisé par Gilbert Privat ne donne pas de liste des morts.
519 L’artisan mécanicien René Warrie, impasse Lebouis, se serait caché pour l’éviter, Souvenirs de sa fille, art. cité, RH XIV, 1982.
520 Francotte, op. cit.
521 Rue Julie, ibid.
522 Rue Didot, rue de l’Eure, ibid.
523 Ibid. Cf. aussi Paul Balter, qui inspire la presse du Mouvement Valmy, RH XIV, 1980-1981.
524 Diard, Le petit rouquin..., op. cit. Il y eut des cas tragiques comme celui de Couesnon, 77 rue des Plantes, qui imprimait de nombreux tracts de la Résistance communiste et qui fut exécuté par erreur comme traître par les résistants ; cf. Dictionnaire Maitron.
525 Francotte, op. cit.
526 Cf. la plaque posée boulevard Brune en hommage aux morts postiers, ouvriers ou employés.
527 Qui a fourni deux morts pour la France, cf. plaque posée autrefois au 139-141 de l’avenue.
528 Qui fut l’hôpital des FFI pendant l’insurrection de Paris, Francotte, op. cit.
529 La cantine de l’école Sévero nourrit les insurgés, ibid.
530 Témoignage d’un syndicaliste, Regards sur l’hôpital Broussais, op. cit., 1999.
531 De très nombreuses barricades, à visée plus stratégique, s’établissent aux débouchés des rues sur l’avenue d’Orléans, de la porte d’Orléans à Denfert-Rochereau. Il s’agit là de perturber ce grand axe de circulation nord-sud important pour les Allemands.
532 Souvenirs de Roger Trentesaux, facturier de 37 ans, site www.mapage.noos.fr/liberation_de_paris/roger.
533 Témoignage d’Albert Preux, 16 rue de l’Ouest, dans Francotte, op. cit. Deux Allemands sont tués rue de Vanves le 20 août selon Mme Hornois, RH XIV, 2004.
534 Souvenirs Hornois, RH XIV, 2004.
535 L’Humanité, 25 août 1944.
536 Francotte, op. cit.
537 L’un habite rue Ernest-Cresson, l’autre rue Nansouty, cf. Philippe Nivet, « Les Assemblées parisiennes de la déclaration de guerre à la Libération de Paris », Fédération des Sociétés historiques et archéologiques de Paris et Île-de-France, 1996.
538 Il habitait 12 bis villa Brune, Dufresne, RH XIV, 1998.
539 Le policier dénonciateur habite au rez-de-chaussée du 14 impasse Florimont, la famille Glozmann au premier étage droite, cf. Jean Villetay, art. cité, RH XIV, 1982.
540 Souvenirs Boulois-Hornoy, RH XIV, 2004.
541 Ils habitaient 20 rue Boyer-Barret, cf. Bulletin intérieur de la SH XIV, juin 2007.
542 Chemin de mémoire, op. cit.
543 Tous ces renseignements tragiques viennent du dépouillement systématique des travaux de Serge Klarsfeld effectué dans Josette Lahana et Georges Viaud, Chemin de mémoire de la Seconde Guerre mondiale dans le XIVe arrondissement de Paris, numéro spécial de RH XIV, 2006/2007.
544 Henri Calet, Les grandes largeurs, 1951.
545 Georges Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit., 1944.
546 Indication de Pierre Biais.
547 N. Jacometti, Têtes de Montparnasse, 1934.
548 Jacques Audiberti, série sur « les ilôts de la misère », Le Petit Parisien, 13 décembre 1937.
549 Francis Carco dit dans Nostalgie de Paris, 1941 : « Picasso s’installait à Plaisance », mais nous n’en avons aucune certitude.
550 Salmon, Montparnasse, 1950. En 1951, dans son Rive gauche, Salmon publie aussi un dessin de Vlaminck intitulé Plaisance.
551 Cf. aussi René Larose, qui voit les artistes s’installer « plus au sud vers Plaisance », cf. « Montparnasse avant, pendant et après les années folles », RH XIV, 1993.
552 A. Arnoux, « Géographie sentimentale du XIVe arrondissement », art. cité, RH XIV, 1958.
553 Robert Wehrlin, qui eut son atelier rue Vercin entre 1924 et 1934, a laissé de belles œuvres représentant la rue, <www.wehrlin.info>.
554 A contrario des rues importantes du quartier accueillent assez peu d’artistes, la rue de Vanves Raymond-Losserand, la rue de l’Ouest et la rue Didot en particulier.
555 Loed, Giacometti, op. cit., 1983 (1997). Alberto y vivait avec sa femme Annette, mais il y amenait volontiers des prostituées de Montparnasse... L’atelier de Giacometti a été rendu célèbre par de nombreuses photographies et par un beau texte de Jean Genêt, L’atelier d’Alberto Giacometti, Paris, 1963.
556 Site www.centrepompidou.fr.rapports/rapports2001.
557 Cf. Un Paris révolutionnaire. Émeutes. Subversions. Colères, Paris, 2001.
558 Cf. « L’envolée lyrique 1945-1956 », numéro spécial de Connaissance des arts, 2006.
559 G. Perroy, « Les ateliers d’artistes disparus avec la rue du Moulin de Beurre », souvenirs d’Henri Héraut, RH XIV, 1973.
