Chapitre 4. La « Belle Époque », peut-être (1898-1914)
p. 191-290
Texte intégral
1La croissance du quartier s’achève dans ce tournant des xixe et xxe s. Les dernières parcelles libres au nord de la rue d’Alésia se construisent, et surtout la ville s’étend vers le sud, jusqu’aux Maréchaux, sa crue s’achevant au pied des fortifs. De l’autre côté du mur, mais on est alors encore à Malakoff, les zoniers se sont installés solidement. La population aussi atteint son plus haut niveau (80 000 habitants) dans un quartier extrêmement dense (si l’on excepte les grandes installations hospitalières et usinières).
2Cinquante ans après l’annexion, Plaisance s’urbanise, se citadinise et perd de son caractère de banlieue, sans être pour autant un quartier de la ville-centre. Cette ultime croissance rencontre une République mieux assurée, qui bénéficie d’un sensible mieux économique (ladite « Belle Époque »). Mais Plaisance reste pauvre et populaire et sans doute ce qui marque le mieux le Plaisance de 1900, c’est le sentiment d’un quartier modèle. Dans le contexte d’une lutte vive, déjà présente à la fin du xixe siècle, entre l’Église et la République, Plaisance fait figure de quartier symbolique et héroïque. Notre-Dame-du-Travail est le plus beau monument de cette lutte. Mais aussi, sans doute plus tardivement que Belleville et avec moins d’éclat, Plaisance devient un phare du socialisme parisien.
3C’est donc le temps de la conquête symbolique de Plaisance que ces années 1900. Sans que la vie quotidienne du quartier en soit bouleversée, sinon par des rapports nouveaux qui s’établissent entre la nature et la ville.
Notre-Dame-du-Travail
4En 1903, le curé Soulange-Bodin peut s’installer dans sa nouvelle église qui remplace la petite et pauvre église de la rue du Texel.
5Ce fut le grand projet de Soulange, nommé curé en venant du Rosaire. Il l’accompagne de tout un dispositif publicitaire en vue de recueillir les sommes indispensables à cette grande construction, un journal mensuel, L’Écho de Plaisance, des brochures, des affiches... Moderne, l’abbé use en abondance du dessin et surtout de la photo. C’est que l’ensemble coûtera très cher, 1 126 912 francs1 (près de 10 millions d’euros) et la paroisse est pauvre. Notre propos n’est pas ici d’étudier l’origine des dons, qui viennent de partout (et sont parfois considérables, une héritière donne 180 000 francs [1 500 000 euros !]. En juin 1899, première inquiétude alors que seule la crypte est achevée2, il manquerait encore 750 000 francs. En juin 1900, « d’ici quelques jours les recettes seront épuisées et les ouvriers quitteront le chantier de Notre-Dame-du-Travail3 ». Les travaux furent, en effet, interrompus puisqu’en février 1901 le journal constate qu’« on a repris les travaux4 ».
6Pour cette grande opération, les arguments soulangiens sont nombreux. Le premier est celui de la taille. La petite église de 400 places, à peine, de la rue du Texel ne suffit plus au regard du quartier, qui a besoin de 2 000 places5. Le confort et l’hygiène aussi doivent être améliorés. Au « hangar6 » dangereux au plancher pourri va se substituer une église « claire et aérée » et sûre avec ses sept portes et ses vastes dépendances7.
7Mais ces arguments fonctionnalistes sont appuyés par d’autres, qui prennent vite le devant de la scène. Fondamentalement, il s’agit de donner une belle et importante église à un quartier ouvrier, à un quartier de travailleurs. Ce qui va avec la symbolique qui accompagne le bâtiment. « Notre-Dame-du-Travail de Plaisance » deviendra le nom de la paroisse. Certes, il ne s’agit surtout pas d un outil de lutte de classes. Au contraire, l’église sera un « Trait d’Union aux travailleurs des différentes classes de la société », souligne le texte d’une affiche destinée à obtenir des souscriptions8. Mais ce sont bien le Travail et les Travailleurs qui sont mis en valeur, honorés, représentés. Une affiche nous montre en premier plan un fort ouvrier aux bras musclés, au pantalon qui rappelle la tenue des gars du bâtiment. Une jeune femme, à tenue modeste, l’accompagne. En arrière-plan, des cheminées d’usine renforcent cette imagerie ouvrière insistante aussi dans le texte : « en ce moment où la question sociale se pose si aiguë »... « un faubourg de 35 000 ouvriers »... Destinée aux ouvriers, l’église sera aussi d’une facture qui doit parler à l’ouvrier. L’architecture intérieure en fer lui sera coutumière : « L’église devait rappeler à l’ouvrier son usine afin qu’il se sente chez lui, dans son milieu habituel, entouré de matériaux de fer et de bois que sa main transforme tous les jours9. »
8À l’architecture doit s’associer la décoration. Aux côtés des statues et peintures religieuses (ou avec) figurent les symboles du Travail : les saints patrons des métiers, saint Luc, le patron des artistes et ouvriers d’art, saint Éloi, patron de la métallurgie10… Dans le chœur une grande fresque, achevée en 1905, de Félix Villé, représente les corps de métiers et les « affligés ». La statue de Notre-Dame-du-Travail (de Jules Lefèvre), enfin, montre le Christ enfant en apprenti charpentier avec ses outils et, sur le socle, locomotive, poteau et lignes, établi, enclume, brouette, usine, cheminée, outils en bois et fer attestent encore la gloire du Travail.
9Mais cette église du Travail, cette église des affligés et des ouvriers, est aussi – et se veut telle – une œuvre d’art11. Par son architecture d’abord. Sans doute le frontispice, « qui domine singulièrement les petites maisons du quartier est très simple12 » et les façades latérales n’ont rien de remarquable13, mais l’intérieur est d’une rare élégance avec ses fines nervures de métal et sa très grande légèreté et clarté. Au-dessus des nefs, des galeries pleines de charme soulignent sans l’alourdir l’architecture générale. L’architecte, Jules Astruc, mérite ainsi que son nom entre dans l’histoire de l’urbanisme14. L’ornementation est aussi remarquable, avec les fins motifs floraux qui ornent les chapelles et les nefs latérales dans un merveilleux style Art déco.
10Voici Plaisance doté d’un monument important. Pour Soulange-Bodin, la « basilique » est le couronnement de son œuvre15. L’initiateur des œuvres du Rosaire, devenu bâtisseur d’une belle église, fait désormais figure de grand homme du quartier ; un petit culte s’organise autour de lui. À l’occasion du cinquantenaire de la paroisse, Eugène Lebœuf pense que « le clou de la fête, ce sera encore une fois de voir les mains calleuses des ouvriers de Plaisance serrer avec effusion celles de l’abbé Soulange-Bodin16 ». Les enfants du patronage lui dédient une petite poésie, « L’Ange de Plaisance17 ». Ses adversaires reconnaissent sa valeur : « l’abbé Soulange-Bodin, grand édificateur de chapelle, constructeur d’églises, curé de Notre-Dame du travail, fondateur de fourneaux économiques et de nombreux patronages dans le quartier de Plaisance, propriétaire de plusieurs immeubles où nonnes et nonettes enseignent la morale religieuse18 ».
11Mais la stature médiatique de Soulange-Bodin va connaître un essor nouveau avec les incidents liés aux lois contre les congrégations et à la séparation de l’Église et de l’État. Plaisance va devenir un lieu fort de la résistance cléricale – mais aussi de l’offensive anticléricale – à Paris. La dualité d’une personnalité religieuse exceptionnelle et d’un quartier à forte et dominante tradition anticléricale porte à cette confrontation qui fait de Plaisance, pendant quelques années, un quartier qui attire les journalistes.
12Deux événements sont les plus marquants. Le premier est lié aux dispositions concernant les congrégations. On sait que la loi de 1901 sur les associations exigeait que les congrégations fussent autorisées par le législateur sauf à être interdites ou expulsées. En mai 1903, certaines paroisses firent venir un prêtre non sécularisé ou non agréé car appartenant à une congrégation expulsée. Cette décision entraîna la réaction des libres-penseurs et anticléricaux, qui organisèrent des manifestations contre cette venue considérée comme une violation de la loi. Ces manifestations furent sensibles dans cinq églises, très importantes dans deux (Saint-Jean-Baptiste de Belleville et Plaisance). La paroisse la plus touchée fut Notre-Dame-du-Travail de Plaisance. L’abbé Soulange-Bodin y avait fait appel au père Albert, un jésuite de Rouen. Pour le curé de Plaisance, qui venait juste d’ouvrir sa nouvelle et belle église au culte, il s’agissait de manifester sa liberté contre toute ingérence de l’État. Mais dans un quartier comme Plaisance, cette décision suscita une violente réaction, en partie organisée par les milieux libres-penseurs et socialistes parisiens. À l’issue de la messe du soir du 17 mai 1903, des centaines de manifestants anticléricaux tentèrent de s’en prendre aux fidèles à leur sortie et d’envahir le presbytère. Soulange avait prévu le coup et « le soir du 17 mai, au sermon de l’abbé Albert, ancien jésuite sécularisé, plusieurs centaines d’hommes se trouvaient assemblés dans l’église19 ». Aux habitants du quartier, « très nombreux » selon Fonssagrives, s’étaient joints des catholiques venus d’autres paroisses et des leaders du mouvement clérical comme le « général antisémite Max Régis20 », qui commandait les forces catholiques, M. d’Etchegoyen21 ou Piou, le responsable de l’ALP. La police réussit à séparer les adversaires à la sortie de la messe, côté rue Vercingétorix, ce qui suscita le mécontentement du très laïc Quatorzième, qui dénonça Lépine pour avoir seulement cherché à « protéger les cléricaux » et fait « refouler les anticléricaux22 ». Côté presbytère, les incidents furent plus vifs, et plus drôles ? En voici le récit de Noël Nozerot :
On essaya l’assaut du presbytère qui accueillit les assaillants par un arrosage sérieux. Trempés d’eau, les manifestants cédèrent à la force des lances et partirent en éternuant. Ce procédé renouvelé du colonel Lobau mit en gaîté les deux camps et on peut dire que le projet d’assaut tomba à l’eau.
13Toutefois, des incidents plus violents se produisirent ensuite. Les catholiques organisèrent une manifestation de quatre cents personnes en rangs serrés jusqu’à la gare Montparnasse. Trois cents catholiques de Saint-Pierre de Montrouge vinrent à travers les rues rallier Plaisance23. Les libres-penseurs repoussés continuèrent de manifester dans le quartier, rue Pernety, rue de l’Ouest. Selon Fonssagrives, ils s’en seraient pris à des enfants du pensionnat des frères maristes qui rentraient de congé en fiacre.
14Au bilan, « c’est à Plaisance que la lutte a revêtu un caractère de violence sérieux, puisque les blessés ont été nombreux dans les deux camps24 ». Voici notre quartier connaissant une célébrité à travers la presse qui évoque les incidents en termes parfois dignes d’une exagération bien journalistique : « L’Église de Plaisance a été le théâtre d’une manifestation telle que, peut-être, on n’en vit pas depuis 20 ans25. » Les incidents valurent aussi une petite notoriété à Soulange-Bodin, qui « entre parenthèses est un homme d’énergie, solidement taillé26 » et dont la photo parut dans la presse. Soulange-Bodin voulait faire de Notre-Dame-du-Travail et du quartier de Plaisance le lieu central de l’action de défense des libertés et des congrégations. « L’attaque de l’église par les Apaches le 17 mai 1903 » devient une référence de cette lutte27.
15On ne s’étonnera pas de retrouver notre curé en pointe dans l’opposition aux inventaires décidés suite à la loi de séparation de l’Église et de l’État. Le 31 janvier 1906, le curé, entouré de son clergé, de son conseil de fabrique et de plusieurs centaines de fidèles, refuse l’accès de l’église aux inspecteurs (il n’est pas le seul à Paris, mais là encore, un des curés les plus en pointe). Revenus, protégés par la police, en présence de Lépine en personne, dix jours plus tard, cette fois-ci sans avertir et passant par le presbytère à l’arrière, les inspecteurs purent procéder à l’inventaire rapidement et sans incident28. De nouveau, l’attitude de Soulange-Bodin lui vaut les honneurs de L’Illustration, qui consacre deux photos à Plaisance sur les treize de sa page spéciale « Les Troubles dans les églises » du numéro du 10 février 1906. Soulange-Bodin fut aussi inculpé pour son refus d’appliquer la loi, mais la justice se montra bon enfant29. Les derniers incidents eurent lieu lors de la mise sous séquestre de l’église en décembre 1906, lorsque l’enjeu se déplaça vers la répartition des biens des conseils de fabrique. Soulange-Bodin fit afficher 500 affiches de protestation et distribuer 10 000 numéros spéciaux de L’Écho30.
16Selon Jean-Marie Mayeur, Soulange-Bodin faisait partie d’un petit groupe, minoritaire dans le clergé, d’abbés activistes qui, avec Le Sillon (de Marc Sangnier) et des comités royalistes, constitua le noyau de la résistance aux inventaires31. Toujours est-il que ces actions répétées, ces incidents multiples attirent l’attention sur cette paroisse de Plaisance, qui devient un enjeu symbolique national.
17Pour autant, Soulange-Bodin ne serait-il pas un colosse aux pieds d’argile ? Certains faits tendent à le montrer.
18D’abord, l’abbé voit arriver en 1901 un jeune vicaire affecté au Rosaire, auprès de l’abbé Boyreau. L’abbé Viollet, plus jeune de quatorze ans que Soulange, va vite inscrire son action dans une perspective très différente de celle de ses deux supérieurs : il ne s’attache guère à la paroisse et à son territoire. Il ne s’installe pas au presbytère, ni dans un logement particulier, mais dans le « phalanstère de la villa Deshayes32 », qui aurait été selon sa nièce « une oasis de jeunes intellectuels déclassés ». Certes, tous sont des catholiques convaincus, mais leurs convictions vont du Sillon à l’extrême droite, de la CGT à la Patrie Française. On y trouvait, outre le jeune abbé, un avocat, un critique d’art, un peintre de vitraux, un secrétaire, un agent d’assurances, un gérant de coopératives, un écrivain, un camionneur aux Planteurs de Caïffa et une bonne ! De ces petits colloques et de ce mode de vie l’abbé Viollet sortit convaincu qu’il fallait déborder de la paroisse pour l’action sociale catholique. Et ce à deux niveaux : ne pas s’en tenir aux seuls ecclésiastiques mais associer étroitement les laïcs, voire les autres confessions, et ne pas s’en tenir au territoire, trop étriqué, de la paroisse. Pour son action l’abbé Viollet s’installe sur un terrain démuni de chapelle, rue du Moulin-Vert, où il va fonder ses œuvres. Surtout il essaie d’organiser des œuvres interparoissiales ou des Unions d’œuvres du XIVe arrondissement.
19Tout ceci lui vaut de sévères critiques de Soulange-Bodin, qui considère que l’action de Viollet est plus abstraite que concrète et parfois nocive aux œuvres catholiques paroissiales33. Il ne faut pas négliger des oppositions plus directement politiques puisque l’abbé Viollet est largement partisan de la séparation de l’Église et de l’État34. Toutefois, si l’abbé Viollet s’est ainsi éloigné de la paroisse, il restera fidèle à Plaisance jusqu’à sa mort, résidant rue de Gergovie dans un bâtiment social modeste.
20Une autre « dissidence » à l’action du curé de Plaisance tient au mouvement autonomiste du Rosaire, qui se concrétise officiellement en 1911 avec la création d’une nouvelle paroisse qui enlève à Notre-Dame-du-Travail de Plaisance la moitié sud de son territoire.
21En 1896, Soulange-Bodin quitte la chapelle du Rosaire, chapelle modeste « faite de planches et de briques revêtues de plâtre Cf. Éric Besnard. art. cité.35 », où il avait fondé un ensemble d’œuvres remarquable, pour la cure de Plaisance. L’abbé Boyreau lui succède. Tôt, celui-ci va se rendre compte de difficultés nouvelles dans sa tâche. D’abord, c’est le Rosaire qui prend de plein fouet la croissance démographique du quartier, maintenant essentiellement présente au sud de la rue d’Alésia. D’où un manque de moyens – d’autant que le Rosaire ne touche pas les revenus des Pompes – et un manque de prêtres36. Par ailleurs, les dépenses considérables occasionnées par la construction de la nouvelle église du Travail semblent se faire au détriment du Rosaire. Celui-ci disparaît d’ailleurs en partie des préoccupations de Soulange Bodin37. Surtout il aurait volontiers quêté auprès des anciens bienfaiteurs du Rosaire « en sorte qu’après lui nous ne trouvons rien à glaner38 » !
22L’abbé Boyreau va donc effectuer des démarches auprès de l’archevêché pour obtenir que la chapelle du Rosaire quitte Notre-Dame de Plaisance et soit érigée en paroisse indépendante. Ce sera chose faite le 25 juin 1911 par ordonnance signée de Mgr Amette. L’abbé Boyreau devient le curé de cette nouvelle paroisse et le restera jusqu’en 193839.
23La nouvelle église, achevée moins de dix ans après Notre-Dame-du-Travail, va rayonner sur une paroisse qui s’étend aussi sur le XVe arrondissement auquel elle prend quelques rues.
24Peut-on dire que la nouvelle paroisse et, dès avant, l’action de l’abbé Boyreau ont une orientation, une approche différentes de celles de Soulange-Bodin ? Les œuvres que ce dernier avait créées sont largement poursuivies, certes. Et Boyreau est un curé de paroisse, on l’a vu, fort éloigné de Jean Viollet. Cependant la nouvelle église même témoigne bien d’un nouveau style, au-delà de moyens moindres pour sa construction. Construite par Pierre Sardou dans le style des premières basiliques chrétiennes, elle se veut épurée, modeste, « noble et grave, simple et sincère40 ». C’est surtout de l’extérieur que son charme agit, avec son clocher-tour en léger retrait de la rue de Vanves et qui n’impose rien. A l’intérieur, l’église est dénudée, « presque nue et pauvre » selon Lavedan, mais « calme, reposante et reposée ». On est bien à l’opposé de Notre-Dame-du-Travail, plus ostentatoire. Les abbés vivent dans le presbytère contigu, 4 cité Raynaud, ce qui accentue ce côté monacal de la pratique paroissiale.
25Le Rosaire n’est pas pour autant sectaire, et sans doute moins que Notre-Dame-du-Travail. L’abbé Boyreau accentue son action en direction des jeunes, fondant en 1899 le club athlétique du Rosaire41. Des groupes de jeunes ouvriers catholiques y sont fondés par Georges Houssin42, et l’abbé Boyreau organise des rencontres contradictoires avec les jeunes socialistes43.
26Les écoles du Rosaire seraient-elles aussi moins fermées ? En 1899, l’école primaire compte cinq cents élèves avec neuf maîtresses. Nous disposons d’un témoignage émouvant, celui de F. B. de Bucé à la suite de la mort de sa fille de quatorze ans qui était une ancienne élève du Rosaire. Et de Bucé, le rédacteur-directeur de La Revue d’un passant, revue artistique et littéraire, se situe près des idées socialistes ou des républicains socialistes. Voici ces lignes :
Je dois également de vifs remerciements à la Directrice de l’école libre, et de l’école ménagère de ND du Rosaire, située 176, rue de Vanves, où sur le désir de sa maman, ma petite Hélène fut élevée. J’ai eu deux enfants. Mon petit garçon, mort cinq ans avant sa sœur, n’avait pas été baptisé. La cérémonie funèbre fut purement civile. On n’ignorait pas cette circonstance à l’École de ND du Rosaire. Quoique je sois un tolérant, par caractère et par raisonnement, on devait plutôt, je crois, m’y considérer comme un adversaire.
Je ne saurais qu’imparfaitement exprimer combien j’ai été touché des marques d’intérêt témoignées à mon enfant malade, des visites de la Directrice, de sa maîtresse de classe44...
27En ces temps de vifs conflits entre religieux et laïcs, il y eut ainsi place pour ces relations humaines sans esprit de haine dans notre quartier. C’était sans doute plus facile au Rosaire qu’à Notre-Dame-du-Travail.
28La démarche originale de l’abbé Viollet et la cassure progressive de la paroisse en deux affaiblissent sans doute cette image du triomphe du lutteur Soulange-Bodin. Mais certains secteurs des pratiques paroissiales connaissent aussi des difficultés, sans doute d’origine endogène.
29Au niveau des œuvres, le panorama reste largement positif. Tout indique que, recentrée sur Notre-Dame-du-Travail, la dynamique engagée au Rosaire se poursuit. L’Écho de Plaisance en présente des bilans réguliers. Le dernier bilan de novembre 1905, à la veille de la séparation, indique 11 œuvres de piété, 13 œuvres charitables, 24 œuvres diverses ; près de 50 œuvres ! Encore le journal n’évoque-t-il plus les œuvres du Rosaire, ni les coopératives d’inspiration catholique comme « L’Ouvrière en construction45 », coopérative de serruriers au 179 rue de Vanves, ou la coopérative de consommation « L’ouvrière », qui a 300 familles adhérentes. Le dynamisme est encore sensible, en 1902, avec la création de l’Association des mères chrétiennes46, en décembre 1906, celle de la section de Plaisance de la Ligue anti-alcoolique (logée au presbytère)47. Il semblerait enfin qu’à cette liste il faille ajouter en 1908 une première colonie de vacances48.
30Généralement, d’ailleurs, la paroisse et ses œuvres continuent à faire preuve d’un esprit original ou novateur. Les excursions49, les veillées ou soirées artistiques50, les séances de théâtre51, les chants de la chorale, les causeries52 animent l’ensemble et L’Écho de Plaisance est abondamment enrichi par la photographie. Notre objectif n’étant pas d’histoire religieuse, nous n’étudions pas précisément cette liste où œuvres de piété, œuvres charitables, œuvres sociales, œuvres sociables, œuvres médicales, familiales, culturelles... sont présentes.
Confrérie du Sacrement et du Sacré Cœur/Ligue paroissiale/Confrérie de la Sainte Vierge/Confrérie Notre-Dame-du-Travail/Confrérie de la Bonne mort -anciens Auxiliaires du Purgatoire depuis 1864... Confrérie du Saint Rosaire/La Sainte Famille/Association des mères chrétiennes/Congrégation des Saints Anges/Congrégation de Saint Jean/Retraites/Ligue de l’Ave Maria
Conférence de Saint Vincent de Paul /Œuvres des pauvres malades/Dames du faubourg/Dames de charité /Secours du curé/Sœurs garde-malades 43 rue de Vanves/Sœurs aveyronnaises (aux Fourneaux XVe)/Dispensaire de la société philanthropique/ Assistance maternelle et infantile/Œuvre des tuberculeux
Vestiaire/Assistance par le travail à domicile/ Demande de places/ Ouvroir/Apprentissage/Caisse des loyers de Plaisance (dépôt en caisse d’épargne)/Société de secours mutuel de Plaisance/Union catholique des chemins de fer/Union du travail libre/Torchon/Secrétariat des familles
Société paroissiale de Plaisance/Catéchisme/Comité de propagande catholique/Écho de Plaisance/Comité de la Bonne presse/Chorale/Bibliothèque
Patronage Saint-Paul/Patronage des tout petits/Patronage Jeanne d’Arc 6-9 ans/Patronage Jeanne d’Arc 9-13 ans/Patronage Saint-Michel (aux Fourneaux XVe)/Cercle Saint-Paul (13-21 ans)/Société amicale de Saint-Joseph (anciens élèves)/Cercle Notre Dame du Travail/Association libre des jeunes filles/Cercle Jeanne d’Arc (adultes)/Dotation de la jeunesse de France – section de Plaisance/École chrétienne Sainte Élisabeth/École Chrétienne Callot, 86 bis rue du Château/ École professionnelle ménagère des bonnes/ Secrétariat pour le développement des jeunes filles (école ménagère, cours de commerce, de couture...)
Les œuvres de Notre Dame du Travail en 1905
31Notons aussi que ces œuvres conservent leur qualité. Le patronage Saint-Paul n’obtient-il pas une médaille d’or à l’exposition universelle de 190053 ? Ses promenades en campagne sont réputées54, ses jeunes apprentis exposent régulièrement55.
32Cependant, nous relevons un affaissement avec la disparition de la plupart des écoles chrétiennes et d’une bonne part des patronages. Les lois sur les associations et les congrégations sont passées par là. En 1903 et 1904 vont ainsi fermer les écoles de garçons de la rue du Château et de la rue de Vanves, les écoles et pensionnats des frères maristes, les écoles de filles de la rue Crocé-Spinelli et de la rue Perceval, l’externat des sœurs du 66 rue Vercingétorix.
33L’établissement qui fut le plus vivement défendu fut l’externat-internat de filles des Sœurs du Saint-Nom-de-Jésus, 185 rue de Vanves. Une pétition des parents fut signée par une centaine de familles en 1904, dénonçant une campagne de diffamation : « Nous pères, mères et tuteurs des enfants élevés chez [...] protestons avec la dernière énergie contre les articles de certains journaux, accusant cet établissement de mal nourrir les enfants et de les faire travailler outre mesure56. » Il est vrai qu’il s’agit là encore d’un établissement qui relevait plus du Rosaire que de Notre-Dame-du-Travail et que, comme pour l’école de filles du 178 rue de Vanves, le quartier manifestait une certaine sympathie pour ces œuvres, qui ne profitaient pourtant souvent que peu aux Plaisanciens (ils ne sont que 28 % des signataires).
34Les congrégations ne sont pas de la paroisse ; elles dépendent souvent d’autres hiérarchies. Les avis semblent diverger sur leur situation. Les Sœurs gardes-malades du 43 rue Vercingétorix (elles sont quatre) qui « soignent les indigents dans les hôtels meublés » seraient « assez bien vues57 ». Les Sœurs du Saint-Nom-de-Jésus, « personnes vulgaires, d’esprit borné et d’une instruction rudimentaire », selon les pouvoirs publics58, suscitent des avis très divergents comme nous l’avons vu au chapitre précédent59. La même remarque peut être faite pour les Maristes qui accueillent des élèves bourgeois, qui ne sont pas de Plaisance60, dans leur externat et font des cours dans les écoles paroissiales du quartier. Détestés au début, ils seraient devenus « assez bien vus dans le quartier [...] aujourd’hui on est habitué à les voir et ils passent à peu près inaperçus61 ». Mais les anticléricaux les dénoncent comme « un ennemi tout puissant : la congrégation des Maristes, dont les constructions gigantesques et la chapelle couvrent une grande partie de ce quartier62 ».
35Toujours est-il qu’il fallut s’adapter à ces départs forcés. Les patronages qui accueillaient les élèves des communales s’élargirent à de nouveaux venus : « Nos amis des écoles communales nous ont ouvert tout grands leurs patronages et leurs cercles. Les mains se sont chaudement et fraternellement serrées, les cœurs se sont sentis battre à l’unisson63. » L’autre processus d’adaptation consista à contourner la loi en transformant, lorsque c’était possible, l’école congrégationniste en une école privée catholique. Ce fut le cas de l’école de filles Sainte Elisabeth de la rue Crocé-Spinelli.
36Il n’en reste pas moins que la paroisse avait perdu la bataille des écoles, qui avaient été un de ses plus beaux fleurons.
37La vraie bataille était sans doute celle de la foi. Elle reste un mystère difficile à mesurer pour les historiens du religieux. En mai 1905, le curé estime que la présence à la messe pascale a été multipliée par deux depuis son arrivée et qu’ainsi l’église est bondée ce jour, qu’à la messe dominicale les hommes sont passés de 80 à 400 assistants réguliers (il ne donne pas de chiffres pour les femmes). Ainsi, estime-t-il, « le nombre des catholiques » augmente considérablement64. Est-ce un plaidoyer pro domo ? D’autres indices atténuent ces estimations. Soulange-Bodin se plaint de l’absence aux messes et de la négligence de beaucoup65. Indiscutablement, il y a des limites à la percée de la paroisse. 300 abonnés à La Croix, 600 achats du Pèlerin66 à la messe67, 1200 personnes à la promenade paroissiale68, 2 000 personnes à l église à l’occasion de la mission69, c’est bien mais loin d’être massif dans un quartier qui compte bientôt autour de 80 000 habitants.
38Et des blocages apparaissent. La Société paroissiale de Plaisance, association créée pour gérer la paroisse en lieu et place du conseil de fabrique, voit son essor, annoncé triomphalement chaque mois par le journal paroissial, s’arrêter en septembre 1905 : 1 100 adhérents. Le journal ne donnant plus aucun chiffre ensuite, on ne peut qu’imaginer une stagnation, voire un déclin. Nous disposons d’une liste des commerçants adhérents à la Société paroissiale en février 1906 (166)70. Les gros bataillons sont fournis par les commerces de bouche (boucher, boulanger, épicier), mais la société échoue à s’implanter vraiment chez les marchands de vin, chez les professions libérales ou dans les milieux artisanaux. Nous connaissons par les souvenirs recueillis par la Société historique quelques-unes de ces familles catholiques de Plaisance. La famille de B. G., maréchal-ferrant de 1890 à 1913, 73 rue Didot, qui participe aux processions dans les jardins de Bon-Secours71 ; la famille de C. B., gros horticulteur, boulevard Brune à la fin du xixe siècle. Ses enfants vont à l’école catholique et son fils fait sa communion en 1899 à l’ancienne église de Plaisance. Mais la famille s’obstine à la situer rue Saint-Médard et non rue du Texel comme c’est le nom de la rue depuis 187772 !
39Autre semi-échec, les initiatives du Comité de propagande catholique, créé en 190573 pour agir en direction des ouvriers. En janvier 1906, son animateur, P. de Bricourt, peut annoncer une quatorzième conférence, signe d’un vrai activisme. Mais les présences restent limitées, au mieux 50 personnes, malgré une tentative de se réunir dans des lieux ouverts, comme Le Robinson de Plaisance. Et encore, le journal paroissial note que « plusieurs auditeurs voyant qu’on osait parler de religion sont sortis ; c’était au dessus de leurs forces d’écouter pareil langage74 ».
40Le principal échec fut sans doute l’arrêt en 1908 de la publication de L’Écho de Plaisance, le formidable journal de la paroisse, créé par Soulange Bodin en 1897. Lorsque Soulange quitte Plaisance en 1910 pour une paroisse plus aisée et plus tranquille, peut-on parler d’une réussite ? Son vif militantisme et son action politique, voire ses sentiments antisémites que nous évoquons ailleurs, ne lui avaient pas valu que des amis, à Plaisance et ailleurs. Mais son dynamisme, les œuvres qu’il avait développées, la superbe église qu’il avait construite, avaient donné à Plaisance une visibilité évidente et une forme de réputation – ce qui ne signifiait pas une identité.
41Il y avait d’autres églises chrétiennes à Plaisance, l’ancienne paroisse protestante de « Plaisance » (qui rayonne toujours sur un territoire beaucoup plus large que le quartier) et la nouvelle église baptiste. Tôt décidés à travailler dans « ce quartier ouvrier populaire de Plaisance », les pasteurs baptistes eurent des salles rue de l’Ouest, rue de Vanves, rue du Texel, puis une première chapelle rue de Sèvres avant d’ouvrir en 1899 leur église au 123 avenue du Maine, « l’église s’y sentait mieux à sa place, humble et pauvre parmi les pauvres75 ». Notons aussi qu’en 1910 s’ouvre au 57 rue de Vanves, « dans une magnifique propriété », une « maison hospitalière ». Cette maison accueille les tout premiers groupes de quakers en France avec, en particulier, Léon Revoyre (1870-1932). Il quitte la maison en 1913, qui périclite dès lors76. Nous trouvons aussi les traces de croyances populaires : une secte antoiniste et un envoûteur rue du Château77...
Reconquête républicaine et conquête socialiste
42Dans notre quartier la passion politique est évidente ; encore en 1912, Bracke constate après deux campagnes électorales successives (une élection législative partielle suivie de l’élection municipale) qu’« il a été possible durant deux longs mois de réunir presque chaque soir la population d’un même quartier [...] sans que des signes de lassitude se laissassent voir, sans que l’intérêt languît, sans que l’affluence diminuât78 ». Sans doute y a-t-il là quelques exagérations dans l’euphorie de la victoire, mais en 1937, Messimy, se souvenant de sa campagne de 1902, évoque le climat « d’idéalisme passionné » du quartier et du peuple de Plaisance79. Les réunions publiques sont animées et la foule s’y presse. La passion déborde au point que Autrand, secrétaire général de la préfecture de la Seine, aurait ainsi averti Messimy en 1902 : « Auriez-vous peur de vous présenter dans un quartier tout à fait populaire où les réunions publiques sont dures80 ? » Et de fait, des bagarres éclatent, en 1902 aux Mille Colonnes entre pro- et anti-Girou81, en 1904, rue Sainte-Alice entre nationalistes et républicains. Cette passion politique, ancienne, sans doute présente dans d’autres quartiers de la capitale, s’accompagne d’une évolution politique importante.
43En mai 1898, Girou est élu député de Plaisance-Montparnasse, sous une étiquette ambiguë comme de coutume82. Mais il s’agit de sa dernière victoire. Dès l’élection municipale qui suit en octobre 1898 – suivant une tradition parisienne, on ne pouvait être conseiller municipal et député – à Plaisance, son candidat est battu très largement par le candidat radical Pannelier83. En 1902, Girou, devenu nationaliste84, est à son tour battu par Messimy85 à l’élection législative. On ne le reverra plus à Plaisance. Quelques années plus tard, c’est le socialiste Bracke qui est élu député de la circonscription (grâce aux voix de Plaisance) et, en 1912, un autre socialiste, Grangier, est élu conseiller municipal de Plaisance. Les radicaux n’auront plus jamais d’élus à Plaisance...
44On pourrait discuter de l’expression de « reconquête républicaine » pour qualifier les succès radicaux de 1898 et 1902. En effet, Plaisance n’avait jamais entièrement, au contraire, renié son antique tradition républicaine avancée, qui remontait au Second Empire. Ainsi, au temps de Girou, élu municipal, le radical modéré Édouard Jacques avait été député de Plaisance-Montparnasse (entre 1889 et 1898). Girou lui-même ne s’était affirmé boulangiste qu’en 1889 et 1890, se présentant ensuite comme un républicain socialiste indépendant des partis et laïc.
45Il n’en reste pas moins que la disparition du girouisme du quartier avait des allures de revanche pour le « parti républicain », c’est-à-dire les radicaux, républicains socialistes et socialistes dûment estampillés.
46La conquête socialiste de Plaisance à la veille de la Grande Guerre ne nous apparaît ni exceptionnelle, ni même précoce. Dès la fin du xixe siècle, des quartiers des XIe ou XXe arrondissements s’étaient donnés des élus socialistes. Plaisance, quartier pourtant très populaire et ouvrier, paraît même un peu en retrait. Et le succès plaisancien s’inscrit dans un mouvement général de conquête des quartiers ouvriers parisiens par les socialistes – le plus souvent au détriment des radicaux – au début du xxe siècle.
Grandeur et décadence du radicalisme plaisancien
47En 1898, suite à une élection partielle provoquée par la démission de Girou, Pannelier est élu conseiller municipal à la suite d’une élection serrée (il obtient 29 % des exprimés au premier tour et 37,5 % au deuxième tour – avec encore cinq candidats !). Il est toujours réélu en 1900, 1904 et 1908 assez largement au deuxième tour. En 1900 et 1904, il bénéficie du désistement socialiste contre la droite nationaliste, en 1908, il est réélu au deuxième tour contre le socialiste arrivé deuxième au premier tour. Il ne se représente pas en 1912, date à laquelle les socialistes prennent le siège. Ces années radicales de Plaisance86 donnent longtemps le sentiment que Plaisance est un bastion radsoc : ses partisans l’affirment, le Comité républicain radical et radical socialiste de Plaisance a « depuis de si nombreuses années eu la grande joie de voir ses candidats élus avec des majorités toujours considérable87 ».
48Le succès radical municipal est redoublé des succès aux législatives de 1902, 1906 et 1910 où une personnalité soutenue par les radicaux, Messimy, emporte le siège de Plaisance-Montparnasse88.
49Mais c’est bien la personnalité de Pannelier qui fait symbole du radicalisme plaisancien. Pannelier est ancien dans le quartier, sans doute arrivé vers 1870. Il se fait tôt connaître comme le photographe du quartier. Installé avenue du Maine, il a fait passer des publicités dans la presse locale, il est en contact avec les salons de photographie... Cette activité en fait un homme du petit commerce, et une forme d’artisan d’art ; deux milieux très présents à Plaisance. Il a d’ailleurs soutenu le Douanier Rousseau lors des accusations d’escroquerie – quelque peu fondées... – qui furent portées contre lui89.
50Bien sûr, il est des critiques attendues, politiques ou idéologiques. La droite nationaliste ne cesse de dénoncer le fait qu’il est franc-maçon90, la droite catholique le dénonce comme « liberticide91 ». Les socialistes, surtout à partir de 1908, critiquent ses votes incohérents au conseil municipal qui le mettent à la remorque de la droite92, voire l’accusent d’être un « radical capitaliste93 ».
51Certaines remarques, plus personnelles, nous présentent un personnage de petite envergure, « une parfaite nullité94 », une « inutilité absolue95 », pas très actif et qui « ne se montre guère96 », « brave conseiller de notre quartier », sans grande influence et qui ne montre pas assez les dents97. Les socialistes lui portent le coup de grâce en évoquant la fuite de « Pan-Pan » qui « rentre sous sa tente » en 191298.
52Pannelier et le Comité radical-socialiste mettent en avant, eux, le vieux républicain, le lutteur depuis trente ans qui a voté non au plébiscite en 186999, qui a été lié à Édouard Jacques100. Son ancienneté et sa disponibilité dans le quartier101, son intégrité102 sont évoquées aussi. Sa participation à des œuvres peut montrer son efficacité (son action pour la crèche de Plaisance-Montparnasse103 dont il est vrai qu’il a été un actif défenseur) ou sa philanthropie avec son soutien à l’œuvre du Bon Lait qui distribue du lait aux mères malades du quartier104. Il sait aussi se mettre en scène les 14 juillet105, lors des inaugurations de nouvelles constructions106 et même le mariage de sa fille fait l’objet d’un écho107.
