Chapitre 2. Vers la Commune
p. 37-72
Texte intégral
1Entre l’annexion en 1860 et la Commune, il n’y a que onze ans. Le projet modernisateur haussmannien ne put prendre à Plaisance qu’un visage négatif, celui de la création d’un territoire pauvre, ouvert à une multiplication de constructions médiocres et à l’arrivée d’une population prolétaire sans que l’identité parisienne ou plaisancienne se construise significativement. La Commune, très forte à Plaisance, traduit en grande partie dans notre quartier ce sentiment qui va longtemps perdurer d’une marginalité.
Plaisance : un nouveau territoire
Une identité incertaine
2La confusion demeure longtemps de l’identité des nouveaux annexés1. Appelé l’Observatoire, le XIVe arrondissement est très rarement désigné ainsi dans les années 1860. Ce qui s’impose, c’est le lieu de la mairie-bâtiment, c’est-à-dire la mairie – toute récente – de Montrouge. Le XIVe s’assimile alors volontiers au Petit-Montrouge, son quartier central, où se trouve la mairie de l’arrondissement. C’est très net, par exemple, en 1870-1871 où le journal républicain socialiste, La Résistance du XIVe arrondissement, pourtant essentiellement fabriqué à Plaisance, évoque constamment la mairie ou la municipalité « de Montrouge » pour parler des élus de novembre 1870 à la mairie du XIVe.
3Mais le « XIVe » devient le territoire dominant dans le langage de tous. Au bureau de bienfaisance de l’arrondissement, on évoque « notre arrondissement, un des plus pauvres de Paris où [...] les familles nécessiteuses, refoulées du centre vers la périphérie, viennent chercher un peu d’air et d’espace pour leurs nombreux enfants. Les logements sont un peu moins chers que dans l’ancien Paris2 ». Jusqu’à la fin de 1870, jamais Plaisance n’est évoqué comme quartier dans les réunions du bureau de bienfaisance. Jamais non plus, à l’autre bout de l’échiquier politique, Plaisance n’est évoqué par les républicains socialistes de La Résistance en 1870.
4Pour Plaisance, la situation identitaire est rendue complexe par le fait que le 56e quartier de Paris est la réunion de trois portions de communes : le relativement ancien écart de Plaisance de l’ancienne commune de Vaugirard, à l’ouest de la rue de Vanves, ce que l’on commençait à appeler le quartier de Plaisance à Montrouge, à l’est de la rue de Vanves, et, enfin, au sud de la rue du Transit, jusqu’à la porte de Vanves, une portion très peu peuplée de Vanves. L’écart de Plaisance était lui-même coupé en partie puisque la rue des Fourneaux qui en dépendait (et qui dépendait de la paroisse de Plaisance depuis 1848) était rattachée au XVe arrondissement. Au contraire et assez curieusement aussi, une petite partie de Montrouge au nord de l’avenue du Maine jusqu’à la rue Daguerre avait été administrativement rattachée au 56e quartier. Le quartier n’avait pas de mairie, pas d’institution propre, pas d’élus, seulement un commissariat ! Il pouvait sembler une création artificielle, qui prendrait sens difficilement. Il restait une marge. Marge de Paris, marge de l’arrondissement.
5En attendant, l’invisibilité du quartier est aussi attestée par les sources externes. Ainsi les deux gros volumes de Paris-guide, parus en 1862, ne consacrent qu’une demi-page au XIVe arrondissement dans le passage intitulé « Notes et renseignements – Le Pourtour de Paris ». Des neuf nouveaux arrondissements de la capitale, il est, avec le XIIe, le plus mal loti. Et Plaisance est réduit à deux lignes ! « Plaisance, section de Vaugirard, était un groupe d’habitations tout à fait indigne du nom qu’on lui donne, qui s’était créé aux abords du chemin de fer de Versailles (rive gauche). » La courte et mauvaise réputation de Plaisance se poursuit. On retrouve aussi deux lignes sur Notre-Dame de Plaisance dans le chapitre sur les églises : « bâtie nouvellement pour le village de Plaisance » (visiblement recopiées d’une édition antérieure).
6Une nouvelle fois, c’est la paroisse de Plaisance qui sera à l’initiative de la seule vraie politique identitaire du quartier. Soucieux d’attirer l’attention sur sa paroisse, le curé sollicita que la cloche ramenée de Solferino par les armées françaises à l’issue de la guerre de Crimée et déposée aux Invalides, au musée d’Artillerie, soit donnée à sa petite église de l’Assomption, qui n’avait pas de cloche. Il sut faire jouer certaines relations et obtint satisfaction. C’est une heure de gloire pour Plaisance puisque l’empereur Napoléon III et l’impératrice viennent assister à la cérémonie du baptême de la cloche par Mgr Darboy. La cérémonie vaut à Plaisance une pleine page, en première page de L’Illustration3 ! Et un article4 qui retrace rapidement la cérémonie et souligne que l’empereur a fait distribuer des secours « aux pauvres de la paroisse ». Le monarque soignait son image sociale dans ce quartier modeste5... Toutefois cette gloire épisodique ne semble pas avoir eu de suite sensible même si toutes les histoires ultérieures de la paroisse rappelleront l’épisode. Et, pour la paroisse, il offre l’inconvénient qu’elle apparaît comme trop étroitement liée au pouvoir impérial qui devient impopulaire à la fin des années 1860, particulièrement à Plaisance.
7Les protestants, eux aussi, marquent l’espace depuis la création en 1855, avant l’annexion, d’une paroisse de Plaisance. « Cette paroisse renferme la partie des XIIIe, XIVe et XVe arrondissements comprise entre les fortifications et l’ancien mur d’enceinte6 », « dans cette partie si vaste et si longtemps négligée de notre grande ville ». Elle a donc un rayonnement bien au-delà de Plaisance. Son pasteur, Henry Pommier, fonde son église, très exiguë, au 97 rue de l’Ouest. Voici donc Plaisance, capitale protestante des arrondissements périphériques de la rive gauche ! Les protestants installent un orphelinat de jeunes filles, en 1864, 30 rue Neuve-Pernetty (qui accueille 60 jeunes filles), une salle d’asile rue Chatelain, puis 44 rue du Château (110 enfants), une bibliothèque de 800 volumes, une école de filles et une école de garçons au 97 rue de l’Ouest. Ce dynamisme aurait fait augmenter le nombre de paroissiens de 400 à 2 500 entre 1855 et 18677. Mais combien à Plaisance ?
8La disparition des anciennes communes ou leur annexion partielle a aussi interrompu les visées urbaines qu’avaient eues ces communes avant 1860. Ainsi, Dareau, le maire du XIVe arrondissement, constate devant la toute nouvelle commission d’hygiène et de salubrité de l’arrondissement que le plan d’ensemble que Montrouge avait prévu pour le quartier de Plaisance en 1858 est resté lettre morte, ce qui explique l’état catastrophique des rues de la Sablière ou Bénard, « ni pavées, ni éclairées », et la médiocrité de l’écoulement des eaux dans le quartier, ce qui multiplie les cloaques8. Plaintes récurrentes que cet abandon du quartier et le mauvais état de sa voirie9 !
Voirie et habitat
9La progression brutale de la population, qui atteint 30 000 habitants en 1870, s’accompagne d’une lente progression de la voirie, pour une part avec les travaux haussmanniens comme l’achèvement de la rue d’Alésia, qui participe d’une ceinture intermédiaire de Paris, ou le début du percement de la rue des Plantes, au sud de l’avenue du Maine. Toutefois le quartier reste très loin de l’aspect qu’il aura quarante ans après. Toute la moitié au sud de la rue d’Alésia reste à 95 % en terres cultivées. Seule la rue de Vanves voit, près de la porte de Vanves et de la récente station de l’Ouest-Ceinture, se développer une petite agglomération d’habitants (rue Paturle, cités Renault et Blanche, rue Vandal). Le tout récent chemin des Plantes est à peine habité, comme le boulevard Brune. Au cœur, de simples sentiers ruraux, sentier des Suisses, sentier du Puits-de l’écu, sentier des Mariniers... Un dernier signe ne trompe pas : seulement 2,7 % des électeurs de Plaisance habitent au sud de la rue d’Alésia en 1867.
10Même la lisière nord de la rue d’Alésia reste le plus souvent déserte. Les rues Sainte-Marie (Villemain), de la Procession prolongée (Gergovie), du Terrier-aux-lapins (Didot) et Sainte-Eugénie (Hippolyte Maindron) aboutissent toutes à des impasses et attendent encore d’être prolongées jusqu’à la rue d’Alésia !
11Les difficultés des transports sont aussi sensibles. En 1869, une pétition signée par 300 habitants de la rue de Vanves réclame que le terminus de la ligne de la Compagnie d’omnibus Ménilmontant-Maine « [soit] prolongé jusqu’à la gare Ouest-Ceinture près de la porte de Vanves10 ». C’est seulement en 1876 que l’omnibus arrivera à la porte de Vanves.
Un campement misérable
12Les lotissements plaisanciens ont pu laisser place à des interstices de la misère. Les travaux de la toute nouvelle commission d’hygiène et de salubrité du XIVe arrondissement nous en révèlent un11. Au coin de la rue de l’Ouest (n° 2) et de la chaussée du Maine (n° 58), un vaste terrain de 4 000 m2 appartenait à l’Assistance publique, qui l’avait loué à long bail à un charcutier spéculateur qui sous-louait des parcelles à des miséreux. On y trouvait
- sur une partie surélevée, les matériaux stockés d’un commerçant ;
- une zone où « s’élèvent des huttes », des baraques, plus « des tanières à bêtes fauves que des logements destinées à abriter des êtres humains », construites en bois, plâtre, planches, couvertes de « cartons bitumés ». Une vingtaine de ménages d’ouvriers (environ 80 personnes) s’y entassent au milieu des fumiers, des matières organiques, des immondices. Un seul tonneau non clos sert de fosse d’aisance, pratiquement jamais vidé, gaz et miasmes ignobles s’en échappent. Pour l’eau, les locataires disposent d’un puits, non enclos, de 30 m de profondeur ;
- un bâtiment en ruine qui sert d’écurie à un nourrisseur « d’une malpropreté repoussante » ;
- un groupe de petits logements inégalement malsains, meublés de « débris moisis », sous sous-loués par une logeuse et payés d’avance par « des gens à figure sinistre, sans profession connue, des rôdeurs de nuit » ;
- un local qui sert d’échaudoir pour un tripier en gros, répandant ses eaux grasses sur les pavés du Maine ;
- un logement correct pour un concierge.