560 Les Échos du XIVe, 2 juillet 1927.
561 Cf. site www.dialogus2.org/BRA.
562 Cf. Georges Viaud, « Bal de Brassens dans le XIV », RH XIV, 2002. Cf. aussi Je me souviens..., op. cit.
563 Au 48-50 rue Didot, RH XIV, 1969, Léonide Madre-Tremblay, « Une jeunesse musicale au Petit Montrouge ».
564 Il habitait en 1933 au 172 rue de Vanves, site <www.martinu.cz>.
565 Il habitait rue de Vanves en 1927-1928, cf. entretien avec Nino Frank, site <luigi.russolo.free.fr>.
566 Cf. Marcel Duhamel, Raconte pas ta vie, Paris, 1972.
567 Jacques Prévert, dans Hebdromadaires, 1974.
568 Lettre de M. Heinrich, RH XIV, 1990.
569 Paris révolutionnaire, op. cit.
570 Marc Dufaud, « L’éternité en un clin deuil », site Internet cité.
571 Henri Calet, Le tout sur le tout, op. cit.
572 Comme, semble-t-il, les intellectuels ; mais on connaît généralement mal leurs adresses. René Ginouvès aurait ainsi habité dans les années 1950 la rue Didot, cf. Jean Marcadé, « Hommages », site <www. mae.u-parisio.fr>.
573 Citons aussi le poète Raymond Benoit, le régionaliste Charles-Brun, le romancier pour la jeunesse (osé Moselli.
574 Dossier rue Didot, archives de la Société historique du XIVe.
575 Les Échos du XIVe, 4 juin 1927. Le journal publie une poésie dans beaucoup de ses numéros.
576 Les Échos du XIVe, 31 mars 1928.
577 José-André Lacour, préface de la réédition du Chien des ténèbres, Super poche Fleuve noir, 1995.
578 G. Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit.
579 Agnès Varda, « l’habite Paris XIV et pas Paris », Libération, 22 août 2003.
580 Site internet <www.objectif-cinema.com>.
581 Rapport cité, 1939.
582 II a 47 ans et est arrêté, Les Échos du XIV, 18 décembre 1926.
583 Le seul cas présent dans notre sondage ne concerne pas une femme : un professeur amoureux de 49 ans, habitant de la rue de l’Ouest, est venu ivre rendre visite à celui qu’il croyait l’amant de son ancienne maîtresse, mains courantes, 6 octobre 1936.
584 Mains courantes, 5 mars, 12 mars, 4 juillet, 28 novembre 1936...
585 Mains courantes, 7 février, 3 mars, 22 juin, 26 octobre 1936. Les hommes avancent généralement de graves difficultés financières pour justifier d’un non paiement.
586 Mains courantes, 5 mars, 26 avril, 6 octobre, 6 novembre 1936...
587 Outre l’adultère constaté, ils vivent ensemble... Autres hommes adultères, 23 septembre et 10 novembre 1936. Cf. aussi les cas d’adultère des femmes, 28 mai, 19 août, 3 octobre 1936.
588 Les Échos du XIVe, 3 décembre 1927 ; Andrée Lucas, « Vie quotidienne à Plaisance (1914-1925) », RH XIV, 1983.
589 Les Échos du XIVe, 24 mars 1928.
590 Fayola Augereau, « Le vote des femmes », ibid., 15 juin 1929.
591 Odette habite rue Pernety, Blanche, rue du Château et Suzanne, rue de Vanves, ibid., 19 janvier 1927.
592 M. Audiard, Le p’tit cheval de retour, 1971.
593 A. Salmon, Montparnasse, op. cit.
594 Souvenirs Andrée Lucas, RH XIV, 1983.
595 Souvenirs Bouloy-Hornois, RH XIV, 2004.
596 Cf. le dossier VD6 2107 aux archives de Paris sur les activités du Comité d’aide aux familles nombreuses.
597 Mains courantes, 19 novembre 1936.
598 M. Audiard, op. cit.
599 Voir, par exemple, l’importance du cours complémentaire en 1923 pour le futur père Lagrange, qui obtient son brevet élémentaire en 1925 avant de devenir métreur, RH XIV, 1996.
600 G. Perroy, « Le départ de nos industries du XIV », RH XIV, 1970, et Secrétariat d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse, Centre de formation professionnelle, 25 Boulevard Brune et 5 rue des Camé lias, s.d. Aux archives de la Société historique du XIV.
601 Site <www.icem-pedagogie-freinet.org>.
602 Les Échos du XIVe, 21 mai 1927, 30 juin 1928, 20 février 1929, 30 mars 1929...
603 Dont Henri Calet apprécie le bruit, op. cit.
604 G. Duhamel décrit le bout de trottoir de la rue Vandamme « propice aux jeux des gamins », Inventaire de l’abîme, 1944.
605 T. Dronchat, « Le square de la rue Didot », Les Échos du XIVe, 10 février 1934.
606 Fayola-Augereau, « Le pouvoir d’attraction du XIVe », art. cité, ibid., 3 décembre 1927. Du même, ibid., 27 juin 1931.