53L’examen de son programme municipal de 1898 montre aussi que l’homme – ou son comité – connaît ses dossiers ; c’est le programme local le plus complet et le plus riche parmi les dizaines de programmes que nous avons consultés. Il se contente ensuite de l’actualiser. Pannelier n’était donc sans doute pas le person nage un peu falot que ses adversaires ont tenté de construire. La seule polémique sérieuse oppose Pannelier aux socialistes en 1908, à un moment où les relations entre les radicaux et les socialistes se dégradent au niveau national et parisien. Les socialistes accusent Pannelier d’être devenu administrateur de la société Maggi108 (donc capitaliste et par-dessus le marché nocif au petit commerce). Pannelier se défend vivement109 mais les socialistes produisent des documents en ce sens.
54Dans tous les cas, le successeur de Girou donne bien du Plaisance radical une image du petit notable républicain, sans grande envergure assurément, mais bon connaisseur du quartier, de ses habitants et par là à même de faire des propositions populaires. Sa touche artistique et pittoresque ne détonne pas non plus dans le quartier.
55Il est toujours difficile d’avoir une idée de l’électorat radical. Mais il apparaît clairement que cet électorat est un électorat populaire, surtout employé et ouvrier. L’affiche du Comité Messimy pour les élections législatives de 1906110 donne une liste de ses soutiens ; les ouvriers ou artisans (il est difficile de distinguer parfois) sont les plus nombreux (29 dont 9 mécaniciens et ajusteurs, 10 du bâtiment...), suivis des employés (24) auxquels on pourrait ajouter les employés des services publics ou concédés (postes111, chemins de fer...) qui sont 7. Voici les grandes masses. Les professions libérales ne sont pas absentes (8) ; on note aussi cinq artistes et cinq propriétaires rentiers. La surprise vient de la rareté des commerçants, seulement quatre, ce qui est très peu dans un quartier où ils comptent. On est à l’opposé des listes des soutiens de la paroisse où les commerçants dominent. Des difficultés apparaissent avec le syndicat des crémiers parisiens qui craint que Pannelier ne défende pas le petit commerce112.
56Il est aussi probable que l’électorat de Pannelier ait eu une origine plus locale que sociale. Ainsi nous disposons des résultats par bureaux de vote pour l’élection municipale de 1898 – celle de sa victoire. Il est un des candidats qui a la plus forte concentration de ses voix sur certains bureaux (ses scores vont de 21,5 % à 39,4 %). Or cet écart ne tient pas essentiellement à une dimension socioprofessionnelle mais spatiale. Les trois bastions de Pannelier (plus de 35 % des voix) sont les trois bureaux qui rayonnent sur le nord du quartier, soit sur le plus ancien Plaisance, là où il réside et où il a son magasin de photographe. Pannelier accroche relativement mal les quartiers méridionaux de Plaisance, les plus éloignés du centre.
57Il y a moins à dire concernant le député de Plaisance-Montparnasse, Messimy, entre 1902 et 1912 ; ancien officier, il joua la carte radicale pour réussir une carrière politique qui le conduisit au ministère de la Guerre en 1914. Il fut parachuté dans l’arrondissement, comme il le raconte dans ses souvenirs113, et lui resta toujours distant. Ceci ne l’empêcha point de participer à la vie politique animée du quartier. Il était même une cible privilégiée de l’extrême droite locale. En 1904, étant allé à la réunion de l’adversaire nationaliste de Pannelier, rue Sainte-Alice, il aurait été menacé par une « meute hurlante114 ». Il est aussi attaqué de faire le jeu des Juifs en étant lié à Cahen, le patron du Planteur de Caïffa115 ou de protéger des personnages douteux du quartier116. Bon calculateur, Messimy quittera le XIVe arrondissement en 1912 pour aller se présenter dans l’Ain...
58Autour de ces deux hommes, un ensemble d’institutions que nous avons déjà décrites au chapitre précédent, de la loge au Cercle républicain. Apparaît aussi un groupe républicain d’études du XIVe arrondissement qui se réunit salle Vleminck, 61 avenue du Maine117. Et des notables radicaux qui animent leurs comités. Le quasi intangible président du Comité républicain radical et radical socialiste de Plaisance (et de la circonscription) est M. Balle ; une autre cheville ouvrière est le peintre Charpentier118.
59Tout ce beau système se déglingue très vite dans les années 1910. Sans doute y a-t-il des causes locales, mais on ne peut ignorer qu’il s’agit du début d’un phénomène plus général, précoce à Paris, l’affaiblissement du radicalisme. Les radicaux perdent, en effet, la présidence du conseil municipal de Paris une première fois en 1900, à la suite d’une première poussée « nationaliste » (dans le xive, où les quatre sortants sont radicaux, apparaît la première brèche avec l’élection au Petit-Montrouge de Poirier de Narcay, nettement marqué à droite). En 1904, la gauche reconquiert une courte majorité, qu’elle conserve en 1908. Mais, en 1909, une grave crise liée à l’exécution de l’anarchiste espagnol Francisco Ferrer éclate. Le bureau du conseil municipal propose de condamner l’exécution et de donner le nom d’une rue à Ferrer. Le conseil municipal le met en minorité, une partie des radicaux refusant de voter cette proposition. Une nouvelle majorité où se retrouvent la droite et des radicaux modérés se forme. La gauche perd Paris pour un siècle. Certes Pannelier fait partie des radicaux qui passent à l’opposition de gauche à la nouvelle majorité. Mais le mal est fait ; double mal. Le conseiller municipal trouve moins aisément un relais au conseil. L’ambiguïté radicale lui est reprochée. Lui-même avait fait évoluer son discours. Le lutteur républicain de la fin du xixe siècle laisse place, lors de sa dernière campagne en 1908, à un conseiller prudent qui déclare qu’il fera « au conseil municipal le moins de politique possible119 » et que « le progrès social est inséparable de la grandeur de la Patrie120 »... Sans, bien sûr, contester la sincérité de cette phrase, nous devons constater qu’elle est une forme d’appel du pied en direction de l’électorat nationaliste car le second tour l’a laissé seul face au candidat socialiste. Dans tous les cas, on sent bien le conseiller municipal sur la défensive.
60C’est que, comme le constate très intelligemment le député Messimy, en 1911-1912, « les candidats que je patronnais ont été battus... Montparnasse passe au parti conservateur... Plaisance regarde du côté du socialisme121 ». Si ce propos contient quelques inexactitudes chronologiques, le sens global est juste. Montparnasse passera à droite après la Grande Guerre et Plaisance en 1912 au socialisme. La polarisation de l’électorat parisien, qui voit les classes moyennes – en particulier les PME – passer à droite – via le nationalisme – et les ouvriers passer au socialisme, se fait particulièrement sentir à Plaisance en quelques années122. En 1912, à l’élection législative partielle sur le siège laissé vacant par Messimy, parti vers des cieux plus cléments, les radicaux se divisent, les uns soutiennent Chatenet, un candidat radical modéré123, un gouvernemental, comme on disait. D’autres Sauret, un républicain socialiste. Chatenet arrive en tête mais est battu au second tour par Bracke. À l’élection municipale de Plaisance de la même année, le candidat radical Matthieu, dont les socialistes disent que c’est « une vieille barbe124 », arrive avec 3 000 voix de retard sur le socialiste au premier tour (en 1908, Pannelier avait 2 000 voix d’avance sur le socialiste...) et est largement battu au second tour. À l’élection législative de 1914, les radicaux soutiennent Sauret125, Chatenet se présentant comme radical indépendant. Les socialistes l’emportent haut la main.
La conquête socialiste
61Malheureusement, nous ne disposons pas d’éléments qui puissent nous éclairer entièrement sur le socialisme plaisancien. Les adhérents, en particulier, nous demeurent inconnus. La vie des organisations et de la section socialistes n’est connue qu’au travers de sources éparses. La grande rareté de la presse socialiste locale explique en partie ces difficultés, tout en nous apprenant sur la fragilité de l’implantation du parti.
62Ce qui est le plus assuré est bien sûr le progrès électoral qui aboutit au double triomphe de 1912, la circonscription avec Bracke (triomphalement confirmé en 1914), le quartier avec Grangier (tout aussi triomphalement confirmé mais en 1919). On peut suivre le progrès des suffrages socialistes. Dans la circonscription Plaisance-Montparnasse (où Plaisance compte pour 75 % du corps électoral et assure la majorité socialiste), 2 000 voix socialistes en 1893, 2 900 en 1898, 4 300 en 1902, 4 000 en 1906, 4 900 en 1910, 4 600 en 1912 – mais c’est une partielle et la participation est faible -, 6 800 en 1914. Les voix socialistes ont plus que triplé et, en pourcentage sur les exprimés, elles passent de 15-20 % à 35-40 %. À l’élection municipale du quartier, 1 700 voix socialistes en 1893, 2 200 en 1896, 2 200 en 1898, 2 000 en 1900, 3 100 en 1904, 3 700 en 1908, 5 300 en 1912 et 6 900 en 1919. Soit de 20-25 % à la fin du xixe siècle à plus de 40 % à la veille de la guerre (et plus de 50 % en 1919). Cette progression donne aux socialistes le sentiment d’être la force d’avenir126 « dans ce quartier où chaque jour notre parti recueille de nouvelles adhésions127 » ; « L’idée socialiste fait de rapides progrès dans ce quartier qui, avant peu, saura se donner un élu socialiste128 ».
63Cette conquête socialiste ne suffit pas à faire de Plaisance une sorte d’avant-garde du socialisme français ou parisien. Toutefois il est significatif que Jean Jaurès consacre en avril 1912 un article du grand quotidien socialiste à l’élection de Bracke comme député de Plaisance-Montparnasse129. Sans évoquer le quartier, Jaurès fait de cette victoire électorale un signe particulièrement fort des progrès du socialisme. C’est que justement Plaisance avait tardé à (re)venir au socialisme.
64Avec une certaine finesse, le très conservateur Le XIVe arrondissement avait analysé en 1899 la médiocre situation des socialistes à ce moment, notamment en perspective avec leur force d’avant 1871 qui avait été liée à l’arrivée des ouvriers à Plaisance avec l’annexion : « les socialistes... en firent une de leurs places fortes130 ». E. Lebœuf estimait qu’ils avaient perdu cette hégémonie du fait du dynamisme de la paroisse et de ses œuvres. Ce n’était sans doute pas faux mais ignorait trop superbement la terrible répression sur les communards et la difficulté des socialistes à reconstruire leur mouvement presque éradiqué par les centaines de morts et de déportés plaisanciens.
65Pour Plaisance, l’unification du Parti paraît un facteur très positif. À l’examen de la liste des organisations représentées au congrès des organisations socialistes françaises de Paris en 1900131, on ne compte pas moins de sept organisations socialistes (sans compter les deux groupes de circonscriptions électorales et le groupe des Jeunesses socialistes révolutionnaires), soit :
Indépendant : Club socialiste du XIVe.
Pour le PSF (courant modéré-Jaurès) : Le Cercle d’études sociales de Plaisance.
Pour le POSR (courant allemaniste) : Groupe d’études sociales et d’action politique de la section Marius/Les révolutionnaires du XIVe.
Pour le PSR (courant blanquiste) : Comité socialiste-révolutionnaire du XIVe.
Pour le POF (courant marxiste-guesdiste) : Cercle collectiviste du XIVe/Cercle d’études sociales du quartier de la Santé.
66La division est donc extrême, tous les courants socialistes étant représentés dans l’arrondissement. Toutefois, sans négliger les blanquistes et les guesdistes, il semble bien que le courant dominant à Plaisance – comme à Paris en général – soit le courant allemaniste (du POSR), groupe assez centriste au sein du mouvement socialiste du tournant du siècle, fortement marqué par les traditions révolutionnaires parisiennes, mais pratiquant un certain pragmatisme politique et un certain réalisme électoral. À Plaisance, notamment avec les nombreux coopérateurs qui animent le Cercle d’études sociales (nous y reviendrons plus tard), le socialisme modéré-réformiste a aussi une certaine influence. La division est encore vive à certaines élections. Aux municipales de 1904, on ne compte pas moins de quatre candidats socialistes. Roger, pour les socialistes-révolutionnaires (alliance des blanquistes et guesdistes), Brunelet, pour un nouveau Comité socialiste des travailleurs de Plaisance, Wilm, pour le POSR, Koskiusko, pour le PSF. Brunelet, qui considère que Wilm et Roger sont des candidats acceptables, dénonce Kosciuszko, qui se présente comme partisan de « la politique du socialisme réfléchi132 », comme « valet des radicaux133 ».
67La réunification ne se fit pas aisément. Comme ailleurs, des partisans du socialisme le plus modéré, « gouvernemental » comme on disait alors, ne suivirent pas tous Jaurès au nouveau parti socialiste unifié. Ils créèrent une Fédération socialiste autonome du XIVe dont une section s’appelait la Démocratie socialiste de Plaisance. Ils appelèrent à voter Messimy dès le premier tour en 1906134. Cependant cette dissidence n’eut très vite aucune influence à Plaisance et disparut devant le dynamisme du nouveau parti unifié.
68Au sein même du parti socialiste, après 1906, les tensions restent encore sensibles au niveau national, même si un melting-pot s’opère. À Plaisance des conflits se manifestent en 1908 pour la désignation du candidat aux élections municipales. Le groupe Plaisance Montparnasse est en désaccord avec la section du XIVe135 et la candidature Grangier n’est ratifiée que le 20 avril136, soit une semaine avant le premier tour du scrutin !
69Nous ne connaissons pas les effectifs de ces multiples groupes. Un journal de droite, qui n’a sûrement aucun accès au fichier des adhérents..., prête 200 adhérents au Cercle d’études sociales de Plaisance en 1898137. Exagère-t-il le chiffre pour faire peur ou le minimise-t-il ? Nous ne pouvons le savoir. En 1914, la section socialiste du XIVe comptait quelques centaines d’adhérents (dont sans doute plus de la moitié à Plaisance), ce qui ne dénoterait qu’une maigre progression, très éloignée de la progression électorale. La section comptait deux groupes électoraux correspondant aux deux circonscriptions électorales, Plaisance-Montparnasse et Santé-Petit-Montrouge. Le Parti contrôlait aussi le groupe des Jeunesses socialistes du XIVe dont l’existence est attestée depuis 1898138.
70L’ensemble ne paraîtrait pas si brillant si l’on ne concevait pas que la section s’inscrit dans un réseau d’organisations proches. Si le modèle social-démocrate n’existe pas officiellement en France, nombre de cas montrent que des liens étroits se sont établis localement entre socialistes, syndicalistes, coopérateurs et éducateurs. C’est le cas avec Le Cri social en 1900 ou avec Le Socialiste de la rive gauche en 1903, qui se présentent comme journaux de l’ensemble des organisations du mouvement ouvrier et socialiste local. C’est le cas, plus solide, de la Maison commune du 111 rue du Château, maison syndicale ouverte aux socialistes139. Plus lâches, mais réels, des liens existent avec l’université populaire ou des organismes de logement social. Ce réseau est finalement important et contribue au succès socialiste au moins autant que l’unité socialiste. Mais c’est l’unité socialiste qui permet un meilleur fonctionnement, plus cohérent, plus maîtrisé, du réseau.
71Un deuxième facteur du succès socialiste électoral paraît être l’élargissement de sa base sociale, qui s’accompagne d’une sorte d’embourgeoisement – le mot est trop fort – de ses élus.
72L’examen des résultats des élections pour lesquelles nous disposons des détails des bureaux de vote (municipale de 1898, législative de 1912) confirme l’assise d’abord ouvrière de l’électorat socialiste. Ainsi de l’écart fort entre Plaisance et Montparnasse dans la circonscription législative ; ainsi de l’écart (beaucoup moins net mais réel) entre les bastions socialistes dans les secteurs les plus pauvres du quartier (ce qui sera l’îlot insalubre à l’ouest de la rue de Vanves) et les secteurs plus mélangés du nord-est (avenue du Maine, rue Daguerre) et du sud-est (rue des Plantes...). Le parti socialiste ne fait là que (re)gagner des électeurs prolétariens qui ont pu, un temps, à la suite de la Commune, voter radical ou Girou.
73La diffusion la plus nouvelle est celle qui concerne l’ensemble des secteurs publics ou concédés (chemins de fer, transports en commun, PTT, travailleurs municipaux, enseignants publics...). Ceux-ci avaient été absents de la Commune, plaisancienne en tout cas. Les voici qui deviennent des moteurs de la propagande socialiste. Les travailleurs des chemins de fer et la section Compagnie de l’État-rive gauche (ancienne Compagnie de l’Ouest nationalisée) du syndicat national des chemins de fer appuient les candidatures socialistes par des pétitions, des affiches, des meetings, des ordres du jour140. Les ouvriers des postes du boulevard Brune font de même en 1910 où 400 d’entre eux appellent à voter Grangier141. Le parti socialiste a, il est vrai, un programme qui les concerne. Il défend leurs revendications matérielles comme « le droit à la retraite pour tous les travailleurs municipaux142 ». Mais aussi sa défense du service public local lui vaut un soutien de ces travailleurs des services. Les revendications d’amélioration des transports en commun (plus de passages, des correspondances, création de ligne d’omnibus...), de création de bureaux de postes auxiliaires, de groupes scolaires et de crèches, ou de la modernisation de la voirie143 forment un programme important, qui se combine bien aux aspirations des syndicalistes de ces branches.
74Avec plus de prudence, on pourrait noter que les socialistes s’ouvrent aux intellectuels et aux petits commerçants et artisans. Le Cercle d’études sociales de Plaisance en octobre 1898, dans un tract intitulé « Debout les travailleurs », s’adresse à l’union des ouvriers, manuels et intellectuels, aux petits commerçants et aux petits industriels contre les « oisifs144 ». Trace du classique front jacobin plus souvent avancé par les radicaux. Toutefois le détail du programme montre qu’il ne s’agit que des tout petits. Ainsi il est demandé l’« exonération de la taxe sur les petits étalages, compensée par une augmentation progressive ne frappant que les établissements145 ».
75Pourrait-on parler d’autres clientèles électorales des socialistes ? Il est clair que ceux-ci tentent de rivaliser avec la paroisse pour le contrôle des Bretons. La Fédération socialiste de Bretagne apporte son soutien au candidat POSR en 1904, Willm, lui-même membre du groupe des originaires de Bretagne, né en Basse-Bretagne, et qui, comme avocat, aurait défendu des militants bretons. Le secrétaire, A. Hedin, souligne aussi que nombre de cheminots bretons sont acquis au socialisme146. Les socialistes tentent aussi de se rallier les suffrages des cochers, importants médiateurs sociaux parisiens, qui avaient soutenu Girou jusqu’en 1898 en demandant une nouvelle réglementation de police moins arbitraire pour les voitures de place147. Nous ne savons pas si ces initiatives ont été couronnées de succès et quelle part elles prennent dans la croissance du vote socialiste. Mais leur seule présence signale au moins un élargissement que nous retrouvons dans les biographies des militants.
76Il serait sans doute exagéré d’opposer le socialisme plaisancien de la fin du xixe siècle, ouvrier, au socialisme plaisancien du début du xxe siècle, « bourgeois » ! Mais il est vrai qu’avec le renforcement électoral du socialisme dans le quartier apparaît une catégorie nouvelle : les élus. À Plaisance, ils sont deux, que nous devons présenter rapidement. Le premier est le député, élu en 1912 et réélu en 1914, Alexandre Bracke-Desrousseaux. Cet homme, qui avait une cinquantaine d’années en 1912, est le fils du chansonnier lillois Alexandre Desrousseaux, l’auteur du célèbre P’tit Quinquin. Pour sa vie politique, il prit pour pseudonyme le nom de sa mère, née Bracke.
77Sous le nom de Desrousseaux, il fit une brillante carrière de savant helléniste, lycéen à Louis-le-Grand, normalien, premier à l’agrégation de grammaire, professeur à l’École des hautes études à Paris, et devint un des meilleurs spécialistes de la philosophie grecque.
78Ce bourgeois intellectuel devint, par un pur cheminement raisonné, un marxiste convaincu. Il devint un membre actif du parti de Jules Guesde, le POF, puis du parti socialiste où il exerça des responsabilités nationales d’envergure (secrétaire national adjoint de la SFIO, membre du bureau de l’Internationale...).
79Tout ceci ne donnait pas à Bracke une grande proximité avec les ouvriers de Plaisance, d’autant qu’il n’habitait pas le quartier, mais un immeuble cossu près de la porte d’Orléans. Sa première candidature dans la circonscription de Plaisance-Montparnasse en 1906 ne fut d’ailleurs pas un grand succès et il n’additionna pas les voix obtenues par les trois candidats socialistes en 1902. En 1910, la 14e section lui préféra Grangier, qui fit un bien meilleur score. Cependant, à l’élection partielle de 1912 (suite au départ de Messimy), il fut de nouveau présenté dans cette élection dont le parti voulait faire un test national. Il fut élu dans des conditions ambiguës, puis triompha nettement en 1914. Sans doute a-t-il su faire les efforts qui lui assureraient une certaine popularité ; et lors des fêtes socialistes, il y allait du P’tit Quinquin148 !
80Toutefois Bracke resta toujours éloigné de Plaisance. Il préféra rester membre de la Fédération socialiste du Nord avec son ami Jules Guesde et, après la Première Guerre mondiale, il choisit d’aller se faire élire à Lille.
81Tout différent est Henri Grangier, le conseiller municipal socialiste de Plaisance, élu de 1912 à 1929 (un mandat presque aussi long que celui d’Édouard Jacques...) ; un peu plus jeune que Bracke – il avait 42 ans lors de sa première élection —, l’homme est un Méridional, du Périgord, et comme beaucoup d’entre eux, il devient sous-agent des postes à Paris à 19 ans. Son profil est d’abord celui d’un militant syndicaliste actif. À 25 ans, il fonde un syndicat des sous-agents, lié à la CGT. Il en est le secrétaire général. Il agit aussi vigoureusement pour la reconnaissance du droit syndical aux fonctionnaires. Révoqué deux fois, une fois après la grève de 1906, une seconde fois – définitivement – en 1907 pour avoir signé une lettre ouverte virulente à Clemenceau, il semble avoir tenté sa chance dans la création d’une petite société mais se consacre en fait entièrement à son action militante. En 1912, il devient conseiller municipal du quartier ; l’homme est attaché au quartier au point d’en devenir une figure reconnue par ses adversaires. Ce lutteur syndicaliste, qui avait pris des risques et les avait assumés, était devenu un notable du quartier. En 1903, un portrait tracé de lui, à 33 ans, le distinguait déjà de ses camarades syndicalistes :
Très jeune d’allure, plutôt svelte, la figure distinguée, la moustache noire, la barbe en pointe toujours très bien soignée, le regard perçant sous le chapeau mou de feutre gris [...] Grangier, et ce n’est point là un effet dû seulement à ses lorgnons, a figure d’intellectuel149.
82Un portrait qui n’aurait pas été si éloigné du jeune Bracke à Oxford !!
83Nos deux élus ont ainsi comme point commun une anthropologie (au sens culturel du mot) et une allure qui les situent dans un autre monde que celui des ouvriers de Plaisance. Tous deux sont – ou ont été – des employés de l’État. Avec eux se reflète bien l’élargissement du socialisme plaisancien. Cependant Bracke reste toujours extérieur au quartier, Grangier, le lutteur syndicaliste, en devient le représentant.
84Les candidats – malheureux – d’avant l’unité, d’avant 1906, paraissent plus prolétariens. Nous en connaissons certains, comme Hamelin, l’ouvrier typographe, Patey, ouvrier peintre en bâtiment, « enfant du quartier », Grisel, ouvrier souffleur de verre, apprenti à 12 ans, conseiller prud’homme, Brunelet, ouvrier mécanicien, 28 rue Pernety, Seguy, « fort de farines », Chevy, ouvrier tailleur de pierres... tout le peuple prolétaire de Plaisance ! Mais comme il n’existe pas de fatalité sociologique, nous devons noter aussi deux cas contraires ; celui d’Albert Willm aux élections municipales de 1904. Ce Breton de 37 ans, militant actif du POSR et avocat défenseur des militants, tente sa chance à Plaisance – sans grand succès. Après son échec, il disparaît du quartier et se fera élire à Clichy. Kosciuszko constitue le second cas. Candidat en 1902 aux législatives et en 1904 aux municipales, sans succès, il représentait le courant socialiste modéré. Nous n’avons guère d’informations sur lui. Peut-être était-il représentant de commerce ?
85Il faudrait enfin dire quelques mots sur les responsables de la 14e section. Son secrétaire (au moins à partir de 1912) est Dominique Paoli, un dessinateur, qui réside 37 rue Mouton-Duvernet (à Plaisance), son trésorier est Antes, qui réside 26 rue de l’Ouest, puis Bazin, 54 rue Daguerre. Les deux principaux cadres de la section sont donc de Plaisance, qui pèse lourd sur le socialisme du quatorzième aussi avec son élu municipal et son député.
86Toujours est-il que l’ensemble indique bien une certaine évolution socioprofessionnelle du socialisme plaisancien qui accompagne sa croissance, même si la base ouvrière constitue le cœur décisif de l’électorat. Une évolution constatée souvent ailleurs en France. Pourrait-on dire que les socialistes ont ainsi gagné en légitimité ?
87Le troisième facteur est celui du rapport au quartier. On sait que les socialistes étaient fort réticents au quartierisme dans lequel ils voyaient la source d’un clientélisme et d’une division de la classe ouvrière. Cette position de fond reste inentamée et les socialistes réclament toujours l’élection du conseil municipal de Paris à la représentation proportionnelle. Toutefois, en 1898, cette intransigeance cède la place à des tentatives pour mieux intégrer le quartier à l’action et à la pro pagande socialiste. C’est à l’élection municipale de cette année que le candidat du Cercle d’études sociales de Plaisance, Grisel, présente un « programme d intérêt local » vraiment développé. Mais la justification en est – rhétoriquement ? – toute sociale. La défense du quartier tient à sa particularité sociale et spatiale :
Mais cela [la primauté de la lutte pour l’émancipation] ne nous fait dédaigner aucune des améliorations qui doivent donner à notre quartier l’hygiène, les moyens de transport, d’éclairage, etc. auxquels il a droit, en vertu même de la densité toujours croissante de sa population, dont les intérêts ont toujours été trop négligés.
En ce qui concerne, par exemple, les crédits accordés aux travaux de voirie et autres, nous exigerons une répartition plus équitable entre les divers quartiers. En effet, la répartition à part égale entre les quatre-vingts quartiers de Paris des sommes disponibles, accorde aux quartiers de Passy, Champs-Elysées et du Centre, un crédit égal à celui des quartiers populeux où les travaux d’hygiène sont complètement délaissés, où des quartiers entiers sont privés d’égouts, et dont l’élargissement de rues prévu depuis longtemps ne peut se faire faute de ressources150.
88Reprenant ainsi le sentiment du quartier négligé, si fort à Plaisance depuis l’annexion, le programme socialiste lui donne une couleur sociale, opposant Plaisance à Passy, et une couleur spatiale, opposant Plaisance au centre. En découle un programme local, de qualité, et assez proche de celui du candidat radical Pannelier. Les améliorations à apporter au service des transports en commun en constituent le point le plus fort, en particulier pour les omnibus Q (Plaisance-Hôtel-de-Ville), AE (Montrouge-Passy), AF (Montrouge-Saint-Phi lippe-du-Roule). Le programme demande aussi la création d’une nouvelle ligne de l’Abattoir des Morillons à la Gare d’Orléans. Puis viennent les opérations de voirie, qui sont très précisément présentées, signe d’une vraie connaissance et étude du quartier.
89Beaucoup plus discrètement évoquées viennent des revendications écologiques/environnementales : création d’une piscine municipale sur un terrain de l’Assistance publique, création dans le quartier d’une piste vélocipédique, création du square de Plaisance par l’expropriation du parc Couesnon, création d’un Comité des intérêts du quartier.
90Une autre tension concerne le candidat. Faut-il qu’il soit du quartier ? D’un point de vue socialiste, le militant révolutionnaire, le militant ouvrier peut se présenter partout pour défendre la classe ouvrière. Mais l’extériorité peut affaiblir la candidature et signifier une indifférence aux questions sociales locales. Et l’on voit souvent les candidats socialistes revendiquer d’être anciennement dans l’arrondissement (Grisel, en 1898, se réclame de dix ans de vie dans le XIVe) ou dans le quartier (Patey, « enfant du quartier et militant conscient »).
91Il reste que le parti s’inscrit aussi toujours très fortement dans la sociabilité locale à laquelle il emprunte ses attributs comme l’importance des cafés et de leur salle pour les réunions151.
92Seules les plus grandes festivités sortent parfois de Plaisance, comme la fête de la Victoire (socialiste...) en 1912, qui se tient dans les Salons de l’Espérance, 25 avenue du Maine : un grand banquet, des poésies, des chansons et un grand bal jusqu’à cinq heures du matin152... La soirée électorale d’avril 1912 avait aussi été l’occasion d’une occupation du terrain local. A l’annonce des résultats favorables, 1 000 manifestants vont de la mairie à la permanence en musique, derrière le drapeau rouge, et éclairés de feux de Bengale. Plus tard encore, les manifestants vont jusqu’à la rue Niepce devant la Coopérative, puis parcourent les rues du quartier jusque tard dans la nuit153.
93Enfin, les socialistes plaisanciens sont aussi inscrits dans un réseau local avec La Coopérative, L’Avenir de Plaisance, la Maison commune du 111 rue du Château. Là aussi se tiennent de nombreuses réunions. Ainsi la vie socialiste ne peut éviter le quartier, à la fois trame de la vie politique électorale et de la vie socialiste – et des socialistes – au quotidien. Mais sans que soient jamais entièrement résolues les tensions entre les identités multiples du territoire et du travail.
94Ces tensions, nous les retrouvons dans les stratégies politiques de nos socialistes plaisanciens. Le projet révolutionnaire et émancipateur est constamment réaffirmé – et par tous. Et c’est bien l’image des socialistes pour leurs adversaires154. Pour autant les socialistes apparaissent à la pointe de la lutte progressiste dans le quartier sur deux questions. L’action anticléricale et le progrès urbain. Que les socialistes plaisanciens aient été activement anticléricaux, le fait est indiscutable.
95Contre l’ennemi clérical les socialistes pratiquent avec les radicaux l’alliance politique en 1900, 1904 ou 1906 (mais ni avant, ni après). Sans doute donnent-ils là encore à leur anticléricalisme un sens social (l’Église soutien du Capital ou opium du peuple) et le drame de la Commune est-il encore présent dans les esprits, mais il y a là une base d’entente républicaine alors que les socialistes ne cessent de critiquer les radicaux comme parti « bourgeois ». Le programme socialiste local prend aussi un sens progressiste par sa volonté de moderniser la ville. Les socialistes, comme les radicaux, n’ont de cesse de vouloir moderniser les transports, d’élargir les rues, de faciliter la communication en en perçant de nouvelles, et, sans problèmes, ils envisagent la destruction des immeubles qui sont nécessaires à ces politiques urbaines. Certes, là encore, tout ceci prend sens social : il s’agit des transports en commun du peuple ouvrier, de construire des logements sociaux... mais là aussi une alliance est possible avec les radicaux ou d’autres modernisateurs.
96De là nombre de basculements d’où ne sont pas exclus les calculs électoraux. En particulier pour les désistements socialistes-radicaux. Les arguments ne manquent pas pour justifier des positions variables. Le triomphe socialiste de 1912 à Plaisance n’est d’ailleurs pas sans une ambiguïté plus grande155. Dès l’élection municipale de 1908, un phénomène apparaît, une partie notable de l’électorat de la droite nationaliste ou libérale se reporte au second tour sur le candidat socialiste contre le radical.
97À cette élection, les résultats sont les suivants au premier tour :
Grangier (socialiste) : 3 706
Pannelier (sortant radical) : 5 567
Baffier (nationaliste) : 1 706
Autres : 110
98Considérant qu’il n’y a pas de menaces de la droite, Grangier se maintient pour le deuxième tour. Le nationaliste Baffier, une figure du quartier, se retire. Les résultats du second tour donnent :
Grangier : 5 126
Pannelier : 5 433
Baffier : 57
99Grangier frôle l’élection ! Il obtient entre 1 200 et 1 400 des voix de Baffier selon notre estimation, soit environ 75 % des voix nationalistes !
100A l’élection législative triomphale de Bracke en avril 1912, les résultats du premier tour donnent :
Bracke (socialiste) : 4 613
Sauret (républicain socialiste) : 671
Chatenet (radical indépendant) : 5 210
Latour (centre-droit catholique) : 899
Rollet (libéral) : 2 285
Autres : 169
101Pour le deuxième tour, Bracke, Chatenet et Latour se maintiennent ; Sauret se retire en faveur de Bracke, et Rollet se retire. Le deuxième tour donne ces résultats :
Bracke : 6 810
Chatenet : 6 054
Latour : 637
Rollet : 20
102Bracke est élu. Avec environ les deux tiers des voix du libéral qui se sont reportées sur lui. Lors de la manifestation des vainqueurs socialistes qui, dans la soirée, suit l’annonce des résultats, ils se font – avec quelque raison... – huer par les perdants, lorsqu’ils passent devant la permanence des radicaux, aux cris de « Hou Hou la calotte156 ».
103Mais le socialisme à Plaisance est bien devenu en 1914 la force dominante du quartier. Notre-Dame-du-Travail et les œuvres catholiques n’y ont pas suffi. Le quartier regarde vers un autre avenir en ce début du xxe siècle.
Autour du socialisme le réseau
104A la fin du xixe siècle, en novembre 1899157, est créée L’Union populaire du xive arrondissement, nom donné à la toute nouvelle université populaire de l’arrondissement. Les universités populaires ne sont pas à situer comme une force directe du socialisme parisien ou plaisancien. Fondées, à la suite de l’affaire Dreyfus, par des intellectuels de tendances très diverses (anarchisants, socialistes ou socialisants, radicaux...), elles visaient à donner au peuple une éducation diversifiée où la culture savante tiendrait une place importante. Elles sont encouragées par les gouvernements de gauche de la période 1898-1906. Jaurès et les socialistes modérés les soutenaient, les guesdistes et les anarchistes communistes les considéraient comme trop proches de la culture bourgeoise.
105Dans le XIVe arrondissement, deux personnes vont y jouer un rôle clé. La fondatrice de l’université fut Pauline Kergomard. Selon Lucien Mercier, les maçons du XIVe jouèrent aussi un rôle actif dans la création de l’UP du XIVe. Toutefois, très vite nous ne trouvons plus trace de Pauline Kergomard, sans doute très prise par ses activités, dans la vie de l’UP.
106Le vrai animateur de L’Union populaire du XIVe fut Maurice Bouchor. Le poète, écrivain, essayiste, pédagogue, habitait le XIVe arrondissement. On ne saurait résumer son œuvre, qui resta toutefois empreinte, toute sa vie, de la volonté d’une écriture qui parle au peuple, qui parte du peuple158. Né en 1855, il se fit d’abord connaître par une poésie joyeuse, pleine de verve, comme Les Poèmes de l’amour et de la mer, puis, dans les années 1880 et 1890, il écrivit des textes plus idéalistes, plus mystiques aussi, comme Dieu le veut. Cet homme-orchestre dirige ainsi la « Partie musicale et littéraire » de la fête de l’UP du XIVe en 1903. Mais ce qui le fit connaître du grand public fut ses recherches sur les chants populaires dont il tira notamment un livre en 1897, Les Chants populaires pour les écoles, qui connut un énorme succès et fut longtemps réédité.
107Les activités militantes de Maurice Bouchor nous sont moins bien connues ; il est très probable qu’il adhéra au parti socialiste avant 1914159, mais il était aussi très lié aux militants syndicalistes les plus révolutionnaires comme ceux du groupe de La Vie ouvrière. Il publia ainsi, avec L. Clément, Les groupes de pupilles. L’éducation de l’enfant dans les milieux ouvriers, en 1912, comme brochure de La Vie ouvrière.
108Par Maurice Bouchor, l’UP du XIVe touchait ainsi aux milieux socialistes ; et l’on ne s’étonnera pas que L’Humanité ait donné régulièrement des informations dans sa rubrique « La vie sociale » sur l’université populaire de l’arrondissement.
109L’orientation plaisancienne de L’Union populaire du XIVe est très prononcée. Dans tous les cas, c’était le public populaire et ouvrier que visaient les promoteurs de l’œuvre et il se trouvait surtout à Plaisance. Nous avons retrouvé trois adresses successives pour les lieux de réunions. De 1899 à 1901, les conférences se tiennent salle Noguez, 73 rue Mouton-Duvernet (actuellement rue Maurice-Ripoche). En 1903-1904, elles se tiennent 5 rue du Texel (non loin de l’ancienne chapelle de Plaisance.). En 1908, 13 rue de la Sablière. Toujours à Plaisance, sans que le lieu soit cependant trop excentré pour le reste de l’arrondissement. L’activité première de l’UP était de nature pédagogique par le biais de conférences dont le nombre paraît très élevé (les conférenciers étaient tous bénévoles). En 1901, trois conférences par semaine sont proposées : le lundi sur les questions sociales et économiques, le mercredi sur l’histoire, la littérature et l’art, le vendredi sur l’éducation et la philosophie160. Encore en 1908, l’UP, devenue moins ambitieuse, propose une conférence par semaine, ou presque. Le contenu de ces conférences est très divers. Si les conférenciers sont très généralement des intellectuels, pour certains sujets des syndicalistes ou des spécialistes viennent parler. Ainsi le secrétaire de la puissante Fédération du livre vient évoquer une monographie de son syndicat ; le secrétaire du syndicat des typographes fait une conférence sur « Comment réaliser un journal ? » et le Dr Poirrier vient présenter la télégraphie sans fil. En mars-avril 1908, nous trouvons une conférence de Maurice Vernhes sur l’abbé Loisy, une conférence de Marie Goldsmith sur les universités populaires en Russie, une conférence sur Rousseau, une conférence de G. Coupon, ingénieur agronome, sur la fabrication du vin et les principaux vignobles – « avec projection » – et une conférence du professeur Durand, « Voyage de Paris à Constantinople161 ».