13« Classes laborieuses, classes dangereuses », à deux pas de Montparnasse !
De l’insalubrité des logements
14Désireux de connaître de manière approfondie la qualité de l’habitat, les membres de la commission d’hygiène et de salubrité se lancèrent aussi dans un inventaire systématique de toutes les maisons de l’arrondissement à partir de 1861. Le travail s’avéra rapidement très lourd ! Ainsi, à la fin de 1864, la commission n’avait inventorié que 281 maisons de Plaisance12, ce qui donne tout de même un assez bon échantillon. Sur ces 281 maisons – ou immeubles –, la commission en relève 34, soit un peu plus de 10 %, comme insalubres.
15C’est l’absence (12 cas) ou le mauvais état (16 cas) des fosses d’aisance (28 cas au total) qui est le premier facteur de classement en maison insalubre. Dans le deuxième cas, on relève des cabinets d’aisance à l’abandon, non aérés, ce qui conduit à des odeurs pestilentielles dans la cour, à des écoulements d’urine, à la prolifération d’insectes ou de champignons. Dans trois cas, la fosse d’aisance est un simple tonneau !
16Les autres facteurs de classement sont moins mentionnés, problème d’écoulement des eaux (mauvaises tuyauteries...), 4 cas, présence d’immondices divers (fumier d’une vacherie, cabane à lapins, chiffonnier...), 5 cas. La qualité même de la construction ou de son entretien est signalée onze fois. Depuis les murs suintants d’humidité (4 cas), les plafonds qui fuient ou s’écroulent (2 cas), les murs qui ruinent (2 cas) et enfin les constructions précaires (baraques, planches...), 3 cas. Le bilan paraît mi-figue mi raisin, les cas d’extrême insalubrité sont minoritaires, la large majorité des maisons paraissent saines, tout au moins au regard des critères d’une commission d’hygiène du Second Empire. Sans nul doute démenti pour ceux qui ne voient dans le Plaisance construit depuis 1850 que maisons miséreuses et de mauvaise qualité, l’observation laisse aussi entrevoir une coexistence d’habitats inégaux. Coexistence car l’insalubrité relevée paraît présente sans immense différence dans toutes les rues du quartier, au voisinage des maisons « honnêtes ». Lotissements et parcelles ont donc un sort qui est quelque peu laissé au hasard du propriétaire et de ses ambitions ou moyens.
Du côté de l’espace public
17Les comptes rendus de la commission nous donnent aussi de riches informations, à partir d’enquêtes effectuées suite à des plaintes d’habitants, sur les difficultés environnementales du quartier. Elles ne diffèrent pas de celles connues dans les quartiers où sont présentes de petites activités industrielles, sans prendre grande ampleur toutefois car Plaisance, dans les années 1860, n’est guère indus trialisé. D’autres difficultés tiennent au voisinage des chemins de fer ; enfin une troisième catégorie est assez typique des quartiers tout récemment intégrés à la grande ville où les activités agricoles ou d’élevage sont encore très présentes.
18Au 19 rue Sainte-Marie (avenue Villemain), un fabricant de produits chimiques asphyxie le voisinage car sa cheminée n’est pas assez élevée. Il est contraint de la monter à vingt mètres13. À la Cité Blanche qui donne sur la route de Vanves, non loin de la porte, une blanchisserie n’a pas de système d’évacuation de ses eaux savonneuses et sales, qui stagnent sur la voirie14. Mais les rapports ne sont pas toujours négatifs. Ainsi le lavoir du Maine, 63 chaussée du Maine, avec ses trois bassins en pierre, est-il apprécié pour son bon air, son sol pavé, la pureté de son eau de puits et son écoulement satisfaisant15.
19Au 5 rue de Médéah, un propriétaire se plaint de son voisin qui dépose son fumier le long de sa propriété, ce qui l’indispose... Un mur devra séparer les deux propriétés16. Le nourrisseur de la rue Perceval (n" 49) a une étable sans écoulement prévu des urines, sa cour mal tenue laisse se dégager des fermentations malsaines17. Nous avons vu aussi la présence de nourrisseurs dans les logements insalubres, d’échaudoirs au 52 rue de l’Ouest, de cabanes à lapins... Toutes activités que la commission considère généralement comme incompatibles avec la ville hygiénique et moderne.
20Les conflits liés au voisinage des chemins de fer sont aussi présents. Jamais toutefois nous ne trouvons de plaintes concernant les fumées, les poussières ou le bruit. Toutefois la Compagnie de l’Ouest est dénoncée parce que son établissement de factage du 15 rue de la Gaîté (rue Vandamme) ne ferme pas ses portes et que les chevaux s’échappent des écuries et courent dangereusement dans la rue18. Constatant l’état insalubre du passage Bournisien, véritable « cloaque » où les eaux stagnent, comme pour toutes les rues voisines du chemin de fer ou y aboutissant, la commission souligne que « de vieille date », les eaux s’évacuaient vers le chemin de fer, mais que la compagnie a construit un contre-mur qui interdit l’écoulement désormais19. Une démarche auprès de la Compagnie de l’Ouest échoue car celle-ci ne peut accepter l’inondation de ses voies et renvoie la question à la responsabilité de la Ville de Paris20.
21Au bilan, Plaisance ne paraît en effet plus très agréable ; l’ancien petit hameau de 1840 semble conjuguer les effets nocifs de la ville et de la campagne ; effet présent dans tous les écosystèmes urbains en croissance démographique et du bâti rapide. Saleté, odeurs désagréables, immondices abondent alors que le quartier ne bénéficie pas des avantages d’une voirie urbaine moderne et que l’annexion n’a pas amélioré la situation. Certes, on peut voir là une trace des obsessions de la pathologie urbaine du xixe siècle, mais les documents cités n’inventent pas et même n’exagèrent pas car les membres de la commission sont soucieux d’éviter la multiplication des plaintes et enquêtes.
La fin des Robinsons ?
22Tout imprégnée des normes modernes de l’hygiène et de la vision haussmannienne de la ville, la commission n’aime guère les traces de l’indépendance plaisancienne d’avant l’annexion. Sans doute le libéralisme dominant lui interdit il d’interdire... Mais le rapport qui est présenté le 19 juillet 1862 sur la maison du Robinson de Plaisance, Pernot, est significatif. Sa maison est considérée comme une construction médiocre et la commission critique le fait qu’il en édifie une seconde au fond de sa parcelle21. Notre autre Robinson, le réfractaire de Jules Vallès, lorsqu’il envisage, en 1862, de revenir à son arbre de la porte de Vanves, ne peut que constater : « mon arbre des fortifications était toujours debout, mais il se trouvait prisonnier maintenant. La banlieue vient d’être annexée, et on a éclairé le chemin de ronde qui longe les fortifications. Les sergents de ville y exercent la surveillance, concurremment avec les patrouilles des gabelous. 11 faut gagner la pleine campagne22 ». Et notre déclassé de gagner désormais un refuge à Arcueil sous un arbre tous les soirs.
23Ainsi nos deux Robinson sont soumis, sinon à un sort commun, du moins à la même emprise de la Ville, emprise d’ordre, emprise hygiénique, laissant moins de liberté aux personnes.
Les Plaisanciens de 1867
24Plaisance à l’annexion, c’est environ 20 000 habitants, ce qui en fait déjà le premier quartier de l’arrondissement avec 40 % de sa population. La croissance du quartier est un peu plus rapide que celle des autres quartiers (surtout de Montparnasse, le quartier le plus ancien du XIVe) ; et Plaisance atteint sans doute près de 30 000 habitants en 1870. Nous connaissons mal ces habitants et la Ville n’a pas conservé les listes nominatives des recensements avant 1926 ! Nous nous sommes donc replié pour approcher cette population sur la première liste électorale à notre disposition, celle du 31 mars 1867, 4208 noms que nous avons saisis sur une base de données informatisée.
25La source a ses limites, sérieuses. Le fait de ne pas avoir les listes antérieures à 1867 interdit toute étude de mobilité sociale ou spatiale. Il s’agira donc ici d’une photographie et non d’un film. Impossible de distinguer les anciens de Plaisance des tout nouveaux. Ensuite, le droit de vote élimine de la liste plusieurs catégories fondamentales ; d’abord les femmes, dont nous ne connaissons rien, donc, par cette source, manquement grave qu’il faudra toujours avoir à l’esprit. Ensuite, les populations jeunes car la majorité électorale est fixée à vingt et un ans. Enfin, les étrangers, qui sont alors comme aujourd’hui privés du vote. Mais il manque aussi sur la liste les citoyens qui ne se sont pas inscrits. Toutes les études électorales ont montré que c’étaient les habitants les plus pauvres, les plus marginaux, qui s’inscrivaient le moins sur les listes électorales, avec des écarts qui sont sensibles. On peut donc aussi penser que les plus pauvres, les manouvriers, les journaliers, les chiffonniers... sont quelque peu sous-représentés dans notre fichier.
26On peut aussi noter d’autres insuffisances. Ainsi la profession est indiquée à la première inscription et souvent recopiée ensuite sans modification lorsqu’il n’y a pas eu changement d’adresse. La profession indiquée date donc souvent de quelques années. Notons aussi qu’elle est souvent imprécise ; ce qui fait que nous ne connaissons pas vraiment le statut de nombre des citoyens ; il y a des « boulangers », des « ouvriers boulangers », des « marchands boulangers », mais dans des proportions qui tiennent d’abord aux systèmes de représentation de ceux qui donnent la dénomination de leur profession à l’agent de la mairie et du fonctionnaire qui la recopie.
27Une source imparfaite, donc ; mais nous ne sommes pas de ces historiens qui, au prétexte de l’imperfection de la source, renoncent à son étude, notamment statistique. De toute source l’historien peut faire son pain !
