Chapitre 3. Misère misère (1871-1897)
p. 73-190
Texte intégral
1Pendant un quart de siècle, Plaisance connaît une croissance démographique brutale, plus rapide que celle des autres quartiers de l’arrondissement : 30 000 habitants en 1870, près de 60 000 en 1896. En même temps, le bâti étend son emprise vers le sud, se renforce dans les interstices encore libres.
2Dans une certaine mesure, la période qui suit et qui court jusqu’à la guerre ne se différencie pas de ce mouvement d’urbanisation. Mais le contexte économique et social joue alors un rôle clé. Jusqu’en 1897-1898, une crise terrible sévit à Plaisance, qui donne à notre quartier un visage bien souvent misérable alors même que sa population se prolétarise et que les usines viennent s’installer. À compter de la fin du xixe siècle, un mouvement de lente amélioration de la condition plaisancienne s’amorce.
3La crise sociale accentue la crise urbaine, violente à Plaisance, d’un quartier toujours plus banlieusard que parisien, par bien des côtés, et dans tous les cas sensible à sa marginalité dans la grande ville. Plaisance devient alors le terrain de prédilection d’un certain boulangisme et de l’action catholique.
Le nouveau paysage
La confusion des territoires
4Nous avons vu que Plaisance était né comme écart de Vaugirard vers 1840, puis que, en 1860, Haussmann avait créé le quartier administratif avec des portions de Vaugirard, de Montrouge et de Vanves. Ce quartier ne peut se concevoir de ce seul point de vue administratif. On ne saurait avancer dans ce chapitre sans commencer par aborder les questions de la construction d’un territoire-quartier.
5On peut concevoir le quartier du point de vue d’un ensemble de pratiques ; le quartier, c’est là où l’on fait ses courses au quotidien, où l’on met ses enfants à l’école, où l’on se déplace à pied, etc. On peut alors tenter des cartographies d’indicateurs de proximité et construire des quartiers-praxis (avec d’éventuels chevauchements car les cartes ne se recoupent jamais parfaitement). On peut concevoir le quartier aussi comme une communauté sociale, une culture (ensemble de paramètres communs aux habitants d’un espace, de la profession aux origines par exemple). Bien sûr, il n’y a jamais de quartier pur.
6On peut aussi concevoir le quartier comme une identité locale ou une assignation topographique (auto-assignation ou assignation par d’autres) : j’habite à Plaisance, je suis de Plaisance, ce fait divers a eu lieu à Plaisance. Avec des degrés de précision : à Plaisance, dans le quartier de Plaisance, etc. Avec des phénomènes encore d’inclusion en poupées russes (de Plaisance et du XIVe) (de la rue de Vanves et de Plaisance) ou de recoupement/association (du Maine, de Plaisance et Montparnasse...). C’est sur cette question que nous voulons réfléchir d’abord.
7Sans doute, en 1870, dix ans seulement après l’annexion, on ne peut guère attendre que Plaisance soit clairement identifié et assumé. Mais on peut s’interroger sur une possible évolution dans les vingt-cinq ans qui nous concernent ici. Force est de constater que c’est bien la confusion qui domine toujours dans les identités territoriales locales dans ce quartier en pleine croissance, à une exception importante près qui n’a pas produit encore tous ses effets, le politique.
8On pourrait partir pour notre propos d’une institution importante, la paroisse. Créée en 1848, pour l’écart de Plaisance de la commune de Vaugirard, elle ne connaît pas de changement sensible de ses limites pendant les années de la Grande Dépression : son territoire empiète toujours sur le chemin de fer et, de ce fait, sur le XVe arrondissement. Encore en 1897, le curé Soulange-Bodin doit se préoccuper du catéchisme chez les Franciscains de la rue des Fourneaux1. Inversement, le territoire de la paroisse ne dépasse toujours pas la rue de Vanves, laissant la partie orientale du quartier administratif de Plaisance (la rue Didot, la rue des Plantes...) sous la dépendance de Saint-Pierre-de-Montrouge. Au bilan, le Plaisance paroissial ressemble beaucoup au Plaisance de Vaugirard. Sans doute, les Plaisanciens sont fortement déchristianisés, nous le verrons, mais la paroisse fixe un cadre territorial et identitaire non négligeable, construisant un petit Plaisance débordant légèrement sur le XVe arrondissement.
9Sans doute les protestants comptent-ils moins, mais leur territoire mérite le détour, tant il est différent de celui des catholiques. L’Église réformée de Paris a pour cinquième paroisse : « PLAISANCE2 » depuis 18603. Mais si son siège est bien à Plaisance (97 rue de l’Ouest), son territoire est, nous l’avons vu, considérable : l’ensemble des XIIIe, XIVe et XVe arrondissements. Écoles, salle d’asile, orphelinat de jeunes filles, bibliothèque sont installés à proximité du temple. Plaisance est donc le centre géographique et le lieu de rayonnement et d’animation d’une paroisse immense, qui s’étend bien au-delà du quartier. « Église réformée de Plaisance », voilà qui sonne bien et fort, voilà qui évoque le nom de notre quartier, mais qui définit un territoire dix fois plus grand !
10Chez les associations, la confusion des territoires domine aussi : la chorale de Plaisance a son siège à Montparnasse, les carabiniers de Plaisance tirent à Montparnasse, la coopérative L’Avenir de Plaisance a bien son siège dans le quartier, mais ses fondateurs sont du XVe arrondissement et nombre de ses membres viennent de tout le XIVe.
11Au moins « Plaisance » désigne bien, sinon le quartier administratif précis, du moins un espace. Il y a bien un territoire plaisancien, parfois réduit par rapport au quartier administratif, parfois le dépassant, parfois le chevauchant. Le fait n’est pas seulement institutionnel ; il est langagier. Mais il est fréquent que des lieux officiellement plaisanciens soient attribués à Montparnasse. Par exemple, les petites rimes de Clovis Pierre dans Le Montrougien, consacrées à Montparnasse, évoquent certaines goguettes ou certains moulins qui concernent Plaisance, comme le fameux moulin janséniste, en haut de la rue de Vanves4. Le journal socialiste du XIVe, Le Cri social, se réjouit que les chansonniers « viennent de créer à Montparnasse des soirées littéraires sous le nom de soirées du Moulin de Beurre... Le quartier où habitent aujourd’hui tant d’artistes poètes et peintres était totalement dépourvu de réunions de ce genre... Montparnasse, d’ici peu, n’aura rien à envier à Montmartre5... ». Mais le Moulin de Beurre est plaisancien et annexé ainsi à Montparnasse ! Dans un tout autre registre, Le Petit Parisien évoque les bagarres entre bandes des « quartiers de Montparnasse et de Vaugirard ». Mais la bagarre implique des jeunes de la rue de Médéah, de la rue Vercingétorix et du passage des Thermopyles6, tous de Plaisance donc.
12Il arrive aussi que des lieux plaisanciens soient attribués à Montrouge, comme ce passage de La Lanterne évoquant une personne qui « habitait rue Pernetti [sic] à Montrouge7 », ou Le Phare du XIVe qui décrit « une petite chambre dans une maison de la rue Maison-Dieu à Montrouge8 ». À vrai dire il y a sans doute là une trace du passé des communes suburbaines car la rue Pernety et la rue Maison-Dieu appartenaient à Montrouge avant l’annexion9.
13L’inverse est beaucoup plus rare comme lorsque Le Petit Parisien évoque un assassinat « rue du Champ-d’Asile à Plaisance10 ». Or cette rue (actuellement rue Froidevaux) est au Petit-Montrouge.
14La question des limites ne saurait être la clé de la validité d’une identité. (Mé)connaître les frontières d’un territoire ne signifie pas toujours (mé)connaître un territoire. D’autant qu’à l’évidence, entre Montparnasse et Plaisance la frontière est toujours floue11 et qu’autour de l’avenue du Maine12 débouchent des deux côtés des rues (Gaîté, Vandamme...) où se cristallise un quartier – non officiel – « du crime et du plaisir » que nous décrivons plus loin dans ce chapitre. Il recoupe un peu le quartier des artistes, qui est plus vaste cependant et qui se définit par addition comme cette évocation des modèles italiens dans « les quartiers de Montparnasse et de Plaisance13 ».
15Là, il est impossible de ne pas faire leur part aux pratiques des Plaisanciens, surtout les jeunes, qui ont coutume d’aller le soir se distraire rue de la Gaîté et à Montparnasse, sans compter que les principales réunions doivent se tenir dans des salles de Montparnasse (le théâtre Montparnasse, la salle des Mille colonnes...). A contrario, le héros d’une petite nouvelle parue dans L’Observatoire14, habitant le VIe arrondissement, jeune noble « allant dîner chez un de nos collègues qui habitait le quartier de Plaisance, lit en passant l’affiche du théâtre Montparnasse ». La synergie au quotidien de Montparnasse et de Plaisance accentue cette tendance à la confusion des deux quartiers, souvent au seul profit symbolique du premier.
16Au bilan, il est cependant possible de dire que Plaisance, quartier à peine visible vers 1870, devient lentement et inégalement un quartier reconnu.
17Ainsi une lettre est-elle signée d’un habitant de « la rue du Château – Paris – Plaisance15 ». Tout à fait à l’autre bout de la chaîne des émetteurs, l’auteur de Paris moderne16, grosse entreprise de compilation de faits parisiens, évoque la création en 1887 de l’hôpital Saint-Joseph « à Paris-Plaisance », ou Le Petit Parisien traite d’un fait divers « dans le quartier de Plaisance17 », sans plus de précision. La reconnaissance de Plaisance par la presse locale est aussi significative. Le Montrougien, journal du Grand et du Petit Montrouge et des communes de Sceaux..., à sa création en 1886, devient organe de Plaisance (cité en premier) – Montparnasse – Santé – Grand Montrouge et des communes de Sceaux... en 1892. En 189518, Le XIVe arrondissement, créé en janvier 1894, annonce la création d’un comité de Plaisance et que le journal va davantage parler d’un quartier à forte population19.
18Bien d’autres facteurs expliquent cette tendance à une reconnaissance. Il faut accorder toute sa place à l’image forte et positive construite par les actions sociales. De l’œuvre Furtado-Heine, « ensemble exceptionnel à Paris20 », aux œuvres catholiques, en particulier celles du Rosaire de l’abbé Solange-Boudin, qui font l’objet de brochures flatteuses : « Les œuvres du Rosaire, à Plaisance, constituent véritablement un college settlement21. » Dans un article de 1893, l’œuvre de « Notre Dame du Rosaire de Plaisance », « dans le faubourg de Plaisance », est présentée comme un modèle qui « devrait s’étendre à tous les faubourgs de Paris22 ». La gloire est atteinte quand le deuxième Congrès ouvrier catholique de la région parisienne a lieu à Plaisance en 189623. Plaisance va devenir un terrain d’action et d’études privilégié des catholiques dans ces années et au tournant du siècle.
19Ceci ne fait toutefois pas de Plaisance un quartier toujours reconnu. Encore en 1897, Eugène Dupuis, dans un article sur « Le XIVe, ses trois tronçons24 », ignore entièrement tout ce qui est à l’ouest de la rue des Plantes ! Dans Paris nouveau, sorte de grand guide illustré de la capitale, Plaisance n’est présent que par une vignette (sur 1 879) et encore la rue présentée, la rue Maison-Dieu, est-elle indiquée comme « faisant partie du nouveau quartier ouvrier élevé entre l’Observatoire et la gare Montparnasse25 » dont le nom est ignoré ! Encore en 1896, la première société historique locale, intitulée Société historique de Montrouge et des communes environnantes, en fait une société d’histoire du XIVe arrondissement, méconnaît Plaisance.
20C’est que Plaisance a beaucoup à surmonter. Le quartier reste une marge de la capitale. Dans un texte de 1951, René Héron de Villefosse, évoquant « Paris au temps des Pasquier » (allusion au roman de Duhamel qui se déroule dans le quartier en 1892), peut écrire que le roman se situe dans :
Le pluvieux noyau de la rue Vercingétorix, de la rue du Château – personne n’a jamais su lequel –, de la rue de l’Ouest, aux noms imprécis, aux frontières indécises, banlieue de Vaugirard, sol sans légendes, terre sans monument, haleine opaque de la capitale26.
21La lecture de ce texte renvoie sans doute aussi à des mécanismes mémoriels et méritera un autre examen dans notre chapitre sur l’après Seconde Guerre mondiale. Mais il pose bien l’illisibilité du quartier dans les années 1890, qui se rencontre aussi dans une des poésies de Clovis Pierre en 1895, intitulée « Plaisance-Le passage Duclos27 ». L’auteur s’amuse à perdre le lecteur, « il faut trouver Plaisance pour trouver le passage Duclos », pour aboutir près de la zone dans un coin perdu.
22Finalement, ce qui construira un Plaisance symbolique fort sera, non l’administratif28, mais le politique. Avec la Troisième République, le quartier devient le lieu d’une élection municipale régulière (tous les trois ou quatre ans), le conseil municipal de la capitale se composant des 80 élus des 80 quartiers parisiens. Or Plaisance est un quartier qui va s’embraser vivement à la lutte politique. Le cadre créé par Haussmann29 devient alors vivant, vibrant dans un temps où c’est par milliers que l’on se presse dans les préaux des écoles pour écouter les orateurs. Et dans la thématique politique, Plaisance va s’autodéfinir en grande partie comme quartier déshérité contre le Paris des privilèges.
L’industrialisation du paysage
23Sans doute plus que la croissance rapide de la population du quartier, phénomène constant de 1840 à 1914, ce qui semble propre à la période, c’est le développement à Plaisance de vastes établissements industriels alors que le quartier était jusqu’alors un quartier de petites industries et d’ateliers. Désormais l’usine prend ses aises à Plaisance30. Plusieurs causes fondamentales : la première tient de l’espace. En 1870, presque tout le sud de la rue d’Alésia est encore en champs, nous l’avons vu. Et si l’habitat s’y développe, il reste de la place pour les usines, qui apprécient en outre le relief plat du quartier. Au nord même de la rue d’Alésia, il reste aussi des grands terrains disponibles, car les grands propriétaires comme la famille Couesnon n’ont pas encore achevé la vente de leurs biens. La seconde est que le quartier, déjà largement ouvrier, offre une main-d’œuvre appelée à se renforcer par la croissance urbaine ; une population aussi qui rechignera moins aux pollutions usinières31. Enfin, ce mouvement est à situer dans celui, plus général, qui réoriente à la fin du xixe siècle l’implantation des industries vers le quart sud-ouest de Paris et de sa banlieue.
24Examinons les principales installations plaisanciennes, maintenant toutes disparues.
Les usines Bréguet
25Vieille famille industrielle depuis le xviiie siècle, horlogers installés autrefois île de la Cité, les Bréguet, dans les années 1870, commencent à s’intéresser aux nouvelles productions électriques, dynamos, téléphones, électricité, turbines, projecteurs, lampes. En 1881 est créée Bréguet SA, qui s’installe 19 rue Didot ; une usine modèle et moderne aux charpentes métalliques avec une machine génératrice qui sera présentée à l’exposition de 1881. On y fabrique des lampes électriques, des téléphones, des sonnettes électriques... En 1889, 250 ouvriers y travaillent, participant pour la moitié, dans cette entreprise paternaliste, aux bénéfices32. Progressivement l’usine s’étendra sur tout l’îlot Didot-Eure-Hippolyte Maindron.
Les ateliers de la Belle Jardinière
26Un des plus grands fabricants et vendeurs de confection de Paris s’installe à l’angle de la rue Didot et de la rue d’Alésia33 dans les années 1890. Ce sont d’« immenses ateliers34 » aux yeux d’un contemporain. Tôt inscrits dans le quartier avec l’Harmonie de la Belle jardinière, qui multiplie concerts et bals dans le quartier35.
Les usines Ernault36
27À l’origine, la maison Colmant, qui fabrique de l’outillage mécanique depuis 1863, installée rue Turgot, part au 33 rue de la Tombe-Issoire avant de se fixer en 1890 au 169 rue d’Alésia. En 1892, la maison est absorbée par H. Ernault, qui va lui donner une grande extension, l’usine s’étendant rue Jacquier, rue Bardinet et rue de l’Abbé Carton. L’usine produit tours, engrenages, pièces de mécaniques, machines... Elle aura 250 ouvriers en 1907.
La future Société des mines de bitume et d’asphaltes
28Sa première usine est installée dans les années 1880 au 191 rue d’Alésia. Cette usine sera vite célèbre à Plaisance par les odeurs et la pollution qu’elle dégage37.
Les ateliers du timbre-poste38
29La croissance énorme du trafic postal fait que la fabrication des timbres dans les ateliers de la rue d’Hauteville doit se décentrer. C’est le boulevard Brune qui est le site choisi, accueillant progressivement des ateliers dans les années 1880, avant que la fabrication des timbres ne s’y concentre entièrement en 1895. 300 ouvriers vont travailler dans ces ateliers, typographes, dessinateurs, graveurs, imprimeurs...
30Le bilan est impressionnant, cinq établissements importants avec de grands noms de la métallurgie auxquels il convient d’associer les plus petites entreprises qui s’établissent dans ce nouveau quartier industriel39 dont la rue d’Alésia, la rue Didot et le boulevard Brune constituent les axes, désormais animés des mouvements des ouvriers et des employés. La cheminée, les grandes façades impressionnantes deviennent des éléments clés du paysage de Plaisance, surtout au sud-sud-ouest du quartier.
La fin de la campagne – la résistance du campagnard
31Tous les témoignages et l’examen des cartes concordent pour attester le recul des champs, des terres cultivées, des terres maraîchères au fur et à mesure de la progression du bâti urbain vers le sud du quartier. Lucien Deroye constate la disparition de vastes terrains de culture autour de la rue des Plantes40 ou dans le quadrilatère Didot-Alésia-Plantes-Brune où « il y a quelques années encore, l’on ne voyait que des chantiers ou des cultures maraîchères et seulement quelques maisons sans importance41 ». C.-A. Bourceret note que le territoire de Plaisance, encore suburbain à la fin du Second Empire, encore couvert de champs de blé « émaillés de coquelicots et de bleuets », est devenu en 1898 presque entièrement bâti42.
32Toutefois, certains constatent que, un temps, le champ laisse place aux terrains vagues (forme urbaine que nous retrouverons à l’époque de la destruction un siècle plus tard). En particulier au sud de la rue d’Alésia jusqu’à la porte de Vanves, on trouve encore en 1896 « d’immenses terrains vagues43 » ; fait confirmé par Bergeron en 1897, qui voit la partie méridionale de la rue de Vanves longée de grands murs cernant des terrains vides44.
33Si la campagne se retire de Plaisance, sauf en son extrême midi, elle laisse sur le paysage quelques buttes témoins. Un certain type d’élevage, en premier lieu. Nourrisseurs et vacheries résistent, voire reviennent en ville, au grand dam des hygiénistes de la commission d’hygiène et de salubrité de l’arrondissement : ce « genre d’industrie continue de se développer dans l’arrondissement, non sans inconvénient pour la santé publique45 ». Cet élevage en claustration serait une cause de la tuberculose46. Des vacheries sont signalées, 42 rue de Gergovie, 124 rue Vercingétorix, 199 rue de l’Ouest et le conseiller municipal de Plaisance, Girou, demande une meilleure évacuation des égouts au voisinage d’une vacherie rue Maison-Dieu47. La présence d’un nourrisseur au 130 de la rue du Château conduit à des tas de fumier et de paille dans la cour48. Si les activités maraîchères diminuent, en 1878, il y a encore un maraîcher rue d’Alésia49.
34Bien entendu, Plaisance résonne du chant des coqs et poules des poulaillers. Mais il y a aussi des pigeonniers, des clapiers à lapins, des oies... Des professionnels présentent leurs plus beaux spécimens au concours agricole du palais de l’Industrie en 189150. Mais il y a aussi les vols signalés dans des poulaillers plus modestes51.
35La campagne à la ville, ce sont aussi les arbres qu’il faut tailler dans les cours52, les lilas et les vignes vierges53, les cerisiers54 et les récoltes volées55. Verlaine nous décrit en 1886 sa chambre à Broussais dont « les fenêtres donnaient sur un jardin d’horticulteur riverain du chemin de fer de ceinture. Un rang d’acacia joue la lisière d’un bois56 ». Moins campagnardes les industries alimentaires, moulins industriels, rue du Moulin vert57 ou fabrique d’huile d’olive rue d’Alésia58. Au contraire les couleuvres qui envahissent des jardins de la rue Vercingétorix en 1893 montrent une nature plus sauvage59.
36Ces buttes témoins de la campagne dans la ville, nombreuses à Plaisance, font-elles aussi le Plaisancien ? En partie : évoquant les Montrougiens annexés, un éditorialiste écrit encore en 1886 qu’« en grattant chez vous le Parisien, on retrouve bien vite le campagnard60 ».
Misères et violences
La grande misère
37Les historiens ont baptisé la période 1873-1896 « la Grande Dépression ». Mais pour Plaisance, c’est l’expression « la grande misère » qui conviendrait le mieux. Sans doute Plaisance n’est-il pas le quartier le plus pauvre de Paris ; mais Bertillon le situe en 1871 dans les vingt et un quartiers « très pauvres » de Paris61. La carte (postérieure62 mais valable sans nul doute au niveau du classement pour toute la Troisième République) de la tuberculose situe Plaisance parmi les six quartiers les plus touchés par ce fléau social. Celle des revenus moyens par ménage en 1901 fait de Plaisance le onzième quartier le plus pauvre de Paris. Avec 1 340 F, cette moyenne est près de deux fois inférieure à celle du quartier Montparnasse (2 350 F)63. Cette histoire n’est ainsi pas seulement celle de Plaisance mais celle de ces quartiers parisiens misérables dont Plaisance est un avant-poste, quelque peu isolé, au sud-ouest de Paris. Les contemporains sont bien conscients de cet état de fait et, en 1893, un article rappelle que Plaisance est un des quartiers où sévit le plus la tuberculose64. À l’occasion de l’inauguration de la crèche, son fondateur, le républicain socialiste Jeannon, déclare que « la population de ce quartier est très pauvre65 ». D’autres constats sont tout aussi accablants, des « centaines de miséreux » se pressent tous les soirs à la soupe populaire du 159 rue de Vanves66 ; et Soulange-Bodin, le curé de Plaisance, même s’il s’en prend aux faux pauvres qui se tiennent mal et qui abaissent les vrais pauvres, constate que « chaque matin » ils ont rempli « la nef du Sacré Cœur, attendant dans un demi sommeil ou une douce causette, le moment de “toucher”67 ». Il propose une interprétation classique liée à la croissance urbaine : les indigents « sont nombreux dans nos faubourgs. Depuis que les embellissements du centre de Paris les ont chassés de l’ancienne mansarde où ils avaient encore une bonne parole et une aide efficace des riches de la maison, ils se sont réfugiés en masses compactes dans les quartiers excentriques68 ». Bonne compréhension des effets de l’haussmannisation, qu’il faut sérieusement nuancer par le fait qu’un nombre très élevé de Plaisanciens sont des arrivants de province.
38D’ailleurs, qui sont ces pauvres, ces miséreux ? Un observateur catholique des œuvres du Rosaire, au sud de Plaisance, observant le public qui vient consommer les soupes populaires l’hiver (entre 300 et 800 personnes), le divise en deux : ceux qui viennent acheter et repartent consommer chez eux, qui ont donc un domicile, et les autres, qui mangent sur les bancs, « les inconnus, foule bariolée, composée de provinciaux dévoyés, de repris de justice ou des victimes nombreuses du chômage, de l’âge ou de la maladie69 ». Description assez courante du « pauvre » au cours du xixe siècle où se mélangent situation sociale et normes morales. Les sources permettent de repérer quelques types de ces miséreux. Chômeurs et chômage, souvent première cause, souvent cumulée avec d’autres.
39Voici V. Boulinat, 34 ans, demeurant 16 rue de Plaisance, ouvrier graveur, en mauvaise santé, qui ne travaille plus que par intermittence, marié avec une femme lingère. Il a trois enfants qui ont « souvent seuls un morceau de pain à se partager ». Désespéré, il se suicide devant son fils Paul de 3 ans70. Misérabilisme d’un journal socialiste ? Mais voici aussi la veuve G., 66 ans, chômeuse, qui s’est jetée dans la Seine71. Trouver du travail, une urgence comme on peut le voir aux Établissements Lejean, sis 200 rue d’Alésia, fournisseurs pour la cavalerie des balayeuses de la Ville de Paris :
De pauvres diables couchaient sur les bancs qui se trouvaient à proximité afin de répondre présents à deux heures du matin, heures du recrutement des conducteurs de chevaux qui commençaient le nettoiement des rues à quatre heures du matin. La journée de travail était de 16 heures et le salaire de 3 francs par jour [25 euros actuels à peu près]72.
40Ne plus travailler, c’est aussi le sort terrible des plus âgés. Ce sont les victimes privilégiées du froid, comme cette vieille de 76 ans morte passage de Gergovie en janvier 189673. Il y a également ce menuisier du 41 de la rue Perceval, âgé de 69 ans, alcoolique retrouvé étendu rue du Départ74. Terrifiant aussi ce vieillard, demeurant 57 rue Julie, découvert mort de froid et dévoré par les rats75. Et celui-ci dont le cadavre est découvert 130 rue du Château et « qui s’était introduit chez le nourrisseur pour y chercher un abri... y avait creusé un trou dans un tas de fumier et de paille76 ». Son cadavre enfin identifié se révèle être celui de H. Doublet, 60 ans, déménageur, demeurant 24 rue Schomer77.
41Les plus jeunes aussi sont concernés ; souvent l’information est le fait de milieux catholiques ou conservateurs qui s’inquiètent du péril pour l’enfant de la rue ou de la famille brisée. Ainsi Bergeron observe que le patronage est nécessaire car, dans beaucoup de familles ouvrières, il n’y aurait plus le soutien familial apporté aux enfants, et le patronage « arrache le “petit frère” aux dangers de la rue, à l’oisiveté78 ». Soulange-Bodin va tout à fait dans le même sens79.
42Il arrive qu’un enfant soit retiré à ses parents comme le fils M., dont les parents, demeurant 147 rue de Vanves, sont chômeurs et laisseraient leur fils sans surveillance, avec de mauvaises fréquentations80. Que dire du cas des enfants qui subissent de graves traumatismes car laissés seuls ? Emile Bruet, quatre ans, tombé de sa fenêtre du deuxième étage du 116 rue de Vanves, état grave81 ; Y., enfant de cinq ans, rue du Moulin-Vert, gravement brûlé par de l’eau bouillante et décédé également82. Plus âgé, Z., neuf ans, est trouvé ivre mort avenue du Maine ; demeurant rue de l’Eure, il avait bu l’alcool acheté pour son père83. Puis viennent les enfants disparus, errants, abandonnés, au 4 rue Sainte-Eugénie84, au 15 rue du Moulin-de-la-Vierge (treize ans)85, au 28 rue Schomer (neuf ans)86. Ces « petits gueux » sans Noël, comme les évoque l’ancien communard Martelet87, dans un bel article sensible, sont-ils aussi des Gavroche, versant ensoleillé de la misère ?
43Peut-on évoquer des lieux, des métiers ? Sans doute les cités de chiffonniers, concentrées alors près de la voie de chemin de fer, zone aux marges qui donne au quartier une partie de sa personnalité. La cité des chiffonniers de la cité Girodet, d’abord, près du 178 rue de Vanves, cité qui n’a laissé aucune trace dans la voirie parisienne88 ! Mais nous en avons une description par J. Bergeron :
Il n’est pas nécessaire de connaître ce quartier depuis longtemps, pour se souvenir de la cité Girodet. Elle étalait, entre la voie de chemin de fer et la rue, ses huttes informes, faites de démolitions, ayant plutôt l’air de terriers que d’habitations humaines, et dans lesquelles grouillait une population en guenilles, victime de la plus atroce misère89.
44Ou la cité contiguë de la voie de chemin de fer, côté des numéros pairs de la rue d’Alésia. Là, une chiffonnière, Mme Laigneau, a mangé des morceaux de thon ramassés dans une poubelle et est tombée gravement malade90. Lors du grand incendie, au 2or rue d’Alésia, de la menuiserie Columeau, dont les entrepôts de 6 000 m2 de bois longeaient le chemin de fer au Pont-aux-Bœufs, le journaliste observe qu’« on a réussi cependant à préserver 50 maisonnettes de chiffonniers adossées aux chantiers en flammes91 ». Au coin de la rue des Plantes et de la rue d’Alésia, on trouve aussi « l’échoppe puante du chiffonnier-vendeur92 ». En tout cas, le sujet est « porteur », comme on dit, puisque dans une série de gravures représentant les îlots insalubres en 1884, Plaisance est représentée par le dessin d’une vieille chiffonnière portant sa hotte, appuyée sur sa canne, marchant dans un chemin misérable près de cahutes en bois93.
45De la misère, l’alcoolisme est sans doute un signe, mais un signe incertain que l’historien glissera dans son développement sur la misère ou dans sa partie sur la sociabilité populaire. Mais tout de même, il y a des cas qui ne se partagent pas, même si des constructions idéologiques fondent des choix éditoriaux. Ainsi Le Petit Parisien aime à titrer « Folie alcoolique », « Drame de l’alcoolisme », ce qui ailleurs sera titré « Un mari bat sa femme », « Mort dans la rue », etc. Jamais partir des titres donc, sauf pour les systèmes de représentation. Passons donc rapidement sur le tapage nocturne des « ivrognes et errants94 ». Plus tragique déjà, cette femme, Léontine B., 35 rue Perceval, qui prend trois absinthes dès le matin et continue jusqu’au soir95, cette ivrognesse, 73 rue Daguerre, qui embrasse un cheval en livraison96, ce menuisier de 69 ans que nous avons déjà évoqué étendu ivre mort rue du Départ. Il y a aussi ceux, celles qui meurent de l’alcoolisme comme cette ménagère de 41 ans, rue des Thermopyles, morte à Broussais d’un accès de démence alcoolique97. Et cette triste promenade s’achève par les violences des alcooliques qui battent leur femme98, parfois très violemment. Alexis Chollu, 48 ans, placier, demeurant 118 rue de l’Ouest, marié, un enfant, qui passe ses journées en allant d’un débit de boisson à l’autre, coutumier des voies de fait sur sa femme et sa fille, blesse aussi gravement à coups de hache un voisin qui s était ému du bruit qu’il faisait en rentrant chez lui à trois heures du matin99.
46La famille nombreuse, la femme seule sont, le lecteur l’aura déjà ressenti, parmi les figures de la misère. Un lecteur signale au XIVe arrondissement sa visite à une famille pauvre de neuf enfants (plus un bébé adopté), au 27 rue Decrès ; « bien souvent les petits vont à l’école sans chaussure et sans pain100 ».
47Il y a aussi ces vols petits ou minuscules qui signent la misère ou la pauvreté. Vols de nourriture, un pâté au 75 de la rue Daguerre, le voleur rattrapé rue Deparcieux a « eu seulement quelques calottes du public et on l’a lâché101 » ; six gâteaux à quinze centimes pièce (sept euros actuels le lot...) par Marie L., 33 ans, bretonne et fille soumise, à l’épicier du 70 avenue du Maine102. Plus grave, Henri V.-M., 25 ans, né à Paris, marié, deux enfants, concierge au 25 rue de Plaisance, a dépensé 149 F des loyers, en nourriture, dit-il103. Une locataire de 50 ans part à la cloche de bois d’un garni avec un drap de lit estimé à 5 F104.
48Plus bas, la mendicité, le vagabondage. Ils gênent souvent. Ainsi Léon Marius pense que « l’invasion des pilons [lisez mendiants] » fait du tort au quartier et à l’arrondissement105. Il y a ces cas tristes d’emploi d’enfants à la mendicité par leurs parents comme les époux L., en garni, 38 rue Perceval. Le père, souvent ivre, ne travaille qu’irrégulièrement, la mère, couturière, 49 ans, « mauvaise conduite » selon le rapport, les trois enfants de 7, 15 et 18 ans mendient106. Et puis voici les vagabonds qui nous rappellent les temps hugoliens. Louis T., 16 ans, de Meudon107, qui vole des pommes aux étalages de la rue de Vanves et les lance à la figure des passants, Firmin D., 19 ans, des Côtes-du-Nord, qui s’attaque à un plombier108, Lucien D., 66 ans, veuf, neuf enfants, journalier, sans domicile109.
49Parcourons encore ces chemins de la misère avec les « carnets de Séverine ». Trois cas classiques : au 8 passage Tenaille, un veuf, blessé de guerre, sans travail, trois enfants orphelins de mère, la fille aînée amputée, seule en âge de travailler ; au 46 rue Liancourt, une veuve avec cinq enfants, du nourrisson à 10 ans, tout est au mont-de-piété, la mère gagne quelques sous comme nourrice, « c’est la misère noire110 » ; une veuve de 35 ans, quelques coutures, 55 rue de l’Ouest, ne peut plus payer son loyer depuis deux mois, mise à la rue111. Et tout près trois issues, la mort, le suicide, le crime. Une veuve de 40 ans, 59 rue du Moulin-Vert, tente de se suicider avec sa fillette de 10 ans avec son réchaud de charbon. La fillette seule en meurt112. Une couturière, Mme Weitz, 45 ans, en hôtel garni, rue Pernety, meurt de dénuement et de faim113. Et pour finir, Pauline Α., arrivée de Basse-Normandie il y a peu de temps, qui a accouché clandestinement en hôtel rue de Médéah, étrangle son bébé, le cache sous le matelas, part habiter chez sa sœur rue Schomer. Arrêtée, elle déclare qu’elle « ne voulait pas être déshonorée114 ». Le suicide et le crime, les enfants de la misère, si nombreux aussi à Plaisance qu’il nous faudra y revenir.
50À Plaisance, donc, au cœur de l’histoire, ces vies brisées.
Misère sociale, misère du logement ?
51On sait que progressivement, dans le cours du xixe siècle, les urbanistes hygiénistes ont tendu à relier la misère aux conditions de logement, en particulier pour tout ce qui concerne les indicateurs démographiques, sanitaires. On a largement étudié « les maisons qui tuent », en particulier à partir des statistiques de la tuberculose qui conduiront à définir Plaisance – ou une partie du quartier – comme un îlot insalubre. On sait qu’il y a eu parfois des jugements moraux associés à ces analyses, comme ce journaliste qui évoque « les habitations malsaines [...] où l’ouvrier subissait de fréquentes maladies sous l’influence mauvaise de la malpropreté115 ».
52Mais il est indiscutable que des corrélations fonctionnent clairement. Le terrain à Plaisance coûte peu, 50 F le m2 selon le Livre foncier de 1901116, un peu plus qu’à Père-Lachaise ou Saint-Fargeau, mais bien moins qu’au Petit-Montrouge (84 F) ou à Montparnasse (122 F). Corrélativement, l’enquête conduite sur 77 000 maisons parisiennes à partir du casier sanitaire entre 1896 et 1904 (un peu postérieurement à notre période mais sans le moindre doute valable pour quelques années auparavant) définit au cœur de Plaisance un des six premiers îlots insalubres.
53D’autres statistiques ? En 1896117, Plaisance compte seulement 3 697 logements sur 22 811, soit 16 %, possédant un cabinet d’aisance particulier contre 18 % pour la Santé, 31 % pour le Petit-Montrouge et 35 % pour le « bourgeois » Montparnasse. Un des plus bas pourcentages de Paris. La grande majorité des logements ont le cabinet d’aisance sur un palier tous les x étages (66 %) et 18 % des logements n’ont de cabinets que dans la cour ! Il est vrai que 20 % des maisons n’ont pas encore accès à l’eau courante ni même à un puits dans la cour.
54Cette grande misère du logement fait aussi l’objet de nombreuses représentations, comme ce dessin que nous avons évoqué et qui paraît dans la presse en 1884, dans une série « Paris-les îlots insalubres », avec le sous-titre « À Plaisance ». Entassement, hygiène plus que médiocre, tels sont bien les traits de l’habitat plaisancien, comme c’est le cas des autres quartiers pauvres de la capitale.
55Les lieux extrêmes sont les chiffes et les garnis118. Le garni caractérise plus le quartier. Nous n’avons malheureusement pas de statistiques qui nous permettent d’en fixer vraiment l’importance dans notre période. Mais L’Écho de Plaisance est bien conscient que les pauvres « sont devenus les proies des hôtels garnis, une des plaies sociales et morales de notre quartier119 ». L’aspect moral du garni, sa mauvaise réputation, est aussi souvent dénoncé comme cette « grande maison et pauvre maison, véritable ruche ouvrière bondée de femmes et d’enfants [...] un hôtel garni qui n’a de résidentiel que le nom » et qui fournit « ivrognes et errants » que l’on plaint mais qui gênent par les cris, les bruits, le tapage nocturne « dans les rues voisines120 ». Et les drames ne manquent pas, dont la litanie ressemble à celle que nous avons déjà écrite pour le quartier : folie alcoolique d’un ouvrier plâtrier dans un garni de la rue de Vanves121, mort de faim d’une couturière dans un garni de la rue Pernety122, suicide d’un ouvrier imprimeur en garni, 82 rue du Château123, vol à l’étalage d’un garçon maçon de dix-huit ans demeurant en garni 20 rue du Moulin-de-Beurre124, emploi d’enfants en mendicité par des parents demeurant en garni 38 rue Perceval125, innombrables cas d’ivresse et d’outrages. Peut-on aller jusqu’à faire du garni un lieu « hors loi » ou du moins où on ne se plie pas à la loi ? François L., par exemple, 55 ans, en garni depuis dix huit mois, courtier en vins, a cherché à cinq heures du matin, en état d’ivresse, à s’opposer à l’arrestation d’un gamin par un gardien de la paix au 207 rue de Vanves et a crié « vaches, salauds126 ».
56Il y a aussi des lieux moins classiquement évoqués où la pauvreté des constructions est sensible ; c’est le cas des terrains de l’Assistance publique, souvent loués à courte durée, sous-loués dans des conditions douteuses : « Pour qui ne connaît pas notre quartier, il semble, en passant l’avenue du Maine, à la hauteur des trois rues parallèles, Vanves, Ouest et Vercingétorix, que l’on va entrer dans l’Enfer de Dante “ici on laisse tout espoir”. Ce ne sont que “vilaines baraques” rapidement construites, “horribles constructions” qui masquent Plaisance127. Une pétition demande en juillet 1889 « la suppression d’un certain nombre de constructions sordides, établies sur un terrain de l’AP, rue de l’Ouest128 ». À la toute fin de notre période, les terrains où se trouvaient « l’amas de bicoques de l’effet le plus disparate » comprises entre les n°98 et 104 de l’avenue du Maine sont concédés par l’ΑΡ à un grand commerçant qui y fait construire un vaste magasin de nouveautés129. Autre cité tragique, au niveau du 151 de la rue de Vanves, « une sorte de cité formée de misérables cabanes. On y accède par une longue allée dont la porte donne en face d’un poste de police ». C’est là qu’un ouvrier maçon de 50 ans vivant en concubinage avec une femme de 35 ans – tous deux connus pour leur alcoolisme -tue sa compagne qui avait vendu à un brocanteur les effets de son amant130. Viennent enfin les « misérables garbits » des vieux131, les taudis sur cour sans soleil, « vrais foyers de putréfaction où les microbes typhoïdiques peuvent se propager par milliards surtout dans les rues Jolivet, Poinsot, Daguerre, Deparcieux, de Cels et certains petits passages de la rue de Vanves132 ». Mais le sud du quartier n’est pas mieux loti, comme nous le montre cette description, sans doute un peu imprégnée d’un certain misérabilisme présent dans les milieux catholiques :
À la limite indécise où finit la grande ville, où commence la banlieue », le quartier de la porte de Vanves se composait en 1885 « de masures suintant d’humidité et de saleté, de lugubres terrains vagues entourés de palissades branlantes. De ci de là quelques hautes maisons prétentieuses dont l’apparente propreté est démentie par les loques qui pendent aux fenêtres ; des ruelles au pavé gras où les maisons se touchent ; à tous les coins d’infâmes cabarets où se vendent des poisons multicolores. Dans ce décor d’âpre misère vit, travaille et peine un peuple résigné et las133.
57La statistique nous apprend aussi une vue plus générale. On peut répartir selon le nombre d’étages des maisons le pourcentage de logements disposant d’un cabinet d’aisance en 1896 :
58Les écarts sont impressionnants et répondent parfaitement bien aux phénomènes qu’avait analysés C. Topalov sur le bâti parisien134. Les maisons n’ayant pas d’étage (souvent maison à un ou deux foyers) ont une assez bonne situation. Les maisons ayant un à quatre étages ont un manque dramatique de confort privé (le pire étant atteint avec les maisons de deux-trois étages qui ne connaissent pratiquement pas le cabinet d’aisance particulier). Puis, plus les maisons sont hautes, meilleure est la situation. À la haute maison haussmannienne ou post-haussmannienne en belle pierre de taille s’oppose la maison de peu d’étages mal construite en moellons et mauvais ciments. Cette opposition de taille s’est fondamentalement substituée à l’opposition entre étages à l’intérieur d’une maison. Or Plaisance (comme la Santé) a, en 1896, très peu de grandes maisons de 5, 6 ou 7 étages comme le montre le tableau qui suit. En 1896, Plaisance n’est pas haussmannien. Ou plus exactement il est haussmannisé, mais du côté de l’haussmannisation qui est systématiquement oubliée : la fabrication des taudis pour les prolétaires.
59Sans doute faudrait-il enfin évoquer le sort des vieux et des habitants des hospices et des établissements hospitaliers du quartier, qui seront étudiés plus tard. Mais les échos ne manquent pas de leur misère aussi135.
60Le sentiment d’un bâti médiocre n’échappe pas à la presse locale : « Qu’a donc fait Plaisance pour qu’il semble condamné à n’avoir jamais de maisons en pierres de taille ? » se désole un lecteur du XIVe arrondissement136. Le Cri social dénonce la construction des maisons de rapport137. La construction de ce que nous appelons maintenant « Le Château ouvrier » se situe à mi-chemin. L’immeuble du 69-71 rue de Vanves, construit en 1890-1891 par l’architecte Louis Gauche, est d’une belle modernité avec ses six étages proposant 56 deux pièces avec cuisine et toilettes privées dans chaque appartement. Les deux petites avancées symétriques lui donnent déjà assez belle allure. Mais il s’agit bien d’un immeuble de rapport. Les matériaux disparates n’ont pas la qualité des immeubles en belles pierres de taille, les appartements n’ont ni salle de bains, ni même salle d’eau (on doit se laver avec l’eau du robinet de la cuisine). Un habitat ouvrier privé de qualité moyenne138 donc.
61Au bilan, on sourit du rapport de la commission d’hygiène et de salubrité du XIVe arrondissement pour l’année 1890, qui n’a enregistré que 58 plaintes pour insalubrité dont la grande majorité (39) pour Plaisance, bien sûr, et qui n’a constaté que 11 maisons insalubres (6 à Plaisance) tout en notant des « foyers permanents de contagion » plus larges, et 218 logements contaminés (dont 103 à Plaisance). Le rapport insiste surtout sur les dangers que font encourir au quartier les vacheries, « genre d’industrie qui continue à se développer dans l’arrondissement, non sans inconvénient sur la santé publique139 ». Le Montrougien revient à la charge sur cette question en dénonçant la claustration des vaches qui conduit à des maladies140. Ces visions exactes mais plutôt passéistes de l’habitat et des activités tardent à suivre l’évolution du quartier.
De la misère au drame, avons-nous dit, et en tout premier lieu le suicide ? Plaisance suicidaire ?
62En 1897, Émile Durkheim fondait la sociologie moderne avec un livre demeuré célèbre, Le suicide. Ce travail reflétait l’inquiétude de la société devant ce qui semblait une vague de suicides dans les années 1890. Jamais la mortalité par suicide n’avait atteint un tel niveau (25 pour 100 000 habitants par an – contre 10 cinquante ans auparavant) ; ce chiffre ne sera d’ailleurs jamais dépassé, et le suicide en France ne connaîtra jamais plus un tel niveau, même avec la crise des années 1970-1980. La vague brise un certain mur du silence (mais L’Écho de Plaisance, le journal paroissial, déjà peu friand des faits divers, n’évoque quasiment jamais les suicides). Toutefois nous ne disposons d’aucune analyse, d’aucun essai contemporain qui évoquerait le suicide comme un fait plaisancien – au contraire de la misère. Le suicide est donc d’abord un « fait divers », présenté comme tel dans les rubriques spécialisées. De ce fait, la représentation du suicide favorise sans doute les cas les plus sensationnels, ou pensés comme tels. Ainsi les travaux de Durkheim, qui montrait la prégnance du suicide chez les plus âgés, ne se retrouvent pas dans nos sources presse. Notre sondage des mains courantes ne permet pas de conclusion assurée, d’autant que, curieusement, elles sont très lapidaires sur le sujet. Et le sentiment d’une vague de suicides à tous les âges, et dans les deux sexes, qui ressort de notre source n’établit pas un fait social.
63La forte présence du suicide à Plaisance ou dans la presse plaisancienne pourrait aussi s’inscrire dans la dominante largement séculaire, laïque, voire anticléricale d’un quartier sans Dieu. La montée du suicide a aussi pu être interprétée au xixe siècle, comme une des traductions de la perte de valeurs chrétiennes. Rien ne nous permet d’étayer sérieusement ces hypothèses. Contentons-nous donc de présenter cette image des suicidés et des causes du suicide.