110Aux conférences – dont le nombre diminuait – se sont ajoutés progressivement des cours d’espéranto, de solfège et de chant choral, des « lectures et commentaires » (comme une page du tome III du Capital). Mais surtout L’Union populaire du XIVe développe les revues, soirées, matinées. Ainsi, pour mars-avril 1908, nous trouvons Légendes en haut, les gens d’en bas, revue inédite en deux actes (une thématique très bouchorienne...), une soirée « sauterie », on jouera « Rosalie », une matinée théâtrale, une lecture sur « la mort de Jésus de Nazareth ». Cette évolution des douze conférences très savantes mensuelles en 1901 à quatre conférences, plus éclectiques, et quatre soirées plus distractives (avec toutefois une évidente visée de qualité) serait-elle le signe de l’échec de la première formule auprès du public populaire visé162 ? L’UP du XIVe fut parmi celles qui survécurent assez longuement, sans doute parce que Maurice Bouchor n’était pas un doctrinaire. Il pensait qu’il fallait savoir se contenter de réussites modestes auprès de l’élite ouvrière et s’adapter. Cependant ceci n’empêcha pas L’Union populaire du XIVe de disparaître un peu avant 1912.
111Nous avons aussi trouvé trace d’une autre université populaire, L’Aurore sociale de Plaisance, créée en 1901, mais qui disparut très rapidement. Nous n’en connaissons pas les promoteurs, des révolutionnaires qui trouvaient sans doute L’Union populaire trop sage.
112Plaisance, là encore, ne fut pas à l’avant-garde, le mouvement des UP est né rive droite, mais le quartier accueillit rapidement une université populaire dynamique, vivante et dont la durée dénote un écho probable. Les socialistes et les syndicalistes trouvaient là un instrument de formation – qui ne leur plaisait pas toujours et qui les concurrençait parfois !
113On peut associer à ce réseau la Société des logements hygiéniques à bon marché163. Cette société, qui n’est pas du quartier et qui est née à Montmartre en 1902, s’était fixée pour objectif de construire des logements sociaux associés à des locaux d’éducation populaire. Son objectif était aussi de rivaliser avec les sociétés de logements sociaux issues de la mouvance catholique sociale ou protestante. On trouvait parmi ses membres fondateurs des écrivains comme Anatole France, des architectes designers comme Frantz Joudain, des élus socialistes... La société fut présente à Plaisance où elle construisit en 1906 un ensemble, modeste, de 57 logements et chambres, tous avec cuisine et bain-douches, au 20 rue Sévero, à côté de l’école. Des locaux assez vastes étaient prévus au rez-de-chaussée, mais ils ne semblent pas avoir été utilisés par des associations164.
114L’Avenir de Plaisance avait constitué pendant la Grande Dépression le refuge des militants et une issue aux graves problèmes de consommation du Plaisance terriblement pauvre du dernier quart du xixe siècle. Cette coopérative modèle et puissante connaît au tournant du siècle et au début du xxe siècle une crise dont elle ne se relève que difficilement et au prix d’une mutation qui amorce son déclin comme société civile plaisancienne.
115Les causes de la crise sont doubles. Il y a une crise d’orientation politique qui couvait depuis les origines et qui se double naturellement d’oppositions de personnes. Le débat sur la liaison officielle avec le mouvement ouvrier (adhésion à la Bourse des coopératives socialistes) ou sur l’autonomie parcourt l’Avenir, comme les autres coopératives. La droite évoque avec satisfaction la crise de 1901 où une assemblée générale aurait voté la flétrissure contre Hamelin, Guillemin, Grisel, Rémond... : « Les Poires ne voulant plus se laisser cueillir, nos bons socialos du “Cercle d’études”, si largement arrosés par les fonds de l’Avenir, vont être obligés de changer le centre de leurs opérations165. » Les choix effectués166 conduisent à des départs d’autant que les différentes tendances socialistes s’opposent aussi au sein de la coopérative.
116Mais il y a une cause plus structurelle et plus grave. Les habitudes des consommateurs changent à la Belle Époque. Les ouvriers jouent davantage sur la concurrence et trouvent dans les premières chaînes d’épiceries des prix à des produits compétitifs. Une très petite aisance conduit aussi à préférer acheter à proximité pour éviter un déplacement jusqu’aux magasins de la coopérative, rue Niepce. La coopérative vend donc moins, ce qui rend plus difficile le maintien de bas prix et ainsi, un effet boule de neige se produit. Au bilan, les 6 000 adhérents de 1900 ne sont plus que 3 400 en 1909 et 1 100 en 1913167. La coopérative modèle n’est plus.
117La coopérative a pu toutefois continuer, rue Niepce, le développement de ses activités sociables et culturelles. Au premier étage, au-dessus des magasins et des bureaux, un grand vestibule, une buvette, deux grandes galeries, une scène de théâtre. On y trouvait une caisse maladie, un service médical, une bibliothèque, un patronage, où l’on apprenait à chanter l’Internationale aux enfants, et la très célèbre Harmonie de la Coopérative, qui se voulait « la plus grande et la plus forte de Paris168 ». Celle-ci comptait, en 1900, 60 musiciens et jouait aux soirées de la coopérative169, mais elle participait aussi à de grands événements comme l’inauguration du Triomphe de la République de Daunou.
118La bibliothèque – dite « sociologique » (toute une époque) – avait été créée aussi en 1900. Elle était ouverte les mercredis soirs et recevait les publications du Musée social et de l’Office du travail, les journaux socialistes et Le Mouvement socialiste. On y revendiquait l’absence des « romans », mais on acceptait les auteurs sociaux, Zola, Bouchor, Rosny, Bauer, Roberty, Kropotkine, Hamon, Nordau... Une sociabilité populaire marquait le quartier comme l’illustre l’épisode pittoresque du superbe bœuf primé acheté par L’Avenir de Plaisance et ramené par les rues jusqu’au siège, « ce qui a attiré l’attention de la population de Plaisance », d’autant qu’avec « la superbe écharpe rouge qui l’entourait [...] c’était un bœuf révolutionnaire170 ».
119Pour répondre à la crise la coopérative plaisancienne choisit une issue technique qui était débattue dans les congrès de la Coopération : la fusion. C’était la solution au problème central du prix. La fusion permettrait d’acheter plus, de développer le magasin de gros des coopératives et, par là, de vendre moins cher. En 1913, L’Avenir de Plaisance fusionne avec La Glaneuse, autre coopérative d’esprit socialiste du XIVe, mais de très petite taille (250 adhérents en 1910171). Le gain était bien faible et la principale fusion fut celle, dans la foulée, avec L’Égalitaire, coopérative du XIXe arrondissement, pour créer L’Union des coopérateurs parisiens. C’était sans doute rendre possible la survie économique de la coopérative mais l’enracinement local disparaissait.
120Il fallut aussi se débarrasser de l’essentiel des locaux de la rue Niepce pour déménager dans un plus petit local, au 11 rue Vercingétorix ; pour les représentations théâtrales il fallait désormais utiliser la salle de la Maison commune du 111 rue du Château ou celle des francs-maçons de la rue Froidevaux. Toutefois, avant la guerre, les activités restent riches malgré le déclin. Des cours de gymnastique, d’anglais, de chant, de danse, de maintien et de canne (utile pour les bagarres avec les nationalistes...) sont organisés. La coopérative put s’honorer d’avoir organisé des séances de physique avec la participation de Marie Curie172.
121La tendance au déclin de la coopérative ne doit ainsi pas masquer, pour la période qui nous concerne ici, la richesse de son apport à la vie sociale du quartier. Bonne mère socialiste et coopérativiste, elle contribue aussi aux tentatives – sans grand succès – de création d’une presse socialiste locale comme Le Cri social173. C’est aussi la coopérative de consommation qui va grandement contribuer à la création et au développement des coopératives ouvrières de production ou SCOP ou Associations ouvrières de production. Nous ne savons pas si certaines des coopératives de production « encouragées » par les pouvoirs publics en 1914 sont toutes dans la mouvance du mouvement socialiste. Ce n’est certainement pas le cas de L’Union photographique française, 20 rue Boulitte. Pour « L’industrie mécanique », 26 rue des Plantes, « L’Electric », 69 rue de Vanves (au Château ouvrier !), « L’effort » (peinture), 54 rue de Gergovie, « L’abeille » (peinture), 56 rue de Gergovie, nous n’avons pas la réponse.
122Par contre, nous savons que la société coopérative des sacs en papier du 43 rue de Gergovie, dirigée par Surnom, était une coopérative socialiste. Mais l’exemple le plus important est l’Association des ouvriers en instruments de précision174. L’AOIP, qui devient au xxe siècle une des plus grandes entreprises coopératives françaises avec plusieurs milliers d’ouvriers (elle n’est plus coopérative depuis quelques années mais reste une grande et renommée entreprise installée à Ris Orangis), est née à Plaisance. C’est en 1896 – nous aurions donc pu l’évoquer dans le chapitre précédent mais c’eût été trop fragmenter notre propos -, pour répondre à la crise de chômage, contrebattre l’exploitation patronale et démontrer la capacité des ouvriers à diriger une entreprise que le syndicat CGT des ouvriers en instruments de précision prend la décision de lancer la coopérative. Ils seront quelques dizaines à se lancer dans l’aventure. Pourquoi à Plaisance ? Sans doute en premier lieu parce que E. Briat, le secrétaire du syndicat, habitait 28 rue Schomer (devenue Jules-Guesde). Mais le tissu local s’y prêtait, au moins au début. Il y avait là beaucoup de syndiqués motivés comme J.-B. Assegond, 36 rue Vandamme, Martin Fassel, 71 rue Vandamme, Henri Hamel, 149 rue du Château... Les possibilités de trouver des petits locaux à louer à bas prix abondaient encore à cette date. Mais surtout l’AOIP pourrait compter sur le soutien de la puissante Avenir de Plaisance dont Briat175 était un membre actif.
123Les réunions constitutives se tinrent au café de l’Espérance, et le premier atelier fut installé 117 avenue du Maine dans un petit local où travaillent deux ou trois ouvriers... En 1898, l’atelier est transféré 37 rue de Vanves où travaillent désormais six ou sept ouvriers. Puis, en 1902, l’AOIP s’installe 6 impasse Sainte-Léonie dans un atelier indépendant, sans doute en arrière-cour du bel immeuble que nous pouvons voir aujourd’hui. À compter de cette date, la société, qui avait connu un début difficile, prend un vif essor, notamment grâce à la production de téléphones de qualité. Les locaux ne suffisent plus et l’AOIP déménage en 1907 dans le XIIIe arrondissement, sur un terrain que la Ville de Paris lui vend à des conditions avantageuses.
124La coopérative des ouvriers en instruments de précision quitte donc notre histoire à cette date. Mais sa naissance, ses premières années et son essor à Plaisance sont étroitement liés à la force du mouvement coopérateur plaisancien, même en déclin.
Alternatives
Une nouvelle force syndicale
125Le territoire n’est pas un très bon point d’entrée pour l’étude du syndicalisme parisien car celui-ci est organisé en structures professionnelles qui dépassent largement les quartiers ou les arrondissements. Nous ne faisons donc que le croiser. Il y aurait toutefois péril à le mésestimer car de très nombreux salariés plaisanciens furent adhérents à des syndicats et accordèrent à ce type d’organisation une place dans leur militantisme et dans leur vie bien supérieure à celle du quartier.
126Le syndicalisme – au niveau des quartiers parisiens – ne peut se retrouver que par l’existence de bassins d’emploi et de résidence qui se recoupent.
127À Plaisance, nous ne trouvons pas vraiment de mono activité. On ne sache pas non plus que le Plaisance de la Belle Époque soit un quartier animé par les grèves176 ou par les manifestations. C’est pourtant là, une fois de plus, que va se créer une des toutes premières maisons des syndicats parisiennes, la première maison d’arrondissement : « Bonne chance et longue prospérité à la première maison syndicaliste de Paris (après la Grange-aux-Belles) », écrit P. L. dans L’Humanité en 1908177. Le projet monté en 1907 avait, en effet, vu le jour en mars 1908 avec ce qui est vite appelé Maison commune plutôt que Maison des syndicats. Le bâtiment du 111 rue du Château permettait de tenir des réunions, d’avoir une permanence dans de petits bureaux, de boire un verre et, surtout, une assez grande salle rendait possible des meetings ou des représentations théâtrales.
128Il n’y a pas de hasard dans cette précocité. Deux responsables syndicaux ont animé le projet : Eugène Poitevin et Pierre Dreyfus. Le premier est un militant important du syndicat national des chemins de fer (dont il sera secrétaire général en mai 1909 pendant quelques semaines). Il y représente les groupes de Paris-Ouest rive gauche – la gare Montparnasse. L’homme est aussi un poète et compose des Chants d’amour et Chants de révolte. Il dirigera plus tard une merveilleuse revue, Les petits Bonshommes, destinée aux enfants des Pupilles syndicalistes. La présence d’un cheminot n’étonne pas dans un quartier voisin de la ligne de l’Ouest et de la gare. Les cheminots, nous l’avons vu, sont d’ailleurs souvent des soutiens des candidats socialistes. On trouve aussi dans le quartier une très grande figure du syndicalisme cheminot. Marcel Bidegaray, qui succède à Poitevin en juin 1909 et qui sera longtemps secrétaire général de la puissante Fédération des chemins de fer, réside 49 rue du Château.
129Le second, Pierre Dreyfus, est depuis 1905 le secrétaire du syndicat des relieurs parisiens et un actif coopérateur (il fondera une coopérative ouvrière de reliure, la Persévérante). Et l’on sait combien les métiers du livre sont bien représentés rive gauche et les imprimeries nombreuses. Georges Tortilli, secrétaire du syndicat des brocheurs, réside aussi dans le quartier Plaisance en 1912.
130La maison commune accueillera les représentants d’autres sections syndicales (mécaniciens, maçons) de l’arrondissement ; l’ensemble restant fragile car les syndicats parisiens de l’avant 1914 sont très faibles178. Le syndicalisme local repose essentiellement sur le syndicat des chemins de fer.
131Sans doute aussi Plaisance accueillait-il nombre de syndicalistes avant 1914 ; outre Bidegaray, le secrétaire de la Fédération de cheminots, nous trouvons Louis Puyjalon179, le secrétaire de l’importante Fédération des ports et docks, Ernest Delaunay180, secrétaire de la Fédération de l’alimentation – ce qui nous fait tout de même trois secrétaires fédéraux vivant à Plaisance -, Lucien Coussinet181, le secrétaire du syndicat parisien des menuisiers, Jean Vallet182, secrétaire du syndicat des charpentiers en fer, Jean Vigouroux183, secrétaire adjoint du syndicat des terrassiers, Éloi Schaffret184, secrétaire du syndicat des chauffeurs-conducteurs-mécaniciens et nombre d’autres syndicalistes-révolutionnaires185. La rue du Château, en particulier, prend l’allure de petite rue syndicale...
Une trilogie anar
132Plaisance, à la Belle Époque, n’est sans doute pas un repaire d’anarchistes même si c’est le cas aux yeux de certains, par méconnaissance et confusion comme Messimy, qui assimile un de ses adversaires socialistes à un anarchiste (« Seguy, fort des halles, candidat anarchiste et qui m’avait pris en amitié quoique mon concurrent186 »), ou par inquiétude comme chez le journal conservateur Le XIVe187 : « et les guinguettes, elles-mêmes, sont le rendez-vous habituel d’anarchistes plus ou moins “intellectuels”. »
133À la veille de la guerre, le groupe anarchiste du XIVe aurait ainsi compté, selon la police, deux adhérents qui se réunissaient tous les lundis au 111 rue du Château188 ! Il est vrai que les anarchistes sont réticents à l’organisation structurée et que cette histoire est plus celle de personnalités, de liens autour de revues ou de mouvements pacifistes, intellectuels, malthusiens... Alors trois noms importants apparaissent. Oubliés, ô combien, de nos jours : Henri Ner dit Han Ryner189, Ernest Lohy dit Manuel Desvaldès190 et Charles Malato191.
134Han Ryner (1861-1938) fut un poète, un romancier (Le Crime d’obéir, Le Sphinx rouge, Les Pacifiques...) et un philosophe spécialiste de la pensée grecque. Professeur adjoint et répétiteur à Charlemagne et Louis-le-Grand, il fonda le syndicat des PA et répétiteurs en 1896. Surtout il écrivit d’innombrables articles dans la presse (L’Art social, L’Art pour tous, L’Humanité nouvelle, L’Anarchie, L’Idée libre, Les Réfractaires, Le journal du Peuple, Le Libertaire...). Son autorité fut considérable dans les milieux anarchistes, libres-penseurs, pacifistes, naturistes... Quant à la qualité de sa littérature, elle lui fut reconnue par le titre de « Prince des conteurs », attribué par de jeunes poètes en 1912.
135Manuel Devaldès (1875-1956) fut proche de Han Ryner auquel il consacra en 1909 une étude. Lié aux milieux artistiques, il fonda en 1896 La Revue rouge à laquelle participèrent Henry Bauër, Zo d’Axa, Verlaine, Tailhade, Steinlein... Il publia plusieurs recueils de poésie. Se situant nettement dans le courant de l’anarchisme individualiste et malthusien, il fut insoumis en 1914 (il se réfugia en Angleterre).
136Tout autre était Charles Malato (de Cornet) (1857-1938). Fils d’un communard italien, Charles vécut dans une ambiance de clandestinité, puis accompagna son père en Nouvelle-Calédonie d’où il revint à 24 ans, décidé à poursuivre son combat. Il aimait l’action directe, les articles provocateurs et les manifestations animées. Plusieurs fois condamné, il eut des contacts avec le courant anarchiste violent qui préconisait les actes terroristes. Mais il désapprouvait toute violence aveugle. Une affaire attira l’attention sur lui – et sur Plaisance. Dans la nuit du 31 mai au 1er juin 1905, un anarchiste espagnol lança des bombes sur le cortège du roi Alphonse XIII. Il y eut des blessés graves. Malato fut accusé d’avoir reçu et entreposé les bombes. La maison du passage Noirot devint célèbre et photographiée ! Malato fut toutefois acquitté au bénéfice du doute.
137Cette présence de trois anarchistes marque-telle Plaisance ? Sans doute non, au regard de l’influence socialiste notamment. Toutefois Han Ryner était suffisamment connu pour que, après la Grande Guerre, il participe à un débat192 sur l’existence de Dieu avec l’abbé Viollet, autre grande figure plaisancienne. Mais l’un a laissé son nom (comme Soulange-Bodin) dans la toponymie locale et non l’autre ! Surtout nous retrouvons là le Plaisance terre d’accueil de personnalités que l’on considère souvent comme marginales. Tout aussi marginal est le local de L’Ère nouvelle, revue éphémère parue en 1901 et éditée par un anarchiste évangéliste, E. Armand, « une modeste petite salle au coin des rues Julie et Joanès, pas grande, pas chère non plus193... ».
Le parti républicain ?
138Peut-on encore évoquer le parti républicain dans ce Plaisance de la Belle Époque ? La République ne paraît plus guère menacée, malgré les fièvres nationalistes. L’Église doit accepter – mais moins vite à Plaisance qu’ailleurs – un régime qu’elle n’aime guère et avec qui elle vit un conflit aigu jusqu’en 1906. Le développement du socialisme tend les relations entre les radicaux – longtemps hégémoniques – et les socialistes. Les radicaux eux-mêmes éclatent, une partie se ralliant à la droite en 1909 au conseil municipal de Paris. Le bloc dreyfusard, toujours fragile, paraît bien mort.
139C’est sans doute plus du côté d’une forme mentale complexe que l’on pourrait retrouver quelque chose qui s’apparenterait encore au bloc républicain ; quelque chose où s’articuleraient l’indifférence religieuse dominante du quartier, le mode populaire vif de l’action et les groupes anticléricaux ou de libre-pensée.
140Que le quartier reste peu religieux, nous en trouvons la trace – peut-être exagérée – chez les catholiques eux-mêmes : « Autour de Paris s’est formé un pays païen, une vraie Chine. La majorité de la population des faubourgs ne professe plus aucun culte », et Soulange-Bodin en fait un « pays de mission194 ». Et les exemples abondent à Plaisance. L’excursion paroissiale à Argenteuil est ainsi l’occasion de se regrouper « lorsque le milieu est hostile ou indifférent195 ». Le petit poème d’un certain Moulin en l’honneur de Soulange-Bodin souligne que
Le salut de Plaisance est un rude travail
Rares sont les brebis entrant dans le bercail196.
141Une source toute différente évoque la même indifférence. Un journaliste de La Tribune du XIVe conte cette petite histoire : « Dans une maison bourgeoise et pieuse de l’avenue d’Orléans, une bonne à tout faire se présente et la maîtresse de maison, après l’avoir agréée, lui demande :
- Êtes-vous catholique ?
- Non, répond la servante, je suis de Plaisance197.
142La paroisse avance une explication par les difficultés de la vie : « Dans notre chère paroisse de Plaisance, plus qu’ailleurs peut être, la lutte pour la vie est rude, tellement rude qu’elle absorbe à elle-même tous les instants et toutes les énergies de milliers d’existence198. » Sans doute y a-t-il des exemples qui correspondent à cette vision ; comme cette fille d’un peintre en bâtiment de la rue Vandamme, dont l’épouse est alcoolique et infidèle, qui fait son catéchisme sans que cela ait un quelconque effet sur elle199.
143Mais l’indifférence n’est sans doute pas le fait premier. Ce qui se manifeste aussi à Plaisance, c’est une forme d’expression d’un anticléricalisme populaire, vif, qui use des modes d’échanges symboliques propres aux travailleurs : parole haute, gestuelle, ironie, grossièreté et violence latente ou ouverte. Louise Viollet raconte comment l’abbé Viollet, venu au Rosaire, voyait « sa soutane... moquée200 ». La moquerie est aussi de mise devant Soulange : « Il y a quelque temps, passant devant la nouvelle église, j’entendais deux personnes qui disaient : “on va pouvoir aller à la messe maintenant qu’il y aura une belle église !” Paroles dites en l’air, soulignées d’un sourire narquois parce que je passais, c’est vrai201 ! » Les paroissiens se font aussi moquer : « Pour être catholique dans ce quartier, il faut le vouloir et parfois le vouloir énergiquement. Dans certaines maisons, il est de bon ton de montrer du doigt et de railler impudemment au passage les familles qui vont à la messe202. »
144Les coupables, selon le curé Soulange, sont particulièrement ceux des hôtels garnis, qui auraient des agissements durs :
Depuis quelque temps, les jeunes voyous des hôtels garnis du quartier passent toutes les bornes de l’audace dans leurs « spirituelles » méchancetés. Non contents de faire des ordures dans les confessionnaux et de voler tout ce qui tombe sous leurs mains, ils s’attaquent aux personnes [...] Il n’est pas de jour qu’ils n’insultent grossièrement au Fourneau économique les religieuses qui leur servent à manger.
145Les jeunes « voyous » auraient aussi frappé une personne dans la crypte et les sœurs dans la cour de récréation de l’école203. Certains épisodes tendent à nuancer le sens de cet anticléricalisme populaire. Un rapport de 1900 sur les congrégations constate que les Sœurs gardes malades qui soignent à domicile les pauvres sont « assez bien vues », que les frères maristes qui enseignent dans l’école paroissiale sont « assez bien vus » mais que les Maristes qui tiennent l’externat très grand bourgeois du 48 rue Pernety sont « assez mal reçus204 ». La dimension sociale de l’anticléricalisme populaire est alors flagrante205. L’attitude des patrons de bistrots qui acceptent de coller les affiches anticléricales sur leur vitrine prend plus sens d’opposition culturelle aux sermons moralisateurs du clergé206. Et les libres-penseurs ne se privent pas de prendre ce chemin en affichant une invitation à un banquet gras le « vendredi-dit-saint ». Sans doute aussi perçoit-on des questions sociales et culturelles dans l’insistance mise par la presse radicale sur la richesse du clergé que prouveraient les innombrables immeubles dont il dispose dans le quartier et même la construction de Notre Dame-du-Travail207. On pourrait enfin s’interroger sur la tendance libertaire ou libérale, comme on voudra, du peuple plaisancien, qui n’apprécie guère l’enseignement par « les nonnes et nonettes » d’une morale catholique de l’obéissance ; le patronage Saint-Paul est ainsi accusé d’être un « éteignoir où l’on abrutit la jeunesse208 ».
146Tout ceci est bien sûr relayé, stimulé et plus ou moins encadré par un anticléricalisme politique. Celui de l’État et des pouvoirs publics, qui conduisent la lutte contre les congrégations et assurent les inventaires. Il arrive que de petits incidents opposent la paroisse et la police comme lorsque la « procession » des jeunes catholiques à dix huit heures le jour des Rois pour aller porter vin et galette aux vieux de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul suscite « l’émotion » de la police209.
147L’achèvement de la sécularisation de la toponymie des rues plaisanciennes est-il un fait anticlérical ? Commencée dès les années 1860, dès l’annexion donc, avec la rue Saint-Charles, devenue rue Guilleminot, et la rue Sainte-Léonie, devenue une partie de la rue Pernety, poursuivie dans les années 1870 avec les changements des noms des rues de la Procession, Saint-Médard, Sainte Marie, en Gergovie, Texel, Villemain, et du passage Sainte-Eugénie en impasse Decrès, poursuivie encore dans les années 1880 et 1890 avec le passage Saint Victor devenu (provisoirement) passage Didot et la rue des Croisades devenue Crocé-Spinelli, la sécularisation est achevée avec la transformation de la rue Sainte-Alice en rue Asseline et celle de la rue Sainte-Eugénie en rue Hippolyte-Maindron en 1904210. Mais il s’agit bien là d’un long mouvement qui ne peut donc s’inscrire dans le contexte particulier de l’anticléricalisme des années 1898-1906. D’ailleurs le radical Pannelier tient à souligner que les noms d’Alice et Eugénie étaient en fait les prénoms des deux filles d’un ancien grand propriétaire du quartier que le conseiller municipal accuse, à juste titre, de n’avoir pas voulu donner 1 000 m2 de son terrain sur les 22 000 m2 de son grand parc pour un square à Plaisance lorsqu’il vendit en 1898 les derniers restes du domaine du Château dit du Maine. Il n’y avait dès lors plus de raisons d’honorer ses filles dans les rues du quartier211. C’est sans doute l’ouverture de la nouvelle rue Giordano-Bruno, entre la Petite-Ceinture et Bon-Secours, en 1902, qui prend le plus nettement sens anticlérical.
La lutte pour l’école
148Le parti républicain est particulièrement uni dans sa lutte pour la défense et le développement de l’école laïque, qui bénéficie naturellement de l’éviction des congrégations des écoles religieuses et de leur fermeture. Les écoles publiques se développent ; en 1914, on compte désormais dix groupes scolaires212. La qualité aussi s’améliore. La piteuse école du 233 rue d’Alésia est fermée en 1898, l’école du 132 rue d’Alésia, dont la façade faisait penser à un « petit Mazas213 », est rénovée. Les cours d’école trop boueuses sont bitumées214. Les fameux « expectants », si nombreux au xixe siècle, disparaissent à la Belle Époque.
149La lutte se déplace sur le para-scolaire. Aux patronages importants de la paroisse répond la mise en place d’un dispositif de patronages laïques. En décembre 1899215 est inauguré au 71 rue de l’Ouest le patronage Maria Desraimes (Association amicale laïque des jeunes filles du XIVe arrondissement), qui compte dès sa première année 190 inscrites. Comme au patro catho, on y joue, on y organise des promenades, des cours de chant, peinture, dessin, hygiène et couture et de vrais cours complémentaires de littérature, droit, sciences... La cotisation de 50 centimes par mois est facultative. Les plus modestes bénéficient de la caisse de solidarité216. Il y a aussi le patronage Étienne Dolet, sis rue Brodu, fondé en 1902 par un instituteur, « pour les enfants de cette partie de Plaisance comprise entre la rue d’Alésia et les fortifications ». Le programme est proche de celui de Maria Desraimes, plus masculin, on y donne des cours de gymnastique, d’escrime, de boxe et de tir. Il y a un groupe symphonique, des jeux le dimanche, des sorties champêtres, voire en bateau. Pour les anciens élèves, un cercle des plus de 14 ans est fondé217. Des fêtes rassemblent les patronages de la laïque218, qui disposent aussi de la Bibliothèque populaire des amis de l’instruction du XIVe219.
150L’éducation professionnelle reste la parente pauvre du système scolaire. Elle est laissée à des initiatives diverses comme l’école de boulangerie de Paris, 8 rue Boyer-Barret220, l’école professionnelle de couture du 176 rue de Vanves, et, bien sûr, les écoles liées à la paroisse ou à Léonie Chaptal comme les écoles de formation des bonnes ou des infirmières.
151Dans tous les cas, la querelle scolaire, religieuse... semble bien s’apaiser rapidement après 1906. Même L’Humanité, toute à la lutte avec les nationalistes et les radicaux, ne fait plus d’allusion, quand elle évoque Plaisance, à une lutte anticléricale. En 1898, le candidat socialiste Grisel s’affichait libre-penseur et s’honorait d’un mariage civil dans son affiche électorale. En 1912, Grangier s’affirme surtout contre le radicalisme...
152Les deux institutions qui organisaient ou soutenaient à Plaisance l’anticléricalisme, les libres-penseurs et la maçonnerie, semblent d’ailleurs après 1903 moins présentes dans le paysage local221, elles qui avaient joué un rôle si considérable dans les années 1880 et 1890. La Libre-pensée du XIVe voit s’accentuer les divisions entre socialistes, anarchistes et radicaux et paraît très affaiblie. Nous n’en trouvons plus guère de traces. La maçonnerie, qui est plus discrète, aide toujours les forces progressistes, notamment en mettant à leur disposition son temple de la rue Froidevaux. Elle est présente lors de cérémonies comme ce défilé dans les rues de Plaisance avec une vingtaine d’enfants, églantine rouge au col, du patronage laïque qui va se recueillir sur la tombe d’Édouard Jacques au cimetière Montparnasse un dimanche de juin 1901222. Le mariage de la fille de Pannelier est honoré de la présence des membres de la Grande Loge de France223. Mais la maçonnerie est surtout présente dans les fantasmes de la droite nationaliste, qui ne cesse de dénoncer les candidats républicains comme ces « candidats exotiques choisis parmi la fine fleur des loges224 ».
À droite : la tentation/tentative nationaliste de reconquérir. Plaisance et son échec – vers une culture du ressentiment ?
153Pendant le dernier quart du xixe siècle, la droite plaisancienne était très faible, réduite en fait à son fort mais limité bastion paroissial. Certes, certains électeurs pouvaient voter Girou, du fait des ambiguïtés girouistes, mais les positions laïques, voire socialisantes, du conseiller municipal ne permettent absolument pas de le classer à droite avant son évolution marquée vers le nationalisme après 1898225.
154Il est difficile de dire si le phénomène est en rapport avec l’affaire Dreyfus, qui affleure peu dans notre quartier, mais à compter de 1900, une droite combative – le phénomène est parisien – se manifeste à Plaisance. C’est beaucoup plus sur la thématique nationaliste, militariste et souvent antisémite qu’elle s’affirme que sur la question religieuse ou scolaire. Cette droite nationaliste se lance à l’assaut de Plaisance et du XIVe où, en 1899, les quatre conseillers municipaux sont radicaux. Elle marque certains points en enlevant le quartier du Petit-Montrouge avec Poirier de Narcay. A Plaisance, ses candidats obtiennent un temps aux municipales et législatives des scores de l’ordre de 30 à 40 % des voix (entre 1900 et 1908), ce qui n’est pas négligeable, mais les nationalistes perdent la circonscription de Plaisance-Montparnasse en 1902, le ralliement de Girou au déroulédisme ne lui ayant pas été favorable (localement car il poursuit sa carrière politique ailleurs).
155Cependant, cette tentative est assez rapidement un échec à Plaisance. Les voix de droite retombent assez vite à des scores de 20-25 % à la veille de la guerre. Et en 1912, la droite renonce à présenter un candidat à l’élection municipale, laissant radicaux, républicains socialistes et socialistes seuls en lice...
156La thématique nationaliste s’en prend vivement et classiquement à l’État et aux pouvoirs publics, ou aux socialistes révolutionnaires, diviseurs du pays. Certains articles solennellement titrés « L’État contre le peuple » renvoient cependant à des divisions clochemerlesques. Ainsi les nationalistes dénoncent la mairie du XIVe pour avoir nommé le président du comité des fêtes et avoir refusé l’année précédente le choix de Baffier par les habitants226. Les dépenses inutiles de l’État sont attaquées227. Mais la dénonciation de l’État a une limite, l’armée qui, elle, est défendue. Des anciens créent une Société amicale et patriotique des anciens chasseurs à pied du XIVe228.
157Il y a aussi l’obsession des « traîtres soudoyés avec l’argent étranger229 », du parti radical, parti de la « déchéance nationale230 ».
158Nous retrouvons aussi le nationalisme comme défenseur déclaré des petits (contre les Juifs ou les gros) et constructeur de l’union des classes. Girou, candidat nationaliste en 1902, défend les petits fonctionnaires et les gabelous231. Dennisson, candidat nationaliste en 1898, se présente comme un entrepreneur du bâtiment qui ne se différencie pas de ses ouvriers : « J’ose dire que j’étais plutôt un camarade envers vous qu’un patron232. »
159La xénophobie règne aussi avec la dénonciation tant des étrangers riches-enrichis que des étrangers miséreux-violents. La Compagnie Thomson-Houston, « compagnie bien française », est ainsi attaquée pour avoir voulu le parc Couesnon et en avoir fait son dépôt alors que la population voulait un square233. Une affiche électorale nationaliste s’en prend aux « hommes à la dévotion des banquiers cosmopolites » et dénonce la présence d’étrangers en France qui divisent les Français234. A un autre niveau, Jean Baffier dénonce les dangers du « déracinement235 ». Cette xénophobie rencontre-t-elle une xénophobie populaire ou ouvrière ? Il y a bien sûr les faits divers qui, parfois, mettent en valeur des origines étrangères : « VENDETTA », titre Le Journal de la rive gauche et du quartier latin (un journal républicain socialiste) à propos d’une vengeance d’un journalier italien, demeurant rue du Texel, et aidé de deux de ses concitoyens, contre un marchand de vins236 ; « Mœurs italiennes », titre Le XIVe arrondissement à propos d’un jeune Italien, demeurant rue de Gergovie, qui aurait crié à une heure du matin, avenue du Maine, « Vive l’Allemagne ! à bas la France237 ! ». Le Républicain du XIVe est plus discret pour évoquer le meurtre d’une couturière près du viaduc du Maine par un rôdeur polonais238. Mais la brassée paraît bien maigre et nous n’avons trouvé trace d’aucun incident xénophobe significatif dans le Plaisance de la Belle Époque.
160Il reste l’antisémitisme, qui est la figure première du renouveau et/ou de l’aigreur nationaliste. Le XIVe arrondissement (journal conservateur catholique) lance une grande campagne antisémite en 1898. On y publie une poésie, « À bas les juifs ! Vive l’armée239 », on y demande la création d’une Ligue contre « la juiverie240 » (et la maçonnerie), on y publie des articles pour le moins nauséabonds comme « Les pons Chuifs241 ». Le journal peut ainsi annoncer la création d’un Comité de l’Union démocratique de Plaisance à la fin de 1898242, comité qui s’occuperait de diffuser l’antisémitisme dans la population ouvrière. Des réunions publiques où l’antisémitisme est défendu par des personnalités (Paulin Méry, Gyp, Alphonse Humbert, Forain...) sont organisées243. La dimension catholique antisémite s’exprime aussi dans le journal paroissial. Ainsi L’Écho de Plaisance consacre une pleine première page aux périls maçon et juif : « Le péril c’est le juif qui forme le 1/300 de la population de la France et qui possède pourtant près du tiers de la fortune totale244. » Ainsi le journal du bon curé Soulange-Bodin explique-t-il la ruine de la France.
161Le fil antisémite ne sera plus lâché par la presse nationaliste. L’Électeur du XIVe, dont la rédaction est 16 rue Perceval et l’administration 26 rue de l’Ouest, estime que tout nationaliste est antisémite245. Le Réveil du XIVe publie en 1902 un manifeste du Groupe des ouvriers d’art – section de Plaisance de la Patrie française, qui s’en prend à « la secte judéo-maçonnique » qui « règne toujours, ennemie implacable » de la nation246.
162Et cette campagne ne cesse pas avec les années ; elle prend même de plus en plus une tournure obsessionnelle et malsaine. Le conseiller municipal du Petit-Montrouge, écrivant un article intitulé « Les juifs – Messieurs les circoncis », dénonce leur suprématie avec « l’agio universel », estime que les Juifs sont rentrés à Paris en 1871 derrière l’armée allemande et dénonce « les mauvais coups que nous porte la race d’Esaï247 ». « Le Vieux de Plaisance », qui publie dans Le Républicain du XIVe une série d’articles nostalgiques sur le Plaisance perdu, dénonce l’influence juive sur le conseiller radical Pannelier248, traite les Juifs et les francs-maçons de « sales ennemis » du pays249... Et en 1911, la campagne antisémite prend une tournure locale avec la dénonciation du patron d’une des grandes entreprises nouvelles de Plaisance, Le Planteur de Caïffa, M. Cahen. Dans un article titré, avec quelle élégance..., « Encore le “Blandeur de Gaïva”250 », l’auteur s’en prend au « philanthrope judische » qui s’est fait décorer par Messimy et qui exige de ses salariés qu’ils travaillent le dimanche matin en faisant de la musique publicitaire. Il en appelle à un « coup de balai ». Jean-Jacques Claudinet est plus violent encore :
Remontez seulement d’une quinzaine d’années en arrière, et rappelez-vous un juif borgne, crasseux, à la blouse sale, débutant rue de l’Ouest, dans une minuscule boutique.
Depuis le youdi en question est propriétaire de plusieurs usines. Il a fait le trust du café en France et possède victorias, automobiles251...
163Le tout sur la misère des travailleurs !