28La liste électorale n’abonde pas en informations : le nom, bien sûr, l’adresse, le lieu de naissance, la date de naissance et la profession. Certes le sexe est connu, et pour cause, mais rien sur la situation de famille, ce qui interdit toute étude de la plus petite cellule sociale. Pour aborder cette étude, il est nécessaire de dire quelques mots sur notre choix en termes d’histoire sociale. Longtemps la classification sociale première, névralgique, a été la situation socio-professionnelle. Certes on pouvait discuter sur les types de classement, mais le travail et la richesse faisaient l’être social. Depuis une vingtaine d’années, la hiérarchisation a été remise en cause, notamment par le biais des réflexions sur les pluri-identités. On serait donc au moins autant de son sexe, de son origine, de son quartier, de son âge... que de son travail. Sans compter la plongée culturelle. Il est clair qu’en observant dans ce livre à partir d’un (grand) quartier, nous avons déjà fait un premier choix en associant des individus différents par nombre de points de vue. La tentation est grande de continuer cette démarche en recherchant les traits sociaux qui unifieraient cette population plaisancienne. Ce n’est pas ce que nous voulons. Au contraire, notre objectif est de retracer au mieux à travers cette source ce qu’était le peuple de Plaisance, le peuple réel. Admettons alors l’empirisme comme méthode d’approche du réel. Laissons au « monde réel » une chance de nous apparaître tel qu’il était, sans naïveté, bien sûr, puisque nous savons que l’observatoire quartier, la source et ses limites sérieuses déforment l’observation. Pas de hiérarchie préétablie donc.
D’où viennent-ils ?
29La traditionnelle opposition parisien parisien parisien provincial est légèrement complexifiée par le fait que tous nos Plaisanciens ont vingt et un ans ou plus et sont donc nés avant l’annexion. Si l’on est né à Vaugirard en 1835, on n’est pas né dans le Paris de 1835, mais bien né dans le Paris de 1867 ; plus compliqué encore : si l’on est né à Montrouge en 1835, on n’est certainement pas né dans le Paris de 1835, mais on ne peut savoir ce qu’il en est pour 1867 – vient-on de la partie annexée ou non ? Heureusement les effectifs de ces natifs des anciennes communes, tout ou partie annexées, ne sont pas très nombreux, 31 de Vaugirard, 35 de Montrouge, 5 de Vanves, soit 71 individus que nous avons traités à part, natifs du quartier ou de son voisinage (encore on ne peut être sûr qu’ils soient nés à Plaisance car ils ont pu naître dans ces communes sans que ce soit dans la partie plaisancienne !). Au bilan nous ne devons guère avoir plus de 1 % de Plaisanciens de plus de vingt et un ans nés à Plaisance, signe à la fois de la grande croissance du quartier et de la forte mobilité dans Paris depuis 1860. Un premier chiffre difficilement approché et austèrement établi pour rien ? Non, car il nous permettra de relativiser le discours récurrent du vieux Plaisancien, du « Vieux de Plaisance ». Nous y reviendrons.
30Restent les Parisiens, nombreux, 943, soit entre un cinquième et un quart de nos Plaisanciens masculins majeurs. C’est finalement assez peu. Encore faut-il noter que ces natifs de Paris sont particulièrement jeunes car les « militaires » en sont presque tous issus. On ne migre guère, en effet, avant la conscription.
31Trois grandes régions fournissent le plus fort contingent de Plaisanciens, dont il faut souligner qu’ils viennent de toute la France cependant. Un seul département manque à l’appel : les Hautes-Alpes. En aucun cas, donc, on ne saurait parler d’un quartier d’originaires d’une seule province. Ceux qui viennent en tête, ce sont les Bourguignons (258), les Lorrains (254), les Picards (244). Bourguignons et Picards sont de longue date de gros pourvoyeurs de Parisiens ; pas de surprise à les retrouver là. S’il est une originalité plaisancienne, elle est dans la présence relativement élevée des Lorrains23. Et Plaisance ne regarde pas vers la Lorraine ! Et la Lorraine n’est guère proche de Paris en un temps où les départements du grand Bassin parisien fournissent de gros contingents (Seine-et-Oise, 206 ; Seine-et-Marne, 106 ; Yonne, 89 ; Eure-et-Loir, 91, Oise, 87...). Immigration de proximité bien connue des historiens de la formation de la population parisienne.
32Des Lorrains ! Que venaient-ils faire à Plaisance ? Y avaient-ils des relais pour les accueillir ? Les réponses nous restent inconnues.
33Beaucoup de Normands aussi, bien sûr (165 Bas-Normands, 132 Hauts-Normands).
34À l’opposé, nous ne nous étonnons pas des maigres effectifs de la France méridionale, jamais très importante dans la population parisienne, comme les Alsaciens. Plus étonnant peut-être, le petit nombre des Bretons (81 avec la Loire-encore inférieure). Le temps du débarquement en masse des Bretons à la gare Montparnasse n’est pas encore arrivé. L’exode migratoire de la région s’amorce à peine. Pareil pour les Limousins, seulement 96, dont la Creuse fournit le plus gros effectif (67). Migrations saisonnières, donc, encore bien souvent que ces « limousinants » venus travailler à la demande sur les chantiers du bâtiment et qui ne peuvent généralement s’inscrire sur les listes électorales.
35Dans l’entre-deux, et qui fournissent de bons contingents, les Auvergnats (180 avec 69 du Cantal), les originaires du Centre (le Loiret, bien sûr, avec 72 natifs mais pas tant que nous l’attendions – sont-ils allés près de la porte d’Orléans ou près de la gare d’Austerlitz ?), les Champenois, les Comtois, les Nordistes, les pays de Loire.
36Enfin n’oublions pas les 41 natifs de l’étranger, juste un petit pour cent de nos électeurs, où la Belgique domine largement (16 cas). Immigrés incertains d’ailleurs, car beaucoup semblent des Français nés à l’étranger. Ainsi un très grand nombre sont nés entre 1805 et 1811, sous le Premier Empire ; sans doute fils de soldats ou de fonctionnaires impériaux. Mais la source électorale, nous l’avons dit, ne permet pas de réfléchir sérieusement sur le phénomène immigré.
37Au bilan, les Plaisanciens nous apparaissent assez proches du modèle du creuset parisien ; toute la France ou presque s’y retrouve. Les Parisiens pur sucre n’y dominent pas, sauf chez les plus jeunes, qui sont plus souvent de Paris. Les Méridionaux sont rares, les Bretons ne sont pas encore vraiment là. On conçoit qu’aucune figure mythique ne se soit dégagée du quartier ; seule la présence des Lorrains étonne, mais ils n’ont pu construire un symbolisme local.
38Ces provinciaux sont-ils devenus des Parisiens ? Une question habituelle de l’histoire des Parisiens. On peut en avoir une idée en tentant d’observer s’il s’est maintenu des communautés de voisinage entre originaires. Nous avons donc testé les liens entre régions d’origine des électeurs et un découpage de Plaisance en 68 fins quartiers. Le résultat est significatif : la dispersion est largement dominante et les provinciaux (les Parisiens aussi d’ailleurs) s’installent un peu n’importe où dans le quartier, ce qui accentue largement notre sentiment du creuset. Nous pouvons noter, non de véritables exceptions car aucune communauté d’originaires n’a un habitat ségrégé, mais quelques nuances. Deux groupes fabriquent de petits territoires particuliers. Les Bretons, attendus, et les Normands (particulièrement les Hauts-Normands), plus surprenants.
39Ainsi nous trouvons une petite Bretagne à l’extrémité nord-ouest, près du chemin de fer, de Plaisance. Les rues Vandamme, Perceval et du Château (entre la voie de chemin de fer et la rue de Constantine – future « Vercin ») regroupent une trentaine d’électeurs bretons d’origine. Cela ne suffit pas pour donner à ces rues une allure vraiment bretonne (rue Vandamme, les Bretons ne sont que 10 % des électeurs), mais témoigne que les tout premiers effets du voisinage de la gare se font sentir. Mais les Normands font au moins aussi bien en se regroupant assez fortement le long de la rue du Château et de la voisine rue Saint-Médard (du Texel ensuite). Là aussi, sans doute, la gare a pu jouer, mais cette Petite Normandie est aussi le fait d’une communauté professionnelle qui s’est ici en partie regroupée.
40En dehors des Normands et des Bretons, il n’apparaît pas possible de parler de vrais regroupements spatiaux de provinciaux. On pourrait noter une surreprésentation des Auvergnats avenue du Maine et rue Daguerre, aux marges nord du quartier, mais peu sensible, la présence de Bourguignons dans les petites rues qui longent le chemin de fer ou des Aquitains, rue de Vanves. Mais tout ceci tient de nuances statistiques fragiles et ne doit pas nous faire oublier la dominante de la dispersion. Pour les natifs de Paris, il y a aussi une naturelle et forte dispersion ; on peut toutefois noter que les Plaisanciens de Paris sont un peu plus présents à l’est du quartier, passage des Thermopyles (qui va alors jusqu’à la rue des Plantes) ou rue du Moulin-Vert, par exemple. Mais c’est plus la traduction d’un phénomène social que d’origine.
41Nous pouvons tenter une deuxième expérience visant à retrouver des traces d’une communauté des originaires. Notre fichier d’électeurs nous permet d’approcher les structures de l’habitat plaisancien en 1867. Sans jamais qu’elles soient systématiques, il apparaît toutefois des différences sensibles dans le nombre d’électeurs par maison selon les régions. Certains originaires privilégient sensiblement les maisons individuelles ou de très petite taille : ce sont les régions du Sud et du Massif central qui forment l’essentiel de ce type, avec une pointe chez les Savoyards ! Méridionaux, Limousins, Auvergnats, Berrichons s’installent plus volontiers dans ces maisons (même lorsque les rues qu’ils habitent sont davantage bâties de grands immeubles – c’est le cas des Auvergnats installés avenue du Maine). Au contraire, les habitants venus de régions Nord, Nord-Est ou du Bassin parisien (Nordistes, Picards, Hauts-Normands, Orléanais et Tourangeaux, Comtois, Alsaciens...) acceptent plus volontiers le moyen ou grand immeuble. N’allons pas trop loin dans l’interprétation de ce phénomène ; on pourrait toutefois se demander si ceci ne serait pas la trace d’un rapport différent à la propriété immobilière (capacité ou désir ?) ou d’un rapport différent à l’urbanité comme mode de vie (plus individuel ou plus collectif). Mais notons que ces différences sensibles, mais pas générales, ne font pas particularité un groupe typé d’originaires. C’est plus un partage en deux de la France, bien classique, que nous retrouvons. Avec le cas particulier et attendu des natifs de Vaugirard et de Montrouge, les plus anciens Plaisanciens donc, qui ne sont pratiquement jamais présents dans les immeubles de plus grande taille.