64Six grands paquets de fiches se configurent alors : l’extrême misère, la perte du travail, la maladie des vieux, les veuves, les chagrins d’amour et la folie constituent ces types principaux, sans grande surprise et sans doute sans spécificité plaisancienne. Ce qui est plus notable, c’est que trois de ces types se retrouvent plus particulièrement dans un des journaux que nous avons étudiés. Les causes économiques, la perte du travail dans Le Montrougien, la folie dans Le XIVe arrondissement et les chagrins d’amour dans Le Petit Parisien. Les explications sont claires : Le Montrougien est un journal marqué à gauche – entre radicalisme et socialisme –, Le XIVe arrondissement est un journal catholique ultra-conservateur (et antisémite). Le premier insiste donc assez naturellement sur les responsabilités sociales du suicide, le second ne veut voir dans les suicidaires quasiment que des fous. Quant au Petit Parisien, il vend à ses lecteurs, qui ne sont pas du quartier, ce qu’ils attendent sans doute, du drame vivant. Modèle type du Montrougien, V. Α., 46 ans, mouleur en cuivre, 4 enfants, sans travail, qui s’est jeté dans la Seine141. Modèle type du Petit Parisien, ce tailleur de 52 ans, veuf, demeurant passage de Gergovie, qui a épousé en secondes noces une jeune couturière de 30 ans. La jeune femme meurt de maladie, désespéré, il se suicide au gaz142. Certains aspects de ces suicides renvoient à la question des relations sexuelles dans le quartier sur laquelle nous devrons revenir. Enfin modèle type du XIVe arrondissement, H. P., 46 ans, demeurant 55 rue de l’Ouest, s’est pendu, « il a perdu la raison143 ».
65Chaque journal reconnaît toutefois la détresse des vieux, malades ou usés comme cette Mme B., pensionnaire à Notre-Dame de Bon-Secours, souffrante, qui s’est jetée du 2e étage, ou Stanislas R., ex-artiste dramatique, vieux, habitant « une petite maison de la rue Maison-Dieu à Montrouge », qui s’est empoisonné144. On se rappellera le cas de Tassaert dans sa mansarde de la rue du Château. Même Le XIVe arrondissement peut admettre le suicide d’une femme, au 126 rue du Château, qui s’empoisonne suite à une longue maladie145. Le sort des veuves, que ce soit chagrin personnel ou détresse matérielle, apitoie l’ensemble de la presse. Voici cette veuve de 65 ans, ménagère, 6 rue du Texel, qui s’est jetée de sa fenêtre au 3e étage, demi folle selon Le Petit Parisien146. Enfin la grande misère est évoquée par toute la presse à l’occasion de nombreux suicides. Nous ne citerons pas plus de cas147.
66« Les désespérés », pour reprendre le titre fréquemment utilisé par la presse, de Plaisance, nous les sentons si proches de nous un siècle après. En est-il de même pour ce qui pourrait être la deuxième conséquence de la misère plaisancienne : de la misère au crime ? Du misérable au misérable ?
La criminalité à Plaisance
67Alors là, le crime est partout, lui ! Dans la presse, massivement, mais aussi dans les romans, les mains courantes... Mais il reste peu analysé alors comme s’il ressortissait plus du fait et de l’imaginaire que du discours plus ou moins réfléchi, en tout cas au niveau d’une analyse qui porterait sur le quartier. Était-ce une évidence que, dès lors que l’on avait dit que Plaisance était pauvre, très pauvre, il était criminel ?
68Nos sources nous donnent des indications diversifiées. Les mains courantes donnent à voir surtout la (très) petite criminalité, au quotidien, du tapage nocturne à l’ivresse manifeste, de la vitre brisée au petit vol. Certains aspects importants apparaissent toutefois seulement dans les mains courantes car la presse en parle très peu : tout ce qui concerne les affaires entre patrons et ouvriers, entre logeurs et locataires, très présent dans les mains courantes, disparaît presque complètement de la presse (et pourtant on a des journalistes qui relèvent consciencieusement les mains courantes à l’évidence !). De même, les affaires qui concernent les fraudes (à la qualité ou à la quantité) des commerçants, bien représentées dans les mains courantes, sont quasi absentes de la presse. Un monde donc de relations et de tensions sociales et marchandes qui remettent en cause l’unité du quartier et de ses habitants – censés honnêtes – est caché par la presse, locale en particulier. Tout ceci mérite un examen particulier. De même, une criminalité met en cause les relations sexuelles, de la jalousie aux violences sexuelles, de l’exhibitionnisme aux affaires de proxénétisme et de prostitution. Il y a là un autre ensemble qui mérite un examen propre.
69A contrario, la presse locale, sans négliger les cambriolages ou les vols des boutiques, surévalue les crimes spectaculaires ou les courses-poursuites, bien sûr, mais surtout les agressions, les vols violents et les bagarres, ce qui donne une image assez terrifiante du quartier, ou d’une partie de celui-ci. Le Petit Parisien, lui, aime bien les crimes mystérieux, les bandes de jeunes, les drames amoureux et n’évoque pas le tout-venant du vol...
70Notre propos n’étant pas d’une histoire de la criminalité, nous ne détaillerons pas longuement les innombrables vols dans la rue, à la tire, aux étalages, dans les appartements, qui sont évoqués dans la presse et les mains courantes. Le cambrioleur vole un peu de tout, des liquidités (avec un record exceptionnel à 8 000 F, environ 65 000 euros actuels), des valeurs, des bouteilles de vin dans les caves (fréquemment !), des bicyclettes (25 villa Deshayes148), des chaussures. Il y a souvent de pauvres vols comme ce maçon de la Creuse demeurant en garni 24 rue du Texel à qui on a volé son réveil, son livret militaire, des chemises et des mouchoirs. Il y en aurait pour 20 F149. Je suis frappé par le nombre de vols de poules, de récoltes (cerises, pommes...) qui sont évoqués, autant de signes de la présence de la ruralité dans notre faubourg. Et chez les commerçants ? On vole des sacs de haricots chez l’épicier, des bouteilles au marchand de vins, des petits gâteaux au pâtissier, des pâtés au charcutier, des pommes au fruitier, des paires de chaussettes et des jupons aux Élégants, le nouveau grand magasin du 100 avenue du Maine, et des bicyclettes au loueur de bicyclettes... Généralement, vols à l’étalage, sans violence. Plus grave sans doute, les vols de la caisse ; au hasard aussi on vole les vêtements du marchand de meubles dans son échoppe ; plus organisé, on vole des pièces de bois dans les dépôts de la gare... Tous ces vols, très présents dans les mains courantes, mais signalés succinctement dans la presse locale et absents du Petit Parisien, ne font donc pas images, ni symboliques, ni imaginaires de Plaisance.
71Par contre, la violence est sans cesse évoquée et finit par prendre sens de représentation. « Agression nocturne » au revolver par deux bandits d’une personne devant son domicile 43 rue de Vanves150, attaque rue Vandamme par deux voyous151, agression d’un journalier dans la même rue la nuit où rôdent « tous gens de sac et de corde très mal famés dans le quartier152 », agression face au 120 rue du Château, la nuit, grave blessure153, agression mortelle au couteau et revolver d’un employé de commerce demeurant rue Dauphine, 20 rue de Vanves154, attaque d’une jeune fille par des voleurs rue de Gergovie...
72Une avenue paraît particulièrement propice aux agressions, l’avenue du Maine. À la proximité de la gare, du pont, quelque peu sinistre, du chemin de fer, des entrepôts, d’un côté, et, de l’autre, au débouché de la tumultueuse rue de la Gaîté et de la vie nocturne de Montparnasse, l’avenue est en outre particulièrement sinistre. La proximité du cimetière Montparnasse, au carrefour de la rue Froidevaux, accentue ce sentiment. Agressions, avenue du Maine155, « attaque nocturne » au pont de chemin de fer156, agression nocturne à la gare de marchandises157, agression d’un jeune « naïf », débarqué gare Montparnasse, sous le viaduc par J. Lorne, dit « Le cafard », en garni rue Vercingétorix158... Une affaire fait particulièrement grand bruit en 1895, lorsqu’un homme de trente ans est tué. Marié, père d’un enfant, conducteur de travaux en menuiserie, J.L. est assassiné au coin de la rue du Champ d’Asile et de l’avenue du Maine par toute une bande au couteau. Il semble qu’il ait accepté, avec un ami qui peut s’enfuir, d’être racolé par des filles, rue de la Gaîté, qu’il les ait suivies avenue du Maine vers le cimetière (lieu des amours prohibées...) et qu’il ait ensuite été attaqué par une bande de souteneurs et de filles159.
73Le voisinage des chemins de fer paraît aussi propice au crime. Ainsi un employé de la gare d’Ouest-Ceinture découvre le corps d’un jeune homme de vingt et un ans, journalier, jeté par-dessus la passerelle sur les voies par des voleurs qui seraient ouvriers glaisiers et chiffonniers160 ; un agent d’affaires est attaqué sur le pont du chemin de fer de ceinture, rue des Plantes, « par une troupe de ces infects souteneurs qui pullulent dans le quartier161 ».
74Une autre zone criminelle apparaît, le voisinage des fortifications, le boulevard des Maréchaux. Un rentier est suivi et attaqué boulevard Brune (au 25), son voleur, qui s’est enfui par la rue de Vanves, est rattrapé rue des Arbustes162. Une agression est signalée porte de Vanves163. Une agression nocturne a lieu rue Didot, près du boulevard Brune, d’un mécanicien à qui 75 F sont volés164.
75Il arrive aussi que l’agression concerne un habitant de Plaisance qui a fréquenté certains quartiers chauds, comme ce contremaître, demeurant rue des Plantes, assailli par deux voleurs rue de Lappe165. L’agression à domicile est très rare : une veuve est menacée au revolver par un faux courtier au 52 rue Vercingétorix166. Plus exceptionnel encore, et attirant de ce fait l’attention du Petit Parisien, cet écolier de douze ans, rencontrant rue Sainte-Eugénie trois jeunes gens – M. dit « Bec-Salé », T. dit « Le Vieux » et B. – qui l’attirent dans leur logement, rue de Plaisance, et auraient tenté de l’étrangler167.
76L’examen de ces affaires d’agression, souvent mises en valeur dans la presse locale, montre un temps privilégié (mais pas unique), la nuit, l’intervention très générale de plusieurs voleurs (jusqu’à la bande de dix-douze personnes). Les hommes, souvent des noctambules, mais aussi des promeneurs du quartier, sont presque toujours les victimes.
77L’autre grande forme de violence, fréquemment évoquée par la presse locale, est la bagarre, la rixe, la querelle, voire la bataille. L’issue, souvent grave, en est parfois exagérée : on évoque un « assassinat168 » pour une querelle et un état « assez grave », « un meurtre rue du Château » pour trois coups de couteau sans morts169. La rixe fait intervenir une population plus diversifiée du quartier, prolétarienne sans doute (journaliers, imprimeurs, démolisseurs mais aussi cochers, employés de commerce...). Mais nous nous garderons de toute sociologie professionnelle précise. Ainsi une violente bagarre au 1 rue Sainte-Eugénie, aurait opposé un industriel et un inconnu pour L’Avenir du XIVe170, un pianiste (facteur de pianos ?) et un tourneur sur bois pour Le Montrougien !
78La querelle prend souvent racine chez le marchand de vins : au 37 rue de Gergovie, le débitant refuse de servir « un mauvais garnement ivre », celui-ci sort son couteau171. Il y a aussi les bagarres de bal, comme ce soldat, en permission au 32 rue de Gergovie, qui se prend de querelle au musette de la rue de Vanves172. Mais la majorité des conflits se règlent dans la rue.
79Les bagarres pour des rivalités à propos de filles (publiques ou pudiques) sont nombreuses173, et nous y reviendrons, plus que celles qui ont des origines professionnelles comme ces imprimeurs qui se querellent violemment rue d’Alésia174 ou que les querelles de voirie comme celle qui oppose un cantonnier de la Ville et un charretier175.
80Signes d’une certaine sociabilité, les bagarres se produisent souvent dans les rues principales du quartier ou dans leurs bistrots : rue de Vanves176, rue Vercingétorix177, rue de l’Ouest178, rue du Château179 et encore et toujours l’avenue du Maine180, premier lieu bagarreur de Plaisance. Analysant cette situation, le journal paroissial, L’Écho de Plaisance, tente de l’expliquer ainsi :
On a fermé, rue de la Gaîté, des beuglants ; mais pourquoi les laisse-t-on se rouvrir à deux pas de là, rue Vercingétorix ? Maintenant à minuit, nous avons des batailles rangées à coups de revolver, que se livrent certains messieurs pour le plaisir de certaines dames. Les sergents de ville se promènent l’œil paterne, l’oreille sourde aux détonations181.
81Toutefois, cet article tardif de 1897 ne concerne que la rue Vercingétorix où va s’installer la paroisse. C’est bien avant que la partie nord de Plaisance s’est retrouvée en symbiose avec la rue de la Gaîté, par le biais de l’avenue du Maine comme nous l’avons vu déjà pour les agressions nocturnes et comme nous le verrons pour la prostitution.
82Rares apparaissent les cas où participe au moins un étranger. Un employé de commerce se heurte avec un ouvrier raffineur italien qui l’aurait insulté et agressé au couteau182. Les modèles italiens, fort prisés des artistes alors, sont présents dans deux affaires de 1896. Rue Vercingétorix, un jeune modèle de 15 ans aurait frappé un serrurier de 26 ans183, habitant du sixième arrondissement ; chez le marchand de vins Parlange (71 avenue du Maine), un modèle italien de 28 ans aurait menacé de son couteau un journalier de 38 ans, d’origine italienne également184. Tout ceci ne fait pas nombre, et tout indique que la question immigrée, sous sa forme sécuritaire, n’est pas présente dans le Plaisance de la Grande Dépression, ni dans les faits, ni dans les images.
83Évitons une image folklorique et sociable de ces bagarres, souvent extrêmement violentes et souvent mortelles. Une rixe, chez le bistrot qui fait le coin de la rue de Vanves et de la rue Pernety, oppose un jeune croupier de 25 ans, domicilié chez ses parents, 32 rue de Gergovie, à d’autres personnes, sans doute à propos d’une blanchisseuse ; un des hommes a une épée dans sa canne, le jeune homme est tué185. Un journalier de 30 ans, demeurant 9 cité Raynaud, tue un inconnu au débit de vins du 137 rue de Vanves186...
84Faisons un sort aux rixes avec la police. A la limite de la criminalité et d’une forme de résistance d’un quartier à l’ordre ? Des jeunes chasseurs de moineaux sur les fortifs se battent avec les policiers venus les arrêter187, un charretier alcoolique qui dévalait la rue du Château trop rapidement se bat avec les sergents de ville qui l’interpellent188. Il y a une bagarre lors de l’arrestation difficile de jeunes qui menaient « grand tapage » rue de Vanves189. Certaines violences relèvent clairement de la violence politique et doivent être évoquées ailleurs.
La bande
85Le phénomène paraît ancien et un rapport de 1874 évoque une bande, « la honte de l’arrondissement », qui tient des Thénardier ! Une tireuse de cartes, passage Sainte Marie, près du Moulin Vert, un ratier, chaussée du Maine, et un troisième individu terrorisent et escroquent le quartier190.
86Que ce soit pour les agressions et pour les rixes, la partie nord de Plaisance, au contact de Montparnasse, paraît bien la zone la plus violente de notre quartier, même si la violence est diffuse dans Plaisance. Le même espace apparaît pour ce qui est de la présence d’un des groupes présentés comme facteur de cette violence : la bande. Peut-on définir la bande ? Les petits groupes de deux-trois agresseurs nocturnes de l’avenue du Maine constituent-ils une petite bande, ou doit-on être plus nombreux ? Au-delà des chiffres, une bande, ce serait aussi un groupe qui se réunirait régulièrement pour des activités sociables – et pas seulement, voire pas du tout dans nombre de cas, criminelles ? Avec un chef ? Avec un/des lieux ? Avec des rituels ? Nos sources n’évoquent que la bande criminelle et ne nous donnent à voir que peu de chose de sa sociabilité. Le journal qui évoque le plus « les bandes » est Le Petit Parisien, qui aime à effrayer le lecteur.
87« Le quartier de Plaisance semble avoir été livré, dans ces derniers jours, à une véritable bande de voleurs. Qu’on en juge191. » Là nous voyons la bande a minima, définie seulement par une suite de vols. Viennent ensuite des petits groupes qui semblent définis par des traits socio-moraux : « Porès et quelques vauriens de son âge et de son acabit192 », pour une bande qui sévit entre la rue d’Alésia et le boulevard Brune (le chef habite au 200 rue d’Alésia), côté chemin de fer ; « tous gens de sac et de corde193 » pour une bande de la rue Vandamme (le chef habite au 150 avenue du Maine) ; « bande de jeunes vauriens » que celle de Charles B. (« Roland »), 15 ans194.
88Certaines bandes sont mieux connues, comme cette bande spécialisée dans les maisons et les « poulaillers ». Les voleurs « se retiraient chaque nuit chargés de sacs dans lesquels ils entassaient les poules après les avoir étranglées » et allaient les revendre aux Halles. La bande aurait été constituée de huit personnes dont une femme, elle avait un chef, « La Serrure » (tout un programme), et se retrouvait tous les soirs au 16 rue de la Sablière195.
89La bande, c’est aussi l’occupation ostentatoire de la rue, le « grand tapage » et des arrestations difficiles car les jeunes se défendent face aux sergents de ville comme rue de Vanves, pour la bande de « La Trique » et « Bobosse196 ». La bande manifeste un honneur pointilleux quant aux femmes (là encore nous y reviendrons) comme la bande de « Biribi » (28 ans), qui s’en prend au couteau à un jeune soldat à propos des femmes du bal musette de la rue de Vanves197. Mais il y a aussi des manifestations de violence gratuite : la bande de A. B. dit « Patate », 25 ans, ancien Bat d’Af, tombe au coin de l’avenue du Maine et de la rue de la Gaîté sur un chaudronnier de 42 ans198.
90C’est enfin la défense d’un territoire et d’une identité qui se définit volontiers contre les autres bandes, au point que Le Petit Parisien veut évoquer « une guerre entre arrondissements ». Des batailles rangées sont mentionnées entre souteneurs des Ve et XIIIe arrondissements ou entre « vauriens des quartiers de Montparnasse et de Vaugirard ». On échange des cris : « À bas l’avenue du Maine ! » contre « À bas Vaugirard ! ». La bagarre commence rue de la Gaîté, puis, après l’intervention des gardes républicains, se continue à Plaisance, rue de Médéah, à coups de couteau, de coups de poing américain et de revolver (il y a un blessé grave). La police ne peut arrêter qu’une personne, Olivier Hennessy, 19 ans, demeurant rue des Thermopyles199. Une nouvelle fois, la frontière criminelle entre Montparnasse et Plaisance paraît floue, sinon que Plaisance semble un refuge pour le groupe. Un groupe qui n’est pas toujours proprement plaisancien. Ainsi la bande que nous avons évoquée et qui est responsable du meurtre du Champ-d’Asile en octobre 1895 se composait d’une douzaine de personnes, dont cinq femmes, de 17 à 23 ans. On ne connaît les adresses que pour cinq d’entre eux : un habite Plaisance (au 34 rue de la Sablière), deux autres le quatorzième (rue du Maine et rue Liancourt), les deux autres habitent plus loin encore (dans les XVIe et XVIIe arrondissements). Les deux chefs, « Paulot de Montparnasse » (né aux Halles) et A. C, se déclarent relieurs. A.C. habite rue du Maine mais ses parents sont de Plaisance (comme le « Bubu » de Charles-Louis Philippe), 129 rue de l’Ouest (comme Bubu) Il y a aussi, parmi les hommes, un mécanicien, un graveur et, parmi les filles, une brocheuse, une culottière, une couturière et une prostituée « soumise200 ». Là encore, c’est autour de l’avenue du Maine que le groupe s’organise, ayant ses terrains de la Gaîté au cœur de Plaisance.
Les jeunes
91La bande est aussi un phénomène « jeunes ». Et c’est bien la seule analyse que proposent les essayistes de l’époque que celle du danger moral qu’encourt la jeunesse, en particulier des déclassés et de ceux qui sont laissés à la rue201. Ici, force est de constater que le sentiment que donne la presse d’une jeunesse fournissant de forts contingents à la criminalité est conforté par celui que donnent les mains courantes (pour une criminalité de plus petite envergure).
92Tout-venant, la polissonnerie – ou les incivilités, dirait-on de nos jours... – des gamins (qui n’intéresse pas du tout Le Petit Parisien !) : Pierre A., neuf ans, 66 rue Vandamme, reconnaît avoir jeté des pierres sur la voie ferrée202, ou encore : « La rue Gassendi sert le soir de rendez-vous à une bande de polissons qui lancent des pierres aux passants et même ne se privent pas d’insulter les femmes qui passent203. » Cela peut mal se terminer : une veuve du 146 rue de Vanves est en butte à de mauvaises farces de jeunes gens qui jettent des projectiles sur son chien. Lassée, elle tire des coups de revolver sur eux et blesse un jeune de 16 ans204. Le boulevard Brune et les fortifs attirent beaucoup les enfants et les adolescents. Des gamins de 10 à 16 ans ont volé un vélo au loueur du boulevard205.
93Une chasse « aux pierrots » sur les fortifs tourne mal, interrompue par les agents, les gamins se battent contre eux206.
94Les cas les plus pitoyables sont ceux des enfants abandonnés ou errants. Les lecteurs du Petit Parisien peuvent ainsi lire l’histoire de ce gamin de sept ans, « l’un de ces enfants errants comme le pavé de Paris seul en produit », qui a brûlé une baraque de la fête foraine du boulevard Brune car le commerçant l’avait attrapé207. Moins spectaculaires, car plus âgés (donc moins vendables, plus un criminel est jeune, plus il se vend...), ces jeunes signalés seulement dans les mains courantes, un vagabond voleur de pommes de 16 ans208, un gamin voleur de 15 ans dont les parents demeurant 64 rue du Château ont disparu depuis un mois209.
95Voici donc la litanie des petits vols et des petits voleurs : Jules B., 15 ans, chez ses parents, 53 rue du Moulin Vert210, Albert F., chez ses parents, 16 rue Vandal, « l’enfant est paresseux, mauvaises fréquentations, mal surveillé211 ». Louis S., 18 ans, en garni, garçon maçon212, Ernest C, 18 ans, chez ses parents, 17 rue de Gergovie213... Les filles, beaucoup moins nombreuses, sont représentées par des jeunes filles qui volent leur patron(ne). Eugénie, 16 ans, demeurant chez ses parents, 2 rue Joanès, ne peut résister à la tentation de se parer d’une robe et des bijoux de sa patronne, épouse d’un fabricant de sacs en papier de la rue Vercingétorix pour aller au théâtre Montparnasse avec son amoureux. Arrêtée en plein spectacle, elle tente de se suicider214.
96Les vols des proches par les jeunes suscitent beaucoup l’attention de la presse, qui peut disserter sur la vilaine jeunesse ingrate. « Trop bon cœur », Mme M., marchande de vins rue Daguerre, qui, ayant aidé un jeune homme pauvre, se fait voler sa montre en retour215. Il y a aussi cette vieille femme que trois jeunes de 15, 16 et 19 ans auraient tenté d’assassiner alors qu’elle était leur bienfaitrice216, et pire, ce fils de 20 ans qui menace sa mère pour en obtenir de l’argent au 113 rue de Vanves217.
97On glisse ainsi à la violence, parfois ponctuelle dans ces bagarres que nous avons déjà évoquées où les jeunes se comptent nombreux218, parfois devenue quotidienne ou presque. Eugène, 14 ans, est devenu « la terreur du voisinage malgré son jeune âge ». Fils d’une marchande au panier, surnommé « Chariot » et « Barbe-Blanche », déjà deux fois condamné, il est en outre l’auteur de violences sexuelles (viol d’une petite fille de sept ans, sa voisine, tentative de viol contre une couturière de 17 ans)219. E. G., 13 ans, tente d’étrangler sa sœur, qui l’avait dénoncé220. Rue de l’Ouest, « dans un coquet rez-de-chaussée situé dans une sorte de cour-jardin », un vieux couple de rentiers est victime de la persécution d’un jeune de 17 ans qui habite dans la maison avec sa mère lingère. Après une plainte des vieux, le jeune homme assomme le vieillard, qui décède des coups221.
98Les jeunes sont aussi très bien représentés dans les bandes, celle du Champ-d Asile (9 mineurs sur 10 cas connus)222, ou celle des Trois Henry223. Enfin, ils sont aussi nombreux à être présents dans les affaires de jalousie que nous étudierons dans un propos plus général sur les relations sexuelles à Plaisance. Évoquons seulement deux cas : Auguste C, 17 ans, ébéniste, demeurant 12 rue Couesnon, frappe son ex-maîtresse et lui vole ses effets, 129 rue du Château. Il est arrêté portant un revolver224. Louis P., 18 ans, imprimeur, demeurant chez sa mère rue Saint-Yves, donne un coup de couteau, rue de la Gaîté, à Louise C, 19 ans, fille soumise, demeurant 75 rue de Vanves225. Elle avait été sa maîtresse pendant dix mois. Avait-il été son proxénète ? Rien ne nous le dit dans la source.
Les « julots »
99Nous ne traiterons pas ici de la prostitution plaisancienne mais des aspects du proxénétisme qui font de lui une délinquance. L’association souteneurs-criminalité est vivace dans les années 1880. Ainsi un habitant de « la chaussée du Maine » se plaint il des menaces des souteneurs, à la hauteur de la rue du Château, qui l’ont contraint à s’enfuir jusqu’à Saint-Pierre de Montrouge226. Mais ce sont surtout les violences à l’égard des prostituées qui sont dénoncées, comme ce souteneur de 25 ans qui tatoue au couteau sur le front d’une fille lasse de l’entretenir « Pas de chance227 », et à l’égard de celles qui se refusent à leur céder, comme cette fillette de 12 ans brutalisée par un chiffonnier de 19 ans et un souteneur de Vaugirard228... L’affaire la plus célèbre, qui influença certainement Charles-Louis Philippe, est celle de cette apprentie couturière de 19 ans. Séduite par un souteneur de 20 ans qui la met au travail, elle peut s’enfuir avec un jeune relieur avec lequel elle se met en ménage. Son souteneur vient la récupérer de force dans leur logement avec deux complices et le jeune relieur est gravement blessé en tentant de la défendre229.
100On pourrait encore longuement évoquer d’autres profils de petits ou grands criminels. Les escrocs : se faire passer pour un employé au bureau de secours et suggérer l’ouverture d’un dossier – au coût de 16 F – contre une aide de 30 F par mois230, tricher sur la monnaie231 – voire diffuser de la fausse monnaie232 –, prétendre quêter pour le curé233, frauder la Compagnie de l’Ouest avec de fausses cartes de réduction234. Il y a aussi les contrebandiers à l’octroi235, les maîtres chanteurs236, les joueurs clandestins et bonneteurs237, comme cette agence de jeu clandestin à Bobino dont plusieurs participants sont de Plaisance238, ou comme Pierre B. et sa femme, habitant rue Didot dans un « magnifique appartement » et qui sont rabatteurs chez les commerçants du quartier de paris clandestins qui se tiennent avenue du Maine239, les alcooliques très constamment évoqués.
101On pourrait aussi parler du plaisir qu’ont les journaux et les lecteurs au récit des poursuites des voleurs dans le quartier, ou plus lointaines. Une poursuite a lieu de la rue Schomer à la place de Rennes240, une autre de la rue du Château à la rue Vandamme et à la rue du Moulin-de-Beurre241, une autre, « palpitante », de la rue du Château jusqu’au Ve arrondissement, à six heures du matin242, une autre de la rue Bénard à la rue Didot (avec coups de revolver)243. Un évadé gare Montparnasse est repris place Guilleminot244, un voleur de pâté de la rue Daguerre est rattrapé rue Deparcieux245. Nul doute que les frères Rosny se soient servis de ces faits divers croustillants pour leurs romans qui se piquaient de pittoresque social.
102Que Plaisance ait connu, pendant cette période de forte dépression, nombre de crimes et de criminels – grands et petits – ne fait aucun doute. La statistique criminelle ne permet pas de faire un classement aussi précis que celui des taudis ou de la misère. Plaisance est-il pour autant reconnu comme un quartier criminel ou criminogène ? Rien n’est moins sûr. « Plaisance » n’est ainsi jamais évoqué dans les titres des faits divers criminels que le Petit Parisien consacre au quartier. Soit le titre ne fait aucune mention du quartier, « Drame d’amour », « À coups de hache »... Soit il évoque des rues, « Le drame de la rue du Texel », « L’affaire de la rue de Médéah », « Un meurtre rue du Château », rues du nord très pauvre du quartier, dont on doute toutefois qu’elles soient connues des lecteurs ; seule l’avenue du Maine (« Le drame de l’avenue du Maine », « Un meurtre avenue du Maine ») paraît, comme d’ailleurs dans la presse de l’arrondissement, faire nombre246. Plus que Plaisance, le quartier criminel symbolique est un ensemble qui se situe à la limite de Plaisance et de Montparnasse et qui va de la rue de la Gaîté et ses « usines à sensation247 » aux petites rues de Plaisance et à leurs sinistres garnis, en étant centré sur la sombre avenue du Maine. Les bandes elles-mêmes opèrent indifféremment dans les Ve, VIe et XVe arrondissements, même si elles se recrutent fortement à Plaisance.
103Plaisance misérable est réel, symbolique et imaginaire, Plaisance criminel est réel, non symbolique, et imaginaire.
Du côté du sexe
104Examiner les relations entre les sexes à partir du fait criminel pourrait bien être une grave déformation : violences sexuelles, proxénétisme, prostitution, jalousies brutales dominent alors le paysage, qui nous montre un ciel amoureux plutôt orageux que bleu, et plus de dureté que de sensibilité. Le mariage et la famille n’y sont perçus qu’en situation de crise alors que l’usage des actes de mariage nous montrerait l’heureux moment de l’harmonie. Pourrait-on toutefois poser l’hypothèse que le quartier misérable a des amours misérables ? Plongeons donc d’abord notre regard dans le gris de nos sources avant de conclure, si nous le pouvons.
La prostitution et les prostituées
105Plaisance abrite quelques dizaines de prostituées. Il est impossible, à partir du sondage des mains courantes de 1896 d’en avoir une liste exhaustive. Le commissariat de Plaisance traite des affaires ayant lieu sur son territoire ou à ses limites ; or des filles de Plaisance peuvent aller se prostituer hors du quartier, à Montparnasse par exemple. Inversement, des filles qui ne sont pas de Plaisance peuvent venir s’y prostituer car le quartier se révèle un centre important (sinon très important) de prostitution. C’est le cas de cinq des vingt-sept filles arrêtées. Trois viennent d’autres quartiers du quatorzième, une d’Arcueil, une du treizième arrondissement (rue Nationale).
106La source exagère donc un sentiment de repli sur le quartier des « filles soumises ». En tout cas, elles sont soumises à une surveillance étroite, et il ne se passe guère de nuit sans que l’une ou l’autre ne soit arrêtée quelques heures pour contrôle (avec parfois quelques motifs complémentaires comme ivresse, racolage en un lieu interdit, tapage...). Les filles « non soumises » sont excessivement rares dans le quartier ou s’arrangent pour ne pas être raflées. Nous les connaissons mal, s’il en existe ! Les arrestations se produisent toujours de nuit entre 20 heures et 5 heures du matin. Est-ce à dire qu’il n’y a pas de prostitution diurne dans le quartier ou qu’elle est plus tolérée ? En tout cas c’est entre 23 heures et 24 heures que se produit le maximum des arrestations (13/33).
107Des rues de Plaisance s’animent donc en soirée et dans la nuit du mouvement des filles. Car Plaisance n’a jamais connu de vraies maisons closes, lieu réservé à la rive droite ou à des quartiers plus chics de la rive gauche. Quatre lieux principaux se dégagent. L’avenue du Maine – ce qui ne nous étonne pas – et, au voisinage, la rue Froidevaux248. Les vieux connaisseurs savent bien aussi que la rue Lebouis a pendant des dizaines d’années été un des lieux chauds de Paris, avec un hôtel de passe qui s’est transmis de générations en générations ; une toute petite rue Saint-Denis. Troisième lieu, en tout cas important dans cette période, la rue de l’Ouest dans ses premiers numéros seulement (du 1 au 24, jamais après). Enfin, mais non la moins importante, la rue de Vanves voit la prostitution fleurir en son cœur, du numéro 58 au numéro 84 (jamais au début de la rue, jamais à la fin). Ainsi le cœur du quartier Plaisance, près du futur métro Pernety, est un lieu de prostitution nocturne intense en 1896.
108Hors de ces quatre rues ou portions de rue, la prostitution n’est que très occasionnelle.
109Et les « filles » ? Le mystère de la prostitution n’est pas notre propos, qui est d’histoire d’un quartier. Mais nos filles sont bien du quartier, pour vingt-deux d’entre elles.
110Leur âge est très variable, de 18 à 48 ans (avec une médiane de 28-29 ans). Il est d’ailleurs un facteur clé qui différencie fortement les filles entre elles. Les jeunes vivent entre elles et travaillent tôt. Les plus âgées vivent entre elles et travaillent – ou doivent travailler, faute de clients – tard. La moitié des filles arrêtées après deux heures du matin sont des âgées (plus de 35 ans).
111Nos prostituées plaisanciennes ne sont pas du tout des déracinées, plus de la moitié sont nées à Paris ou dans la Seine (et seulement deux Bretonnes – fin d’une légende !). Nombre d’entre elles sont même nées dans le XIVe ou le XVe arrondissement ; des « filles soumises », filles du quartier donc.
112Elles habitent un peu partout dans le quartier. Toutefois la moitié d’entre elles vivent à deux ou trois au même numéro, sans nul doute d’un garni ou d’un hôtel. Le 81 rue de Vanves abrite trois « vieilles », Clara L., Alphonsine P. et Eugénie P., le 18 rue Perceval abrite trois jeunesses de 24 à 26 ans, Marie B., Alphonsine B. et Victoire T. (elle est née en 1871). Le 72 rue de l’Ouest abrite les deux jeunes sœurs B. Mais la plupart de nos prostituées plaisanciennes, si elles travaillent dans le quartier où elles habitent, évitent de travailler à proximité immédiate de leur lieu d’habitation. Sur nos vingt-sept noms, seules quatre filles sont dans ce dernier cas. Léontine P. habite et travaille rue Lebouis, mais c’est en fait la patronne de l’hôtel de passe qui ne perd pas la main ! Les quatre autres sont aussi parmi les plus âgées. Eugénie P., 37 ans, et Clémence L., 46 ans, habitent au 81 rue de Vanves et se prostituent à quelques mètres. Les vingt-deux autres, qui ont presque toutes moins de 35 ans, se prostituent assez loin de leur domicile, notamment avenue du Maine.
113On peut donc opposer les filles les plus jeunes, qui vivent volontiers entre elles, se prostituent assez loin de leur domicile et se font ramasser tôt, restant peu dans la rue, et les filles plus âgées, qui vivent aussi entre elles, acceptent de se prostituer près de chez elles et qui se font ramasser tard. Deux profils bien compréhensibles, les premières ne sont pas installées dans le métier et recherchent encore un certain anonymat, les secondes sont installées et connues du quartier.
114Dans tous les cas, des dizaines de prostituées de quartier, de Plaisance, habitant et travaillant dans le quartier ou à sa lisière nord de l’avenue du Maine, et sans doute des milliers de clients.
115Cette prostitution de quartier est-elle pour autant acceptée ? D’abord la prostitution semble toujours associée – dans la presse et la littérature – aux souteneurs. Pas de prostituées sans proxénètes. Or les souteneurs ont une image toujours négative (bien plus que le cambrioleur ou le bandit) ; soit parce qu’ils sont associés, comme nous l’avons vu, à une image de violence, d’agression, de vol, soit parce qu’ils sont associés à l’image de la prostituée contrainte. Le Petit Parisien, revenant sur l’affaire du Champ-d’Asile où une bande avait assassiné un chaland, estime que le principal meneur a pu fuir à l’étranger grâce aux subsides des « souteneurs de son espèces et d’autres malfaiteurs de l’Avenue du Maine249 ». Les « Alphonse250 », qui fréquentent les marchands de vins de l’avenue, n’hésitent pas à contraindre les filles à la prostitution. La presse évoque aussi des cas de traites de blanches rue d’Alésia251. Ainsi Le Montrougien est-il conduit à une vraie campagne, particulièrement dans les années 1880 et au début des années 1890, contre la présence de la prostitution et des souteneurs. Un journaliste demande : « À quand la disparition des établissements à numéros énormes que l’on rencontre boulevard Edgar Quinet252 ? » Le propos semble ne pas concerner Plaisance mais Montparnasse. Pourtant cette campagne aura un effet, car la tendance à rejeter la prostitution vers les périphéries de la ville (bien plus tard vers les maréchaux et les bois) aboutit à un déplacement de celle-ci vers Plaisance dans les années 1880-1890. Cette idée de « purger » la ville de la prostitution se retrouve dans un article de Théo de Lesse qui est pour « purger ce quartier de la Gaîté et de l’avenue du Maine où se coudoient tant de souteneurs253 ».
116Si les souteneurs sont ceux qui inquiètent le plus, les filles ne sont pas absentes des critiques. Le journal socialiste Le Cri social dénonce l’idéalisation des « gigolos et gigolettes » de la rue de la Gaîté254 ; Le Montrougien critique « le scandale permanent » que constitue chaque soir « les filles qui exercent leur triste profession aux coins des rues Lebouis et Perceval ». Ce sont sans cesse des disputes, des insultes de ces filles au parler haut.
117Autre critique des prostituées, associées aux souteneurs, l’entôlage. Un cultivateur, passant avenue du Maine, tombe sur deux demoiselles « dames » qui l’emmènent souper et dormir dans un hôtel. À son réveil, le lendemain matin, les donzelles ont disparu et lui ont volé 4 000 F (30 000 à 35 000 euros actuels)... Mais la justice suit son cours et une des deux « dames » est arrêtée avec son souteneur, rue Schomer255.
118Et toujours peu sur les clients ! Un jeune sculpteur (peut-être plus voyeur que client)256, un cultivateur de passage, un cocher, un parqueteur257, un ébéniste célibataire de Malakoff, un employé de la Compagnie des eaux, habitant à Plaisance, mais il va dans une maison du boulevard Garibaldi dans le XVe arrondissement258.
119Au bilan, prostituées et prostitution semblent largement installées dans notre quartier, pour autant elles ne sont pas acceptées aisément, à la fois du fait de l’image nocive du souteneur violent du quartier du Maine et du sentiment d’une invasion quelque peu inquiétante. Plaisance a d’ailleurs gommé de sa mémoire cette dimension de la sexualité locale, puisque nous n’avons trouvé ni essai, ni passage sur cette question en ce qui concerne la fin du xixe siècle.
Une vie sexuelle vive ?
120Les gens heureux n’ont pas d’histoire, dit-on, et les mariages heureux non plus ! Et ce qui intéresse la presse et ses lecteurs, ce sont plutôt les adultères, les drames amoureux, les histoires croustillantes que le quotidien banal des couples. Et ce qui arrive au commissariat, ce n’est pas non plus le plus beau côté des relations sexuelles. Les journaux publient, certes, quelquefois les annonces de l’état civil de l’arrondissement, donc les mariages. Mais sans grand suivi, car ces annonces n’assurent pas un public régulier, même si on aime bien lire l’avis de son mariage ou de celui de ses proches dans le journal local. Par contre, rien de passionnant et qui motiverait un achat, à lire les mariages des gens qu’on ne connaît pas259 !
121Nos sources, donc, nous montrent surtout les tensions et nous révèlent un Plaisance où les relations sexuelles et/ou amoureuses sont intenses, vives, tendues, voire souvent violentes. On a écrit que, dans les quartiers populaires, la sexualité jouait un rôle important – le plaisir des pauvres ? Car le mariage est plus difficile à réaliser dans ce quartier où la misère n’est jamais très loin en cette fin du xixe siècle. Dans tous les cas, rien de ce que nous écrivons là ne nous semble vraiment spécifique à Plaisance. Passons rapidement sur les cas rares et extrêmes des violeurs et pervers comme ce jeune violeur de 14 ans que nous avons déjà évoqué, ou « le Satyre de Plaisance », un cocher qui a violé une petite fille de 12 ans260. Le viol ne saurait d’ailleurs ressortir d’une seule expression de tensions entre les sexes. Très particulier aussi cette vengeance de deux frères d’une jeune couturière de 17 ans qui ont « gravement rossé » un dessinateur de 24 ans, employé chez un architecte, demeurant rue du Moulin-de la-Vierge, qui l’avait séduite et abandonnée. Il faut dire que la fratrie est d’origine corse261 ! Rarissime aussi cet homme marié, garçon blanchisseur, rue Vercingétorix, qui a séduit une jeune fille de 19 ans vivant chez sa mère rue Hallé. La mère pousse sa fille à rompre. Le garçon tire sur la mère262. S’il y a très peu de viols évoqués, les cas de tentatives de contraintes sur les femmes par des hommes très violents, souvent les souteneurs comme nous l’avons vu – mais pas seulement sont beaucoup plus fréquents. Un jeune admirateur (sic) repoussé par une jeune couturière au coin de la rue Vandamme et de l’avenue du Maine lui donne un coup263. Un ouvrier lithographe de 41 ans, 69 rue du Moulin-Vert, tue une jeune femme de 25 ans qui se refuse à lui dans un café du boulevard Saint-Jacques264. Plus fréquente aussi semble une violence au quotidien de certains hommes sur les femmes. L’alcoolique qui bat sa femme265 ou qui s’en prend à une femme dans la rue de Vanves266, le mari qui, à l’issue d’une scène de ménage, tire sur sa femme267.
122Mais ce qui domine le paysage amoureux, c’est le désordre amoureux, adultères, séparations, jalousies, drames. Tout y est pour écrire vingt romans. Avec une assez jolie symétrie dans l’infidélité des hommes et des femmes, mais sensible ment toujours plus de violences masculines. Quelques modèles fréquents dans les couples mariés : le monsieur qui a une maîtresse, la dame qui a un amant ; puis les séparations et les retours acceptés ou refusés. Voici ce « riche négociant du quartier » qui a installé une jeune modiste dans un appartement avenue du Maine268. La femme donne deux coups de couteau à la maîtresse. Voici une jeune couturière chez Mme Bilgen, 44 rue des Plantes ; sa patronne lui tire dessus car elle est la maîtresse de M. Bilgen269.
123Côté adultère féminin, ce n’est pas mal non plus ! Mme B., 26 ans, femme d’un entrepreneur de travaux, prend pour amant le secrétaire de son mari, 23 ans, pendant deux ans ; elle partira avec lui quand son mari, découvrant l’affaire, renvoie l’entreprenant secrétaire. La suite à venir270 ! De même la femme d’un patron relieur est la maîtresse d’un de ses ouvriers, demeurant 54 rue de Vanves. Une violente bagarre éclate entre les deux hommes271. La femme du conseiller municipal de Plaisance, lui même, Girou, trompe son mari avec un de ses collègues du conseil municipal272. Un « propriétaire, rue Rébeval à Plaisance », est abandonné par sa femme, « de mœurs légères », huit jours après son mariage273...
124Les couples non mariés, fréquents à Plaisance, font l’objet de moins de drames ou d’attention. La femme – sauf dans le cas où elle est dans les mains d’un proxénète – part rarement comme cette jeune femme de 21 ans, modiste rue de Vanves, qui quitte son amant employé de commerce, demeurant rue de l’Ouest, pour un de ses collègues. F., jaloux, tire sur le nouvel amant274. Par contre, le type de la jeune femme séduite, puis abandonnée, apparaît davantage. En tout cas, il remonte volontiers jusqu’au Petit Parisien, qui en fait ses choux gras. Une jeune ouvrière brodeuse de la Meuse, 18 ans, avait suivi à Paris un jeune employé de commerce qui lui aurait promis le mariage. Il l’abandonne après un mois alors que la mère de la jeune brodeuse meurt de dénuement dans la Meuse ! Elle devient folle et erre dans les rues de Plaisance275. La jeune femme séduite et abandonnée fait partie du corpus du roman populaire du xixe siècle et de l’imaginaire social. Rien d’étonnant à ce que nous retrouvions ce thème dans le roman-feuilleton du Montrougien qui paraît en 1893, Leur crime.
125Pour mémoire, évoquons une dernière fois les querelles, les rixes entre hommes pour la possession d’une femme Nous avons vu qu’elles concernaient souvent des souteneurs et des prostituées276. Mais pas seulement. Ainsi un mécanicien de la rue du Château se bat avec un de ses camarades qu’il avait accueilli chez lui parce qu’il fait des avances à sa femme277. Les femmes peuvent aussi se battre entre elles pour un garçon, comme Louise Humblot, rue du Texel, et Marie Jouay, 20 ans, couturière 33 rue de Vanves278. Elles peuvent aussi se battre au couteau dans la rue Jolivet (près de la rue de la Gaîté)279.
126Et les retours ? Lorsque la femme de l’entrepreneur était partie avec le secrétaire de son mari, ce dernier avait licencié l’amant. Mais le jeune homme ne peut entretenir sa maîtresse. Aussi revient-elle chez son mari, qui l’accepte280. Par contre, quand Marie Rigault, 27 ans, ouvrière passementière qui avait quitté son amant demeurant rue du Texel, un plâtrier de 32 ans, veut revenir chez lui, il la refuse et elle le tue de deux coups de couteau281.