164On retrouve là bien des traits de l’antisémitisme d’alors : rôle de la paroisse, qui donne une légitimité catholique aux arguments, liens fréquents à la maçonnerie, thématique du Juif contre la patrie, du Juif riche ou enrichi contre le travailleur etc. Ce qui nous frappe ici, c’est la durée et peut-être plus encore l’aggravation des discours. Plus difficile est d’en mesurer l’influence dans la population. Sans nul doute cet antisémitisme nationaliste est-il plus petit-bourgeois (et c’est bien au Petit Montrouge que Poirier de Narcay se fait élire alors même que le nationalisme ne connaît à Plaisance qu’un succès électoral limité et décline assez vite) que prolétaire. Toutefois, c’est parfois par l’antisémitisme que ces bourgeois tentent de percer auprès de nos ouvriers plaisanciens. Pour autant rien n’indique que le peuple plaisancien ait été tant réceptif à cette campagne, sauf la partie qui constituerait ce que nous appellerons un peuple du ressentiment ; ceux qui rejettent les transformations du quartier. « Le vieux de Plaisance » ou le sculpteur Baffier252 (longtemps républicain avancé) en sont les signes les plus évidents. Tout un – petit – groupe apparaît sur lequel il nous faut revenir.
165Nous avons évoqué l’existence d’un groupe des ouvriers d’art – section de Plaisance de la Ligue des patriotes. Le groupe a été fondé par Jean Baffier253 et Pierre Lelong en 1901 et publie un manifeste254 artistico-national. Il demande la démolition de la Galerie des machines et de la tour Eiffel. Il veut que l’on mette au Champ-de-Mars des arbres français, un jardin à la française, des portiques et ornements « dans le style français ». En 1902 le groupe se veut « fondé pour le relèvement de la dignité du Travail national et la Moralité de l’Art Français255 ». Le groupe organise des expositions annuelles (celle de mars 1902 a lieu à la Maison commune de la patrie française de Plaisance, 172 avenue du Maine) qui sont l’occasion de s’en prendre aux destructeurs (juifs et maçons) de l’art national, de dénoncer « notre époque de décadence », de rêver aux « robustes imagiers du Moyen Age », d’évoquer « la joliesse toute parisienne256 »... L’association ne semble pas avoir eu une existence durable257, mais ce regroupement de quelques peintres, d’hommes de lettres, d’enlumineurs, de céramistes, de sculpteurs, de graveurs sur bois, de coupeurs sur étoffes, de dessinateurs, d’éventaillistes, de typographes, de brocheurs, de relieurs, d’aquarellistes, de brodeurs, de miniaturistes, de verriers, de fabricants de pendeloques ou de fac-similés témoigne d’un ressentiment d’hommes d’art devant une modernité – du quartier et de ses nouveaux artistes – qui leur donne le sentiment d’être marginalisés ou mésestimés. Sans doute est-ce un petit nombre, mais il est intéressant de noter que de Bucé, le rédacteur en chef de la petite revue artistique et littéraire locale, La Revue d’un passant, lorsqu’il présente le manifeste du groupe en 1901, juge le texte « très défendable » même s’il en dénonce les aspects les plus immédiatement politiques comme l’antisocialisme, l’anti-étatisme... Cette analyse de de Bucé, qui soutenait généralement les candidats radicaux ou républicains socialistes mais qui connaissait lui-même de très grandes difficultés financières pour faire vivre sa petite revue, révèle bien l’écho des idées du groupe sur un certain petit peuple plaisancien. Ce goût des traditions nationales se retrouve aussi chez le sculpteur François dit France Briffault (1862-1930), sculpteur qui fit un lexique du parler amoignon.
166Pourrait-on dire enfin que nos nationalistes plaisanciens ont des pratiques politiques marquées par une certaine violence – en suivant le modèle de l’Action française ? Leurs adversaires le leur reprochent. Une affiche du Comité des travailleurs socialistes de Plaisance accuse Moulis, le candidat nationaliste en 1904, d’être « le chef de bande des assommeurs de la rue Sainte-Alice258 ». Rien de vraiment dramatique finalement.
167Une vue de la droite plaisancienne réduite au nationalisme avant 1914 serait excessive. La tradition catholique-conservatrice tente de se maintenir. Ainsi le Comité d’action sociale de Plaisance créé en 1898 se fixe pour mots d’ordre : « Autorité/Religion/Famille/Propriété/Patrie 259 ». L’Action libérale populaire s’organise en 1907 et donne une série de conférences260. Autour du futur conseiller municipal de Montparnasse, Latour, un ancien du Sillon, une droite plus modérée et républicaine tente aussi de se reconstituer.
168D’autres divisions opposent de manière latente modernisateurs et passéistes. Sans doute Girou se situait-il dans le premier groupe261, mais nombre de partisans des nationalistes se retrouvent dans la nostalgie du passé, qu’ils soient bonapartistes ou républicains.
169Les divisions se sont cristallisées en particulier lors du second tour de la législative d’avril 1912262. La Ligue des patriotes du XIVe était réticente à se désister pour Bracke qu’elle jugeait trop antimilitariste, alors que l’Action libérale et la Jeunesse catholique voulaient absolument le soutenir par antiradicalisme et parce que le parti socialiste était pour la représentation proportionnelle. C’est cette dernière attitude qui fut adoptée, le retrait de Rollet pour Bracke contribuant largement à la victoire socialiste.
170Au bilan, la tentative de percée nationaliste à Plaisance paraît bien avoir fait long feu. Mais il n’est pas dit que les conditions d’un ressentiment ne continuent pas d’exister dans le quartier chez ceux qui se sentent étrangers à ses mutations.
Plaisanciennes en politique
171Le système politique français ne favorisait pas – c’est le moins que l’on puisse dire – la participation des femmes à la vie politique. Pourrait-on noter une très légère évolution en cette époque qui connaît en France un regain féministe ? Nous avons trouvé la trace d’une section du XIVe de l’Union française pour le suffrage des femmes263 ; mais la responsable de cette organisation plutôt bourgeoise n’habite pas Plaisance et le paradoxe est que la publicité pour cette Union paraît dans La Tribune du XIVe, le journal le plus violemment antisémite (celui du « Blandeur de Gaïva »...) de l’arrondissement. Ne cherchons pas un lien de cause à effet, mais reconnaissons modestement la complexité des choses. Plus significative, peut-être, est la participation des femmes à la vie de la 14e section du parti socialiste. En mars 1912, pour la campagne de Bracke, une réunion publique « spécialement organisée pour les femmes » a lieu avec la participation des figures féminines du parti264. Quelques mois plus tard, après le double succès socialiste à Plaisance, Bracke souligne la place qu’y auraient prise les femmes. Plus de 200 seraient venues à une réunion en faveur de Grangier265. Chose excessivement rare au parti socialiste d’avant 1914, une femme, la citoyenne Sander, est secrétaire adjointe de la section du XIVe en décembre 1913. Il y avait d’autres femmes adhérentes à la section, comme la grande militante féministe Madeleine Pelletier. Il serait tentant de relier cette – petite – percée féminine dans le socialisme plaisancien avec les conférences féministes que Sylvia Pankhurst, la célèbre suffragette britannique, vint faire en 1913, 54 avenue du Maine, dans l’atelier de son ami l’artiste Samuel Kennedy266, et d’envisager ainsi une connexion entre le féminisme et la présence artistique à Montparnasse et Plaisance, mais les preuves manquent pour conclure sérieusement.
172Loin de ces milieux et de la politique « pure », autour de la paroisse s’organise, dans les années 1909-1914, un petit groupe de femmes qui seront à l’origine du syndicalisme chrétien féminin, si important plus tard à la CFTC. En 1909, deux jeunes femmes, Andrée Butillard et Aimée Novo, créent, au 38 rue Vercingétorix, dans un local dépendant de Notre-Dame-du-Travail et mis à leur disposition par Soulange-Bodin, un atelier de couture, premier pas pour l’organisation d’un syndicat chrétien des ouvrières à domicile. En 1912, elles créent également, rue Vercingétorix, un syndicat des ouvrières en atelier et un syndicat des employées. Sans doute ces premiers syndicats féminins chrétiens sont-ils fragiles, quelques dizaines d’adhérentes qui bénéficient des avantages de services et agissent pour un salaire minimum, mais là se forme un milieu militant féminin qui suit des causeries dans la crypte de Notre-Dame-du-Travail, participe à des semaines de formation en province... Non loin, au Rosaire, même petite ruche ; ainsi deux très jeunes sœurs, de bonne famille catholique lorraine, Régina et Anna Schiff, tôt attirées par les questions du travail, vont devenir après la guerre les fondatrices du syndicalisme chrétien en Lorraine267.
173Avec Notre-Dame-du-Travail, qui couronne l’action organisée par Soulange-Bodin, et les succès socialistes aux élections de 1912 et 1914, Plaisance apparaît à la fois comme un faubourg modèle du catholicisme combatif et social et de l’avenir du socialisme. De ce fait, Plaisance, le quartier miséreux et charitable de 1890, fait place, par le politique, à un Plaisance glorieux et partiellement reconnu.
Une société normalisée qui reste fragile
Vers la banalisation/banalité des œuvres ?
174À la fin du xixe siècle, la petite gloire de Plaisance, c’étaient ses œuvres sociales et hospitalières. À Plaisance, « ce qui surprend tout d’abord, c’est l’admirable floraison d’œuvres que l’on y rencontre268 ». Encore en 1900, Paris-Atlas, qui ignore pourtant presque complètement Plaisance, indique qu’« il n’est pas de quartier à Paris où cette protection tutélaire lui (l’homme vieux comme le petit enfant) soit plus largement offerte269 ».
175Ces œuvres venaient pour beaucoup du réseau paroissial du Rosaire et de Notre-Dame de Plaisance auquel s’ajoutaient les trois grands hôpitaux (Broussais, Saint-Joseph et Bon-Secours) et diverses initiatives (Furtado-Heine, Fondation Siegfried...). Cette gloire de Plaisance restait toutefois ambiguë car la richesse de ces œuvres était aussi le signe de la grande pauvreté du faubourg et de son rôle de réceptacle périphérique des déchets humains de la grande ville.
176La Belle Époque plaisancienne voit la poursuite du développement des œuvres. Toutefois, l’écho de ces innovations devient localement beaucoup moins important comme si se créait là une question de spécialistes plus qu’une question sociale et politique. C’est l’évidence avec les œuvres de Léonie Chaptal qui, à la différence des œuvres de la paroisse et de Soulange-Bodin, n’ont pas de relais médiatique à Plaisance.
177Du côté de la – des – paroisse(s), les œuvres marquent le pas. Les créations se font rares (si l’on excepte la tentative de Soulange-Bodin en 1908, peu avant son départ, de créer une colonie de vacances270). Il est vrai que beaucoup d’argent et d’efforts vont à la construction des nouvelles églises et aux luttes religieuses. Et c’est en lien partiel avec les paroisses qu’opèrent Léonie Chaptal et l’abbé Viollet.
178Léonie Chaptal avait vingt ans quand elle vint s’installer à Plaisance, « très jeune, célibataire, elle est venue vivre parmi la population pauvre du quatorzième271 ». D’origine noble et d’une famille pieuse (son frère devient en 1897 un vicaire de Soulange), cette jeune femme va fonder à partir de 1900 une série remarquable d’œuvres qui, si elles bénéficient du soutien de l’abbé Soulange, sortent du cadre des œuvres paroissiales. Statut ambigu d’œuvres privées au service de tous les publics, bientôt reconnues d’utilité publique.
179La liste est impressionnante272 :
– 1900 Dispensaire antituberculeux, 25 rue Guilleminot/– 1901 Assistance maternelle et infantile de Plaisance (consultation gratuite, jardin d’enfants, 64 bis rue Vercingétorix...)/ – 1901 Société anonyme des logements de Plaisance (œuvre du logement insalubre, rachète et rénove de vieux logements du quartier)/ – 1903 La Vie familiale (société coopérative de consommation)/ – 1905 Maison-École d’infirmières, 66 rue Vercingétorix (avec le soutien de la Baronne de Rothschild), qui accueillera une École d’application du service social/– 1909 Hôpital privé et infirmerie pour les tout petits à la maison des infirmières/– 1910 La Résidence sociale (ouvroir, vestiaire, bibliothèque, études surveillées...), 41 rue de Vanves.
180Si la visée locale demeure première, avec la Maison des infirmières, dont Léonie Chaptal devient directrice en 1907, il s’agit d’une institution pilote d’envergure parisienne, voire nationale.
181Les œuvres de l’abbé Viollet, cette personnalité indépendante, sont concentrées dans l’Association ouvrière familiale du Moulin Vert, fondée en 1902, au 92 rue du Moulin-Vert. On y trouve une coopérative de consommation, une mutualité, des enseignements (notamment ménagers), des séances récréatives, des conférences, une bibliothèque et on y effectue toutes « études de tous projets intéressant la vie familiale273 ».
182Les trois grands paquebots (Broussais, Saint-Joseph, Bon-Secours) continuent leur développement. Toutefois les plaintes se multiplient contre Broussais dont beaucoup signalent le délabrement : « Les Planchers s’effondrent, les toits ne tiennent plus, les tuiles sont arrachées par le vent274. » Aussi la revendication d’une reconstruction de Broussais s’affirme-t-elle, « depuis longtemps promise » et « vivement réclamée par tous les habitants du XIVe275 ».
183Un nouveau débat s’amorce, qui se développera après la guerre, sur la spécialisation de Broussais. Pannelier affirme que « l’hôpital Broussais est un hôpital de quartier et qu’il ne peut être spécialisé276 ». Cette position cache en fait l’inquiétude des habitants – maintenant nombreux autour de Broussais, le quartier au sud de la rue d’Alésia étant désormais largement construit – devant l’arrivée de nombreux tuberculeux si un grand service de tuberculose s’y installait277. Le quartier qui avait accueilli le Broussais, hôpital du choléra, alors qu’il était installé en pleine – ou quasi – campagne, ne veut pas d’un Broussais, hôpital de la tuberculose, maintenant qu’il est partout habité.
184Bon-Secours continue son extension et son évolution. L’asile de vieillards initial devient de plus en plus un hôpital, accueillant les Sœurs augustines de l’Hôtel-Dieu en 1908 dans un nouveau bâtiment, augmentant la capacité d’accueil de l’hôpital, créant une maternité et une école d’infirmières spécialisées en 1912278. Saint-Joseph aussi étend son périmètre et ses bâtiments. Si l’hôpital privé continue de s’affirmer catholique, il accueille dans ses 14 pavillons une clientèle locale de manière plus ouverte comme nous l’avons vu avec la petite fille du rédacteur en chef de la Revue d’un passant, de Bucé.
185Pour mémoire, il existe aussi à Plaisance des cliniques privées comme cette « Maison de Santé de Montparnasse [sic] », sise au 219 rue Vercingétorix, près de la ligne de la Compagnie de l’Ouest et qui est spécialisée dans les accouchements279.
186L’œuvre de Mme Furtado-Heine reste une belle manifestation sociale et son dis pensaire « somptueux » continue de faire modèle280 et d’être soutenue par tous281.
187Du côté des laïcs on a tenté, un temps, de répondre à cette déferlante d’œuvres privées ou chrétiennes. Municipalisée en 1895 et transférée en 1898-1899 dans de nouveaux locaux, 14 rue Schomer, la crèche laïque de Plaisance fait l’objet de certaines critiques de l’Inspection générale des crèches. Au départ considéré comme un « bel établissement, vaste, aéré282 », le local est ensuite estimé comme insuffisamment aéré et éclairé, voire malodorant283, parfois sale284. Cependant les rapports soulignent que les enfants sont bien nourris avec un lait de bonne qualité, stérilisé, que l’hiver l’établissement est chaud et que la crèche est « parfaitement organisée sans être cependant un établissement modèle285 ». L’ensemble donne l’impression d’une crèche satisfaisante, sans plus.
188Autres tentatives laïques, la Société des repas populaires du XIVe (œuvre qui n’est pas propre à Plaisance mais dont le président, Franssens, habite 112 rue du Château) fondée en 1900286, Le Bon Lait, œuvre dont s’occupe particulièrement Pannelier287, La Layette du XIVe créée en 1908 sous les auspices de Messimy, Pannelier et du directeur du Planteur de Caïffa, M. Cahen288, ne semblent pas non plus avoir un écho considérable. L’analyse du développement des institutions agissant sur le champ de la tuberculose conforte ce sentiment des limites de l’action laïque ou municipale. La mairie du XIVe soutient deux associations, L’Assistance alimentaire du XIVe pour la lutte contre la tuberculose (création en 1903, don de viandes, de secours en nature aux malades) et Le Préventorium et Dispensaire antituberculeux (création en 1909) du 22 rue d’Alembert (hors de Plaisance). Or un rapport de la Direction spécialisée du 8 mai 1914 estime ce dispensaire médiocre289. Il faut attendre juillet 1913 et l’ouverture d’un dispensaire antituberculeux au 11 rue Sévero pour que la mairie du XIVe dispose d’une « installation médicale parfaite290 ».
189À la fin de 1914, dans un contexte douloureux, la mairie du XIVe fait paraître un guide pratique des secours d’assistance dans l’arrondissement291. Certes, le contexte est particulier, mais ce guide qui mélange allègrement toutes les œuvres de l’arrondissement, de la plus délibérément catholique à la plus laïque, voire socialiste, de la plus privée à la plus publique, n’est possible que parce que, dans les années qui précèdent, nous voyons s’accomplir un lent travail d’apaisement et de normalisation des œuvres. Les œuvres catholiques se sécularisent, perdant de leur caractère confessionnel, même si sans doute l’esprit chrétien est toujours là, les œuvres laïques ou publiques s’orientent davantage vers la professionnalisation que vers un combat sans moyens. Dans tous les cas, Plaisance avec sa cinquantaine d’œuvres sociales, hospitalières, familiales... reste un quartier modèle de la capitale292, bien que le moindre engagement local et politique de ses activistes sociaux après 1906 en diminue paradoxalement la portée médiatique. Léonie Chaptal fait moins scandale que Soulange-Bodin !
La société civile
Croissance et discrétion associative
190À la fin du xixe siècle, Plaisance connaissait un sensible dynamisme associatif. Le phénomène continue au début du xxe siècle sans que la loi de 1901 ait des effets notables (hormis pour certaines associations catholiques qui répugnent à s’adapter à une loi de la république laïque). Nous enregistrons la création d’une trentaine d’associations nouvelles, qui se répartissent de la même façon que pendant la Grande Dépression : équilibre entre les associations qui spécifient Plaisance dans leur dénomination, les associations dont le territoire annoncé est le XIVe arrondissement mais qui concentrent leurs activités et/ou leur direction à Plaisance et les associations du XIVe qui sont présentes à Plaisance sans plus.
191La répartition thématique n’est pas non plus modifiée : domination de la musique populaire, importance des sociétés d’épargne et de prévoyance, présence de groupements de type corporatif. Les associations sportives et propres aux jeunes connaissent le développement le plus significatif.
192Cette croissance s’accompagne sans nul doute de disparitions car le monde associatif est souvent éphémère. D’autres « anciennes » comme Le Choral de Plaisance, La Médéah ou Les Carabiniers de Plaisance restent bien vivantes.
193Parmi les nouvelles associations musicales, souhaitons donc la bienvenue à L’Amicale du XIVe, Fanfare de Tambours et Clairons293, L’Aurore sociale de Plaisance (cercle lyrique et théâtral lié au mouvement socialiste)294, Le Grelot de Plaisance, une société également socialisante composée de « bons chanteurs » auxquels les socialistes reprochent tout de même de ne pas chanter assez de chansons révolutionnaires295 ! Apparaissent aussi La Lyre Joyeuse296, La Trompette ouvrière du XIVe297 et la pittoresque Union Chorale Bigotphonique du XIVe298. Décidément, en y ajoutant l’ancienne Médéah, dont la fanfare joue à l’inauguration du Splendid Hôtel en 1900299, et le très célèbre Choral de Plaisance300, nous ne pouvons que constater le goût du peuple plaisancien pour la musique joyeuse.
194Plus culturel – au sens banal du terme —, notons l’apparition d’une Amicale photographique dont le président, M. Monet, habite 132 rue du Château301, d’une Société civile d’éducation professionnelle, 8 rue Boyer-Barret302, sans négliger l’importante université populaire que nous avons déjà évoquée. Un très court temps semble avoir existé une Société des artistes de Plaisance303.
195Si la crise est moins dramatique en cette Belle Époque, les sociétés de prévoyance, de retraite, les mutuelles continuent de se développer en l’absence d’une politique réelle de l’État. Voici La Cagnotte de Plaisance (société d’épargne)304, Les Amis du Foyer (société de prévoyance-décès)305, la section du XIVe de la Ligue de protection sociale306, La Mutualité socialiste307, Les Prévoyants du Lendemain308, la section du XIVe de la Sécurité de la Retraite309 qui complètent la panoplie de la Grande Dépression.
196Plus inédit peut-être le développement de sociétés sportives. L’Aéro-club de Paris, très lié à la mouvance radsoc, se réunit rue de Vanves310, L’Union sportive de Plaisance (liée à la paroisse)311, L’Étoile sportive du XIVe312 s’ajoutent aux anciennes sociétés.
197Deux sociétés nouvelles paraissent particulièrement originales, par leur rapport à la jeunesse plaisancienne. Le Mediator, groupement estudiantin de Plaisance, fondé en 1903 ; on y pratique surtout la guitare et la mandoline et les dames y sont admises (précision rare à l’époque dans un monde associatif très masculin)313. Enfin un groupe des Joyeux Conscrits est créé dont nous ne connaissons que très peu de choses314.
198Nous n’évoquerons que rapidement les associations de défense locale ou corporative comme Le Comité de défense des intérêts généraux de la porte de Vanves et d’Ouest-Ceinture qui fait campagne pour que le Nord-Sud soit prolongé jusqu’à la porte de Vanves315, ou La section de Plaisance de la Ligue de l’intérêt public créée en 1911316.
199Le dynamisme associatif plaisancien reste donc sensible. Le monde des sociétés est même si important que le conseiller municipal radical Pannelier propose en 1904 que l’ancien local de l’église, rue du Texel, soit utilisé pour les réunions, conférences, cours des associations. Il se heurte aux architectes de la Ville, qui préconisent la destruction de l’ancienne chapelle de Plaisance317.
Sociabilité plaisancienne
200Nous ne notons pas d’innovations très significatives quant aux sociabilités festives du peuple plaisancien à la Belle Époque. Les 14 juillet continuent de faire l’objet de fêtes populaires318 où se jouent bien souvent de petits enjeux politiques locaux319. Parmi les autres festivités organisées, notons la fête du Printemps, qui voit des chars défiler de la mairie du XVe arrondissement à celle du XIIIe320, l’élection et le défilé de la reine du XIVe qui va, en mars 1914, des Élégants, avenue du Maine, au domicile de l’ancienne reine, une demoiselle du 113 rue de Vanves, puis à la mairie321. La fête foraine du boulevard Brune continue d’attirer enfants, chalands et voleurs à la tire322. S’il y avait une différence avec la fin du xixe siècle, c’est que Plaisance perd de son autonomie au profit de la mairie de l’arrondissement. On note moins d’initiatives locales.
201Un bon exemple des goûts festifs est la grande kermesse organisée pair la paroisse Notre-Dame-du-Travail de Plaisance en juin 1903. Le grand orgue limonaire joue des airs variés, une grande roue de la fortune répond au plaisir de la loterie, une pêche à la ligne, un guignol, des jeux de massacre, une projection, une buvette complètent ces joies simples323. Le bal et la danse restent aussi un élément de la réussite d’une initiative. Bals réguliers les samedis et dimanches au son des binious dans la Petite Bretagne de la rue Vandamme324, bals musettes chez Roche, 18 rue de Vanves325, bals saisonniers comme ceux du 14 Juillet, bals d’associations326, bals occasionnels comme celui qui accompagne l’inauguration du Splendid Hôtel (il dure jusqu’à 2 h 30 du matin)327 ou le « gentil bal » de la double victoire socialiste de 1912 (il dure jusqu’à 5 heures du matin)328. Nous trouvons moins de traces de banquets : signe de la diminution de ce genre de sociabilité – souvent politique – ou de son coût trop élevé dans ce quartier populaire.
202S’il fallait noter un déplacement, il serait spatial. La conquête urbaine chasse les dernières guinguettes toujours plus vers l’extrême sud du quartier, au bord du boulevard Brune, en face des fortifications : « Des guinguettes sans prétention bordent intra muros les longues lignes des boulevards extérieurs329. » Devenues le dernier lieu vert de Plaisance à la veille de la guerre, les fortifs et la zone attirent les familles en balade330. Près de la gare de l’Ouest Ceinture, « Au petit Robinson de Plaisance331 » attire les ouvriers.
203Ailleurs, les cafés continuent d’accueillir une sociabilité largement politique. Leurs arrière-salles sont le lieu de réunions enfiévrées, voire le siège d’associations ou de mouvements politiques. « La Fauvette de Plaisance » accueille les réunions de la 14e section socialiste en 1912332. D’autres cafés tentent des animations comme le Café du Commerce, 37 rue de l’Ouest, qui propose tous les dimanches à 20h 30 spectacle et concert et installe à son voisinage, au 35, un Kalloscope qui propose en 1899 des vues photographiques accompagnées des sons d’un graphophone333. Les plus modestes buvettes, comme celle de la rue du Texel334, se contentent d’offrir à leurs clients les plaisirs de l’alcool et le spectacle d’une sociabilité débridée que regrette le journal paroissial, qui note avec dépit que de nombreux parents promènent les premières communiantes de cafés en cafés335 !
204Le Plaisance plaisant conserve ainsi sa manière populaire ; étouffant toutefois maintenant dans son quartier densément bâti, il commence à envisager des plaisirs nouveaux, peut-être plus qualifiables d’hygiéniques, avec le vélo sur les Maréchaux, par exemple336, ou la revendication d’une « piscine municipale, dans ce quartier dont la population est très dense337 ».
Mobilités et perméabilités sociales
205En 1896, Plaisance comptait 57 000 habitants, en 1911, 78 500, et sans doute en 1914 plus de 80 000. C’est la dernière grande croissance de la population plaisancienne. La densité de population n’augmentera plus et le sentiment d’un flot de nouveaux habitants disparaîtra.
206Toutefois, les nouveaux arrivants de la Belle Époque ne diffèrent guère de ceux de la période précédente ; Plaisance accueille toujours une large majorité de migrants pauvres, d’ouvriers et d’employés avec quelques classes moyennes. La physionomie sociale du quartier ne change pas avec la légère particularité de sa zone orientale (rue des Plantes, rue Didot), moins modeste que le cœur du quartier (rue de Vanves, rue de l’Ouest, rue du Château...). Notons aussi que la conquête urbaine du sud du quartier jusqu’au boulevard Brune maintient cette nuance. Les habitants de la porte de Vanves sont plus prolétariens que ceux de la porte de Châtillon.
207De-ci de-là, toutefois, de beaux immeubles en pierres de taille apparaissent dans les principales rues du quartier, apportant ainsi une touche sociale plus aisée au cœur même des rues ouvrières.
208Les Bretons restent les immigrés provinciaux les plus évoqués. Notre-Dame-du-Travail continue son action d’accueil et de sauvegarde de la culture bretonne. Réunis un dimanche par mois à l’initiative des Sœurs bretonnes de la rue Gassendi dans la crypte de l’église, « les Bretons de Plaisance » entonnent des chants bretons, écoutent un prêche en breton du père Kervennic et se confessent en breton338. Une sculpture de l’église représente une jeune fille qu’un homme protège en la couvrant d’une cape. Il pourrait s’agir d’une jeune Bretonne339. Mais nous avons vu que les socialistes avaient aussi su créer des groupes d’originaires de Bretagne, soutiens actifs des campagnes électorales. Plus neutre, le souvenir des bals au biniou et des cafés et restaurants bretons de la rue Vandamme de Mme Descotils340.
209Cette arrivée des provinciaux à Plaisance continue de faire l’objet de manifestations d’hostilité à la paroisse. Soulange-Bodin écrit un percutant « Restez chez vous ! » où il évoque le mirage de la capitale où sévissent en fait la misère et le chômage.
210Les recensements parisiens antérieurs à 1926 n’ont pas été conservés, ce qui interdit aux historiens une étude sociale approfondie. L’usage des actes de mariage compense quelque peu cette absence mais, dans ces quartiers populaires on se marie beaucoup moins (sinon « au XIIIe arrondissement » comme on disait) que dans les quartiers bourgeois et la source fausse ainsi notre vision. Un journal, L’Informateur du XIVe, qui cherchait par ce moyen un lectorat local a publié en mai 1914 les bans des mariages.
211Nous connaissons ainsi 101 mariages qui concernent 77 Plaisanciens masculins et 64 Plaisanciennes (les autres sont les conjoints non plaisanciens). On peut en tirer une rapide sociologie sans prétention. Nos 77 Plaisanciens se situent massivement dans les métiers manuels (45 %), les services publics ou concédés (17 %) et les employés du privé (20 %). On peut noter l’extrême rareté des plus pauvres – aucun de nos mariés plaisanciens ne s’est déclaré ni n’a été inscrit comme manœuvre ou journalier. On compte un seul manutentionnaire. Les deux branches qui se dégagent sans surprise sont la métallurgie et le bâtiment. À l’opposé de la hiérarchie sociale, très peu de commerçants, patrons de l’industrie, professions libérales ou rentiers (mais il y a là un effet d’âge). Toutefois un petit groupe de classes moyennes salariées (techniciens, cadres de l’administration, dessinateurs...) apparaît (10 %).
212La sociologie des Plaisanciennes est tout autre. Seulement 15 % ne travaillent pas ; ce qui confirme le fait, que les historiens ont maintenant établi – et qu’ils peinent à faire admettre au public -, que les jeunes filles ou jeunes femmes des classes populaires sont largement actives à Paris à la veille de la Grande Guerre. Les gros bataillons sont, sans surprise là non plus les couturières (20 à 25 %), les domestiques (15 % ; 19 % avec les cuisinières), les blanchisseuses-lingères, les relieuses-brocheuses-doreuses... Si les femmes sont presque totalement absentes des services concédés ou publics, elles apparaissent comme employées du privé (16 %).
213Aux extrémités de la hiérarchie sociale, nous notons nettement plus de femmes qui sont, ou se déclarent, manœuvres, journalières que d’hommes. Par contre, très peu de Plaisanciennes travaillent dans des emplois supérieurs ; nous ne trouvons qu’une gérante. Au bilan, une sociologie des mariées sensiblement plus modeste que celle des mariés (le cas des sans-profession méritant un examen particulier).
Avec qui se marie-t-on ?
214Le tableau des 98 cas analysables confirme la tendance connue à l’homogamie des couples. On pourra noter que, sur notre échantillon, les classes pauvres n’épousent jamais les classes moyennes (et ce dans les deux sens possibles) et que les classes pauvres masculines n’épousent jamais une femme sans profession (dans la proximité de la misère, pour envisager un – rare —mariage, les deux doivent travailler). On pourra noter l’importance attendue des mariages entre travailleurs à métier avec le couple premier de Plaisance et des autres quartiers populaires (métallo-couturière). Les employé(e)s sont plus souvent des médiateurs sociaux épousant au dessus ou en dessous de leur condition qui est, il est vrai, hétérogène.
215Le niveau social des mariés étant légèrement plus élevé que celui des mariées, comme nous l’avons vu, cela signifie que les femmes les plus modestes épousent un peu plus au-dessus de leur condition. Le bon mariage étant pour une domestique d’épouser un employé des services publics ou concédés et, plus rarement, un employé de commerce.
216Notre source permet aussi une vision plus géographique des mariages. Nos 101 couples se répartissent ainsi :
Plaisanciens et Plaisanciennes qui vivent à la même adresse 27
Plaisanciens et Plaisanciennes qui vivent séparés (ou le déclarent) 13
Plaisanciens et non Plaisanciennes 37
Non Plaisanciens et Plaisanciennes 24
21727 % de nos mariés déclarent cohabiter avant le mariage. Ce chiffre (sans doute minimisé dans les déclarations) n’est pas surprenant pour ceux qui savent combien la pratique du « mariage au XIIIe arrondissement » était forte dans les classes populaires parisiennes avant 1914. Et on se marie tardivement, avec ou juste après le premier enfant. Phénomène très populaire puisque aucun de nos futurs couples où se trouve au moins un membre des classes moyennes ne cohabite (ou déclare cohabiter) !
218Bien entendu, ces couples pré-cohabitants au mariage n’ont pas toujours cohabité et nous ne pouvons être sûr que les deux amants logeaient à Plaisance avant leur installation commune. Ces 27 mariés sortent donc de la suite de notre analyse. Pour les 74 autres couples, on notera que seulement 13 habitaient Plaisance et ont donc établi des relations de voisinage et de quartier conduisant au mariage. 37 Plaisanciens ont épousé une femme qui n’habite pas Plaisance contre seulement 24 Plaisanciennes qui ont épousé un homme qui n’habite pas Plaisance. L’écart est suffisamment important pour être significatif. Attention toutefois à la source. Nous ne disposons que des mariages célébrés à la mairie du XIVe arrondissement. Des Plaisancien(ne)s se sont marié(e)s dans d’autres mairies parisiennes ou en province et nous ne les connaissons pas.
219Deux faits méritent davantage notre attention. Si seulement 13 couples sont Plaisanciens-Plaisanciennes, nous trouvons que beaucoup de non Plaisanciens habitent à proximité de Plaisance : le reste du XIVe arrondissement, le XVe arrondissement, Malakoff, Vanves, Issy apparaîtraient nettement sur une carte de la répartition des mariés non plaisanciens comme des pôles importants. Si le mariage de strict voisinage plaisancien est rare, le mariage dans un bassin autour de Plaisance est dominant. Certains Plaisanciens vont toutefois chercher leur conjoint plus loin, souvent dans les lieux du centre animé de la rive droite (VIIIe, IXe, Xe, XVIIIe arrondissements), animé de la vie professionnelle des employés de commerce, des métiers de la rue et de la présence des loisirs populaires. Un joli mariage est celui de ce chauffeur habitant dans le VIIIe arrondissement, qui épouse une femme de chambre qui habite à Plaisance.
220Restent les mariages Plaisance-province. Huit cas, tous dans le même sens. Des Plaisanciens épousent des provinciales et non l’inverse. On peut même penser que le phénomène est minimisé par notre source. Il y a là les traces de la croissance démographique plaisancienne. En effet, dans la migration qui conduit de province à Plaisance, les hommes précèdent les femmes (certes des jeunes femmes montent aussi seules à Paris mais moins que les hommes), laissant fiancées ou amies au « pays ». Lorsque l’homme est installé la femme le rejoint et l’épouse.
221Ne cherchons pas à raffiner davantage avec une source qui a ses limites. Elle nous révèle cependant certains traits des Plaisanciens de la Belle Époque. La dominante populaire et des métiers manuels (la source minimisant l’importance des plus pauvres, surtout les hommes qui ne peuvent se marier), la fréquence du couple « concubin » dans ces milieux avant le mariage, le privilège donné à un mariage de voisinage au sens large d’un bassin qui associe deux arrondissements périphériques (les XIVe et XVe arrondissements) et les communes de banlieue limitrophes. Les Plaisanciens ne sont donc pas repliés sur leur quartier, mais répugnent à sortir d’un champ relationnel de proximité géographique. Comme ailleurs les couples – mariés – ne peuvent se former lorsque l’écart social est trop grand. On ne se marie pas entre pauvres et riches, ou si peu !
222Qu’un bassin de relations existe autour de Plaisance, avec les XIVe et XVe arrondissements et les communes de banlieue proche, nous en retrouvons bien des traces. Bel exemple avec le sculpteur-modeleur Henri Tournois, demeurant 109 rue Vercingétorix, qui rencontre sa future femme place Falguière en 1909341. Voici aussi le grand-père Taulin, gravatier tombé avec son tombereau et son cheval dans une décharge de la porte de Versailles342. Ce bassin relationnel est aussi un bassin professionnel et trouve une expression publique dans les revendications d’amélioration des transports, comme la demande en 1898 de l’ouverture immédiate d’une ligne de tramways de Malakoff aux Halles, traversant Plaisance, objet d’une pétition signée par 1 828 personnes travaillant dans le XIVe et 2073 habitants de l’arrondissement343, ou dans les incessantes exigences d’une meilleure communication entre les XIVe et XVe arrondissements344. Les territoires mêmes de Notre-Dame-du Travail et de sa succursale, puis autonome, chapelle du Rosaire ne vont-ils pas jusque dans le XVe arrondissement, vieille trace de l’ancien Vaugirard ? Il existe aussi les territoires de loisirs – parfois plus licencieux – de Montparnasse, en particulier le quartier de la Gaîté, qui attire comme avant les Plaisanciens en mal de plaisirs345. Du côté du Petit-Montrouge, les liens sont forts avec la paroisse Saint-Pierre de Montrouge. Les écoles privées catholiques accueillent des Plaisanciens comme l’école des Sœurs de Saint Vincent-de-Paul, rue Liancourt, où vont deux sœurs de la rue de la Sablière346, ou Notre-Dame-de-toutes-les-Grâces, rue du Moulin-Vert, où vont les enfants d’un habitant de la rue Didot347.
223Bien sûr, on sort aussi de cet espace, comme la grand-mère de Mme Werrie qui, habitante de Plaisance, va travailler rive droite comme blanchisseuse à l’hôpital Saint-Antoine348.
224Ce tissu relationnel débouche sur des rencontres.
225Mais le mariage « dans les quartiers excentriques du Paris laborieux » reste une cérémonie rapide et simple, suivie d’une noce qui ne peut être que modeste349. Noce modeste, famille fragile ? Si la cohabitation hors mariage est déjà fréquente en milieu populaire, le divorce n’est pas encore de mise. La fragilité de la famille se trouve dans ces nombreux cas de mères qui élèvent difficilement leurs enfants. La mort précoce du père contraint la mère de Fernand Trignol, le futur truand, qui « n’avait pas les moyens de vivre à rien faire », à tenir « un petits fonds de bonneterie-mercerie-journaux dans la rue de Vanves », ce qui lui rend impossible de s’occuper de son fils350. Mais les séparations ou les absences sont aussi le lot quotidien. Les enfants laissés à eux-mêmes constituent alors une image souvent dénoncée par la presse conservatrice. Les fortifs deviennent le lieu du risque : « les enfants non sans danger y jouent volontiers351 ». Avec le temps qui passe et la nostalgie, les appréciations se font plus positives : « Je n’ai pas souvent fait mes devoirs à l’école rue Broca [sic rue Brodu], je préférais aller sur les fortifs de la porte de Vanves », nous dit M. Taulin352 ; « les fortifs étaient notre espace de jeux et d’aventures », nous dit C. B. qui évoque aussi les vols et la contrebande353. Mais cette liberté des gavroches plaisanciens de la Belle Époque ne peut être dissociée de la fragilité de la famille.