42Chez d’autres le partage est quasi parfait entre les différentes structures d’habitat ; c’est le cas des natifs de Paris, des banlieusards de la Seine et de la Seine-et-Oise. Mais aussi chez les Bretons ou les Lorrains.
43Retour sur les Lorrains ! Décidément bien mystérieux. Nous avons vu leur importance à Plaisance, mais nous ne leur avons encore trouvé aucune particularité notable, ils sont équirépartis dans le quartier, ils sont équirépartis dans les structures de l’habitat ! Des Plaisanciens types donc !
44Arrêtons là cette promenade dans la France des originaires. Il nous reste à la confronter à la situation socioprofessionnelle que nous examinerons plus loin dans toute sa complexité. Il nous manque cruellement une étude des femmes et des situations de famille : surtout qui se marie avec qui ? Mais la principale conclusion serait tout de même que le creuset parisien fonctionne à Plaisance. Même si des particularismes existent, la dispersion est la règle24.
Du côté du social et du travail
45Il s’agit ici de nous approcher du fait socioprofessionnel sans lequel il n’y a pas de compréhension de la vie. Mais sans préjuger d’un primat, ni de classifications pré-établies que l’on retrouve à la sortie et sans ignorer que les dénominations sociales et professionnelles font l’objet de constructions complexes.
46Ainsi, la question délicate du classement salariat/à son compte/patronat ne peut être résolue à travers ces listes électorales. Pour certaines professions (la boutique, les services par exemple), nous voyons assez clairement les choses, mais pour les métiers artisanaux, elles sont moins lisibles. En effet, le statut n’est que rarement précisé ; on se dit, ou l’employé municipal vous note, beaucoup plus souvent « cordonnier », « menuisier », « boulanger »... que, « ouvrier cordonnier », « maître cordonnier », « entrepreneur de cordonnerie »... Impossible donc de calculer une proportion sérieuse de salariés. Certes, on peut se satisfaire de cette situation en estimant que ceci traduit un système d’agrégation sociale, propre au xixe siècle, qui ignorerait la fracture de classes, et qu’il ne nous appartient pas de plaquer une taxinomie artificielle et anachronique comme grille de lecture du social et du professionnel. Mais, tout de même, en 1867, le salariat existe ! Et si des cas limites sont encore présents, ceci n’empêche nullement la très grande majorité des actifs d’être clairement salariés, à leur compte ou patrons... Notre renoncement, du fait de la nature de la source, ne doit ainsi pas être interprété comme un renoncement à l’usage de concepts qui ont encore pleinement leur place dans l’histoire.
47La source introduit aussi beaucoup de difficultés secondaires. Les confusions de noms (mécanicien, est-ce métallo ou cheminot ? peintre, est-ce artiste ou ouvrier du bâtiment ? chauffeur, est-ce ouvrier de l’énergie ou employé des transports ?...) sont difficilement surmontables. Certaines subtiles différences méritent interprétation : quid des « rentier », « propriétaire », « sans profession », « retraité » ? Y a-t-il là des nuances importantes dans les situations et les représentations ou seulement traces de jeux d’écriture où le hasard tiendrait une bonne place ?
48Tout ceci posé, abordons donc le Plaisance socioprofessionnel. Et commençons par une vue des grands agrégats. 4 200 électeurs masculins, 1900 environ dans le monde de l’échoppe, de l’atelier, de l’industrie (soit une majorité, 53 % des actifs). Plaisance est un quartier « ouvrier », comme il est vrai que l’est Paris sous le Second Empire, mais sensiblement plus que ses voisins de Montparnasse et Petit-Montrouge. Quartier ouvrier où il faut entendre producteur, mais la part des salariés et des artisans ou patrons reste impossible à calculer avec les listes. Les salariés sont déjà sensiblement majoritaires, mais il nous a semblé sans aucun intérêt de plaquer le pourcentage parisien sur Plaisance, ce qui serait annuler toute éventuelle particularité que nos sources ne nous permettent pas de connaître. Il reste une dominante ouvrière à Plaisance (qui pourrait être encore plus nette si nous ajoutions les boulangers...). Une dominante ouvrière des métiers où nous retrouvons peu de journaliers, manœuvres, professions sans qualification, un peu plus d’une centaine sur 1900. Sans doute sont-ils beaucoup moins inscrits sur les listes électorales, ces miséreux du Lumpenproletariat. Il n’en reste pas moins que le métier domine.
49À l’opposé, les actifs du premier secteur paraissent déjà très minimes ; une cinquantaine de cultivateurs, jardiniers, nourrisseurs.... (à peine plus de un pour cent des actifs). Sans doute marquent-ils l’espace visible encore mais socialement ils ne pèsent déjà plus guère. Les métiers de la bouche, eux, comptent grandement dans une société où se nourrir et boire est au cœur de la vie : ils occupent 400 personnes dont 150 marchands de vins, limonadiers et garçons de café... Le voisinage de la gare explique certainement l’importance des cheminots, environ 120, alors que les transports occupent 80 personnes (dont une dominante de cochers, 35). Grande masse aussi, les fonctionnaires et les travailleurs municipaux, 330 actifs. Les employés (de bureau ou de commerce sauf de bouche) sont 250, les commerçants hors alimentation sont 130 (mais en y ajoutant ceux des commerces de bouche autour de 350). Ce sont eux qui ont réalisé le rêve des enfants des Halles d’Emile Zola : « Ils auraient une charcuterie, sans doute à Plaisance, à quelques bouts populeux de Paris25. »
50Par contre, la quasi-absence de la grande bourgeoisie est frappante : les professions libérales (avocats, docteurs) manquent à l’appel ou presque. Quel contraste avec Petit-Montrouge et Montparnasse ! On décompte aussi une dizaine de négociants, portefeuillistes, etc. dont à vrai dire on ne connaît guère le niveau d’activité. S’il faut chercher une vraie bourgeoisie, il faut se tourner davantage vers les rentiers, propriétaires et inactifs. Mais le fait que beaucoup sont âgés de plus de 50 ou 60 ans prouve qu’ils représentent plus une forme de « retraite » du monde de la boutique, des artisans, voire de l’élite ouvrière. Par contre, la centaine de propriétaires ou rentiers de moins de 50 ans sont bien là une bourgeoisie typique de la France du premier xixe siècle ! Peut-être plutôt une trace du passé que le signe d’une bourgeoisie dynamique à Plaisance...
51Le nombre de personnes des services dits privés est faible, une soixantaine (surtout des concierges). Sans doute y a-t-il ici un effet déformant sérieux de la source : les femmes sont particulièrement nombreuses dans ces services et elles sont absentes de notre liste ; par ailleurs ces professions, modestes, s’inscrivent moins sur les listes électorales. Mais tout de même, seulement deux domestiques ! A une époque où la domesticité est moins féminisée que cinquante ans plus tard. Voici qui confirme la maigreur de la bourgeoisie plaisancienne.
52Toutefois, une couche originale est bien présente à Plaisance : 200 artistes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, tous peu connus, voire inconnus, et actifs des petites couches intellectuelles (instituteurs, curés – nombreux dans ce quartier...) donnent largement déjà à Plaisance une allure de sous-Montparnasse avant Montparnasse. Plaisance qui accueille sur ses marges, au 66 rue Daguerre (62 rue de la Pépinière), le jeune Émile Zola, tout juste monté à Paris dans l’espoir d’une brillante carrière littéraire, et son ami le sculpteur Philippe Solari. Le jeune peintre Camille Pissarro vient aussi en 1864 pendant quelques mois habiter au 57 rue de Vanves26.
53Peut-on tirer une vue d’ensemble de ces lourds agrégats ? Le peuple électoral de Plaisance est un peuple travailleur27 où se côtoient une dominante ouvrière et un monde de petites classes moyennes (employés des transports, du public et du privé, commerçants et marchands de vins, petits rentiers âgés). Selon notre regard sur le social, on peut mettre en avant la dominante ouvrière ou, au contraire, insister sur la parenté du petit monde de l’atelier et de la boutique.
54On glisse d’ailleurs parfois de l’un vers l’autre à Plaisance, un exemple : un rapport28 du 28 janvier 1870 présenté au bureau de bienfaisance de l’arrondissement nous raconte l’histoire malheureuse de la famille Leboux, lui « simple mais très honnête [sic] ouvrier charpentier » dont la « femme avait ouvert une petite crèmerie dans la rue Schomer, mais la tentative n’a pas été couronnée de succès. Le quartier est trop pauvre et les bénéfices ne couvraient pas les dépenses qu’occasionnait la bien modeste boutique ». Le rapporteur conclut que cette « excellente famille29 » méride une aide. Ainsi, à Plaisance, quartier de petit peuple, la boutique n’est souvent pas grand-chose.
55Mais la construction du social à ce niveau devient bien d’abord une représentation. Ce que l’historien doit admettre, c’est que le jeu est ouvert. Cependant le seul temps balzacien de « l’épicier de Plaisance » ne s’accorde plus au Plaisance de la fin du Second Empire et serait réducteur du social.
56Par contre, la rareté de la bourgeoisie cossue qui n’est plus là que par le monde déclinant des rentiers-propriétaires devient un fait incontournable qui différencie nettement Plaisance de Montparnasse et Petit-Montrouge.