127À Plaisance, beaucoup ont certainement le sang chaud... Plus que dans d’autres quartiers ? Comme dans les quartiers populaires ? En tout cas l’image est là, mais jamais prêtée à Plaisance et au quartier en tant que tel. Peut-on émettre des conclusions sociales. À l’évidence, nombre d’affaires que nous avons évoquées ont une dimension sociale. La question de la jeune femme entretenue ou séduite, comme de la prostituée, peut renvoyer à la condition féminine de cette fin du xixe siècle282. D’autres signes des tensions sociales dans la sexualité et le mariage sont présents dans les rivalités patrons-ouvriers que nous avons entraperçues (femme du patron maîtresse d’un de ses ouvriers...). Le déroulement piteux d’un mariage nous en dit aussi beaucoup : « Petit scandale, mercredi à Plaisance, où le fils d’un gros commerçant, M. Adolphe B., épousait une fort jolie personne, Mlle. Angèle F. », nous dit le cancanier Montrougien. Une femme a jeté du crottin sur la mariée et un homme a déchiré le costume du marié. Manifestation d’une jalousie sociale contre la mobilité ascendante de la jolie jeune fille283.
Tensions obscures et identités plurielles
Le Travail, le Commerce
128Les transformations économiques et sociales du quartier, l’apparition du paysage industriel sont perçues avec difficulté par les notables ou analystes du quartier, qui se penchent davantage sur la croissance urbaine. Si tous constatent l’animation plus grande des rues comme la rue de Vanves284 ou la rue d’Alésia285 et les « va et vient énorme d’ouvriers286 », l’idée générale que l’on va travailler en dehors du quartier et de l’arrondissement domine les discours, même si on n’en fait pas le même usage. Le débat sur la création de la crèche en est une bonne illustration. Le maire du XIVe arrondissement, hostile en 1888 à cette création qu’il considère coûteuse, justifie ainsi son discours : « Presque tous les ouvriers vont à leur travail dans les arrondissements voisins et la plupart des mères de famille restent à la maison287. » Mais quatre ans plus tard, Jeannon, le fondateur de la crèche laïque de Plaisance, en défend l’intérêt en soulignant que le XIVe est éloigné « des centres de production », ce qui fait que les mères de famille sont obligées d’aller travailler loin et qu’elles ont donc besoin d’une crèche288. Et en 1896, Pannelier, le futur conseiller municipal radical, se prononce au conseil d’administration de la crèche – devenue municipale – pour son déplacement vers la gare Montparnasse (elle est alors loin dans la rue de l’Ouest et va aller rue Schomer) car « toute la population de Plaisance pourrait en passant en profiter », une grande partie des femmes allant, selon lui, travailler dans le centre289. Parmi ces femmes, il évoque « les confectionneuses, très nombreuses dans Plaisance » pour lesquelles il faudrait aussi multiplier les passages de l’omnibus Plaisance-Hôtel-de-Ville pour « pouvoir dans la bonne saison en allant livrer leur ouvrage prendre l’impériale290 ».
129C’est plus tardivement que se manifestent les effets de la nouvelle configuration spatiale du travail. Ainsi, en mars 1898, une pétition signée de 2073 habitants du quatorzième et de 1838 Parisiens travaillant dans l’arrondissement demande un nouveau parcours pour le tramway Malakoff-Les Halles291.
130La presse locale ne favorise guère la perception des tensions sociales et économiques292, car elle tend à unir, socialement plus que politiquement, le quartier (sauf la – toujours très rare – presse socialiste).
131Un Plaisance apaisé, peut-être affadi ou euphémisé, apparaît ainsi dans les textes des publicistes. En voici quelques exemples : insistant sur l’erreur qu’un observateur pressé peut faire en regardant les seules maisons misérables de l’avenue du Maine, imaginant « un Enfer de Dante », Chut (mystérieux pseudo) indique :
Le quartier de Plaisance n’est certainement pas le rendez-vous des High-life, mais, enfin, agrémenté de jardins, avec de pittoresques maisonnettes datant de l’ancienne commune de Vaugirard, il est un séjour recherché des gens tranquilles, des ouvriers laborieux qui, travaillant tout le jour dans les ateliers malsains du centre, sont très heureux de venir le soir et les jours de fête respirer un peu de bon air293.
132E. Robichon, déformant plus sensiblement encore la réalité démographique estime que le cosmopolitisme parisien est absent du XIVe arrondissement, que sa population est tout imprégnée d’un pragmatisme rural car « le plus grand nombre de ses habitants y est né, y ont fait fortune294 ». Que ce soit pour Plaisance ou l’ensemble de l’arrondissement, il s’agit d’une contre-vérité qui tend seulement à justifier cette image tranquille. Le candidat conservateur Henry, en 1887, essaie d’affirmer la même idée dans son affiche électorale :
Savez-vous ce qu’on dit : on prétend que notre quartier est un foyer de désordre ! C’est une calomnie indigne ! Notre quartier de Plaisance, je le connais bien ; je l’ai toujours habité ! Oui il a ses brouillons comme tous les autres ; il a ses exaltés, mais il a ses hommes de calme et de sang-froid (une majorité), qui ne s’occupent ni de politique ni de révolution295.
133Les commerçants, classiques médiateurs sociaux, sont au cœur de cette question. Ils jouent un grand rôle dans la dynamique de Plaisance, revendiquant l’amélioration des transports en commun en faveur des ouvriers et un meilleur pavage des rues296, des services publics comme des bureaux de poste297, ou même la réparation rapide de l’horloge de la station de voitures au coin de la rue d’Alésia et de la rue de Vanves298 ! Ils sont aussi à l’origine de nombreuses initiatives pour animer le quartier comme la pétition pour une fête foraine sur les terrains de l’AP au 156 rue de Vanves, qui développerait « la vitalité dans le commerce du quartier299 ». Nous les retrouverons omniprésents dans les préparations des 14-Juillet et des comités des fêtes. À l’occasion de la venue du tsar à Paris, passant avenue du Maine, « les négociants du quartier avaient fait tirer un superbe feu d’artifice ce qui avait attiré à la gare Montparnasse un grand nombre de curieux300 ». Ils sont, avec les artisans et petits industriels, aussi actifs dans les associations.
134Cette image est écornée dès lors que l’on plonge dans des sources plus diversifiées que la presse locale. Ainsi les mains courantes nous montrent un nombre considérable d’affaires absolument jamais présentes dans une presse pourtant friande, nous l’avons vu, de faits divers. Ce sont les affaires de tromperie sur la qualité ou la quantité des produits. Les marchands de vins, les épiciers sont accusés de « vin mouillé301 », d’autres commerçants de tromperie sur la quantité302. Un exemple montre bien qu’à la source de ces affaires se trouve une tension latente entre consommateurs et commerçants. A. D., 28 ans, marié, un enfant, né dans l’Aveyron, est marchand de vins et charbons, au 156 avenue du Maine. Il est accusé d’avoir livré quarante-cinq kilos de charbon au lieu des cinquante commandés à un client. Il reconnaît les faits et se défend en attaquant son client de le payer irrégulièrement303. Bien entendu, toutes les affaires de mouillage viennent d’accusations de clients mécontents. Au bilan304, on peut estimer à cent-cent cinquante affaires par an ces accusations contre les commerçants, qui se défendent généralement en renvoyant la responsabilité sur le grossiste. On conçoit bien que tout ceci régulièrement présent dans la presse aurait donné une tout autre musique que la symphonie du quartier et de ses commerçants.
135Toutefois, sur certains points, les désaccords entre habitants-consommateurs et commerçants apparaissent. Ainsi Plaisance est le seul quartier du XIVe arrondissement qui ne dispose pas d’un marché (bien que, et de loin, le plus peuplé) ; il est vrai que, note un journaliste, le quartier manque d’emplacements, « les voies étant trop étroites305 », mais lorsque apparaît une possibilité au coin de la rue d’Alésia et de l’avenue Villemain que l’on vient d’achever de percer, les commerçants du quartier tiennent une réunion importante (750 personnes) pour s’opposer à la création du marché, ce qui leur vaut une critique du XIVe, pourtant très favorable aux commerçants, qui estime que cette décision va à l’encontre des consommateurs306. La question des coopératives divise aussi le quartier. Les commerçants s’opposent à la création d’une coopérative des ouvriers boulangers, associée à une école de boulangerie307. Ils font des pressions politiques contre l’Avenir de Plaisance308, la grande coopérative de consommation du quartier. Cette attitude divise des milieux qui leur sont favorables comme les catholiques, qui tentent difficilement de concilier l’intérêt de leurs paroissiens-consommateurs et une défense du petit commerce local309. Les socialistes, eux, commencent des campagnes polémiques contre le commerçant qui ne pense qu’à son intérêt. Si les commerçants et les petits fabricants sont généralement opposés au grand commerce, aux grands monopoles310, on perçoit bien comment l’arrivée d’un grand magasin, Aux Élégants, avenue du Maine, en 1893, suscite l’enthousiasme de la population et de la presse.
136Les commerçants pouvaient-ils constituer alors le noyau identitaire dans lequel se reconnaîtrait le quartier ? Les contradictions nous semblent trop grandes entre un réel de tension aiguë, accentuée sans doute par l’héritage local lourd de la Commune et la misère sociale du quartier, et un discours qui fait des commerçants l’élément dynamique du quartier.
137Par ailleurs les commerçants sont inscrits dans le dispositif plus large des relations sociales entre salariés et patrons (même petits), qui apparaissent là encore difficilement lisibles dans le quartier, et très peu évoquées dans la presse locale. Nous savons très peu de chose sur ce qui se passe dans les nouvelles usines, ou dans les petits ateliers dans ces années de la Grande Dépression. C’est seulement à l’extrême fin de notre période qu’apparaît avec la presse socialiste un discours de lutte de classes. Les mains courantes vont nous révéler toutefois des tensions vives au quotidien, qui, lorsqu’elles deviennent violentes, passent dans la presse.
138En tout cas, nous ne pouvons qu’enregistrer le grand nombre de cas de vols par les salariés de leurs patrons. Si le cas de la domestique de 16 ans qui a volé une robe et des bijoux à sa patronne pour sortir au théâtre avec son ami a attiré l’attention de la presse, le concierge de 25 ans qui a dépensé 149 F de loyer perçus311, l’employé de librairie de 39 ans, 13 rue de l’Eure, qui a encaissé à son profit une créance de 37,50 F312, la domestique belge de 21 ans qui a volé 30 F sous le comptoir de son patron brasseur, 52 rue Mouton-Duvernet (actuellement rue Maurice-Ripoche)313... et une centaine de ces autres cas sont absents de la presse. Si on excepte Le Planteur de Caïffa, ce sont surtout des relations sociales directes au sein de micro-entreprises qui sont en cause dans ces vols à répétition. Et il est vrai que ces oppositions prennent aussi parfois un aspect violent. Un artisan maréchal-ferrant surprend son ouvrier à battre un cheval et le critique vivement. Ce dernier réagit et une bagarre éclate entre le maréchal-ferrant, aidé de sa femme, et l’ouvrier314. Une violente bagarre éclate entre deux frères ouvriers menuisiers et leur patron, entrepreneur ébéniste, 52 rue Vercingétorix. Les ouvriers disent que le patron frappe souvent ses ouvriers quand ils lui demandent un escompte et qu’il possède un revolver, le patron dit avoir été agressé315.
139À cette brassée de faits, nous avons peu à opposer. Et si nous éviterons de généraliser ces tensions à tous nos établissements, grands ou petits, il reste qu’ils ne peuvent que marquer le tissu social plaisancien. L’insistance de Soulange-Bodin à appuyer la création de Notre-Dame-du-Travail comme un symbole de l’union des classes, comme un instrument pour « unir toutes les classes316 », le sentiment d’une menace sociale qui conduit tôt à souhaiter des « améliorations de la plus extrême urgence [qui] ne sauraient, sous aucun prétexte, être ajournées » du système scolaire à Plaisance317, sont aussi des signes plausibles de l’acuité de la question sociale à Plaisance (comme, sans doute, dans de nombreux autres quartiers ouvriers de Paris). Toutefois, si on excepte le mouvement socialiste et sa presse, qui restent longtemps faibles dans le quartier, les éléments d’une symbolique de la lutte, ou même seulement de la revendication salariale, restent rarissimes dans le quartier318 ; mais il est aussi vrai que le quartier, ou même l’arrondissement, n’est pas le meilleur cadre pour l’organisation ouvrière professionnelle (sauf si le quartier est étroitement associé à un métier, ce qui n’est pas le cas de Plaisance).
La figure ouvrière
140Plaisance est bien reconnu, avons-nous vu à de multiples occasions, comme un quartier pauvre et ouvrier, un quartier populeux. Mais ceci suffit-il à construire une figure ouvrière qui serait celle de Plaisance ? Le chômage et la pauvreté fondent-ils une symbolique partagée dans laquelle on pourrait se reconnaître, quand on est à leur lisière ? Il aurait fallu évoquer plus longuement la question de l’insécurité physique des travailleurs. Le corps blessé de l’ouvrier devient une représentation omniprésente, dans une rubrique du Petit Parisien : « Les accidents du travail ». Les ouvriers du bâtiment paient un lourd tribut, en particulier les démolisseurs319, mais aussi il y a cet égoutier estropié320, ces ouvriers asphyxiés321, ce charretier écrasé322, ce cocher de l’omnibus grièvement blessé323. Peut-on aussi prendre en compte ce porteur de journaux, un vieux de 67 ans, 10 cité Reynaud, décédé sans doute d’épuisement en travaillant rue Mouton-Duvernet324 ?
141L’ouvrier est donc d’abord un « malheureux ». Les quelques autres images que nous avons de lui à Plaisance restent confuses, ou contradictoires. On entrevoit quelques coups de projecteur lumineux qui mettent en avant son courage quand il intervient pour défendre les victimes d’une agression325 ou quand il manifeste ses bons sentiments, son bon cœur. Ainsi Le Cri social, le journal socialiste, rend-il compte de manière complexe de l’attitude des ouvriers devant l’action charitable de Mme Furtado-Heine à l’occasion de l’inauguration en 1896 d’une crèche privée. Ironisant sur la démagogie des élus, le journal écrit ensuite :
Ce qui doit plutôt lui [Mme Furtado-Heine] faire plaisir, c’est de savoir que les prolétaires du XIVe arrondissement l’estiment et la vénèrent. Nous savons bien qu’on ne peut parvenir en ce monde à la fortune qu’en exploitant et en volant autrui. [Les « richards » ne font donc que restituer en faisant la charité, explique ensuite le journal.] Mais combien y en a-t-il qui font le bien comme Mme Furtado-Heine ? Il y en a peu. Aussi doit-on remercier cette femme qui donne sans calculs et dont la bienfaisance semble inépuisable326 !
142Mais les ouvriers sont aussi présentés comme superstitieux : « c’est dans la classe ouvrière que les modernes sibylles causent le plus de ravage », estime la féministe Astié de Valsayre, qui souhaite l’interdiction des tireuses de cartes dans les fêtes des quartiers ouvriers327. Ils seraient aussi méfiants vis-à-vis des hôpitaux328 et parfois négligents de leur famille (comme les pauvres)329. Que reste-t-il aussi de la vieille tradition socialiste ouvrière du Second Empire que nous avions bien repérée à Plaisance ? L’enseigne d’un cordonnier de la rue de Vanves, « AU VIEUX PHYLOSOPHE », notée plus pour son pittoresque par Léon Marius dans Le Montrougien330 ? C’est seulement dans l’étude de la très lente reconstruction du mouvement socialiste que peut se trouver la réponse.
143D’autres tentent de se réapproprier la figure ouvrière. En particulier la paroisse, avec la perspective de la construction de Notre-Dame-du-Travail. En mars 1897, Soulange-Bodin explique cette intention « parce que c’est un faubourg composé uniquement de travailleurs qui n’ont pas encore d’église331 ». Mais il ne s’agit encore là que d’une anticipation intelligente, de l’amorce du tournant qui ne prendra sa force que dans la période suivante.
144Centralement, l’ouvrier ou le prolétaire de Plaisance ne semble pas en mesure de jouer le rôle d’une figure symbolique du quartier autrement que par son appartenance au groupe des pauvres du quartier.
Propriétaires, logeurs et habitants
145Un dernier type de conflits aigus apparaît à Plaisance et concerne les relations entre ceux qui logent et ceux qui habitent. Le face-à-face du propriétaire et du locataire tourne à l’avantage médiatique du second. Le propriétaire-loueur est le personnage antipathique de notre histoire. Il n’est aimé ni de la presse, ni de la police, et si le concierge se situe du côté du proprio, il va en partager l’opprobre. Les affaires de logement muré, condamné par les propriétaires et rendu inaccessible aux locataires suscitent les principales condamnations. Un propriétaire et le concierge du 122 rue Vercingétorix posent un cadenas, en son absence, sur la porte du logement de Marie D., 46 ans, journalière, pour l’empêcher d’y rentrer332 ; un propriétaire mure le logement d’une veuve de 35 ans, dans la misère, qui ne peut plus payer son logement depuis deux mois au 55 rue de l’Ouest. Le commissaire de police fait abattre la cloison333.
146Les conflits entre les logeurs, tenanciers de garnis et leurs clients font l’objet de moins de publicité. Si le garni est dénoncé dans sa généralité, nous l’avons vu, les affaires que nous constatons sont toujours des vols de clients (un ébéniste et une fille soumise, une femme inconnue, un tripier, un fumiste) partis en emportant de menus objets (serviettes, draps, couvertures, pendules) dont la valeur globale varie entre 5 F et 80 F334. Elles n’intéressent pas la presse locale. On pourrait aussi émettre l’hypothèse, mais ce n’est vraiment qu’une hypothèse, que la presse locale dénonce les propriétaires parce que, souvent, ils ne sont pas du quartier alors que les tenanciers de garnis sont, eux, toujours du quartier.
147Plaisance, comme sans doute les autres quartiers populaires, apparaît comme un lieu où les tensions sociales sont très sensibles, parfois vives, mais inégalement représentées. Nous avons vu les multiples enjeux qui parcourent ces représentations. Globalement, ceci nous conduit au sentiment fort qu’aucune figure sociale ne peut bénéficier d’un consensus symbolique significatif. Plaisance n’a pas de type humain héroïsé en cette fin du xixe siècle, sinon à faire de la longue plainte de la misère bien réelle un signe du quartier.
« Le continuel drame de Paris »
148En 1896, Martelet, le communard, écrit un article dans le journal socialiste du XIVe arrondissement sur « Mardi Gras » où il conclut : « Tout se confond, chants et sanglots forment un immense brouhaha d’où sort on ne sait quelle infernale symphonie [...] le continuel drame de Paris335. » Ici, drame est à comprendre dans le sens littéraire, scénique, et Martelet exprime ainsi finement des traits de la complexité et de la richesse des rapports sociaux dans la grande ville. « Confusion » et « brouhaha », deux mots loin du manichéisme généralement prêté aux socialistes par leurs adversaires... Deux petits romans publiés dans la presse locale nous traduisent ce sentiment de la circulation sociale parisienne. Tous deux ont une part importante de leur action à Plaisance. Jean Dormil publie dans Le Montrougien, en 1893, Leur crime. René, 25 ans, publiciste de famille aisée, habitant près de la gare Montparnasse, rencontre, rue de Rennes, la jolie Juliette, 20 ans, demeurant rue de Gergovie, près de la rue de l’Ouest. Un dialogue s’engage et René suit Juliette vers l’avenue du Maine. Voici la suite :
Lui — Ma foi, mademoiselle, je vois que nous habitons dans le même quartier. Elle — Je ne sais monsieur, mais fort probablement vous demeurez moins loin que moi.
Une pensée rapide comme un éclair traversa le cerveau de René. Il réfléchit que, par esprit d’économie, la plupart des ouvriers logent aux extrémités de Paris et il répliqua d’un air assuré : — Cette fois encore vous pourriez vous tromper mademoiselle, j’ai élu domicile en effet au 179 rue de l’Ouest (il ment). C’est à dire tout au bout.
149Voici le drame engagé et la première confusion. Il y en aura une autre quand Juliette fera croire à René que le bébé qui habite avec elle est de sa sœur alors qu’elle en est la mère... Fille d’alcoolique, etc. Tous les artifices du roman social sont là. Ils vivront quelque temps ensemble avant que Juliette n’épouse un honnête homme qui reconnaîtra l’enfant. L’autre petit roman, Le Duel du Cabotin, publié en 1887 dans L’Observatoire, nous montre un jeune noble, devenu petit-moyen fonctionnaire, habitant aussi dans le VIe arrondissement et qui, passant rue de la Gaîté pour aller voir un collègue habitant Plaisance, voit une belle actrice du Théâtre Montparnasse. Il en tombe (certes) amoureux fou (le mythe de Carmen), s’installe avec elle, rue Schomer (à Plaisance donc), doit travailler au théâtre pour l’entretenir, devient jaloux et – fin du drame – tue un rival !
150De ces deux « drames », que retenir qui nous concerne ? Paris et la Parisienne comme espace et support – au moins symbolique – de formes de mixité sociale ; le fait a été déjà reconnu dans nombre de travaux. Mais, dans notre cas précis, la rencontre se fait à Montparnasse ou à la Gaîté. Plaisance fonctionne, nous l’avons déjà vu, comme modèle du faubourg ouvrier modeste et comme lieu où se perdent – ou risquent de se perdre – en s’y installant deux jeunes gens de bonne origine. La circulation sociale suppose Plaisance, mais Plaisance l’interdit aussi car quartier populaire où la bourgeoisie ne réside pas.
151De telles scènes336 « du drame de Paris » peuvent se produire ailleurs. Plaisance n’est qu’un exemple. Mais la proximité de ce quartier populaire des quartiers aisés de la rive gauche et la proximité d’une rue des plaisirs partagés rapprochent Plaisance plus de Montmartre que de Belleville. Alors que la misère plaisancienne rapproche plus Plaisance de Belleville que de Montmartre.
Du côté des artistes
152Ils avaient été les moteurs de la Commune de Plaisance, surtout les artistes plasticiens situés au premier plan des figures sociales révolutionnaires. Le quartier va les ignorer pendant un quart de siècle. Une belle formule ? En tout cas les artistes ne comptent plus sur le plan politique ; à peine caution de certains candidats, et encore. Auraient-ils quitté Plaisance ? Certes pas... Un indice nous le prouve. Rendant compte des artistes présents au Salon de 1888, Le Montrougien n’en évoque pas moins de 25 Plaisanciens, ce qui laisse penser qu’ils sont beaucoup plus nombreux dans le quartier337.
153On peut noter que certaines maisons ou cités d’artistes apparaissent aussi : les 3 à 6 rue Vercingétorix, les 12-14 rue du Moulin-de-Beurre et, à l’autre bout du quartier, à son extrémité sud-est, la villa Brune338. C’est d’ailleurs bien dans ces années que sont construites des maisons structurées par les ateliers. Le 12-14 du Moulin-de-Beurre fut ainsi conçu et réalisé par un haut fonctionnaire de la préfecture de la Seine, Louis-Désiré Zevort, en 1881339. La modestie des loyers à Plaisance, nous avons vu qu’ils étaient parmi les plus bas de Paris, a sans doute attiré des artistes mal (mé) connus ou de jeunes artistes.
154Peut-on faire de Gauguin un cas modèle ? On sait que Gauguin, devenu peintre à plein-temps, a beaucoup évité de résider à Paris, préférant la Bretagne, la Provence, puis la Polynésie. Son premier séjour à Plaisance340 remonte à février 1890, lorsqu’il s’installe une nouvelle fois chez son ami (avant rue Boulard), mécène-marchand, Émile Schuffenecker (au 12 ou 14 rue Alfred-Durand-Claye). Il y réside par intermittence, puis s’installe rue Delambre après une fâcherie avec son ami en novembre 1890. Il peint alors dans l’atelier de Daniel de Monfreid, 55 rue du Château341. Le 1er avril 1891, il part pour son premier séjour polynésien. A son retour en septembre 1893, après un séjour rue de la Grande-Chaumière, il s’installe en janvier 1894 au 6 rue Vercingétorix où il va rester jusqu’à son second et définitif départ pour la Polynésie en juin 1895, dans un petit appartement-atelier de deux pièces. Gauguin vendait ses œuvres difficilement et à bas prix et, sans être un miséreux, vivait médiocrement. Louer un grand atelier à Montparnasse ou rive droite lui était donc impossible. Mais son choix de Plaisance peut aussi répondre à son goût de l’éloignement, des périphéries, et à sa haine des installés. Et ce n’est pas la presse locale qui lui aurait fait une publicité, tant elle évoque rarement les artistes ! Heureusement, Gauguin nous a laissé une merveilleuse œuvre, Paris sous la neige, une vue impressionniste, rare chez ce peintre, peinte de la fenêtre de son atelier.
155Cézanne avait précédé Gauguin. De retour de sa Provence bien-aimée, Cézanne s’installe à la fin de 1876 au 67 rue de l’Ouest. C’est son lieu de résidence parisien entre deux voyages à Aix ou Marseille. En son absence, il confie les clés à Antoine Guillaume, un cordonnier dont il peindra le fils, qui sous loue à des amis. Son loyer de 250 francs est très bas. Dans le courant de l’été 1878, l’ami de Zola se fixe à l’Estaque. Après un séjour à Melun, ce migrant revient à Paris au début de 1880 et s’installe de nouveau rue de l’Ouest, au n° 32 cette fois. Il quittera ce logement en mai 1881 pour Pontoise, y reviendra en mars 1882 pour quelques mois, puis quittera définitivement Plaisance342. Il aura ainsi vécu trois années dans le quartier autour de 1880. Cézanne n’était ni un Parisien – moins encore que Gauguin –, ni un peintre de Paris dont il n’a laissé presque aucune toile. Il n’aimait guère la géométrie de la ville, à laquelle il préférait la sensualité et les couleurs de la nature. Toutefois nous possédons une esquisse à l’huile des Toits de Paris, sans doute prise du 67 rue de l’Ouest.
156À dix ans d’intervalle, deux de nos plus grands peintres, Cézanne et Gauguin, sont venus passer quelques années de leur vie migrante à Plaisance. Tous deux ne sont ni de l’académisme, bien sûr, ni non plus de l’esthétisme dominant alors, l’impressionnisme. Tous deux vendent mal, Gauguin est proche de la pauvreté, Cézanne, d’une famille plus riche avec laquelle il n’est pas fâché, ne loue que des appartements à très bas prix comme on les trouve dans le quartier. On ne verra pas à Plaisance Monet, Renoir ou Degas, qui règnent au pied de la butte Montmartre.
157Pour d’autres, sans doute, les confins de la ville sont davantage associés à la présence de la nature, à la tension nature-ville qui s’y exprime. Ainsi l’environnement de l’atelier de Desbois, villa Brune, est-il décrit par un visiteur en 1896 : « Pas d’autre bruit que le halètement des locomotives (qui passent sur la petite ceinture) et, pour horizon, les maigres arbres et le gazon court du talus343. » Le lieu privilégié d’un esthétisme qui renvoie à l’imaginaire du modèle de Plaisance.
158Si on excepte les listes de 1 888 des artistes présents au Salon, il est excessivement rare que la presse locale évoque des artistes locaux et leurs œuvres. Seul Le Montrougien le fait, et très rapidement, à trois occasions avec A. Paris344, E. Peynot345 et Hébert346 sur environ 500 numéros ! C’est pour le moins dire que c’est très succinct... Le seul artiste à accéder à une présence significative dans la presse locale347 est Jean Baffier, le sculpteur originaire du Berry, qui est installé au 6 bis rue Lebouis depuis 1877. Mais il joue un rôle politique, idéologique et socia(b) le très important à Plaisance jusqu’en 1914, se faisant le héraut de la tradition gauloise et française dans l’art.
159Cette absence n’est pas ignorance puisque Le Montrougien se fait le relais d’une proposition du conseiller municipal Édouard Jacques en 1887, que la nouvelle rue qui relie la rue du Château et la rue du Moulin-de-Beurre (elle s’est appelée Boucicaut puis Bourgeois) prenne le nom de J. F. Millet car il s’agit « d’une partie du quartier de Plaisance habitée par des artistes348 ». Le journal sait aussi que de nombreux modèles italiens sont présents dans « les quartiers de Montparnasse et de Plaisance349 ». Quelques images d’Épinal – qui restent rares – de l’artiste apparaissent aussi dans la rubrique des faits divers. L’artiste infidèle qui couche avec son modèle, une belle Italienne de 26 ans350, l’artiste qui fréquente les mauvais lieux comme la rue Lebouis351, voire l’artiste fou comme ce peintre de la rue Guilleminot qui se promène déguisé en femme dans la rue et achève sa promenade allongé sur la chaussée, avenue d’Orléans352, trois banalités qui circulent dans l’opinion. Et puis l’image traditionnelle de l’artiste reconnaissable à son allure et à son costume :
Baffier est bien connu, il tranche sur le commun des mortels de notre arrondissement, quand il passe par la rue des Plantes, où se trouvent rarement dix passants à la fois, chaque passant en néglige neuf pour ne regarder que le long chapeau, la vareuse de velours, les longs cheveux et la longue canne du sculpteur353.
160Il arrive toutefois que certains conçoivent le quartier comme un espace pictural. Dans Le Sans-souci de Plaisance, un des héros, peintre de 28 ans, se promène avenue du Maine « en train de piper une scène de nuit dans les quartiers excentriques » et cherchant « une impression354 ».
161L’artiste plasticien n’apparaît plus comme un vecteur du/d’un mouvement social355. Ni en fait, ni en représentation. Seulement à la fin de notre période évoque-ton une réunion des artistes de la rive gauche au théâtre Montparnasse356, mais le fait concerne toute la rive gauche et non Plaisance et aussi les artistes dramatiques, lyriques, les poètes... Ce sont les deux journaux les plus militants, le révolutionnaire Cri social et le catholique Écho de Plaisance qui tentent de faire quelque peu place aux artistes ou aux aspirations artistiques. Ainsi L’Écho de Plaisance est-il actif dans l’organisation de veillées des artistes de Montparnasse en 1898, salle de l’Espérance, avenue du Maine, puis 10 rue Perceval357. Le Cri évoque la présence des artistes lors de la commémoration de la Commune en mars 1896358. Les deux journaux se font aussi l’écho d’une visée artistique dans l’architecture du quartier. Elle est clairement affirmée par Soulange Bodin lors de la construction de Notre-Dame-du-Travail359.
Verlaine comme Gauguin ?
162N’abusons pas des analogies. Toutefois ce n’est pas nous qui associons Verlaine et Gauguin, mais une matinée donnée à leur profit commun au théâtre du Vaudeville, 7 boulevard du Montparnasse, le 21 mai 1890 ! Un autre de nos grands « célèbres » vint, en effet, « habiter » à Plaisance à la fin des années 1880 et au début des années 1890. Verlaine était certes beaucoup plus reconnu que Gauguin dans ces années et il était déjà « prince des poètes ». Sa présence à Broussais est même signalée une fois par Le Montrougien360. Mais sa poésie ne lui rapportait presque rien et on sait qu’il vivait dans une demi-misère avec ses « amies » dans de petits logements du Ve arrondissement. Il était aussi atteint d’une maladie très douloureuse à la jambe gauche qui l’ankylosait gravement avant de voir son état général s’aggraver à partir de 1890. Aussi trouva-t-il dans les hôpitaux à la fois un asile et un lieu de soins. Parmi les six hôpitaux où il fut admis, c’est de loin Broussais361 qu’il fréquenta le plus, y passant deux ans et demi de sa vie entre 1886 et 1895. Il y vécut, avec quelques privilèges – de sortie libre et de droit de recevoir tous les jours –, la vie austère, réglé, quasi monastique des malades/ pauvres qui cohabitaient alors dans les hôpitaux selon des limites qui restaient floues. Il composa à Broussais de très nombreux poèmes et publia en 1891 Mes Hôpitaux, chez Léon Vanier, une chronique de sa vie hospitalière. Il reçut de très nombreuses visites dont la presse se fit l’écho. Tout ceci livre un beau corpus, que nous utilisons plus loin, sur Broussais au tournant des années 1880-1890. Mais ce qui nous intéresse ici, c’est que Verlaine trouva dans ce lieu quelque chose qui tenait de la satisfaction du pain et du lit quotidien :
J’y suis, j’y vis. « Non, j’y végète », on rectifie ;
On se trompe. J’y vis dans le strict de la vie,
Le pain qu’il faut, pas trop de vin, et mieux couché !
évidemment, j’expie un très ancien péché362
163Verlaine ne fut sans doute pas le seul « décavé363 » à séjourner à Broussais. Tout cela ne suffit pas pour faire de Broussais un salon littéraire ou artistique de la fin du xixe siècle, mais cet hôpital lointain et excentré correspond bien au Plaisance comme périphérie. Et y retrouver Verlaine, le poète marginal par excellence, le « prince des Infâmes364 », nous le confirme365.
164Un Plaisance littéraire, donc ? La présence de Verlaine n’est qu’un indice. La presse locale ne consacre guère de pages à la littérature, mais elle ne répugne pas à présenter des feuilletons écrits par des nouvellistes peu connus. L’Avenir du XIVe arrondissement a commencé, en novembre 1893, la publication du Sans-souci de Plaisance, d’Henry Dufurt, publication continuée après l’arrêt du journal dans La Tribune du XIVe. L’Observatoire publie, à compter d’avril 1887, Le Duel du Cabotin de Jean de Nades. Enfin Le Montrougien présente Leur crime, de Jean Dorval, à partir du 8 octobre 1893. Ces petits feuilletons reprennent les thèmes des romans populaires avec des jeunes gens plutôt impécunieux (mais qui ont une origine intéressante) qui rencontrent de jeunes et jolies ouvrières. Les journaux locaux publient aussi quelques poésies. Le Montrougien a, avec Clovis Pierre, un poète de la vie locale366. Le Cri social présente des écrits de l’ancien communard Martelet ou de Xavier Guillemin, belle personnalité socialiste du quartier367. Enfin, les journaux du XIVe s’intéressent aux théâtres de Montparnasse dont ils annoncent généralement les programmes, mais rien ici n’apparaît particulier à Plaisance si ce n’est qu’en 1889, la critique théâtrale du Montrougien est assurée par Mme Astié de Valsayre sous le pseudo « Une dame du Balcon ».
165Plaisance est plus propice à des tentatives de vie culturelle. Jean Baffier, le sculpteur gaulois, tente de lancer en 1888 une initiative régionaliste avec les Berrichons de Paris : « Une curieuse et très intéressante tentative de décentralisation artistique vient d’être tentée dans notre quartier de Plaisance », constate la presse368. Tous les dimanches se tiennent des soirées, « rue de l’Ouest au n° 115, dans une grande salle » où « la Société des Gas du Berry convoque ses amis ». On y danse au son de la vielle et de la double cornemuse ; on y chante de vieux chants berrichons, on y lit des poésies imprégnées de la tradition et de l’esprit gaulois : « Il faut que tous les érudits, tous les artistes, que tous ceux qui sentent battre dans leur poitrine un vrai cœur gaulois, s’intéressent à ces richesses ignorées, prêtes à disparaître, richesses musicales, littéraires, artistiques369. » Ainsi, il y eut là, quelque temps370, initiée par un sculpteur plaisancien, tenue au cœur du quartier, une manifestation culturelle originale.
166Dans un tout autre esprit, Le Cri social se fait l’écho en 1895371 de la création de « soirées littéraires », le samedi soir, à la salle du Moulin-de-Beurre, 15 rue du Texel (au coin de la rue de l’Ouest). Ce sont des chansonniers qui sont à l’origine de cette initiative de « créer à Montparnasse des soirées littéraires sous le nom de soirées du Moulin de Beurre372 ». Le journal se dit satisfait que « le quartier où habitent aujourd’hui tant d’artistes poètes et peintres [qui] était absolument dépourvu de réunions de ce genre » soit le lieu de cette manifestation. On notera que, comme souvent, Montparnasse prend le devant symbolique sur Plaisance qui n’est pas mentionné alors que les soirées s’y déroulent.
167Plaisance est enfin le lieu où se fabrique une petite revue mensuelle littéraire – et artistique – peu connue, La Revue d’un passant. Elle paraît, assez régulièrement de janvier 1892 à novembre 1896. Elle connaît ensuite une interruption pour renaître sous une autre forme et avec un autre nom en 1899. Il n’y a pas de grands noms dans cette petite revues qui devait tout juste faire vivre son directeur, F. B. de Bucé (il n’a laissé que quelques œuvres poétiques). Parmi les collaborateurs de Bucé nous notons Jean Dormil, Roger de Beauvoir, Adolphe Gensse, Gustave Le Rouge. Comme toutes les petites revues littéraires de l’époque, La Revue d’un passant publie nouvelles, poésies, critiques... dont le contenu n’a très généralement rien à voir avec Plaisance. Mais elle présente aussi une riche revue d’actualités politiques et associatives qui, elles, concernent principalement le quartier. De Bucé eut quelques velléités politiques locales. Situant le journal comme républicain-démocrate-socialiste-individualiste, il soutint en 1893 la candidature du républicain socialiste Monteil lors de l’élection législative373. Sans aucun succès !
168La Revue d’un passant tenta d’avoir une clientèle qui dépasserait celle du XIVe arrondissement ; mais bien qu’elle annonça en 1896 qu’elle se vendait de plus en plus au Quartier latin, l’examen de ses lieux de dépôts (de vente ou de lecture) dément quelque peu son optimisme374, puisque la prépondérance du XIVe est écrasante et que le Ve arrondissement est absent :
169Encore faut-il souligner que 46 des dépôts de la revue sont à Plaisance (contre seulement 18 à Montparnasse, 14 à Petit-Montrouge et aucun à la Santé), ce qui accentue le sentiment d’une revue littéraire de quartier. Sans nul doute, une large majorité des petites centaines de lecteurs de la revue devaient-ils habiter à Plaisance. Petit rayonnement, donc, de cette revue restée longtemps inconnue, mais il nous reste ce trait significatif d’une production littéraire locale, originale, marginale, modeste.
170Verlaine fut un passant de Plaisance. Nous ne pensons pas que le quartier ait d’ailleurs accueilli alors beaucoup d’écrivains – en tout cas reconnus. Contrairement à une légende qu’il avait lui-même largement contribué à créer, Georges Duhamel n’y a pas habité dans son enfance (il habitait tout près dans le XVe arrondissement, sur l’avenue du Maine, de l’autre côté de la gare). Léautaud, un de nos petits dictateurs des lettres, y vécut les premières années de sa vie en 1872-1874375. Seul Rosny aîné fut alors un vrai Plaisancien. Gustave Aimard, le célèbre, alors, romancier d’aventures exotiques, habitait en 1875, au 2 rue Bénard. Quelques années plus tard, il devint fou et fut interné à Sainte-Anne ! Tout ceci ne fait certainement pas milieu ou quartier littéraire mais atteste la présence d’un petit milieu de classes moyennes, artistiques ou intellectuelles.
171Nous avons encore peu évoqué la musique ; c’est que c’est surtout au travers du prisme associatif ou des sociabilités qu’elle se manifeste et se perçoit.
Micros sociétés – micros espaces
172La croissance du bâti, si elle est impétueuse dans ce dernier quart du xixe siècle, n’a cependant pas empli tout l’espace plaisancien. La partie méridionale reste assez largement inoccupée malgré les tentacules de la rue de Vanves ou de la rue des Plantes. Le boulevard Brune et les fortifications sont aussi un espace très dégagé (même si des habitations et les Timbres s’y installent). Plus au sud encore, au pied des fortifications, au-delà du fossé, le territoire n’appartient pas encore à Paris, mais à Vanves (puis Malakoff lorsque cette portion de Vanves devient commune)376. Le boulevard et les fortifs sont parfois évoqués, nous l’avons vu, pour leur dangerosité, mais ce n’est pas l’image dominante. La presse nous montre surtout, directement ou indirectement, un endroit privilégié pour les jeux d’enfants ou d’adolescents. Gaston, le fils d’Astié de Valsayre, une féministe du quartier, habitant rue Pernety, « n’avait pas de joie plus grande que d’aller se rouler sur les tallus [sic] des fortifications et de barboter dans le petit ruisseau qui coule au milieu des fossés377 ». Les petits incidents nous renseignent sur les jeux des gavroches de Plaisance. Certains chassent au lance-pierres les « pierrots378 ». On y grimpe haut aux arbres379, on y fait de la bicyclette380. Pour les plus âgés, les fortifs sont un bon endroit pour les relations amoureuses381.
173L’espace est aussi propice à l’installation d’une fête foraine au printemps – attestée en 1893 et 1894. Des cafés accueillent les promeneurs. On n’aura garde d’oublier que la présence des gabelous et des militaires autorise un certain folklore382.
174La zone périphérique du quartier est toutefois menacée par les tentations d’en faire un espace de relégation. Certains voudraient y voir rejeter les prostituées de Montparnasse. Delaurier propose aussi d’y rejeter les industries polluantes comme une usine de benzine de la rue Daguerre ou la distillerie de Jacques, rue de Vanves383.
Du côté des originaires
175Les natifs non parisiens sont environ 50 % des 56 000 Plaisanciens de 1896. Nous ne disposons pas des listes de recensement, mais d’enquêtes partielles ; sans doute la principale mutation – attendue – par rapport au Plaisance de 1867 est-elle l’arrivée des Bretons. Sans être dominante, l’immigration bretonne rivalise maintenant avec les Lorrains, les Nordistes, les Normands, les Berrichons et les Auvergnats. Les Côtes-du-Nord fournissent ainsi le plus fort contingent de Plaisanciens (1019). Cette immigration bretonne n’attire que tardivement l’attention des contemporains : il n’y a pas alors de ces récits pittoresques qui vont abonder au xxe siècle. C’est seulement à l’extrême fin de la période, et à l’initiative de la paroisse que vont se créer des représentations de la Petite-Bretagne. Préoccupée, avec énormément d’exagération, que sur 38 000 habitants du quartier, au moins 12 000 soient Bretons (2 500 tout au plus sur 56 228 habitants en 1896384 !), la paroisse constate qu’« une petite Bretagne s’allonge autour de la ligne du chemin de fer de l’Ouest » et s’inquiète que ces Bretons, fidèles en Bretagne, soient « tombés dans un milieu païen, indifférent ou hostile385 ». Aussi met-elle en place une permanence les jeudis soirs pour « les Bretons qui désirent se voir et se connaître386 ». Elle va organiser des pardons, développer le chant et le parler breton et, en octobre 1897, est annoncée la création d’une Association fraternelle des Bretons résidents à Plaisance, dont le siège est au 34 rue Guilleminot387 (une annexe de la paroisse).
176La paroisse envisage aussi de créer une association des Limousins – mais il semble bien qu’elle n’ait pas eu de succès. Dans le cadre d’une dominante d’un évident melting-pot parisien et plaisancien, nous ne trouvons d’autres traces d’originaires que dans l’initiative déjà évoquée de Jean Baffier, qui crée la Société des Gas du Berry en 1888, qui se réunit les dimanches en « soirée388 ». On y danse, avons-nous vu, au son de la vielle et de la double cornemuse. L’initiative semble toutefois n’avoir eu qu’un temps même si des traces en ont subsisté, surtout dans le Berry.
177La présence des étrangers dans Plaisance ne semble pas non plus avoir attiré beaucoup l’attention des contemporains. En 1896, on comptait 1 936 natifs de l’étranger et 1 736 étrangers (soit 3 % des habitants). Un chiffre un peu plus élevé que la moyenne parisienne, mais encore relativement bas. Les Belges et les Italiens dominent sans surprise massivement cette immigration (596 Belges et 436 Italiens). Sur les Belges, rien, sur les Italiens, très peu de choses. À la fin de notre période, quelques incidents sont évoqués. Dans un bistrot de la rue Vercingétorix, une bagarre éclate entre un ouvrier français et un ouvrier plâtrier italien qui aurait mal réagi aux plaisanteries du Français sur les troupes italiennes389. Mais l’écho s’inscrit dans une campagne générale du Petit Parisien contre l’immigration italienne. Les modèles italiens attirent le plus l’attention390. Tout ceci ne faisant pas une grande moisson de faits qui puissent devenir significatifs.
178La population juive, ou d’origine juive, est très peu nombreuse à Plaisance. Mais sur les Juifs, à l’occasion de l’affaire Dreyfus, nous notons des réactions beaucoup plus importantes, avec la présence d’un antisémitisme notable. Toutefois cet antisémitisme ne renvoie à aucune question propre au quartier. Il ne s’inscrit, en apparence, que dans un débat national, essentiellement politique, que nous aurions pu évoquer tout aussi bien dans les lignes sur le politique de ce chapitre. L’antisémitisme est présent dans trois de nos journaux. Il divise la rédaction du républicain avancé Montrougien, il est accentué dans le journal conservateur Le XIVe, il est violent dans le journal de la paroisse L’Écho de Plaisance.
179La culpabilité de Dreyfus, qui paraît indiscutable dans les années 1894-1895 à la rédaction du Montrougien, suscite des articles antisémites signés d’un certain Mimosa, qui s’en prend à « la Juiverie391 ». En 1896, Virgile Gérard se méfie des Juifs dans la fonction publique et plaide contre les naturalisations hâtives392. Mais ces positions sont contredites par Delaurier qui, à plusieurs reprises, souligne que l’affaire Dreyfus ne doit pas s’accompagner d’un quelconque antisémitisme même si Dreyfus était coupable393. L’unanimité règne, par contre, au réactionnaire XIVe où « les juifs deviennent un danger pour l’État394 ». C’est toutefois à L’Écho de Plaisance que les écrits sont les plus antisémites. Soulange-Bodin y est pour beaucoup. Évoquons seulement cet article d’octobre 1897 où l’auteur dénonce la ruine de la France par les Juifs et qui, devant un possible État juif, le souhaite « de grâce le plus loin possible ». Rien de tout cela ne nous semble cependant particulier ou accentué à Plaisance. Disons simplement que l’échelle du quartier ne fait pas disparaître une question nationale.