226Cette fragilité exprime aussi un monde mobile qui s’opposerait aux anciennes familles du quartier dont la presse met en valeur la stabilité géographique et familiale : voici le couple Limagne, qui fête ses noces d’or, « très anciens paroissiens de Plaisance354 ». Noce d’or aussi dans la famille Panonceau, installée de tout temps rue Lebouis355. Familialisme nostalgique qui a, bien sûr, une coloration politique avec l’évocation, dans un journal nationaliste, par le « Vieux de Plaisance » de son enfance avec son père ouvrier pour regretter : « Il est bien changé le peuple356 ! » Au contraire, à l’autre bout de l’échiquier politique, L’Humanité appelle les ouvriers qui viennent d’arriver à Plaisance à s’inscrire sur les listes électorales et à voter à l’élection partielle de 1912357.
Quartier – Un territoire mieux perçu
227L’existence d’un bassin relationnel composé des XIVe, XVe arrondissements et des communes limitrophes, en particulier Malakoff, crée-t-elle une difficulté à la perception d’un espace plaisancien ? Déjà la question de particularités communes aux arrondissements périphériques et aux communes limitrophes était posée. Ainsi le maire de Gentilly fait devant le Groupe républicain d’études du XIVe une conférence sur les intérêts communs du XIVe et de ses communes proches358, mais il n’y a là rien de bien spécifique à Plaisance. Et la séparation des fortifs est trop forte, trop matérielle pour ne pas délimiter le territoire plaisancien au sud. Il en va de même pour la limite avec le XVe arrondissement malgré l’empiètement de la paroisse. Le chemin de fer sépare clairement les deux arrondissements. Les confusions sont plus grandes avec les autres quartiers du XIVe et surtout Montparnasse. Parfois la confusion se fait avec l’ensemble de l’arrondissement comme dans ce texte du Dispensaire antituberculeux du XIVe demandant une subvention au conseil municipal car : « Le quartier de Plaisance est l’un des plus exposés par la tuberculose qui sévit d’une façon particulièrement forte. Dans cet arrondissement populeux, les habitations surpeuplées et malsaines sont nombreuses359. »
228Mais la confusion des territoires la plus importante concerne Plaisance et Montparnasse. Sans doute, en ce temps où le politique, nous l’avons vu, structure fondamentalement le symbolique, le fait d’une circonscription électorale Plaisance-Montparnasse360 joue un rôle important. Mais qu’un canard essentiellement culturel et plaisancien, lorsqu’il se définit localement, s’intitule Plaisance-Montparnasse révèle un autre phénomène, qui va s’accentuer. Le Plaisance culturel et artistique ne se dissocie pas de Montparnasse au niveau symbolique et imaginaire. Marius Boisson l’affirme en 1927 : « Dans les années 1900-1908, au fond de Montparnasse qui prend arbitrairement le nom de Plaisance, je vivais cultivant les Belles-Lettres et fréquentant peu le monde361. » Plaisance est de Montparnasse par ses artistes362. Bientôt va apparaître l’expression d’« arrière-cour » de Montparnasse.
229La dernière question territoriale qui constitue une difficulté pour la construction symbolique de notre quartier est sa croissance même. Désormais habité jusqu’à sa partie la plus méridionale, Plaisance est un des plus grands quartiers de Paris, par sa population et sa dimension, allant quasiment de la gare Montparnasse aux fortifs. L’Église, consciente du problème, coupe sa paroisse en deux en 1911 avec la création au sud de Notre-Dame-du-Rosaire. L’administration ne bouge pas ! Cependant nous n’avons trouvé quasiment aucune trace d’une quelconque opposition entre les habitants de la rue Vandamme et ceux du boulevard Brune. Rien n’indique que Plaisance fut divisé entre ses composantes spatiales éloignées363. Au bilan, la confusion des territoires, encore sensible, paraît moindre que dans le cours du xixe siècle.
La « Belle Époque » de Plaisance ? Du peuple misérable au peuple ouvrier ?
230L’expression « Belle Époque » tend à montrer une période historique agréable, mais nous savons que la guerre de 14-18 a exagéré cette perception tant le contraste était grand entre le drame et le passé tranquille dont on avait la nostalgie. A Plaisance, où les ouvriers dominent largement le paysage social, sans doute y eut-il des effets heureux à l’arrivée du nouveau siècle. Le chômage de masse disparut, les salaires augmentèrent et plus que le coût de la vie malgré la crise de vie chère à la veille de la guerre. Mais le chômage saisonnier, la grande précarité, l’incertitude de l’avenir restaient le lot de la grande majorité des travailleurs et la hausse du salaire réel ne suffisait absolument pas à donner des conditions décentes de vie aux plus pauvres. On partait de trop bas ! Un mieux réel, un contexte plus favorable donc, mais qui ne suffisaient pas pour effacer la misère plaisancienne, d’autant que de nouveaux maux urbains apparaissaient.
231Peu de signes symboliques différencient le Plaisance populaire de la Belle Époque de celui de la Grande dépression. Ce quartier « tout à fait populaire », selon l’expression avec laquelle le secrétaire général de la préfecture de la Seine, Autrand, aurait désigné Plaisance364, est aussi souvent caractérisé comme « populeux365 », terme qui, selon les cas, renvoie à populaire ou à densément habité366. Tous s’accordent sur son caractère de quartier ouvrier, de quartier de travailleurs, même si là encore le sens peut varier. Les milieux religieux n’hésitent pas à user du mot ouvrier : « le quartier ouvrier populeux de Plaisance » où s’installe à la fin du xixe siècle l’Église baptiste367. La paroisse et L’Écho de Plaisance se font les premiers émetteurs symboliques du mot. « DANS UN FAUBOURG DE 37 000 OUVRIERS QUI N’A PAS D’ÉGLISE368 » ; « une accumulation de 40 000 ouvriers entassés dans des maisons369 ». Et c’est aux « ouvriers de Plaisance » que veut en priorité s’adresser le Comité de propagande catholique en 1905-1906370. C’est avec satisfaction que Soulange voit « les travailleurs » venir dans la nouvelle église371. Côté radical aussi, le quartier ouvrier est évoqué. Au conseil municipal, Pannelier parle en « [s]a qualité de représentant d’un quartier excentrique où l’élément ouvrier est sinon en majorité du moins très nombreux372 ». Messimy remercie ses électeurs de « la laborieuse population de Plaisance-Montparnasse » en 1908. Chez les socialistes, Brunelet veut « représenter le quartier des travailleurs de Plaisance373 ». Huguet se présente comme « étant un ouvrier comme la majeure partie du quartier de Plaisance374 » et Mayeras souligne que la permanence de Bracke est établie « en plein quartier ouvrier, en plein Plaisance375 ».
232Certains métiers ont plus de publicité ou agissent davantage que d’autres et se retrouvent plus souvent dans la lumière de nos sources. Nous avons vu le rôle syndical et politique des cheminots, mais les blanchisseuses, les horticulteurs, les maréchaux-ferrants, les brocanteurs, les coiffeurs, qui travaillent surtout le dimanche en ce quartier populaire376, les gabelous377, les marchands de vins378, les marchands des quatre-saisons379 et bien d’autres ont aussi leurs imagiers. Les brocanteurs font partie de l’imagerie de la marginalité et de l’absence d’hygiène380. Les blanchisseuses figurent la femme du peuple au franc-parler et combative381 et la sociabilité des lavoirs où des chanteurs viennent est remarquée382. Plus discrets, les employés apparaissent dans les petites annonces383... On le voit, un complexe réseau de représentations sociales fonctionne, qui mythifie, hier et aujourd’hui, des métiers de Plaisance.
233Quartier ouvrier donc, sans nul doute, tant dans le monde réel que par ses représentations en un temps où l’ouvrier arrive sur la scène symbolique, sans toutefois effacer à Plaisance le miséreux, le pauvre. Les deux sont parfois associés, comme dans la principale fresque de Notre-Dame-du-Travail de Félix Villé, qui représente Les travailleurs et les affligés. Ou dans la brochure des baptistes, qui évoque le Plaisance ouvrier et « humble et pauvre384 ».
234La misère plaisancienne de la « Belle Époque » est bien plus largement développée dans la presse ou la mémoire chrétienne, conservatrice ou nationaliste, que chez les progressistes où elle est presque absente. La pauvreté du quartier385, les misères du quartier386 auraient même atteint une pointe à la fin de 1900 selon l’abbé Soulange :
Le chômage et la misère ont succédé à la vie factice et passagère de l’exposition. Jamais depuis 17 ans que j’exerce le ministère sacerdotal à Plaisance, je n’avais reçu tant de demandes de secours ou de placement (70 à 80 en moyenne par jour de réception)387.
235Des observateurs extérieurs ont le même sentiment sur le Plaisance pauvre : « Là-bas, tout au bout de la rue de Vanves, dans un quartier de travail et de misères... », écrit Éric Besnard, journaliste au Siècle, qui rend visite à l’abbé Viollet388. Les témoignages d’une précarité et d’une fragilité du bonheur plaisancien se retrouvent chez cette petite fille d’un père peintre en bâtiment dont la mère devient alcoolique à la mobilisation du père en 1914389, ou chez ces deux sœurs du 38 rue de la Sablière, couturières, réduites à la misère par la maladie d’une d’entre elles390. Les garnis fournissent encore leur lot de misère sociale et morale pour ces observateurs modérés : « ennui, misère, pauvreté », ameublement sommaire, rixe, ordures sont le lot des « garnis des quartiers excentriques391 » ; ils constitueraient un tiers des constructions peuplées de « déracinés392 ». C’est peut-être moins dramatique que « les gueux et pauvres hères [qui] dorment au soleil393 » sur les fortifs, que cette vieille mendiante qui vit dans une cabane sur un terrain vague rue de Vanves394, que « les baraquements » des chiffonniers de la zone dissimulés « derrière les monticules couverts d’une herbe lépreuse395 ». Et il y a pire encore avec ce cadavre d’un nouveau-né abandonné sur le trottoir de la rue Blottière396.
236Il y avait aussi la distribution de vêtements par le Vestiaire des sœurs de l’école chrétienne de la rue Crocé-Spinelli397. Et c’est sur cette question du vêtement que nous avons sans doute droit à la plus terrible description de la misère plaisancienne, celle des enfants, dans le journal nationaliste et antisémite, L’Électeur du XIVe arrondissement :
évoquant la sortie de l’école de la rue Brodu [future Ridder], Émile Dufour constate que « nulle part mieux que là, on peut distinguer, par le vêtement, les inégalités sociales [...] Les uns, mal peignés, de loques vêtues, aux pieds des souliers aspirant, par de béantes blessures, la poussière et le pluie [...] sur le dos une veste informe ; quelque fois rien. Et la culotte ! Oh ! Ces culottes, retenues tant bien que mal par un unique bout de ficelle fixée devant et derrière à un unique bouton. Pieds nus souvent dans leurs chaussures. Près d’eux fringants, passent les plus fortunés, soignés, pommadés, bichonnés [...] Mais ce qui est navrant, c’est qu’il y en a qui sont nu pieds, littéralement nu pieds, comme les gitans et les nègres398 ».
237La dernière phrase, d’un racisme évident, ne peut empêcher que nous accordions une forte croyance à cette description tragique du gamin pauvre de Plaisance, du « chevalier du pain sec », comme le nomme l’auteur. Soulignée fortement par les milieux catholiques et nationalistes, mais non niée par leurs adversaires radicaux ou socialistes, la misère n’est pas seulement une construction du pauvre.
238Parmi les plaies qui paraissent s’aggraver à Plaisance, comme dans d’autres quartiers prolétaires, la tuberculose vient désormais en avant. Longtemps inquiets du fait des vacheries ou des terrains vagues et abandonnés qui seraient porteurs de « maladies contagieuses399 », les hygiénistes se préoccupent désormais davantage d’une infection ou d’une contamination de maisons, d’îlots, de rues : le docteur Blanchetière, du dispensaire antituberculeux de la rue d’Alembert, estime qu’il y a de « véritables îlots de maisons à tuberculose. [...] Le centre le plus important qui fournit à notre dispensaire est sans conteste le passage des Thermopyles ; rue de Vanves, rue de l’Ouest existent aussi de véritables foyers d’infection400 ». Des études statistiques sont évoquées pour démontrer que le quartier de Plaisance est celui qui connaît le pourcentage le plus élevé de décès par tuberculose pulmonaire et bronchite chronique401. L’insalubrité, le surpeuplement fabriquent « un quartier infesté de tuberculose402 ». La construction de l’îlot insalubre est en route.
239Le vol, pour autant qu’il est bien un signe de la pauvreté, reste toujours là au quotidien dans les faits divers des journaux. Petits vols à l’étalage, aux Élégants, avenue du Maine, en particulier403, vols d’argent404, vols dans les dépôts comme celui de la gare de Vaugirard405 et cambriolages406. Pour sortir de cette petite sinistrose, il arrive que l’on manipule l’humour pour les évoquer comme dans cet écho de Plaisance-Montparnasse de 1904 :
Les cambrioleurs ne respectent plus rien et ne croient même plus aux légendes. Le 14 juillet, de deux heures à cinq heures de l’après-midi, alors que la fête nationale battait son plein, ils ont rendu visite à notre sympathique secrétaire de rédaction, Adolphe Gensse, dans l’appartement qu’il occupe, 32, avenue du Maine. Notre collaborateur était absent et avait eu l’imprudence et la vertu de laisser dans son tiroir la somme de 150 F destinée au paiement du loyer. Après avoir fait main basse sur l’argent, comme personne ne venait les déranger dans leur opération – la concierge de l’immeuble était probablement en train de danser le cack-walk sur l’avenue du Maine – les malandrins fouillèrent consciencieusement les autres meubles et se retirèrent enfin, laissant, en guise de carte de visite sur la table de travail du poète, un coup de poing américain407 !
240Sans tenter une sociologie aussi complète que celle que nous avons pu réaliser pour la fin du xixe siècle, on voit bien que les auteurs de vols sont souvent décrits comme des jeunes, parfois des gamins. Dans ses souvenirs, C. B. se rappelle que, avant 1914, « on volait ceux (des cerfs-volants) qui s’étaient envolés » et dans le jeu du gendarme et du voleur on sympathisait avec les contrebandiers d’huile contre les gabelous408.
241Les vols traduisent souvent, comme à la fin du xixe siècle, les tensions sociales ou sexuelles. Ainsi un vieux rentier, septuagénaire de Plaisance, menant dans un « coquet pavillon » la « joyeuse vie », s’éprend (mon Dieu, mon Dieu...) d’une jolie fille de 18 ans, Aimée (je n’invente pas) D. Il l’installe chez lui. Elle le vole et part en laissant le mot : « Tu es trop vieux409. » Quel écrivain peut rêver plus jolie nouvelle !
242La violence continue de se manifester dans le quartier. Une certaine mémoire héroïsée des truands et des policiers, apparue entre les deux guerres et continuée après la Seconde Guerre mondiale, nous donne des informations inédites, quoique embellies par le pittoresque. Ainsi Fernand Trignol, truand devenu ami des stars de cinéma et de la littérature, raconte, dans ses mémoires de 1946, les souvenirs de son adolescence à Plaisance (né en 1896, il a 18 ans en 1914). Élevé par sa mère seule, il nous décrit ainsi le quartier : « La rue de Vanves était certainement une des rues les plus mal fréquentées de Paris. On y tirait des coups de flingue toutes les nuits ; les bars étaient remplis de mauvais garçons, barbeaux, casseurs, voyous de toutes sortes. » Habitant rue de Médéah, il évoque deux bistrots de la rue de Vanves où il passait ses journées, Le Bar des Fleurs et le Romance-bar, et le bistrot du 46 rue Vercingétorix (la mère Fromet). Tout le monde avait un flingue et le sang vif. Il nous présente les petits truands du quartier, La Tulipe, Bébé-la-Méthode, Cinq-Gonzesses (« un grand barbeau »), Polyte (de la rue de Gergovie, qui « avait buté un nière »). Les jeux d’argent, tout au long de la journée, tiennent un grand rôle (« du matin au soir on jouait aux petits paquets, au faraud, au poker410 »). C’est à Plaisance aussi, selon André Salmon, que se trouvait le QG de Bubu ou « le jockey des Halles », qui ne se promenait qu’avec sa canne à pointe411. Nostalgique aussi, Ange Bastiani, qui se demande en 1970 : « Que sont devenus les bistrots louches et les hôtels borgnes chers à Charles Louis Philippe », les petites frappes et les pierreuses de Plaisance et Montparnasse412 ? Évocations d’un Plaisance qui court de 1900 à 1950. Sans doute est-il vrai aussi que ces voyous ne sont pas qu’un corps étranger au peuple de Plaisance. Par exemple, H... organise des paris clandestins, au 120 rue de Vanves, qui semblent rencontrer suffisamment d’écho pour que la police les tolère413. Classique question des enjeux de l’économie parallèle dans un quartier pauvre. L’autre pôle de la délinquance plaisancienne est, comme ailleurs dans les quartiers périphériques, les fortifs et la zone : « Des filles qu’accompagnent des gens sans aveu, rôdeurs de barrière et autres, en font leur séjour habituel, s’y donnent rendez-vous, y vivent presque en un mot toute la journée, ne les quittant qu’à la brune pour s’abattre sur Paris414. » Mais, là encore, cette « faune » n’est pas isolée car sur les fortifs se retrouvent aussi gamins, oisifs, ouvriers, cyclistes, jardiniers...
243Les policiers ne sont pas en reste pour recréer cette image du quartier, avec moins d’indulgence, certes. Louis Roubaud415 se souvient de sa première enquête criminelle, à Plaisance. Un homme est assassiné, rue du Moulin-Vert, probable ment par sa maîtresse. Ils habitent au sordide 25 ter rue du Château, « une maison maussade, triste et sale, avec des cours et des arrière-cours... ». Lui « n’est guère plus recommandable que son assassin, sa profession de journalier est vague ». Sa maîtresse est « une femme connue dans le quartier, sous le nom de la Belle Niçoise », prostituée de bas de gamme Le commissaire de police Ernest Raynaud, poète à ses heures, et qui fut commissaire du quartier de Plaisance à la Belle Époque, parle aussi des truands du quartier qui aimaient aller au théâtre de Grenelle : « les récidivistes en rupture de ban dont s’ornaient les galeries supérieures, tous les mort-aux-vaches du rond-point des Fourneaux et du Pont-aux-Bœufs » y acclamaient l’acteur qui jouait le gendarme416 !
244La violence accompagne bien sûr certains vols comme ce jeune peintre de la rue Pernety, attaqué rue du Maine par trois jeunes voyous dont une jeune fille417, cette rentière agressée rue Vercingétorix418 ou, plus dramatique encore, cette couturière assassinée pour un franc par des rôdeurs près du viaduc de l’avenue du Maine419. Affaire assez courante aussi que les entôlages qui se terminent mal. Léontine D. emmène chez elle un courtier de 27 ans domicilié rue Vercingétorix. En sortant à 1 heure du matin, celui-ci constate qu’on lui a volé 1 700 francs dans son portefeuille. Il se dispute avec Léontine et son protecteur. « Le G. de Montparnasse » blesse au couteau notre courtier amoureux420.
245La violence est présente dans les relations de bistros, de bals et la bonne presse insiste bien naturellement sur les effets néfastes de l’alcoolisme. Les débits de boisson sont le lieu de rixes, voire de coups de revolver421. Les bagarres se prolongent parfois dans la rue422. Il arrive que des tensions sociales s’expriment dans ces violences. Ainsi, dans un meublé de la rue Decrès, une femme (épouse d’un rémouleur) locataire qui boit dans le débit de vins du garni se voit refuser tout crédit par la patronne. Furieuse, la femme attaque au couteau l’hôtelier et son épouse423.
246Mais la presse a surtout le goût de la violence sexuelle et sans nier que, comme pour la période précédente, les tensions entre les deux sexes sont vives à Plaisance et dans les quartiers populaires, sans doute y a-t-il là quelques accentuations médiatiques. La violence masculine est ainsi en partie minimisée au profit du pittoresque que présenterait la violence féminine. Nous trouvons bien quelques affaires graves, qui mettent en cause les hommes, comme cet ouvrier couvreur de 50 ans du 33 rue Pernety, qui tue sa jeune femme de 24 ans après une querelle rue de Vanves424, ou comme « Bébert de Montparnasse », qui a piqué sa maîtresse rue d’Alésia425. Mais les bagarres de femmes « en cheveux » pour un homme426, les tentatives de meurtre d’un mari par sa femme427 donnent un corpus aussi important et l’affaire qui a créé la plus « vive émotion dans le quartier de Plaisance428 » est celle du meurtre supposé d’un ouvrier mécanicien du 69 rue de Vanves (l’actuel « Château ouvrier ») par sa femme qui le trompait.
247Ces tensions sexuelles dans un quartier populaire, qui continuent à se manifester en cette dite « Belle Époque », se retrouvent aussi dans un épisode mis en exergue par L’Humanité, où se reflète l’inquiétude du risque de la débauche des jeunes filles de Plaisance par les bourgeois. La très jeune enfant de 11 ans d’un cheminot de l’État est abordée à la sortie de l’école des filles rue de l’Ouest par un monsieur bien mis, qui l’invite au restaurant en lui promettant « des plats succulents » ; la toute petite demoiselle accepte d’aller dîner avec ce noceur et l’accompagne ensuite dans un hôtel du boulevard Edgar Quinet (lieu de prostitution notoire alors). Il n’y aurait toutefois pas eu de viol429.
248La vie fragile, ce sont aussi les accidents du travail (sans doute mieux indemnisés par les effets de la loi de 1898) fréquents dans le bâtiment430, dans les chemins de fer, comme cet homme d’équipe de la gare Montparnasse, demeurant 5 rue du Château, pris entre deux wagons431. La vie fragile, ce sont ces incendies dans de pauvres chambres où les lampes renversées, les fourneaux à alcool qui peuvent tuer432, ou ce bébé de treize mois tombé par la fenêtre au 27 rue Schomer433. Ce sont peut-être aussi ces fous qu’évoque surtout le conservateur Le XIVe arrondissement, qui use parfois de ce terme pour nier des tensions sociales434. Plus pittoresques, les accidents de voirie comme ce cycliste qui renverse un enfant porte Didot435 et cette automobile qui écrase un petit chien rue Didot436. Et voici la première automobile de Plaisance !
249La tragédie du suicide clôt ce chapitre du Plaisance pauvre et violent. Nos sources médiatiques en parlent beaucoup moins que pour la période 1872-1897. Mais les statistiques nous confirment que si la tendance haussière s’interrompt, le suicide reste à un haut niveau. Mais il est moins dans « l’air du temps » de Plaisance. En particulier la disparition du XIVe437, à la fin de 1899, qui avait théâtralisé ou dramatisé les suicides, signe de l’immoralité de l’époque, accentue ce sentiment. Et L’Humanité peut oser en 1908 un article amusant intitulé « Un pendu récalcitrant » à propos de la tentative de suicide d’un journalier de 32 ans de la rue du Château438. Il arrive aussi que des artistes ou écrivains accomplissent le geste fatal, comme Albert Mérat, le 16 janvier 1909, dans son logement du 3 rue de la Sablière.
250La vie fragile, la vie dure est toujours là. Cependant on voit luire des fleurs d’espoir et la presse plaisancienne témoigne aussi de cette mutation.
Arts et Lettres
251Plaisance, maintenant devenu un des quartiers les plus peuplés de Paris, attire-t-il les artistes et les hommes de lettres ? Pour les seconds, la réponse est clairement négative en termes de résidence. Un des écrivains de (et sur) Plaisance, Rosny aîné, vient y habiter, nous l’avons vu, dans les années 1890. Mais le succès aidant, il quitte le quartier pour s’établir, d’abord rue d’Alésia au Petit-Montrouge, puis en 1912 dans le VIe arrondissement439. D’autres écrivains reconnus ont vécu aussi à proximité du quartier. Lucien Descaves habitait au 129 boulevard Brune440, près de la rue des Plantes. Ramuz vécut en 1909-1910 au 12 rue Liancourt, à la limite du Petit-Montrouge, et il considérait déjà cette petite rue plutôt tranquille comme mal famée441... Nous avons vu Albert Mérat aux lisières du quartier, rue de la Sablière. Le bilan est plutôt maigre442 ! Par contre, nous notons la présence d’écrivains modestes dont la réussite est médiocre. Le relativement plus connu est Marius Boisson : « Dans les années 1900-1908, je vivais [à Plaisance] cultivant les Belles-Lettres et fréquentant peu le monde443. » Le romancier et essayiste, anarchisant et conservateur tout à la fois, fut très marqué par cette expérience de vie plaisancienne, mais on avouera qu’il est resté un illustre inconnu. D’autres sont plus inconnus encore. Qui est Émile Boissant, 47 ans, demeurant 104 rue de l’Ouest, considéré comme aliéné mental444 ? Eugène Meyblun, l’auteur du Déserteur, habitait, en 1899, rue du Château445.
252F. B. de Bucé n’est pas plus connu de la critique littéraire et ses poésies ne figurent dans aucune anthologie. Mais l’homme fut un fidèle de Plaisance, habitant 3 rue Bourgeois, 141 rue de Vanves, 4 rue Paturle, 13 rue Durand-Claye et 41 ter boulevard Brune, déménageant sans cesse et de plus en plus vers la périphérie. Cet homme des marges eut cependant la force de publier de 1892 à 1906 une petite revue littéraire, La Revue d’un passant, à laquelle il associa, après une longue interruption de 1896 à 1899, à compter de 1899 Plaisance-Montparnasse, revue d’information locale, surtout centrée sur Plaisance. Les titres sont ainsi évolutifs, l’une est parfois le supplément de l’autre. Apparaissent aussi des numéros de Plaisance-Montparnasse et La Revue d’un passant réunis. La revue diffuserait 1 000 à 1 500 exemplaires, avec une diffusion principalement dans le XIVe arrondissement et à Plaisance. En 1906, à la parution du dernier numéro, quatre de ses six derniers dépositaires sont de Plaisance, deux d’autres quartiers du XIVe. La revue tente aussi d’animer des soirées littéraires, souvent hors de Plaisance (au café Procope, au restaurant du Faisan Doré, rue Bonaparte...), des dîners de poètes, le tout sans grand succès, semble-t-il.
253L’entourage de De Bucé ne comporte pas de grands noms qui lui apporteraient la légitimité ou la notoriété. Parmi ses fidèles, notons Adolphe Gensse, Gabrielle Petit ; de Bucé connut aussi, mais de manière plus éloignée, les auteurs de la Revue rouge, Gustave Lerouge, H. Rainaldy. La palette relationnelle ne paraît décidément pas s’élargir dans cette période. « Jehan de Plaisance », comme il aimait signer certains articles, ne fut jamais reconnu. Sa tentative d’élargir le champ du journal sous-titré en 1899 « sociologie-art-littérature », de lui donner des suppléments locaux ou sociaux comme La loi des Hommes, organe prolétarien pour l’abolition de la misère (en août 1904) ne lui permit pas d’élargir son public. Paradoxalement, c’est par ses nouvelles locales et ses abondantes petites annonces que le journal obtint un public plaisancien sinon considérable, du moins réel. L’orientation du journal, apolitique certes mais de sensibilité socialiste, lui valait sans doute un certain écho dans ce quartier républicain avancé.
254Il reste encore une image d’un Plaisance lieu d’ébullition intellectuelle ou sociale : « Les guinguettes, elles-mêmes, sont les rendez-vous habituels d’anarchistes plus ou moins "intellectuels"446. » Dans un tout autre milieu, « Le phalanstère » de la villa Deshayes où logea l’abbé Viollet en 1906-1907 était, selon Louise Viollet, une « oasis de jeunes intellectuels déclassés447 ». Plaisance comme stimulant poétique, comme aiguisant la réflexion sociale ou le sens esthétique plus que Plaisance quartier des écrivains donc. La venue d’Apollinaire dans le quartier en est un exemple que nous évoquerons plus loin.
255Surtout Plaisance est de plus en plus un quartier d’artistes plasticiens et connaît même un rebond complexe à la Belle Époque autour du personnage culte du Douanier Rousseau.
256On sait que, au début du xxe siècle, Montparnasse devint un des lieux privilégiés de la création artistique, dépassant même progressivement Montmartre448. Nous avons vu que, de longue date, des peintres considérables étaient déjà passés à Plaisance (de Cézanne à Gauguin) sans y laisser vraiment une trace autre que celle d’un temps de l’errance ou de la marge. Avec le Douanier Rousseau, c’est une révolution artistique qui s’amorce – ou qui est construite par de grands esprits du temps – et qui vise à mettre en avant un art simplifié, symboliste mais naïve ment, sans académisme, sans pompe. Un art pur ? On sait que le surréalisme s’en inspirera et que Plaisance deviendra le quartier des surréalistes.
257Le modeste fils d’un ferblantier de Laval, le petit gabelou de l’octroi a déjà une cinquantaine d’années lorsqu’il arrive à Plaisance. De 1893 à 1896, il logera dans un immeuble d’artistes au 44 avenue du Maine, puis après deux années dans le XVe arrondissement, il habitera de 1898 à 1901 au 3 rue Vercingétorix, de 1901 à 1904 au 36 rue Gassendi, avant de finir sa vie dans une chambre-atelier misérable mais très courue au 2 bis rue Perrel449, en plein cœur du Plaisance le plus pauvre. Le premier grand nom qui lui rendit visite, précocement en 1894, fut Alfred Jarry, alors jeune poète. Mais c’est rue Perrel que le phénomène Rousseau éclata. Apollinaire, qui fit sa gloire, Max Jacob, Philippe Soupault, Georges Duhamel, Jules Romains, Francis Carco, André Warnod et bien d’autres suivirent le pape de la littérature de la veille de la Grande Guerre. Des jeunes peintres aussi le visitèrent, en tout premier lieu Delaunay, qui devint un proche, Férat, Vlaminck, Brancusi, Marie Laurencin, Braque et Picasso. Rousseau, qui maniait le violon – et vivait des cours que lui rapportait le soutien de l’Association philotechnique du XIVe450 – et disait la poésie, organisait des soirées le samedi451 où tout ce beau – ou futur beau – monde se pressait452. L’apothéose fut le « banquet Rousseau » en novembre 1908 et, après sa mort, le numéro spécial des Soirées de Paris que lui consacra Apollinaire en 1914. Rousseau devint le « véritable saint-patron de Montparnasse [et] des artistes », selon Héron de Villefosse453.
258Le Douanier Rousseau n’en vivait pas moins dans la misère, il « couchait sur un pauvre lit pliant qui était dissimulé dans un coin de ce qu’on appelait l’atelier454 », et ses leçons de violon ne lui apportaient guère plus de 100 francs par mois (800 euros), sa retraite de gabelou étant infime. Quant au prix de ses tableaux ! Ce « véritable prolétaire » fut ainsi tenté par une affaire d’escroquerie en faux carnets de banque en 1907 et ne dut son salut qu’à l’intervention du conseiller municipal Pannelier455. Vivant au cœur d’un quartier populaire, voire misérable, et populeux456, sa chambre située au-dessus de l’atelier d’un mouleur, donnant des cours au fils de la blanchisseuse du coin457, il mourut aussi comme un miséreux, dans la salle commune de l’hôpital Necker en 1910.
259Le Douanier a assez peu peint son quartier, préférant les promenades en banlieue ou le long de la Seine comme un peintre du dimanche. On discute pour savoir si L’Octroi représente la porte de Vanves ou une porte du XVe arrondissement458, mais ceci n’a pas grande importance. L’artiste de Plaisance a attiré l’attention de l’intelligentsia et de l’avant-garde, qui en fait son icône de l’art naïf, mais moderne et épuré. Si c’est à Montparnasse plutôt qu’à Plaisance que se trouvent les théâtres, les grands cafés, les grands ateliers, les grandes académies, Plaisance devient, associé à Montparnasse, le lieu d’une avancée pictoriale.
260D’ailleurs, signe des temps, voici par dizaines les artistes étrangers qui viennent s’y installer. Nous les avons vus présents dès la fin du xixe siècle. D’autres, innombrables, vont suivre. Ce n’est pas un hasard si l’Académie des émigrés russes à Paris s’installe vers 1905 au 54 avenue du Maine. Fondée par Marie Vassilieff, elle accueillera Zadkine, Orloff, Chagall... On tenait dans le local des réunions politiques et féministes. Une scission semble avoir eu lieu en 1912 autour de la création du journal Gelios459. Voici aussi l’artiste italo-brésilien Eliseu d’Angelo Visconti dont l’atelier, en 1913, est rue Didot. Ils sont aussi nombreux à s’installer au 6 rue Vercingétorix, pépinière d’artistes. L’attractivité du quartier pour les jeunes artistes est manifeste aussi dans les constructions nouvelles qui prévoient de leur faire place, plutôt cossues au 3 villa Brune où Jules Zingg s’installe en 1913, beaucoup plus modestes au 46 rue Hippolyte Maindron, « ramassis d’ateliers et de bâtisses légères construits à bon marché » en 191o, sans eau courante, avec des cabinets collectifs dans la petite cour et où viendra bientôt loger Giacometti460.
261De tout ceci on ne trouvera aucune trace dans la presse de l’arrondissement. Au contraire, apparaît une sorte de réaction à l’art étranger et/ou à l’art considéré comme nul des avant-gardes. Marius Boisson vit ainsi dans le Douanier un mystificateur, un primaire dont les peintures auraient dû échouer aux Puces, « un nigaud, insignifiant ». Il voyait dans son sacre la perte du « sens de la perfection » artistique au profit d’un faux progrès461.
262Dès 1898, des formes d’un traditionalisme artistique étaient apparues avec les Veillées artistiques de Plaisance organisées par la paroisse462. C’est ensuite Jean Baffier qui en sera l’organisateur avec le soutien du Groupe des ouvriers d’art de la section de Plaisance de la Ligue de la patrie française dont nous avons déjà évoqué l’extrême importance dans le cadre de la mouvance nationaliste plaisancienne. « Fondé pour le relèvement et la dignité du Travail national et la moralité de l’art français », s’inspirant des traditions des imagiers et de la joliesse parisienne, les expositions du groupe accueillent un nombre important d’artistes ou littérateurs463. Nous n’y reviendrons pas, mais le malaise est sensible au début du xxe siècle.
263Les artistes locaux dont parle la presse locale sont essentiellement des sculpteurs, Louis Rousaud, proche de Rodin, rue Vercingétorix, Pasche, rue Perceval, Baffier (considéré par Le Journal du XIVe comme traditionnel) et Osmond, rue Vercingétorix. La visite à l’atelier – genre journalistique apprécié des lecteurs – nous montre, une fois franchie une barrière, une petite cité fleurie, des « chaumières », des fleurs et « tout à coup se dresse une grande bâtisse percée de verrière, c’est l’atelier du sculpteur Osmond464... ». Ces artistes d’un Plaisance villageois, nous les rencontrons aussi villa Brune465 ou rue Blottière.
264Nombre de ces artistes sont des artisans d’art qui constituent une base importante du développement du style Art déco. Plaisance-Montparnasse et la Revue d’un passant réunis est orné de beaux dessins de ce style, comme la jolie publicité pour « Mme Félix – Robes et manteaux 13 rue Durand-Claye » dans le numéro de la revue d’août 1904. Le dessinateur est E. Causé. Plus prosaïques mais non moins charmantes sont les productions de l’atelier Benoist, passage des Thermopyles, qui emploie en 1910 peintre en lettres, décorateur, peintre en fleur, doreuse, maroufleur... chargés de la constitution des devantures des boulangeries466. Artisan ou artiste, le fabricant de merveilleux harmoniums d’art Alexandre Rousseau, installé 19 rue Schomer467 ?
265Nos artistes plaisanciens, qui avaient constitué une avant-garde politique au temps de la Commune, avaient perdu – ou abandonné – cette fonction pendant la Grande Dépression, avons-nous vu. Rien n’indique que la situation ait évolué au début du xxe siècle. Si l’on excepte le petit et décidé groupe nationaliste autour de Baffier, peu de chose sinon la création d’une société des artistes de Plaisance en 1900 par un certain Lhez qui n’a pas de suite468. Martelet, « peintre non sans talent, mais sans clientèle », l’ancien communard, reste une icône de la vie socialiste du quartier mais n’a pas de successeur. Au contraire, on voit Rousseau se recommander de Messimy et Pannelier pour obtenir un achat de l’État469, loin de toute contestation de l’ordre républicain. Mais l’intérêt des élus ne va pas à l’avant-garde artistique et le nom d’Hyppolite Maindron, donné à la rue Sainte-Eugénie (il aurait eu son atelier de statuaire dans la rue ?) en 1904 en est un signe470.
266Les artistes musiciens ou théâtreux sont moins présents que les plasticiens. Il est vrai que le quartier ne leur offre que quelques petites scènes, souvent occupées par les troupes amateurs locales comme celle, irrégulière, de la paroisse et celle, plus tenace, de l’Avenir de Plaisance. Le voisinage de Montparnasse a sans doute amené certains d’entre eux à résider à Plaisance, mais nous n’en trouvons pas de trace. Toutefois Le Journal du XIVe évoque « un café de l’avenue du Maine où des artistes plus riches de bonne volonté que de bonnes notes donnent chaque soir un concert très goûté471 ». L’avenue du Maine est d’ailleurs suffisamment musicale pour que s’y établisse un « Répertoire lyrique du XIVe » où l’on vend textes des chansons, partitions, instruments...
267Le cinéma arrive à Plaisance. Est-ce un art alors ? Le curé de Notre-Dame de Plaisance, toujours en pointe dans l’usage des moyens modernes de communication, n’hésite pas à présenter des films dans la salle du patronage Jeanne d’Arc comme La passion de Jésus, réalisé par Gaumont en 1906472. Sur l’ancien site des frères maristes, au 46 rue Pernety, s’établit à une date que nous ne connaissons pas précisément le Splendid Cinéma. La projection du film accompagné en musique est précédée par un spectacle, un jongleur en décembre 1910473. Évidemment, rien de tout cela ne détonne par rapport aux autres quartiers populaires parisiens et Plaisance n’a rien de bien marquant de ce point de vue.