57Les détails des différents métiers ou professions rencontrés sur les listes électorales font un vrai inventaire à la Prévert où l’on peut aimer se promener, du compassier au bimbelotier, du balancier à l’arçonnier, de l’arquebusier au colleur d’affiches, du commis d’octroi au courtier en pipes, du liquoriste à l’ouvrier lampiste, du palefrenier au peintre d’histoire... Notre goût du pittoresque y prend plaisir, notre nostalgie d’un monde perdu s’y égare ; mais aussi cette liste évoque sans doute mieux que l’historien les diversités et les mots qui disent une époque.
58Toutefois, dès lors que l’on veut évoquer chacun de ces métiers, chacune de ces professions, l’ennui du répétitif risque de gagner le récit de l’historien. Nous ne parlerons donc que des seuls des points notables.
59On ne s’étonnera pas que le bois-bâtiment domine notre monde ouvrier. 750 travailleurs, avec les rois du Paris populaire que sont les 170 menuisiers (ouvriers et patrons confondus), puis les 80 maçons, les 80 peintres, les 65 serruriers, les 45 tailleurs de pierre, les 40 charpentiers, les 30 ébénistes, etc. Arrivent ensuite, mais loin derrière, les métallos, environ 300, dominés par au mieux une centaine de mécaniciens, mais surtout une gamme de petits métiers, fondeurs de caractères, tourneurs, mouleurs, ajusteurs, charrons, forgerons, frappeurs, instruments multiples.
60Attardons-nous plus longuement sur les 380 actifs du tissu et du cuir pour souligner que ce chiffre ne veut pas dire grand-chose, car les femmes manquent cruellement. Les 110 actifs masculins de l’habillement, tailleurs surtout, ne peuvent faire oublier les centaines de couturières qui devaient travailler à Plaisance (l’ensemble dépassant ainsi sans doute le bois-bâtiment comme première branche d’activité du quartier). Par contre, le nombre de travailleurs du cuir impressionne, 260 ! Les 45 selliers signalent un quartier où le cheval reste un moyen de transport important. Mais surtout les 175 cordonniers (auxquels on pourrait ajouter les bottiers et quelques autres) étonnent. Les voici en tête des métiers de notre quartier, dépassant les menuisiers.
61Curieux cordonniers, vrais oubliés de l’histoire (en France), auxquels aucun livre important n’a été consacré ! Métier invisible ? Les voici, très nombreux à Plaisance. Absents aussi des souvenirs et des témoignages de l’époque ? Nous l’avons longtemps cru tant nous avons peu trouvé sur eux, jusqu’au moment où la Commune est devenue une évidence de l’histoire de Plaisance30.
62Comptent enfin les 235 travailleurs du livre et du papier, 110 typographes, 35 imprimeurs, 25 lithos ; les chiffres des brocheurs ou relieurs n’ont pas de sens sans les femmes. Un chiffre élevé assez attendu dans un quartier qui est proche des grandes et petites maisons d’imprimerie de la rive gauche.
63Que noter encore ? Que les travailleurs municipaux, plus modestes, l’emportent largement (206) sur les fonctionnaires (76). Les 75 sergents de ville sont mêlés au peuple de Plaisance ; les 70 employés de l’octroi sont naturellement nombreux dans un quartier qui touche aux fortifs. Que les employés de bureau, une soixantaine (milieu alors largement masculin), sont encore peu nombreux à côté des employés de commerce, plus de 150 (sans compter les employés des commerces d’alimentation).
64Puis il faudrait faire sa place aux petits nombres, à nos 11 logeurs ou à nos 11 maréchaux-ferrants... Tous comptent aussi.
65Ces groupes socioprofessionnels, si complexes, méritent aussi d’être compris dans leurs enracinements spatiaux. Rouvrons ainsi notre dossier des originaires. Ces originaires que nous avons vus si dispersés, à quelques exceptions près, dans nos sous-quartiers. Mais là, la relation est toute différente. Les liens entre métier, profession et origine sont souvent sensibles. En quelque sorte, dispersés dans le quartier, nos originaires se retrouvent dans une communauté professionnelle. Les relations ne sont évidemment pas systématiques ; peu de métiers sont entièrement ségrégés. Mais des tendances fortes apparaissent, que l’on se plaira à présenter soit comme les traits professionnels d’une communauté d’originaires, soit comme les traits géographiques d’une communauté professionnelle.
66Les natifs de Paris forment une part considérable de ce qu’on pourrait appeler les métiers d’art et font apparaître une hiérarchie des qualifications : ouvriers du livre, ébénistes, mécaniciens, opticiens, dessinateurs, bijoutiers-horlogers, artistes, peintres, sculpteurs... ont des pourcentages de Parisiens allant de 40 % à 70 %. Mais la bourgeoisie (nos quelques avocats, négociants...) n’est pas spécialement parisienne.
67Nos natifs de Vaugirard et de Montrouge donnent de nombreux travailleurs des champs et des bêtes. Descendants des anciens terriens et pépiniéristes du premier xixe siècle, ils sont aussi volontiers maréchaux-ferrants, ce qui va avec. Mais ils comptent aussi parmi les musiciens, artistes sans doute anciennement implantés dans ce quartier qui a connu de nombreuses guinguettes et voisiné avec les bals de la Gaîté.
68Les métiers de bouche sont assurés massivement par les natifs de Seine-et-Oise et Seine-et-Marne, puis dans une moindre mesure par les Bourguignons, les Orléanais et les Beaucerons. Bouchers, boulangers, fruitiers... ont donc ainsi conservé un lien avec leur « pays » d’origine pour la fourniture des denrées de base, blé, viande...
69Les métiers du bois et du bâtiment se différencient sensiblement. Les premiers, les menuisiers surtout, viennent du grand Bassin parisien : Île-de-France, Orléanais, jusqu’au Nord-Pas-de-Calais qui en fournit un gros contingent. Mais aucun Limousin parmi les menuisiers ! Alors qu’ils donnent, comme on pouvait s’y attendre, le plus fort contingent des gars du bâtiment avec ceux venus du revers nord du Massif central. Deux régions que les géopolitologues connaissent bien pour leur esprit démocratique.
70Et nos mystérieux cordonniers, si nombreux à Plaisance. L’historien les découvre également nombreux à être nés dans la mystérieuse Lorraine (et sensiblement moins dans le Nord). Le cordonnier lorrain31, une figure sociale clé de Plaisance, ainsi découverte par la lourdeur de l’appareillage statistique.
71Moins d’inattendu à retrouver les cheminots volontiers bretons ou de la Sarthe et de la Mayenne. La ligne de la Compagnie de l’Ouest-rive gauche commande le paysage social. Moins aussi d’inattendu à retrouver les Auvergnats au cœur du commerce, petit ou grand. Mais ils sont surtout présents dans le commerce non alimentaire, de la brocante au charbon et à l’article de nouveauté. Le bougnat « marchand de vins et de charbons » est très largement concurrencé par les Bourguignons, qui dominent le cabaret, et le futur bistro où les Comtois, les Languedociens et les Savoyards sont aussi bien présents.
72Dans le monde des services publics se manifestent aussi de fortes relations avec la région d’origine. Les sergents de ville viennent massivement de Lorraine, d’Alsace, de Champagne et de Franche-Comté, une France du Nord-Est où l’on est grand et où l’on a le sens de l’ordre et de la patrie. Les employés d’octroi sont moins typés. Sans surprise, le Midi et le Lyonnais sont surreprésentés chez les fonctionnaires, mais le petit nombre des natifs de ces régions ne les rend pas pour autant dominants.
73On peut ainsi continuer sa promenade socio-géographique avec les postiers normands, les cochers savoyards et natifs de l’étranger, les brossiers-tabletiers de Picardie et de Franche-Comté, vieilles régions d’industrie rurale diffuse. Concluons. Nos divisions socioprofessionnelles reproduisent souvent des filières d’originaires, avec des cohérences qui, sans nul doute, se retrouvent aussi ailleurs à Paris, mais dont certaines sont particulièrement marquées ou sensibles à Plaisance, qui vit encore en proximité de la campagne. On y trouve donc aussi bien des premiers – et rares – Plaisanciens, qui nous montrent un passé agricole et nourricier et de goguettes, que des natifs parisiens des métiers d’art, ou des natifs des campagnes du Bassin parisien qui assurent les métiers de bouche ; de plus loin viennent les métiers du bois, en particulier les menuisiers ; de plus loin encore mais découpant l’espace en zones, on trouvera les cheminots bretons et sarthois, les maçons et tailleurs de pierre du Limousin, les petits commerçants auvergnats, les marchands de vins bourguignons, les cordonniers lorrains, les sergents de ville du Nord-Est... enfin ceux du Midi nous donnent quelques fonctionnaires. S’il n’y a jamais vraiment exclusivité, on peut dire que nombre de nos groupes socioprofessionnels sont ainsi structurés par une colonne vertébrale d’originaires. Et nos originaires, qui se dispersent fortement dans l’espace plaisancien en 1867, conservent une communauté de travail et, ainsi, d’échange, qui ne se réduit d’ailleurs pas à Plaisance. Le creuset est inachevé.
74Il serait vain de chercher en Plaisance de micro-bassins d’emploi. Ce concept n’a de sens qu’à un niveau plus large de l’espace. Toutefois, les métiers ont des contraintes – ou des goûts – qui peuvent marquer l’espace de Plaisance. C’est le cas des artistes qui, à l’exception des dessinateurs qui peuvent s’installer chaussée du Maine, recherchent les petites rues du quartier et évitent les grandes artères ; ainsi les sculpteurs aiment le passage des Thermopyles32 ; les rues Niepce, Desprez, de la Sablière, du Géorama voient affluer les peintres. C’est le cas, plus net encore, des travailleurs des transports, cochers, employés et loueurs des Petites Voitures, qui se concentrent dans les rues du nord du quartier (Vandamme, Médéah et la rue du Chemin-de-fer) et surtout la rue du Moulin-de-Beurre, véritable petit monde de la voiture et des cochers où sont installées remises et écuries. Le voisinage de la gare et des boulevards commande. Bien sûr, les cheminots aussi s’établissent au voisinage des lignes de chemin de fer, rue de Constantine en particulier, sans toutefois qu’on puisse en aucun cas parler de cité cheminote. Habitat spatialisé aussi pour ce qui reste du monde agricole, qui ne se maintient guère en 1867 que dans le sud et le sud-est du quartier, parties de Plaisance où le bâti reste encore très rare et qui conserve encore une allure de campagne.