607 Fayola-Augereau, « Les Habitations à Bon Marché », ibid., 24 mars 1928.
608 R. Benoit, « Dans mon vieux quartier de Plaisance », Bulletin... cité, juillet 1956.
609 Site Régnier cité.
610 Arrestation de jeunes habitant rue de l’Ouest après une agression rue Maison-Dieu, Les Échos du XIVe, 19 juillet 1930 ; vol dans une crémerie par un « drôle » de 19 ans, ibid., 10 octobre 1927.
611 Compte rendu Dumat, ibid., 7 juin 1930.
612 Ibid., 28 mars 1931.
613 A. Grimaldi, « Les ateliers... », art. cité, RH XIV, 1999.
614 Henri Calet, « D’un “extra” à l’autre », Les deux bouts, 1954.
615 Demeurant 120 rue Vercingétorix, mains courantes, 1er janvier 1936.
616 R. G., 16 cité Raynaud, mains courantes, 11 mai 1936 ; G. L, valet de chambre, mains courantes, 24 août 1936, qui promet de rembourser 55 francs par quinzaine.
617 Elle est employée de bureau ; elle reprendra les versements dès que possible, mains courantes, 6 juin 1936.
618 Le couple habite au 51 rue Hippolyte-Maindron, tout près de chez Giacometti, mains courantes, 26 juin 1936.
619 Au 54 rue de Plaisance, mains courantes, 24 janvier 1936.
620 Au 62 rue Pernety, mains courantes, 10 juillet 1936.
621 Dans lesquelles aiment se plonger Salmon et Rosny aîné, Salmon, Montparnasse, op. cit.
622 Selon l’expression de Georges Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit.
623 Arsicault, « Les berceaux de Plaisance... », art. cité, RH XIV, 1995.
624 Le nom du quotidien n’est pas donné. Les Échos du XIVe, 19 octobre 1929.
625 « À bout de ressources, une veuve de guerre, mère de sept enfants, perd la raison », ibid., 28 mai 1927.
626 Arsicault, art. cité.
627 Souvenirs de Lagrange, RH XIV, 1996.
628 Rue de Texel, cf. Trignol, op. cit.
629 Henri Calet les voit uriner sous les ponts, cf. Les grandes largeurs, 1951. Cf. aussi, Le petit rouquin de Montparnasse, op. cit.
630 A. Arnoux, Féerie des Vingt arrondissements. Paris sur Seine, op. cit.
631 Les Échos du XIVe, 27 août 1928. Aussi chute mortelle d’un maçon demeurant rue de la Sablière, sur un chantier du 136 avenue du Maine, ibid., 5 juillet 1930, d’un couvreur de 35 ans demeurant rue de Plaisance, Le Petit Parisien, 7 janvier 1936...
632 5000 francs de billets et deux montres en or, mains courantes, 26 mars 1936 ; aussi mains courantes, 4 août et 30 octobre 1936.
633 Jeunes surpris dans les caves du 12 avenue du général de Maud’huy, mains courantes, 14 février 1936.
634 À l’Armée du Salut, rue Henrion de Pansey, vol de livret militaire, papiers et valise au dortoir, mains courantes, 6 juillet 1936. À l’hôtel, 3 rue Ledion, vol de monnaies, vêtements, argenterie, clé, mains courantes, 13 mai 1936.
635 Mains courantes, 25 février 1936.
636 Mains courantes, 5 février 1936.
637 Mains courantes, 13 février 1936. Cf. aussi le vol de 30 boites de sardines, de bananes... pour 200 francs la nuit chez l’épicière du 109 rue Vercingétorix, mains courantes, 4 avril 1936.
638 Mains courantes, 16 mars 1936. Une femme se fait voler à 10 heures, rue de Vanves, son porte-monnaie, 22 juillet 1936.
639 Mains courantes, 28 juillet 1936. Le portefeuille contenait 4 550 francs.
640 Un charbonnier de 24 ans se fait voler la sienne par un gamin de 14 ans, mains courantes, 22 mars 1936. Un vendeur de journaux de 26 ans se fait voler la sienne dans la cour de son meublé, 80 rue Vercingétorix, ibid., 21 juillet 1936, etc.
641 Mains courantes, 1er décembre 1936.
642 Mains courantes, 26 février, 29 février, 1er mai, 23 juin, 16 juillet, 8 septembre (mais deux postes de TSF ont disparu) 1936...
643 Le voleur est poursuivi par un motocycliste après une conduite irrégulière et abandonne le véhicule, ibid., 4 juillet 1936.
644 Trois gamins de 11, 13 et 14 ans surpris avenue du Général-de-Maud’huy, mains courantes, 14 février 1936.
645 Deux gamins de 14 et 15 ans qui volent sur les marchés de Malakofl pour s’acheter des bicyclettes, ibid., 28 octobre 1936.
646 Mains courantes, 3 novembre 1936. Dans ce dernier cas, le père, employé aux pompes funèbres, offre de dédommager la victime et demande à reprendre son fils, emprisonné à Fresnes.