Société civile – société qui civilise ?
180Entre la famille misérable et le politique s’établit à Plaisance une société civile croissante. Si les sociabilités sont parfois difficiles à retrouver, il n’en va pas de même de la société civile, organisée au travers des associations.
Du côté des Sociétés
181À vrai dire, les associations n’ont, on le sait, pas toujours d’existence légalisée et encadrée par la loi. Mais sous le nom de « Société » existent ce que l’on peut appeler sans la moindre hésitation des associations dans le sens le plus moderne du terme. La loi de 1901 n’a fait que suivre le fait, comme souvent.
182Nous décomptons en 1895 plus de trente associations qui sont présentes à Plaisance. C’était loin d’être le cas au début de notre période où leur nombre ne dépassait certainement pas les doigts d’une main. Ce sont les organisations politiques ou proches du politique qui, dans les années 1870, ont lancé le mouvement sociétaire (la coopérative ouvrière L’Avenir de Plaisance, Le Cercle Républicain, L’Union des Jeunesses républicaines de Plaisance...). Nous les évoquerons surtout dans leur cadre politique. Les associations catholiques se situent aussi dans la mouvance de l’Église et nous en parlerons à cette occasion. Puis, dans les années 1880 et 1890, les créations ne cessent pas.
183On peut regrouper ces associations suivant deux typologies qui se croisent assez bien. D’une part, le plus évident, leur objet : associations culturelles, sportives, ludiques, socio-économiques, sociopolitiques divisent le paysage sociétaire. D’autre part, compte tenu de notre objet d’étude – un quartier urbain –, nous devons distinguer cinq types :
- Les associations dont le nom se réfère à Plaisance et exerçant leur activité à Plaisance ;
- Les associations dont le nom ne se réfère pas à Plaisance (souvent elles semblent concerner tout le XIVe arrondissement) mais que des indices concordants nous conduisent à situer surtout, voire exclusivement à Plaisance ;
- Les associations dont le nom se réfère à Plaisance, mais qui, en fait, agissent sur tout l’arrondissement (et parfois plus) ;
- Les associations dont le nom ne se réfère pas à Plaisance (au XIVe en général) et qui n’ont qu’une partie de leurs activités à Plaisance ;
- Des associations diverses non plaisanciennes, voire pas du XIVe, qui sont venues occasionnellement à Plaisance395.
184Les types I, II et IV se répartissent bien les associations présentes à Plaisance (une grosse dizaine chacun), mais le type III contient la société la plus ancienne et la plus symbolique du quartier.
185Commençons par les groupements culturels. La musique et le chant dominent largement le paysage avec une dizaine de sociétés. Dans ces associations, le type IV domine largement. Le Cercle philharmonique du XIVe, Le Choral de Montrouge, Le Drapeau, La Musique municipale, La Société philharmonique du XIVe L’Union artistique du XIVe ont directions, sièges et large part du public hors de Plaisance, même si certaines activités, certains adhérents sont de Plaisance.
186Quatre associations échappent à ce type. Deux sociétés sont beaucoup plus plaisanciennes, L’Écho de Paris et La Médéah (nom sans nul doute lié au nom de la rue). Mais elles ont des spécialités moins nobles. La première est une société de trompes de chasse, la seconde une société de trompettes. Nous connaissons peu de chose de L’Écho de Paris sinon que son siège était au 49 rue de Vanves396. Quant à La Médéah, elle devient une société fort active à partir de 1893, participant aux activités et aux fêtes organisées par la mairie du XIVe397.
187Les deux dernières sociétés musicales, Le Choral de Plaisance et le Cercle symphonique de Plaisance, n’en font en fait probablement qu’une. La seconde ayant été créée en 1885 au siège de la première. Le Cercle symphonique se fait connaître en jouant à diverses occasions398. Le Choral de Plaisance est l’association phare de notre liste, à l’époque. Elle est la plus ancienne des sociétés. Ses origines remontent au Montrouge d’avant l’absorption parisienne du Petit-Montrouge en 1860. Il y avait déjà là un Orphéon animé par un M. Stoesser. En 1867, son fils, Jules Stoesser, professeur au lycée Turgot, fonde Le Choral de Plaisance399, dont nous connaissons très mal les premières années. Mais vingt ans plus tard, elle est devenue la société la plus glorieuse du XIVe. Le Choral est couvert d’éloges : il joue à la « perfection » en partie grâce à la qualité de son chef, Jules Stoesser400. En 1891, l’éloge atteint au dithyrambe : « La société est [pour] ainsi dire la plus renommée non seulement du XIVe arrondissement, mais de Paris ; elle remporte sans cesse de nouveaux succès401. » Mais cette gloire est-elle plaisancienne ? Symboliquement, pour une rare fois, oui. Mais, dans les faits, Le Choral de Plaisance s’est entièrement détaché du quartier. Son siège (comme celui du Cercle) est au 90 boulevard Montparnasse.
188Au bilan musical plaisancien, il semble bien que la musique noble ne soit guère un fait plaisancien sensible si l’on excepte Le Choral de Plaisance, dont le nom est héritage du Plaisance de 1860, celui des rentiers et des petits bourgeois venus de Montrouge. Curieux effet retard favorable à un Plaisance symbolique s’appuyant sur un passé quelque peu perdu.
189Plaisance est mieux représenté dans des activités culturelles plus diversifiées. La Bienvenue du XIVe, créée en 1886402, qui a une activité éducative dans les domaines du chant, de la musique et de la déclamation, a son secrétaire, M. Brionne, qui réside 8 rue Maison-Dieu403 ; Le Chrysanthème, société musicale et littéraire créée en 1894, se réunit au Cercle républicain, 73 rue Mouton-Duvernet (rue Maurice-Ripoche actuelle)404. Nous avons très peu de renseignements sur Les Gays Lurons du XIVe, créé en 1888405. Par contre, Les Amitiés de Plaisance sont très plaisanciennes I Cette société lyrique et dansante a son siège au ro2 rue de Vanves, c’est-à-dire au Moulin-de-la-Vierge où elle tient naturellement ses concerts, ses matinées, ses grandes fêtes familiales406. La tonalité est joyeuse. Ainsi le dimanche 10 mai 1891, la société a donné Madame est couchée407...
190Plaisance est aussi très bien représenté dans les associations sportives408 où le tir et la gymnastique dominent. Les Carabiniers de Plaisance sont, après Le Choral, la société la plus évoquée. Créée en 1883409, elle bénéficie du soutien financier du conseil municipal410. Elle peut aussi organiser ses matinées-concerts et participer à la préparation du bal du XIVe411. Son président est M. Klée, 54 rue des Plantes412, commerçant en vins, qui cumule de nombreuses notabilités à Plaisance. Trois autres sociétés rivalisent sur le même terrain ! Les Ex, dont nous n’avons qu’une trace en 1894 ; En Avant (qui semble s’être aussi appelée L’Avant-Garde), société de tir et de gymnastique du XIVe arrondissement, et Les Francs-Tireurs de la Porte de Vanves. (Re)constituée en 1886413, En Avant a des accroches avec Plaisance puisque sa première réunion se déroule au Moulin de-la-Vierge avec quinze participants et qu’elle tient son bal annuel en 1888 au 61 rue de Vanves. Enfin les Francs-Tireurs de la Porte de Vanves sont une société localisée au sud de Plaisance414, près des fortifs. Petite société (une soixantaine de membres en 1887) dynamique, elle a naturellement son stand boulevard Brune.
191Tardivement apparaissent les associations de cyclistes, L’Union cycliste de Plaisance, fondée en 1894, a son siège au café du Télégraphe, au croisement du 108 avenue du Maine et du 1 rue de Vanves415. Les Joyeux Cyclistes du XIVe, qui organisent une course de vélo à l’occasion de la fête du Lion de Belfort, n’ont eux rien de spécifiquement plaisancien416.
192Mais Plaisance semble aussi particulièrement actif dans les sociétés mutualistes, épargnantes, prévoyantes, voire investisseuses... En dehors de L’Avenir de Plaisance, la coopérative, nous avons recensé la Société d’aide fraternelle et d’études sociales Groupe de Plaisance417, la Société d’épargne en participation du quartier de Plaisance, créée en 1888418, et La Petite Bourse de Plaisance, société d’achats d’actions, créée en octobre 1895, dont le siège est 52-54 rue des Plantes419. Mais il faut aussi noter que les sociétés qui se veulent sur tout le XIVe arrondissement reposent souvent sur notre quartier. La Société de prévoyance et d épargne mutuelle du XIVe est présidée par l’inévitable Klée et a son siège au 100 de la rue Vercingétorix420. La Libre épargne du XIVe, créée en 1891, a son siège au 70 rue de Vanves421. La 14e section de La Fraternelle Humanitaire tient ses banquets au Moulin-de-la-Vierge422. L’Épargne mutuelle du XIVe, créée en 1895, a son siège 78 rue du Château423. Ainsi Plaisance, sans compter les organisations socialistes et catholiques, dispose de sept sociétés socio-économiques. C’est beaucoup. Sans doute est-ce la trace de la recherche d’une sécurité financière dans un quartier particulièrement affecté par la crise et pauvre. Mais aussi on y trouve le reflet de micro-solidarités locales, qui s’organisent autour de petits notables et qui ne répugnent pas à la chaleureuse réunion annuelle au Moulin-de-la-Vierge.
193Nous nous intéresserons moins à ce que nous avons défini comme associations sociopolitiques, groupes de pression des intérêts locaux ou professionnels, premiers pas vers les syndicats. À Plaisance, ce sont bien sûr les commerçants qui animent ces groupes, 14e section du Comité de l’Alimentation, Ligue contre les Grands magasins, Syndicat général de défense des intérêts généraux du quartier de Plaisance424, Ligue de Plaisance (groupe d’habitants qui agit pour faire pression sur la Compagnie de l’Ouest à propos des passages à niveau)425.
194Progressivement s’est installée à Plaisance une riche vie associative, particulièrement riche dans les activités physiques, ludiques et épargnantes, moins sensible dans les activités culturelles « nobles ». N’exagérons pas le phénomène. Un petit politicien local, Rennesson, regrettait en 1887 que seulement 3 % des électeurs soient membres d’une société426. Ils ne devaient guère dépasser 5 % en 1896, en suivant notre courbe des associations. Sans compter que les associations paraissent réservées aux « électeurs », donc aux hommes. Très peu de femmes dans nos sociétés, donc, sinon dans certaines associations musicales, mais justement peu présentes à Plaisance, sauf les masculines trompettes et les tout autant masculines trompes de chasse ! La grande masse de nos Plaisanciens restent donc éloignés de cette vie associative. Tout occupés de leur misère sans doute.
195Ce Plaisance sociétaire, excepté L’Avenir de Plaisance, est absent de la mémoire depuis un siècle.
Du côté des sociabilités
196Les sociétés nous laissent déjà entrevoir nombre de pratiques sociables au travers de leurs fêtes de famille, de leurs banquets, de leurs bals, une trilogie que reprennent les mouvements et cercles politiques. Mais il s’agit là d’une sociabilité encadrée et qui peut répondre autant ou plus à des normes civiques qu’être une traduction d’une spontanéité populaire (elle-même, bien sûr, possiblement normée). Un moment fort des sociabilités populaires est les grandes fêtes qui animent le quartier ; le 14 Juillet est la plus forte à l’évidence. Il y a aussi les fêtes particulières liées à des conjonctures : fête franco-russe, fête du centenaire de la République. Certaines fêtes se veulent davantage l’expression de l’arrondissement, la fête du Lion de Belfort, ou du quartier, la fête de Plaisance. D’autres traduisent des identités particulières, fêtes des écoles (encore très exceptionnelles), fêtes des paroisses. La fête de mi-carême est à la fois fête des blanchisseuses (nombreuses dans le Sud-Ouest parisien et banlieusard) et rituel de transgression qui concerne le petit peuple. Il y a enfin les fêtes foraines, parfois associées aux précédentes.
197Dans tous les cas, nous disposons de très peu d’informations sur les sociabilités des années 1870 et des premières années 1880. Moindre sociabilité dans une après-guerre et une après-Commune, ou défaut des sources ? Rien ne nous permet de conclure ni même de donner une hypothèse un peu forte. Ce qui suit concerne donc la période de la fin des années 1880 et le début des années 1890 ; au maximum de la crise socio-économique. Une crise qui semble ne pas perturber des manifestations festives nombreuses.
198L’examen des fêtes nous permet de constater que les fêtes du quartier Plaisance sont assez régulières. Ce sont des fêtes annuelles, en mai-juin. Elles visent à la fois une animation commerciale du quartier et à renflouer certaines caisses. La forme choisie est la fête foraine sur des espaces libres, plutôt décentrés, encore peu bâtis. La fête de 1888 a lieu sur le terrain vague de l’AP, au 156 rue de Vanves, les fêtes de 1893, 1894 et 1895 ont lieu boulevard Brune, près de la porte de Vanves. Les fêtes du 14 Juillet, dont le sens politique sera examiné plus tard, font l’objet de choix complexes et variés. En 1888, 1892 et 1893, Plaisance constitue un comité des fêtes particulier, organise ses bals, l’itinéraire de la retraite aux flambeaux, etc. Mais en 1891 et 1895, tout est organisé par un comité du XIVe arrondissement qui décide des lieux des bals, de l’itinéraire (qui ne passe que partiellement à Plaisance...). Enfin la fête du Lion de Belfort, fête de l’arrondissement en septembre, est toujours organisée par un comité des fêtes de l’arrondissement qui fait d’ailleurs une part inégale à Plaisance. Il en va de même pour d’autres fêtes comme la fête franco-russe de 1893427 ou la fête du centenaire de la République en 1892. On sent bien une tension entre le quartier et l’arrondissement dans le contrôle de l’organisation des fêtes. Il arrive que des rivalités se manifestent aussi entre quartiers à propos des implantations des manifestations. Ainsi, à l’occasion de la fête du Lion de Belfort de 1894, un journaliste regrette que des baraques s’installent rue Didot, loin du centre de l’arrondissement428. H. Klée, le président du Comité des fêtes du XIVe (qui est de Plaisance), lui répond qu’il y a déjà beaucoup de forains dans le centre, près de la mairie et avenue du Maine, et que placer des jeux rue Didot permet une dissémination de la fête429.
199Enfin certaines fêtes ne sont pas présentes à Plaisance. C’est le cas de la mi-carême. Les cortèges parisiens du Bœuf Gras restent dans le centre de Paris (aucun arrondissement périphérique n’est concerné en 1896), passant au mieux boulevard Montparnasse. Non que les blanchisseuses de Plaisance ne fêtent pas la mi-carême ; elles se déguisent comme partout dans leurs lavoirs430 et participent au défilé de chars. Mais cette fête, transgression des rôles, n’a sens que par l’investissement du centre par la périphérie et le cortège ne peut alors avoir lieu à Plaisance sans perdre ce caractère. Plaisance prend sa revanche dans la chanson qui lui donne un rôle premier avec Vaugirard, Issy et Montmartre (justement quatre quartiers venus des anciennes communes périphériques). Le couplet le plus chanté des complaintes du Bœuf Gras n’est-il pas :
Écoutez, peuple de France,
Gens d’Vaugirard et d’Issy,
Et peup’de Montmartre aussi,
Écoutez, gens de Plaisance,
L’épouvantable accident
D’un animal innocent431.
200Nous l’avons vu, les autres organisateurs des festivités sont les associations qui usent des salles et des guinguettes. Mais celles-ci ont leurs propres activités. Le principal cabaret de l’époque – très connu alors rive gauche – est le Moulin de la Vierge, 102 rue de Vanves. Une autre guinguette, moins importante, était à l’angle de la rue des Plantes et de la rue du Moulin-Vert, « avec terrasse et tonnelles », au voisinage d’un jeu de boules432.
201Ces cadres étant fixés, quelles sont les activités festives des Plaisanciens ? Les bals sont partout et tout le temps ! D’abord, bien sûr, pas de grande fête commémorative ou d’une quelconque ampleur sans son ou plutôt ses bals. Le jour (par exemple cinq bals à Plaisance à l’occasion de la fête du Lion de Belfort en septembre 1892433) et la nuit surtout : quatre bals de nuit à Plaisance pour le centenaire de la République434, un bal de nuit au Petit Chaperon Rouge le 14 juillet 1891435, huit bals de nuit le 14 juillet 1892436 et vingt-quatre le 14 juillet 1895 Ces bals sont généralement une grande réussite : « On dansait partout, les rues de Vanves, de l’Ouest, les Avenues du Maine et d’Orléans étaient pavoisées avec beaucoup de goût », note Léon Marius le 14 juillet 1892437.
202Mais il y a aussi bal et « valses » lors de la fête foraine de Plaisance de mai-juin 1888, avec même un « bal d’enfants438 ». Les sociétés organisent leur bal annuel, de la société de tir En Avant439 à la coopérative L’Avenir de Plaisance440, de l’Union artistique du XIVe arrondissement au Cercle socialiste révolutionnaire441... Mais on peut aussi danser chaque dimanche au Moulin de la Vierge et dans quelques autres bouchots.
203Le banquet et le repas sont beaucoup moins souvent signalés442, en perte de vitesse sur le premier xixe siècle. Par contre, les jeux abondent. Les boules ont déjà une grande popularité tant sur des terrains permanents443 qu’à l’occasion des fêtes foraines. Les jours de grandes fêtes sont organisés des jeux444 ; parfois il est précisé pour les enfants445, pour les jeunes filles446, pour les garçons447. Mais c’est à l’occasion des fêtes foraines448 que se multiplient les baraques449, les manèges, les balançoires, les chevaux de bois. La grande attraction de la fête du boulevard Brune de 1894 est un chemin de fer aérien ! Le grand frisson déjà... Mais aussi vélocipèdes, tirs, massacres, combats, duels sont au programme des réjouissances populaires. Enfin, peu de fêtes sans leur mât de cocagne.
204Mais la fête, c’est aussi le spectacle, lors des concerts et des soirées des sociétés d’abord où musique, chansons, saynètes abondent. Les paroisses s’y mettent aussi, plutôt tardivement et en évitant les guinguettes. La fête du carnaval de Notre-Dame de Plaisance a lieu au salon paroissial, 16 rue de Vanves. On y goûte une soirée artistique pour les enfants et leurs parents450. Lors des fêtes foraines locales, le public goûte fort le théâtre, les « musées » ou les « panoramas » qui côtoient le palais des singes, la ménagerie, le cirque, les ours451... C’est le spectacle des décorations et surtout des illuminations452, comme celles, « très belles », de la rue Didot, « très bien ornée » lors du centenaire de la République en 1892453, ou les illuminations « vénitiennes » de la fête foraine du boulevard Brune de 1894. Enfin, c’est le plaisir de la retraite aux flambeaux454, qui est aussi l’occasion du spectacle de soi.
205Spectacle des autres, mais aussi spectacle de soi renforcent l’identité collective. Les fêtes sont l’occasion de montrer les sociétés et associations. On regarde les courses cyclistes de l’Union cycliste de Plaisance455 ou des Joyeux cyclistes du XIVe456. On écoute les trompettes de La Médéah457. Lors des retraites aux flambeaux, l’identité du quartier est assurée par le char de Vercingétorix, ses druides et la Fanfare des Enfants de Gergovie458, ou le défilé des Francs-Tireurs de la Porte de Vanves et d’En Avant459. Parfois, c’est hors du quartier que cette identité locale est réaffirmée comme lors du défilé de la mi-carême 1895 où le char du lavoir Sainte-Eugénie obtient le troisième prix460.
206Spectacle aussi de la nature, car les cadres agréables sont aussi propices aux activités joyeuses : bals ou repas, jeux ou amours bénéficient des terrasses, jardins, bosquets, tonnelles, treilles, bien présents à Plaisance, surtout au sud du quartier, moins densément construit461. Comme ce « bouchon orné d’une tonnelle, au treillage badigeonné de vert, enguirlandé de vignes vierges » au voisinage de la triste cité Girodet462.
207Cette sociabilité organisée prend-elle vraiment un sens de quartier ? Assurément, nombre de notables463 locaux l’ont ainsi perçu et construit. Nous le voyons au travers des jugements portés sur les fêtes : « la fête de Plaisance réussit au-delà de toute espérance », estime Le Républicain du XIVe arrondissement, le 3 juin 1888. Mais, dans le même journal, Rennesson, futur candidat local, pense que le 14 Juillet a échoué « dans le quartier de Plaisance [où] il est regrettable que le manque de direction ait dispersé les forces464... » Entre volonté d’autonomie et d’affirmation du quartier et difficultés à maîtriser une animation de masse, la tension est évidente.
208Reste maintenant à approcher une sociabilité plus informelle, plus quotidienne, ce qui semble bien plus difficile. Finalement deux points forts se dégagent de nos sources ; l’enfant et la rue ; le pilier de bistrot. L’occupation de la rue par l’enfant remonte, nous le savons, au moins au premier xixe siècle. Le gamin de Paris, le gavroche, est l’élément vivant de la rue, son animateur visible et, pour certains, inquiétant. L’effort scolaire de la IIIe République n’a qu’en partie porté ses fruits en ce qui concerne le contrôle social de la rue et de l’enfant du peuple. Nous le voyons donc à Plaisance multiplier encore les coups d’éclat quand ce n’est pas au triste détour d’un accident de rue que nous le rencontrons. Un gamin de neuf ans qui s’était cramponné, comme c’était la coutume des gamins, à l’arrière de l’omnibus Plaisance/Hôtel-de-Ville, est tombé au moment où arrivait une charrette et est gravement blessé465. Deux cents gamins accompagnent au commissariat de la rue Sainte-Eugénie deux dames qui s’opposent sur la propriété d’un chien. Belle occasion de chahut466. Moins gentils, ces cinquante ou cent gamins qui se moquent d’une vieille dame et de son chien dans le quartier467. Cette animation de la rue, ce ton de liberté et cette insolence des gamins de Plaisance sont dénoncés par les milieux catholiques et conservateurs du quartier. « Les dangers de la rue468 » pour l’enfant sont à l’origine de la création des œuvres du Rosaire469.
209L’autre personnage de cette histoire est le pilier de comptoir, verbalisé pour ivresse manifeste et souvent outrage aux agents. Un journalier de 35 ans470, un palefrenier de 34 ans471, un mécanicien de 58 ans472, une journalière de 38 ans473, un camionneur de 33 ans474, une relieuse de 42 ans475, un petit échantillon parmi des dizaines de mains courantes établies chaque année. Nos journaux, qui sont fort lus par les patrons de bistrots, peinent là à avoir une vue critique de ce besoin naturel de « se désaltérer476 ». C’est l’alcoolisme chronique qui est dénoncée pour mal social, non – ou si peu – l’ivresse passagère477. Fort en gueule, héritier du Sublime de l’avant 1870, le peuple du comptoir ne néglige pas les occasions de s’amuser, au grand dam de certains. Une « page retrouvée » de Huysmans en témoigne, qui décrit dans la « triste rue » Vandamme un marchand de vins, un « vulgaire mastroquet », sans papier collé au mur, deux tables et six tabourets dans la salle mais une cour à peine éclairée et qui « fourmille d’ailleurs de gens ». La musique est assurée par l’homme orchestre, « une grosse caisse dans le dos, cymbales par-dessus, un immense biniou dégonflé entre les bras ». On joue La Mandolinata, on chante des airs patriotiques en l’honneur de Daumesnil ou un duo « polisson ». Choqué, Huysmans aperçoit dans l’ombre aussi les jeux amoureux, « des couples échauffés près des litres vides », une « fille en cheveux, le corsage dégrafé dans lequel un mécanicien plonge, en ricanant, une grosse patte noire478 ». Grand défoulement encore que la fête des blanchisseuses dans les lavoirs de Plaisance à la mi-carême. On se déguise, on boit sans retenue479.
210Le jeu est aussi un plaisir populaire. Là encore les témoignages ne font qu’effleurer le problème. Des commerçants de la rue Didot servent de rabatteurs pour des paris clandestins480. A Bobino, une agence de paris clandestins attire de nombreux Plaisanciens481. Un marchand ambulant de 25 ans, demeurant 39 rue de Plaisance, est condamné pour jeux de hasard482...
211Il resterait à évoquer les sociabilités de voisinage, les amitiés dont nous n’avons pratiquement aucune trace alors qu’elles vont surabonder pour les périodes qui suivent, notamment par le biais des souvenirs et de l’histoire orale. Mais l’hypothèse pourrait aussi être faite qu’en ces temps de grande misère et d’absence d’espoir politique, il y avait peu de place pour ces relations. Mais gardons-nous de conclure. Ainsi, dans Mes Hôpitaux, Verlaine nous décrit de manière bien sympathique et vivante les relations du populaire lors des visites des malades à Broussais :
On pourrait appeler cette semaine celle des visites. Trois jours où les parents, amis et connaissances des malades peuvent serrer la main aux tristes reclus, les embrasser et les baiser, selon le degré d’intimité [...] Je profite de ces heures de loisir pour observer un peu à ma droite et à ma gauche, et mon temps n’est pas toujours complètement perdu, tant le populo a d’expansion, d’abandon naïf sous un air gouailleur, dans la libre expression de ses sentiments. Et que de nuances ! Ce qui caractérise ces fêtes, ces véritables fêtes bihebdomadaires pour ces pauvres braves gens, c’est le nombre du public. Il y a des lits autour desquels j’ai vu une bonne quinzaine de camarades d’atelier, en dehors bien sûr de la bourgeoise et des gosses483.
212Une description qui sent aussi l’imaginaire du poète ? Au moins il y a les traces d’une sociabilité populaire, mais plus une sociabilité familiale et de travail que de quartier, semble-t-il.
Œuvres et social : Plaisance vert ou Plaisance poubelle ?
213Un quartier aussi pauvre que Plaisance ne pouvait manquer de voir se développer une action sociale – où nous situons encore l’hôpital. L’Église joue un rôle considérable dans cette œuvre sociale, en particulier la paroisse de Notre-Dame de Plaisance et son annexe du Rosaire, avec Soulange-Bodin. Le trait le plus marquant de cette action est qu’elle est fondamentalement et étroitement paroissiale, donc territoriale et catholique. Ce pourquoi elle sera en partie contestée par certains catholiques sociaux. Nous sommes donc amené à l’évoquer dans le cadre de notre étude de la paroisse et de l’action catholique, car c’est ainsi qu’elle a son sens premier. Toutefois, il ne faudrait pas, au bilan de notre réflexion sur l’action sociale et hospitalière à Plaisance, ne pas la prendre en compte. À l’autre bout des acteurs sociaux, l’État paraît encore très absent, sauf à considérer l’école primaire comme une action sociale. Certes l’hôpital dépend de l’Assistance publique de Paris et donc, par là, est lié aux pouvoirs publics ; mais il est loin d’être étatisé encore.
214Les œuvres plaisanciennes ont paru particulièrement abondantes aux contemporains à la fin du xixe siècle, et commence à s’élaborer une image d’un modèle social de Plaisance qui prendra toute son ampleur au début du xxe siècle. Mais ce modèle est, au moins à notre période, ambigu, non pas tant parce qu’il ne serait que le reflet de la pauvreté ou du contrôle social, mais surtout parce qu’il procède de deux traits qui pourraient être contradictoires. Un côté positif. Plaisance comme quartier attirant ces œuvres car quartier aéré, vert, et bénéficiant de ces œuvres, non seulement socialement, mais aussi par la présence de vastes bâtiments, de grands espaces protégés... Un côté négatif, Plaisance comme quartier où ne s’implantent ces œuvres que parce que Paris-centre n’en veut pas ou plus et qu’il y a encore là de la place, et pâtissant de ces œuvres, malgré leur apport social, car elles sont lieux d’infection sociale et microbienne, et enlaidissent le quartier.
215Le cas de Broussais est significatif. Ce grand hôpital – actuellement en voie de totale disparition – fut ouvert en 1883 sous le nom d’hôpital des Mariniers. Les contemporains et les gravures s’accordent pour dire et montrer qu’il est construit en pleine nature, la rue Didot n’existant pas encore au-delà de la rue d’Alésia. Il est ainsi longé par le sentier des Mariniers, qui lui donne son nom, et c’est seulement en 1884 que la rue Didot fut prolongée :
Il se compose de plusieurs bâtiments formant un groupe isolé au milieu des champs entre la porte de Châtillon et celle de Vanves, et par cela même se trouve dans des conditions d’aération et de salubrité incontestable484.
216Voici donc un hôpital idyllique, qui répond à la nécessaire croissance hospitalière et aux exigences modernes de la salubrité. Toutefois, dès 1884, les choses se gâtent, car plusieurs des pavillons de l’hôpital des Mariniers vont être spécialement affectés aux malades du choléra :
Dans les premiers jours de juillet, Paris se préoccupa singulièrement du choléra qui sévissait à Toulon, gagnait Marseille et menaçait de s’étendre on ne savait où [...] On s’appropria spécialement à l’usage des cholériques un hôpital qu’on venait d’achever dans la rue Didot, près du boulevard Brune, dans le XIVe arrondissement, et qu’on désignait sous le nom d’Hôpital des Mariniers485.
217Et voici notre futur Broussais (il prend ce nom en 1885) devenu un lieu d’enfermement des contagieux ! Désormais Broussais fait l’objet de débats que cette tension initiale permet. L’hôpital des Mariniers avait été construit de pavillons en bois et surélevés, pour assurer une meilleure circulation de l’air : « une cité lacustre, car les salles des malades avaient été élevées sur des poteaux pour permettre à l’air de circuler librement entre chaque pavillon486 ». Le voici présenté comme insalubre car l’humidité y est présente par terre. Les pavillons en bois deviennent pour Le XIVe487 des baraquements construits pour les « choléreux [sic] ». Le journal, qui dénonce Broussais comme « le type des établissements hospitaliers construits à bon marché488 », critique aussi les « abus graves » de l’administration489, notamment le directeur, qui négligerait les douches des malades490.
218Il y a ainsi peu de voix pour défendre Broussais. L’image médiocre de l’hôpital de la rue Didot n’est pas meilleure dans le récit que Pierre Louÿs a laissé de sa visite à Verlaine vers 1895. Sans doute le futur écrivain à succès était-il accoutumé au grand confort et la « misère » de Broussais n’est-elle pas pire que celle d’autres hôpitaux parisiens, et cette vision pourrait être nuancée. Elle n’en demeure pas moins terriblement accusatrice :
Quelle misère ! Sur un lit de fer, des draps grossiers et sales, et, au fond, adossé sur un oreiller presque vide, lisant L’Intransigeant, il avait sur la tête un bonnet de coton sale, d’où tombaient sur un gros cou des mèches droites de cheveux gris, et sur le corps une chemise en grosse toile marquée de majuscules noires « HOPITAL BROUSSAIS »... Pendant qu’il parlait je regardais la chambre. Auprès de lui, un vieillard fiévreux se retournait dans son lit, essayant de dormir, dérangé par le bruit de nos voix [...] Sur sa table de nuit en sapin usé, un verre, un flacon de vin, un broc d’étain [...] au-dessus de sa tête, son numéro de lit, sa pancarte, « VERLAINE Paul, homme de lettres »491.
219Nous avons vu que Verlaine, lui, avait un sentiment beaucoup plus nuancé devant l’austérité de Broussais, qui resta toujours pour lui un refuge inespéré. Ainsi notre premier paquebot social plaisancien, créé en 1883, fait-il plutôt triste figure. Mais tout près de lui, un autre gros navire, privé et catholique, voit le jour à peu près au même moment, l’hôpital Saint-Joseph-lui en pleine forme en 2012 !
220Ouvert à peu près en même temps que Broussais, en 1885, Saint-Joseph donne sur la rue Pierre-Larousse et sur la rue de Vanves, lui aussi à la périphérie sud de Plaisance. Saint-Joseph n’a rien à voir avec la paroisse du quartier. A l’origine est la volonté du recteur de l’Université catholique, Mgr d’Hulot, de créer une Faculté libre de médecine en 1878492. Or sans hôpital lui-même « libre et chrétien », pas de faculté sérieuse. Une société anonyme est donc constituée, qui achètera 41 000 m2 de terrains (contigus à ceux des Sœurs du Saint-Nom-de-Jésus, installées au 185 rue de Vanves depuis 1867) à Plaisance et construira l’hôpital. L’administration en est confiée à l’œuvre de Notre-Dame-de-Consolation, la responsabilité des soins aux Filles de la Charité ou Sœurs de Saint-Vincent-de-Paul. L’architecte Jacques Lequeux eut un cahier des charges qui visait à faire de Saint-Joseph un hôpital moderne, modèle, efficace, notamment dans ses principes de communication interne. Ainsi les quatorze pavillons ne devaient pas dépasser un étage et trente lits et les services de chirurgie, de maladies ordinaires et de maladies contagieuses devaient leur correspondre rigoureusement : « Autant de constructions, autant de services différents493. » En fait, l’hôpital ne fut construit que très progressivement. Deux petits pavillons seulement dans ce qui était alors « la maison de Santé Saint-Joseph » lors de l’inauguration en février 1885494. Le XIVe, qui n’aime guère Broussais, est élogieux pour Saint-Joseph « avec ses pavillons construits selon les exigences de la science moderne495 ». Mais peu est dit sur Saint-Joseph dans la presse locale.
221Plaisance dispose d’un troisième grand établissement ! Le futur hôpital Notre-Dame-de-Bon-Secours, rue des Plantes. Et celui-ci, à la différence des deux précédents, s’inscrit beaucoup plus dans une démarche locale, mais moins plaisancienne que montrougienne. L’abbé Carton, curé de Saint Pierre de Montrouge, avait fondé en 1873, passage Rimbaut, tout à côté de l’église, un petit asile pour une quinzaine de vieillards. Cet asile, servi par les Sœurs de Sainte-Marie, fut transféré en 1878 au 66 rue des Plantes. Le projet devint alors plus vaste. L’asile pour vieillards (des deux sexes) fut agrandi et sa capacité portée à 120 lits. Mais surtout la laïcisation des hôpitaux (comme Cochin) entraîna le transfert des Sœurs augustines hospitalières de l’Hôtel-Dieu rue des Plantes. Sans y avoir encore leur couvent, c’est là qu’elles vinrent exercer dans quatre grands pavillons construits entre 1887 et février 1889496. L’hôpital a bonne presse. Ainsi Virgile Gérard, pourtant solidement anticlérical, qui avait assisté par hasard à la fête annuelle de Bon-Secours, reconnaît dans Le Montrougien que « l’hôpital, qui est très bien aéré [...] vastes couloirs [...] ornés dans toutes leurs longueurs de banderoles en papiers bleus qui produisaient un effet magnifique497 ». Sans doute Bon-Secours n’est-il pas spécifiquement plaisancien ; il est plutôt asile et hôpital lié à Saint-Pierre de Montrouge, dont une partie du territoire paroissial se trouve dans la partie orientale de Plaisance. Mais, comme Broussais et plus que Saint-Joseph, il entre dans le quotidien des habitants du quatorzième arrondissement. La meilleure preuve : son nom apparaît dans la rubrique des faits divers ! Mieux inséré dans le quartier, Bon-Secours entrera dans sa mémoire498.
222Avec ces trois très grands navires hospitaliers, Plaisance paraît déjà très bien loti dans les années 1890 (avec l’ambiguïté de la surprésence de la mort et de la maladie). Mais c’est sans compter sur plusieurs autres œuvres importantes.
223Là encore, au sud de la rue d’Alésia, rue Delbet et rue Jacquier, va s élever un « ensemble exceptionnel499 » entièrement dû à la générosité d’une riche donatrice Mme Furtado-Heine. Celle ci va édifier un dispensaire pour enfants, une crèche et une école professionnelle – doublée d’un atelier de travaux pour aveugles. La première œuvre de Mme Furtado-Heine fut d’ailleurs cette école/atelier d’aveugles500, créée en 1882 et installée 1-3 rue Jacquier en 1884 (rue qui venait d’être ouverte). Ensuite fut fondé la même année, tout à côté rue Delbet, un dispensaire pour enfants de moins de quinze ans. Enfin, en 1896, Mme Furtado-Heine put inaugurer une crèche au 7 rue Jacquier. La popularité des œuvres de Mme Furtado-Heine dépasse largement les frontières du quatorzième arrondissement. La presse nationale évoque sa générosité remarquable, saluant ses récompenses honorifiques. Le Petit Parisien y consacre un article en 1896501. La presse locale, toutes tendances confondues, pour une fois, est aussi admirative. Le Montrougien évoque « la femme de bien par excellence » et, à l’occasion du dixième anniversaire du dispensaire, note que 450 000 consultations gratuites y ont été données. 5 000 à 6 000 enfants sont venus à la fête le 11 août502. Donnant sans compter, Mme Furtado-Heine donnait aussi des livrets de caisse d’épargne aux prix des écoles503 et versa 1 000 F (8 500 euros) aux victimes de l’incendie du 202 rue d’Alésia504. On ne s’étonnera pas que son nom soit donné, juste après sa mort, en 1897, à la voisine rue Couprie.
224Œuvre personnelle et généreuse, très liée au quartier – et les élus locaux, Jacques, Girou, Champoudry se pressent aux cérémonies d’hommage –, l’œuvre Furtado-Heine donne aussi à Plaisance des bâtiments, sinon absolument remarquables, du moins de qualité ; suffisamment pour attirer les dessinateurs des années 1890505. Sans doute décentrée par rapport au noyau dur plaisancien de la rue de Vanves, l’œuvre apporte à Plaisance de premières lettres de noblesse qui lui sont propres.
225Beaucoup moins connue et reconnue est la fondation Tisserand. Édifiée au coin de la rue de Gergovie et de la rue d’Alésia sur un terrain légué par M. Tisserand en 1862 à l’Assistance publique, elle accueille une cinquantaine de vieillards (tous masculins) de plus de 60 ans, sous la condition d’avoir habité le XIVe arrondissement depuis au moins vingt ans506. En tout cas Le Cri social n’aime guère cet asile où « les pauvres et bons vieux sont considérés comme des rentiers » et, de ce fait, seraient exploités : ils sont obligés d’aller en guenilles, ils n’ont pas assez de charbon, et l’administration aurait la mesquinerie de reprendre les objets des mourants (couvertures, poêles...)507. Le XIVe, lui, évoque un « asile modeste et peu connu », dans « une situation saine et gaie508 ».
226Notre tour des œuvres – non paroissiales – plaisanciennes n’est pas encore achevé ! La plus tardive des œuvres est l’Asile temporaire d’enfants, donnant d’un côté sur l’avenue Villemain, de l’autre sur la rue de Gergovie (il est accolé à la caserne de pompiers de la rue d’Alésia). L. Deroge constate qu’« on achève la construction d’un vaste établissement philanthropique d’un aspect assez agréable, bien que d’une architecture aux lignes tourmentées, peu appropriée509 ». On est ici dans la tradition de la grande bourgeoisie protestante. L’Asile temporaire d’enfants est une filiale de l’œuvre de la chaussée du Maine, créée en 1871 et qui accueillait les enfants dont les parents étaient absents ou morts (tant victimes de la guerre que de la répression contre la Commune)510. L’asile temporaire de la rue de Gergovie, inauguré en 1897, accueillait une cinquantaine d’enfants de quinze jours à quatre mois dont les mères étaient contraintes de travailler. Sa principale animatrice était Mme Jules Siegfried511.
227Plaisance accueille aussi, entre 1881 et 1888, l’Orphelinat des arts au 69 rue de Vanves (à l’emplacement de l’actuel « Château ouvrier »). Fondé par la comédienne Marie Laurent, bénéficiant de plus de 800 adhésions, l’orphelinat accueille jusqu’à 47 enfants, filles de 4 à 18 ans, tant filles de plasticiens que de comédiens ou musiciens. Il fallut sans cesse agrandir la construction de bâtiments provisoires jusqu’à ce que l’orphelinat déménage en 1888 à Courbevoie. L’orphelinat eut la visite de grands noms qui lui donnèrent un écho certain. Victor Hugo y passa le 22 septembre 1881 ; « la foule qui s’était amassée sur son passage et avait envahi jusqu’aux murs du jardin, l’acclamait avec enthousiasme512 ». Ainsi se croisent à Plaisance le monde des œuvres et celui des arts et des lettres.
228La dernière œuvre mérite qu’on s’y attarde davantage. Il s’agit de la crèche de Plaisance ou de Plaisance-Montparnasse. Crèche privée laïque, puis crèche municipale, elle fut l’objet d’une attention très forte des notables locaux et de la presse. Le milieu laïc, dominant à Plaisance, a longtemps rêvé de rivaliser avec l’Église catholique dans le domaine des œuvres. Mais, dans ces années, l’idée de laisser à l’État ou aux pouvoirs publics le soin de mettre en place un système social est loin de dominer, on le sait, chez les républicains qui sont au pouvoir, fussent-ils avancés. L’initiative privée, individuelle ou collective, reste un modèle de solidarité. Des premières tentatives, sans suite, eurent lieu comme la création d’un Comité de secours du XIVe arrondissement, animé par Pannelier et soutenu par la loge Les Cœurs Unis et indivisibles – Or. de Plaisance513. C’est autour de la crèche que devait se constituer l’action la plus durable. Or l’Église avait abandonné un terrain sur lequel elle avait été présente jusqu’en 1880. La mairie du XIVe était réticente pour s’engager sur ce terrain514, jugeant l’idée trop coûteuse et sans intérêt. Mais le développement impétueux du quartier et sa grande pauvreté rendaient la chose de plus en plus urgente. Notons que, en 1892, le XIVe arrondissement était le seul de Paris à ne disposer d’aucune crèche515 ! C’est un petit groupe de républicains, mené par le pharmacien Jeannon, qui en prit l’initiative516. Un local fut trouvé au 115 rue de l’Ouest et la crèche inaugurée le 6 juin 1892 devant 500 personnes517, en présence du député radical Edouard Jacques. Son nom affiche clairement son projet et son identité, une crèche laïque et une crèche de quartier : « Crèche laïque du quartier de Plaisance ».
229Mais les rivalités de personnes et les ambitions politiques allaient rapidement multiplier les difficultés. Les élections municipales de 1893 virent se multiplier les candidatures républicaines. Tout ceci laissa des traces d’autant que Jeannon s’était revendiqué dans sa campagne d’être le président fondateur de la crèche518, alors que le docteur Macqret, médecin de la crèche, soutenait Périlhou. Déçu de sa non-élection, Jeannon vendit sa pharmacie, déménagea dans le sixième arrondissement et semble s’être désintéressé de la crèche519. En tout cas, malgré une subvention de 2 500 F du conseil municipal520 et de multiples tombolas, il apparut assez vite que la crèche ne fonctionnait pas très bien521. Un débat s’engagea sur la municipalisation de la crèche522. Le 13 octobre 1894 fut créée la Société municipale des crèches du XIVe à laquelle se rattacha la crèche de Plaisance523. A la grande satisfaction du XIVe, qui avait dénoncé son caractère « sectaire524 » : « Elle tombait en faillite la pauvre crèche laïque, malgré les tombolas organisées et les appels réitérés lancés à son profit525. »
230Désormais municipale, la crèche perd apparemment de son caractère laïc et plaisancien. En tout cas son local, rue de l’Ouest, devint vite inapproprié, car il ne disposait que de 40 places et les demandes affluaient de tout le XIVe arrondissement. Aussi, en 1898, la « Crèche municipale Plaisance-Montparnasse » s’installa-t-elle dans un nouveau et élégant bâtiment au 14 rue Schomer. Elle y est encore. En apparence, disions-nous, le projet initial a perdu de son sens ; ce n’est plus une crèche laïque, ce n’est plus une crèche de Plaisance. Et les ambitions personnelles des notables semblent céder la place à une gestion municipale plus technicienne. Les choses sont plus complexes. Le président du conseil d’administration de la Société municipale n’est autre que Pannelier, le second couteau radical du député Édouard Jacques. Pannelier agit en priorité pour Plaisance, ainsi s’oppose-t-il à la création de crèches à la Santé et justifie-t-il le déplacement de la crèche rue Schomer, « car toute la population de Plaisance pourrait en profiter526 ». Ainsi, si l’initiative laïque privée, trop fragile, s’avère bien un échec, la crèche de Plaisance – et le fait que l’on continue à l’appeler comme ça est très significatif – reste à la fin de notre période comme une image de l’œuvre laïque de quartier, ce qui continue de faire grogner Le XIVe527.
231La crèche de Plaisance, l’Asile temporaire d’enfants, la fondation Tisserand, la trilogie Furtado-Heine (ateliers d’aveugles, dispensaire gratuit pour enfants, crèche), les trois hôpitaux (Broussais, Saint-Joseph, Bon-Secours), Plaisance a vu la création, à l’évidence, entre 1880 et 1897, d’un dispositif social et hospitalier rare, auquel il faut ajouter aussi les œuvres sociales très considérables de la paroisse. Le quartier miséreux est donc progressivement accompagné dans sa misère. Bien sûr, beaucoup tient à la situation excentrée de Plaisance ; la disponibilité de terrains, en tout premier lieu, et la volonté de la capitale de renvoyer certains de ses problèmes hygiéniques à sa périphérie, en second lieu. Mais beaucoup tient aussi à la croissance urbaine du quartier. Le lien entre l’ouverture des établissements et l’ouverture de la voirie est extrêmement étroit. A nouvelle percée, nouvel établissement. Le dernier exemple en est l’Asile temporaire d’enfants, qui s’ouvre avec l’achèvement de l’avenue Villemain, dont le débouché sur la rue d’Alésia est de 1897. Enfin, on ne peut négliger les visées identitaires locales où s’expriment aussi les rivalités entre laïcs et catholiques et les ambitions locales.