75Au contraire, le monde du commerce s’établit le long des principales rues du quartier. Sans qu’il y ait de spécialisation poussée, la chaussée du Maine attire particulièrement les commerces non alimentaires, les marchands de bouche triomphent rue de Vanves, rue de l’Ouest, mais sont présents partout, sauf à l’est du quartier. Quant aux marchands de vins, outre la rue de Vanves qui attire décidément tous les commerces, ils sont surtout présents dans les rues à orientation ouest-est, très populaires, la rue du Château–Chemin-de-fer est leur point fort avec la rue de la Procession (Gergovie).
76Par contre, on chercherait vainement des rues que privilégieraient d’autres, et nombreuses, professions. Les ouvriers du bois, du bâtiment et les cordonniers, nos trois grands blocs ouvriers, se dispersent dans tout le quartier. On chercherait vainement un sous-quartier ouvrier, prolétarien, dans Plaisance. Rien à signaler non plus pour les employés municipaux (les sergents de ville sont partout dans notre peuple), les fonctionnaires.
Octave Tassaert, un grand peintre presque inconnu à Plaisance
77La liste des artistes peintres inscrits sur la liste électorale de 1867 laisse peu de place à la postérité. Nous reviendrons sur les artistes communards. Un seul est un peu reconnu : Octave Tassaert, un grand peintre quelque peu oublié, malgré quelques pièces présentes dans des musées français ou étrangers. Demeurant 12 rue du Géorama (actuelle rue Maurice-Ripoche), il y mourut en 1874, asphyxié au charbon, très probablement par un geste volontaire.
78Tassaert est né en 1800, dans une grande famille d’artistes anversois, venue à Paris en 1792. Son père, graveur au burin, le mit à la porte à douze ans en 1812 ! Installé rue Notre-Dame-des-Champs vers 1825, il eut beaucoup de succès comme peintre historique puis graveur-litho dans les années 1830. Dans les années 1840, il prit la décision, peut-être après que Michelet lui eut dit qu’« avant tout [il était] un grand peintre33 », de se consacrer entièrement à la peinture. Mal lui en prit ! Il ne rencontra qu’un petit succès. Au début des années 1860, il perdit une partie de sa vue ; dans la misère, avec une rente de 1 000 francs annuelle (environ l’équivalent de 750 euros mensuels), il se réfugia à Plaisance en 1862 où il resta jusqu’à sa mort. Il ne peignait plus que très rarement dans une modeste chambre meublée, fréquentait les cafés de la chaussée du Maine où il rencontra Courbet bien qu’il fuît le monde. Selon Prost, il vivait « caché dans un réduit ». La vente de son mobilier rapporta 33 francs !
79Sur Tassaert pèse la malédiction des peintres dits réalistes, on l’aurait surnommé « le Corrège de la mansarde », « le Prud’hon des pauvres », et on l’a situé dans la lignée des peintres de la misère et des malheureux. La liste de ses admirateurs mérite notre attention : Michelet qui le tenait pour un « grand peintre », Baudelaire qui l’admirait énormément, Van Gogh, qui, en 1882, écrivit à Théo à propos de Tassaert « que j’aime beaucoup34 », Gauguin, Théophile Gautier, Alexandre Dumas fils, Théophile Silvestre qui en 1874 le considère comme « un grand artiste... un artiste d’avant-garde », E. Chesneau qui le cite dans les dix meilleurs artistes du xixe siècle....
80Artiste sensible assurément, qui admettait qu’il avait « un diable de sensibilité qui toujours m’attache au malheur », et artiste bohème, dépensant en une nuit quand il était jeune les 100 francs que lui rapportait une gravure. Tassaert, cachant sa misère à Plaisance dans les douze dernières années de sa vie.
81Le cas de Tassaert nous introduit ainsi dans ce qui sera une constante de Plaisance, un quartier-refuge pour certains artistes.
Plaisance sociable et social
Toujours le joyeux Plaisance ?
82En ce temps de la fin du Second Empire où le politique semble manger les Parisiens, nous manquons cruellement d’informations sur la vie des Plaisanciens, sauf à plaquer dessus nos connaissances en histoire sociale du Paris du Second Empire. Quelques miettes se ramassent de ci de là. Si les guinguettes romantiques ont disparu, d’autres semblent avoir fait leur apparition, sans doute moins fréquentées par les Parisiens que sous la Restauration ou Louis Philippe. Une d’entre elles, appelée Le Petit Chaperon rouge, était située au 35 rue de Gergovie (alors rue de la Procession) et l’on en voyait encore le puits et une tonnelle en 199635. Des vies de voisinage s’organisent comme le montre cet avis au 2 impasse Florimont, chez un certain Robert : « Pour le rencontrer, s’adresser au brocanteur de la rue de Vanves36. »
83La présence, nombreuse, des artistes stimule aussi, dans ce quartier travailleur, un reste de bohème. Lucien Henry37, arrivé de Forcalquier à dix-sept ans en 1867, inscrit aux Beaux-Arts, élève de Gérôme, modèle pour gagner sa vie, se promène vêtu d’une longue redingote « à parements et revers démesurés38 » avec sa maîtresse, jeune grisette, couturière, « une sorte de fille publique » pour la police, qui a vite fait de classer les femmes de ce temps.
84C’est sans doute à travers un petit journal local que nous percevons au mieux certains aspects des tensions sociales et symboliques de notre quartier naissant. La source en elle-même est un révélateur et nous avons choisi dans ce cas de ne pas la déconstruire.
Du côté de L’Écho de la Gaîté
85En 1869, un essayiste peu connu, Alphonse Bouvret, tenta de lancer un de ces nombreux petits « canards » qui fleurissaient à la fin du Second Empire. Le premier numéro de L’Écho de la Gaîté – journal du XIVe arrondissement – revue artistique littéraire et théâtrale parut à la fin de juillet 1869. Le petit hebdomadaire à dix centimes (un euro actuel...) n’eut qu’une courte vie et s’arrêta au n° 6, du 4 septembre 1869. Le bureau de rédaction et d’abonnement se trouvait au 54 chaussée du Maine (à peu près au débouché de la rue de l’Ouest) où le concierge vendait aussi le journal !
86Alphonse Bouvret tint dans le journal une petite « Chronique locale », pleine d’humour. Voici sa définition du XIV arrondissement :
Qui suis-je ? Eh ! Mon Dieu, tout simplement un habitant du XIVe arrondissement, perché sur les hauteurs du Montparnasse, séjour de Plaisance qui Maine (vous permettez ?) par la rue de la Gaîté à l’Académie de Montrouge39.
87Plaisance, Montparnasse, la Gaîté sont ainsi associés dans cette revue, marquant, dès 1869, l’unité de ces quartiers dès lors qu’il y a présence d’une culture, modeste et légère, sans doute. On retrouve la même association symbolique dans un passage suivant : « Et vous, cloche de Sébastopol, dans votre beffroi provisoire de Notre-Dame-de-Plaisance, faites retentir les airs de votre son joyeux, tintez, carillonnez pour le baptême de mon nouveau-né : L’Écho de la Gaîté. »
88Toutefois, si la revue rend compte des programmes des théâtres de Montparnasse, dès lors qu’elle évoque la chaussée du Maine et Plaisance, la vision se fait plus pessimiste. Le cadre lié au chemin de fer est vécu comme peu agréable : « Le joli pont du chemin de fer de l’Ouest est précieux pour moi, comme un échantillon gracieux, léger et INODORE des monuments destinés à la grandeur de la Chaussée du Maine ». La chaussée du Maine est considérée comme mal lotie, mal tenue : « Suivons maintenant le côté bitumé de la Chaussée du Maine [...] la plus belle chaussée ne peut donner que ce qu’elle a40. » Et encore, évoquant une promenade : « Je humais délicieusement la poussière de la Chaussée du Maine41. »
89Les faits divers confirment ce sentiment d’un quartier plutôt difficile à vivre. On y retrouve comme une anticipation de la litanie des faits divers du Plaisance républicain : aliénation mentale d’une marchande de vins de la rue Mouton-Duvernet qui s’est laissée descendre au fond d’un puits de la rue Vandal42 ; vol à une heure du matin, chaussée du Maine, par un certain G., peintre en bâtiment, dans la poche du pantalon d’un passant endormi sur un banc43...
90Mais c’est dans le dernier numéro, avec la parution d’une nouvelle (ou d’un roman) signée Léon Vincent (est-ce un pseudo de Bouvret ?) et intitulée « Les mystères du Champ-d’Asile44 », que l’image obscure du quartier se manifeste le mieux. De menaçants comploteurs sont réunis dans une maison dont on ne sait trop où elle se situe, quelque part entre la rue du Champ-d’Asile (Froidevaux), la rue de la Pépinière (Daguerre) et la chaussée du Maine. Nous donnons ici le passage qui décrit ce quartier :
Isolée (en 1854) de toute autre habitation par des terrains vagues et des chantiers, elle était séparée d’une ruelle aboutissant à la rue de la Pépinière par un petit jardin entouré de murs peu élevés. À distance et ça et là, on voyait quelques baraques chancelantes, rendez-vous des buveurs et des joueurs de boule pendant le jour, mais hantées la nuit par des habitués aux allures moins pacifiques.
Il y a quelques années à peine, en effet, sans remonter bien haut au delà de l’annexion des anciennes communes, cette partie de la chaussée du Maine et les alentours du cimetière Montparnasse étaient inabordables à une certaine heure, tant à cause des fondrières du sol que des rencontres plus ou moins désagréables que l’on pouvait y faire.
Les transformations successives accomplies dans cette zone du nouveau Paris, n’ont pu chasser entièrement au delà des murs d’enceinte, la population hétéroclite qui grouillait dans ces taudis misérables et malsains ; mais, grâce à quelques constructions récentes, à quelques façades nouvelles établies sur l’alignement municipal – sortes de décors des premiers plans derrière lesquels se cachent les oripeaux du foyer ; masques qui grimacent leurs sourires, et sous lesquels les pleurs et les grincements se dérobent –, la physionomie de ces lieux a changé. [...] Mais les rares constructions primitives qui restent encore debout sur le côté gauche, ces maisons basses et à demi souterraines, conservent un aspect sordide, bizarre et mystérieux, comme si les événements dont ces lieux ont été le théâtre leur avaient laissé une empreinte ineffaçable.