647 Mains courantes, 7 décembre 1936.
648 Mains courantes, 2 mai 1936.
649 Les Échos du XIVe, 15 octobre 1927.
650 Ibid., 17 décembre 1927.
651 Ibid., 13 août 1927.
652 Ibid., 16 juillet 1927.
653 Ibid., 1er octobre 1927.
654 Au Soleil, avenue du Maine, chez Favre, nouveautés, rue de Vanves, ibid., 18 juin 1927.
655 Rue des Plantes, ibid., 13 août 1927.
656 Ibid., 3 décembre 1927. Au vestiaire des chemins de fer, rue Vandamme.
657 Ibid., 9 novembre 1929.
658 Vols de métaux, ibid., 20 août 1927.
659 Ibid., 25 février 1928.
660 Ibid., 1er octobre 1927.
661 Les Échos du XIVe, 23 juin 1928.
662 C’est l’époque aussi où, plus largement, se fabrique l’image du bon truand.
663 Charles Lazarch, industriel 55 rue de Vanves, semble coutumier de ces contestations, mains courantes, 31 mars, 21 avril, 4 décembre 1936 ; cf. aussi, ibid., 10 avril, 30 novembre 1936.
664 Mains courantes, 21 décembre 1936.
665 Deux femmes portent plainte contre un homme qui n’aurait pas effectué un travail promis, mains courantes, 22 avril 1936.
666 Qui demeure 2 rue Boyer-Barret, mains courantes, 2 janvier 1936.
667 Mains courantes, 25 août 1936.
668 Mains courantes, 28 février 1936.
669 Mains courantes, 10 mars 1936.
670 Un charcutier de produits italiens, 130 rue de Vanves, mains courantes, 29 juillet 1936.
671 Mains courantes, 30 octobre 1936.
672 L’homme prétend que la descente dans la nouvelle gare est plus proche de son domicile, mains courantes, 31 mars 1936.
673 Celui du 47 rue Liancourt, mains courantes, 15 novembre 1936.
674 Par un homme de 63 ans. Mais on ne sait après qui ou quoi il en avait ! Mains courantes, 25 novembre 1936.
675 Bruit de moteur chez une brocheuse, 3 rue du Moulin de-la-Vierge, mains courantes, 18 décembre 1936.
676 Elle habite rue de Vanves, mains courantes, 17 janvier 1936.
677 En instance de divorce, mains courantes, 15 février 1936.
678 Ils habitent 12 rue Du-Cange, mains courantes, 9 juillet 1936.
679 Elle habite 72 rue Pernety, mains courantes, 25 juin 1936.
680 Et avait brisé la vitre de sa porte, mains courantes, 23 novembre 1936. Les témoins, voisins, confirment insultes et violence.
681 Entre deux Algériens, Les Échos du XIVe, 7 janvier 1928.
682 « PAN ! PAN ! PAN ! », ibid., 27 août 1927, une bagarre dans un bistrot de la rue de Vanves se solde par deux blessés.
683 Ibid., 25 août 1928.
684 II s’appelait Léon Daguerre, article du 10 janvier 1939, reproduit dans le site www.cegesoma.be.
685 Mains courantes, 5 juin 1936.
686 Au revolver, près de la rue Gassendi, Les Échos du XIVe, 31 décembre 1927.
687 « Odieuse agression en plein midi avenue du Maine », ibid., 22 mars 1930.
688 Un charpentier y est agressé au carrefour avec la rue Maison Dieu par des jeunes gens demeurant rue de l’Ouest, ibid., 7 janvier 1928. Rue de Médéah, un terrassier de 27 ans est blessé au couteau, Le Petit Parisien, 3 février 1936.
689 Les Échos du XIVe, 25 août 1928.
690 Je me souviens du XIVe arrondissement, op. cit.
691 Mains courantes, 18 novembre 1936.
692 Mains courantes, 3 décembre 1936.
693 Arrestation d’un cantonnier des chemins de fer, demeurant dans un meublé, pour injures, Les Échos du XIVe, 7 janvier 1928.
694 Mains courantes, 28 octobre 1936.
695 Un certain Pierre K. est blessé en manipulant cette arme, Les Échos du XIVe, 31 décembre 1927.
696 Ibid., 9 juin 1928.
697 V. Stanciu, La criminalité à Paris, CNRS, 1968.
698 Pantruche ou les mémoires d’un truand, op. cit., 1946.
699 Souvenirs de Robert Amman et de Robert Mandra, JMS, op. cit.
700 Loed, Giacometti, op. cit.
701 Même si Les Échos du XIVe proteste contre les « dames » qui racolent « au bas de la rue de Vanves », 23 novembre 1935.
702 Souvenirs Masson, RH XIV, 1975.
703 Mains courantes, 9 mai 1936.
704 Les Échos du XIVe, 13 août 1927.
705 Mains courantes, 18 avril 1936.
706 La demoiselle, fille soumise, habite avec son amant à Issy-les-Moulineaux, mains courantes, 30 juin 1936.
707 Souvenirs de Robert Amman, Je me souviens..., op. cit.
708 Mains courantes, 27 janvier 1936.
709 La concierge du 50 rue Liancourt conforte cette thèse, mains courantes, 29 octobre et 18 novembre 1936.
710 Mains courantes, 26 septembre 1936.
711 Mains courantes, 27 avril 1936.
712 Mains courantes, l’Octobre 1936.
713 Pour une cause inconnue, Les Échos du XIVe, 2 juillet 1927. Autre suicide d’une jeune fille, rue de Vanves, ibid., 19 mai 1928.