268La photographie marque davantage le quartier. En 1899, le Kalloscope propose les dimanches soirs une projection de vues photographiques avec graphophone474. Mais, là encore, Soulange-Bodin montre vraiment l’exemple en publiant un nombre impressionnant de photos de ses patronages, de ses écoles, de son église... dans L’Écho de Plaisance. Les radicaux ne sont pas en reste puisque leur leader local, le conseiller Pannelier, est le photographe du quartier. Sa boutique fonctionne encore en 1910 devenue « Pannelier-Régis successeur475 ». La manie photographique devient suffisamment importante dans le quartier pour que la maison Fuites fils, 14 rue Édouard Jacques, organise un concours photographique (déjà...) pour le 14 juillet 1904476. La carte postale aussi irrigue la vie plaisancienne Nous en avons recensé plus de 100.
269Ce n’est ainsi pas un hasard si arrive à Plaisance la plus importante coopérative photographique. L’Union photographique française est créée en 1893 à la suite de l’exposition internationale de photographie de Paris en 1892. Installée d’abord rue du Château d’Eau, elle vient en 1899, villa Colombier – 20 rue Boulitte – dans « de vastes ateliers, avec les perfectionnements les plus scientifiques et les plus modernes477 ». Les opérateurs travaillaient d’abord pour la Ville de Paris et notamment pour la Commission du Vieux-Paris, le musée Carnavalet et la direction de l’architecture. L’UPF travaillait aussi pour des particuliers. Elle disparaît avec la guerre de 14-18. Mais à la lisière de la sociabilité populaire plaisancienne, des métiers d’art et des plasticiens, la photographie a déjà marqué de son emprise le quartier.
270L’examen d’un fichier de 122 cartes postales du quartier à la Belle Époque conforte le sentiment global de la mise en place de la représentation d’une société apaisée, vivant dans la rue, où les enfants et les commerces forment les figures dominantes de l’urbanité trouvée.
Modernité et nostalgie : la ville et la nature
Le goût plaisancien du progrès
271Les élections municipales d’octobre 1898 ne voient pas seulement la victoire radicale et la fermeture de la parenthèse ambiguë girouiste. Tous les programmes478 convergent vers un objectif : faire de Plaisance un quartier de la grande ville, de la capitale comme les autres. Aussi les mots clés sont aligner, élargir, classer, percer, assainir... Le plus révélateur est sans doute les propositions de percements ou de prolongements de voies dans le quartier et ce n’est pas seulement la partie la plus méridionale, la plus périphérique de Plaisance, en cours de construction, qui est visée, loin de là. C’est au cœur du Plaisance déjà bien habité que les propositions prévoient de trancher dans le tissu urbain, en profitant des terrains libres ou des voies privées :
L’impasse Sainte-Léonie jusqu’à la rue du Château/la rue Mouton-Duvernet jusqu’à la rue de Vanves/la rue Sainte-Eugénie (actuelle Hippolyte Maindron) vers le nord jusqu’à la rue du Château, voire l’avenue du Maine/la rue Boyer-Barret vers la rue Didot à travers la cité Bauër/la rue Blottière jusqu’à la rue du Château/l’impasse Deparcieux jusqu’à la rue Liancourt479/ la rue Julie (de l’abbé Carton) vers la rue de Vanves/la rue des Plantes, la rue Jonquoy vers la rue de Vanves par le passage du Progrès/la villa Deshayes vers la rue des Plantes (en passant sur les terrains du Bon secours...)/la rue des Arbustes vers la rue Didot le long de la petite ceinture... [un vrai inventaire à la Prévert !]
272Rien de tout cela ne sera vraiment réalisé, qui aurait percé Plaisance d’un réseau de rues très dense. Mais l’idée qui préside à ces propositions est bien là, ouvrir le quartier à la circulation pour lui apporter la prospérité. Ces propositions se retrouvent très fréquentes à gauche et au centre. Les nationalistes les soutiennent, mais avec moins d’enthousiasme480. La deuxième revendication récurrente, reprise tant par les élus et les candidats que la presse locale, est l’élargissement des voies et la mise à l’alignement des immeubles ; objectif là encore, faciliter la circulation (éventuellement favoriser le passage des tramways car il n’y a jamais, absolument jamais opposition dans les textes d’alors entre transports en commun et transports privés au niveau de l’usage de la voirie), permettre l’établissement de trottoirs481 mais aussi assainir l’air par des voies plus larges ; il s’agit également de « faire disparaître les cités à voie étroite » qui sont insalubres482. Vingt-deux rues sont évoquées. Quelle satisfaction pour un élu ou la presse d’annoncer qu’une maison a été mise à l’alignement ou qu’une portion de rue est élargie483 !
273Ce grand programme de voirie dont le moteur principal est le conseiller municipal radical Pannelier et le principal soutien le journal local radical, Le Quatorzième, aurait fait de Plaisance un quartier percé de grandes et nombreuses voies larges et bien reliées, un quartier parisien moderne aux yeux des modernes radicaux (quelle image fausse nous en avons bien souvent). Il ne fut que très partiellement mis en place, en partie du fait que l’indemnisation des propriétaires expropriés ou le rachat des terrains furent jugés trop coûteux par la Ville, et Plaisance est demeuré, pour l’essentiel, un quartier de rues étroites, où impasses, passages et villas ont gardé droit de cité. Et Philippe Soupault évoquant le Douanier Rousseau le situe dans « le quartier de Plaisance où même les pavés semblent être jetés de travers484 » !
274Les autres revendications plaisanciennes sont l’amélioration ou la réalisation du pavage de rues, souvent boueuses ou poussiéreuses485, l’amélioration des trottoirs, l’assainissement des rues par des systèmes d’écoulement des eaux... toutes choses qui supposent souvent un classement486 de petites voies ou impasses car les propriétaires des voies privées renâclent à le faire.
275Sortir le quartier de son isolement avait été le grand leitmotiv de la période de la Grande Dépression. Il reste aux yeux de nombre de Plaisanciens de grands efforts à faire pour réaliser les liens indispensables – et sans risques – avec le XVe arrondissement, d’autant que la Compagnie de l’Ouest augmente la largeur de son emprise pour rajouter des voies ferrées. La suppression des passages à niveau revient sans cesse dans les revendications. Il faut bien dire que les projets avancent avec une extrême lenteur et Pannelier note en 1903 que les travaux commencés en 1898 au niveau de la rue du Château ne sont pas encore finis487 ! Pour le passage à niveau du boulevard Brune, alors que les accidents – trois mortels – se multiplient du fait de l’augmentation du nombre de voies et du nombre de trains (plus de 200 par jour), comme le souligne Le Quatorzième en 1904488, le même journal avise de la décision de sa suppression en 1906489 et Le Journal du XIVe annonce le vote des crédits par le conseil municipal en 1911490 ! La qualité des ponts de l’avenue du Maine491 et du pont de la rue d’Alésia, encore surnommé Pont-aux-Bœufs en 1898492, fait aussi l’objet de nombreuses récriminations. Enfin, certains vont jusqu’à demander une nouvelle percée au niveau de la rue Brodu ou de la cité Blanche entre la rue d’Alésia et le boulevard Brune493 (elle ne sera jamais réalisée). En 1914, le bilan, après vingt ans de lutte, est plutôt positif – mais tardif -, les passages à niveau ont été supprimés, les ponts du Maine et d’Alésia ont été améliorés.
276Enfin, il y a la question des transports en commun, très rares à Plaisance encore en 1898 avec la seule vieille patache Plaisance-Hôtel-de-Ville. La revendication d’un tramway, puis très rapidement d’un prolongement du métro de Montparnasse à la porte de Vanves s’affirment avec un succès inégal. Dès 1906, une pétition de 600 personnes demande que la ligne de la Compagnie Nord Sud (la future n° 13) soit prolongée de Montparnasse à la porte de Vanves494. En 1910, ils sont 3 000 à réclamer ce prolongement et Pannelier insiste au conseil municipal sur cette « nécessité absolue » pour le quartier495. Des associations soutiennent le projet comme le Comité de défense des intérêts généraux de la porte de Vanves et de l’Ouest-Ceinture ou Le Journal des propriétaires de Malakoff et de Vanves. Le conseil municipal donne un avis positif au prolongement vers la porte de Vanves en 1911496. La Compagnie est favorable à condition que la Ville prenne en charge les expropriations nécessaires. Bref, beaucoup reste à faire et le métro n’arrivera porte de Vanves qu’en 1937 !
277Le quartier obtient un meilleur résultat avec la création en 1901 du tramway de Malakoff aux Halles (qui passait par la rue Didot et l’avenue du Maine)497. Mais, là aussi, il fallut de grandes campagnes de pétitions signées par plusieurs milliers d’habitants du XIVe, de banlieue ou des arrondissements du centre498. Le remplacement de l’omnibus, « la vieille patache499 », Plaisance-Hôtel-de-Ville-(ligne Q) de la CGO fut une question aussi difficile et c’est tardivement, entre 1910 et 1913, que l’omnibus à cheval laissa sa place à la ligne d’autobus Q500. Le pittoresque des souvenirs des vieux Plaisanciens comme C. B., qui évoque le fond de son jardin boulevard Brune, « c’était les écuries de l’omnibus à chevaux qui prenait toute la rue de Vanves501 », et les enfants qui le prenaient pour aller à l’école – « on descendait en marche à la rue du Château » -, ne peut effacer la réalité d’un encombrement terrible des transports en commun de la Belle Époque, en particulier à Plaisance.
278Parmi les autres revendications modernisatrices figurent la demande de l’éclairage électrique502, la demande de nouveaux bureaux de postes, le branchement général au tout à l’égout et l’établissement des « chalets de nécessité ». Ainsi « rue d’Alésia, on réclame le rétablissement à l’angle de cette rue et de la rue des Plantes d’une vespasienne, qui se trouvait située plus bas, rue des Plantes, il y a quelques années, et qui n’a pas été réédifiée503 » !
279La visée modernisatrice, largement dominante à Plaisance, rencontre certaines tensions ou contradictions. La principale tient aux propriétaires (ce qui induit une ligne de fracture originale avec d’un côté les locataires-habitants, généralement ouvriers, mais aussi les industriels et commerçants, de l’autre les propriétaires). En effet, ceux-ci répugnent à perdre leurs prérogatives de propriétaires en acceptant le classement tout en refusant de faire ou de payer les travaux d’assainissement et d’entretien de la voie. En voici deux cas significatifs :
La rue Ledion est encore fermée à la circulation. Un écriteau portant ces mots : Voie privée indique que la rue est barrée, et cet état de chose est fort gênant. Cette mesure a été prise à la suite d’un vote émis à l’unanimité par les propriétaires de la rue Ledion (MM. Grégoire, Bernard, Luton, Héron). Motif : L’obstination de la Ville à faire payer aux propriétaires, d’une façon constante, la réfection du pavage de leur rue504.
280Évoquant l’absence de viabilité de la rue Jonquoy, Henri Delon dénonce l’incohérence et « l’indolence » des propriétaires :
« Voyez-vous, MM. Les propriétaires, pourquoi avez-vous acheté ou fait bâtir des maisons de 5 ou 6 étages, c’est apparemment pour en louer les appartements ? Comment voulez-vous qu’un locataire solvable vienne risquer de se casser le cou sur la glace ou bien risquer de barboter dans la neige fondue pour vous payer des loyers raisonnables ? », et il estime l’attitude des propriétaires « ridicule »505.
281Sans doute pouvait-il y avoir aussi des tensions entre propriétaires de maisons individuelles – attachés à une voie privée et close – et propriétaires de maisons plus importantes.
282Plus largement, les divisions politiques et sociales des commerçants sont mouvantes : le Comité républicain du commerce et de l’industrie soutient Pannelier en 1904, mais le syndicat des pompes funèbres se divise506. Le nationaliste d’extrême droite Jouglain crée en 1911 une Union républicaine des petits commerçants507. On sent bien que les commerçants hésitent constamment entre modernité, progrès et prudence.
283La modernisation du quartier, c’est aussi la grande vague d’industrialisation du quartier qui avait largement commencé avant 1898. Elle se poursuit au sud du quartier et dans ses interstices, accentuant l’image des forteresses ouvrières.
284boulevard Brune s’installe l’usine Ballot (devenue en 1931 Hispano Suiza). Elle fait disparaître les grands jardins horticoles de la famille C. B.508. Les frères Ballot, Édouard et Maurice fabriquèrent dans leur usine d’abord des moteurs stationnaires et marins (avant de passer en 1905 à la fabrication d’automobiles). Autour de 1900 aussi apparaît « Au planteur de Caïffa », établissement installé au coin de la rue Didot et de la rue Boulitte, au 13 rue Joanès, au 15 rue Bardinet et avenue de Châtillon. On y fait le commerce du café, la brûlerie en grande série et la livraison. Ses charrettes et ses camionnettes animent Plaisance509. Une entreprise qui suscite bien des jalousies, nous l’avons vu. Une grande teinturerie moderne s’installe au 157 rue d’Alésia510. Ne négligeons pas le riche tissu de petits entrepreneurs, souvent innovateurs.
Le progrès contre la nature
285La modernisation du quartier, qui ne peut se dissocier de sa croissance, se heurte à une opposition de nostalgiques du Plaisance d’avant ; sans aucun doute une minorité des habitants qui trouve en partie son expression dans la presse nationaliste. Nous avons vu que ce sentiment existait déjà avant 1900 et que Girou avait su tirer partie de ce mécontentement mais, homme de l’ambiguïté, il avait aussi le soutien des nouveaux modernisateurs. Le petit groupe des passéistes plaisanciens de la Belle Époque a, lui, le sentiment d’avoir perdu la partie face au triomphe des bâtisseurs et des usiniers, des radicaux et des socialistes, il est à l’origine d’une mémoire du ressentiment qui ne voit que la dégradation du quartier : la formule écrite par V. Lecerf en 1899, « Et maintenant les villas ont été remplacées par des usines remplissant de leurs fumées nauséabondes les quelques rares jardinets restés intacts, les sentiers ombrageux ne sont plus que des ruelles tortueuses511, résume bien ce sentiment dont « Le Vieux de Plaisance » sera le principal illustrateur dans ses articles du Républicain du XIVe en 1905.
286Mais on ne peut manquer de constater que ce groupe nationaliste, xénophobe, souvent violemment antisémite, que nous avons évoqué plus haut, pose aussi une vraie question, celle des rapports entre la ville et la nature, entre le passé et le présent.
287Le débat le plus vif éclata à la fin de 1898 sur le sort de ce que l’on appelait le parc Couesnon, dernière partie du parc du Château du Maine, dont le propriétaire souhaitait se départir. L’idée d’y créer un square fut reprise par tous les candidats à l’élection municipale partielle de 1898, mais ce fut finalement la Compagnie des Transports Sud qui obtint le terrain pour y installer son dépôt principal. Sept ans plus tard, « Le Vieux de Plaisance512 » écrit des articles vengeurs sur cette vente :
Je suis vieux, bien vieux... J’ai vu des arbres à Plaisance ! Il en restait même quelques-uns lorsque l’intrépide Pannelier devint notre conseiller municipal... Il ne restait que le parc Couesnon, bosquet verdoyant, donnant quelque charme à cet entassement de mœllons qu’est notre quartier. Mais la Compagnie Thomson-Houston, compagnie bien française, voulut le parc. Et M. Pannelier, qui est un scientifique échevelé autant que chevelu, n’aimant d’ailleurs que les ombrages de l’acacia, contribua de toute la haute autorité qu’il tenait du Peuple, à faire mettre au vent les racines de ces beaux arbres qui réjouissaient nos yeux, en purifiant l’air que nos poumons respiraient avidement. Des esprits un peu arriérés, à tendance nationaliste, prétendaient que ce parc magnifique aurait pu devenir un square où les enfants des pauvres ouvriers auraient pu aller jouer et respirer513.
288Passons sur la critique politique de Pannelier pour noter le sentiment d’échec de l’auteur de l’article, qu’il reformule quelques semaines plus tard : « quand il y a quelques six ou sept ans, j’allais de maison en maison solliciter une résistance contre la destruction du parc Couesnon qui était une partie minime, mais enfin une partie de cette harmonie puissante de la vie cellulaire dans notre malheureux quartier, je fus partout reçu comme un chien dans un jeu de quilles » et traité « d’artiste514 ». Ce pessimisme sur les Plaisanciens est aussi présent chez Bourceret qui évoque, plus tôt, « la population déshéritée, mais résignée de Plaisance515 ».
289L’analyse d’écologie urbaine du « Vieux de Plaisance » n’est pas fausse, cependant. En effet, Plaisance devient au début du xxe siècle un des quartiers les plus densément peuplés et bâtis de Paris. Que restait-il comme espaces verts ? Il y avait sans nul doute les minuscules jardinets des maisons des cités, villas, passages ; minuscules car, nous l’avons vu, le parcellaire de Plaisance ne laisse que très peu de place, dès son origine dans les années 1840, à des propriétés importantes. Ces petits coins sauvegardés sont privés mais bénéficient de la curiosité des passants, ainsi une cité donnant sur la rue Vercingétorix :
Elle garde toujours, en certains endroits, une odeur de campagne. Des terrains vagues imitent des coins de banlieue. Les poules et les canards s’y promènent en toute sécurité... J’ouvre une barrière qui évoque l’entrée d’une ferme et je vois se succéder un double rang de chaumières où des femmes tricotent sur le seuil. Pour aider à l’illusion, des gars chargent à la pelle un tombereau de fumier. D’autres arrosent des carrés de légumes. On enfonce jusqu’à la cheville dans la terre grasse et trempée516.
290De-ci de-là aussi des odeurs évoquent des activités agricoles : celles des vacheries517 ou des écuries, celles des toutes dernières cultures maraîchères518. On trouve aussi un aviculteur au 8 rue Paturle qui est sur la liste de soutien du député Messimy519...
291Au sud de Plaisance, la conquête urbaine élimine les derniers champs. Il faut donc désormais aller aux fortifs520 pour trouver la verdure des talus et fossés, et de la zone. Le voisinage de la Petite Ceinture offre aussi quelques vertes promenades.
292Au bilan, notre « Vieux de Plaisance » a tout de même raison, les Plaisanciens ne sont pas riches en espaces verts accessibles. Ainsi, note le conseiller municipal du Petit-Montrouge, Poirier de Narcay, le XIVe arrondissement « possède bien le parc de Montsouris ; nous avons déjà dit combien il devint insuffisant et combien il est éloigné de Plaisance521 ».
293De là ce constat unanime et cette revendication unanime de la création d’un ou de square(s) à Plaisance. En 1898, le candidat socialiste Grisel demande sa création « par l’expropriation du parc Couesnon », même formulation chez le candidat girouiste Cointe, « expropriation du Parc Couesnon dans le but d’en faire un jardin public pour les habitants de Plaisance ». Périlhou, le candidat républicain socialiste, demande « un square avec de longues avenues pour la récréation des enfants » et Dennisson, le candidat nationaliste, réclame « CRÉATION DE SQUARE – dans ce quartier qui est complètement déshérité à ce sujet ».
294Pannelier ne pourra que constater son échec complet sur cette question, renvoyant la responsabilité aux héritiers Couesnon522. Il échoue aussi dans sa demande à la Ville d’acheter un terrain de l’AP au carrefour Alésia-Villemain.
295Ainsi, malgré des demandes réitérées en 1904 ou 1908, Plaisance n’obtient toujours pas le moindre square.
296Il est assez passionnant de découvrir à quel point la revendication523 d’un square pour les enfants, pour les ouvriers, pour les Plaisanciens était importante dans le Plaisance de la Belle Époque alors que le quartier se sature d’habitations. La question est ainsi bien plus ancienne qu’il n’y paraît et se pose dès que les articulations de la ville et de la nature deviennent source de tensions.
297Il est très intéressant aussi de constater que la mémoire plaisancienne des années 1960-1990 a entièrement occulté cette question pour fabriquer l’image d’un heureux quartier vert, rural, paysan presque. « Mon grand-père Taulin tenait une petite ferme, rue Chatelain (actuelle rue Francis-de-Pressensé) [...] dans le fond c’était la Vacherie524 » ; mon père avait un « jardin immense, qui avait un coin de plantes médicinales [...] le puits au milieu avait trente mètres de fond525 ! ».
298Oubliant ou occultant le Plaisance densément construit, densément habité par 80 000 habitants (contre 40 000 actuellement...) et sans verdure notable, cette mémoire d’une Belle Époque verte, qui reprend curieusement certains aspects du regard nostalgique que la Belle Époque porte sur le xixe siècle, méritera d’être étudiée d’abord dans notre chapitre sur le Plaisance des années 1960 1985.
Mémoires
299Dans les années 1890 étaient apparus les premiers éléments de la mémoire du joyeux Plaisance d’avant. Cette mémoire s’affirme encore en ce début du xxe siècle, mais elle prend, chez certains, une dimension nostalgique liée, en partie, au vieillissement des anciens du quartier et, pour une autre part, à un mécontentement devant le présent récent de Plaisance et son évolution politique et sociale.
Je suis vieux, bien vieux. J’ai vu tourner les blanches ailes du Moulin-Vert. J’ai vu Victor Hugo tout jeune jouer aux quilles avec Thiers chez la mère Saguet, rue du Moulin de Beurre. J’ai vu des arbres à Plaisance526 !
300Célébrant le cinquantenaire de la paroisse de Plaisance, Eugène Lebœuf évoque, sur le même ton, « de ci de là des villas au toit coquet, des petits jardinets, des guinguettes et des fermes, que sais-je encore ? Tout ce qui fait le charme de la campagne527 ».
301Le joyeux Plaisance était ainsi celui des jeux, de quilles, de boules au Moulin Vert528, de tonneau... Un ami du « Vieux de Plaisance », Renezelot, né en 1827, se souvient aussi des jeux de balle au Moulin de la Vierge dans son enfance. La barrière du Maine, l’avenue du Maine et les rues environnantes forment le lieu principal de souvenirs joyeux de chansons, de parties de rire, de guinguettes, de cabarets et de « petit clairet » qui venait des communes proches. Souvenirs d’enfance et souvenirs familiaux avec l’image du père qui chante La Parisienne529. Ce temps du souvenir, de la nostalgie se retrouve aussi dans la lettre de Y. Barré en 1914, petit-neveu de Pierre Barré auteur d’un vaudeville, les Deux Edmond, enseigne d’un café du 42 avenue du Maine, disparu peu de temps avant.
302L’un de nos premiers historiens du XIVe, A. L’Esprit, évoque lui aussi ce quartier disparu comme « un des plus bachiques de Paris » :
L’entrée du village de Plaisance, à partir de la chaussée du Maine, s’annonce par la plus appétissante odeur ; les fours allumés y sont en permanence et de tous côtés, sur des nappes blanches comme la neige, s’étalent aux regards les disques dorés des galettes brûlantes530.
303Le souvenir de la nature, de la campagne, des « champs de blé et de bette raves », des « jardins maraîchers », des « peupliers531 », des « coquelicots » et des « bleuets532 » est aussi systématiquement évoqué :
Les bâtiments étaient en retrait sur la rue et bordés de haies vives, avec plantes grimpantes. La plaine s’étalait à droite et à gauche, jusqu’aux fortifications. Ce n’étaient que jardins maraîchers, champs de luzerne, de blés, carrières en exploitation, avec leurs grandes roues et cheminées de champignonnistes533.
304Chez les mémorialistes de tendance nationaliste ou cléricale se manifeste aussi le sentiment d’une époque où les mœurs étaient plus douces, les familles plus honnêtes : « les mœurs familiales et cordiales » régnaient à Plaisance534. Mœurs conservées et entretenues par le milieu catholique et la paroisse :
Nous sommes heureux, dans notre chère paroisse, chaque fois que nous le pouvons, de renouer les traditions du passé, celles dont le vieux Plaisance, autrefois si chrétien, a légué le souvenir aux anciennes et bonnes familles de ce quartier de Paris535.
305Ce Plaisance plaisant a bien entendu disparu devant l’urbanisation intense du quartier. Avec quelques confusions chronologiques, l’image de l’arrivée d’une population pauvre dans des logements médiocres est dès lors prépondérante. La nature a « cédé la place aux maisons de rapport qui couvrent à peu près aujourd’hui notre cher petit territoire536 ». Bourceret évoque les « affreuses demeures d’il y a 50 ans », les « habitations malsaines d’autrefois où l’ouvrier subissait de fréquentes maladies sous l’influence mauvaise de la malpropreté.
306Cette période, disons grossièrement 1860-1890, est aussi celle de la lutte entre République et Église. La Commune est encore l’épisode central et omniprésent de cette mémoire sociopolitique. Quarante ans après, l’événement reste une mémoire chaude qui mobilise anciens et relais. Sans doute la Seconde République trouve quelques échos avec l’histoire plutôt pittoresque du Banquet secret du 1er février 1849 à la Barrière du Maine, aux Cuisiniers associés, où étudiants, travailleurs ont crié contre Cavaignac et les bourgeois537. Par contre, rien sur la mémoire des luttes pour l’autonomie de Plaisance dans ces années. Seule la paroisse peut évoquer longuement sa création précoce en 1848-1849, puis l’épisode de la cloche de Sébastopol en 1866538.
307La Commune divise encore gravement. L’arrestation du curé Blondeau le 1er avril 1871 par Billioray, son envoi au secret à Mazas le 13 avril, le soutien de ses paroissiens, la décision d’un juge d’instruction de la Commune de lever son écrou le 5 mai et de le faire partir sans soutane, sa cache à Charenton et les prières des Sœurs de Notre-Dame du Sacré-Cœur constituent une première geste souvent évoquée de la Commune des catholiques de Plaisance539. Le presbytère mis sous scellés et l’église transformée en club alors que l’abbé Roux célèbre la messe clandestinement en constituent la seconde540. Une mémoire très locale, qui s’oppose à la mémoire communarde qui conserve toute sa vivacité.
308Les commémorations continuent de marquer le cycle de la vie du mouvement socialiste. Occasion pour les groupes socialistes et les coopératives de se retrouver. Le témoin privilégié est Martelet, qui reste une personnalité importante du quartier au point que Messimy l’évoque dans ses souvenirs de campagne électorale : « l’ancien maire du XIVe en mars 1891, proscrit à la suite de la Commune541 ». Les commémorations sont pourvues d’une importante dimension culturelle, l’Aurore sociale de Plaisance y joue des piécettes comme Les deux honneurs de Charles Martelet542.
309En 1912, la commémoration prend l’aspect d’un triomphe pour la 14e section après la double élection de Bracke et Grangier. Elle organise la commémoration pour toute la rive gauche au cimetière Montparnasse. 3 000 personnes y viennent se recueillir sur les tombes des Fédérés, puis conduits par les deux élus « ceints de leurs écharpes », un cortège se forme jusqu’à l’Avenir de Plaisance, rue Niepce, traversant ainsi les rues du quartier devenu le symbole de la « revanche des communards » et de la « belle poussée socialiste de la rive gauche543 ». Mais il arrive rarement que des épisodes locaux de la Commune soient évoqués. La Commune se prête aussi aux textes littéraires, aux nouvelles comme « La barricade » de Gaston-Charles Richard, publiée dans Le XIVe Républicain en 1900544, qui n’évoque cependant pas un lieu précis. On sait que Lucien Descaves a consacré une de ses œuvres les plus célèbres au souvenir de la Commune avec Philémon Vieux de la Vieille qui aurait été inspiré par le personnage de Martelet. Mais l’action est située pour l’essentiel à la Santé, l’autre quartier populaire du XIVe à cette époque. Dans Flingoten 1907, Lucien Descaves décrit la rencontre entre le père Thiébaut, petit bourgeois rentier du Petit-Montrouge, fondateur d’un orphelinat avenue du Maine en 1870, et le petit Flingot, gamin misérable. Une vision sans concession et très humaine de la Commune apparaît puisque le petit garçon, fils d’un sergent de ville qui a fui à Versailles, est maltraité par ses camarades.
310L’évolution politique du quartier conduit progressivement les conservateurs à une vision pessimiste de l’évolution récente, à tout point de vue (urbain, social, moral...), de Plaisance, ce qui confère à leur vision du Plaisance premier un caractère de mythe qui fonde une mémoire du ressentiment où le passé positif est opposé au présent négatif. La lutte sans succès contre la destruction du parc Couesnon en 1898 est significative de cet état d’esprit : « Il ne restait que le parc Couesnon, bouquet verdoyant [...]. Mais il paraît que le peuple aime mieux contempler l’usine Thomson-Houston ; il est bien changé le peuple545 ! » Ainsi l’antique peuple plaisancien, si gai, si natur(al)iste, si chaleureux a perdu devant un nouveau peuple, celui du Plaisance prolétarien, attaché à un faux progrès.
311Chez les républicains avancés, la mémoire se fait moins nostalgique même si, nous l’avons vu, elle reprend les mêmes images du plaisant et gai premier quartier de 1840. Dans le journal radicalisant L’Informateur du XIVe, A. L’Esprit évoque l’histoire du Château du Maine, de Couesnon et de Chauvelot sans manifester de regret de la disparition définitive du domaine en 1898546. Et, dans le même journal, on honore le progrès avec le cortège de la fête du printemps qui passe avenue du Maine en évoquant « la Locomotion à travers les âges » jusqu’à l’aviation547. Passé-présent avenir vont d’un même pas.
312L’image du joyeux Plaisance d’avant s’accentue à la convergence de la nostalgie des anciens et des âgés et de la disparition de la nature. Cette mémoire partagée devient ressentiment chez les perdants du quartier, qui sont les soutiens du nationalisme plaisancien. La Commune reste la grande ligne de fracture, mémoire encore vivante du quartier et de Paris.
313L’affrontement du passé et du présent, de la culture et de la nature marque ainsi la dernière croissance de Plaisance. Nous en retrouvons des indices dans les débats sur le bâti plaisancien de la Belle Époque.
Le logement : une question d’abord sociale
314Si la construction plaisancienne est, en effet, aussi une question de beau et de laid où s’opposent partisans de l’ancien et du nouveau, on ne peut ignorer que la question première est celle du confort, de la salubrité du logement. Faisons un rapide bilan de la situation vers 1898 de ce logement plaisancien.
315Devenue largement minoritaire, la maison individuelle – presque toujours très petite à Plaisance – représente les anciens habitats du Plaisance des années de la monarchie louis-philipparde et du Second Empire. Cette habitation est associée à l’idée d’une population vieillissante et enracinée. Voici ce rentier septuagénaire qui habite un « coquet pavillon548 » ; voici Renezelot, né en 1827, un ami de vieille date du « Vieux de Plaisance », rue Vercingétorix avec « un petit bout de jardin où s’épanouit un acacia549 » ; voici les deux maisons du jardin d’un horticulteur du boulevard Brune, la maison à habiter à un étage et la maison à manger en rez-de-chaussée550...
316À côté de cet habitat, qui reste modeste, l’habitat dominant est la maison ouvrière dont la gamme est nombreuse. Il y a la très petite maison à un étage de la rue de l’Eure du futur père Lagrange, « un vieil immeuble, un escalier minable. Un seul étage », deux logements à l’étage, une seule pièce « donnant sur une toute petite cour [...] on se parlait de fenêtre à fenêtre551 » ; les petites maisons de deux, trois étages, avec cours et arrière-cours comme celle « maussade, triste et sale [...] presque des taudis » du 25 ter rue du Château où l’inspecteur Roubaud mène l’enquête552 ; les garnis et hôtels meublés, innombrables, que nous avons déjà souvent évoqués comme signes de la misère prolétarienne553. L’inquiétude hygiénique perce dans ces descriptions comme nous l’avons noté. L’idée d’habitations « malsaines », « insalubres » est récurrente.
317Mais se construisent à compter des années 1890 et 1900 des immeubles à destination ouvrière, qui ne sont pas des logements sociaux, qui disposent d’un confort moyen et dont la qualité de construction est également moyenne (la brique y remplace souvent la pierre). Voici l’immeuble de la rue Vandamme, habité par les parents ouvriers de Louise Descotils : un cinq étages554, des deux pièces cuisine, les toilettes sur le palier, le gaz à tous les deux étages. Nous avons parlé du « Château ouvrier » dans le chapitre précédent. Ce sont pour C.A. Bourceret non « de somptueux hôtels », du moins « de jolies et confortables maisons d’ouvriers555 ». Le 3 villa Brune, construit en 1907, prolongerait cette construction d’« une de ces belles maisons ouvrières de Plaisance556 » où se retrouvent artistes et élite ouvrière.
318Tous n’ont pas la perception d’un tel embellissement. Notre « Vieux de Plaisance » ne cesse de dénoncer la multiplication de maisons d’une grande laideur (sans se préoccuper de leur confort) qui défigurent le quartier :
Ce n’est partout qu’entassement de plâtrons et de mœllons, le tout symétrique et arbitraire comme l’étatisme dont nous mourons, et ces cubes inharmoniques, percés uniformément de trous carrés sont bien le reflet du système administratif délétère557.
319Curieuse critique que le Vieux de Plaisance répète à plusieurs reprises. En vérité, l’État n’y est pour rien (sinon en laissant faire) car, en 1905, il n’y a encore aucun logement social à Plaisance et les logements pour ouvriers qui s’y construisent, même de qualité un peu meilleure, ne sont que des maisons privées, de rapport pour leurs propriétaires. Mais le ton de la critique esthétique est donné et va se retrouver comme une constante jusqu’à nos jours. Il est vrai aussi que les optimistes modernisateurs semblent ignorer que la construction Belle Époque n’est pas toujours superbe ! Ainsi M. Machin édifie en 1910, rue Hippolyte-Maindron, un ramassis de bâtisses légères, où viendra s’installer Giacometti (et que nous regardons maintenant avec un regard romantique), construites en matériaux de mauvaise qualité, sans eau courante, sans plomberie.
320Cependant, à la fin du xixe siècle et pendant la Belle Époque, de belles maisons post-haussmanniennes font leur apparition à Plaisance à la grande satisfaction des élites progressistes. Sans doute ceci ne modifie pas la dominante très pauvre du quartier et ne concerne que les principales voies, surtout l’avenue du Maine et la rue d’Alésia. Mais la rue Vercingétorix aussi connaît ces constructions : « La rue Vercingétorix, comme toutes les voies de la périphérie, tend à se transformer. Déjà, des immeubles somptueux érigent ça et là leurs sept étages de pierre massive ; des façades bourgeoises remplacent peu à peu les masures vermoulues558. » Pour avoir construit la maison au coin de la rue d’Alésia et de la rue des Plantes, Plaisance-Montparnasse accorde « un bon point à l’architecte559 ». Bourceret se félicite des constructions aux coins de la rue d’Alésia et des rues de Vanves, Decrès et Vercingétorix, « elles ne cèdent en rien à n’importe quelle autre construction par la solidité et le coup d’œil » ; « les pièces sont grandes, bien éclairées, bien disposées », « ces jolis bijoux » ont cuisine, eau, gaz, cabinet d’aisance... dans tous les appartements560. Au 7 rue Lebouis, l’architecte Louis Molinié réalise une magnifique maison qui est primée en 1913 au concours de façades de la Ville de Paris avec ses riches mosaïques et ses décorations561. Pannelier, lui, est satisfait « de la transformation qu’il [l’architecte] a fait subir aux anciennes écoles pour édifier à leur place de coquettes constructions et de confortables et aérés logements bon marché » sis aux 233-235 rue d’Alésia562 à côté d’un nouvel hôtel.
321La fierté du quartier est le nouvel immeuble du 76 avenue du Maine dont Le Journal du XIVe publie la photo en 191o563.
322Tout ceci, mouvement bien réel, ne doit pas effacer la réalité largement dominante d’un habitat populaire pauvre, sans confort, voire misérable et insalubre. L’idée du logement social fait ainsi son chemin dans le quartier, à la fois revendication large, « je me fais un devoir d’intervenir dans cette question du logement ouvrier qu’il faut surtout hygiénique », déclare Pannelier, et réalisation concrète dans le quartier avec l’apparition, assez tardive, de vrais logements sociaux. Les premiers projets de Pannelier de construire des « maisons ouvrières » sur les terrains de la rue de la Sablière échouent au début du siècle car l’АР refuse564. Et ce sont des initiatives mixtes ou privées qui vont édifier ces premiers logements sociaux destinés en tout premier lieu aux familles nombreuses. Avec les logements « socialistes » de la rue Sévero, les logements « catholiques familiaux » du 90-92 rue du Moulin-Vert, les immeubles rénovés de la rue Guilleminot et de la rue de l’Ouest par l’œuvre de Léonie Chaptal et le gros ensemble de l’Assistance publique au 148 avenue du Maine (devenu square de l’Aide sociale), Plaisance dispose d’environ 300 logements sociaux en 1914 et une autre société d’HBM aurait été créée au 3 rue Boyer-Barret en 1911565. Ces 300 logements sont bien sûr une goutte d’eau en regard des 40 000 logements du quartier.
323Si le paysage de la rue retient l’attention à Plaisance, c’est par son spectacle vivant plus que par son urbanisme, qui paraît alors rarement intéressant. Le plateau ne propose pas, nous l’avons dit, de perspectives intéressantes, l’eau est absente, les arbres deviennent rares. Les nouveaux monuments attirent l’œil, mais n’ont pas vraiment de charme, et encore moins de grandeur ou de passé, aux yeux des contemporains.
324Nous ne trouvons guère de signes d’enthousiasme pour le paysage de notre quartier à cette époque566, même dans les souvenirs, si l’on excepte les scènes de la rue (passage des animaux, des chanteurs...), les belles et rares maisons nouvelles et les petites cités d’artistes.