LÉON VINCENT
91Si le récit remonte à 1854, soit à quinze ans en arrière, et est censé évoquer le passé misérable et marginal qui précède l’annexion, l’auteur note que les transformations récentes n’ont pas changé en profondeur le quartier du Maine. Il y a bien « quelques façades nouvelles » à l’alignement, des avenues et des voies mieux praticables, mais ce sont des premiers plans qui cachent « les pleurs et les grincements » et les « maisons basses et à demi souterraines conservent un aspect sordide, bizarre et mystérieux ». La population banlieusarde misérable qui « grouillait » auprès des barrières n’aurait ainsi pas été chassée entièrement par l’assainissement haussmannien du quartier et son annexion à Paris.
92C’est que, selon l’auteur, l’histoire du lieu « laisse une empreinte ineffaçable ». Dès 1869, voici donc Plaisance (ici sa partie nord) marqué par cette image de la tragédie sociale. Ce lien d’un quartier à sa mémoire est présent dans L’Écho, qui attache aux petits faits historiques une importance certaine. On y décrit les anciens bâtiments de l’octroi à la barrière du Maine45. On y évoque longuement Vercingétorix, à propos du changement de nom de la voie du Transit en rue d’Alésia46, ou la découverte, impasse Florimont, « en faisant une fouille dans un terrain » d’« ossements humains qui paraissent y avoir été déposés il y a fort longtemps47 ». Mode archéologique, mode gallo-romaine, certes bien connues et déjà étudiées, de ces années du Second Empire, mais aussi inscription d’un lieu dans un passé – parfois mythifié – alors même qu’il est encore au tout début d’un processus de recomposition et d’urbanisation.
93Petit journal qui devait résonner des mots joyeux de Plaisance et de Gaîté, L’Écho nous donne finalement un écho des tensions de l’espace qui se construit autour de la chaussée du Maine, où habite son directeur-rédacteur. L’union de Montparnasse et de Plaisance se réalise dans une représentation quelque peu mythique d’une vie culturelle, théâtrale et artistique ; mais le quartier du Maine se distingue par la présence menaçante du crime, qui s’inscrit dans une structure de l’espace qui ne peut s’effacer. Le nouveau Plaisance, au sud de la chaussée, emprunte alors aux deux imageries, gaîté et tragédie sociale.
94Très vite, voici 1870 et le temps de la tragédie arrive. Non que Plaisance ne soit toujours marqué par ses images montparnassiennes ; dans La Résistance, journal républicain, patriote, socialiste et révolutionnaire, journal de l’arrondissement, on continue à envisager de se réunir au Ba-Ta-Clan48, à publier de la poésie49 et même un feuilleton50.
Avant la Commune, Plaisance républicain avancé
95Dès la Seconde République et le début du Second Empire, le futur quartier manifestait des signes précoces d’attachement à la république sociale. D’autres indices sont sensibles dans les années 1860 qui mettent même Plaisance au cœur de ce mouvement démocratique. On peut ainsi évoquer quelques figures importantes ; nous ne compterons pas pour un vrai Plaisancien Emile Eudes, le leader blanquiste, futur élu du XIe arrondissement, qui habita cependant dans les années 1860 passage de Jouvence, près de la future rue d’Alésia, alors qu’il était censé faire ses études de pharmacie...
96Mais le menuisier Ferdinand Félix, né en 1823 dans l’Aisne, est bien un Plaisancien, inscrit sur les listes électorales de 1867 au 22 rue Saint-Médard, puis demeurant 51 rue de Constantine en 1869-1871. Il fut un des fondateurs de l’Association internationale des travailleurs en 1864 en France et est signalé « comme un des meneurs les plus dangereux et les plus actifs de la classe ouvrière. Il a propagé un grand nombre de grèves51... » Il fut aussi délégué des menuisiers en bâtiment à l’exposition universelle. Nous le retrouverons en 1870-1871.
97À côté du menuisier et lutteur Ferdinand Félix, nous trouvons Félix Chemalé, né en 1838 à Tours, commis architecte, habitant 64 rue de l’Ouest dans les années 1860. Chemalé joua un rôle considérable dans la fondation de l’AIT, participant à partir de 1865 à ses congrès à Genève, Lausanne et Bâle, y exerçant des responsabilités élevées puisqu’il fut secrétaire général de FAIT en 1866-1867 ; « le plus intelligent parmi les mutuellistes parisiens52 », il avait des positions modérées, s’opposant à tout étatisme, à la nationalisation du sol, défendant l’héritage. Condamné en mars 1868 à la prison, il semble être parti quelques temps à l’étranger.
98Henri Lefort complète cette trilogie ; journaliste et homme de lettres, né en 1826, déjà condamné pour sa résistance à l’Empire en 1851, c’est chez lui, en 1864, rue de l’Ouest encore, que fut rédigé avec Rogeard, Jean Roland (le fils de Pauline Roland qu’a honorée justement le XIVe arrondissement) et Tolain, le manifeste des Soixante, un des plus célèbres textes de l’histoire sociale française, premier appel à une représentation politique autonome de la classe ouvrière : « Il existe une classe spéciale de citoyens ayant besoin d’une représentation directe... » Poursuivi, il partira en province à la fin du Second Empire53.
99Plaisance est ainsi, avec d’autres faubourgs, un des lieux de la république sociale du Second Empire, avec une présence sensible de l’AIT, sans doute dans sa version proudhonienne et modérée. Si nombre de ces militants vont tôt disparaître du paysage révolutionnaire, d’autres, comme Héligon, joueront un rôle important pendant le siège (maire adjoint du XIVe), mais se refuseront à suivre la révolution communarde qui sera beaucoup le fait des militants du Troisième groupe de La Marmite, rue du Château, société coopérative d’alimentation initiée par Varlin. Les futurs communards accumuleront là un capital d’expérience important, qui leur permettra de jouer un rôle décisif pendant le siège lorsque les questions du ravitaillement deviennent vitales.
100En 1867, Plaisance abrite aussi, au 9 de la rue Pernety, le siège de la Société de résistance des imprimeurs-lithographes.
Prémisses de la Commune
101Plaisance joue aussi un rôle important dans les mois qui suivent le 4 septembre 1870, alors que Paris est assiégé par les Prussiens. En septembre 1870, les réunions républicaines avancées semblent se partager dans l’arrondissement. Ainsi Le Rappel publie le 11 septembre 1870 des résolutions prises lors de deux réunions tenues à La Tombe Issoire et au 44 chaussée du Maine. Puis tout le mouvement social va, de fait, se concentrer sur Plaisance. De novembre 1870 à janvier 1871, c’est là que paraît La Résistance, organe démocratique et social du XIVe arrondissement, un des journaux républicains avancés de Paris. D’abord journal propre à l’arrondissement, il devient en brumaire, an LXXIX de la République (on est républicain ou on ne l’est pas !), le journal de la Ligue républicaine, une organisation qui défend la lutte à outrance pour la patrie par le peuple. Les sièges successifs du journal (toujours menacé de poursuites par le gouvernement provisoire) sont au 10 rue Maison-Dieu, 42 rue du Château, 63 rue de l’Ouest, 112 chaussée du Maine, toujours à Plaisance donc. La démocratie sociale du XIVe a d’ailleurs bien ses bastions à Plaisance avec, nous l’avons vu, le Troisième groupe de la société coopérative alimentaire, La Marmite, rue du Château, les réunions de l’Internationale, 110 rue de la Procession (rue de Gergovie), la section des libres-penseurs de l’arrondissement, au 63 rue de l’Ouest... Et surtout les réunions de la rue Maison Dieu des républicains de l’arrondissement. Ces réunions, qui se voulaient quotidiennes, se tiennent très régulièrement en novembre 1870, puis sous les pressions policières, s’espacent et sont remplacées par des réunions des bataillons de la garde nationale dans laquelle les activistes révolutionnaires prennent une force croissante.
102Il n’y a pas de vraies spécificités plaisanciennes au cours de ces réunions. On s’enthousiasme pour la défense à outrance de Paris et de la patrie. On se prononce pour la levée en masse. Au patriotisme s’adjoint vite l’anticléricalisme car les prêtres ne participeraient pas aux combats54. La dimension sociale est aussi évoquée : la défiance est marquée vis-à-vis des fortunés qui ne se mobilisent pas assez pour la défense nationale et seraient prêts à trahir pour Bismarck. On se prononce également pour un rationnement égalitaire et on dénonce la misère alors que d’autres se refusent aux sacrifices nécessaires. Le gouvernement provisoire et la mairie provisoire de Paris sont aussi critiqués pour leur politique timorée. La menace de l’irruption révolutionnaire, d’une future Commune, est évoquée de nombreuses fois. Rien donc de bien original, et c’est bien naturel. Nous ne voyons pas pourquoi il y aurait une particularité plaisancienne ; il en va de même pour les débats qui opposent ceux de l’Internationale, de plus en plus radicaux, dont les sections locales se reconstituent après les répressions de 1869-1870, aux républicains patriotes avancés, plus ou moins blanquistes, ou aux républicains socialistes mais plus modérés qui dominent à la mairie du XIVe55. Par contre, le fait que le maire et ses trois adjoints ne soient pas de Plaisance a un sens et inaugure une longue série de maires et d’adjoints de l’arrondissement qui ne seront jamais de Plaisance avant longtemps.
103Significative nous semble aussi l’affirmation, pendant les réunions de la Maison-Dieu ou dans les colonnes du journal, du faubourg avant-garde. L’opposition du centre et de la périphérie (les nouveaux arrondissements) apparaît ainsi pour la première fois avec Charbonneau critiquant l’Hôtel de Ville en lui opposant « les orateurs de la Maison Dieu, gens du peuple et non sophistes » et redoublant cette opposition en s’en prenant aux « arrondissements du centre » alors que les « faubourgs » sont révolutionnaires56. C’est « la misère [qui] dévore nos faubourgs » pour la section de Montrouge de l’ΑΙΤ (la section rayonne en fait sur presque tout le quatorzième)57. L’élection de socialistes à la mairie en novembre fait même rêver à un quatorzième à l’avant-garde :
Le peuple du XIVe arrondissement, sans honte, sans vergogne, a tiré du peuple ses mandataires à la Municipalité (...) Un volcan peut naître de la Rive Gauche, effrayant cataclisme (sic] dont la lave serait de la chair humaine58.