714 Mains courantes, 16 mai 1936 ; aussi une femme de 45 ans de la rue Vandamme, Les Échos du XIVe, 5 juillet 1930.
715 Mains courantes, 18 mai 1936.
716 Cf. article du 10 janvier 1939, paru dans un journal inconnu et reproduit dans le site <www.cegesoma. be>.
717 INSEE, Préfecture de la Seine, Données statistiques sur la population et les logements de la Ville de Paris, 1954.
718 Le recensement de 1954 donne des renseignements sur la date de construction des immeubles. Malheureusement, il mélange tous les immeubles construits entre 1871 et 1914 dans une seule et énorme catégorie.
719 Souvenirs Bouloy-Hornois, RH XIV, 2004. Cf. aussi les souvenirs Lucas, RH XIV, 1983, qui évoquent les maisons ouvrières sans confort, les cabinets sur le palier...
720 Les Échos du XIVe, 3 mai 1930.
721 « Braderie Plaisance », ibid., 26 mai 1934.
722 Sabine Chalvon-Demersay, Le triangle..., op. cit.
723 Rue des Plantes, Les Échos du XIVe, 19 octobre 1929.
724 Ibid.
725 Clémentine D., 32 ans, employée d’hôtel, est tombée de sa chambre au 6e étage ; le garde corps de la fenêtre est tombé aussi, la boiserie est vermoulue, les points d’appui sont rongés par la rouille, mains courantes, 30 mai 1936.
726 Raynaud, op. cit.
727 Texte dans Les Échos du XIVe, 27 avril 1929.
728 Ibid., 11 mai 1935.
729 Souvenirs Lagrange, RH XIV, 1996.
730 G. Perroy, « Les grandes heures du quartier de Plaisance », art. cité, 1956-1957.
731 Marcel Samoth, Les Échos du XIVe, 22 janvier 1932.
732 Ibid., 2 novembre 1929.
733 Jacques Audiberti, « La Cité Jeanne d’Arc », Le Petit Parisien, 13 décembre 1937, série « Les îlots de la misère », republié dans Jacques Audiberti, Paris fut. Écrits sur Paris 1937-1953, Claire Paulhan, 1999.
734 Extrait d’un témoignage de 1979 paru dans je me souviens du XIVe, op. cit.
735 A. Moraux, « Analyse architecturale... », art. cité, RH XIV, 1975. Il s’agit de l’îlot 2782, vers la rue du Moulin-de-la-Vierge.
736 Rares sont les maisons, comme celle du 2 bis impasse Lebouis, qui étaient là depuis les années 1830.
737 Cf. Bernard Rouleau, Villages et faubourgs de l’ancien Paris, histoire d’un espace urbain, 1985 ; Jacques Lucan, Paris des faubourgs, formation, transformation, 1996.
738 Marius Boisson, Coins et recoins de Paris, op. cit.
739 Georges Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit.
740 Souvenirs Hornoy, RH XIV, 2004.
741 José-André Lacour, préface de la réédition du Chien des ténèbres, op. cit., 1995.
742 Il est difficile d’être assuré à la lecture des listes nominatives du recensement de 1936 qu’un immeuble est un hôtel garni. Toutefois nous avons isolé les immeubles comprenant au moins 5 ménages, presque tous habités par une personne isolée. Tous ne sont pas des garnis, mais beaucoup.
743 « Les exagérations de certains propriétaires », Les Échos du XIVe, 21 juin 1930.
744 L’affaire va jusqu’au Petit Parisien et au juge de paix ! « Les emmurés de Malakoff », ibid., 25 juin 1927.
745 « Une famille voulait de force réintégrer le logis dont on l’avait expulsée », ibid., 3 juillet 1927.
746 Sa population aisée et quelque peu militaire en fait, nous l’avons vu, le bastion de la droite dans le quartier.
747 Le conseil municipal accepte une proposition en ce sens de Salom, ibid., 30 août 1930.
748 29 janvier 1927.
749 Intervention de Salom au conseil général de la Seine pour l’amélioration des transports en commun, Les Échos du XIVe, 7 décembre 1929, de Grangier au conseil municipal pour prévoir des écoles pour les 1 700 logements prévus, ibid., 29 janvier 1927...
750 Fayola-Augereau, « Les Habitations à Bon Marché », ibid., 24 mars 1928.
751 « Le Boulevard Brune et Le Matin », ibid., 10 septembre 1927.
752 Il est aussi un fervent partisan de la femme au foyer, ibid., « Les Habitations... », art. cité.
753 Fayola Augereau, « Des jardins pour Plaisance », ibid., 28 janvier 1928.
754 Fayola Augereau, « Les Habitations... », art. cité.
755 Fayola-Augereau, « Les Habitations... (suite) », art. cité.
756 Fayola-Augereau, « Le pouvoir d’attraction du XIVe », ibid., 3 décembre 1927.
757 Fayola-Augereau, « Lettre ouverte à M. le conseiller municipal du quartier de Plaisance », ibid., 27 juin 1931.
758 Éditorial, ibid., 28 janvier 1933.