Églises
232Nous l’avons expliqué, notre propos n’est pas de faire une histoire des institutions, associations ou partis présents à Plaisance. Toutefois l’importance prise par l’Église dans notre quartier à cette époque exige un détour, d’autant que l’action paroissiale fut un puissant facteur de la construction identitaire plaisancienne.
233Nous avons vu que l’Église avait ainsi précédé l’État en créant une paroisse de Plaisance avant même l’annexion. Toutefois le territoire de cette paroisse ne correspond pas à celui du quartier administratif créé par Haussmann en 1860. Notre-Dame de Plaisance a ainsi conservé une petite partie du XVe arrondissement (Plaisance était, rappelons-le, à l’origine, une paroisse de Vaugirard) dans son territoire, qui s’étend au-delà des chemins de fer dans le quartier alors dit des Fourneaux. Par contre, toute la partie de Plaisance qui vient de Montrouge (à l’est de la rue de Vanves) continue de dépendre de Saint-Pierre de Montrouge. Au sud de la rue d’Alésia, la partie qui venait de Vanves est également éclatée entre Notre-Dame de Plaisance et Saint-Pierre de Montrouge. Notre histoire devrait donc être celle de deux paroisses, mais il est clair que si Saint-Pierre de Montrouge contribue bien à certains aspects de la vie religieuse et sociale (nous avons vu Bon-Secours), cette paroisse reste centrée sur la partie centrale du XIVe autour du grand axe de la route d’Orléans. Ainsi le conseil de fabrique de Saint-Pierre de Montrouge en 1878 et en 1886 ne comprend aucun habitant de Plaisance et un seul en 1891528. Plus fondamentalement, Plaisance ne fait pas partie du dispositif symbolique de la paroisse. C’est tout le contraire pour Notre-Dame de Plaisance.
234À côté des paroisses, parfois en relation avec elles, parfois sans vrais liens, sont présentes à Plaisance d’importantes communautés de frères et de sœurs (en tout huit, une masculine, sept féminines) ; certaines d’entre elles sont des congrégations à vocation enseignante comme les Petits Frères de Marie (ou Maristes), les Sœurs des Écoles chrétiennes de la Miséricorde... D’autres ont une vocation beaucoup plus simple comme les Sœurs du Saint Nom-de-Jésus, 185 rue de Vanves.
235C’est dans le contexte de la grave crise sociale et urbaine que nous avons étudiée que l’abbé Soulange-Bodin commença son œuvre sociale et religieuse. Beaucoup de travaux529 ont été consacrés à cette œuvre volontiers considérée comme un des modèles du catholicisme social à l’époque. Sans doute Soulange-Bodin, trop conservateur politiquement en particulier pendant la Séparation, n’obtint pas toute la reconnaissance de sa hiérarchie.
236Ce jeune prêtre de 23 ans, nommé à Notre-Dame de Plaisance (alors sise rue du Texel) en 1884 et qui déclara qu’il ne savait même pas avant où était Plaisance, fut envoyé par son curé comme vicaire dans l’extrême sud de la paroisse, alors un désert religieux qui connaissait une croissance démographique formidable. Ce choix n’est pas un hasard. Avec intelligence, l’Évêché détache dans les faubourgs lointains ses meilleurs jeunes éléments. Il s’agit moins de reconquérir les vieux quartiers populaires que de se préparer à accueillir et à conquérir les nouveaux arrivants dans une portion périphérique de Paris (quarante ans plus tard, l’Église aura la même préoccupation avec la banlieue). Ces jeunes prêtres s’installent en petite communauté au presbytère et se pensent comme les « Missionnaires du Travail530 ».
237La seule œuvre catholique était une petite école privée fondée par une ancienne institutrice de 60 ans531, Mlle Acher, dans l’arrière-boutique d’un marchand de vins au 176 rue de Vanves, non loin des Maréchaux. « 15 enfants sous un Christ » selon la jolie expression de R. Huguet532. En face du local, il y avait toutefois deux institutions religieuses, mais largement étrangères au quartier. La première, nous l’avons déjà constaté, est l’hôpital Saint-Joseph dont la vocation est toute parisienne. La seconde est la communauté des Sœurs du Saint-Nom-de-Jésus, fondée en 1865 et installée au 185 rue de Vanves. Une quarantaine de sœurs y accueillent des jeunes filles auxquelles elles donnent un apprentissage sommaire, s’occupent du blanchissage ou font filles de salle pour Saint-Joseph. Elles disposent de vaches et d’un poulailler. Selon les pouvoirs publics, cet ordre recrute « parmi des personnes vulgaires d’esprit borné et d’une instruction rudimentaire [...] ce sont des fermières533 ». Passons sur le parisianisme quelque peu odieux de l’auteur de ce rapport ! Mais, dans tous les cas, il n’y avait pas là une base à œuvre sociale ou éducative locale.
238Beaucoup était donc à faire. Soulange-Bodin commença par associer dans un petit local au 178-182 une chapelle du Rosaire, un catéchisme et un patronage. Ce dernier compta beaucoup pour le jeune vicaire qui emmenait ses gamins jouer sur les fortifications faute de terrain libre, forgeant ainsi sa future légende534. Mais dans ce quartier anticlérical, les enfants du patronage étaient « régulièrement dispersés, quelquefois roués, les yeux pochés par les apaches de la région535 ». Soulange faillit même se battre avec un jeune apprenti, rue de Vanves.
239En quelques années, la petite chapelle devint le lieu d’un des plus brillants ensembles d’œuvres religieuses et sociales de Paris que Soulange-Bodin anima jusqu’en 1896. En voici la liste à partir du relevé qu’en fit J. Bergeron en 1897, qui souligne que ces œuvres bénéficient à tous sans distinction536.
Œuvres charitables
240La Soupe populaire (distribue de 300 à 800 soupes l’hiver à très bas prix avec carte familiale – on peut emporter à domicile ou manger au banc)/La Fourmi (les Dames du Monde donnent vêtements, laines... pour les pauvres) / Le Chiffon (les chiffons recueillis sont revendus à très bas prix)/Le Vestiaire (20 Dames patronnesses réparent de vieux effets).
Œuvres médicales
241L’assistance gratuite aux malades à domicile par les Sœurs garde-malade/Le dispensaire gratuit des Dames de Charité.
Œuvres sociales
242Le Secrétariat du peuple (aide d’avocat, avoué, notaire, écrivain...).
Œuvres socio-économiques
243Société de secours mutuel/Ouvroir pour les mères de famille (travaux de couture)/Société coopérative de consommation537/Coopérative de production.
Œuvres éducatives
244École libre de filles (500 filles)/École ménagère (apprentissage cuisine, lessive...) fondée en 1897/Patronage pour les enfants (jeux, bibliothèque, cours de dessin, cours de musique, théâtre, chefs-d’œuvre exposés)/Cercle de Saint-Joseph-des-Champs (pour les jeunes gens et adultes français – 450 personnes, billard, cartes, bibliothèque roulante, buvette, discussion sur thèmes).
245Le dispositif est effectivement impressionnant, dépassant (sauf au niveau scolaire) les initiatives de la maison mère de la rue du Texel. C’est sans doute moins les œuvres charitables ou éducatives que les œuvres socio-économiques qui apparaissent novatrices. D’autant que le Rosaire sert de base à la création de mouvements multiples (syndicat catholique du bâtiment, cercles ouvriers...). Alors il s’agit de lutter contre « l’individualisme, le fléau des sociétés contemporaines538 » par le biais de ce que les sociologues du politique ont appelé la construction d’une contre-société. Cette contre-société revendique clairement une identité sociale et territoriale. Ainsi les œuvres du Rosaire sont-elles regroupées sous le titre « Œuvre Notre-Dame du Rosaire établie dans le faubourg de Plaisance. Siège 189 rue de Vanves ».
246Après douze ans d’apostolat social, le jeune vicaire fut nommé en juin 1896 curé de Notre-Dame de Plaisance. Il retrouvait au cœur de la paroisse un dispositif social et éducatif plus ancien, héritage en grande partie des luttes sociales, politiques et idéologiques des années du Second Empire et de la construction de la Troisième République. Non que Soulange-Bodin fut indifférent ou neutre devant ces luttes, mais il se trouvait devant un héritage délicat auquel il tentera de répondre par la construction de Notre-Dame-du-Travail.
247La paroisse de Plaisance avait été, en effet, marquée par la Commune contre laquelle elle construit une légende très noire – tout n’est pas faux, bien sûr, dans l’histoire de la fermeture de l’église et de l’arrestation du curé –, qui présente les révolutionnaires comme une populace exaltée et victime de meneurs dangereux et déclassés. Cette réduction de la Commune permet difficilement à la paroisse de concevoir l’esprit ouvrier. Puis la paroisse tente de combattre la construction scolaire de la République dans les années 1880, construction qui vaut à la République de trouver un soutien électoral important du peuple plaisancien, malgré le contentieux de la Commune qui s’efface partiellement avec l’amnistie. Ainsi le combat politique de la paroisse limite-t-il largement l’écho de ses œuvres charitables. Un exemple très significatif de cette tension est celui de la crèche de la rue des Croisades (Crocé-Spinelli). Dès 1869, l’abbé Blondeau, curé de Plaisance539, avait envisagé de créer une crèche pour la population laborieuse du quartier. Il obtint l’aide d’un notaire, père d’une Elisabeth540. Le projet, réalisé par l’architecte Bardet et l’entrepreneur Marsaud, fut interrompu pendant la Commune avec l’arrestation du bon abbé par « Billiozay [sic], délégué de l’infecte Commune ». C’est seulement le 18 novembre 1872 que la crèche est inaugurée. Une crèche, donc, contre et malgré la Commune.
248Cependant, en 1880, le curé Quignard privilégia la lutte contre la laïcisation de l’école communale de filles. Et il jugea préférable, dit l’article du journal paroissial, d’éduquer 300 ou 400 petites filles à soigner et garder 80 à 100 bébés. La crèche fut fermée et son local transformé en une école chrétienne confiée aux maîtresses catholiques de l’école communale, chassées de leur poste. L’école Sainte-Élisabeth connut un vrai succès. Agrandie au début des années 1890, elle comptait 460 élèves en huit classes en 1897541. Mais la paroisse avait privilégié la lutte scolaire à l’aide aux travailleuses les plus démunies.
249Plaisance (nous n’évoquons pas le sud du quartier concerné par les Œuvres du Rosaire) se couvre ainsi d’un réseau d’écoles catholiques, une école de filles, deux écoles de garçons, de patronages (cinq, soit les trois patronages correspondant aux trois écoles catholiques, un patronage pour les filles et un patronage pour les garçons des écoles laïques), de pensionnats et d’externats dont un, célèbre, celui des frères maristes de la rue Pernety, accueille des élèves venus de tout Paris pour les préparations de concours.
250Voici la liste de ces institutions.
- École Sainte-Élisabeth tenue par les Sœurs des Églises chrétiennes, 12 rue Crocé-Spinelli, 460 élèves filles/Patronage Sainte-Élisabeth, 100 grandes jeunes filles, promenades, cours du soir/École Institution Saint-Joseph (garçons), ouverte en 1856, 18 rue Guilleminot et 86 bis-88 rue du Château (Mariste de 1856 à 1865, paroissiale entre 1865 et 1883, puis de nouveau Mariste depuis 1883)/Patronage Saint-Joseph.
- École paroissiale Saint-Louis, ouverte en 1880 (garçons) tenue par les Maristes, 55 rue Vercingétorix, 216 élèves, à partir de 7 ans/Patronage Saint-Louis, 170 enfants
- Patronage Saint-Paul, 34 rue Guilleminot, gymnastique, conférences, buvette des petits, salle de jeux, billard, buvette des grands, pour les élèves garçons des écoles communales/Patronage Jeanne-d’Arc, 16 rue Vercingétorix, jeux, 1 h de travail ménager, 192 fillettes de 5 à 12-13 ans, pour les élèves filles des écoles communales
- Pensionnat externat pour demoiselles, des Sœurs 66 rue Vercingétorix. Beau jardin. Confort/Pensionnat externat du Saint-Cœur-de-Marie, 22 rue Perceval/Pensionnat des frères maristes, bac, école centrale, 48 rue Pernety
251Dans un monde encore largement marqué par la différenciation sexuée, il semble que les sentiments des Plaisanciens à l’égard de ces écoles et institutions aient été partagés. L’École Sainte-Élisabeth, tenue par les Sœurs chrétiennes de la Miséricorde, expérimentées dans l’éducation, qui n’avait pour élèves que des gamines du quartier, était, selon les pouvoirs publics, très bien vue542. Les frères maristes étaient, eux, beaucoup moins bien perçus. Ils furent mal reçus dans les années 1870 ; « ils étaient, paraît-il, journellement insultés dans la rue ». Si le rapport des pouvoirs publics de 1900 témoigne d’une normalisation des rapports et du sentiment d’un corps enseignant satisfaisant, des tensions demeurent car si les Maristes enseignent gratuitement dans l’école paroissiale Saint-Louis, l’institution Saint-Joseph est payante et le pensionnat de la rue Pernety, très cher (1 000 F par an, soit plus de 8 000 euros), réservé aux fils de la bourgeoisie, « très peu recrutés dans le quartier », note le rapport. Les Maristes entretiennent donc une hiérarchie scolaire et sociale. Certes la paroisse n’est officiellement partie prenante que de l’école gratuite Saint-Louis. Mais elle pâtit de cette image.
252Les œuvres charitables et sociales de Notre-Dame de Plaisance ne doivent pas pour autant être négligées. En voici la liste telle que relevé dans le journal paroissial543 :
Œuvres charitables
253Fourneau économiques fondé en 1872 (et inauguré par l’archevêque de Paris)544, rue des Croisades/Œuvre de Charité maternelle (aide financière aux seules femmes mariées, veuves, abandonnées, malades qui nourrissent et élèvent leurs enfants)/Œuvre du faubourg (aide en vêtements aux enfants d’après leurs notes)/Conférence de Saint-Vincent-de-Paul (visite hebdomadaire des familles pauvres – secours qui visent à renforcer la famille) / Dames de Charité (enquête sociale...)/Vestiaire pour les vieillards
Œuvres médicales
254Sœurs garde-malade (visitent les malades pauvres et dispensaire gratuit)/Œuvres des malades pauvres dans les faubourgs/Œuvre des Dames de l’Espérance (collecte de fonds)/Dames auxiliatrices du Purgatoire (pansement à domicile/catéchisme)
255L’examen de la liste, comparée à celle du Rosaire, est significatif : pas d’œuvre socio-économique, beaucoup plus de conditions de moralité et de contrôle social pour l’attribution des dons. L’étude de la composition du conseil de fabrique de Notre-Dame de Plaisance nous confirme dans notre sentiment de l’importance de la dimension sociale et idéologique de l’action de la paroisse. Nous disposons des renseignements pour 1878, 1886 et 1891545. Sur dix-sept membres, sept propriétaires forment le gros de la troupe. Viennent ensuite trois architectes (et deux employés architectes), dont la présence est aisément explicable. Deux employés retraités, un sous-bibliothécaire de la Ville, un pharmacien et un patron stucateur complètent la liste qui est fort éloignée, socialement, du peuple de Plaisance.
256Saint-Pierre de Montrouge, paroisse cossue, paraissait loin de Plaisance. Notre-Dame de Plaisance était bien de Plaisance mais son action et son passé ne lui valaient qu’une adhésion mitigée de la population ouvrière et miséreuse. La presse locale n’évoque guère la paroisse sinon pour parler des incidents comme celui qui oppose des catholiques et des anarchistes au Moulin de la Vierge546. C’est à l’extrémité du faubourg, non loin des fortifications, que s’établit une œuvre novatrice autour de l’abbé Soulange-Bodin. Elle vaut à celui-ci un écho parisien dans les milieux catholiques. Ainsi c’est au Rosaire que se tient le deuxième congrès ouvrier parisien des syndicats chrétiens547. Et le journal catholique et conservateur, Le XIVe, ne manque pas d’informer ses lecteurs des démarches originales du vicaire548 (alors qu’il évoque très rarement la paroisse).
257Sa nomination comme curé de Plaisance, à la fin de notre période, pouvait signifier que la paroisse allait désormais participer de la construction sociale et identitaire du quartier. D’autant que le nouveau curé abattait vite ses cartes : publier un journal, L’Écho de Plaisance (le premier journal vraiment de Plaisance), et construire une nouvelle église où s’articulerait le social et le territoire, Notre Dame-du-Travail de Plaisance, qui viendrait remplacer la « petite église minable, obscure et triste (...) qui contenait à peine 200 personnes549 » de la rue du Texel. En tout cas Soulange frappe d’entrée. Il fixe l’heure des vêpres du dimanche à 14 heures pour que la population ouvrière puisse aller après faire une promenade à la campagne550.
258La paroisse protestante de « Plaisance » continue sa vie discrète. Elle ouvre un nouveau temple en 1879, rue de l’Ouest551. Mais elle continue, de fait, à rayonner sur un immense territoire qui n’est pas proprement plaisancien.
Plaisance, la République et le temps de la confusion politique
L’ambigu succès républicain
259Plaisance avait été une petite capitale anonyme de la démocratie parisienne sous le Second Empire. Quels que soient les déboires politiques – et ils sont importants – que le quartier va connaître dans ce dernier quart du xixe siècle, sa population (au moins électorale) reste imprégnée de cette culture politique où la République doit être patriotique552, avancée, sociale et anticléricale. Aucun politique local, fut-il boulangiste, ne peut s’écarter de cette mentalité populaire dont nous pouvons constater la force et dresser un rapide tableau.
260Si, dans la période 1890-1898, Plaisance se donne, pour partie, à une personnalité ambiguë, Georges Girou, les candidats clairement conservateurs, monarchistes, libéraux ou cléricaux n’y obtiennent que des scores très faibles. Lors des élections des 23-30 juillet 1871, Plaisance est un des cinq quartiers de Paris qui votent le plus républicain alors même que les séquelles de la Commune y sont terribles553. En 1888, le journal républicain du XIVe évoque « cette bonne population [de Plaisance] qui a tant de fois montré son patriotisme et son attachement à la République554 ». Les fêtes du 14 Juillet y prennent un éclat souvent souligné : « Le quartier de Plaisance a toujours eu cœur de fêter dignement le 14 juillet555. » A contrario, le 14 juillet 1893, le quartier pavoise peu pour manifester sa désapprobation à l’égard du gouvernement réactionnaire556.
261Si on ne s’étonne pas de voir le journal socialiste très anticlérical, le journal républicain avancé ne l’est guère moins. On ironise sur les prétendues persécutions de l’Église et, évoquant le Rosaire, Léon Marius écrit : « Naturellement l’église étant persécutée, l’entreprise a prospéré557. » Un autre trouve « incroyable de nos jours » que les fidèles de Bon-Secours se mettent à genoux pour baiser la main de l’archevêque de Paris en visite558. Lebey, le chef de la Libre-Pensée locale, dénonce un curé qui vote Susini (le candidat conservateur aux législatives de 1893) à bulletin découvert559. Le quartier efface aussi lentement les signes religieux de sa voirie (la Procession devient Gergovie en 1872, les Croisades devient Crocé-Spinelli en 1895...). S’il est vrai que ce n’est pas le quartier qui décide de ces changements, du moins les accepte-t-il sans difficultés.
262Peut-être les meilleurs témoignages de l’ambiance anticléricale ou au moins anticléricale du quartier viennent-ils de la paroisse. L’Écho de Plaisance note « un milieu païen, indifférent, l’église, pauvre et délaissée, et inconnue du plus grand nombre560 » et se fixe pour but « la conversion de ce quartier si indifférent561 ». L’anticléricalisme prend parfois des formes plus vigoureuses comme le vol répété d’une petite statuette de la Vierge disposée sur le mur extérieur de la salle Jeanne d’Arc, rue Perceval562. Longtemps les frères maristes ont été assez mal reçus563. Les enfants du patronage du Rosaire auraient été « régulièrement dispersés, quelquefois roués, les yeux pochés par les apaches de la région ». Les chiffonniers aussi manifestèrent leur mécontentement de la présence de la chapelle du Rosaire à leur voisinage. Soulange lui-même faillit se battre, nous l’avons vu, avec un jeune apprenti qui l’avait insulté564. Au bilan, l’opinion publique « est extrêmement tyrannique dans un quartier où tout le monde se connaît et où il est très mal porté de fréquenter les curés » dans les années 1880 et 1890565.
263Le parti républicain avancé (la « démocratie plaisancienne », lit-on parfois) est souvent divisé. Toutefois il dispose d’organisations relais, qui permettent rencontres, réflexions et influence, très présentes à Plaisance. Avec un centre de gravité très marqué à gauche, l’Union des Libres-penseurs du XIVe regroupe socialistes, républicains socialistes, radicaux et milieux libertaires. Son implantation dans notre quartier est forte, son animateur, Lebey, habite 18 rue Bourgeois, et sur les cinq membres fondateurs, quatre sont de Plaisance566. Avec un centre de gravité plus modéré et une présence des radicaux plus forte (Jacques, Pannelier), la loge. Les Cœurs unis et indivisibles Or. de Plaisance567 organise aussi le parti républicain (au grand dam de ses adversaires, qui se plaignent de ses pratiques d’influence), accueillant dans son temple, rue du Champ-d’Asile (Froidevaux), des réunions républicaines568.
264Faut-il prêter au goût démocratique plaisancien l’intense participation des citoyens (masculins – les femmes sont exclues) à la vie politique locale ou plus exactement à la vie électorale ? Sans doute dans les années 1870, à la suite de la Commune, y eut-il, surtout chez les ouvriers, une désaffection, mais ensuite les foules affluent aux réunions dans les préaux des écoles ou dans les arrière-salles des cafés, par dizaines, par centaines et parfois par milliers. Sans exagérer, on peut dire qu’une majorité des électeurs assistent à ces réunions569. Il y a aussi la floraison des affiches électorales sur les murs et les dossiers de la préfecture de police sont surabondants pour Plaisance par rapport aux trois autres quartiers du XIVe.
265La belle machine républicaine va cependant connaître de graves problèmes, mais qui ne viendront pas de ses ennemis traditionnels. En juillet 1871, Plaisance élit au conseil municipal un républicain avancé, radical, Édouard Jacques. Il est continûment réélu jusqu’en 1890. À côté, Germain Casse, l’ancien internationaliste et révolutionnaire, est élu et réélu député du XIVe arrondissement jusqu’en 1889. Il est vrai qu’il s’est rallié à Gambetta et fait désormais figure de républicain modéré (ce qui ne l’empêche pas de voter l’amnistie des communards)570.
266Mais en 1889, la donne est transformée. Boulanger rafle la mise à l’élection partielle de janvier, comme presque partout dans le département de la Seine. Le XIVe et Plaisance lui donnent un score particulièrement élevé bien que le candidat républicain soit justement Édouard Jacques, bien implanté localement et auréolé de son titre de président du conseil général de la Seine. Toutefois le plus significatif reste à venir. Aux élections législatives générales qui suivent en septembre-octobre 1889, Édouard Jacques est élu député de la nouvelle circonscription de Plaisance-Montparnasse, d’un fil, contre un nouveau candidat boulangiste, Girou. Celui-ci l’emporte cependant à Plaisance, beaucoup plus populaire et périphérique que Montparnasse. Et l’année suivante, Girou est élu conseiller municipal de Plaisance, un des deux seuls boulangistes élus sur 80 conseillers municipaux. Voici Plaisance exception boulangiste de Paris ! Et l’implantation de Girou va se révéler durable ; réélu conseiller municipal en 1893 et 1896, il est élu député de Plaisance-Montparnasse en 1898. Cette dernière victoire est une victoire à la Pyrrhus. Son candidat au conseil municipal pour le remplacer à l’élection partielle de Plaisance qui suit est écrasé par le candidat radical-socialiste Pannelier571. Fin de dix ans de boulangisme plaisancien qui ne virent jamais toutefois son triomphe intégral. Ainsi, de 1889 à 1898, Edouard Jacques, le radical, est-il continûment réélu député de la circonscription Plaisance-Montparnasse.
267Sans doute aussi le mot boulangiste est-il impropre. Girou ne se revendique de Boulanger qu’en 1889 et 1890. Très vite le nouveau conseiller municipal va multiplier les casquettes, ce qui lui vaudra le surnom de « Girou... ette ». En 1893, il a gauchi sa candidature, se présentant comme un socialiste révolutionnaire indépendant (mais il n’a le soutien d’aucun des cercles socialistes de l’arrondissement). En 1896 et 1898, il se présente quasiment comme un républicain radical, toujours indépendant cependant. Ensuite, il évolue nettement vers la droite nationaliste.
268Après les échecs successifs de Girou à partir de l’été 1898 et son départ, Plaisance reprendra le cours de sa démocratie avancée, glissant suivant un mouvement courant sous la Troisième République au socialisme, puis au communisme.
269L’analyse de la longue crise « boulangiste » de Plaisance révèlera que la crise sociale et politique de la fin des années 1880 et du début des années 1890 en France prend ici une tournure exacerbée, non seulement par la grande pauvreté du quartier – mais Plaisance n’est pas plus pauvre que Belleville où on ne compte aucun élu boulangiste – mais aussi par une crise urbaine où s’exprime la question clé des rapports entre le centre et la périphérie d’une agglomération. Il nous faudra y revenir.
270Le socialisme aurait peut-être pu fixer une alternative en proposant un horizon d’attente au prolétariat plaisancien. Ce ne fut pas le cas.
Le difficile renouveau socialiste
271La Commune d’abord, la Commune toujours. Nous verrons comment elle est le trait mémoriel premier du quartier, et ce jusqu’en 1896. Que ce soit une mémoire dénonciatrice ou une mémoire héroïque. Mais dans l’immédiat, littéralement assommé par l’échec de la Commune et la répression versaillaise qui a dramatiquement décimé ses rangs, le mouvement ouvrier plaisancien est totalement hors jeu en 1871. Les ouvriers eux-mêmes paraissent sans volonté, indifférents aux luttes politiques. Ainsi, en 1874, un rapport signale que les élections municipales n’intéressent pas les ouvriers : « chez l’ouvrier, cette indifférence est de l’apathie. Une seule chose pourrait secouer cette torpeur : une candidature socialiste ; on n’en prévoit pas572. » Cependant nombre d’ouvriers votent pour le conseiller municipal radical Edouard Jacques, qui fait de 1871 à 1887 des scores considérables.
272Plaisance est-il particulièrement affecté par cet état de fait ? Sans doute car la reconstitution des forces socialistes, invisibles jusqu’en 1880 dans l’arrondissement, est repartie plutôt du quartier du Petit Montrouge. Le Comité socialiste révolutionnaire constitué à l’occasion des élections municipales de janvier 1881 tient ainsi ses premières réunions rue Nansouty et avenue d’Orléans. À la première réunion, qui tente de mettre en place des structures le 14 décembre 1880, aucun nom de Plaisance ne figure parmi les 16 premiers noms avancés573. Il apparaît difficile de trouver un candidat à Plaisance, aussi pense-ton à la candidature symbolique de Blanqui 574 pour mettre en avant les récents amnistiés. Malheureusement Blanqui décède brutalement. L’ancien communard Perrin (qui n’est pas de Plaisance) est proposé en catastrophe575, six jours avant le scrutin !
273Cette reconstitution lente est aussi affectée par les divisions, très brutales, des socialistes plaisanciens dans les années 1880.
274La division est d’origine multiple. Reconstituées plus ou moins spontanément, sans coordination, des organisations très diversifiées sont apparues. En 1884, on n’en compte pas moins de dix :
- Des organisations professionnelles : la société des Puisatiers-mineurs/la section du XIVe de l’Union des ouvriers mécaniciens/l’Égalitaire, groupement des ouvriers maçons du XIVe/le groupe du XIVe de la Chambre syndicale des tailleurs de pierre
- Des organisations politiques : le Cercle d’études sociales de Plaisance/le Cercle organique du XIVe/le groupe matérialiste (la Libre-pensée)/la Fédération socialiste-révolutionnaire des Travailleurs du XIVe/un petit cercle collectiviste (guesdiste)576
- Une organisation mémorielle qui compte : la Société des Proscrits de 1871
275Une tentative a lieu en 1884, sous l’égide du POSR, de créer une Fédération socialiste révolutionnaire des groupes et chambres syndicales du XIVe arrondissement à l’occasion des élections municipales ; sans vrai succès, car les guesdistes d un côté, les coopérateurs de l’autre refusent de s’y associer. À cette élection, un candidat guesdiste, Blanck, vient concurrencer Jean-Baptiste Perrin. Sans grand succès puisqu’il n’obtiendra que 132 voix (2 % des suffrages !) contre 1183 à Perrin. Mais la division s’installe. Defricourt critique Blanck pour ses violences de langage excessives contre le conseiller radical Jacques. Martelet attaque l’« autoritaire » Guesde577. Pis, on se reproche mutuellement de recouvrir les affiches de son concurrent.
276Les municipales de 1887 sont une vraie caricature de la division entre les courants. La candidature du guesdiste Chapoulie à Plaisance suscite l’ire de Martelet578, qui l’estime inconnu des habitants. À une réunion publique du 27 avril, réunion tumultueuse, Martelet propose à l’auditoire la candidature Perrin, un brouhaha éclate et un assistant accuse Chapoulie d’avoir abandonné sa femme et ses enfants à Bordeaux pour s’enfuir avec une bonne579... La séance doit être suspendue devant 400 personnes quelque peu surprises. Rebelote, quelques jours plus tard, à l’école du 132 rue d’Alésia, devant 800 personnes, un violent tumulte se déclenche qui partage la salle pendant une demi-heure ; l’ordre du jour se partage entre Perrin et Chapoulie. À la réunion du 7 mai, même lieu, devant 400 personnes, les mots bas volent. Le bureau, présidé par Martelet, est pris d’assaut par « une bande de voyous », selon le policier de service. Une partie de la foule secoue les bancs et la séance doit de nouveau être levée. On conçoit, dans ces conditions, l’échec des deux candidats socialistes (Perrin tombe à 696 voix ; Chapoulie n’obtenant que 346 voix).
277Les socialistes plaisanciens, affaiblis et divisés, encore très marginaux, seront mal préparés pour faire face à la crise boulangiste, qui prend une extrême intensité à Plaisance. Mais il faut aussi souligner, ici comme bien souvent ailleurs en France, que la reconstruction socialiste s’est faite en grande partie contre le conseiller municipal Jacques, élu dès juillet 1871, certes comme républicain mais sur les décombres de la Commune plaisancienne. En tout cas la première réunion du Comité électoral socialiste révolutionnaire du XIVe arrondissement du 9 décembre 1880 est claire : il faut surtout faire échouer deux conseillers municipaux sortants, Jacques et celui de Montparnasse, « qui sont des réactionnaires, s’il en fut580 ». Mais en Jacques, c’est d’abord le bourgeois581 qui est dénoncé, ce qui expliquerait ses positions anti-ouvrières. Il aurait refusé de voter 10 000 F aux grévistes d’Anzin 582 et voté contre la Bourse du travail583. Et Pouchet peut estimer que Jacques devrait représenter le VIIIe arrondissement et non Plaisance584 ! Son anticléricalisme est également mis en doute. Il a voté le budget des cultes au conseil municipal585. Le mariage à l’église de sa fille suscite aussi l’irritation socialiste en 1895 et Jacques est accusé de renier ses convictions586. Jacques et les radicaux sont aussi dénoncés pour leurs accords, plus ou moins cachés, avec Girou, le boulangiste reconverti. Les spécialistes de l’histoire sociale constateront, sans surprise, que les guesdistes (Chapoulie, Blanck...) sont ceux qui tiennent le discours le plus hostile à Jacques, du fait de leur stratégie qui tend à constituer la classe ouvrière en force politique autonome, rien de particulier à Plaisance, donc. Mais tous les socialistes se retrouvent dans une dénonciation qui peut être vigoureuse, comme cette décision du Cercle d’études sociales de Plaisance d’aller à une réunion de Jacques pour « le souffleter moralement587 ».
278Les socialistes ont mené une campagne active contre Girou, le candidat boulangiste aux élections municipales de 1890, car il se présente avec une étiquette socialiste révisionniste. La césure s’était faite dès 1888588, lors d’une réunion « révisionniste » où Defricourt était venu soutenir l’idée de révision tout en dénonçant Boulanger, et les militants socialistes avaient quitté la salle, laissant les boulangistes seuls589. Ainsi, à une réunion du 12 avril 1890, au Moulin de la Vierge, les boulangistes sont dénoncés pour la campagne violente, « avec des triques », qu’ils conduisent dans le quartier590. À une réunion, rue Du Cange, Defricourt demande qui paye Girou, « des canailles » se répond-il591. Arrivé derrière le candidat républicain socialiste, Jeannon, Perrin se désiste pour lui ; et Martelet, avec son autorité d’ancien proscrit, vient défendre ce choix. Si seule la Commune représente la vraie République, il faut se méfier des César592. Cependant la campagne de Girou et le boulangisme ont des échos, certes dans l’électorat ouvrier et populaire, mais aussi dans les rangs socialistes. En novembre 1889, des contacts ont lieu entre les boulangistes et le groupe blanquiste du XIVe. Les blanquistes se seraient dits prêts à soutenir un révisionniste593. Nous ne connaissons pas la suite de ces discussions, mais lors des réunions socialistes, un militant, Girard, tente de défendre la candidature Girou. Il participe aussi aux meetings de Girou.
279En 1893, lorsque Girou se représente avec une étiquette plus ambiguë encore de socialiste révolutionnaire indépendant, jouant une carte personnelle après l’effondrement boulangiste, les reproches des socialistes contre sa candidature se font plus modérés. Il apparaît un espoir de récupérer son électorat « le jour où les électeurs, fatigués de voir que lui, qui à la période boulangiste devait tout renverser, ne fait plus que de la popote radicalo-locale594 ». On l’accuse aussi de ne pas s’opposer clairement aux cléricaux en ne se prononçant pas pour la confiscation des biens du clergé et d’être un opportuniste qui prépare son rapprochement avec les radicaux595. Dans ces conditions, les socialistes maintiennent la candidature Hamelin au deuxième tour contre le candidat républicain socialiste Jeannon. Girou est réélu sans difficultés596.
280En 1896, la situation est plus facile pour les socialistes, car les radicaux ont décidé de ne pas opposer de candidature à Girou, devenu républicain socialiste indépendant. Comme beaucoup, les socialistes dénoncent le Girou Girouette597 ; ils dénoncent aussi sa capitulation devant les commerçants à propos de la difficile création du marché Villemain598 alors qu’« il avait juré aux habitants de leur faire faire un marché volant juste en face la caserne de pompiers ». Les critiques se font aussi très personnelles quand « Titi-Girou » est traité de « joyeux lovelace599 » !
281Hamelin devient le candidat de tous ceux qui veulent voter contre la république bourgeoise et faussement démocratique. Sa campagne très politique s’en prend ainsi surtout au Sénat600, à la « République panamiste601 », et espère qu’« il en sera maintenant fini dans notre quartier de la séquelle radicale602 ».
282Généralement les tracts et affiches socialistes présentent à l’occasion des élections municipales un programme politique national et un programme municipal qui évoque uniquement Paris dans sa généralité. Seul Perrin, en 1890, développe un classique programme du quartier603 qui ne le distingue d’ailleurs en rien des autres candidats604. Mais, fondamentalement, le quartier est plutôt perçu comme une entrave à l’action socialiste :
Demain soir donc, rendez-vous pour tous les ouvriers ici-même (à une réunion de Jacques rue de l’Ouest), électeurs ou non du quartier. Il n’y a pas de distinction de quartier pour nous, nous devons aller partout défendre nos intérêts605.
283On pourrait s’interroger ainsi sur les relations des socialistes à l’identité locale suspectée car elle pourrait perturber l’identité pensée première, la classe. Pourtant, curieusement, des socialistes locaux ont une réflexion non sans intérêt sur l’urbanisme. Ils se font plutôt les défenseurs du quartier contre la modernité ! Ainsi J. Telstram dénonce l’extension de la gare Montparnasse : « Peu nous chaut l’extension dans l’intérieur de Paris de ces gares qui anéantissent des quartiers tout entiers606. » S’ils ironisent sur le candidat catholique et sa défense de la petite maison, Hamelin regrette une « construction grandiose » qui bouche la porte Didot607 et l’original Xavier Guillemin se fait le dénonciateur des maisons de six étages, uniformes, sans expression et sans caractère608. Les groupes socialistes sont aussi parmi les vecteurs forts de la culture festive de Plaisance, du Moulin-de-la-Vierge aux spectacles commémoratifs de la Commune. Leur très violent anticléricalisme mérite enfin d’être noté. Soulange-Bodin, « le grand ensoutané », est une de leurs têtes de Turc préférées ! Mais ils ne font là aussi que s’inscrire dans un trait fort des quartiers populaires de Paris.
284Au bilan, le socialisme peine à décoller dans notre quartier populaire de Plaisance609. Plus longtemps que dans les autres quartiers ouvriers de Paris, il reste une force faible, sans impact électoral notable, avec un score stagnant autour de 15-20 %, se divisant souvent entre plusieurs candidats. C’est que, aussi, une part conséquente de l’électorat ouvrier se retrouve sur deux noms qui dominent la vie politique du quartier, le radical modéré Édouard Jacques, et le boulangiste à étiquette variable Girou. Quelques temps forts assurent toutefois un certain écho au socialisme ; les commémorations de la Commune, nous y reviendrons car la question dépasse le socialisme, le passage de personnalités importantes lors de réunions publiques comme Louise Michel en 1886 et 1888610, Jules Guesde en 1892611 ou Sembat et Briand en 1895612. Sans surprise, Le XIVe développe un antisocialisme local, mais sans grande envergure613, comme si le socialisme comptait peu.
Autour ou à côté des socialistes
285Le rayonnement socialiste ne se mesure pas à la seule aune des forces des partis socialistes. Tout proches, le syndicalisme et le mouvement coopérateur doivent aussi être pris en compte comme composantes du mouvement ouvrier. Le syndicalisme se perçoit sans doute mal à l’échelle d’un quartier. Il lui faut atteindre un niveau de puissance élevé pour pouvoir envisager des sections locales de ses syndicats professionnels. Seules exceptions, les professions, métiers ou activités qui sont étroitement liés à un territoire. Ce n’est pas vraiment le cas à Plaisance où toutes les activités parisiennes sont bien représentées et rarement très surreprésentées. Les nouvelles usines ne fournissent pas les premières bases d’un syndicalisme français qui est alors fragile. C’est le voisinage de la gare Montparnasse et de l’emprise ferroviaire qui donne à Plaisance sa seule vraie particularité syndicale avec la création de la section Paris-Compagnie de l’Ouest-rive gauche du syndicat national des chemins de fer. Elle tient en 1895 et 1896 une permanence deux soirs par semaine au 83 rue du Château614. D’autres sections syndicales sont présentes comme L’Égalitaire, groupe des Ouvriers Maçons du XIVe, la Société des Puisatiers-mineurs (il y a beaucoup de carrières à Plaisance), l’Union des ouvriers mécaniciens du XIVe, le groupe du XIVe de la Chambre syndicale des Tailleurs de pierres615.
286Mais la plus puissante organisation est L’Avenir de Plaisance, une coopérative de consommation dont le développement est alors impétueux. Elle se situe dans la mouvance socialiste, non neutre, du mouvement coopératif, même si cette position suscite beaucoup de discussions et de crises616. Et de nombreux militants responsables de la coopérative sont inscrits au parti socialiste (ou à un des partis...). Toutefois, la coopérative se distingue du parti par une modération plus sensible de ses idées, par un pragmatisme inhérent à ses activités. C’est par elle, en grande partie, que va se développer un réformisme socialiste dans un Plaisance marqué par la Commune et les idées révolutionnaires.
287La coopérative est fondée en 1873 par des hommes dont nous connaissons très peu de chose, Riffay, qui aurait été un responsable du syndicat des cuirs et peaux (encore un cordonnier), Rouet, Beaufils, Kock et Léon Delhomme Ce dernier, le plus connu, était un statuaire-marbrier (il fit la statue de Louis Blanc), syndicaliste ; mais il habitait dans le XVe arrondissement où il fonda aussi L’Avenir de Vaugirard. La petite coopérative a alors 50 adhérents (et son siège 30 rue Pernety). En 1875, elle se transfère 40 42 rue de Vanves, puis 9 rue Niepce (à une date inconnue).
288Son développement est d’abord lent ; encore seulement 60 adhérents au début des années 1880. Puis c’est l’essor rapide, 500 adhérents en 1890, 1 200 en 1893, 2 500 en 1895, 4 000 en 1897 ! L’Avenir de Plaisance est devenu, avec la Bellevilloise, une des grandes coopératives phares de Paris. Signe de cette richesse, la coopérative achète en 1895, au 13 rue Niepce, un terrain et y fait construire son magasin central, son siège social et une Maison du peuple sur dix-sept mètres de façade et trente-deux mètres de profondeur. Ce qui lui permettra de développer ses activités comme sa troupe de théâtre amateur, les Prévoyants617. Toute-puissante, L’Avenir occupe alors plus de 30 employés. Ses bals réunissent une foule considérable, plusieurs milliers de billets sont vendus.
289Cette puissance même contribue à créer des tensions inévitables. Au-delà des débats attendus dans une coopérative qui se veut socialiste (quel statut pour les permanents ? que faire le 1er Mai ?), se pose avec plus d’acuité la question du pouvoir dont se fait l’écho avec quelque gourmandise la presse locale, qui avait eu longtemps tendance à ignorer la coopérative. Ainsi Paul Simon dénonce le mode d’élection de la direction en assemblée générale de 1 500 personnes618. Ainsi le XIVe peut-il soutenir une pétition de 255 coopérateurs demandant que L’Avenir revienne sur le terrain neutre619. Les tensions vont se multiplier, aboutissant à des conflits où se mêlent ambitions personnelles et choix politiques.
290Autre tension perceptible avec la question des commerçants. Ceux-ci voient d’un mauvais œil cette montée d’une coopérative de consommation qui leur enlève une partie croissante de leur clientèle. Pour de nombreux politiciens locaux, la contradiction entre le soutien du petit commerce et celui du consommateur devient insurmontable.
291Intitulée L’Avenir de Plaisance, la puissante coopérative ne s’interdisait nullement d’avoir des adhérents des autres quartiers du XIVe et même d’autres arrondissements de Paris. Son rayonnement et sa richesse firent qu’elle vit arriver dans ses rangs toute une série de jeunes étudiants (souvent logés rive gauche) ou des militants qui y voyaient un lieu privilégié pour réaliser des projets importants. Ainsi se constitua dans ces années 1890 ce qu’on peut appeler une « galaxie Avenir de Plaisance », vrai futur réseau appelé à jouer un rôle important dans le monde social.
292Citons quelques noms :
- Marcel Mauss, le neveu de Durkheim, jeune étudiant en philosophie, appelé à une très brillante carrière universitaire, adhère à L’Avenir en 1896, à 23 ans. Il deviendra proche de Jaurès, tiendra une chronique coopérative à L’Humanité et conservera des responsabilités dans le monde coopératif jusqu’à sa mort.
- Georges Fauquet (ou Louis Bosquet), il a le même âge que Mauss, étudiant en médecine, lui aussi se retrouve à L’Avenir de Plaisance, où il donnera plus tard des consultations. Devenu inspecteur du Travail, il fera ensuite une carrière importante au ministère du Travail, devenant un proche d’Albert Thomas.
- Philippe Landrieu, lui aussi né en 1873, lui aussi dans ce petit groupe d’étudiants socialistes et coopérateurs, chimiste, il deviendra un permanent socialiste et administrateur de L’Humanité jusqu’en 1923.
- Édouard Briat, ouvrier mécanicien, né en 1864, présente un profil différent des trois premiers. Ce syndicaliste est venu à L’Avenir de Plaisance pour y trouver un soutien à son projet de création d’une grande coopérative de production. Ce sera chose faite en mars 1896 avec la création de L’Association des ouvriers en précision (AOIP) par une petite centaine de coopérateurs.
- Enfin Hamelin, le militant socialiste le plus important du XIVe, y vient au même moment pour créer, avec le soutien de Jaurès, une coopérative ouvrière qui permettrait de répondre aux licenciements qui avaient suivi la grève des verriers de Carmaux. C’est avec des crédits et des prêts importants de L’Avenir de Plaisance que se crée la célèbre Verrerie ouvrière.
293On le voit, le rayonnement de L’Avenir de Plaisance en cette fin du xixe siècle est considérable. La coopérative est devenue une puissance dans le quartier, mais peut-être et surtout est-elle devenue le lieu d’une alchimie où se retrouvent jeunes intellectuels et militants socialistes modérés, alors même que le socialisme révolutionnaire semble marquer le pas.
294Cette galaxie est toutefois concurrencée par une autre galaxie naissante dans le quartier où va se retrouver aussi une « élite » militante attirée par le syndicalisme, l’anarchisme, la littérature et l’art social. Ce milieu particulier, très plaisancien, atteindra sa pleine force à ladite Belle Époque. C’est plus un réseau d’hommes, d’amis d’enfance qu’une vraie force organisée.