Plaisance : l’image contrastée, l’identité qui s’affirme
325Si l’identité plaisancienne de faubourg populaire et ouvrier est largement partagée dans la population, cette identité reste incertaine quant à ses relations au reste de la capitale et à l’avenir. En 1897-1898, le sentiment d’un Plaisance déshérité domine largement et nous retrouvons ces expressions à la fin du siècle : « Le quartier le plus mal servi sous ce rapport, comme il l’est encore sous beaucoup d’autres, c’est le quartier de Plaisance qui, malgré sa population considérable, supérieure aux trois autres quartiers de l’arrondissement, ne possède qu’une seule ligne y ayant son point de départ567. » Périlhou, évoquant les difficultés du quartier qui ne bénéficie guère de l’exposition, conclut : « Mais qu’importe, c’est à Plaisance que ces choses se passent, la tradition veut qu’il en soit toujours ainsi568. » Le candidat nationaliste Dennisson évoque l’absence de square dans « ce quartier si complètement déshérité à ce sujet569 ». Le socialiste Grisel situe Plaisance dans les quartiers « délaissés » par rapport aux quartiers riches ou du centre570 et Soulange-Bodin parle d’un « quartier que l’administration municipale a traité depuis de longues années avec le plus méprisable oubli571 ». Les radicaux ne sont pas en reste puisque Pannelier, au conseil municipal, déclare que l’on « a annexé à Paris de vastes territoires pour leur faire supporter les charges de Paris sans leur donner en échange quelques-uns de ses avantages572 ». Nous avons déjà, dans le chapitre précédent, décrit les grands traits et les grands facteurs de ce sentiment d’iniquité d’un quartier nouvellement parisien et excentré573. Nous n’y revenons pas. Ce sentiment est toujours là au début de notre Belle Époque, bien sûr.
326Y eut-il un moment particulier de l’espoir au temps de l’exposition et de la sortie de la crise ? Les Plaisanciens eurent-ils une croyance en un meilleur avenir ? Certains indices le laissent penser. Surtout dans les milieux républicains avancés : « Le XIVe, si favorisé à Montrouge, la Santé, Montparnasse, va enfin prendre son essor à Plaisance et nous aurons sur la rive gauche un coin qui n’aura rien à envier à la rive droite574. » Les transformations du quartier apportent « beaucoup d’animation et de vie », note Pannelier575. Il n’est pas jusqu’au pessimiste et conservateur Bourceret qui ne se joigne à ce chœur en se réjouissant que « ce quartier que M. Haussmann avait complètement oublié dans son tracé de Paris, sous l’Empire, prend décidément sa revanche de nos jours, et d’autant plus éclatante qu’il avait paru longtemps délaissé576 ». Le meilleur signe pour lui : les prix du terrain augmentent considérablement.
327Passées les années du tournant du siècle, la situation redevient plus incertaine. Optimisme et pessimisme plaisancien suivent souvent les chronologies politiques locales, parisiennes ou nationales. Nous avons vu le pessimisme des nationalistes-naturalistes-passéistes sur « [leur] malheureux quartier », mais Pannelier, lorsque la majorité municipale vire à droite au début du siècle, reprend aussi le discours du quartier délaissé, dénonçant « les économies regrettables que la majorité nationaliste tient à réaliser surtout au détriment des quartiers éloignés du centre » comme Plaisance577. En 1912, une candidature qui se veut apolitique (E. Derangeon) et soutenue par un Comité des intérêts généraux du quartier de Plaisance dénonce « l’abandon lamentable dans lequel depuis de si longues années [les politiques] ont laissé notre quartier de Plaisance578 ». On sent bien que le sentiment du quartier délaissé qui s’est formé après l’annexion affleure encore à la veille de la Grande Guerre même s’il a perdu de sa dramaturgie du temps de la Grande Crise.
328Le quartier continue de s’affirmer comme l’avant-garde des œuvres sociales579, ce qui ne suffit sans doute pas à lui assurer une reconnaissance symbolique forte :
Pour qui découvre Plaisance (découvrir est le mot, Plaisance étant pour bon nombre de Parisiens un coin ignoré qu’ils supposent situé vers les antipodes), ce qui surprend tout d’abord, c’est l’admirable floraison d’œuvres qu’on y rencontre580.
329Venu enquêter au Rosaire, le journaliste Éric Besnard parle de même « de cette lointaine contrée de Paris qu’ignorent les boulevardiers [où] quelques prêtres se sont exilés en ces parages déshérités581 ». Le modèle catholique, qui fait que la paroisse accueille des séminaristes d’Orléans et de Saint-Sulpice venus visiter ses œuvres582 ou qui la rend fière des médailles attribuées à ses œuvres lors de l’exposition de 1900583, se double, à peine plus modestement, de la gloire des organisations ouvrières comme L’Harmonie de la Coopérative : « Voilà une société qui promet d’être la plus grande et la plus forte de Paris584. »
330On reste cependant très loin des quartiers parisiens mieux reconnus. Et dans le XIVe arrondissement, Plaisance n’est pas le mieux loti. Ainsi, sur les presque sept pages consacrées par Paris-Atlas au XIVe arrondissement (ce qui n’est déjà pas beaucoup), Plaisance n’en occupe qu’à peine plus d’une demie ! Le parc Mont-souris, Montparnasse, l’Observatoire, les grandes avenues Denfert-Rochereau et d’Orléans... font l’essentiel des pages du XIVe. Lorsqu’un journal local se crée comme Le XIVe Républicain en 1900, son premier éditorial évoque Montparnasse, Montsouris et Montrouge, les « Trois Monts », l’avenue d’Orléans et la rue Denfert-Rochereau, mais oublie entièrement Plaisance.
331C’est aussi en 1906 que paraît le célèbre roman de Charles Louis-Philippe, Bubu de Montparnasse. Or Bubu n’est pas de Montparnasse, mais de Plaisance : « Maurice Bélu (Bubu) naquit et vécut dans le quartier de Plaisance où sa mère tenait un petit commerce. » Ainsi commence un cycle de romans qui vont largement évoquer notre quartier, ses figures populaires, sa possible violence, ses artistes, toutes choses qui vont parler à l’imaginaire des écrivains, mais qui ne feront référence dans leurs titres qu’à Montparnasse.
332La médiocre reconnaissance symbolique interdit-elle l’identité ? Nous avons vu qu’une identité politique plaisancienne s’était aussi construite autour des luttes locales, de la paroisse et du succès socialiste. Certes il y a surtout du pittoresque dans ces journalistes ou essayistes qui signent « Le Vieux de Plaisance », « fohann de Plaisance », « Jehan de Plaisance »... Mais il y a aussi cette « bonne paroissienne qui aime bien son quartier et son église585 » et qui verse à la souscription de Notre-Dame-du-Travail ; ces enfants de chœur que la paroisse emmène jouer à Clamart où se trouve une grande roue, « mais ils ne peuvent apercevoir Plaisance et cela leur manque586 », ce petit poème dédié à Soulange :
Sur l’un des hauts sommets qu’à Paris l’on contemple
Bien pauvre mais coquet s’élève un petit temple
Notre-Dame est son nom, Plaisance son berceau
Montparnasse soutient le poids de ce coteau587.
333Une carte postale de Louis B., domicilié 201 rue de Vanves, nous donnera un dernier élément de cette sensibilité locale qui exige une reconnaissance esthétique du quartier pour s’y identifier. Accompagnant une vue de la rue de Vanves prise depuis la Petite Ceinture, il y a ce texte : « Vous me trouverez photographié moi et mon frère devant notre maison je fais une croix à chacun de nous et notre maison cela vous rappellera le bo quartier du Rosaire588. » L’ensemble des 123 cartes postales affirme aussi la force d’une identité tranquille.
334Venu rendre visite au Douanier Rousseau, Alexandre Arsène décrit ainsi sa venue à Plaisance :
J’ai été amplement récompensé des difficultés et des fatigues d’une exploration dans un quartier un peu hybride et fort lointain, qui joint à la douce et touchante humilité de Montrouge, la frugale âpreté de Vaugirard589.
335En quelques mots, l’auteur résume les tensions auxquelles Plaisance reste confronté en ce temps où sa croissance s’achève. Toutes les difficultés de l’ancienne banlieue ne sont pas encore effacées, les misères sociales sont encore là, mais une modernité et une citadinité s’installent, qui signent un début d’apaisement.
336À la fin de la Grande Dépression, Plaisance est un quartier qui existe aux yeux de Paris par ses œuvres sociales qui se déploient dans un quartier miséreux mais actif. À la Belle Époque, Plaisance montre d’autres charmes. Notre-Dame-du-Travail devient paroisse et église de référence, attirant de jeunes catholiques sociaux590, c’est l’apogée soulangienne. Victoire à la Pyrrhus, peut-être, car la paroisse perd la bataille des écoles et des congrégations, s’isole même avec un certain sectarisme – sans doute aussi réponse à l’anticléricalisme ambiant -, voire avec des manifestations d’un antisémitisme peu sympathique. Le départ de Soulange et la fin de la parution de L’Écho de Plaisance signent cet échec d’une page glorieuse du quartier. Revenu aux républicains avancés après l’épisode du révolutionnaire populiste Girou, le quartier se donne aux socialistes à la veille de la guerre, devenant une « forteresse », selon l’expression du nouveau député socialiste, socialiste exemplaire avec ses coopératives, ses universités populaires, ses militants...
337Le sort du peuple plaisancien reste terriblement précaire et le désespoir, la violence, les tensions sont toujours là. Toutefois le retour à une phase économique positive élimine le chômage de masse, créant un sentiment de mieux-être ou d’espoir dans un quartier qui reste instable et qui court après des équipements toujours en retard sur la croissance démographique et urbaine. Cette croissance, plus encore qu’à la fin du xixe siècle, accentue les contradictions entre le passé et le présent, entre la nature et la culture.
Notes de bas de page
1 Selon L'Écho de Plaisance, janvier 1903
2 Ibid., juin 1899. Cf. aussi Le XIVe, 19 novembre 1898.
3 Ibid., juin 1900.
4 Ibid., février 1901.
5 Soulange-Bodin, « La situation réelle », ibid., janvier 1903. Cf. aussi « Le cinquantenaire de Notre Dame de Plaisance 1848-1899 », ibid., avril 1899.
6 V. Lecerf, « L’église Notre-Dame du Travail », Le XIVe, 9 octobre 1897.
7 Soulange-Bodin, art. cité, janvier 1903.
8 Affiche « Travailleurs de France ! ». Ce sont 60 donateurs de l’Union du commerce et de l’industrie qui offrent la statue.
9 Texte cité par Philibert Biollet et Louise Viollet, « Roger Soulange Bodin... », art. cité, RH XIV, 1972.
10 Cf. « L’église de Plaisance », L’Écho de Plaisance, s.d. (septembre 1904) ; Yvan Belladame, « Quand se construisait Notre-Dame du Travail », RH XIV, 2003.
11 « Notre-Dame du Travail et les arts », Soulange-Bodin dans « L’église de Plaisance », L’Écho de Plaisance, s.d., art. cité.
12 « L’église de Plaisance », art. cité.
13 Voir aussi C. Huvé dans Dictionnaire des monuments de Paris, 1992.
14 Le Dictionnaire par nom d’architectes des constructions élevées à Paris aux xixe et xxe siècles – Première série 1876-1899, par Anne Dugast et Isabelle Parizet, Comité des travaux historiques, 1990, ne lui donne que peu d’importance.
15 E. Lebœuf, Le XIVe, 8 avril 1899.
16 E. Lebœuf, « Le cinquantenaire d’une paroisse », Le XIVe, 8 avril 1899.
17 Cf. L’Écho de Plaisance, mars 1904. Λ vrai dire assez médiocre !
18 « À travers le XIVe », Le Quatorzième, 14/25 février 1903.
19 Selon J. Fonssagrives, La défense de la Liberté du culte à Paris/Aubervilliers-Plaisance-Belleville-Les Mille Colonnes et le Sillon-La soirée du cercle du Luxembourg. Les solennités de la Fête Dieu, Paris, Ancienne Maison Claude Dounol, 1903.
20 Selon Le Quatorzième, « Manifestations cléricales », 19-25 mai 1903.
21 Selon Noël Nozerot, « Troubles dans les églises », s.d., BnF Estampes.
22 Le Quatorzième, art. cité.
23 Selon Fonssagrives, op. cit.
24 Noël Nozerot, art. cité.
25 Selon Nède dans Le Figaro du 22 mai 1903.
26 Selon Nozerot, art. cité.
27 Soulange-Bodin, « Le Deuil de la Liberté », L’Écho de Plaisance, 8 septembre 1903, etc.
28 « L’inventaire », L’Écho de Plaisance, s.d. (1906) ; « L’inventaire », ibid., mars 1906.
29 Ibid., mars 1906 et avril 1906.
30 « Notre église sous séquestre », L’Écho de Plaisance, janvier 1907. Cf aussi ibid., février 1907.
31 J.-M. Mayeur, La Séparation de l’Église et de l’État, 1905, Collection Archives, 1966.
32 Selon sa nièce Louise Viollet, art. cité, RH XIV, 1972. La villa Deshayes est une petite impasse pleine de charme, mais modeste.
33 Lettre de Soulange-Bodin au vicaire général du 22 février 1908, archives du diocèse de Paris, citée par Mathias Gardet, op. cit.
34 Cf. l’entretien qu’il donne à Éric Besnard dans Le Siècle, 21 mars 1905 : Viollet est « le type parfait du prêtre républicain ».
35 Cf. Éric Besnard. art. cité.
36 Cf. sa lettre à l’archevêque du 14 février 1903, archives du diocèse, cf. Mathias Gardet, op. cit.
37 Cf. Jean-Hugues Simon-Michel, L’abbé Soulange Bodin et Notre Dame du Travail. Mission et chrétienté dans un faubourg de Paris à la Relie Époque, maîtrise d’histoire, sous la dir. de J.-M. Mayeur, université Paris IV, 1988.
38 Lettre de l’abbé Boyreau à l’archevêque du 12 novembre 1904, archives diocésaines, cité par Mathias Gardet, op. cit.
39 R. Huguet, « La paroisse Notre Dame du Rosaire », RH XIV, 1991.
40 Selon les mots d’Henri Lavedan, qui lui consacre un article dans L’Illustration.
41 Notre paroisse, s.d. (environ 1935).
42 R. Huguet, art. cité.
43 Ibid.
44 F.-B. de Bucé, « À l’hôpital Saint-Joseph », La Revue d’un passant, avril 1906.
45 La cérémonie de bénédiction d’une belle croix de fer destinée à une église de Ménilmontant, le 12 février 1898, est décrite par L’Écho de Plaisance, mars 1898, et Le XIVe, 12 février 1898.
46 L’Écho de Plaisance, juillet 1902.
47 Ibid., décembre 1906.
48 Selon Notre Dame de Plaisance, brochure citée, 1985.
49 Ainsi 360 paroissiens font une croisière, « Excursion paroissiale à Argenteuil », L'Écho de Plaisance, septembre 1898.
50 Par exemple, la veillée du 11 février 1898, L'Écho de Plaisance, mars 1898.
51 Salle Jeanne d’Arc, M. Lambert et ses amis jouent Les Ouvriers de Manuel, L'Écho de Plaisance, s.d. (septembre 1904).
52 Comme celle sur Jeanne d’Arc, de Marc Sangnier, qui fait salle comble en mai 1901, ibid., juin 1901.
53 Ibid., septembre 1900 ; cf. aussi « Deux essais d’assistance par le travail dans la paroisse Notre-Dame de Plaisance à Paris », rapport dans Exposition universelle de 1900, Recueil des travaux du Congrès international d’Assistance publique -VI - 4e section, 1900.
54 Comme la promenade au jardin du séminaire de Conflans, L’Écho de Plaisance, avril 1898.
55 Cf. ibid., juillet 1898. On trouve des serruriers, encadreurs, tapissiers, timbreurs, fondeurs, imprimeurs, mécaniciens...
56 « Protestation des Pères et Mères de Famille », ibid., avril 1904. 28 familles seulement sont de Plaisance sur 100. On trouve un écho de cette polémique dans le carton VD6 2 100 des archives de Paris.
57 Rapport au 1er octobre 1900, VD 62 100, Archives de Paris.
58 Ibid.
59 Le XIVe doit relever un accident du travail grave arrivé à une religieuse de 27 ans qui en décède, Le XIVe, 15 juillet 1899.
60 Sur les 188 adhérents de l’Association des anciens élèves en 1900, 12 seulement sont de Plaisance, cf. Association fraternelle des Anciens élèves du Pensionnat Notre Darne du Sacré Cœur des frères maristes de Paris Plaisance, 48 rue Pernéty, compte-rendu de la réunion annuelle du 14 octobre 1900, Paris, imprimerie Leroy, 185 rue de Vanves.
61 Rapport au 1er octobre 1900, cité. Le XIVe évoque la présence de 1 000 personnes à une bénédiction, Le XIVe, 13 mai 1899.
62 « À travers le XIVe », Le Quatorzième, 14 février 1903.
63 « Saint-Louis -Adieux », L’Écho de Plaisance, août-septembre 1903. Certains en attendent aussi un mieux spirituel. Cf. aussi Soulange Bodin, qui informe de la réorganisation des patronages, ibid., octobre 1903.
64 Soulange-Bodin, « Courage et confiance », ibid., mai 1905.
65 Ibid., juin 1900, février 1905.
66 Ibid., août 1905.
67 Il y a aussi un Comité de la bonne presse, cf. photo des vendeurs de La Croix et du Pèlerin dans L’Écho de Plaisance, septembre 1906.
68 Ibid., juillet 1905.
69 Ibid., mai 1903.
70 Ibid., février 1906.
71 Berthe Guillot, RH XIV, 1977.
72 Souvenirs de C. B. RH XIV, 1981.
73 « Les catholiques commencent à sortir de leur église », note Soulange-Bodin, L’Écho de Plaisance, mai 1905.
74 L’Écho de Plaisance, avril 1905 ; cf. aussi « Au Petit Robinson de Plaisance », ibid., janvier 1906.
75 Une église baptiste. Les origines de l’église de l’avenue du Maine, Publication de la Société d’histoire du baptisme, s.d. (vers 1925). Citons les pasteurs Cadot, Lepoids, Philémon Vincent...
76 Cf. <www. regard.eu.org>. Il est un des fondateurs de la revue Le Chrétien Libre.
77 Selon G. Ziegler, Histoire secrète de Paris, 1967.
78 Bracke vient d’être élu député socialiste, cf. Bracke, « Autour des élections municipales », L’Humanité, 13 mai 1912.
79 Il est élu député radical, Messimy, Mes souvenirs, 1937.
80 Messimy, op. cit.
81 Le Quatorzième, 10 avril 1902.
82 Il se situe encore dans la mouvance républicaine et laïque, ce qui lui vaut les foudres du XIVe, qui fait contre la « girouette » une féroce campagne. Le journal, qui soutient le conservateur de Cuverville, met Girou au rang de Pannelier et Hamelin, cf Le XIVe, 30 avril 1898. Le Quatorzième, journal radical, souhaite, lui, l’unité de Girou, Pannelier et Hamelin contre de Cuverville, 21 avril 1898.
83 La division entre ses héritiers est violente. Deux candidats se réclament de lui, Cointe et Loque. Loque est le candidat officiel girouiste, se proclame « vieux républicain », « socialiste » et « patriote ». Cointe se proclame « fils et petit-fils d’ouvriers »... Cf. les affiches de la campagne de 1898 dans APP, BA690. Tous deux font un score médiocre au premier tour.
84 En ce sens, à compter de 1900 nous n’évoquons plus désormais Girou que dans la partie de ce chapitre sur la droite nationaliste.
85 Messimy, sans être membre du Parti républicain radical et radical socialiste, est soutenu par lui.
86 Qui reprenaient le cours de 1871-1890 où Jacques avait été conseiller municipal radical pendant dix-neuf ans.
87 Affiche pour les élections municipales de 1904, APP, BA 273.
88 En 1902, Girou essaie encore d’obtenir le soutien des « vrais radicaux », Le Réveil du XIVe, 16 mars 1902. Mais sans succès...
89 Jean Villetay, « Les affaires judiciaires du Douanier Rousseau », RH XIV, 1995.
90 « Franc-maçon animé », L’Écho de Plaisance, mai 1898 ; « FM.. actif », Le XIVe, 22 octobre 1898 ; « le F... Pannelier », Le XIVe, 1er juillet 1899 ; « la rage destructrice du F.. Pannelier », Le Vieux de Plaisance, Le Républicain du XIVe, 1er juillet 1905.
91 Le XIVe, 30 avril 1898.
92 « Les candidats », L’Humanité, 29 avril 1908.
93 « Le candidat radical capitaliste Pannelier », L’Humanité, 10 mai 1908.
94 Le XIVe, 22 octobre 1898, même expression dans Le XIVe, 7 mai 1898.
95 Réunion du Comité socialiste des Travailleurs de Plaisance (Brunelet) du 1er mai 1904, APP, BA 273.
96 L’Écho de Plaisance, mai 1898.
97 Fragus, « Métro Vanves-Montparnasse », La Tribune du XIVe, 16 mars 1911, etc.
98 « Les candidats – Plaisance », L’Humanité, 30 avril 1912.
99 « Depuis 30 ans le citoyen Pannelier lutte dans le XIVe arrondissement et tout particulièrement dans le quartier de Plaisance », affiche du Comité républicain radical-socialiste de Plaisance, 16 octobre 1898, APP, BA 690.
100 Discours de Pannelier aux obsèques de Jacques, Lu Semaine du XIVe, 24 juin 1900.
101 En 1904, il cède sa maison de photographie pour devenir élu permanent, cf. sa déclaration de 1908, APP, BA 295.
102 Cf. les remerciements de son comité après sa réélection en 1904, APP, BA 273.
103 Cf. affiche citée de son comité en octobre 1898, APP, BA 690. Pour son action à la crèche de Plaisance, voir supra.
104 Affiche du Comité Pannelier, 3 mai 1908, APP, BA 295.
105 Cf. son discours le 14 juillet 1903, Le Quatorzième, 21 juillet 1903.
106 Cf. l’inauguration de l’hôtel du 233 rue d’Alésia, La Semaine du XIVe, 10 juin 1900.
107 Le Quatorzième, 16 octobre 1900.
108 L’Humanité, 10 mai 1908.
109 Affiche de son comité du 3 mai 1898, APP, BA 295 ; seconde affiche du 10 mai 1898, « Réponse à une injure », APP, BA 295.
110 APP, BA 232.
111 200 ouvriers des ateliers du boulevard Brune sur 839 soutiennent Messimy en 1910, affiche dans APP, BA 250.
112 Affiche de 1908, APP, BA 295.
113 Messimy, Mes souvenirs, 1937.
114 Affiche de Messimy, 1904, APP, BA 273. Le nationaliste Moulis lui reproche d’être venu perturber son meeting.
115 Fragus, « Encore le "Blandeur de Gaiva" », La Tribune du XIVe, 1er mai 1911.
116 Wolff, « Les reptiles du XIVe », La Tribune du XIVe, 1er juin 1911.
117 Le journal du XIVe, 27 novembre 1910 ; Le Journal de la rive gauche et du quartier, 10 mars 1913.
118 M. Roche, 83 rue Didot, et M. Perreau, 8 rue Gassendi, sont aussi sur presque toutes les listes.
119 Déclaration de Pannelier en vue du premier tour, 3 mai 1908, APP, BA 295.
120 Déclaration de Pannelier en vue du deuxième tour, 10 mai 1908, APP, BA 295.
121 Messimy, Mes souvenirs, op. cit.
122 Constatant l’élection de Bracke, socialiste, à Plaisance-Montparnasse, et de Poirier de Narcay, le nationaliste, à Petit-Montrouge-Santé aux législatives de 1914, le journal radical L’Informateur du XIVe écrit : « c’est le triomphe des extrêmes ».
123 Les socialistes le traitent de « girouette radicale » ou de « radical-opportuno-bonapartiste », L’Humanité, 30 mars et 7 avril 1912.
124 L’Humanité, 30 avril 1912.
125 Cf. L’Informateur du XIVe et Le Journal de la rive gauche et du quartier, 20 avril 1914.
126 Sentiment partagé avec finesse par Messimy, qui constate que Plaisance « regarde du côté du socialisme », Messimy, op. cit.
127 « Les candidats », L’Humanité, 29 avril 1908.
128 « Quartier de Plaisance », L’Humanité, 9 mai 1908.
129 Jean Jaurès, « L’élection du XIVe », L’Humanité, 15 avril 1912.
130 E. Lebœuf, « Le cinquantenaire d’une paroisse », Le XIVe, 8 avril 1899.
131 Deuxième Congrès général des Organisations socialistes françaises tenu à Paris du 28 au 30 septembre 1900, Paris, 1901.
132 Affiche du PSF – XIVe arrondissement, 1904, APP, BA 273.
133 Affiche du Comité socialiste des travailleurs de Plaisance, 1904, APP, BA 273.
134 Cf. affiche de la Fédération autonome dans APP, BA 232.
135 Réunion du groupe Plaisance-Montparnasse du 10 mars 1908, annoncée dans L’Humanité du jour.
136 L’Humanité, 20 avril 1908.
137 Henri Verbehoër, « Réunions publiques », Le XIVe, 8 octobre 1898.
138 Cf. L’Écho de Plaisance, janvier 1898.
139 L’affiche électorale du Parti pour les élections municipales de 1912 est signée aussi de la Maison commune, APP, BA 1457.
140 Réunion des travailleurs des chemins de fer du 26 avril 1904, APP, BA 273 ; 300 cheminots, en 1910, APP, BA 250.
141 Réunion, 59 avenue du Maine, APP, BA 250.
142 Affiche électorale de Grisel, candidat POSR en 1898, APP, BA 690.
143 Ibid.
144 Affiche du 16 octobre 1898, APP, BA 690.
145 Affiche Grisel, citée.
146 Affiche de la Fédération socialiste de Bretagne. Groupe breton socialiste de la Seine, 1904, APP, BA 273.
147 Affiche Grisel, citée.
148 « Une fête socialiste », L’Humanité, 10 juin 1912.
149 Ces Messieurs de la CGT, Paris, 1903 ; cité dans le Dictionnaire Maitron.
150 Affiche Grisel, citée.
151 En 1906, la 14e section se réunit tous les jeudis soirs, 13 rue de la Sablière, en 1912, elle se réunit les samedis soirs chez Cambon, 37 rue de l’Ouest ou à La Fauvette de Plaisance, 78 rue de Vanves. Plaisance fournit ainsi à la 14e section les lieux de son activité. La CE du groupe Plaisance-Montparnasse se réunit salle Thomas, 67 rue de l’Ouest, en 1908. Les permanences électorales sont aussi dans tous les cafés du coin...
152 L’Humanité, 3 et 10 juin 1912.
153 Rapport de police du 15 avril 1912, APP, BA 239.
154 Hamelin révolutionnaire « trop connu », Le XIVe, 7 mai 1898 ; l’homme de la « grève générale », L’Écho de Plaisance, mai 1898.
155 Dès 1898, le journal radicalisant, Le Quatorzième, s’inquiétait que « les révolutionnaires puissent donner la main aux réactionnaires » lors de l’élection municipale, 13 octobre 1898.
156 Rapport de police du 15 avril 1912, APP, BA 239.
157 Sauf appel de notes, les faits cités concernant les universités populaires viennent de Lucien Mercier, Les Universités populaires : 1890-1914 – éducation populaire et mouvement ouvrier au début du siècle, Paris, 1986.
158 Comme ses deux meilleurs amis, Jean Richepin et Raoul Ponchon.
159 C’est ce que dit Alfred Rosmer dans ses souvenirs.
160 Revue d’un passant, mars 1901.
161 D’après L’Humanité.
162 L’abonnement mensuel était de 50 centimes par mois par famille (soit environ 4 à 5 euros actuels).
163 Cf. Marie-Jeanne Dumont, Le logement social à Paris 1850-1930 – Les habitations à Bon Marché, 1991.
164 Une imprimerie occupe les lieux en 2005.
165 Charles Achard, « L’Avenir de Plaisance », L’Électeur du XIVe, 7 juillet 1901.
166 En 1897, la coopérative quitte la Bourse des coopératives socialistes, tout en continuant à se réclamer d’une sensibilité socialiste, selon Lucien Lucas, « L’Avenir de Plaisance... », art. cité, RH XIV, 1983.
167 Lucien Lucas, art. cité.
168 Le Cri social, 4 mars 1900. Localement elle était partiellement en rivalité avec Le Grelot, société lyrique, auquel on reprochait de ne pas être aussi socialiste que l’Harmonie ! ! !
169 Comme le concert-bal du 3 mars 1900 ; cf. Le Cri social, 4 mars 1900.
170 Le Cri social, 4 mars 1900.
171 Selon L’Almanach de la Coopération, 1910. Son chiffre d’affaires était dix fois inférieur à celui de L’Avenir.
172 Lucien Lucas, art. cité.
173 Le Cri social, organe socialiste des coopératives et des syndicats – édition hebdomadaire de la rive gauche, est en fait un journal plaisancien lié à la coopérative.
174 Une commission d’histoire sociale du comité d’entreprise de l’AOIP a produit des travaux passionnants disponibles sur son site.
175 Briat fit ensuite une grande carrière dans les milieux des coopératives de production.
176 Des violences auraient été exercées en 1899 contre un ouvrier maréchal-ferrant qui allait de Malakoff vers l’avenue du Maine pour travailler pendant une grève, selon Le XIVe, 2 décembre 1899. En 1909, la grève des portiers de Brune voit l’occupation du boulevard par la troupe.
177 P. L. (probablement Paul Louis), « Au 14e arrondissement », 14 avril 1908.
178 Il existe aussi un groupe du syndicat indépendant des employés et ouvriers de la Compagnie générale parisienne des tramways Sud – dépôt Didot, qui appelle en 1902 à voter pour Messimy au deuxième tour, tract Messimy, ASH, XIV.
179 176 rue du Château.
180 110 rue Didot. Il est garçon épicier.
181 24 rue de l’Eure.
182 148 rue du Château.
183 225 rue de Vanves.
184 159 rue du Château.
185 Signalés dans la liste des militants syndicalistes révolutionnaires de 1916, AN, F7 13053.
186 Messimy, Mes souvenirs, op. cit.
187 E. Lebœuf, « Le cinquantenaire d’une paroisse », 8 avril 1899.
188 Rapport de mai 1914, AN, F7 13053. Le secrétaire du groupe répondait au beau pseudo de Salvador, rue Julie. Le deuxième adhérent est Han Ryner ou Harvor. Parmi les autres anarchistes signalés par la police, Léon Heude, Charles Wielhorsky, Ceorges Caron. Liste établie en 1916, AN, F7 13053.
189 Il habitait 9 rue de Plaisance.
190 Il habitait 8 rue Baillou.
191 Son père habitait 2 passage Noirot où le fils résidait souvent.
192 Dieu existe-t-il ? Controverse publique à Paris entre MM. L’abbé Viollet et Han Ryner. Compte rendu sténographique, Herbaly, 1932.
193 Cf. L’Ère nouvelle, mai et juin 1901. On y fait des conférences, il y a une bibliothèque.
194 Prospectus (de 1902 ?) pour les œuvres du Rosaire, cité par Mathias Gardet, op. cit.
195 L’Écho de Plaisance, « Excursion paroissiale à Argenteuil », septembre 1898.
196 Ibid., juillet 1899.
197 D’Alésia, « Chronique de la Quinzaine », La Tribune du XIVe, 16 mai 1911.
198 L’Écho, « La lutte pour la vie », mars 1903.
199 Souvenirs de Mme Descotils, RH XIV, 1977.
200 Louise Viollet, RH XIV, 1972.
201 « Chronique de Notre-Dame du Travail », L’Écho de Plaisance, janvier 1902.
202 Soulange-Bodin, « Courage et confiance », ibid., mai 1905.
203 Soulange-Bodin, « Faisons un peu de POLICE, s’il vous plaît », ibid., février 1903. Et Soulange conclut à « ne pas les manquer... il ne faut pas devenir bête à force de vouloir être bon ».
204 Rapport sur les Congrégations au 1er octobre 1900, Archives de Paris, VD 62 100.
205 Voir aussi ce que nous avons dit sur les incidents du 17 mai 1903 où les enfants du pensionnat des Maristes sont pris à partie.
206 Soulange-Bodin, « Serrez vos rangs », L’Écho de Plaisance, mai 1899.
207 « Échos », Le Quatorzième, 9 avril 1898 ; « À travers le Quatorzième », ibid., 19 février 1903.
208 Lors d’une réunion anticléricale du 21 février 1903 selon Colas, « Patronage Saint-Paul », L’Écho de Plaisance, mars 1903.
209 « La procession », ibid., février 1903. Cf. aussi les quelques heures de poste d’un activiste catholique, ibid., juillet 1903.
210 Seule survivante, la petite impasse Sainte-Léonie.
211 Compte rendu municipal de Pannelier, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
212 61 rue Vercingétorix, 71 rue de l’Ouest, 7 rue Asseline, 1 rue Crocé-Spinelli, rue Desprez, 57 rue Didot, 48 rue Maindron/132 rue d’Alésia, rue Brodu (Maurice-Rouvier), rue Sévero et rue Pierre-Larousse. Plusieurs interventions de Pannelier réclament de nouveaux groupes scolaires ou leur agrandissement. Ainsi que les programmes Cointe, Grisel de 1898, APP, BA 690.
213 Programme Périlhou, 1898, APP, BA 690.
214 Cf. « Le XIVe à l’hôtel de Ville », Le Quatorzième, 15 février 1903.
215 « Patronage laïque », le Quatorzième, 5 décembre 1899.
216 Cf. Exposition universelle internationale de 1900 à Paris. Rapports du jury international. Groupe XVI. Économie sociale. Hygiène. Assistance publique – 3e Partie : Les Œuvres. Et le goûter du jeudi est gratuit.
217 Ct. « Patronage Etienne Dolet », Le Journal du XIVe, 23 novembre 1910.
218 Cf. Le Quatorzième, 19 février 1903. Sous la présidence de Dussardier, le fondateur du patronage Etienne Dolet.
219 Cf. Le Journal du XIVe, 29 janvier 1911.
220 Publicité dans Plaisance-Montparnasse, août 1904. Son directeur est M. Favrais.
221 Peut-être y a-t-il aussi un problème générationnel avec le décès de Bricard, un des fondateurs de la Libre-pensée du XIVe et membre de la loge La Fraternité des Peuples, Le Quatorzième, 12 mars 1901.
222 L’Électeur du XIVe le présente sous le titre « Guignols maçonniques et autres », 14 juillet 1901.
223 Le Quatorzième, 16 octobre 1900.
224 Le Réveil du XIVe, 9 mars 1902 ; cf. aussi l’affiche Dennisson, 1898, APP, BA 674 ; L’Écho de Plaisance, juin 1900, mai 1904 (pouvoir occulte), Le Républicain du XIVe, 15 juillet 1905.
225 « Girou est devenu déroulèdiste », écrit Le Quatorzième, le 24 septembre 1901 ; le journal lui reproche aussi d’avoir voté contre la loi sur les associations et d’être soutenu par la Patrie française ; « il n’est plus un républicain », « Bulletin politique », 13 mars 1902.
226 « L’État contre le Peuple », L’Électeur du XIVe, 14 juillet 1901.
227 Notamment à propos de constructions porte de Vanves, « De l’administration préfectorale », Le Journal du XIVe, 12 mars 1911.
228 La correspondance est à adresser à A. Bordis, 104 rue de l’Ouest (vins...), Le Réveil du XIVe, 2 mars 1902.
229 Cf. affiche du Comté Dennisson en 1898, APP, BA 674.
230 Déclaration de Girou, Le Réveil du XIVe, 16 mars 1902.
231 Lettre de Girou au journal Le Gabelou publiée dans Le Réveil du XIVe du 23 mars 1902. Il demande la baisse des traitements des gros fonctionnaires.
232 Affiche Dennisson, 1898, APP, BA 674. L’affiche surligne aussi « Vive la République sociale ».
233 Le Vieux de Plaisance, « Pourquoi je suis gouvernemental », Le Républicain du XIVe, 1er juin 1905. Le Quatorzième attaque aussi la Compagnie des tramways Sud qui travaillerait pour une firme de Berlin, 27 septembre 1898.
234 Affiche du Comité Dennisson, 1898, APP, BA 674.
235 L’Écho national, organe du Cercle nationaliste de la rive gauche, juin 1901.
236 14 juillet 1914.
237 16 mars 1898.
238 1er octobre 1905.
239 19 février 1898.
240 26 juillet 1898.
241 De Jacques Normand, 13 août 1898.
242 Le XIVe, « Le travail et les travailleurs », 24 décembre 1898.
243 Plusieurs centaines de présents à la réunion des républicains socialistes patriotes du XIVe (groupe fondé par Girou en 1897) avec aussi Lemaitre et Coppée, le 7 décembre 1899, APP, BA 1559.
244 L’Écho de Plaisance, mai 1904.
245 « Ce que nous sommes », L’Électeur, 14 juillet 1901.
246 Le Réveil du XIVe, 30 mars 1902.
247 Le Républicain du XIVe, 1er juillet 1905.
248 « Ce que je crains le plus », 15 juillet 1905 : « Pannelier “les juifs le veulent” ».
249 15 septembre 1905. Voir aussi le 15 octobre 1905.
250 Fragus, La Tribune du XIVe, 1er mai 1911.
251 « Le juif roi », 16 mai 1911. Le journal, qui ne craint pas la démagogie, souligne aux yeux de ses lecteurs anticléricaux potentiels que Catien met maintenant ses enfants dans un externat catholique...
252 Qui préside la soirée du Comité de la patrie française et du Comité Girou en avril 1902, Le Réveil du XIVe, 13 avril 1902.
253 Qui sera lui-même candidat nationaliste à Plaisance en 1908. Avec un succès moyen...
254 Il est présenté dans La Revue d’un passant, 30 avril 1901.
255 Le Réveil du XIVe, 9 mars 1902.
256 Etienne Boileau, Le Réveil du XIVe, 30 mars 1902.
257 Baffier animera encore avec Sauret un Comité d’art républicain nationaliste du XIV, cf. Le journal du XIVe, 12 mars 1911.
258 Affiche dans APP, BA 273. L’affiche Messimy Pannelier reprend la même critique.
259 Le XIVe, 9 juillet 1898. Son président est M. Naget, 44 rue de Vanves. Suivant en cela strictement les mots d’ordre fixés par Soulange-Bodin comme critères de choix d’un candidat, L’Écho de Plaisance, avril 1898.
260 Un groupe existe à Plaisance, présidé par M. André de Chatellus. La première conférence est annoncée, ibid., mars 1907.
261 En 1902, il écrit un article intitulé « Rénovation », dénonçant l’organisation « vieillotte » de la République qui s’appuie sur le « vieux programme » de 1789, 1848 et 1870 alors que tout a changé, L’Écho national, juin 1901.