759 Fayola Augereau, « Promenade de la porte de Vanves à la porte de Gentilly », ibid., 24 juin 1933.
760 Fayola-Augereau, « Le pouvoir... », art. cité.
761 Éditorial cité, Les Échos du XIVe, 28 janvier 1933. Sans que soit contestée, nous l’avons vu, la laideur du bâti.
762 Ibid. Cf. aussi, L. Brachev, « Espaces verts inconnus... », art. cité, RH XIV, 1991.
763 Souvenir Régnier, site Internet cité.
764 Sans doute ces tensions sont-elles à l’origine des choix du jeune militant JOC, Georges Montaron.
765 Fayola-Augereau, « Le quartier de la porte de Châtillon », Les Échos du XIV, 8 février 1930.
766 Cf. Léon Brachev, « Espaces verts... », art. cité, RH XIV, 1991.
767 Cf. Mathieu Flonneau, Paris et l’automobile : un siècle de passion, Paris, 2005.
768 Le record est détenu par un jeune motard de 22 ans, habitant rue du Général-Humbert, qui en commet cinq en une journée ! Mains courantes, 25 novembre 1936. Le goût du deux-roues motorisé chez les jeunes gens se retrouve dans plusieurs de nos sources.
769 Il s’en tire avec une forte commotion, le conducteur est un électricien voisin, mains courantes, 1er septembre 1936.
770 Mains courantes, 8 février 1936. Nous trouvons aussi dans notre sondage 1936 un cas d’accident entre un camionneur demeurant villa Deshayes et un motard au croisement d’une rue, mains courantes, 18 mai 1936, etc.
771 Un entrepreneur de la rue Vercingétorix se défend de sa culpabilité dans ce type d’accident, mains courantes, 29 avril 1936.
772 Mains courantes, 20 février 1936.
773 Mains courantes, 20 mars 1936.
774 Mains courantes, 8 mai 1936.
775 Mains courantes, 22 mai 1936.
776 Mains courantes, 26 mai 1936. Les témoignages sont discordants.
777 Un cafetier de la rue de Vanves est convaincu de fuite à Clermont-Ferrand, mains courantes, 29 juillet 1936 ; un représentant de commerce a un accident en Bretagne avec une moto, mains courantes, 20 octobre 1936.
778 Les Échos du XIVe, 10 septembre 1927.
779 Ibid., 5 juillet 1930.
780 Ibid., 11 août 1928.
781 Salom, ibid., 12 juillet 1930.
782 « À MM. Les Conseillers Pinelli et Salom », non signé, ibid., 25 avril 1931.
783 Pour tout ceci, cf. Les Échos du XIVe, 16 juin et 23 juin 1928.
784 Fayola écrit que Broussais fut toujours un dépotoir où Paris déverse son « trop plein de tuberculeux graves », ibid., 7 juin 1930.
785 Ibid., 7 juin 1930.
786 « Dans l’arrondissement – L’Hôpital Franco-Musulman de la rue Gassendi », ibid., 6 août 1927.
787 Anatole Jakovsky, Les feux de Montparnasse, Paris, 1957.
788 « Pas de vacances pour les voleurs », Les Échos du XIVe, 13 août 1927.
789 Ibid., 31 décembre 1927. Les Échos évoquent Paul Jaguenko, aliéné, mais ne font aucune allusion sur ses origines, ibid., 1er mars 1930. De même il signale des bagarres entre Algériens, sans développement, ibid., 7 janvier 1928, 19 juillet 1930.
790 Mains courantes, 27 avril 1936.
791 Mains courantes, 17 mars 1936.
792 Henri Calet, Le tout sur le tout, op. cit.
793 Et il ne peut envoyer de l’aide à sa légitime, mains courantes, 23 septembre 1936.
794 Comme celle de Paul Ivan, manœuvre russe de 39 ans, qui demeurait au foyer de l’Armée du Salut, ibid., 21 juin 1936.
795 Celle de Mathieu Tekutcheff, 41 ans, Russe du Caucase, sans domicile, sans profession, ibid., 19 janvier 1936.
796 Ibid., 14 octobre 1936.
797 Peut-être plus proches des ingénieurs, inventeurs, techniciens, Alfred Durand-Claye, Deparcieux, le mathématicien, et Paturle.
798 « La petite histoire de nos quartiers - Quartier de Plaisance », BO du Comité municipal des fêtes du XIVe, juillet 1956.
799 Gilbert Perroy, « Les grandes heures du quartier de Plaisance », art. cité, RH XIV, 1956-57.
800 Selon Marc Minérath, des chasses auraient encore eu lieu en 1850 dans le parc du château dit du Maine, art. cité.
801 P. Ritti, « La fondation de Plaisance », Les Trois Monts, juillet 1928.
802 P. Ritti, « La fondation de Plaisance », Les Trois Monts, juillet 1928.
803 Les Trois Monts, décembre 1930.
804 Article de Lucien Descaves paru dans L’Intransigeant du 18 mai 1930 et republié dans Les Échos du XIVe le 31 mai 1930.
805 Les Trois Monts, juin-juillet 1930.
806 « La petite histoire de nos quartiers - Quartier de Plaisance », art. cité, juillet 1956.