295Distinguons d’abord les anarchistes révolutionnaires, violents, à la limite du terrorisme, dont nous trouvons des traces à Plaisance. En juillet 1892, des anarchistes déclenchent une bagarre au Moulin de la Vierge lors d’une réunion contradictoire organisée par l’abbé Garnier620. En novembre 1892, ils sont une quarantaine d’anarchistes réunis au café Apollon, rue de la Gaîté, combien sont de Plaisance, nous ne pouvons le savoir621, mais on y crie « Vive la Canaille ». En 1894, au plus fort de la vague de violence anarchiste, Plaisance découvre ses anars. Plusieurs arrestations sont effectuées (certaines sont de pures provocations policières) ; nous en connaissons six dans le XIVe, toutes à Plaisance. Ces arrestations sont mouvementées et donnent lieu à de pittoresques chasses à l’homme, toujours au fin fond du quartier, au voisinage des fortifs, de la Petite Ceinture et des Maréchaux622. Le plus gros poisson, pour jargonner police, est Léon Ortiz, mexicain et polonais, qui sera condamné à quinze ans de travaux forcés. Voici son arrestation, racontée par le très conservateur XIVe :
Ortiz, l’anarchiste que l’on recherchait depuis longtemps, ainsi qu’un autre nommé Bertany, sont venus se faire pincer non sans mal (...) Les deux anarchistes opposent une résistance acharnée, ils parvinrent même à prendre la fuite et se réfugièrent dans une rue qui longe le chemin de fer de ceinture au cabaret de la Maison-rouge, là [...] ils s’attablèrent, mais les agents ne tardèrent pas à arriver. Ortiz et Bertany prirent de nouveau la fuite, mais ils avaient compté sans une barrière qui se trouve au milieu de la rue et qui les empêcha de passer623.
296Sans accepter une violence considérée comme inutile ou inefficace, des jeunes ouvriers du quartier se tournent dans les mêmes années vers une action directe qui sera à l’origine du syndicalisme révolutionnaire ou de l’anarcho-syndicalisme. Parmi ceux-ci, notons deux figures au destin national, celle de Paul Delesalle, qui fit ses études primaires dans le XIVe. Apprenti ajusteur, il aurait été un des fondateurs du groupe anarchiste de l’arrondissement en 1891. Il travailla plusieurs mois (entre août 1891 et mars 1892) chez Bréguet, 19 rue Didot. Quelques années plus tard il deviendra un des principaux dirigeants du syndicalisme révolutionnaire français. Celle d’Albin Villeval, né aussi en 1870, fils d’un militant socialiste de Plaisance, il passe à l’anarchisme vers 1890. Il publiera de nombreuses petites revues mi-sociales mi-artistiques, avant de devenir un des dirigeants de la fédération CGT du livre.
Du côté des femmes
297Ne demandons pas à Plaisance plus qu’il ne peut ! Force est de constater que le quartier ne donne, comme partout ailleurs en France, qu’une place infime aux femmes dans le politique. Et pourtant nous les avons vues, ô combien, dans la vie quotidienne du quartier... Une femme pourtant détonne qui ne semble, aussi, que peu connue de l’historiographie féministe. Astié de Valsayre, secrétaire, puis présidente de la Ligue pour l’affranchissement des femmes, a longtemps résidé à Plaisance, au 35 rue Pernety624 (dans les années 1880 et 1890). Elle a participé activement à la vie culturelle de l’arrondissement, rédigeant des articles pour Le Montrougien, sous le pseudo de La dame du théâtre. Nous la trouvons aussi lors de plusieurs réunions du parti socialiste, notamment elle est présente lors de certaines commémorations de la Commune. Mais sa participation à une réunion publique animée et polémique entre catholiques et socialistes lui vaut une critique d’un publiciste local, qui se demande ce qu’une femme pouvait bien faire là625 !
Radicalisme
298La grande force politique à Plaisance, si l’on excepte le phénomène boulangiste-girouiste, est le radicalisme dont le principal représentant est Édouard Jacques, conseiller municipal de Plaisance de juillet 1871 à 1890 et député de la circonscription de Plaisance-Montparnasse de 1889 à 1898. Cette forte personnalité locale, qui a eu un petit destin parisien et national, mérite qu’on la présente626. Né en 1828, à Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais, il aurait été instituteur à Lille et aurait écrit dans des journaux républicains sous la Seconde République. Venu à Paris en 1851, il est employé chez un distillateur de Vaugirard. Il y fait carrière, devenant associé puis propriétaire. Il demeure 46 rue du Château, après l’absorption de Vaugirard. Nous ne lui connaissons pas de rôle politique sous le Second Empire, ni en 1870 ni sous la Commune. Mais sans doute était-il déjà franc-maçon, et il joue un rôle dans la création de certaines associations sportives-patriotiques comme Les Carabiniers de Plaisance. En juillet 1871, il est élu, difficilement, dans un contexte très particulier, conseiller municipal de Plaisance au deuxième tour, à l’issue d’une triangulaire. Nous connaissons mal les circonstances précises de cette élection. Toujours est-il qu’ensuite, dans le choix que les républicains opèrent entre Gambetta et Clemenceau, Édouard Jacques rallie le second et le radicalisme. Toutefois, Édouard Jacques se situera toujours dans la mouvance modérée du radicalisme. Conservant son activité de distillateur, il est ensuite triomphalement réélu sans adversaire en 1874 et 1877 ; il obtient encore 70 % des suffrages exprimés au premier tour des élections municipales de 1881, 72,5 % au premier tour des élections municipales de 1884 et 75 % à celles de 1887. Ce succès républicain lui vaut d’être élu président du conseil général de la Seine cette année-là.
299Les difficultés vont commencer pour lui. En janvier 1889, il est désigné pour être le candidat républicain lors de la partielle de la Seine contre la candidature Boulanger. Il est écrasé, comme on le sait, mais Plaisance, son quartier, le désavoue également, donnant la majorité à Boulanger. Candidat à l’élection législative d’octobre 1889, il est difficilement élu à Plaisance-Montparnasse, mais grâce aux voix de Montparnasse, Plaisance donnant une majorité à son adversaire boulangiste Girou. En 1890, Girou est élu conseiller municipal de Plaisance contre le candidat républicain. Réélu député (il ne joue pas un rôle de premier plan à l’Assemblée), Jacques doit désormais partager son influence à Plaisance avec Girou. A-t-il conclu un accord avec lui pour lui céder la circonscription en 1898 contre un soutien à sa candidature à la nomination de maire du XIVe ? Rien ne le prouve, mais le bruit s’en est largement répandu. Nommé maire du XIVe, il décède peu de temps après en juin 1900.
300L’itinéraire de Jacques semble très typique du radicalisme plaisancien, et sans doute parisien. Autour de lui les comités républicains ou républicains radicaux socialistes confirment l’existence d’un réseau issu de la petite industrie, du petit commerce et surtout des marchands de vins. En 1874, trois marchands de vins627, un épicier, un mécanicien, un corroyeur, un propriétaire et un peintre en bâtiment628 constituent son comité. Notons qu’on retrouve des anciens notables du quartier dans ses soutiens comme le célèbre pépiniériste Cels, Chauvelot (fils), Delamarche, l’historien Louis Combes629, ce qui indique que les républicains font bloc autour de lui630.
301Vingt ans plus tard, les marchands de vins sont toujours très nombreux dans le Comité radical socialiste de Plaisance. La campagne municipale de Jacques en 1874 est exemplaire. Le marchand de vins Chevallier, proche de Jacques, organise une fête commerciale du XIVe arrondissement du 4 au 16 novembre 1874, malgré les réticences du maire, conservateur. Dès le 5 novembre 1874, un rapport de police note : « Jacques sera réélu très probablement ; la fête lui a fait beaucoup de bien631. »
302La force de ce réseau des petites couches moyennes ne doit pas masquer que, longtemps, Jacques a l’oreille des ouvriers. Sa réunion, 10 rue Maison-Dieu, le 23 novembre 1874 réunit 600 personnes « pour la plupart appartenant à la classe ouvrière632 ». C’est encore le cas d’une réunion des électeurs de Plaisance du 28 février 1882 où les 250 personnes qui assistent à son compte rendu de mandat sont « pour la plupart de la classe ouvrière633 ». À cette réunion, Jacques dénonce les dépenses somptuaires au détriment de l’ouvrier. Il a plus de mal en 1884, à son compte rendu devant 1 000 personnes, où sa réponse aux critiques des socialistes de ne pas avoir voté au conseil municipal un soutien financier aux grévistes d’Anzin n’entraîne pas l’adhésion du public634. Il n’empêche que, comme le dit assez justement Le Montrougien, en avril 1887, Jacques « personnifie le mieux toutes les tendances de la fraction laborieuse du XIVe635 ».
303Une sorte de culte de Jacques s’installe d’ailleurs quelque peu dans la presse locale entre 1886 et 1888. On vante son républicanisme avancé636, sa proximité avec ses électeurs car il habite le quartier637, mais aussi sa grande compétence638 comme élu, ses conceptions larges639.
304Une rupture médiatique brutale s’ouvre en 1888-1889. Désormais, Jacques est critiqué de toutes parts ; par les socialistes, par les boulangistes et les girouistes, par les catholiques, mais aussi par des républicains avancés qui ont des ambitions personnelles comme Jeannon, Périlhou ou Delaurier. Voici Jacques devenu bourgeois640, corrompu641, politicien cumulard642, à la fois pas assez laïque643 et dépendant des loges644, ne s’intéressant pas, ou sans efficacité, au quartier645... Il est tenu pour responsable de la mauvaise qualité du nouveau groupe scolaire pour filles de la rue d’Alésia avec ses « chalets en bois646 ». Le voici devenu « l’alambiqueur » qui vit sur « l’assommoir647 » :
Jacques Trois-Six, distillateur candidat de l’assommoir et de l’alcoolisme. Charenton-Bicêtre-La Salpêtrière. Trafique des canons qu’on prend sur le comptoir et qu’on rend sur le trottoir.
305Le voici aussi devenu si somnolent648 que l’on chante pour chahuter ses réunions « Frère Jacques Dormez-vous649 ? »...
306Le lecteur aura repéré que beaucoup de critiques viennent du journal girouiste L’Avenir du XIVe, mais il n’aura pas manqué de voir que le journal républicain radicalisant Le Montrougien y va aussi de ses remarques acerbes contre Jacques. Ainsi, pendant cinq ans, de 1889 à 1894, Jacques est soumis à un feu roulant de critiques (nous avons déjà évoqué celles des socialistes) politiques et personnelles. Ce flot se tarit en 1895 (sauf chez les socialistes). Le radical a su redresser la barre. Certes, il y a là l’effet local de l’échec du boulangisme, mais on ne peut mésestimer l’habileté politique de Jacques. Il a su, sans doute, trouver les moyens d’un rapprochement, un temps, avec Girou (qui abandonne le boulangisme) et les deux adversaires s’épargnent nettement. Il a su aussi bien préparer la relève avec Pannelier, le photographe, qui a, mieux que les républicains socialistes, Périlhou et Jeannon (que presque rien ne différencie du radicalisme), travaillé Plaisance, en particulier avec son action à la crèche du quartier dont il préside le conseil d’administration.
307Mais il ne faudrait pas mésestimer la constance de son action politique radicale, en faveur de la République d’abord650 et de l’école laïque, gratuite et obligatoire. Si son anticléricalisme est effectivement modéré, cela ne l’empêche pas de se prononcer pour l’expulsion des frères maristes, omniprésents à Plaisance, en 1880651. On sait à quel point il a soutenu les sociétés de tir et de gymnastique du quartier. Évoquant à un concours de gymnastique à Malakoff les Carabiniers de Plaisance, soldats quand il faut, mais « toujours citoyens652 », le président du conseil général marque bien le fond de sa pensée, le patriotisme républicain.
308Il reste que l’échec terrible de Jacques contre Boulanger en janvier 1889 marque la fin de sa perspective de carrière nationale. Et Plaisance, le quartier qui aurait pu devenir le symbole de la République, se donne au contraire au boulangiste démagogique Girou l’année suivante. Malgré l’importance du rôle d’Édouard Jacques, malgré la force du réseau républicain de notables ou de maçons, le radicalisme n’a pu donner une vraie lisibilité politique de Plaisance.
Clochemerle sur Plaisance : la lutte du pharmacien et du plâtrier !
309Il ne saurait être question de rentrer dans le détail de la lutte farouche qui oppose au début de la décennie 1890 le pharmacien Jeannon et le petit entrepreneur en chaux, plâtre, ciment Périlhou. En 1890, 1893 et 1896, les radicaux eurent pour stratégie de ne pas présenter de candidats face à Girou aux élections municipales. C’était laisser le champ libre à des personnalités républicaines avancées, qui allaient tenter de succéder à Jacques à Plaisance. On peine à trouver des différences sensibles au niveau politique entre Jeannon et Périlhou, candidats sous la même étiquette « républicain socialiste ». Sans doute Périlhou avait-il été davantage lié au député Germain Casse. En 1878, il avait été secrétaire du syndicat d’arrondissement que présidait le député653. Et peut-être est-il plus modéré que Jeannon, qui est plus proche des radicaux654. Mais tous deux sont solidement partisans de la séparation de l’Église et de l’État, laïcs, actifs à la crèche laïque de Plaisance, républicains... Ils se sont tous deux constitués un petit réseau local dont l’étude serait intéressante au niveau d’une micro-sociologie... Tous deux accordent une place considérable dans leurs programmes à la dimension locale, proprement plaisancienne. Avec une certaine maladresse, tous les deux relaient le profond mécontentement du quartier périphérique et populaire qui se sent abandonné par la Ville-centre. Maladresse, car ces propos donnent du blé à moudre à leur adversaire principal Girou. Tous deux développent un programme local précis et sont indiscutablement de très bons connaisseurs des problèmes de Plaisance. Tous deux se veulent progressistes, modernisateurs : il s’agit de classer (les voies), d’aligner, élargir, ouvrir, prolonger, percer, sans oublier les urinoirs et les réverbères...
310Entre les deux hommes, la lutte est farouche à coups d’affiches abondantes et de déclarations. On se pique les notables (comme E. Tissot, qui passe en 1893 de Jeannon à Périlhou dont il prend la présidence du Comité, mais Klée, le marchand de vins de la rue des Plantes, l’infatigable animateur du quartier, soutient Jeannon655). On prétend à une meilleure compétence, on s’accuse de trahisons à la République... Périlhou a pour lui son ancienneté dans le quartier656 ; ancien apprenti serrurier657, il est « un travailleur qui vit au milieu de nous depuis sa naissance ». Jeannon a été le vrai fondateur de la crèche laïque de Plaisance à laquelle il a beaucoup donné. Au bilan, les résultats des deux hommes sont très serrés ; aux deux élections de 1890 et 1893, Jeannon devance de peu Périlhou, sans doute parce qu’il bénéficie du soutien du réseau radical. Mais cette division des voix est fatale. Pis encore, en 1893, Périlhou préfère se désister pour le candidat socialiste Hamelin que pour Jeannon, pourtant arrivé en tête des républicains658 ! Jeannon, quelque peu écœuré et qui dénonce le fait que « la vieille discipline républicaine » « a été foulée aux pieds659 », va quitter le quartier. Périlhou, « le bel homme660 », qui aurait le soutien des femmes, tentera encore une fois sa chance en 1896, sans plus de succès.
311Les républicains socialistes tentent aussi parfois leur chance aux élections législatives, sans grand succès, car là, Jacques tient bien l’électorat républicain. On voit ainsi apparaître autour de la candidature de Monteil, à l’élection législative de 1893, un petit réseau original, plus marqué par des soutiens dans les milieux des professions libérales, intellectuelles, artistiques. Le vice-président de son comité à Plaisance est Desmoulins ; de Bucé, le rédacteur de la petite revue artistique-littéraire, La Revue d’un passant, un artiste sculpteur, un dessinateur, deux professeurs, un médecin... le soutiennent également661. Mais Monteil arrive très loin de Jacques.
312Sans leur accorder une extrême importance et sans ignorer que les oppositions personnelles fondent aussi le politique, ces guerres picrocholines entre républicains avancés confortent notre sentiment du désarroi politique du quartier à la fin des années 1880 et au début des années 1890. La crise sociale, urbaine, est là si grave que Plaisance ne trouve pas dans l’offre républicaine locale une issue symbolique. Pour près de dix ans la voie est ouverte à un homme qui va se situer dans un ailleurs politique, Girou.
Crise urbaine, crise sociale, crise politique : le quartier « déshérité »
313Si Plaisance est un quartier pauvre, voire misérable, et que le fait est : connu et reconnu, ceci ne distingue pas nettement notre quartier de la dizaine de quartiers parisiens qui se situent à peu près au même niveau social. Or Plaisance se distingue de ces autres quartiers qui ont, sauf Pont-de-Flandre, marqué tôt leur réticence au boulangisme et (ré)adhéré plus précocement au socialisme. Il y a donc à chercher ailleurs des facteurs explicatifs ou cumulatifs.
L’obsession du quartier délaissé et marginalisé
314Le sentiment que le quartier, pauvre, est aussi « déshérité » paraît alors la question centrale662 :
Plaisance, le nom seulement est une ironie, est déshérité de tout : beauté, gaieté et commodité663.
315Sans doute parfois Plaisance est-il associé au XIVe arrondissement, « ce malheureux arrondissement, un des plus déshérités de Paris664 », mais le leitmotiv concerne avant tout le quartier, « pauvre et déshérité entre tous665 », « si déshérité666 », « le quartier le plus mal servi » entre tous667, et il faut « répondre aux multiples revendications d’un quartier aussi déshérité que Plaisance668 ». On en arrive au sentiment d’un destin malheureux qui frapperait Plaisance : « ce pauvre quartier n’a vraiment pas de chance669 », « mais par une sorte de fatalité, ce qui réussit ailleurs ne laisse chez nous que des traces d’incapacité et de souillure du sol670 ».
316Ce côté déshérité est certes accentué par le caractère pauvre et populaire du quartier, mais il implique en plus un sentiment fondamental d’injustice, d’inéquité671, qui concerne tous les aspects de la vie locale.
317Cette inéquité est étroitement liée au sentiment que le quartier ne bénéficie pas comme d’autres des services publics de la Ville ou de l’État, sans compter qu’il est victime de la Compagnie des chemins de fer de l’Ouest. En premier lieu, pour la voirie dont la médiocrité est constamment soulignée. Une des plaintes les plus constantes tient à l’enclavement du quartier par le chemin de fer : Plaisance est « fermé à tout développement du côté du chemin de fer de l’ouest qui l’étouffé en offrant sur son parcours [...] le triste spectacle... des passages à niveau... de l’affreux pont des bœufs, la seule curiosité de Paris dans son genre672 ». Le pont du Maine673 et son aspect repoussant, le passage à niveau de la rue du Château, trop souvent fermé, la passerelle pour piétons malpropre et en mauvais état674 et le pont des bœufs de la rue d’Alésia, insuffisant et sinistre675, sont autant de lieux d’un chemin de croix plaisancien. Les fortifications, qui isolent Plaisance de Malakoff et de Vanves, manquent aussi cruellement de points de passage pour les populations laborieuses676. A la suite de demandes répétées du récent conseil municipal de Malakoff et d’habitants de la rue Didot, de conflits sur le financement entre Paris et Malakoff, la porte Didot (que Malakoff souhaitait appeler porte de Malakoff) est enfin ouverte en mai 1896677. Mais là encore, bien tard pour que les Plaisanciens puissent apprécier la chose dans la période qui nous concerne ici.
318Pour les habitants c’est aussi l’insuffisance des transports en commun réduits à la ligne Vanves-Châtillon-Saint-Germain-des-Prés (de la Compagnie des transports Sud) et à la vieille « patache » de l’omnibus Plaisance-Hôtel-de-Ville, « cette affreuse guimbarde... laquelle met tant de temps à opérer son trajet678 », qui est dénoncée. Plaisance est particulièrement déshérité en transports par rapport au reste du XIVe malgré sa croissance rapide, estime H. Martin679. Au bilan, comme l’affirme V. Lecerf :
c’est le quartier de Plaisance qui, malgré sa population considérable, supérieure aux trois autres quartiers de l’arrondissement, ne possède qu’une seule ligne y ayant son point de départ680.
319La voirie médiocre, c’est aussi la laideur des rues, leur inachèvement, leur non classement par la Ville681, leur mauvais alignement682, leur largeur insuffisante683, le mauvais entretien des trottoirs684 et des pavés, l’écoulement des eaux mal conçu. Ainsi rue Paturle, « la ville a oublié de suivre ce mouvement [de construction] laissant le bas de cette rue dans un vrai gâchis faute d’une bouche dégoûts685 ».
320Plaisance, enfin, se voit mal loti en services comme les bureaux de poste686, les écoles, les marchés687 ; et même les avertisseurs d’incendie car « comme d’habitude dans ce quartier complètement délaissé, il n’existe d’avertisseurs nulle part688 » ! Toutefois, en 1896, au 45 avenue Villemain est ouverte la caserne de pompiers qui existe encore de nos jours689. Bâtiment non dénué de charme mais dont la perception positive n’est sensible que dans la période suivante. Pour les écoles, la question est compliquée de l’enjeu directement politique de cette question. Mais de Bucé ne peut que constater le fait : « Prenons à son tour le XIVe arrondissement : il est incontestable que de ses quatre quartiers, Plaisance est celui où il y a le plus à faire690. » Et terminons cette déshérence plaisancienne par les bibliothèques municipales. Pour La Tribune du XIVe, Plaisance n’en a qu’une, ce qui est insuffisant, et encore est-elle mal située, rue Du Cange691.
321En 1896 apparaît, dans la presse, le sentiment d’une nouvelle injustice : l’absence de tout square à Plaisance. La question va se prolonger longtemps à Plaisance !
322Ainsi se construit une auto-perception d’un quartier non seulement pauvre et souvent misérable, mais aussi négligé, méprisé, délaissé. Parfois, mais rarement, une explication sociale est donnée à ce sentiment d’une iniquité spatiale. C’est ce que fait de Bucé lorsqu’il explique que ce sont les quartiers populaires, ouvriers, prolétariens qui sont délaissés692. Le plus souvent, l’explication avancée du « déni de justice » est d’ordre administratif et se redouble des différences entre le centre et la périphérie.
323Ces explications sont d’abord l’expression de l’habileté politicienne des candidats au conseil municipal, qui font porter la responsabilité de cette situation à leurs adversaires. Bien entendu, Girou et ses partisans s’en prennent à Jacques, qui ne fait rien pour le quartier en 1889-1890693, Périlhou s’en prend à tous les élus précédents (il est contre Jacques et Girou) : « Le quartier de Plaisance a suffisamment souffert de l’incompétence de ses représentants au Conseil municipal694 » ; et Jeannon (soutenu par les radicaux) s’en prend au seul Girou, conseiller municipal sortant : « Les intérêts du quartier de Plaisance, si abandonné, si délaissé depuis trois ans695... » Mais l’essentiel n’est pas là, car un discours plus général et largement partagé domine le champ des sensibilités.
324L’annexion est la cause première qui se serait faite aux dépens des communes ou quartiers annexés, éloignant l’administration des citoyens, faisant payer aux arrondissements périphériques les dépenses somptuaires de la ville-centre, sans qu’ils bénéficient de la manne financière de Paris. Mais Plaisance a un sort particulier, étant plus négligé que les autres : « Le quartier de Plaisance est un des rares exemples de l’incurie administrative [...] Il semble que le quartier de Plaisance soit teinté en noir ; la seule préoccupation administrative, c’est de percevoir les contributions et les lourds impôts qui frappent notre population de travailleurs696. » « On a annexé à Paris de vastes territoires pour leur faire supporter les charges de Paris sans leur donner en échange quelques uns de ses avantages697 » ; « Pendant trente années après l’annexion, ce quartier était bien abandonné698 » ; « un quartier que l’administration municipale a traité depuis de longues années avec le plus méprisant oubli699 ». Ce Plaisance oublié de la Ville ne peut se séparer du Plaisance illisible, invisible, qui est un des sujets de ce livre.
325Particulière à Plaisance, aussi, mais le fait n’est pas signalé par la presse de l’époque, est l’absence de tout habitant du quartier parmi les trente-cinq maires et maires adjoints du XIVe arrondissement jusqu’en 1890 ! Alors que Plaisance est le quartier le plus peuplé de l’arrondissement... C’est dire la dévalorisation du quartier au niveau même des élites locales (les maires et leurs adjoints, faut-il le rappeler, sont nommés par l’État). C’est dire que le sentiment d’être un quartier négligé n’est pas sans fondement.
326Ce sentiment d’abandon de Plaisance par l’administration de la Ville est redoublé de celui de son éloignement géographique. Alors apparaît une opposition centre-périphérie où les quartiers périphériques paient pour des dépenses profitables à la seule ville-centre. Ainsi les habitants du quartier ne bénéficient pas assez des emprunts municipaux alors qu’ils paient la dette « comme les habitants du centre700 », ainsi des socialistes demandent que les nouvelles écoles du quartier « n’aient pas l’aspect de prisons et ne manquent jamais de combustible alors que les écoles des quartiers centraux possèdent le confortable et sont agréables à la vue701 ». Les Plaisanciens demandent donc une réorientation des crédits, réclamant qu’alors qu’« un nombre considérable des rues de la périphérie restent impraticables702 », on ne donne pas la priorité aux travaux annoncés de la rue Réaumur. De même, le prolongement du boulevard Haussmann suscite l’opposition de Delaurier, qui y voit une congestion du centre alors qu’il faut « décentraliser703 ».
327Aussi tente-t-on de constituer une défense identitaire du Plaisance périphérique, du quartier perdu qui ne bénéficierait pas non plus de la gaîté parisienne : « Les habitants de ce quartier lointain, si dépourvu jusqu’ici de réjouissance populaire704. » L’abbé Soulange plaide même pour une solidarité de quartier pour les achats : « Habitants de Plaisance, n’allez pas vous approvisionner dans les grands magasins du centre, faites plutôt vivre les commerçants de notre quartier705. » Plus largement, Plaisance réclame son dû : « Le quartier de Plaisance a droit à une large restitution car il a beaucoup payé706 » ; « Dans l’emploi de la dépense urbaine, je demanderai qu’une répartition plus équitable soit faite, que la périphérie ne soit pas toujours sacrifiée au centre et que le quartier de Plaisance soit enfin mieux traité qu’il ne l’a été jusqu’à présent707 ».
328Et au bilan, Plaisance, quartier déshérité, délaissé par la Ville, ignoré du centre, se pose la question de son appartenance à la capitale : « Seul Plaisance, qui paraît ne faire partie de Paris que pour les contributions et les impôts, est excepté de ce grand mouvement [de Paris]708. »
329Quartier miséreux, Plaisance se sent ainsi également abandonné, victime d’une injustice qui met en cause l’administration, les élus, les élites, le rayonnement et les éclats du centre. A la crise sociale se juxtapose une crise de la représentation des rapports du quartier à l’espace parisien. Les bases d’un essor d’un populisme politique sont là, au cœur de ces tensions sociales et urbaines. Un homme saura capter le mal-être plaisancien, Girou, candidat des intérêts locaux « trop longtemps sacrifiés709 ».
Boulangisme et girouisme
330Une histoire du boulangisme dans le XIVe arrondissement apparaît d’une extrême complexité tant ce mouvement ne se laisse pas aisément glisser dans les classifications politiques courantes, et tant aussi les ambitions personnelles y sont prépondérantes, autorisant tous les reclassements.
331Le boulangisme a sans doute été précoce dans l’arrondissement et en particulier à Plaisance710 ; mais nous disposons de très peu de renseignements sur la préhistoire du mouvement. C’est sans doute en novembre 1888 qu’il se structure dans un Comité républicain révisionniste du XIVe arrondissement. Ce n’est plus ensuite qu’une histoire de scissions ! La première a lieu, dès le début de 1889, entre les boulangistes qui se veulent socialistes et ceux qui se veulent patriotes. Les seconds créent un comité indépendant dont nous ne suivrons pas l’histoire (il est quasi inexistant à Plaisance). Les premiers, majoritaires, transforment le comité en Comité républicain socialiste révisionniste du XIVe arrondissement.
332Dès 1890, Girou fonde un Comité républicain socialiste révisionniste de Plaisance qui va progressivement se détacher du Comité révisionniste du XIVe711 ; en 1892 ou au début de 1893, Girou fait sauter le terme révisionniste de son groupe, qui devient le Comité républicain socialiste indépendant de Plaisance. L’évolution de Girou, qui l’éloigné sans cesse du boulangisme-socialiste et le rapproche un temps des socialistes indépendants, puis des radicaux, entraîne la constitution de microgroupes boulangistes ou révisionnistes à Plaisance comme le Comité républicain socialiste intransigeant de Babonnat en 1893. Puis le pur révisionnisme devient une affaire de quelques individus avant de s’éteindre complètement en 1895-1896, laissant la place à une droite nationaliste.
333Dans tout ceci, à Plaisance, un homme clé, Georges Girou. Demeurant un temps 42 rue des Plantes, l’homme a été pendant dix-sept ans employé de la maison Hachette avant de rencontrer le virus politique et de se lancer dans l’aventure boulangiste. Il devient un proche du général. Il atteint vite un niveau de responsabilité important puisqu’il est en novembre 1889 secrétaire de la Fédération de la Seine des groupes révisionnistes712. En septembre 1889, il se lance dans la lutte électorale en tentant de prendre le siège laissé vacant par Germain Casse. S’il perd, de très peu, l’élection, il a la majorité des voix à Plaisance (alors que Jacques y est encore conseiller municipal !). Il tente alors sa chance au siège de conseiller municipal de Plaisance en 1890 et l’emporte d’extrême justesse. Nous avons déjà évoqué son évolution zigzagante. Il est réélu en 1893 comme républicain socialiste indépendant, voire révolutionnaire, avec un discours social dur, et triomphe au premier tour, en 1896, les radicaux ne lui opposant pas de concurrent ! À la fin de 1897, il commence une évolution vers la droite qui va s’accentuer brutalement après son élection à la Chambre en 1898. Son influence à Plaisance va alors sans cesse diminuer et il devra trouver au xxe siècle un autre point de chute parisien qui lui permettra une belle carrière municipale dans la nouvelle majorité nationaliste (en sièges) parisienne.
334Peut-on et faut-il sauver la mémoire de « Girou...ette » comme tous ses adversaires, des socialistes révolutionnaires à la droite catholique, finissent par l’appeler ? !
335Indiscutablement ses discours évoluent, parfois rapidement. Ainsi le premier Girou, celui de 1889-1890, engagé au côté de Boulanger, défend le général, s’appuie sur la symbolique boulangiste, lui rend honneur et développe le programme révisionniste, en particulier la suppression du Sénat713, populaire dans les milieux radicaux et socialistes. Il tient aussi des propos qui dénoncent des gaspillages714, des abus de l’Assistance publique715, des impôts excessifs de l’octroi716. Sans surprise aussi, il insiste sur la dimension morale717 de son action (thématique classique du populisme) et n’hésite pas à dénoncer violemment ses adversaires, en particulier Jacques718. Tout ce discours disparaît presque complètement ensuite alors que Girou gauchit ses propos. Sans doute avait-il tôt préconisé la baisse des heures de travail719, mais à partir de 1893, le voici résolument socialiste, favorable à une république socialiste, défenseur des travailleurs720. Son comité souligne « les actes ou les votes si franchement républicains et si nettement socialistes du citoyen Georges Girou721 » ; nous avons vu qu’il aurait obtenu le soutien socialiste comme candidat vice-président au conseil municipal en 1895. Quoi de plus significatif qu’en 1896, Le Petit Parisien lui donne le label de candidat « socialiste ». Néanmoins, Girou reste prudent sur la question des grèves722 et, quelques années après, il abandonnera toute référence au socialisme pour insister sur la dimension nationaliste de son programme.
336Mais il y a bien un Girou constant, du moins entre 1889 et 1896 ! D’abord l’apolitisme ou l’antipolitisme qui court de 1889 à 1898. De la dénonciation des jetons de présence au conseil municipal723 à celle des partis724, de la dénonciation de la politisation des syndicats725 à l’idée que le conseiller municipal est un proche conseiller de ses électeurs, de la primauté du programme local sur le programme politique, Girou se veut médiateur direct des Plaisanciens et de leurs intérêts : « vous voulez que, délaissant la politique, votre candidat soit un conseiller d’affaires et un mandataire actif. » Et le « socialiste » Girou veut « une véritable république socialiste qui soit l’émanation de vous et non l’apanage de quelques républicains sectaires726 ».
337Ensuite la laïcité. Sans en faire trop727, Girou prend partie pour la défense des écoles laïques728, ce qui lui vaut jusqu’en 1898 l’hostilité des mouvements catholiques et de la paroisse malgré certains points d’accord sur son programme local. La conduite personnelle de notre conseiller accentue la distance. Son divorce n’arrange pas les choses729 !
338Enfin Girou fait toujours preuve, entre 1890 et 1897, d’une extrême prudence politique, et ce très précocement. Dans un but sans nul doute électoraliste, il agit avec une certaine habileté pour obtenir les voix des socialistes730, des bonapartistes, des nationalistes et des républicains avancés731 ! Il recommande la discrétion dans la mise en avant des opinions pour capter un électoral diversifié. Ainsi, en janvier 1890, il se refuse à mettre une réunion publique sous la présidence d’honneur de Boulanger732. Il plaide même pour atténuer le discours antisémite de certains de ses partisans en 1890733 (ce ne sera plus le cas après 1898 où Girou devient un antisémite zélé, mais il est en train de préparer son départ de Plaisance).
339Il faudrait enfin noter que Girou ne fut pas un conseiller municipal absent. Il suit attentivement les dossiers locaux, des passages à niveau à la voirie... et devient même un homme d’influence et de compromis au conseil municipal.
340Homme politique le plus influent à Plaisance entre 1889 et 1898, Girou, par ses multiples ambiguïtés, exprime bien la déstructuration politique du quartier en ce temps de crise sociale et urbaine grave. Déstructuration qui ne remet cependant pas en cause l’attachement fort des Plaisanciens à la république avancée, qu’ils manifestent en élisant Jacques comme député dans la même période.
La droite « classique » absente ou presque
341Si le clergé tente, nous l’avons vu, une reconquête catholique du quartier, avec un succès très inégal, la droite cléricale (comme la droite libérale) n’obtient que des résultats très médiocres à Plaisance. Aux élections municipales de 1874 et 1878, elle n’est pas en mesure de présenter un candidat. En 1881, premier et timide essai avec de Chatillon père, qui n’obtient que 644 voix et 13 % des votants, plus candidature de témoignage que vraie tentative. Nouvelle absence en 1884, et deuxième tentative sans succès en 1887 : le « conservateur » Henry obtient 486 voix, soit moins de 8 %, malgré une campagne plus active (affiche, intervention en réunions publiques...). Nouvelle absence en 1890. En 1893, un candidat qui se veut vraiment boulangiste et révisionniste s’oppose à Girou, le « renégat ». Charles Decange fait une campagne reprenant les thèmes girouistes de défense des « petits », contre les grands bazars et pour le petit commerce, pour les lois ouvrières et contre les monopoles, ce qui n’en fait pas un candidat marqué à droite (il obtient un score minime). La droite, cette fois-ci sous l’étiquette « libérale », présente un certain Félix Frantz, qui fait une campagne sous le thème « Travail et Probité » dénonçant les parasites et les scandales734. Il obtient 754 voix au premier tour et se retire au second. En 1896, la droite présente sans plus de succès Gaston Farnié, « candidat de défense sociale735 », avocat qui défend un programme libéral (opposition à toutes contraintes au commerce, aux réformes fiscales...) et clérical (réintégration des sœurs dans les hôpitaux, subvention aux écoles religieuses...) tout en prônant un discours interclassiste.
Du côté de la mémoire
342Dans ce quartier relativement récent et en pleine croissance, les rapports au passé sont incertains. La mémoire d’un passé ancien, d’avant 1830, ne peut guère se retrouver : le quartier n’existait pas ! Reste le pittoresque des découvertes d’ossements humains, passage Florimont (du siège de Paris par Henri IV, estime-t-on)736, ou de 350 pièces d’or du xive siècle dans une tranchée de la rue Vercingétorix737.
343On pourrait concevoir une certaine nostalgie de la part des vieux Plaisanciens, venus entre les années 1840 et 1860, et une certaine indifférence des nouveaux arrivants. Force est de constater que le passé n’est pas la préoccupation première des habitants de ce quartier miséreux. Nous avons déjà évoqué toutefois l’attachement des Plaisanciens à la République qui se marque dans la vigueur du 14 Juillet ; mais là, Plaisance ne se distingue pas du processus national de la construction de l’hégémonie de la mémoire républicaine, mémoire quelque peu abstraite d’où ne se dégage que le rare cas de la petite-fille de Philippe Moreau, qui avait pris la tête des assaillants de la Bastille en 1789. Enfant démunie du quartier, mais jeune prodige, elle est recueillie par une veuve du 26 avenue Villemain, qui assure son éducation738.
344Le XIVe rend aussi hommage à une figure plus révolutionnaire avec François Rattier, l’un des trois sergents rouges élus députés en mai 1849 et qui sympathisaient avec Blanqui. Cette figure historique s’installa dans les années 1880 comme libraire (avenue du Maine). Cette librairie était très petite et il mourut, selon La Lanterne, « dans une complète misère739 ». Il avait toutefois acquis une petite notoriété dans l’arrondissement écrivant dans Le Montrougien, envoyant des lettres ouvertes740. À sa mort, le journal lui rendit hommage et proposa d’ouvrir une souscription pour ériger un monument en son honneur au cimetière de Bagneux741.
345À vrai dire, la mémoire sensible du quartier est surtout marquée par la Commune, même si l’événement est longtemps occulté. Toutefois, nous ne trouvons aucune trace, ou infime, de la mémoire locale de la Commune, sauf chez ses adversaires, en particulier les catholiques, qui ne manquent pas de dénoncer la fermeture de l’église et l’arrestation pendant trente-cinq jours du curé Blondeau par Billioray742. Et le journal paroissial évoque « le gai printemps 1872 ». Les socialistes rendent, eux, hommage à la Commune dans sa seule généralité (rappelons qu’ils n’ont pas l’esprit de quartier) par des cérémonies ou des fêtes comme celle du 18 mars 1896 (à la mairie de Vanves), organisée par le Cercle d’études sociales de Plaisance. On y entend des conférences d’un député socialiste, de Hamelin, de Delaurier et de Martelet. On y boit le punch, on y écoute des récits dramatiques, on y chante Le Vampire de la patrie, le Drapeau rouge, la Bataille, la Carmagnole743... En mai a lieu la cérémonie funèbre au cimetière Montparnasse pour l’ensemble de la rive gauche744.
346Mais plus que ces rituels, d’autres signes montrent la force de la mémoire communarde dans le quartier. En 1880, la police souligne la grande influence du Comité d’aide aux amnistiés à Plaisance et pense que Blanqui pourrait être élu contre Jacques745. Cependant le décès de Blanqui ne permet pas cette candidature symbolique proposée par Martelet, l’ancien élu communard du XIVe. Le rayonnement des anciens communards paraît aussi très important. Ainsi Martelet, qui joue un rôle non négligeable dans la reconstitution du « parti » socialiste à Plaisance, est aussi une sorte d’icône incontestée dans le quartier. Que ce soit à une réunion radicale746, à une réunion républicaine socialiste747 ou à une réunion girouiste748, on lui donne volontiers la parole ou mieux la présidence de la réunion. Comme si l’ancien communard était devenu une gloire partagée, fédérative du quartier républicain avancé.
347D’autres jouent un rôle voisin. Les anciens déportés Forest et Gougué sont à la présidence de la commémoration de 1896. L’ancien emprisonné à Belle-Île, Isidore Kayl, ancien employé architecte, ancien commandant des Volontaires de Montrouge, libéré en 1878, devenu architecte à Plaisance, écrit des articles dans le journal où se retrouvent les républicains avancés, Le Montrougien. Il tentera sa chance comme candidat socialiste autonomiste en 1893749, sans grand succès. J. Rama, sans doute un ancien communard du XVIIe arrondissement, écrit aussi dans Le Montrougien où il informe sur la reconstitution du mouvement socialiste dans le XIVe. Il participe un temps, au début de 1889, aux activités du Comité révisionniste de l’arrondissement où il plaide contre la présence des bonapartistes750. Si la Commune fait l’objet de débats dans le journal de la gauche du XIVe, les opinions favorables l’emportent largement, comme celle de Delaurier qui présente les communards comme honnêtes, républicains, patriotes, et qui estime que les destructions de Paris sont plus le fait des incendies des obus versaillais que des incendies communards751.
348Il reste que le drame de la Commune éclate encore dans le quartier comme dans ce fait divers relevé dans Le Petit Parisien du 29 novembre 1896 que nous ne pensons pas utile de commenter :
Maxime Avoine, 72 ans, sculpteur, professeur à l’école nationale des Arts décoratifs, demeurant 2 passage des Thermopyles, avait été révoqué le 26 octobre dernier, à la suite des grèves de Carmaux, pour avoir tenu devant ses élèves des propos contre le gouvernement. Le chagrin que lui causa cette disgrâce fut si grand qu’il résolut de mourir. Hier matin il a été trouvé asphyxié par des voisins. [...] Le désespéré qui avait été condamné à mort après la Commune pour y avoir pris part avait laissé en évidence une lettre par laquelle il faisait connaître la cause de sa fatale détermination et se terminait ainsi : « Un condamné à mort des Versaillais, qui veut se dépêcher de s’évader de la vie752. »
349À la fin de notre période, au cœur de la crise sociale, la Commune est bien là encore dans la chair de notre quartier.
350Si la Commune est l’événement mémoriel premier du Plaisance de la Grande Dépression, nous notons que dans les années 1890 affleurent de premières formes d’une mémoire nostalgique du passé local qui va de pair avec un certain refus de la disparition des traces de ce passé local.
351C’est d’ailleurs l’ancien communard Kayl, l’architecte, qui est un des premiers à exprimer cette nostalgie lorsqu’il regrette que le chemin de fer, si l’on n’y prend garde en mettant en place des passages à niveau conséquents, puisse faire disparaître ou modifier gravement d’antiques rues comme la rue du Château ou la rue de la Procession/rue de Gergovie : « Ce sont des rues d’origine immémorielle, elles servaient à relier les communes suburbaines entre elles ; elles existaient bien avant la voie ferrée, et nul n’a le droit de les supprimer753. »
352Cette nostalgie ne nous semble toutefois pas propre à Plaisance et se retrouve dans tout le XIVe arrondissement. Elle est aussi présente au travers d’une série de petites poésies publiées par Le Montrougien en 1895, sous le titre « Les petits coins de Paris », et qui sont l’œuvre d’un rimailleur local, Clovis Pierre. Mais beaucoup de ces petits textes concernent Plaisance. La série évoque donc, pour la première fois, les temps heureux des goguettes, où l’on savait rire en célébrant Bacchus, la bonne cuisine, la chanson. Et de citer les noms célèbres de la mère Saguet, du moulin janséniste, de Thiers et de Béranger. Les poèmes évoquent aussi les bals de la Nouvelle-Californie à la tour Malakoff, les illuminations, les charmilles... Au plaisir, citons quelques vers :
Rappelons-nous ces lieux chéris
Chose étrange
Comme tout change
Aujourd’hui c’est un fait précis
Le Montparnasse est à Paris
[...]
On vous servait un festin de primeurs
Sous les bosquets du Moulin Janséniste754.
353Ou encore :
Au joli hameau de Plaisance
Où s’élevait plus d’un moulin
On venait avec confiance
[…]
Car dans ces moulins sans farine
On trouvait à défaut de grains
Bon accueil et fine cuisine
[…]
Ah comme on buvait
Chez la mère Saguet755.
354Et l’auteur d’évoquer le moulin janséniste, le moulin de Beurre, le moulin vert, le moulin de la Palette, le moulin de la Vierge (« pour le mariage »...), le moulin des Bondons (pour le fromage).
355Pour faire bonne mesure Clovis Pierre évoque aussi la maison du Robinson de la rue Vercingétorix, « vrai chef d’œuvre de patience/De bon état... » Et dans un autre poème, il se fait le défenseur des petites cahutes de la zone : « ses chaumines et ses pruniers/là se cultivent l’anémone/et les légumes printaniers756 ». Le poète s’inscrit ainsi dans le même registre que celui de Xavier Guillemin ou Delaurier, celui que nous avons analysé, de la nostalgie d’un bâti à taille humaine et encore proche de la nature. Une nostalgie qui se retrouve en tout premier lieu dans la mouvance socialisante. Irait-on jusqu’à dire qu’il y a là comme un « temps des cerises » plaisancien, quelque chose comme une trace d’un mythe mémoriel où s’associent le souvenir du bonheur édénique d’avant le drame de la Commune et la mutation de la ville moderne ?
356Cette nostalgie est beaucoup moins présente dans la presse conservatrice. En 1896, L. Deroye lance une série d’articles sur « Le XIVe – ses origines – sa fonction » dans Le XIVe. Mais la vue est tout autre. Ainsi, tout en constatant qu’on dit encore dans l’arrondissement qu’on va à Paris quand on va dans le centre, signe d’une intégration inachevée à la capitale, ce n’est pas pour embellir le passé, bien au contraire à propos de Plaisance :
Le hameau de Plaisance (en 1842) ne justifiait pas son nom, car il était entrecoupé de carrières abandonnées, de dépôts de plâtre et de matériaux de construction, et sillonné de voies mal entretenues, poussiéreuses l’été et boueuses l’hiver757.
357Globalement, il consacre très peu de place à Plaisance, quelques mots sur la rue de Vanves « au cœur de l’ancien Plaisance758 », un historique succinct de la paroisse avec sa très petite église759, un rappel que la rue Vandamme avait pour premier nom celui de rue du Théâtre et de la Gaîté760, que l’embarcadère des chemins de fer fut d’abord chaussée du Maine jusqu’à son transfert à la gare Montparnasse. Seul fait marquant, l’épisode de la cloche de Solferino et la venue de Napoléon III en 1866761.