262 Rapport RG du 13 avril 1912, APP, BA 239.
263 La Tribune du XIVe, 16 juin 1901.
264 L’Humanité, 29 mars 1912.
265 L’Humanité, 17 mai 1912.
266 D’après J.-E. Bayard, Montparnasse hier et aujourd’hui : ses artistes et écrivains, étrangers et français, les plus célèbres, 1927.
267 Pour tout ceci, Jocelyne Chabot, Les débuts du syndicalisme féminin chrétien en France (1809-1044), Lyon, PUL, 2003.
268 Article qui serait paru dans Le XIe arrondissement, repris par Le XIVe, 16 juillet 1898, et L’Écho de Plaisance, août 1898.
269 Paris-Atlas, 1900.
270 Notre Dame du Travail de Plaisance, Paris, La paroisse, 1985.
271 Evelyne Diebolt, « Léonie Chaptal et ses œuvres dans Plaisance 1901-1937 », RH XIV, 1990.
272 Cf. Evelyne Diebolt, art. cité ; Mathias Gardet, op. cit.
273 Cf. Mathias Gardet, À la recherche du Moulin-Vert..., Paris, mars 2002.
274 Intervention de Pannelier le 14 juillet 1903, Le Quatorzième, 21 juillet 1903.
275 « Revendication du XIVe arrondissement – Quartier de Plaisance », Plaisance – Montparnasse et Revue d’un passant réunis, août 1904. Cf. aussi l’intervention de Pannelier, le 14 juillet 1903, qui estime que sa reconstruction coûterait deux millions de francs.
276 Compte rendu de mandat de Pannelier, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
277 Ibid.
278 Cf. Dictionnaire des monuments de Paris, 1992.
279 Une belle publicité en est faite, avec un joli dessin, dans La Revue d’un passant, août 1904.
280 Paris-Atlas, 1900.
281 Compte rendu de mandat de Pannelier, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
282 Rapport 1898-1899, Archives de Paris, DX6 1.
283 Rapports 1908 et 1911, ibid.
284 Rapport 1905, ibid.
285 Rapports 1908 et 1911, ibid.
286 Le XIVe républicain, 24 février 1900.
287 Affiche du Comité Pannelier de mai 1908, APP, BA 295.
288 Cf. archives de Paris, DX6 39.
289 Rapport dans archives de Paris, DX 643.
290 Ibid.
291 1914 Secours d’assistance et de solidarité du XIVe arrondissement (œuvres publiques et privées) – Guide Pratique.
292 Les œuvres liées aux activités professionnelles (ouvroirs, travail à domicile, placement, vestiaire, cantines...) se comptent 12, celles de secours divers, 5, celles qui concernent les femmes enceintes ou les bébés, 12, celles pour les enfants, 7, les dispensaires médicaux, 9 (dont 4 pour la tuberculose)... Encore s’agit-il là des seules œuvres purement plaisanciennes.
293 Son siège est 21 rue Decrès, Le Journal du XIVe, 11 novembre 1910.
294 La Revue d’un passant, 30 décembre 1900.
295 Le Cri social, 4 mars 1900. Son président est M. Houdebine, rue de Gergovie. Cf. Plaisance-Montpar nasse et la Revue d’un passant réunis, 30 décembre 1900, 30 avril 1901, janvier 1902.
296 Le journal du XIVe, 4 décembre 1910.
297 Dont le siège est 137 avenue du Maine, Le Journal du XIVe, 23 avril 1911.
298 Dont le président, M. Puego, habite rue de Vanves, Le Journal du XIVe, 4 décembre 1910.
299 Cf. La Semaine du XIVe, 10 juin 1900. En 1911, La Médéah joue aune grande fête à Malakoff, Le Journal du XIVe, 22 janvier 1911. Toutefois la Médéah n’est pas propre à Plaisance.
300 Qui se glorifie encore de sa médaille d’argent à l’exposition de 1889, Le XIVe, 4 novembre 1899, ou de ses résultats à un concours, Plaisance-Montparnasse, août 1904. Mais Le Choral de Plaisance n’est plus propre au quartier. Ses répétitions sont à Montparnasse.
301 Le Journal du XIVe, 25 décembre 1910.
302 Plaisance-Montparnasse et La Revue d’un passant réunis, 31 janvier 1899.
303 Plaisance-Montparnasse et La Revue d’un passant réunis, 30 décembre 1900. Son président est M. Lhez, 5 rue du Texel.
304 Président G. Lacombe, Le Journal du XIVe, 26 mars 1911.
305 Dont nous ne connaissons pas l’implantation à Plaisance, ibid., 26 mars 1911.
306 Qui se réunit Brasserie de Plaisance, 95 rue de Vanves, ibid., 4 décembre 1910.
307 196 rue de Vanves, ibid., 25 décembre 1910.
308 Siège 36 rue de Vanves, ibid., 25 décembre 1910.
309 58 rue de l’Ouest, Plaisance-Montparnasse et La Revue d’un passant réunis, 31 janvier 1899.
310 95 rue de Vanves, son président est A. Noël, cf. Le Journal du XIVe, 27 novembre 1910.
311 Football, escrime et tir, cf. L’Écho de Plaisance, mai 1903. Aussi la plus ancienne Union cycliste de Plaisance, ibid., mars 1898.
312 Course, vélo, cf. Le Journal du XIVe, 14 mai 1911. Nous ne connaissons pas son rayonnement à Plaisance.
313 Son président, M. Boussardon, habite 14 rue Châtelain et ses réunions ont lieu 55 rue de Vanves, ibid., 4 décembre 1910.
314 Ibid., 4 décembre 1910.
315 Président Damothe, siège 3 boulevard Brune, ibid., 4 décembre 1910, 19 mars 1911.
316 Par M. Leroy, 7 rue Édouard Jacques, ibid., 29 janvier 1911.
317 Compte rendu de mandat de Pannelier, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
318 Souvenirs Descotils, RH XIV, 1977, sur les fenêtres pavoisées et la retraite au flambeau. Cf. aussi Le Quatorzième, 21 juillet 1903.
319 Cf. l’affaire déjà examinée de la désignation du président du comité des fêtes de l’arrondissement en 1910. Les notables qui dirigent le comité sont ainsi remerciés par des habitants pauvres de Plaisance pour avoir abandonné une partie du reliquat 1910 à leur profit ; leur lettre dans Le Journal du XIVe, 1er janvier 1911.
320 L’Informateur du XIVe, 3 mai 1914.
321 Le Journal de la rive gauche et du Quartier, 16 marsi9i4.
322 Et les accidents de manège..., Le Journal du XIVe, 28 mai 1911.
323 « La grande kermesse du 18 juin », L’Écho de Plaisance, juillet 1903 (qui annonce 3 000 personnes au pensionnat des Sœurs). La paroisse est coutumière des fêtes comme celle de Carnaval avec soirée artistique, saynètes au salon paroissial, ibid., mars 1898.
324 À la veille de la guerre, Souvenirs Descotils, RH XIV, 1977.
325 Le XIVe, 29 octobre 1898.
326 Par exemple celui du Grelot en mai 1901, Plaisance-Montparnasse et Revue d’un passant réunis, 31 mai 1901.
327 La Semaine du XIVe, 10 juin 1900.
328 L’Humanité, 10 juin 1912. On y chante aussi.
329 M. Théry, « Les fortifs », Le XIVe, 23 juillet 1898. Aussi E. Lebœuf, « Le cinquantenaire d’une paroisse », ibid., 8 avril 1899.
330 Brachev, RH XIV, 1981.
331 Cf. L’Écho de Plaisance, avril 1905, janvier 1906.
332 78 rue de Vanves : L’Humanité, 1er avril 1912. La salle Cambon, rue de l’Ouest, est aussi un grand lieu de réunions de tout poil...
333 La Revue d’un passant, février 1899. Voir aussi la reprise des Veillées de Plaisance de Pierre Lelong en décembre 1900, Plaisance-Montparnasse et Revue d’un passant réunis, décembre 1900.
334 En fait il s’agit d’une épicerie-buvette, souvenirs de la fille de René Werrie recueillis par J. Mizitrano, RH XIV, 1982.
335 « Les premières communiantes et les cabarets », L’Écho de Plaisance, mars 1903.
336 Ils « procurent aux cyclistes une admirable piste favorable aux entraînements quotidiens », Maurice Théry, art. cité.
337 Plaisance-Montparnasse, août 1904.
338 L’Écho de Plaisance, janvier 1901.
339 Selon Yvan Belladame, « Quand se construisait Notre-Dame du Travail », RH XIV, 2003.
340 Rose Descotils-Vasseur, « À Plaisance, 11 rue Vercingétorix, vers 1910, une coopérative ouvrière et la Fédération sportive du Travail », RH XIV, 1979-1980.
341 Souvenirs de Madeleine Tournois, RH XIV, 1975.
342 Lettre d’Albert Taulin au maire du XIVe, RH XIV, 1971.
343 « Enquête sur les nouveaux tramways », Le Quatorzième, 19 mars 1898.
344 Par exemple, la « perte de temps » pour les ouvriers qui veulent manger à midi chez eux avec le passage à niveau de la rue de la Procession, « La compagnie de l’Ouest », Le Quatorzième, 18 mai 1900. Les voyous du Pont-aux-Bœufs fréquentent aussi le théâtre de Grenelle, Ernest Raynaud, Souvenirs de police. La vie intime des commissariats, Paris, 1927.
345 Un jeune peintre agressé rue du Maine, Le XIVe, 1er janvier 1899 ; le jeune de la rue de Vanves, Trignol, qui va à la Gaîté, etc.
346 Cf. Le XIVe, 5 novembre 1898.
347 Souvenirs Berthe Guillot, RH XIV, 1977.
348 Souvenirs cités de Mme Werrie. La fille d’un maréchal-ferrant trouve du travail comme employée de bureau dans une entreprise du 6e arrondissement dont le patron est le père du maire du XIVe..., souvenirs de Berthe Guillot, RH XIV, 1977.
349 Maurice Thiéry, « Une noce », Le XIVe, 10 septembre 1898.
350 Trignol, op. cit., 1949.
351 Maurice Thiéry, « Les fortifs », Le XIVe, 23 juillet 1898.
352 Lettre citée d’Albert Taulin.
353 RH XIV, 1981.
354 L’Écho de Plaisance, juillet 1903.
355 Plaisance-Montparnasse et la Revue d’un passant réunis, 30 décembre 1900.
356 Le Vieux de Plaisance, « Pourquoi je suis gouvernemental », Le Républicain du XIVe, 1er juin 1905.
357 L’Humanité, 30 mars 1912.
358 Le Journal du XIVe, 21 janvier 1911. On sait que le débat sur l’agrandissement de Paris est alors lancé par les socialistes.
359 Lettre du 30 juillet 1913, archives de Paris, DX 643.
360 Messimy évoque la « laborieuse population de Plaisance-Montparnasse », affiche Messimy, 1906, APP, BA 232 ; Bracke pense que « Plaisance-Montparnasse devient une forteresse du socialisme », « Une campagne », L’Humanité, 21 avril 1912.
361 Boisson, Coins..., op. cit., 1927.
362 « Les artistes du montParnasse » évoque aussi L’Écho de Plaisance pour les veillées « de Plaisance » organisées par la paroisse à Montparnasse, cf. Léo Eyramiel, « Les veillées artistiques de Plaisance », L’Écho de Plaisance, mars 1898.
363 Les rares éléments de division concernent la partie du quartier qui se situe au-delà de l’avenue du Maine, vers la rue Daguerre.
364 En 1902 lorsque Messimy envisageait de s’y présenter, Messimy, Mes souvenirs, op. cit.
365 Affiche du socialiste Grisel de 1898, APP, BA 690, rapport de l’Inspection de la crèche Schomer du 8 juin 1911, A. Paris, DX6 1.
366 Le rapport de la Commission d’hygiène et de salubrité du XIVe arrondissement, Le XIVe, 11 novembre 1899, souligne que la densité de Plaisance est de 26 m2 par habitant contre 38 à Montparnasse, 39 au Petit-Montrouge et 101 à la Santé. Cf. aussi Plaisance-Montparnasse, août 1904, qui évoque Plaisance, « ce quartier dont la population est très dense ».
367 Une église baptiste. Les origines de l’église de l’avenue du Maine, Publications de la société d’histoire du baptisme, s.d. (vers 1920 ?). La brochure évoque les premières salles rue de l’Ouest et rue de Vanves avant l’installation au 123 avenue du Maine.
368 L’Écho de Plaisance, janvier 1902.
369 Ibid., mai 1905.
370 Ibid., mai 1905 et janvier 1906.
371 Ibid., s.d. (septembre 1904).
372 Le Quatorzième, 9 novembre 1905.
373 Affiche Brunelet, 1904, APP, BA 273.
374 Affiche Huguet, 1898, APP, BA 690.
375 B. M., « La candidature Bracke », L’Humanité, 7 avril 1912.
376 Maurice Thiéry, « Chez le coiffeur », Le XIVe, 1er octobre 1898.
377 Ils sont une clientèle électorale de Girou. Cf. Le Réveil du XIVe, 23 mars 1902.
378 Rue de l’Eure, le père Lagrange se souvient dans une maison d’un étage du bougnat-marchand de vins du premier, RH XIV, 1996, « Souvenirs d’un enfant de Plaisance-Nord 1912-1927 ».
379 Selon Jouglain, « Un arrondissement phénomène », La Tribune du XIVe, 16 mars 1911, la rue de Vanves serait un lieu de regroupement de ces marchands pour aller aux Halles.
380 « Le passage du Choléra à Plaisance », La Tribune du XIVe, 1er juin 1911. Il s’agit de l’impasse Lebouis.
381 Ainsi Le Cri social du 4 mars 1900 évoque leur lutte contre les patrons de lavoir.
382 Maurice Thiéry, « Coup d’œil dans un lavoir », Le XIVe, 29 avril 1899. Cf. aussi une évocation des Grands Bains de Plaisance, 4 rue Lebouis, par Yvan Belledame, RH XIV, 2003.
383 M. Pin, 201 bis rue de Vanves, se propose pour tous travaux d’écriture, Plaisance-Montparnasse, août 1904.
384 « Une église baptiste... », op. cit.
385 L’Écho de Plaisance, juin 1901, « un faubourg très pauvre et très populeux » ; « une petite paroisse toute blanche qui venait d’être construite dans ce pauvre quartier », témoignage de Louise Viollet sur son frère, RH XIV, 1972.
386 Affiche Périlhou, 1898, APP, BA 690 ; aussi « les malheureux qui sont nombreux dans le quartier », Pannelier, Le Quatorzième, 16 avril 1904 ; « plus qu’ailleurs peut-être, la lutte pour la vie est rude », Soulange-Bodin, L’Écho de Plaisance, mars 1903.
387 Soulange-Bodin, « Ça ne va pas ! », ibid., décembre 1900.
388 Éric Besnard, « Enquête sur la séparation des églises et de l’État », Le Siècle, 21 mars 1905.
389 Bien sûr, cette précarité, cette fragilité est là accentuée par la guerre, Souvenirs de Rose Descostils, RH XIV, 1977.
390 « Prix de Vertu », Le XIVe, 5 novembre 1898.
391 Maurice Thiéry, « En garni », Le XIVe, 19 novembre 1898. Pour Soulange-Bodin, « les jeunes voyous des hôtels garnis » sont gravement immoraux, « Un peu de police, s’il vous plaît », L’Écho de Plaisance, février 1903.
392 Souvenirs de Louise Viollet, art. cité.
393 Maurice Thiéry, « Les fortifs », Le XIVe, 23 juillet 1898.
394 Ibid., 22 avril 1899.
395 Souvenirs de Louise Viollet, art. cité.
396 La Tribune du XIVe, 1er juillet 1911.
397 Ibid., janvier 1903. Les distributions d’habits et de linge ont lieu à Noël.
398 Émile Dufour, « Les petits va nu pieds de nos écoles primaires », L’Électeur du XIVe, 7 juillet 1991.
399 En particulier les terrains de l’AP, 154 avenue du Maine ou 31 rue Sainte-Eugénie, rapport de la Commission d’hygiène et de salubrité du XIVe arrondissement, Le XIVe, 11 et 18 novembre 1899.
400 Rapport de 1912, Archives de Paris DX643.
401 L’Écho de Plaisance, mai 1905.
402 Soulange-Bodin, « Ça ne va pas », ibid., décembre 1900.
403 « Vols de casquettes », le Journal du XIVe, 1er janvier 1911.
404 Avenue du Maine, Le XIVe, 31 décembre 1898 ; à la fête foraine du boulevard Brune, Le Journal du XIVe, 28 mai 1911...
405 Le Journal du XIVe, 12 février 1911.
406 Rue de l’Ouest, Le XIVe, 31 décembre 1898 ; chez Lucien Descaves (à la limite de Plaisance, 129 boulevard Brune), Le XIVe, 16 septembre 1899 ; 117 rue Vercingétorix, Le Journal du XIVe, 12 février 1911.
407 Plaisance-Montparnasse, août 1904.
408 « Mon père, horticulteur-guérisseur du boulevard Brune (1824-1904) », entretien de C.B. avec Léon Brachev, RH XIV, 1981.
409 « Trop vieux ! », Le XIVe Républicain, 24 février 1900.
410 Fernand Trignol, Pautruche ou les mémoires d’un truand, Paris, 1946.
411 André Salmon, Rive gauche, 1951.
412 Ange Bastiani, 200 bistrots secrets, Paris, 1970.
413 Wolff, « Le reptile de Plaisance », La Tribune du XIVe, art. cité.
414 Maurice Thiéry, « Les fortifs », Le XIVe, 23 juillet 1898.
415 Louis Roubaud, 36 quai des Orfèvres, Paris, 1927.
416 Ernest Raynaud, Souvenirs de police, 1927.
417 Le XIVe, 1er avril 1899.
418 Le XIVe, 24 août 1899.
419 Le Républicain du XIVe, 1er octobre 1905.
420 Le Journal du XIVe, 12 février 1911.
421 Le XIVe, 11 mars 1899, au débit du 9 rue Vercingétorix ; voir aussi la rixe au bal du 18 rue de Vanves, Le XIVe, 29 octobre 1898.
422 Entre un alcoolique et sa femme, Le XIVe, 3 juin 1899.
423 « Entre locataire et propriétaires », L’Humanité, 15 mars 1908.
424 Le XIVe, 2 septembre 1899 ; aussi ce tourneur qui tente de tuer sa femme par jalousie, Le Journal du XIVe, 14 mai 1911.
425 Le Journal du XIVe, 1er janvier 1911.
426 Avenue du Maine, Le Journal du XIVe, 11 février 1911 ; rue Gassendi, ibid., 7 mai 1911.
427 La femme d’un boucher de la rue Vercingétorix qui tente de l’empoisonner, Le XIVe Républicain, 24 janvier 1900.
428 Le Journal du XIVe, 7 mai 1911.
429 « Un satyre », L’Humanité, 15 mars 1908.
430 Chute d’un charpentier dans un puits du 15 rue de Médéah, chute de dix mètres d’un ouvrier maçon qui travaillait sur un lavoir, Le XIVe, 2 juillet 1898 et 11 mars 1899 ; mort d’un ouvrier sur le chantier de Notre-Dame-du-Travail, L’Écho de Plaisance, août 1901...
431 Le Journal du XIVe, 30 avril 1911.
432 Au 105 rue de Vanves où une jeune femme de 21 ans est morte au 5e étage, Le journal du XIVe, 29 janvier 1911...
433 La Tribune du XIVe, 1er juin 1911.
434 Une fille qui tente de tuer sa mère, 9 avril 1898, un écrivain (« la folie d’un poète ») qui s’en prend à sa concierge, 2 juillet 1898.
435 Le Journal du XIVe, 29 janvier 1911.
436 Ibid.
437 Qui continue sa litanie des suicides, 16 juillet 1898, 23 juillet 1898, 27 août 1898, 29 octobre 1898, 24 novembre 1898, 25 février 1899, 4 mars 1899... Nous ne reviendrons pas sur le détail de ces tragédies de la rue Lebouis, de la rue de Vanves, de la rue Didot, de la rue de Plaisance, de la villa Duthy, de la rue du Moulin-de-la-Vierge, de l’avenue du Maine...
438 Le 2 mars 1908.
439 « Un illustre romancier du XIVe : J.-H. Rosny Aîné », RH XIV, 1985-86.
440 Où il fut cambriolé ! Le XIVe, 16 septembre 1898.
441 Nathalie Wolff, « C. F. Ramuz au cœur du Montparnasse de la Belle Époque », RH XIV, 1988.
442 Faut-il compter comme écrivain plaisancien le commissaire de police du quartier, Ernest Raynaud, « bon poète, un cumulard celui-là », selon La Revue d’un passant ?
443 Marius Boisson, Coins..., op. cit., 1927. Très joli petit livre de souvenirs parisiens.
444 « La folie d’un poète », Le XIVe, 2 juillet 1898.
445 Plaisance-Montparnasse et La Revue d’un passant réunis, 30 décembre 1900.
446 Eugène Lebœuf, « Le cinquantenaire d’une paroisse », Le XIVe, 8 avril 1899).
447 Témoignage de Louise Viollet, RH XIV, 1972.
448 Selon le Bottin de 1910, le XIVe arrondissement est le premier des arrondissements parisiens en décompte des peintres et sculpteurs ; cf. Thomas Dufresne, « Le XIV arrondissement, village des arts », RH XIV, 1999. En examinant l’Annuaire de 2004, nous pouvons constater que le XIV garde ce rang un siècle après ! Cf. aussi M. Thiéry, « Un atelier d’artiste », Le XIV, 24 septembre 1898 : « Vers Montrouge, du Luxembourg vers les fortifications, cette partie de Paris est, en quelque sorte, l’endroit de la capitale adoptée de préférence par les artistes. »
449 Cf. les logis et ateliers du Douanier Rousseau, RH XIV, 1994.
450 Il fait référence à cette fonction et au soutien de Messimy et Pannelier pour obtenir un achat de l’État dans une lettre au sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts du 16 octobre 1905.
451 Selon H. Perruchot, « Montparnasse peintres et écrivains », Crapouillot, 1959, les textes étaient dits par un épicier ou un charron.
452 Voir « une leçon de choses à l’intention de l’art moderne » de Roger Shattuck, dans Le Douanier Rousseau, catalogue de l’exposition du Grand Palais de 1084-1085, Paris, 1984.
453 Cf. Dictionnaire de Paris, 1964.
454 Interview de René Rousseau (1879-1962) à la radio, reproduit dans RH XIV, 1994.
455 Jean Villetay, « Les affaires judiciaires du Douanier Rousseau », RH XIV, 1995.
456 Il est amusant de voir Roger Shattuck évoquer la rue Perrel comme « faisant partie du quartier de Plaisance où, à l’époque, on se serait cru en province », cf. infra. De la légende verte et villageoise de Plaisance...
457 Souvenirs de Mme Werrie, RH XIV, 1982.
458 Brachev, « Rousseau... », art. cité, RH XIV, 1987.
459 John Biggart, « L’Académie... », RH XIV, 1977.
460 Une bonne description des locaux initiaux dans Lœd, Giacometti..., 1987.
461 Marius Boisson, Coins..., op. cit., 1927.
462 Cf. L’Écho de Plaisance, mars 1898. Elles se tiennent café de l’Espérance, 20 avenue du Maine, avec 300 artistes.
463 H. Coulier, J. Baffier, Pelecier, Du Vern, J. Forges, A. Fauche, Charles Blanc, Jeanne Brunot, les frères Achard, Olivier de Gourcuff, Marius Thiéry, Camille Jarre....
464 Pour tout ceci, A. Passereau, « Le XIVe artistique et littéraire », Le journal du XIVe, 22 janvier et 12 février 1911.
465 On y compte, entre 1900 et 1914, 27 artistes dont 13 peintres et 7 sculpteurs ; recalculé d’après Dufresne, art. cité, RH XIV, 1998.
466 L’atelier créé en 1859 est à son apogée en 1910. De nombreuses devantures ou panneaux peints des boulangeries parisiennes portent encore sa signature ; cf. <www.ruavista.com/boulangeries>.
467 Cf. <www.musica-stnazaire.com>.
468 Plaisance-Montparnasse et la Revue d’un passant réunis, 30 décembre 1900.
469 Lettre de Rousseau au Sous-secrétaire d’État aux Beaux-Arts du 16 octobre 1905, in Rousseau, catalogue cité.
470 Compte rendu de mandat de Pannelier, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
471 12 février 1911.
472 L’Écho de Plaisance, 7 août 1906.
473 Le Journal du XIVe, 4 décembre 1910.
474 Au 35 rue de l’Ouest, La Revue d’un passant, février 1899.
475 Publicité dans Le Journal du XIVe, 27 octobre 1910.
476 Le Quatorzième, 7 juillet 1904. Mais tous les photographes ne sont pas radicaux... La maison Vallontin, 57 rue de Vanves, fait sa publicité dans L’Écho de Plaisance en novembre 1902.
477 Archives de Paris, Haris la rue : un autre 1900, 2000.
478 Programme Cointe, APP, BA 690, programme Périlhou, APP, BA 690 ; programme Dennisson, APP, BA 674 ; programme Pannelier, APP, BA 690, programme Grisel, APP, BA 690. Ils sont ensuite actualisés.
479 Le Quatorzième, 2 août 1906.
480 Par contre l’abbé Soulange-Bodin se situe nettement dans le camp des modernes et regrette qu’à Plaisance, « Point d’alignement, point de trottoirs dans bien des rues », L’Écho de Plaisance, « Attention », 21 octobre 1898.
481 V. Lecerf, « Pour Plaisance », Le XIVe, 4 novembre 1899 : « les rues étroites, les trottoirs insuffisants ou manquant totalement ».
482 A. I., « À travers le XIVe », Le Quatorzième, 2 août 1906.
483 Le Quatorzième note avec ironie que l’élargissement de la rue Vercingétorix réclamée depuis 26 ans va enfin se réaliser ! « À travers le XIVe »,28 juin 1906. Le Journal du XIVe annonce l’élargissement du boulevard Brune, 28 mai 1911, etc.
484 Philippe Soupault, Henri Rousseau le douanier, 1927.
485 C. B. se souvient de la « chaussée poudreuse » du boulevard Brune où passaient les animaux destinés à l’abattoir, RH XIV, 1981. Le pavage de la rue Vercingétorix n’est pas encore achevé au sud de la rue Brodu en 1902, Plaisance-Montparnasse, juillet 1902.
486 Les rues de Plaisance, Bourgeois, Brodu, Jonquoy, Bardinet... ne sont pas encore classées, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
487 Les choses avancent plus vite pour la suppression du passage à niveau de la rue de Gergovie, Le Quatorzième, 21 juillet 1903.
488 16 juin 1904.
489 31 juin 1906.
490 1er janvier 1911.
491 Le XIVe, 6 août 1898, Plaisance Montparnasse, 31 janvier 1899.
492 Le XIVe, 26 février 1898.
493 Plaisance-Montparnasse, août 1904.
494 Notamment les ouvriers des ateliers des PTT de Brune, Le Quatorzième, 2 août 1906.
495 Le Journal du XIVe, 27 octobre 1910.
496 Ibid., 16 avril 1911.
497 État des communes... Malakoff, 1901.
498 « Le tramway de Malakoff aux Halles -Enquête », Le Quatorzième, 20 février et 29 mars 1898. Il y aurait eu 7 000 signatures.
499 Selon l’expression de [ouglain, qui demande son remplacement par un autobus moderne, La Tribune du XIVe, 11 juin 1911.
500 Pannelier demande que la nouvelle ligne de la CGO qui va de République à Montparnasse soit prolongée jusqu’à la porte de Vanves, Le Quatorzième, 4 décembre 1899. En 1911, Jouglain demande que le terminus de la ligne Q soit reporté porte de Vanves, La Tribune du XIVe, 16 juin 1911.
501 Souvenirs C.B., RH XIV, 1981. « La senteur des écuries proches des voitures de chemin de fer nous parvenait » se rappelle aussi Mme Descotils, RH XIV, 1977.
502 Des grandes voies, Maine, Alésia, Vanves, Ouest, Château... Programmes Cointe, Grisel, 1898, APP, BA 690 ; des pétitions accompagnent cette revendication, cf. « L’Éclairage électrique au XIVe arrondissement », Le Quatorzième, 24 novembre 1898.
503 Plaisance-Montparnasse, août 1904. Pannelier est un des hérauts des vespasiennes selon ses adversaires ! Il en revendique l’installation au 4 rue Niepce, au nouveau Pont-aux-Bœufs, etc., compte rendu de son mandat, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
504 Plaisance-Montparnasse, août 1904.
505 Henri Delon, « La rue Jonquoy », Le Quatorzième, 23 décembre 1906.
506 Affiches Pannelier aux élections de 1904, APP, BA 273.
507 La Tribune du XIVe, 1er mai 1911.
508 Souvenirs C.B., RH XIV, 1981.
509 Roger Domangeville, « Une de nos grandes entreprises d’autrefois. Au Planteur de Caïffa » RH XIV, 1994.
510 Le Réveil du XIVe, 15 juillet 1905.
511 Le XIVe, 8 avril 1899.
512 Certains éléments laissent à penser qu’il s’agissait de Baffier, mais je n’ai aucune certitude.
513 Le Vieux de Plaisance, « Pourquoi je suis gouvernemental », Le Républicain du XIVe, 15 mai 1905.
514 Le Vieux de Plaisance, « Renezelot est soucieux », Le Républicain du XIVe, 15 septembre 1905.
515 C. A. Bourceret, « Montmartre et Plaisance », Le XIVe, 31 juillet 1897.
516 Aimé Passereau, « Le XIVe artistique et littéraire »,Le Journal du XIVe, 12 février 1911. Bien entendu, un artiste habite une des chaumières !
517 Au 34 Decrès et 139 Vanves, Le XIVe, 16 décembrer 1899.
518 C. A. Bourceret, « Les transformations du quartier de Plaisance et l’Assistance publique », Le XIVe, 18 juin 1898.
519 Affiche Messimy, 1906, APP, BA 232. Notons aussi des forges, selon Maurice Théry, « Une forge », Le XIVe, 22 avril 1899.
520 « Que sera-ce quand les fortifications auront disparu ? » s’inquiète le conseiller municipal du Petit-Montrouge, Poirier de Narcay, « Les espaces libres », Le Républicain du XIVe, 1er octobre 1905.
521 Il sert surtout aux habitants du XIIIe, selon le conseiller municipal, « Les espaces libres », art. cité.
522 Compte rendu de mandat de Pannelier, Le XIVe, 26 avril-2 mai 1904.
523 Elle est doublée, mais avec beaucoup moins de force, de demandes de vélodromes ou pistes pour les bicyclettes dans les programmes des candidats.
524 Lettre d’Albert Taulin, citée, 1971.
525 Souvenirs C.B., RH XIV, 1981.
526 Le Vieux de Plaisance, « Pourquoi je suis gouvernemental », Le Républicain du XIVe, 15 mai 1905. journal nationaliste.
527 Eugène Lebœuf, « Le cinquantenaire d’une paroisse », Le XIVe, 8 avril 1899.
528 Le Vieux de Plaisance, Le Républicain du XIVe, 1er juillet 1905.
529 Le Vieux de Plaisance, « Ce que je crains le plus », Le Républicain du XIVe, 15 juillet 1905.
530 A. L’Esprit, « À travers le XIVe- Nos anciennes barrières », L’Informateur du XIVe, 3 mai 1914. L’Esprit se réfère à L’Illustration de 1852 et aux Tableaux de Paris de Texier de 1853.
531 Le Vieux de Plaisance, art. cité, 15 mai 1905.
532 C. A. Bourceret, Le XIVe, 18 juin 1898.
533 Lettre de Y. Barré, citée, 17 mai 1914.
534 Le Vieux de Plaisance, art. cité, 15 juillet 1905.
535 L’Écho de Plaisance, décembre 1899. Le journal présente ainsi des historiques des associations et œuvres ou écoles paroissiales.
536 Le Vieux de Plaisance, art. cité, 1er juin 1905.
537 A. L’Esprit, art. cité, 10 mai 1914. L’auteur cite un article du Mois du 1er mars 1849 d’Alexandre Dumas père.
538 « Le cinquantenaire de Notre-Dame de Plaisance », L’Écho de Plaisance, avril 1899. E. Lebœuf, « Le cinquantenaire d’une paroisse », Le XIVe, 8 avril 1899.
539 « Relation de la délivrance de M. l’abbé Blondeau, curé de Plaisance et premier otage de la Commune, Paris le 27 octobre 1871 », publié dans L’Écho de Plaisance, juillet 1900.
540 « Le cinquantenaire de Notre-Dame de Plaisance », L’Écho de Plaisance, avril 1899.
541 Messimy, Mes souvenirs, op. cit.
542 Au 13 rue Niepce. « Anniversaire du 18 mars 1871 », L’Humanité, 22 mars 1908.
543 « Au cimetière Montparnasse », L’Humanité, 3 juin 1912.
544 24 février 1900.
545 Le Vieux de Plaisance, art. cité, 1er juin 1905. Dans un autre article, il évoque ses vaines tentatives de résistance en 1898 contre la destruction du parc, Le Républicain du XIV, 15 septembre 19C5.
546 A. L’Esprit, art. cité, 24 mai 1914.
547 L’Informateur du XIVe, 3 mai 1914.
548 « Trop vieux ! », Le XIVe Républicain, 24 février 1900.
549 Le Vieux de Plaisance, « Ils disent que je ne suis qu’un vieux fou ! », Le Républicain du XIVe, 1er juillet 1905.
550 Souvenirs C. B., RH XIV, 1981.
551 Lagrange, art. cité.
552 Roubaud, op. cit., 1927. Cet immeuble ressemble à celui de la rue de la Sablière où habitent deux pauvres sœurs, « Prix de vertu », Le XIVe, 5 novembre 1898.
553 Cf. Maurice Thiéry, « En garni », Le XIVe, 19 novembre 1898.
554 Souvenirs Descotils, RH XIV, 1977.
555 C. A. Bourceret, « Les transformations de Plaisance et l’Assistance Publique », Le XIVe, 18 juin 1898.
556 L’expression est de Dufresne, RH XIV, 1998.
557 « Ils disent que je suis devenu lou ! », Le Républicain du XIVe, 15 juin 1905. Contre les entassements, ibid., 15 août 1905.
558 Aimé Passeriau, « Le XIVe artistique et littéraire », Le Journal du XIVe, 12 février 1911.
559 31 janvier 1899.
560 C. A. Bourceret, « La tranformation... », art. cité.
561 On peut encore la voir. Cf. Myriam Bacha, Le 14e arrondissement, itinéraires d’histoire et d’architecture, Paris, 2000.
562 La Semaine du XIVe, 10 juin 1910.
563 Le 4 décembre 1910.
564 Compte rendu de mandat de Pannelier, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
565 Selon Le Journal du XIVe, 19 février 1911.
566 Hélène de Bucé, petite malade de Saint-Joseph, évoque « cette rue Pierre Larousse si longue et monotone », La Revue d’un passant, avril 1906. Cf. aussi Salmon, Montparnasse, 1950, qui évoque « ses murs sans joie ».
567 V. Lecerf, « Pour Plaisance », Le XIVe, 4 novembre 1899.
568 Périlhou, « Revendications », Plaisance-Montparnasse, 21 janvier 1899.
569 Affiche Dennisson, 1898, APP, BA 674.
570 Tract Grisel, 1898, APP, BA 690.
571 « Attention », L’Écho de Plaisance, octobre 1898.
572 Le Quatorzième, 28 novembre 1899. Le même journal se dit heureux de l’élection de Pannelier, qui va répondre « aux multiples revendications d’un quartier aussi déshérité que Plaisance », 10 octobre 1898.
573 Le sentiment d’être un quartier excentrique est souvent formulé : pour Pannelier, la majorité est hostile aux « quartiers excentriques », Le Quatorzième, 26 avril 1904, « en ma qualité de représentant d’un quartier excentrique », ibid., 9 novembre 1905 ; Le XIVe, lui, consacre une série de petits articles de Maurice Thiéry aux « quartiers excentriques ».
574 « Échos », Le Quatorzième, 18 novembre 1902. Cf. aussi H. Delon, « La rue jonquoy », ibid., 22 décembre 1901.
575 La Semaine du XIVe, 10 juin 1900.
576 « Les transformations de Plaisance et l’Assistance publique », Le XIVe, 18 juin 1898.
577 Compte rendu Pannelier, Le Quatorzième, 26 avril 1904.
578 Affiche Derangeon, 1912, APP, BA 1457.
579 La création de l’école d’infirmières de Léonie Chaptal lui vaut un article du Figaro du 18 janvier 1905.
580 L. W., « Plaisance et... ailleurs », Le XIVe, 16 juillet 1898.
581 Éric Besnard, « Enquête sur la séparation... », art. cité, Le Siècle, 21 mars 1905.
582 « Chronique provinciale », L’Écho de Plaisance, mars 1904.
583 Médailles au patronage Saint-Paul, à la salle Jeanne d’Arc, à l’œuvre ouvrière du Rosaire, à Soulange-Bodin pour l’ensemble de son œuvre, « Notre-Dame du Travail à l’Expo », ibid., septembre 1900.
584 Le Cri social, 4 mars 1900.
585 L’Écho de Plaisance, janvier 1899.
586 « Les enfants de chœur à la grande roue », ibid., novembre 1898.
587 Poème de Moulin à Soulange Bodin, ibid., juillet 1899.
588 Nous respectons scrupuleusement le texte initial et son absence de toute ponctuation ; cf. Yvan Bella-dame, « Cartes postales anciennes », RH XIV, 2003.
589 Alexandre Arsène, « La vie et l’œuvre d’Henri Rousseau, peintre et ancien employé de l’octroi », Comœdia, 19 mars 1910.
590 Après Viollet et Léonie Chaptal, c’est au 92 rue du Moulin-Vert que Camille Risch fonde en 1913 les Éclaireurs de France. Et c’est à Plaisance que Jean-Paul, le héros catholique social du premier roman de François Mauriac, se rend pour rencontrer un ouvrier catholique, L’Enfant chargé de chaînes, Paris, 1913.
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