807 Gilbert Perroy, « Les grandes heures du quartier de Plaisance », art. cité, 1956-57.
808 Lucien Descaves, art. cité. Lucien Descaves a habité dans sa jeunesse 131 boulevard Brune, à la limite de Plaisance.
809 Jean-Émile Bayard, Montparnasse, op. cit., 1927.
810 J. Lorenzi, « Le pont des Bœufs », Les Trois Monts, janvier 1931.
811 « La petite histoire de nos quartiers - Quartier de Plaisance », art. cité, juillet 1956.
812 Jean-Émile Bayard, Montparnasse, op. cit. Il cite Chateaubriand.
813 Gilbert Perroy, « Les grandes heures du quartier de Plaisance », art. cité.
814 Les Trois Monts, décembre 1930.
815 Jean-Émile Bayard, Montparnasse, op. cit., qui cite Chateaubriand.
816 Le Vieux Gavroche, « Promenades locales, il y a 60 ans – L’avenue du Maine », Les Échos du XIVe, 4 décembre 1926.
817 « La petite histoire de nos quartiers – Quartier de Plaisance », art. cité, juillet 1956.
818 Gilbert Perroy, « Les grandes heures du quartier de Plaisance », art. cité, RH XIV, 1956-57.
819 R. Héron de Villefosse, « Paris au temps des Pasquier », dans Chronique de Paris au temps des Pasquier, 1951.
820 André Salmon, Montparnasse, 1950.
821 Henri Calet, Les grandes largeurs, 1951.
822 P. Ritti, « La fondation de Plaisance », Les Trois Monts, juillet 1928.
823 Marius Boisson, Coins et recoins, 1927.
824 Bulletin mensuel des Trois Monts, mai 1931.
825 En évoquant l’action de l’association des cuisiniers, 36 avenue du Maine, Jean-Émile Bayard, Montparnasse..., 1927.
826 D’après un article de La Presse, 29 avril 1869, Bulletin mensuel des Trois Monts, mai 1931.
827 Les Échos du XIVe, 14 janvier 1927.
828 Marius Boisson, Coins et recoins, op. cit.
829 A l’opposé de cette thématique, A. Salmon, le pape de Montparnasse, souligne le bienfait pour Plaisance de l’arrivée des artistes, qu’il voit plus dans la période des années 1930, Montparnasse, op. cit.
830 Fayola-Augereau, « À Plaisance, une conversation avec M. Salom... », Les Échos du XIVe, 19 avril 1930.
831 Fayola-Augereau, « L’Union Populaire (Université populaire du XIVe) », ibid., 9 février 1929 ; annonce de Grangier de la décision du conseil municipal, « Dans l’arrondissement, une rue Maurice Bouchor », ibid., 23 mars 1929.
832 Georges Duhamel, Inventaire de l’abîme, 1944.
833 Police municipale du 5e district, APP, ΒΑ 1470. Voir aussi APP, BA 1535, L’Humanité, 22 mars 1918, 31 mai et 2 juin 1918.
834 Les Échos du XIVe, 24 juin 1933.
835 Cellule Friant, « La semaine sanglante dans le XIVe », La voix du XIVe, 27 mai 1949. Mais cette cellule n’est pas de Plaisance.
836 La Voix de Saint Pierre (de Montrouge), 12 décembre 1954.
837 Notre paroisse, s.d. (dans les années 1930).
838 Les Échos du XIVe, 5 février et 11 juin 1927.
839 Ibid., 4 février 1928.
840 Ibid., 26 avril 1930.
841 R. L. Cottard constate aussi le phénomène dans son « Bilan de 40 années », RH XIV, 1994. Il note que pour Les Trois Monts, « Plaisance était vraiment une “terra ignorata” et que ses habitants “n’avaient pas d’histoire” ».
842 Né en 1877, gardien de la paix, habitant 6 rue Delbet depuis 1917 ; cf. archives de la Société Historique.
843 « Mme Veuve Fayola-Augereau », Les Échos du XIVe, 25 mai 1935. L’entreprise s’arrête pendant la guerre de 1914-1918.
844 Fayola-Augereau, « À Plaisance, une conversation avec M. Salom », ibid., 19 avril 1930.
845 Le Vieux Gavroche, « Promenades locales – Il y a 60 ans l’avenue du Maine », ibid., 4 et 18 décembre et 1926.
846 Ibid., 3 septembre 1927.
847 Bulletin mensuel du Comité municipal des fêtes, juillet 1956.
848 Les Échos du XIVe, 25 août 1928.
849 A. L’Esprit, « L’avenue du Maine... », ibid., 27 novembre 1926.
850 Ville de Paris, Aménagement de l’îlot insalubre n°17 et réalisation de la Cité internationale des Arts et de la Pensée, novembre 1935. Contient un superbe plan des urbanistes.
851 Les grands travaux contre le Chômage ! ! !, Tract appel pour un meeting le 2 octobre 1936, organisé par l’UD CGT de la Seine, le comité local des chômeurs du XIVe, le comité de défense des intérêts du quartier, le comité des techniciens au chômage.
852 Délibération du conseil municipal du 13 juillet 1934.
853 Extrait d’un article non daté, « La lutte contre le chômage », rendant compte d’un meeting, place de Rennes, dossier BAVP.