358Les transformations du quartier sont d’ailleurs plutôt perçues comme positives, malgré les menaces républicaines. Et la presse de souligner les créations de l’école de garçons des Maristes en 1858762 ou l’extension de l’œuvre du Bon-Secours, créée par la paroisse Saint-Pierre de Montrouge en 1864 et finalement fixée rue des Plantes. Il n’y a pas non plus de trace de nostalgie dans la description de la croissance urbaine et de la disparition de vastes terrains de culture au sud de la rue d’Alésia763.
359Le 15 mars 1896, Le Montrougien annonce la création d’une Société historique de Montrouge et des environs, dont le siège est fixé 25 rue Daguerre, les réunions devant se tenir 11 avenue d’Orléans. Première et fragile étape dans la constitution d’une institution mémorielle locale. On pourra noter tout de suite que Plaisance n’y trouve pas du tout son compte, tant parce que le territoire envisagé par la société marginalise les espaces plaisanciens venus de Vaugirard et de Vanves que du fait que les lieux organisationnels de la société ignorent le quartier. Cette création n’a donc que peu à voir avec notre histoire. La mémoire plaisancienne pendant la Grande dépression, qui est aussi la grande croissance urbaine, est fragile, rare, marquée d’abord par le drame communard, intense dans le quartier et qui aurait pu structurer l’identité locale s’il n’était si occulté ou déformé par la mémoire nationale. Reste un souvenir doux-amer où affleure la nostalgie du village gai et libre.
Une petite fenêtre sur le progrès
360Notre promenade plaisancienne au temps de la Grande Dépression n’est pas si gaie que nous ne souhaitions donner quelques notules d’espoir, sans que pour autant se construisent de vrais horizons d’attente. Le présent est trop dur.
361Le Montrougien, sans doute aussi pour ouvrir la perspective républicaine, est le premier à développer le thème de l’embellissement du quartier. Les destructions des taudis de l’avenue du Maine ont fait place à un beau magasin. L’architecte Albert Bedel « a édifié la maison de notre député M. Jacques : cette construction fait un excellent effet rue de Vanves ; citons aussi les maisons économiques qui font le coin des rues de la Sablière, Sainte-Eugénie et Bénard764 ». Le XIVe constate aussi le fait, à la fin de notre période ; on a construit de belles maisons rue Paturle près de la gare Ouest ceinture765. Des constructions sociales, « claires, vastes, aux logements aérés » sont notées rue Lecuirot766, rue d’Alésia (à l’angle de la rue Bardinet). Le bilan est toutefois maigre encore.
362La seule vraie embellie plaisancienne, ce pourrait être l’école ? La République en avait fait son grand pari, le signe du progrès, la lumière de l’avenir. En 1872, Plaisance était, nous l’avons vu, médiocrement agencé du point de vue des écoles publiques, avec une école de filles, catholique, et une école de garçons767, laïque, suivant une division assez classique à l’époque. Nous avons déjà évoqué le développement de l’enseignement privé catholique. Les écoles publiques connaissent aussi un indéniable progrès pendant ce dernier quart du xixe siècle. D’ailleurs, pas de programme électoral qui ne réclame une construction ou une modernisation768, pas de bilan qui ne fasse état d’une réalisation ! C’est dire que l’enjeu est de taille. À l’antique école de la rue Du-Cange vont ainsi s’ajouter les écoles de la rue d’Alésia (une au 132, une au 233), de la rue de l’Ouest (au 97) et, en 1897, l’école de la rue Brodu (à vrai dire un groupe scolaire comme on commence à le dire). A cette panoplie, on pourrait associer l’essor des bibliothèques comme celle qui est inaugurée au 132 rue d’Alésia en 1895. Pourtant, ce vrai progrès est loin de faire consensus. Dans le contexte de l’image du quartier déshérité, les écoles trouvent leur place769. Il y a sans doute des faits incontestables ; les équipements scolaires retardent sur la croissance démographique et le nombre des expectants reste toujours particulièrement élevé à Plaisance770. Mais, en outre, les écoles sont dénoncées pour la mauvaise qualité de leur bâti, leur vieillissement, en particulier la vieille école de la rue Du-Cange dont l’hygiène serait défectueuse771, mais aussi celle du 233 rue d’Alésia dont la construction en matériaux provisoires doit céder place à une reconstruction en vraie maçonnerie772. Par ailleurs, une critique vive, venant plutôt des opposants socialistes ou conservateurs, mais audible de tous dans ce quartier, dénonce l’aspect des nouvelles écoles, « Petit Mazas » pour le 132 rue d’Alésia773, « affreux groupe scolaire (indigne de la ville de Paris) » pour la rue Brodu774 ; « casernes775 » pour toutes.
363C’est en 1897 que paraît pour la première fois un vrai éloge avec un article de Barceret, satisfait de l’augmentation du nombre des écoles (tant laïques que catholiques) et qui se félicite qu’elles soient « belles et bien aérées776 ». Mais une nouvelle fois nous voici au bord de ce tournant de 1897-1898.
364Plaisance de la Grande Dépression, c’est d’abord la misère et le sentiment d’inéquité d’une marge de la capitale qui peut attirer certains artistes. Seules les œuvres777 et le politique amorcent une construction limitée d’une symbolique positive mais ambiguë.
Notes de bas de page
1 Cf. L’Écho de Plaisance, juillet et octobre 1897, « les enfants de la paroisse qui habitent le XVe... ».
2 Église réformée de Paris, Ve paroisse : « PLAISANCE », 1861 et Église réformée de Paris, 28 juillet 1867, « aux fidèles de la V paroisse. Plaisance-Paris ».
3 Un premier lieu de culte protestant était apparu en 1855 à Plaisance.
4 Clovis Pierre, « Les petits coins de Paris », « Montparnasse », Le Montrougien, 7 mars et 7 avril 1895.
5 Le Cri social, 22 décembre 1895.
6 Le Petit Parisien, 17 septembre 1896.
7 Article cité dans Le Montrougien, 12 juillet 1891.
8 Le Phare, 30 septembre 1888.
9 Cet usage de l’ancien découpage communal se retrouve chez Gustave Aimard, qui signe un manuscrit en 1875, au « 2 rue Bénard, Paris-Montrouge ».
10 10
11 Alors que du côté ouest, avec la ligne du chemin de fer de l’Ouest, et du côté sud, avec les fortifs, la frontière est très marquée.
12 « À bas l’avenue du Maine », crie la bande de Vaugirard, Le Petit Parisien, 17 septembre 1896 ; « le quartier de la Gaîté et de l’avenue du Maine où se coudoient tant de souteneurs », Théo de Lesses, Le Montrougien, 30 octobre 1887.
13 Mimosa, Le Montrougien, 10 mars 1895.
14 Jean de Nades, « Le Duel du cabotin », L’Observatoire, 3 et 10 avril 1887.
15 Le Montrougien, 7 novembre 1886. Le signataire se revendique aussi d’être Parisien !
16 Paris moderne, suite de Paris à travers les siècles – de 1882 à 1890.
17 Le Petit Parisien, 9 avril 1896.
18 Le XIVe, 28 novembre 1895.
19 C’est pareil pour La Revue d’un passant, qui constate que 46 de ses 89 points de lecture sont à Plaisance, contre 18 à Montparnasse, 14 à Petit-Montrouge.
20 L. Deroye, « Le XIVe, ses origines, sa fonction », Le XIVe, 17 octobre 1896.
21 J. Bergeron, Les œuvres de Notre Dame du Rosaire, Association ouvrière de la Porte de Vanves, brochure de la Revue philanthropique, 1897.
22 A. R. « L’œuvre de Notre Dame du Rosaire de Plaisance », Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe, 5 août 1893.
23 « Congrès ouvrier de Plaisance », Le XIVe, 8 février 1896.
24 Le XIVe, 17 avril 1897.
25 Paris nouveau, 1879.
26 Chronique de Paris au temps des Pasquier, 1951.
27 Le Montrougien, 21 avril 1895.
28 Qui joue parfois comme cette évocation de Grimai, le « commissaire de Plaisance », Le Petit Parisien, 29 février 1896.
29 Même s’il est contesté assez finement par Delaurier en 1893 qui, habitant rue Daguerre, au-delà de l’avenue du Maine, estime que « nos maisons font physiquement partie du quartier du Petit-Montrouge », dans « Dernières réflexions sur les élections municipales de Paris », Le Montrougien, 30 avril 1893.
30 Cf. Gérard Jigaudon, « Industriels et artisans », dans Montparnasse et le XIVe, AAVP, 2000.
31 Nous avons trouvé une seule réclamation, de Delaurier, qui proteste contre l’implantation d’une usine de benzine rue Liancourt et dénonce la distillerie du conseiller municipal Jacques « dans un quartier populeux, rue de Vanves », Delaurier « Imprévoyance des conseillers municipaux », Le Montrougien, 17 février 1889.
32 François et Claude Bréguet, « Une industrie parisienne : la Maison Bréguet de 1775 à 1914 », RH XIV, 1962.
33 Gérard Perin et Philippe Menerat, « Un grand de l’habillement. La “Belle Jardinière” », Reflets économiques et commerciaux, octobre 1964.
34 L. Deroye, « Le XIVe, ses origines, ses fonctions », Le XIVe arrondissement, 17 octobre 1896.
35 Le Montrouqien du 4 décembre 1892 évoque le bal de nuit du samedi précédent dans la cour des ateliers, le bal du 3 décembre 1893, un bal au gymnase Huyghens et le bal du 2 septembre 1894, le concert le jeudi soir au café Klée, 54 rue des Plantes.
36 Histoire de H. Ernault-SOMUA, 1963, à la société.
37 Cf. Gilbert Perroy, « Le départ de nos industries du XIVe arrondissement », RH XIV, 1970.
38 Voir « L’imprimerie des timbres-poste, toute une histoire », <www.laposte.fr/philatel>.
39 En particulier des imprimeries, comme Lemercier, qui déménage de la rue de Seine aux 44-48 rue Vercingétorix et, avant 1914, la maison Delaporte ou Photolitho, 4 rue Niepce. Et en 1901, l’entreprise de photogravure Ruckert au coin de la rue des Plantes et de la rue Louis Morard, son bâtiment de trois étages ornés de céramique en témoigne. Cf. Gérard Jigaudon, art. cité.
40 Lucien Deroye, « Le XIVe, ses origines, sa fonction », Le XIVe, 29 août 1896.
41 Lucien Deroye, ibid., 17 octobre 1896.
42 C.-A. Bourceret, « La transformation de Plaisance et l’Assistance publique », Le XIVe, 18 juin 1898.
43 Lucien Deroye, ibid., 7 novembre 1896.
44 Bergeron, Rosaire..., op. cit., 1897.
45 Rapport annuel de la commission, année 1890, résumé dans Le Montrougien, 6 novembre 1892.
46 Cf. Sureth, « Chronique scientifique », Le Montrougien, 19 novembre 1893. Le lait serait mauvais...
47 Cf. Le Montrougien, 17 décembre 1893.
48 Où se réfugie un miséreux, Le Montrougien, 29 décembre 1895.
49 Une meule de son fumier prend feu, Le XIVe, 7 décembre 1878.
50 Le Quatorzième, 7 février 1891.
51 14 rue de Vanves, Le XIVe, 25 janvier 1896 ; 14 rue des Plantes, mains courantes du 29 janvier 1896...
52 Cf. Le XIVe, 21 avril 1894, au 60 rue de Vanves.
53 Ibid, et Bergeron, op. cit., 1897.
54 Une récolte de cerisiers est volée rue de Vanves, Le XIVe, 4 juillet 1896.
55 Mains courantes de Plaisance, 28 juin 1896.
56 Cité par Vallery-Radot, Verlaine à Broussais, Paris, 1956.
57 Le XIVe, 14 avril 1894.
58 Au n° 151, elle envoie ses produits au concours agricole, Le Quatorzième, numéro cité.
59 L’Avenir du XIVe, 21 mai 1893.
60 Hector Martin, Le Montrougien, 25 juillet 1886.
61 Cf. Pierre Casselle, Nouvelle Histoire de Paris, Paris républicain 1871-1914, Paris, 1992.
62 Parue dans Le livre foncier de 1911, à partir de statistiques pour les années 1904-1908.
63 Cf. Pierre Casselle, op. cit.
64 Sureth, « Chronique scientifique », Le Montrougien, 19 novembre 1893.
65 « Inauguration de la nouvelle crèche de Plaisance », Bulletin des crèches, juillet 1892, dans A Paris, DX6 1.
66 « Soupes populaires à Plaisance », Le XIVe, 22 février 1896.
67 Soulange-Bodin, « La mission », L’Écho de Plaisance, novembre 1897.
68 Soulange-Bodin, « Où veut-il donc en venir ? », L’Écho de Plaisance, avril 1897.
69 J. Bergeron, « Les œuvres de Notre Dame du Rosaire... », art. cité, 1897.
70 Le Cri social, 15 décembre 1895.
71 Le Montrougien, 28 septembre 1890.
72 Selon une note dactylographiée, sans auteur, sans date, mais très vraisemblablement de Biollet, un historien amateur et passionné du quartier, ancien policier de Plaisance ; Archives Sté Hist XIVe.
73 « Les victimes du froid », Le Petit Parisien, 12 janvier 1896.
74 « Ce que coûte la passion de l’alcool », Le Petit Parisien, 25 avril 1896.
75 Le XIVe, 9 janvier 1897.
76 « Mort de misère », Le Montrougien, 29 décembre 1895.
77 Le Cri social, 29 décembre 1895.
78 Bergeron, art. cité.
79 Soulange-Bodin, A nos bienfaiteurs et à nos amis. Quelques mots sur l’Œuvre de Notre Dame du Rosaire établie dans le faubourg de Plaisance, Paris, 1893.
80 Mains courantes, 2 octobre 1896.
81 Le Cri social, 15 décembre 1895.
82 Le Montrougien, 3 février 1895.
83 Le Montrougien, 2 septembre 1894.
84 Le Montrougien, 10 avril 1887.
85 Le Montrougien, 1er septembre 1889.
86 Le XIVe, 13 février 1897.
87 Ch. Martelet, « Réveillon des petits gueux », Le Cri social, 29 décembre 1895.
88 Attestée toutefois par R. Huguet, art. cité.
89 J. Bergeron, op. cit. Bergeron note toutefois qu’« un bouchon orné d’une tonnelle » égayait l’endroit.
90 Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe arrondissement, 16 septembre 1893.
91 « Incendie à Plaisance », La Tribune du XIVe, 28 janvier 1894.
92 Le Montrougien, 21 novembre 1886.
93 Dessin de M. De Haenen, d’après les croquis de M. Grenier. En arrière-plan du dessin, des cheminées d’usine.
94 R. Roger, « Stratégie, tactique et police », L’avenir du XIVe, 15 octobre 1893, qui dénonce l’absence d’intervention de la police.
95 Le XIVe, 16 novembre 1895.
96 Le Montrougien, 12 avril 1891. Mais on peut choisir d’en rire ?
97 Le Montrougien, 2 février 1896.
98 Comme L. D., 36 ans, rue Didot, Le XIVe, 13 juin 1897.
99 « À coups de hache », en première page du Petit Parisien, qui aime bien la hache, 6 juillet 1896.
100 « Lettre d’un de nos lecteurs de Plaisance », Le XIVe, 21 septembre 1895. Il critique la mairie de ne leur accorder aucune aide.
101 Le Montrougien, 30 octobre 1892.
102 « Elle reconnaît qu’elle est enceinte et que c’est une envie », mains courantes, 5 août 1896.
103 Le propriétaire, qui habite dans le V arrondissement, le congédie. Mains courantes, 15 avril 1896.
104 Au 126 rue d’Alésia, mains courantes, 19 avril 1896.
105 « La charité dans le XIVe – Un danger moral », Le Montrougien, 18 janvier 1891. Le journal est aussi très anticlérical.
106 Mains courantes, 29 mai 1896.
107 Mains courantes, 17 octobre 1896.
108 Mains courantes, 20 septembre 1896.
109 Mains courantes, 23 juillet 1896.
110 « Carnet de Séverine », Le Montrougien, 7 octobre 1894.
111 Le Montrougien, « Un logement muré », 21 avril 1895.
112 « Les désespérés », Le Montrougien, 1er décembre 1895.
113 « Morte de faim », Le Montrougien, 28 février 1894.
114 « Infanticide », Le Montrougien, 25 décembre 1892.
115 C. A. Bourceret, « La transformation de Plaisance et l’Assistance publique », Le XIVe arrondissement, 18 juin 1898. Le journaliste parle déjà au passé.
116 Cf. Pierre Casselle, op. cit.
117 Cf. les résultats partiels du recensement de 1896, A. Paris, VD6 2083.
118 Alain Faure et Claire Lévy-Vroelant, Une chambre en ville. Hôtels meublés et garnis de Paris, 1860-1990, 2007.
119 Soulange-Bodin, « La mission », art. cité.
120 R. Roger, « Stratégie... », art. cité.
121 Le Cri social, 5 janvier 1896.
122 Le Montrougien, 28 janvier 1894.
123 Mains courantes, 6 avril 1896.
124 Mains courantes, 12 avril 1896.
125 Mains courantes, 29 mai 1896.
126 Mains courantes, 30 septembre 1896.
127 Chut, « À bâtons rompus », Le Républicain du XIVe, 5 mai 1888. Voir aussi la lettre de Éd. Rattier, ancien représentant du peuple, à Louis Mesureur, parue dans Le Montrougien, 12 juin 1887.
128 Pétition au conseil municipal de Paris d’habitants du quartier de Plaisance, Le Montrougien, 14 juillet 1889.
129 Le Montrougien, 29 janvier 1893. LAP possède aussi des terrains rue de la Sablière qu’il faudrait lotir, ibid., 17 novembre 1893.
130 « Le crime de la rue de Vanves », Le Montrougien, 29 avril 1894.
131 Rue du Texel, Le Montrougien, 21 avril 1895. Ou rue Didot, un « taudis » d’une vieille de 85 ans, « Cousue d’or », Le Petit Parisien, 9 décembre 1896.
132 Léon Marius, « Les logements insalubres », Le Montrougien, 9 novembre 1890 ; Soulange-Bodin, L’Écho de Plaisance, 3 avril 1897.
133 « Un peu d’histoire », Notre paroisse, brochure éditée par Notre-Dame du Rosaire dans les années 1930. La brochure cite un texte de 1885 sans donner la référence.
134 Christian Topalov, Le logement en France ; histoire d’une marchandise impossible, 1987.
135 Par exemple, l’état ignoble des douches de Broussais, cf. Le XIVe, 21 mars 1896.
136 Le XIVe, 25 juillet 1896, qui dénonce l’absence de construction de maisons saines dans les arrondissements périphériques, 27 novembre 1897.
137 Xavier Guillemin, « Chronique », Le Cri social, 14 juin 1896.
138 Contrairement à plusieurs légendes, le « Château ouvrier » n’a été ni un phalanstère ouvrier construit au Second Empire, ni une œuvre religieuse laïcisée en 1905 ! Il s’agit d’un investissement immobilier de la famille de Villemain, cf. A. Paris, 08 11 3756.
139 Extraits parus dans Le Montrougien, 6 novembre 1892.
140 Sureth, « Chronique scientifique », art. cité.
141 Le Montrougien, 26 novembre 1893 ; aussi 11-, rue de l’Ouest, sans travail, qui s’est pendu, ibid., 15 juillet 1888, G., 65 ans, au chômage, qui s’est jeté dans la Seine, ibid., 28 septembre 1890, X., ouvrier graveur, 34 ans, 16 Moulin de la Vierge, trois enfants, dont le travail est intermittent, ibid., 15 décembre 1895. Le Montrougien n’a pas le monopole de ces informations ; cf. le suicide de B., 60 ans, chômeur, 40 rue du Château, au pistolet, Le Phare du XIVe arrondissement, 9 septembre 1888, etc.
142 « Désespoir d’un veuf », Le Petit Parisien, 16 janvier 1896. Cf. aussi « Désespoir d’amour » du 9 avril 1896, vrai roman avec un jeune homme, secrétaire d’un entrepreneur, qui part avec la femme de son patron qui le licencie. Au bout de deux mois elle le quitte car il est trop pauvre pour l’entretenir et revient chez son mari, qui l’accepte. De désespoir, il se suicide d’un coup de revolver dans le fossé de la porte Didot ; et encore « Désespoir d’amour » du 17 juillet 1896, où une jeune veuve de 29 ans, feuillagiste, demeurant rue Pernety, a été séduite par un propriétaire du quartier qui l’abandonne après lui avoir promis le mariage. Elle s’empoisonne.
143 Le XIVe arrondissement, 24 août, 1895 ; aussi, Mme Sureau, 64 rue Pernety, 30 ans sans enfants, suicide par « aliénation mentale », 4 mai 1895 ; « Misère et folie », 18 janvier 1896, une femme, rue des Plantes, ouvrière brodeuse, « aliénée », etc.
144 Les deux cas dans Le Phare du XIVe arrondissement, « Un suicide à l’hôpital » et « Fatigué de la vie », 30 septembre 1888.
145 Le XIVe arrondissement, 24 août 1895 ; aussi ce cocher de 73 ans, demeurant 105 rue d’Alésia, qui s’est pendu car, devenu sourd, il ne pouvait plus travailler, ibid., 9 mars 1895 ; M. Flaney, ancien conseiller municipal d’Asnières, 72 ans, 6 rue de l’Ouest, s’est suicidé, malade incurable, Le Montrougien, 21 août 1892 ; au 49 rue Vercingétorix, un vieux couple de 72 et 74 ans, lui ancien ouvrier modeleur, malade, devenu pauvre, s’empoisonne, ibid., « Double suicide », 19 mai 1895, etc.
146 « Les désespérés », Le Petit Parisien, 16 mai 1896 ; aussi une veuve de 28 ans se suicide du 5’ étage au 36 rue de l’Ouest, Le Montrougien, 15 septembre 1895, etc
147 « Encore la misère », L’Avenir du XIVe arrondissement, 26 novembre 1893, « Misère et folie », Le XIVe arrondissement, 18 janvier 1896, J. M., 52 ans, 14 passage de Gergovie, etc.
148 Le XIVe arrondissement, 13 mars 1897.
149 Mains courantes, 29 janvier 1896.
150 L’Avenir du XIVe arrondissement, 7 mai 1893.
151 Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe, 21 octobre 1893.
152 Le Montrougien, 13 novembre 1887.
153 Le Montrougien, 13 septembre 1891.
154 « À travers le XIVe. Paris la nuit », Le Montrougien, 21 août 1892 et 28 août 1892.
155 Le Montrougien, 30 octobre 1887 ; aussi attaque d’une marchande des quatre saisons, avenue du Maine, ibid., 19 août 1888 ; violence contre un employé de commerce de 20 ans, avenue du Maine, Le XIVe, 2 mai 1896, etc.
156 Le Montrougien, 18 décembre 1892.
157 Le Montrougien, 7 janvier 1894.
158 Le XIVe, 23 novembre 1895.
159 Mains courantes, 18 octobre 1895.
160 « Le drame de Plaisance », Le Montrougien, 16 octobre 1887.
161 Le Montrougien, 12 février 1888.
162 Le XIVe, 5 décembre 1896, et « Attaque nocturne », Le Petit Parisien, 30 novembre 1896. Le voleur est un « repris de justice ».
163 Le XIVe, 29 mai 1897.
164 Le Montrougien, 17 avril 1887.
165 Le Cri social, 22 mars 1896.
166 Le Montrougien, 2 décembre 1894, et Le XIVe, 1er décembre 1894. Il s’agit d’un logement en fond de cour au rez-de-chaussée.
167 « Mystérieux attentat », Le Petit Parisien, 26 mars 1896.
168 Le Montrougien, 30 septembre 1888.
169 Le Petit Parisien, 1er Octobre 1896.
170 « Tentative d’assassinat », 21 mai 1893.
171 « Un coup de couteau pour un verre de vin », Le Républicain du XIVe, 15 avril 1888.
172 Le XIVe, 21 avril 1894.
173 Pour une fille publique entre deux imprimeurs, « Coup de revolver », Le Montrougien, 13 novembre 1892.
174 « Odieux Guet-apens », Le Petit Parisien, 21 juin 1896.
175 Louis B., 1 impasse de Jouvence, a donné un coup de poing à J. D., mains courantes, 4 août 1896.
176 Entre un plombier qui serait lié à des faux-monnayeurs et un autre jeune, Le Cri social, 22 mars 1896.
177 Au couteau, Le XIVe, 2 mars 1896.
178 « Bataille », Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe, 4 novembre 1893, un peintre et deux imprimeurs sont roués de coups par quatre inconnus au n° 11.
179 Deux mécaniciens se battent au couteau, puis menacent la foule et blessent de trois coups un employé de commerce, « Un meurtre rue du Château », Le Petit Parisien, 1er octobre 1896. Le XIVe, 3 octobre 1896, etc.
180 Rixe avec un garçon boucher à l’angle de la rue de la Gaîté et de l’avenue du Maine, Le Phare du XIVe, 7 octobre 1888, et Le Montrougien, 30 septembre 1888, etc.
181 « Un coup de balai SVP ! », L’Écho de Plaisance, 9 octobre 1897.
182 Selon Le Montrougien, 3 juillet 1887.
183 Le Cri social, 22 mars 1896.
184 Mains courantes, 29 avril 1896.
185 « Une rixe mortelle », Le Phare du XIVe, 16 septembre r888, et aussi Le Montrougien, 16 septembre 1888.
186 Le Montrougien, 15 septembre 1895.
187 L’Avenir du XIVe, 25 juin 1893.
188 « Charretier ivrogne », Le Cri social, 15 décembre 1895.
189 Le Montrougien, 30 avril 1893.
190 Rapport du 7 novembre 1874, APP, BA 534.
191 Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe, 30 septembre 1893.
192 « Précoce meurtrier », Le Cri social, n°2.
193 Le Montrougien, 13 novembre 1887.
194 Le Montrougien, 19 février 1893.
195 « Capture d’une bande », Le Montrougien, 12 juin 1892.
196 Le Montrougien, 30 avril 1893.
197 Le Montrougien, 22 avril 1894.
198 « Inqualifiable agression », Le Petit Parisien, 21 septembre 1896.
199 « L’affaire de la rue de Médéah. La guerre entre arrondissements semble s’acclimater sur la rive gauche », Le Petit Parisien, 17 septembre 1896.
200 Mains courantes, 18 octobre 1895.
201 Cf. Soulange-Bodin, À nos bienfaiteurs..., op. cit., 1893, paragraphe sur « la jeunesse ».
202 Mains courantes, 2 août 1896.
203 L. Marius, Le Montrougien, 21 novembre 1890.
204 « Ennuyée par des gamins », Le Montrougien, 28 août 1892. Aussi la bande de « jeunes vauriens », Le Montrougien, 19 février 1893.
205 « L’amour de la bicyclette », L’Avenir du XIVe arrondissement, 7 mai 1893.
206 Le Montrougien, 25 juin 1893, et L’Avenir du XIVe, 25 juin 1893.
207 « Un incendiaire de sept ans », Le Petit Parisien, 10 juin 1896 ; aussi Le Cri social, 14 juin 1896.
208 Mains courantes, 17 octobre 1896.
209 Pourtant ses parents semblent avoir un travail (menuisier et femme de ménage), mains courantes, 20 novembre 1896.
210 Mains courantes, 24 février 1896.
211 Mains courantes, 6 avril 1896.
212 Mains courantes, 22 avril 1896.
213 Mains courantes, 21 septembre 1896.
214 Le Montrougien, 27 mars 1892.
215 « Trop bon cœur », L’Avenir du XIVe, 26 novembre 1893.
216 « Criminels précoces », Le Montrougien, 21 juillet 1889.
217 Le Montrougien, 11 février 1894.
218 Le jeune modèle italien de 15 ans, au café, le jeune F. P., 15 ans, 200 rue d’Alésia, J. D., charretier...
219 II loge dans un garni de Plaisance, Le Montrougien, 29 mai 1887.
220 E. G., « Un étrangleur de 13 ans », Le Montrougien, 6 janvier 1895.
221 Le Montrougien, 3 mars 1895. Aussi « un jeune misérable du quartier de Plaisance » violent de 17 ans, Le XIVe, 2 janvier 1897.
222 Mains courantes, 18 octobre 1895.
223 « Les exploits des “Trois Henry” », art. cité.
224 Mains courantes, 8 décembre 1896.
225 Mains courantes, 12 mai 1896.
226 Le Montrougien, 11 décembre 1887.
227 « Fruits de la société actuelle », Le Montrougien, 19 août 1888.
228 Le Montrougien, 1er mai 1892.
229 « Le drame de l’avenue du Maine », Le Petit Parisien, 7 mai 1896 ; Le Cri social, 10 mai 1896 ; Le Montrougien, 10 mai 1896.
230 « Aux concierges », L’avenir du XIV, 23 avril 1893 ; aussi Le Montrougien, 30 avril 1893.
231 Dans une boulangerie de la rue Didot, Le Cri social, 22 décembre 1895.
232 Le Cri social, 22 mars 1896 ; aussi mains courantes du 24 août 1896 où un garçon de café est accusé par un cocher de l’avoir payé en fausse monnaie devant le 198 rue de Vanves, etc.
233 L’Écho de Plaisance, 2 mars 1897.
234 Mains courantes, r2 septembre 1896, le coupable est un employé à la préfecture de la Seine, marié de 33 ans, 5 rue Bourgeois...
235 Sur le vin à la porte de Vanves, Le Montrougien, 12 août 1888 ; sur les allumettes, au 84 rue de Vanves, Le XIVe, 29 juin 1895.
236 Un d’entre eux se fait pincer, il demeurait en garni rue de l’Ouest, Le XIVe, 24 novembre 1894.
237 Le fils de Mme Astié de Valsayre, la féministe, est arrêté au champ de courses de Vincennes, Le Montrougien, 12 juillet 1891.
238 Le Montrougien, 17 juin 1894.
239 Le XIVe, 29 août 1896.
240 L’Avenir du XIVe, 24 juillet 1893.
241 L’Avenir du XIVe, 30 juillet 1893.
242 L’Avenir du XIVe, 26 novembre 1893.
243 Le Cri social, 16 février 1896.
244 Le Montrougien, 29 août 1892.
245 Le Montrougien, 30 octobre 1892.
246 Une seule fois sur nos centaines de titres de faits criminels, on trouve « Le drame de Plaisance » dans Le Montrougien, le 16 octobre 1887, à propos du meurtre de l’Ouest Ceinture.
247 Le Montrougien, 29 mai 1887.
248 Sans doute de très nombreuses arrestations sont-elles aussi effectuées sur cette avenue par les agents du commissariat de Montparnasse pour les premiers numéros et par ceux du Petit Montrouge pour les derniers.
249 « Arrestation d’un assassin », Le Petit Parisien, 27 avril 1896.
250 F. Rivens, « À propos des souteneurs », Le Montrougien, 19 septembre 1886. Cf. aussi « les Alphonses qui rappliquent de toutes parts » à la sortie d’une guinguette sinistre de la rue Vandamme selon J. K. Huysmans, « Une guinguette », Croquis parisiens, 1886.
251 Le XIVe, 21 avril 1894.
252 Victor, « Notes d’un flâneur », Le Montrougien, 12 décembre t886.
253 Le Montrougien, 30 octobre 1887.
254 Laville, « Gigolos et Gigolettes », Le Cri social, 5 janvier 1896.
255 « Une partie fine », Le Montrougien, 7 août 1892 ; il s’agit de Pélagie Houette et Paul Richer.
256 Il est victime d’une agression rue Lebouis à deux heures du matin, Le XIVe, 17 juillet 1897.
257 La victime de l’affaire du Champ-d’Asile.
258 Où il dépense ses recettes ! Le XIVe, 9 mars 1895.
259 Par contre, la scène de la noce qui attend le futur marié, qui ne vient pas, plaît toujours, Le Montrougien, 3 février 1895.
260 Le Montrougien, 7 septembre 1890 ; cas plus incertain, celui de Jean C, marié, homme de peine accusé par une jeune fille de 14 ans de lui avoir montré son membre. L’accusé répond qu’il allait uriner et qu’il n’a pas fait attention... Mains courantes, 9 juin 1896.
261 « Une vendetta », Le Montrougien, 29 décembre 1895.
262 Le Montrougien, 22 octobre 1893.
263 Le Montrougien, 3 septembre 1893.
264 Le XIVe, 5 octobre 1895.
265 L. D., 36 ans, rue Didot, Le XIVe, 13 juin 1897 ; ou qui lui tire dessus, rue du Château, L’Avenir du XIVe, 23 avril 1893.
266 Et lui déchire sa robe, un boulanger de 69 ans ! Mains courantes, 17 janvier 1896 ; aussi mains courantes, 24 septembre 1896.
267 Un employé d’octroi de 26 ans, 31 rue Jonquoy, « Un mari meurtrier », Le Petit Parisien, 19 juin 1896.
268 « L’affaire de l’avenue du Maine », Le Cri social, 5 janvier 1896 ; Le Montrougien, 5 janvier 1896.
269 « Jalousie criminelle », Le Montrougien, 3 novembre 1889.
270 « Désespoir d’amour », Le Petit Parisien, 1er septembre 1896.
271 Le Montrougien, 19 août 1894.
272 Le Cri social, le journal socialiste, n’hésite pas à se moquer de lui : « Titi Girou » est un « cocu », 29 décembre 1895.
273 Le Montrougien, 21 février 1892, qui reprend un article du Petit Parisien.
274 Le Montrougien, 14 juillet 1895 ; il y a aussi cet ébéniste qui frappe son ancienne maîtresse, mains courantes, 8 décembre 1896.
275 « Pauvre fille ! », Le Petit Parisien, 18 janvier 1896.
276 Voir infra.
277 Le XIVe, 22 juin 1895.
278 Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe arrondissement, 26 août 1893 ; aussi deux filles qui se battent pour un garçon épicier de Plaisance, Le Montrougien, 15 janvier 1893.
279 Elles habitent toutes deux rue Perceval et ont 26 et 30 ans, Le Montrougien, 26 août 1894.
280 Le jeune amant se suicide, cf. infra.
281 « Le drame de la rue du Texel », Le Petit Parisien, 3 juillet 1896.
282 Voir aussi la fin du feuilleton du Montrougien, où la jeune femme séduite finira avec un homme installé.
283 « Une noce au poste », Le Montrougien, 9 octobre 1892.
284 L. P., « Promenade dans le XIVe », Bulletin..., 14 octobre 1893, qui demande l’installation d’une vespasienne du fait du « grand nombre de travailleurs qui y passent ».
285 « Édilité », Le Quatorzième, 2 octobre 1890, qui constate que « le passage de voitures de forte charge y est considérable » car la rue relie « la haute et la basse Seine ».
286 L. Marius, Le Montrougien, 13 juillet 1890.
287 Lettre du maire du XIVe au préfet de la Seine, 28 novembre 1888, Arch. Paris, DX6 1.
288 Le Montrougien, 12 juin 1892. Cf. aussi Le Montrougien du 14 février 1892, soulignant que les femmes du quartier sont « obligées d’abandonner la plupart du temps leur foyer pour aller gagner au dehors le complément du maigre salaire de leur mari ».
289 PV de la CA de la crèche de Plaisance du 26 octobre 1896, Arch. Paris, VD6 2107.
290 Le Républicain du XIVe, 11 mars 1888.
291 Le Quatorzième, 19/25 mars 1898.
292 Cette tranquillité plaisancienne est reprise en partie par Casselle, Paris républicain, op. cit. : « Plaisance était le quartier le plus peuplé et le plus actif de l’arrondissement, mais aussi le plus pauvre. Brocheuses, couturières, laveurs, femmes de journées, garçons de peine et journaliers faisaient souvent appel aux secours publics. Mais les ouvriers du livre, les cochers de la Compagnie des Petites Voitures, les agents des Pompes funèbres, les ouvriers du bâtiment, qui habitaient là, gagnaient correctement leur vie. »
293 Chut, « À bâtons rompus », Le Républicain du XIVe, 5 mai 1888.
294 E. Robichon, « La politique dans le XIVe », Le Montrougien, 1er août 1888.
295 8 mai 1887, APP, BA 564. Decange, candidat boulangiste, évoque ce « grand et beau quartier », 23 avril 1893, APP, BA 674.
296 Lettre de P. Martin, vins et spiritueux, 44 avenue du Maine, Le XIVe, 22 décembre 1894.
297 C. A. Bourceret, « L’Avenir et le passé de Plaisance », Le XIVe, 30 janvier 1897, la pétition des commerçants du quartier en 1893, Bulletin..., 9 septembre 1893...
298 Lecurieux, « Une horloge qui se fait attendre », Le XIVe, 17 mars 1894.
299 Le Républicain du XIVe, 22 avril 1888.
300 Le Petit Parisien, « Le Tsar à Paris », 9 octobre 1896.
301 Mains courantes, 3 janvier, 15 février, 27 février, 16 mars, 19 mars, 27 mars, 26 juin, 19 août, 6 novembre 1896.
302 Mains courantes du 16 octobre 1896 où A.V., marchand de beurre, est accusé de tromperie sur la quantité de beurre.
303 Mains courantes, 26 octobre 1896.
304 II y a aussi des affaires d’escroquerie aux douanes, mains courantes, 29 juillet 1896.
305 J. Bard, « A M. Girou », Le Montrougien, 2 juin 1895.
306 J. Ombredanne, « Le marché de Plaisance », Le XIVe, 3 août 1895.
307 Cf. « Les boulangers de Plaisance », Le XIVe, 14 mars 1896. Cf. aussi, ibid., 14 décembre 1895.
308 Cf. supra.
309 Bergeron, Les Œuvres..., cite le plaidoyer de l’abbé Boyreau dans Le Courrier de Notre Dame du Rosaire en mars 1897 en faveur des coopératives de consommation ; Soulange-Bodin tente une défense du petit commerce dans L’Écho de Plaisance, février 1897.
310 Conférence du 5 avril 1898 contre le monopole de la Compagnie du Gaz, Le Quatorzième, 19 mars 1898 ; réunion pour la défense du petit commerce par la 14e section de la Ligue syndicale pour la défense des intérêts du travail, du commerce et de l’industrie, contre les accapareurs et les monopoles, L’Avenir du XIVe, 21 mai 1893. Voir aussi La Revue du passant, juillet et 5 novembre 1892.
311 Mains courantes, 15 avril 1896.
312 Mains courantes, 6 février 1896.
313 Mains courantes, 9 mars 1896.
314 « Le drame de la rue Vercingétorix », le Montrougien, 30 juin 1895.
315 Mains courantes, 30 juillet 1896. La police donne raison aux ouvriers car les renseignements sur le patron sont « peu favorables ».
316 « Appel aux catholiques de France pour l’érection d’un sanctuaire à Notre Dame du Travail », L’Écho de Plaisance, 2 mars 1897.
317 Note sur l’instruction publique dans le XIVe arrondissement, par le maire, op. cit., 1872. Souligné dans le texte.
318 La seule revendication que nous avons trouvée est celle des veilleurs de nuit de l’hôpital Broussais, qui dénoncent la mauvaise qualité de leur alimentation, Le Montrougien, 24 juin 1894.
319 Un démolisseur de 37 ans, demeurant rue de Plaisance, fait une chute brutale, Le Montrougien, 30 avril 1893 ; un maçon décède d’une chute, Bulletin..., 5 août 1893 ; un peintre en bâtiment, demeurant rue Didot, décède à Broussais d’une chute, Bulletin..., 2 septembre 1893 ; un démolisseur de 43 ans décède d’une chute, Bulletin..., 14 octobre 1893, etc.
320 Le Montrougien, 18 août 1889.
321 Usine Collas, rue Liancourt, L’Avenir du XIVe, 9 juillet 1893.
322 Le XIVe, 29 juin 1895.
323 « Un cyclone à Paris », art. cité.
324 Le Phare du XIVe, 9 septembre 1888.
325 Par exemple, ce « brave ouvrier peintre en voitures » blessé au couteau « dans le quartier de Plaisance » en sauvant une fillette brutalisée, Le Montrougien, 1er mai 1892.
326 A. Barrot, « Inauguration », Le Cri social, 14 juin 1896.
327 Lettre au Républicain du XIVe, 19 mai 1888.
328 Cf. Bergeron, op. cit., 1897.
329 Cf. note citée sur l’instruction publique de 1872.
330 Le Montrougien, 26 juillet 1891.
331 Soulange-Bodin, « Pourquoi le quartier de Plaisance ? », L’Écho de Plaisance, mars 1897.
332 Mains courantes, 2 janvier 1896. La concierge déclare qu’il s’agit seulement d’empêcher un « déménagement furtif ».
333 « Un logement muré », Le Montrougien, 21 avril 1895. Aussi Le Montrougien, 29 février 1892, où un propriétaire et un concierge ouvrent le logement d’un locataire à propos d’une dette.
334 Mains courantes, 21 novembre 1896, plainte du logeur du 94 rue du Château ; aussi plainte de logeurs, mains courantes, 29 avril, 18 février et 11 juin 1896.
335 Le Cri social, 23 février 1896.
336 Dans sa petite poésie « Plaisance – En recherchant le passage Duclos », Le Montrougien, 21 avril 1895, Clovis Pierre présente d’autres personnages classiques de la Comédie humaine de Paris comme le sergot, le gabelou, le bistrot, le commerçant...
337 Le Salon est suivi avec beaucoup de soin par « Le Lion de Belfort ».
338 Nous avons compté qu’au xixe siècle, 14 sculpteurs et 12 peintres et aquarellistes avaient habité la villa Brune, chiffres d’après Thomas Dufresne, « La villa Brune, une verdoyante cité d’artistes », RH XIVe, 1998.
339 « Le constructeur des ateliers d’artistes 12-14 e du Moulin-de-Beurre en 1881 », RH XIVe, 1974.
340 Nous utilisons la très fine chronologie de Gauguin, catalogue de l’exposition du Grand Palais de 1989 Paris, 1989.
341 C’est là qu’il connaîtra Juliette Huet, une couturière du 15 rue Bourgeois, qui deviendra vite sa maîtresse et son modèle.
342 La chronologie fine dans Cézanne, catalogue de l’exposition du musée d’Orsay, septembre 1995 janvier 1996, 1995.
343 Charles Le Goffic dans L’Écho de la Semaine, 26 avril 1896, cité par Dufresne, art. cité.
344 Le Montrougien, 4 septembre r892.
345 Ibid., 22 janvier 1893.
346 Ibid., 7 octobre 1894.
347 Voir pour notre période, Le Montrougien du 1er août 1886, Le Républicain du XIVe du 5 avril 1888.
348 26 juin 1887.
349 Mimosa, Le Montrougien, 10 mars 1895. Le journaliste, qui est le plus marqué à droite des rédacteurs du Montrougien, le déplore.
350 Le Montrougien, 24 février 1895.
351 Le XIVe, 17 juillet 1897.
352 « Folie d’un artiste », Le Montrougien, 13 octobre 1895.
353 Rennesson, « Chronique judiciaire Affaire Baffier », L’Observatoire, 10-16 avril 1887. Il s’agit de la tentative d’assassinat du député Casse par Baffier en décembre 1886. Tentative que l’auteur met au compte « d’une excessive sensibilité » des artistes.
354 Henry Dufurt, « Le sans-souci de Plaisance », L’avenir du XIVe, 3 décembre 1893.
355 Il faudrait faire une place particulière aux architectes dans un quartier en pleine construction. Par exemple, Jules Pois, architecte, 46 rue de la Sablière, a lancé une pétition pour un tramway, M. Saguet, « Pétition et pétitionnaire », Le Montrougien, 28 juillet 1889.
356 Le Montrougien, 17 février 1895.
357 Léo Eyramiel, « Les veillées artistiques de Plaisance », mars 1898. 300 artistes se sont retrouvés le 11 février avec Soulange-Bodin.
358 J. Leltram, « Anniversaire du 18 mars 1871 », Le Cri social, 22 mars 1896.
359 Cf. L’Écho de Plaisance, mars 1897, où Soulange-Bodin évoque le « style moderne » de la future église.
360 « Un poète à Broussais », 9 juillet 1893.
361 Pour le séjour de Verlaine à Broussais, voir Pierre Vallery-Radot, Verlaine à Broussais, op. cit., 1956.
362 Verlaine, Bonheur.
363 Pour reprendre l’expression de Troyat dans son Verlaine.
364 Comme il s’auto-désigne dans une lettre-poésie de 1889, cf. Dédicaces. Citée par Troyat, op. cit.
365 Le lecteur intéressé lira avec plaisir quelques vers de Mallarmé sur Verlaine à Broussais, Vers de circonstances, 1898.
366 Nous avons déjà vu ses hymnes à la gloire des Élégants. Il produit aussi beaucoup de poésies mémorielles et nostalgiques.
367 Cf. Le Cri social, 15 décembre 1895. Le fils de Martelet dit aussi des récits dramatiques, ibid., 22 mars 1896.
368 « Chut, “Les gas du Berry” », Le Républicain du XIVe, 15 avril 1888.
369 Ibid.
370 Nous ignorons la durée de cette manifestation.
371 Le Cri social, « Écho du XIVe », 22 décembre 1895.
372 Sont annoncés Brière, Salgrain, Privas pour la première séance.
373 Le Réveil d’un passant, 18 août 1893.
374 Le Réveil d’un passant, février 1896.
375 In Memoriam, 1905.
376 Toutefois « la zone » intéresse parfois les Plaisanciens du fait de son charme semi rural, de ses jolies chaumines... Cf. Clovis Pierre, « Autour de Paris – La zone », Le Montrougien, 2 juin 1895. Et les zoniers tentent de faire intervenir Jacques contre la visée de l’armée de les expulser, ibid., juin 1895.
377 Extrait d’un article de La Lanterne, cité par Le Montrougien, 12 juillet 1891.
378 « Au grand dam de la police », L’Avenir du XIVe, 18 juin 1893.
379 Ce qui provoque de graves chutes, Le Montrougien, 8 décembre 1895 ; Le XIV, 17 août 1895.
380 Et on les vole... L’Avenir, 7 mai 1893.
381 Le Montrougien, 21 juillet 1889.
382 Cf. Clovis Pierre, « Plaisance II – Le passage Duclos », Le Montrougien, 21 avril 1895.
383 Le Montrougien, 17 février 1889.
384 Résultats partiels du recensement de 1896, A. Paris, VO6 2083.
385 L’Écho de Plaisance, août 1897.
386 L’Écho de Plaisance, février 1897.
387 L’Écho de Plaisance, octobre 1897.
388 Le Républicain du XIVe, 15 avril 1888.
389 « Les Italiens chez nous », Le Petit Parisien, 16 mars 1896.
390 Cf. infra ou la main courante du 29 avril 1896 sur une bagarre entre un modèle et un journalier italiens.
391 Le Montrougien, 3 mars, 24 mars et 31 mars 1895.
392 « Fonction publique », Le Montrougien, 19 avril 1896.
393 Le Montrougien, 17 février 1895 ; 15 mars 1896.
394 La Rédaction, Le XIVe, 10 novembre 1894. Les positions du journal sont réaffirmées avec vigueur en 1898 même devant le sentiment montant de l’innocence de Dreyfus.
395 Par exemple, Les Amis de la Caboche organisent leur soirée artistique au Moulin-de-la-Vierge, Le Montrougien, 19 novembre 1893 ; Le Choral des Amis de la rive gauche donne des cours gratuits de solfège en 1892 à l’école rue de l’Ouest, Revue du Passant, 20 septembre 1892 ; Les Parnassiens, société lyrique, donne un concert aux Folies Joyeuses de Plaisance, 73 rue Mouton-Duvernet, Le Montrougien, 6 février 1887.
396 Revue du passant, 25 février 1895.
397 Elle participe à l’organisation du bal de l’arrondissement, Le Montrougien, 26 novembre 1893, elle donne un concert avenue du Maine à l’occasion de la fête du Lion de Belfort, ibid., 23 septembre 1894, etc.
398 À la réunion des Carabiniers de Plaisance, Le Montrougien, 21 octobre 1886 ; au bal de la mairie du XIVe, ibid., 26 novembre 1893, etc. Cf. aussi La Revue du passant, « Les sociétés et associations du XIVe », janvier 1892.
399 Le Montrougien, 9 décembre 1894.
400 « La musique dans le XIVe », Le Montrougien, 22 août 1886.
401 Paul Aubisse, « Le banquet du Choral de Plaisance », Le Montrougien, 15 novembre 1891.
402 Selon Le Républicain du XIVe, 18 février 1888.
403 Cf. L’Observatoire, 10 avril 1887.
404 Revue du passant, 7 mars 1894.
405 Cf. Le Montrougien, 25 décembre 1890. Cf. aussi Bulletin de Prév..., juin 1891.
406 Cf. L’Avenir du XIVe, mai 1893, Le Montrougien, 17 mai 1891, 12 mars 1893, 5 août 1894, La Revue du passant, janvier 1892.
407 Le Montrougien, 17 mai 1891.
408 Nous avons peu d’informations sur la Compagnie du Centre du Maine, fondée au xixe siècle.
409 Le Phare du XIVe, 23 septembre 1888.
410 Cf. Le Montrougien, 1er avril 1894.
411 Cf. Le Montrougien, 13 novembre 1892, 26 novembre 1893.
412 Le Montrougien, 23 septembre 1888.
413 Cf. L’Observatoire, 17 et 24 avril 1887.
414 Son président, en 1888, Félix Frantz, habite au 145 rue de Vanves, les autres membres du bureau habitent rue Vandal ou rue de Vanves entre les numéros 186 et 225, cf. Le Phare, 28 octobre 1888.
415 Cf. Le XIVe, 17 avril 1897 ; cf. aussi Le Cri social, avril 1896 et L’Écho de Plaisance, mars 1898.
416 Le Montrougien, 23 septembre 1894.
417 Le Républicain, 18 février 1888.
418 Le Républicain, 4 février 1888.
419 Le Montrougien, 17 octobre 1895.
420 Le Montrougien, 5 octobre 1890 et 1er mars 1891.
421 Revue du Passant, janvier 1892, Le Montrougien, 12 juillet 1891, Bulletin prév., juin 1891.
422 Le Montrougien, 11 août 1889.
423 Revue du Passant, 30 septembre 1895.
424 Dont le secrétaire général est Théodore Delobel, Revue du passant, février 1892.
425 Revue du passant, 11 janvier 1892.
426 Rennesson, « Cher M. Dauthe », L’Observatoire, 3 avril 1887.
427 Le quart de l’itinéraire de la retraite aux flambeaux passe à Plaisance, Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe arrondissement, 21 octobre 1893.
428 « La fête du Lion de Belfort », Le Montrougien, 9 septembre 1894.
429 Lettre de Klée, Le Montrougien, 16 septembre 1894.
430 CL le dessin intitulé « La mi Carême – La fête des blanchisseuses dans un lavoir de Plaisance », Le Monde illustré, 21 mars 1874.
431 Le couplet est cité par Valensol dans un article du Petit Parisien, « Les complaintes du Bœuf Gras », 15 lévrier 1896.
432 V., « Notes d’un flâneur », Le Montrougien, 21 novembre 1886.
433 Le Montrougien, 18 septembre 1892.
434 Le Montrougien, 2 octobre 1892.
435 Rue des Plantes, en face de chez Chapron, cf. Le Montrougien, 12 juillet 1891.
436 Le Montrougien, 10 juillet 1892.
437 Le Montrougien, 19 juillet 1891.
438 Le Républicain du XIVe, 26 mai 1888.
439 Au 61 rue de Vanves, le 20 octobre 1888, Le Phare du XIVe, 14 octobre 1888.
440 Le 23 mai 1896, Le Cri social, 17 mai 1896.
441 Grande fête de famille et grand bal de nuit du Cercle d’études sociales de Plaisance et du Cercle socialiste révolutionnaire de Plaisance le samedi 22 décembre 1888, Le Montrougien, 23 décembre 1888.
442 Comme le banquet du Choral de Plaisance, Le Montrougien, 30 novembre 1890.
443 À l’angle de la rue des Plantes et de la rue du Moulin-Vert, Le Montrougien, 21 novembre 1886 ; au Moulin de la Vierge.
444 Rue des Plantes, pour le 14 juillet 1891, Le Montrougien, 12 juillet 1891.
445 À l’occasion de la fête franco-russe, Le Montrougien, 4 novembre 1893 (devant chez Chapron).
446 À l’occasion de la fête du Lion de Belfort, rue Didot place de la Sablière, Le Montrougien, 23 septembre 1894.
447 Ils sont, eux, place Guilleminot, ibid.
448 Le programme de la fête foraine du boulevard Brune et de la porte de Vanves du 20 mai au 3 juin 1894 dans Le Montrougien, 13 mai 1894. Celui de la fête foraine de Plaisance, 156 rue de Vanves de mai-juin 1888 dans Le Républicain du XIVe, 26 mai 1888.
449 Il y en a 153 lors de la fête du Lion de Belfort, Le Montrougien, 18 septembre 1892.
450 L’Écho de Plaisance, mars 1898. Une fête des fleurs est aussi annoncée par L’Écho en juillet 1897.
451 Le XIVe doit démentir leur évasion à l’occasion de la fête du boulevard Brune de 1895, 8 juin 1895.
452 Illuminations de la tête foraine de Plaisance de mai-juin 1888.
453 Le Montrougien, 2 octobre 1892.
454 Fête franco-russe d’octobre 1893, Bulletin cité, 21 octobre 1893 ; fête foraine de Plaisance de mai juin 1888 ; fête de Plaisance du 14 juillet 1888, Le Républicain du XIVe, 15 juillet 1888.
455 Le Cri social, 19 avril 1896.
456 À l’occasion de la fête du Lion de Belfort 1894, Le Montrougien, 23 septembre 1894.
457 Ibid.
458 Lors de la fête de Plaisance du 14 juillet 1892, Le Montrougien, 10 juillet 1892.
459 Lors de la fête foraine de Plaisance de mai-juin 1888, Le Républicain du XIVe, 3 juin 1888.
460 Le XIVe, 13 avril 1895.
461 « Une guinguette avec terrasse et tonnelles » au Moulin-Vert, Le Montrougien, 21 novembre 1886 ; ou les grands jardins et bosquets du Moulin-de-la Vierge.
462 J. Bergeron, Les œuvres de Notre Dame du Rosaire..., op. cit., 1897.
463 Trois des animateurs des comités des fêtes sont des bistrotiers. Le quatrième, Franssens, est, semble-t-il, un riche notable.
464 Le Républicain du XIVe, « Le 14 juillet dans le XIVe arrondissement ». Deux de ces « bistros » sont installés rue des Plantes, Chapron et Klée, une rue stratégique pour les fêtes car à la lisière de Plaisance et du Petit Montrouge.
465 Bulletin du Comité de défense..., 9 septembre 1893.
466 Le XIVe, 3 août 1895.
467 Le XIVe, 28 juillet 1894, citant Le Petit Journal.
468 Selon l’expression de Bergeron, op. cit.
469 R. Huguet, « La paroisse Notre-Dame du Rosaire », RH XIV, 1991. Toutefois, l’abbé fut conscient de la nécessité d’amener ses gamins jouer « sur les fortifications et dans les terrains vagues », Soulange-Bodin, À nos bienfaiteurs et amis..., op. cit., 1893.
470 Face au 39 rue de Plaisance, mains courantes, 2 mai 1896.
471 Face au 72 avenue du Maine, mains courantes, 1er juillet 1896.
472 Mains courantes, 7 août 1896.
473 Chez le marchand de vins 64 rue du Château, mains courantes, 31 août 1896.
474 Face le 21 rue de Vanves, mains courantes, 30 novembre 1896.
475 Face le 124 rue de Vanves, mains courantes, 7 décembre 1896.
476 Selon l’expression du XIVe arrondissement, pourtant très catholique et conservateur, 17 avril 1897.
477 C’est encore Soulange-Bodin qui dénonce le plus vivement les « beuglants » que l’on « laisse se rouvrir, à deux pas de là, rue Vercingétorix », L’Écho de Plaisance, 9 octobre 1897. Cette attitude ne vaut pas au parti catholique un soutien des patrons de cafés et des bistrotiers, qui sont volontiers républicains et radicaux...
478 « Pages retrouvées – Une guinguette », Croquis parisiens, 1886.
479 Cf. le dessin « La mi Carême 4 – La fête des blanchisseuses dans un lavoir de Plaisance », Le Monde illustré, 21 mars 1874.
480 Le XIVe, 29 août 1896.
481 Le Montrougien, 17 juin 1894.
482 L. P., mains courantes, 5 février 1896.
483 Verlaine, « Notes nouvelles », Mes Hôpitaux, op. cit.
484 Paris moderne suite de Paris à travers les siècles – Paris moderne de 1882 à 1890, par H. Gourdon de Genouillac, année 1884.
485 Ibid.
486 Selon Pierre Caselle, Paris républicain, op. cit., 1992.
487 L. Deroge, « Le XIVe arrondissement, ses origines, sa formation », 17 octobre 1891.
488 488 Le XIVe, 1er février 1896.
489 489 Le XIVe, 28 décembre 1895.
490 490 Le XIVe, 21 mars 1896.
491 491 Cité dans « Paul Verlaine à Broussais (1895) et son monument au jardin du Luxembourg (1911) », RH XIVe, 1980-1981.
492 492 Hôpital Saint-Joseph de Paris, Lyon, 1948.
493 Paris moderne, op. cit., année 1887. Cf. aussi l’entrée « Saint-Joseph » dans Jean Colson et Marie-Christine Lauroa (éd.), Dictionnaire des monuments de Paris, Paris, 1992.
494 Un dessin au musée Carnavalet montre cette inauguration.
495 Le XIVe, L. Deroge, art. cité, 17 octobre 1895.
496 Le nouvel hôpital fut béni par Mgr Richard, le 21 février 1889, Paris moderne, op. cit., 1889. Les constructions ne cesseront pas ensuite. En 1923, Bon-Secours a deux pavillons pour les 120 vieillards et neuf pavillons (plus de 300 lits) pour les malades, Arch. Paris, D6X40, Rapport sur Notre-Dame de Bon-Secours, 1925.
497 Virgile Gérard, « Réflexions diverses », Le Montrougien, 3 juin 1894. Ceci ne l’empêche pas de trouver invraisemblables ces dames, sœurs... à genoux devant l’archevêque pour baiser sa main.
498 Ainsi la plaque sur l’abbé Carton au 66 rue des Plantes, cf. R. L. Cottard, « Les plaques... », RH XIV, 1985-1986, et la rue du même nom (ex-rue Julie) depuis 1954.
499 Selon L. Deroge, « Le XIVe... », art. cité, 17 octobre 1895.
500 Cf. « Les enfants soignés au dispensaire Furtado-Heine de la rue d’Alésia », La Petite Presse, 28 septembre 1885.
501 Pontarmé, « Les ateliers d’aveugle », Le Petit Parisien, 7 février 1896.
502 « Au dispensaire Furtado-Heine », Le Montrougien, 19 août 1894.
503 Le Montrougien, 11 novembre 1888.
504 Le Montrougien, 5 mars 1894.
505 Tout un fonds de dessins existe au cabinet des estampes de la BnF.
506 Selon Le Cri social, P. N., « À la maison Tisserand », 29 décembre 1895.
507 Ibid. et P. N., « À la maison Tisserand », Le Cri social, 12 janvier 1896.
508 L. Deroge, art. cité, 1895.
509 Le XIV, 17 octobre 1895.
510 L’œuvre aida ainsi nombre d’enfants de communards, cf. Marcel Cerf, La Commune dans le XIVe arrondissement, op. cit.
511 Cf. Archives de Paris, DX6 11, dossier de subvention de 1923.
512 Pour tout ceci, les comptes rendus annuels de l’association sont disponibles au département Arts du spectacle de la BnF.
513 Le XIVe, 21 décembre 1878. Il s’agit de la première mouture du journal qui ne produisit que six numéros en 1878 et dont l’orientation, nettement républicaine et laïque, est à l’opposé de celle du XIVe des années 1890.
514 Lettre du maire du XIVe au préfet de la Seine du 28 novembre 1888, DX6 1.
515 Bulletin des crèches, « Inauguration de la nouvelle crèche de Plaisance », juillet 1892.
516 Jeannon, président du comité des membres fondateurs ; sa femme anime les Dames patronnesses. Le Montrougien, 7 février 1892.
517 Procès-verbal de l’Assemblée générale du 6 juin 1892 de la crèche laïque du quartier de Plaisance, Archives de Paris DX6 1.
518 Revue du passant, 10 mai 1893.
519 C’est là l’origine de la « déconfiture » de la crèche laïque pour Le XIVe (22 septembre 1894). Mais le journal est de parti pris.
520 Le Montrougien, 7 janvier 1894.
521 Arthur de Loisne, « La crèche de Plaisance », Le Montrougien, 14 janvier 1894.
522 Le Montrougien, 15 avril 1894.
523 Dossier crèche de Plaisance, Archives de Paris, DX6 1 ; Le Montrougien, 2 septembre 1894 et 17 mars 1895.
524 J. Mersch, « Les crèches municipales », Le XIVe, 16 mars 1895.
525 « La crèche laïque de Plaisance », Le XIVe, 28 juillet 1894.
526 CA du 26 octobre 1896.
527 Victor Lecerf, « La crèche de Plaisance », 13 février 1897.
528 Il habite juste à la limite, 47 bis rue du Moulin-Vert. Arch. Paris, VD6 2100.
529 Signalons, Philibert Biollet et Louise Viollet, « Roger Soulange-Bodin et Jean Viollet à Plaisance de 1884 à 1910 », RH XIV, 1972. Le lecteur désireux d’approfondir le sujet pourra consulter les maîtrises dirigées par J. M. Mayeur au Centre d’histoire des religions de l’université Paris IV.
530 « Un peu d’histoire », Notre paroisse, brochure éditée par la paroisse Notre-Dame-du-Rosaire, s.d. (dans les années 1930).
531 « Un peu d’histoire », Notre paroisse, brochure citée.
532 R. Huguet, « La paroisse Notre-Dame du Rosaire », RH XIV, 1991.
533 Liste des congrégations citée, VD62100.
534 Il insiste beaucoup sur ces aspects dans son À nos bienfaiteurs..., op. cit., 1893.
535 Selon Philibert Biollet et Louise Viollet, « Roger Soulange-Bodin et Jean Viollet à Plaisance de 1884 à 1910 », art. cité.
536 J. Bergeron, Les œuvres de Notre Dame du Rosaire, op. cit.
537 C’est la seule œuvre qui prête à discussion car la coopérative de consommation pourrait menacer le petit commerce ; mais, selon l’abbé Boyreau, successeur de Soulange-Bodin au Rosaire, la vraie menace contre le petit commerce est le monopole, cf. « La coopérative de consommation », Le Courrier de Notre-Dame du Rosaire, mars 1897.
538 J. Bergeron, op. cit.
539 « A l’école Sainte-Élisabeth – 12 rue Crocé-Spinelli », Écho de Plaisance, mars 1897.
540 D’où l’origine du nom de l’école et collège actuels...
541 Art. cité.
542 Cf. Liste des congrégations au 1er octobre 1900, Arch. Paris, VD6 2100.
543 L’Écho de Plaisance, avril 1897. Nous excluons de cette liste les œuvres les plus récentes que Soulange-Bodin crée en 1896-1897.
544 En novembre, cf. Notre-Dame du Travail de Plaisance, brochure d’A. Maillard de La Morandais, curé de Plaisance, en 1985.
545 Le conseil de fabrique compte neuf membres qui se renouvellent grossièrement par moitié tous les cinq ans. Le président du conseil de fabrique en 1878 et 1886 est M. Gsell, retraité, et en 1891, M. Petit, propriétaire. Arch. Paris, VD6 2100.
546 « Cléricaux et anarchistes au Moulin-de-la-Vierge », Le Montrougien, 5 juin 1892.
547 « Congrès ouvrier de Plaisance », Le XIVe, 8 février 1896.
548 Il annonce les réunions du Cercle catholique d’études sociales, 179 rue de Vanves, tous les lundis, comme la conférence de l’abbé Naudet, Le XIVe, 28 décembre 1895, la création du syndicat du bâtiment catholique au 179 rue de Vanves, ibid., 11 janvier 1896...
549 Selon R. Huguet, art. cité.
550 Le XIVe, 28 novembre 1896.
551 Henri Heinemann, « La paroisse protestante de Plaisance », RH XIV, 1991.
552 Il faudrait pouvoir faire la part des circonstances dans les rituels gaulois institués dans le quartier à certaines occasions : défilé du char de Vercingétorix, fanfare des enfants de Gergovie, sans compter les initiatives celtisantes de Baffier ou Clovis Pierre rappelant les « gauloiseries » de Béranger dans ses petites poésies.
553 Cf. Pierre Casselle, Paris républicain, op. cit.
554 Le Républicain du XIVe, 15 juillet 1888.
555 Le Montrougien, 10 juillet 1892. Cf. aussi Léon Marius, ibid., 19 juillet 1891.
556 Le Montrougien, 16 juillet 1893.
557 Léon Marius, « Nouvelles persécutions », Le Montrougien, 10 août 1890.
558 Virgile Girard, Le Montrougien, 3 juin 1894.
559 Le Montrougien, 17 septembre 1893. Autres écrits anticléricaux, les 5 août 1888, 15 mai 1892, 17 septembre 1893.
560 L’Écho de Plaisance, août 1897.
561 L’Écho de Plaisance, octobre 1897.
562 L’Écho de Plaisance, juin 1897.
563 Selon un rapport sur les congrégations de 1900, Archives de la Seine, VD 2100.
564 Pour tout ceci, Ph. Biollet et Louise Viollet, « Roger Soulange-Bodin et Jean Viollet à Plaisance de 1884 à 1910 », RH XIV, 1972.
565 Ibid.
566 Chevy, 207 rue de Vanves, Froger, 46 avenue du Maine, Maltet, 96 avenue du Maine et Lebey, Le Montrougien, 7 août 1892.
567 Cf. Le XIVe, 28 décembre 1878.
568 Par exemple, un banquet républicain, cf. L’Avenir du XIVe, 23 avril 1893.
569 Pour les effectifs des réunions, les cartons de la préfecture de police fournissent de nombreux renseignements.
570 Toutefois Germain Casse appartient plus à Montparnasse qu’à Plaisance et nous n’étudierons pas ici longuement son histoire.
571 Et en 1902, Girou perd son siège de député de Plaisance-Montparnasse. Il quitte définitivement le XIVe arrondissement.
572 Rapport du 19 octobre 1874, APP, BA 534.
573 Réunion du 14 décembre 1880, APP, BA 546.
574 Cf. Le Citoyen, 1er janvier 1891.
575 Réunion du Comité socialiste révolutionnaire du XIVe, le 3 janvier 1881, APP, BA 546.
576 Une de ses réunions, le 29 mai 1884, réunit 8 personnes ! Des cordonniers, serruriers et employés de commerce, APP, BA 556.
577 Réunion du 3 mai 1884, APP, BA 556.
578 Réunion du 22 avril 1887 du Cercle d’études sociales de Plaisance, APP, BA 564.
579 Réunion du 27 avril 1887, APP, BA 564. Il est vrai que Chapoulie n’a pas bonne réputation.
580 APP, BA 546, Hollinger ; même affirmation de Wagner, réunion du 10 décembre 1880, APP, BA 546.
581 Defricourt, réunion du 22 avril 1884, APP, BA 556.
582 Blanck, même réunion.
583 Chapoulie, réunion du 27 avril 1887, APP, BA 564.
584 Réunion du 3 mai 1884, APP, BA 556.
585 Ca(n)nivet, réunion citée du 10 décembre 1880. Il reprend la même accusation à la réunion du 31 décembre 1880, APP, BA 546.
586 A. Puymartin, Le Cri social, 15 décembre 1895.
587 Réunion du Cercle du 22 juin 1886, APP, BA 564.
588 Selon Rama, un ancien communard devenu journaliste au Montrougien, la majorité des socialistes révolutionnaires se seraient méfiés de Boulanger dès une réunion de 1887, Le Montrougien, 13 novembre 1887.
589 Réunion de constitution du Comité républicain révisionniste du XIVe du 28 novembre 1888, APP, BA 1467. À une réunion du Comité révisionniste du 10 mars 1889, les socialistes (Chevy...) reviennent s’opposer à Boulanger, APP, BA 1518.
590 Réunion du Parti ouvrier, 12 avril 1890, APP, BA 667.
591 Réunion des mêmes, 19 avril 1890, APP, BA 667.
592 Réunion pour Jeannon du 2 mai 1890, APP, BA 667.
593 Selon le rapport du 26 novembre 1889, APP, BA 667.
594 Affiche du POSR, s.d., entre les deux tours du scrutin de 1893, APP, BA 674.
595 Affiches POSR Quartier de Plaisance 23 avril 1893, APP, BA 674.
596 Girou se réclamant du socialisme révolutionnaire indépendant au conseil municipal, les élus socialistes soutiennent même sa candidature comme vice-président du conseil en mars 1895, Le Montrougien, 3 mars 1895.
597 Le Lynx, « Ça se décolle », Le Cri social, 29 décembre 1895. Cf. aussi A. Barrat, « Notre édile », Le Cri social, 5 avril 1896 (Girou est « élastique ») et « À Plaisance », Le Cri social, 3 mai 1896 (Girou est un « caméléon » ), etc.
598 Le Lynx, art. cité ; Pierre Gratt’amor, art. cité.
599 A. Barrat, « Ancien sapeur », Le Cri social, 22 décembre 1895.
600 Affiche Hamelin du 3 mai 1896, APP, 684.
601 Affiche Hamelin, s.d., à l’issue du premier tour, APP, BA 684.
602 Ibid.
603 Démolir le pont aux Bœufs, prolonger les rues Villemain, Blottière, aligner la rue du Moulin-de-la-Vierge, adduction d’eaux, réfection des trottoirs... Réunion du 26 avril 1890, APP, BA 667.
604 En 1896, Hamelin écrit dans Le Cri social du 26 avril 1896 un article « Améliorations locales » qui est indigent.
605 Descamps, réunion du POSR, 21 avril 1884, APP, BA 556.
606 J. Telstram, « Passage à niveau », Le Cri social, 22 décembre 1895.
607 « Améliorations locales », art. cité.
608 Xavier Guillemin, « Chronique », Le Cri social, 14 juin 1896.
609 Sans doute aurait-il aussi fallu évoquer la répression ; les arrestations de colleurs d’affiche par exemple, comme Haies, Le Mot d’ordre, 23 décembre 1880 ; ou Ernest Legrand, 18 ans, graveur sur métaux, arrêté à l’angle de la rue du Château et de la rue Didot à minuit trente le 20 décembre 1880, rapport PM XIVe arrondissement, APP, BA 546.
610 Cf. Le Montrougien, 14 novembre 1886 (et l’inévitable allusion à « la vierge révolutionnaire »), 11 décembre 1888.
611 Cf. Le Quatorzième, 12-18 juillet 1892.
612 À l’occasion des grèves de Carmaux, Le Montrougien, 20 octobre 1895.
613 Cf. la dénonciation de la présence d’un local socialiste révolutionnaire, rue de Gergovie, Le XIVe, 29 février 1896.
614 Le Cri social, 15 décembre 1895. Le Cri social signale aussi les cours gratuits et le bureau de placement des mécaniciens.
615 Cf. réunion publique de la fédération socialiste révolutionnaire – XIVe arrondissement, le 3 janvier 1884, APP, BA 556 ; et les signataires du programme de Perrin, affiche d’avril 1884, APP, BA 556.
616 Lucien Lucas, fils d’un coopérateur, « Une coopérative ouvrière – L’Avenir de Plaisance (1873-1920) », RH XIV, 1983.
617 Qui est obligée de tenir ses matinées rue de la Gaîté en 1895, Le Cri social, 15 décembre 1895.
618 Le Montrougien, 14 avril 1895.
619 Le XIVe, 20 mars 1897.
620 Le Montrougien, 5 juillet 1892.
621 Le Montrougien, 20 novembre 1892.
622 Sont arrêtés Casimir, dit Ivanovsky, 16 rue Vandal, X, 20 rue du Château ; Marie LL, 8 passage de Vanves, O.P., 35 rue Vercingétorix, cf. Le XIVe, 10 mars et 17 mars 1894.
623 « Les anarchistes dans le XIVe », Le XIVe, 24 mars 1894.
624 Cf. La Revue d’un passant, 25 août 1895.
625 Duplessis, « Le cléricalisme écrasé à Plaisance », Le Montrougien, 15 mai 1892.
626 Sauf mention contraire, cette petite biographie vient de La Semaine du XIVe, 24 juin 1900.
627 Bougenot, 36 rue de Vanves, Chevallier, 75 avenue du Maine, Gonvin, 92 rue de l’Ouest, APP, BA 534.
628 Geoffroy, 20 passage Bournisien, ibid.
629 Il s’agit de Jean, Louis Combes (Louis prénom d’usage), homme de lettres, qui habitait rue du Moulin-de-Beurre.
630 Toutefois Bournisien le critique de n’avoir pas fait percer la rue de Constantine et il « ne ferait plus vivre l’ouvrier », réunion du 23 novembre 1874, APP, BA 534.
631 5 novembre 1874, APP, BA 534.
632 Selon le rapport policier du 24 novembre 1874, APP, BA 534.
633 Selon le rapport policier du jour, APP, BA 546.
634 Réunion du 22 avril 1884, APP, BA 556.
635 Le Montrougien, 24 avril 1887. Cf. aussi E. Robichon, « La politique dans le XIVe », Le Montrougien, 25 juillet 1886 : « M. Jacques, représentant du quartier de Plaisance, est l’homme qui personnifie pour ainsi dire les tendances politiques, municipales et économiques de la fraction laborieuse de cet arrondissement. »
636 E. Robichon, « La politique dans le XIVe », Le Montrougien, 25 juillet 1886.
637 E. Robichon, « La politique dans le XIVe », Le Montrougien, 29 août 1886.
638 Armand Chantelay, « M. Jacques », Le Montrougien, 5 juin 1887.
639 E. Robichon, art. cité du 29 août 1886.
640 F. M., dans « La situation électorale », L’Avenir du XIVe, 4 juin 1893, pense que les électeurs du Parti ouvrier préféreront Susini (le candidat boulangiste) à Jacques, « candidat essentiellement bourgeois ». Delaurier le traite de « républicain aristocrate », cf. « Un singulier économiste, républicain, socialiste et libre-penseur », La Tribune du XIVe, 4 février 1894.
641 F. M. pense que Jacques a bénéficié, peut-être à son insu, de « l’argent de Panama », L’Avenir du XIVe, 30 avril 1893.
642 Henri Place, « Le crime », Le Montrougien, 15 décembre 1889, dénonce le cumul député/conseiller municipal par Jacques.
643 Delaurier, « Examen de la conduite politique de M. Jacques, député », Le Montrougien, 27 septembre 1891. Son action laïque insuffisante aurait favorisé l’école des sœurs de la rue Liancourt. Comme les socialistes, Delaurier reproche à ce « faux libre-penseur » d’avoir marié sa fille à l’église, « Un singulier économiste, républicain, socialiste et libre-penseur », La Tribune du XIVe, 4 février 1894.
644 Wargnier, L’Avenir du XIVe, s’en prend au « bon F.. Jacques ». Cf. aussi Bastien de J., « Les radicadettistes de Plaisance », ironisant sur les radicaux socialistes « tous les F.. », Le Montrougien, 11 septembre 1892.
645 Camulogène, « Comment Frère Jacques tient ses promesses », Le Quatorzième, 17-23 janvier 1889.
646 Delaurier, art. cité du 27 septembre 1891.
647 Appel à voter Boulanger lors de l’élection partielle de janvier 1889, paru dans Le Quatorzième, 17-23 janvier 1889.
648 Delaurier le traite de « mou », ibid., de « républicain molasse », « Un singulier économiste, républicain, socialiste et libre-penseur », La Tribune du XIVe, 4 février 1894.
649 Selon le Bulletin du Comité de défense des intérêts du XIVe du 12 août 1893.
650 Comme en 1874, où il réclame la fin de l’état de siège, l’amnistie générale et le retour de l’Assemblée à Paris, APP, BA 534.
651 Réunion électorale du 31 décembre 1880, APP, BA 546.
652 Le Républicain du XIVe, 12 mai 1888.
653 Le XIVe, 2 novembre 1878.
654 Jeannon obtient le soutien des radicaux au premier tour en 1890 et 1893.
655 Le Montrougien, 19 février 1893.
656 II s’en revendique à l’occasion de la campagne législative de 1889 : « J’appartiens au 14e arrondissement que je n’ai jamais quitté depuis ma naissance », Lettre de Périlhou au Montrougien, 18 août 1889.
657 Selon le docteur Macqret, le médecin de la crèche qui le soutient, dans « Plaisance », Le Montrougien, 9 avril 1893.
658 Affiche pour le deuxième tour signée du Comité Périlhou, APP, BA 674.
659 Communiqué de Jeannon, Revue du Passant, 10 mai 1893. Il se console en pensant que « l’honneur est sauf »...
660 Cf. Le XIVe, 25 avril 1896. Mais le journal conservateur reproche aussi à Périlhou de soutenir l’école coopérative de boulangerie que critiqueraient les boulangers de Plaisance.
661 La Revue d’un passant, 18 août 1893. Le secrétaire du comité est L. Roblin, employé, le président est Augereau, commerçant.
662 Comme ce sentiment ne disparaît pas d’un coup après 1897, nous ne nous interdisons pas ici quelques références à 1898 et 1899.
663 Jules Bard, « Le marché de Plaisance », Le Montrougien, 9 juin 1895.
664 M. Saguet, Le Montrougien, 23 juin 1889. Dès 1878, Le Syndicat du XIVe arrondissement avait évoqué « nos quartiers si négligés », Le XIVe, 30 novembre 1878.
665 Le Montrougien, 14 février 1892.
666 L. W., « Pour Plaisance », Le XIVe, 22 mai 1897.
667 V. Lecerf, « Pour Plaisance », Le XIVe, 4 novembre 1899.
668 Le Quatorzième, 20/26 octobre 1898.
669 Le XIVe, 25 juillet 1896.
670 Périlhou, « Revendications », Plaisance-Montparnasse, 31 janvier 1899. Aussi sur Plaisance déshérité, lettre de Kayl, Le Montrougien, 8 février 1891 ; Bourceret, « L’avenir et le passé de Plaisance », Le XIVe, 30 janvier 1897, Le XIVe, 15 décembre 1894.
671 Le Comité républicain socialiste de Plaisance évoque un « véritable déni de justice » pour le quartier, L’Avenir du XIVe, 2 avril 1893.
672 C. A. Bourceret, art. cité, Le XIVe, 30 janvier 1897.
673 M. Saguet, « Les passages à niveau », Le Montrougien, 29 juillet 1888, Le Montrougien, 9 juin 1889.
674 Le Montrougien, 9 juin 1989 ; Caboche, « Avenir des XIVe et XVe arrondissements », Le Montrougien, 4 février 1894 ; Paul Lecerf, « Passages à niveau et ponts », Le XIVe, 14 avril 1894 ; « Les passages à niveau interceptent toujours les communications », Comité républicain socialiste de Plaisance, L’Avenir du XIVe, 2 avril 1893, etc.
675 Girou, Le Montrougien, 27 octobre 1895 ; « une voiture chargée de paille comme il en vient beaucoup a à peine la place nécessaire pour son passage », Delhomme au conseil municipal, L’Observatoire, 10 avril 1887.
676 Comité républicain socialiste de Plaisance, L Avenir, 2 avril 1893.
677 État des communes..., Malakoff, 1901.
678 C. A. Bourceret, art. cité, Le XIVe, 30 janvier 1897. Aussi sur le manque de place dans l’omnibus, Le Montrougien, 13 juillet 1890.
679 « Métropolitain, Omnibus et Tramways », Le Montrougien, 12 septembre 1886. Il ironise sur le nom « royal » de l’avenue du Maine.
680 « Pour Plaisance », Le XIVe, 4 novembre 1899.
681 Comité républicain socialiste de Plaisance, L’Avenir, 2 avril 1893. Selon Périlhou, la moitié des rues de Plaisance sont non classées, affiche du Comité Périlhou, avril 1893, APP, BA 674.
682 Ibid.
683 V. Lecerf, art. cité, Le XIVe, 4 novembre 1899.
684 V. Lecerf, art. cité, Le XIVe, 4 novembre 1899.
685 Lettre d’un « voyageur de la ceinture », Le XIVe, 9 février 1895.
686 Lucien de Yose, « La poste dans le XIVe », Le XIVe, 22 juin 1895, note l’absence de bureau au sud de la rue d’Alésia ; la pétition pour une nouvelle boîte à lettres, dans La Revue d’un passant, 13 août 1893.
687 Jules Bard note que Plaisance est le seul quartier du XIVe à n’avoir pas de marché, Le Montrougien, art. cité, 9 juin 1895.
688 E. W., « Des avertisseurs SVP », L’Avenir du XIVe, 31 mai 1893.
689 Cf. site Internet <www.pompiers2paris.com>.
690 F. B. de Bucé, « Les expectants », La Revue d’un passant, 20 octobre 1892. Il y aurait 495 expectants à Plaisance contre 276 au Petit-Montrouge, 178 à la Santé et seulement 47 à Montparnasse, qui paraît très privilégié.
691 Girou, La Tribune du XIVe, 13 mai 1894.
692 « Les quartiers les plus populeux, les plus pauvres sont les plus maltraités », de Bucé, La Revue d’un Passant, 20 octobre 1892.
693 Simon, réunion du Comité Girou, 22 mars 1890, APP, BA 1540 ; Girou, réunion des mêmes du 17 avril 1890, APP, ΒA 1540.
694 Affiche du Comité Périlhou, avril 1893, APP, BA 674.
695 Tract du Comité Jeannon, 25 mars 1893, APP, BA 674.
696 Affiche du Comité Périlhou, républicain socialiste municipal, avril 1893, APP, BA 674. À noter que Périlhou, qui soutient la majorité municipale de gauche, souligne en même temps que l’œuvre du conseil municipal de Paris est considérable.
697 Pannelier, Le Quatorzième, 28 novembre/4 décembre 1899.
698 Eugène Dupuis, « Le XIVe en trois tronçons », Le XIVe, 17 avril 1897.
699 Soulange-Bodin, « Attention ! », L’Écho de Plaisance, octobre 1898.
700 Comité républicain socialiste de Plaisance, L’Avenir du XIVe, 2 avril 1893.
701 Comité Boulard, Le Montrougien, 16 avril 1893. Boulard dénonce le conseil municipal défavorisant « les quartiers excentriques ».
702 Syndicat des intérêts généraux du quartier de Plaisance, La Revue d’un Passant, février 1892.
703 Delaurier, « Habitants de Paris », L’Avenir du XIVe, 3 décembre 1893.
704 Le Républicain du XIVe, 3 juin 1888.
705 L’Écho de Plaisance, mars 1897.
706 Affiche du Comité Périlhou, avril 1893, APP, BA 674.
707 Tract de Jeannon, 25 mars 1893, APP, BA 674.
708 C. A. Bourceret, Le XIVe, art. cité, 30 janvier 1897.
709 Affiche du Comité Girou, pour le deuxième tour des élections municipales de 1893, APP, BA 674.
710 Selon l’ordre du jour du Comité révisionniste du XIVe du 11 janvier 1889, « c’est du XIVe arrondissement que partit la première protestation contre le renversement du général du ministère de la guerre, précisément le quartier du citoyen Jacques », Le Quatorzième, 17 janvier 1889.
711 Au Comité révisionniste du XIVe du 17 décembre 1892, Girou est vivement attaqué pour ses trahisons..., APP, BA 1518.
712 APP, BA 1518.
713 Réunion du 23 avril 1890, où il déclare qu’il veut la même chose que Clemenceau, ce qui lui vaut de vifs applaudissements.
714 Réunion du 23 avril 1890, AFP, BA 1450.
715 Qui emploierait trop d’inutiles alors que des ouvriers sont sans secours, et que les poitrinaires n’auraient pas assez de salles.
716 Le 22 mars 1890, APP, BA 1540.
717 Il insiste sur sa sincérité, son honnêteté, affiche électorale des législatives de 1889, APP, BA 1518.
718 « Bourgeois exploiteur », réunion du 27 septembre 1889, APP, BA 1518. Voir aussi la campagne contre le distillateur Jacques, « candidat de l’assommoir et de l’alcoolisme », dans Le Quatorzième, 17 janvier 1889.
719 Réunion du 22 mars 1890. Dès la campagne de 1889, il avait tourné Jacques sur sa gauche en se présentant comme un « socialiste sincère et dévoué » et en concluant son affiche par « Place aux travailleurs ! Place à la République sociale ! », APP, BA 1518.
720 Il se prononce pour l’impôt sur le revenu, Comité républicain socialiste indépendant de Plaisance du 3 mai 1896, APP, BA 684.
721 Affiche du Comité républicain socialiste indépendant de Plaisance, 1893, APP, BA 674.
722 À une réunion de son Comité du 31 juillet 1895, il plaide pour la grève comme ultime recours, APP, BA 1519.
723 Réunion du 22 mars 1890, APP, BA 1540.
724 Affiche du Comité Girou pour le deuxième tour de 1893, APP, BA 674, qui dénonce « la lutte étroite des partis politiques ».
725 Se revendiquant de n’être qu’un modeste employé d’Hachette depuis treize ans, Girou indique qu’il ne paie plus sa cotisation syndicale parce que le syndicat est trop politisé.
726 L’Avenir, 16 avril 1893, communiqué de Girou.
727 Toutefois, en décembre 1890, Girou demande aussi la laïcisation des hôpitaux et se proclame athée, APP, BA 1519.
728 Le 23 avril 1890, APP, BA 1450 ; aussi J. Mersch, « Inauguration du groupe scolaire de la rue Brodu », Le XIVe, 16 janvier 1897.
729 Le XIVe, le journal conservateur de l’arrondissement, dénonce ce « mauvais exemple » le 27 avril 1895.
730 Selon une note PP du 26 novembre 1889, il se prononce, à la différence d’autres révisionnistes, pour accepter le soutien blanquiste, APP, BA 1540.
731 Il fait un parallèle entre Boulanger et Ledru-Rollin le 22 février 1890, APP, BA 1519.
732 Réunion privée du Comité révisionniste du XIVe du 18 janvier 1890, APP, BA 1519.
733 À une réunion du Comité républicain socialiste révisionniste du XIVe du 10 avril 1890. Girou se déclare contre l’antisémitisme en soulignant qu’il n’y a pas que des Juifs parmi les banquiers (la salle crie « pas de juifs ! »), APP, BA 1518.
734 Cf. les affiches du Comité républicain libéral indépendant, APP, BA 674.
735 Cf. les affiches du Comité Farnié, APP, BA 684. Farnié est soutenu par le candidat de 1893, Frantz.
736 Le Montrougien, 3 juillet 1897 ; c’est la seconde découverte d’ossements humains dans le passage.
737 Le Montrougien, 23 octobre 1897.
738 Le Montrougien, 28 août 1892.
739 Le numéro du 6 septembre 1890 est cité dans le Dictionnaire Maitron.
740 Le Montrougien, 12 juin 1887.
741 Le Montrougien, 7 septembre 1890, et « Pour en garder la mémoire », Le Montrougien, 7 décembre 1890.
742 L’Écho de Plaisance, mars 1897.
743 Le Cri social, 22 mars 1896.
744 Le Cri social, 31 mai 1896. Voir aussi le compte rendu de la commémoration en mars 1889 dans Le Montrougien, 24 mars 1889.
745 PP du 31 décembre 1880, APP, BA 546.
746 Compte rendu de mandat de Jacques devant 1 000 personnes, le 22 avril 1884.
747 Réunion de Jeannon le 2 mai 1890. Martelet y défend la Commune comme vraie république, mais se méfie d’un César.
748 Réunion publique du Comité républicain révisionniste socialiste de Plaisance du 11 avril 1890.
749 Selon Le Montrougien, il flirte aussi un peu avec le boulangisme, 9 avril 1893.
750 Réunions des 25 janvier et 10 mars 1889. Rama s’éloigne ensuite assez vite du boulangisme.
751 Delaurier, « A M. Ferrand », Le Montrougien, 16 juin 1889.
752 « Suicide d’un ancien fédéré », Le Petit Parisien, 29 novembre 1896.
753 Le Montrougien, 8 février 1891.
754 Clovis Pierre, « Montparnasse », Le Montrougien, 7 avril 1895.
755 Clovis Pierre, « Plaisance », Le Montrougien, 14 avril 1895.
756 Clovis Pierre, « La zone », Le Montrougien, 2 juin 1895.
757 L. Deroye, Le XIVe, 4 juillet 1896.
758 17 octobre 1896.
759 7 novembre 1896 ; cf. aussi L’Écho de Plaisance, octobre 1897.
760 12 décembre 1896.
761 7 novembre 1896.
762 L’Écho de Plaisance, avril 1897.
763 Deroye, Le XIVe, 29 août 1896.
764 Léon Marius, « Nos architectes », Le Montrougien, 7 février 1892. Bedel est par ailleurs président de la section de Plaisance de l’Union française de la jeunesse.
765 Le XIVe, 9 février 1895, mais la rue reste une bouche d’égout...
766 L. Deroye, « Le XIVe arrondissement... », art. cité, Le XIVe, 17 octobre 1896 ; Félix, Le XIVe, 16 mars 1895, Louis Bournault, « L’hygiène dans les logements bon marché », Le XIVe, 26 février 1898.
767 Rue des Trois-Sœurs devenue rue Du-Cange.
768 Par exemple, le programme Girou de 1893 envisage la reconstruction des écoles de la rue Du-Cange et d’Alésia et la construction d’un nouveau groupe scolaire, L’Avenir du XIVe, 28 mai 1893.
769 Et aussi les écoles professionnelles absentes du XIVe arrondissement « assez sacrifié », Le Républicain du XIVe, 5 août 1888.
770 Cf. l’article déjà évoqué de De Bucé, Revue du passant, 2 octobre 1892. Aussi, Le Montrougien, 16 avril 1893.
771 Girou, Le Montrougien, 17 mai 1891.
772 Girou, Le Montrougien, 12 juin 1892.
773 L. Deroye, « Origines... », art. cité, Le XIVe, 7 octobre 1896, heureux toutefois de la peinture récente avec une couleur chaude.
774 Lettre au XIVe, 25 juillet 1896, avis partagé par la rédaction.
775 Ibid. et Boulard, candidat socialiste, dans Le Montrougien, 16 avril 1893.
776 C. A. Barceret, « L’avenir et le passé de Plaisance », Le XIVe, 30 janvier 1897.
777 Leur rayonnement arrivera jusqu’en Espagne. Leopoldo Palacios Morini, dans Los universidades populaires, Valencia, 1908, évoque « en una de los barrios de Paris », l’œuvre du Rosaire.
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