854 Le terrain vague frappe souvent les imaginations ; cf. les souvenirs de M. Tournois, évoquant celui qui se trouvait au coin de la rue de Ridder et de la rue Vercingétorix, « où se trouvait, parait-il, l’ancienne école en planches », RH XIV, 1975.
855 Cf. A. Salmon, Rive gauche..., op. cit.
856 Georges Duhamel, inventaire de l’abime, op. cit.
857 Les Échos du XIVe, 27 octobre 1934.
858 Sans vrai plan, ce qui aboutit à l’enclavement de petites maisons, ibid., 25 juin 1927. Par ailleurs, lors du rattachement de 1925, des confusions se produisent, ibid., 9 février 1929 (il y a une rue des Mariniers, un passage des Mariniers, un sentier des Mariniers...).
859 « Une promenade dans le nouveau XIVe- Une topographie qui n’est pas toujours facile », ibid., 8 septembre 1928.
860 Simone Arsicaut, « Les berceaux de Plaisance... », art. cité, RH XIV, 1995.
861 « Une promenade... », art. cité.
862 Cf. Les Échos du XIVe, 14 et 21 mai 1927.
863 Léon Brachev, « Passée la porte de Vanves », RH XIV, 1982.
864 Souvenirs Galice, je me souviens du XIVe, op. cit.
865 Gaston Mauve, dans je me souviens du XIVe, op. cit.
866 Les Échos du XIVe, 14 juillet 1928.
867 Ibid., 6 avril, 13 avril et 20 avril 1929.
868 Fayola-Augereau, « Le quartier de la porte de Châtillon », ibid., 8 février 1930.
869 Souvenirs Hélène Amman, Je me souviens du XIVe, op. cit.
870 Jean-Louis Cohen et alii, Des fortifs au périf : Paris, les seuils de la ville, Paris, 1991, donnent des éléments sur le cadre juridique créé par Vichy pour chasser les habitants de la zone mais rien sur ce qu’ils appellent, pour le moins maladroitement, « la libération de la zone »...
871 André Grimaldi, « Les ateliers... », RH XIV, 1999.
872 Henri Calet, Les grandes largeurs, op. cit.
873 Georges Duhamel, Inventaire de l’abîme, op. cit.
874 Les Échos du XIVe, 27 novembre 1926.
875 Léon Brachev, « Rousseau... », art. cité, RH XIV, 1987.
876 Henri Calet, Le tout sur le tout, 1948.
877 Jacques Audiberti, art. cité.
878 Fayola-Augereau, « À Plaisance, une conversation... », art. cité, Les Échos du XIVe, 19 avril 1930. Cf. aussi du même, « un de nos quartiers est moins favorisé que les autres ... ce quartier si peu favorisé à bien des égards », ibid., 3 décembre 1927.
879 Dronchat, art. cité. Ibid., 10 février 1934.
880 Fayola-Augereau, ibid., 28 mars 1931.
881 R. Benoit, « Dans mon vieux quartier de Plaisance », Bulletin du Comité..., art. cité, juillet 1956.
882 Henri Calet, op. cit.
883 Georges Duhamel, Inventaire de l’abîme, 1944.
884 Interview citée, je me souviens du XIVe, op. cit.
885 Réunions des 7, 18 et 23 juin 1919, APP, BA 1386.
886 Le commissaire du quartier Plaisance insiste sur l’importance de ce va-et-vient de Plaisance à la Gaîté, op. cit., 1927.
887 RH XIV, 1979-1980.
888 Site Régnier cité.
889 Diard, Le petit rouquin, op. cit.
890 Cf. infra.
891 Diard, Le petit rouquin, op. cit.
892 « Le dimanche on allait déjeuner chez mon oncle à Malakoff », Mme Ammann, Je me souviens du XIVe, op. cit.
893 Beaucoup viennent de Malakoff vers le centre de Paris par Plaisance.
894 Du père de Mme Boulois de Malakoff vers Plaisance, souvenirs cités. RH XIV, 2004, etc.
895 Les Échos du XIVe, 19 octobre 1927.
896 Coins..., op. cit., 1927.
897 Nesto Jacometti, op. cit.
898 Cité dans Notre paroisse, op. cit.
899 Léon-Paul Fargue, Le piéton de Paris, 1939.
900 Am(qui rit), « Voyages économiques », Les Échos du XIVe, 2 novembre 1939, qui ironise sur le « joli nom de mon moins joli pays : Plaisance ! ! ! ».
901 Ce que reconnaît Henri Calet.
902 Selon la belle expression de Georges Duhamel, op. cit.
903 Cf. je me souviens du XIVe, et bien sûr c’est à la Concorde que Mme Hornois va voir le général de Gaulle, RH XIV, 2004.
904 Henri Calet, op. cit., 1951 et 1948.
905 Henri Calet, 1951.
906 Les Echos du XIVe, 20 avril 1929.
907 Ibid., 20 novembre 1926.
908 A. Salmon, Montparnasse, op. cit., 1950.
909 Les Echos du XIVe, 25 février 1933.
910 Cf. Un Paris révolutionnaire. Émeutes. Subversions. Colères, Paris, 2001. Camille Bryen, dans Risque poetique, 1934, déclare : « Derrière Montparnasse existe un quartier cancereux ού les rues et les maisons sont follement dévorées. »
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