104Encore en décembre, Théophile Sapia rappelle que le XIVe arrondissement a élu « à la mairie de Montrouge » des ouvriers et révolutionnaires59. Toutefois la prétention avant-gardiste du XIVe s’efface rapidement du journal, qui privilégie le modèle de Belleville dans plusieurs articles de Georges Bertin : « On déshonore le jeune faubourg de Belleville, celui qui, dans l’histoire du Peuple, va remplacer les vieilles cités du faubourg Antoine60. » Il reste que le XIVe s’inscrit dans ce nouveau Paris, aux marges de la capitale, mais son futur Hercule social. Soulignons pour la rigueur de notre propos que Plaisance n’est jamais évoqué en tant que tel par ces orateurs qui sont presque tous du quartier. La logique de l’arrondissement et de son lieu, le bâtiment de la mairie, s’imposant à nos révolutionnaires, fussent-ils des décentralisateurs acharnés61.
105Un dernier point mérite réflexion autour des tensions sociales internes au quartier. Au fur et à mesure que le siège dure et que les conditions de vie des Parisiens se détériorent, les revendications égalitaires, nous l’avons vu, se multiplient. Mais apparaissent aussi des conflits locaux vifs qui révèlent que notre quartier que nous avons dit de petit peuple connaît des possibles d’affrontements. Lors de la réunion de la Maison-Dieu du 22 décembre 1870, une citoyenne dénonce que le pain va aux fourrages des chevaux (encore nombreux dans le quartier) des riches62. Un autre attaque nommément le citoyen Gobert, 43 passage des Thermopyles, de nourrir ses cinq chiens alors que ses sept enfants manquent de pain. Puis Leroy dénonce un logeur Chaplineau d’avoir jeté à la rue une citoyenne, mère de famille, au 82 rue de l’Ouest. Si des propositions de solidarité locale se manifestent, l’émotion encourage les déclarations révoltées : « si l’on ne peut avoir du pain, l’on assiège les boutiques des boulangers63 », ou l’appel à la révolution par Henry. Ainsi les tensions sociales et politiques qui s’aiguisent à la fin de 1870 déchirent le voile du peuple plaisancien.
La Commune à Plaisance
106Nous ne souhaitons pas faire ici une histoire locale de la Commune ; elle a été déjà en grande partie écrite par Marcel Cerf64. Dans une certaine mesure, l’échelon du quartier n’est pas pertinent, comme nous l’avons déjà perçu, pour la vie politique parisienne jusqu’en 1871. Ce qui compte, c’est Paris et la mairie du XIVe. Ainsi l’affiche-programme65 des candidats à la Commune, Billioray, Descamps et Martelet, dans l’arrondissement en mars 1871 ne fait strictement aucune allusion à Plaisance. C’est au niveau parisien que sont posés les enjeux et construits les rapports de force. Il peut donc sembler difficile d’isoler Plaisance. Toutefois, nous avons aussi vu que, entre le 4 septembre et le 18 mars, c’était déjà à Plaisance que se concentrait l’essentiel de la vie révolutionnaire et démocratique du XIV. Nous examinerons d’abord si ce phénomène se prolonge pendant la Commune en présentant une petite prosopographie des communards de Plaisance. Puis nous nous attacherons à certaines particularités des pratiques communardes à Plaisance, peu nombreuses, il est vrai.
Les communards
107Si l’on examine le personnel politique le plus notable de la Commune dans le XIVe, on peut constater en premier lieu que l’arrondissement n’a fourni que très peu des grands noms de la Commune, très peu de ses plus importants responsables si l’on excepte Billioray, qui fut un court temps membre du Comité de salut public. Le seul militant d’envergure du XIV, Théodore Sapia, qui demeurait à Plaisance, fondateur de La Résistance et de la Ligue républicaine de défense nationale à outrance, d’orientation blanquiste, fut tué lors de l’échauffourée qui opposa les gardes nationaux et les troupes du gouvernement provisoire le 22 janvier 1871. Mais ce fait ne remet pas en cause notre sentiment que le XIV est peu présent au niveau parisien.
108Mais l’examen de ce personnel montre aussi la prépondérance plaisancienne dans la militance révolutionnaire de l’arrondissement. Ceux de Plaisance sont surlignés en gras, ceux des autres quartiers en italique, les incertains ne sont pas surlignés.
Ayant pris des responsabilités parisiennes
Les trois élus du XIVe à la Commune : Billioray, Descamps, Martelet
Les délégués de la Garde nationale du XIVe au Comité central de la Garde nationale : Avoine fils, Billioray, Ledrux
Les délégués du XIVe au Comité des 20 arrondissements : V. Boyer, Hourtoule
Les responsables dans le XIVe
Les chefs de la XIVe légion de la Garde Nationale : Henry, Wetzel, Piazza, Avoine père
Colonel d’état-major de la légion : Dieu
Délégué de la commission municipale de la maison communale du XIVe : Pouget
Membres de la commission municipale : Avoine frère, V. Boyer, Florent, Garnier, Henry, Hourtoule, Martelet, Pérève
Président du comité de vigilance du XIVe : Sernet
Secrétaire de la section de Montrouge de l’ΑΙΤ : Myard
109Soit, sur 24 responsabilités importantes, 16 de Plaisance, 1 inconnu, 7 pas de Plaisance. La majorité est très large. On pourrait multiplier les exemples : 11 des 13 adhérents connus de la section de Montrouge de l’AIT sont de Plaisance ; 15 des 21 membres du Comité de vigilance du XIVe arrondissement dont l’adresse est connue sont de Plaisance ; 23 des 43 délégués de la 14e légion sont de Plaisance. Seule exception, la commission militaire de la légion désignée le 11 mars, 3 des 8 noms connus. Globalement on pourrait estimer qu’avec seulement 42 % de la population du quatorzième, Plaisance fournit les deux tiers des militants actifs. Ce qui n’a rien de surprenant quand on sait la sociologie du quartier en regard du reste de l’arrondissement (à l’exception du très peu peuplé quartier de la Santé, presque aussi pauvre). Et plus la responsabilité est politique, plus les Plaisanciens sont là.
164 communards
110Nous avons reconstitué un petit fichier de 164 noms de communards – à partir du dépouillement systématique du Dictionnaire Maitron (dont la version CD permet la recherche sur tout le texte) et de renseignements complémentaires tirés de l’ouvrage de Marcel Cerf, de La Résistance et de diverses sources. L’ensemble est-il représentatif ? Comme pour toutes les listes de communards, il pèche surtout gravement par l’absence des victimes des exécutions sommaires de la Semaine sanglante (20 000 environ à Paris, peut-être 200 Plaisanciens exécutés), qui restent toujours les inconnus de la Commune. Ce sont surtout les listes des condamnés qui sont utilisées par les chercheurs, et la très grande majorité de nos noms est constituée de gardes nationaux, les plus touchés par cette répression. Très peu de femmes aussi : une seule dans notre fichier. Nous restons dans un univers masculin, c’est un fait. La grande masse des communards a été des hommes. Certaines informations manquent pour certains individus, mais nos 164 communards font déjà une petite masse militante à étudier.
Socio-professionnel
111Nous avons tenté de relativiser le nombre de nos communards à celui des électeurs masculins pour voir les métiers qui ont une propension communarde. 127 ont une situation professionnelle connue ; environ 3 % des électeurs. Ce pourcentage monte très sensiblement, autour de 10 %, pour un certain nombre de catégories.
112La plus significative est le monde des artistes ou des ouvriers d’art (auxquels on doit ajouter les musiciens et les artistes scéniques, très bien représentés) : en tout 16 de nos communards ! Sans doute moins nombreux que ceux du bâtiment, mais proportionnellement bien plus présents (10 % des électeurs). Artistes peintres, peintres décorateurs, sculpteurs, ornemanistes, graveurs... constituent un petit monde très favorable à la Commune, très engagé dans sa défense. Aucun grand nom de l’art, cependant, si l’on excepte Henry, qui n’a alors que vingt ans. Artistes déclassés ou misérables comme Tassaert ; c’est volontiers l’image que les ennemis de la Commune ont tenté de répandre. Disons plutôt artistes marginaux ou cachés, à la différence de ceux qui résident boulevard du Montparnasse. Aussi proximité avec l’élite ouvrière des ébénistes, ciseleurs... présente dans le quartier. Un héritage de la bohème également, le goût de la rupture, de la différence sont sensibles chez ces artistes du fin fond de Paris. Parfois aussi goût de la radicalité et de la bagarre ; nombre d’entre eux s’investissent dans la garde nationale et ne sont pas les derniers au combat. Et sûrement pas les artistes du prince, quel qu’il soit.
113Des petits métiers sont aussi très bien représentés : cochers, concierges (à notre grande surprise) et monde de la brocante et de la chiffe ; le populo de la rue – dans sa version la plus modeste. Et bien utiles comme le concierge et cordonnier Badinier, qui accepte de loger l’état-major de la quatorzième légion au 91 chaussée du Maine, dans un local vide.
114Les journaliers sont aussi surreprésentés (plus de 8 %), mais il est possible qu’ils aient été sous-représentés sur la liste électorale, ce qui exagère ce pourcentage. À tout le moins, si on les associe au monde de la brocante et de la chiffe, voici les plus pauvres de Plaisance bien présents chez les communards. Là encore, prudence. Il est possible qu’ils aient davantage été touchés par la répression.
115Viennent ensuite les grandes masses du monde de l’usine, de l’atelier, de l’échoppe et du chantier : deux tiers de nos communards, tous bien présents avec des pourcentages par rapport aux inscrits variant de 3,8 % à 5,1 % – des écarts qui ne nous semblent pas significatifs. Donc les voici, les cordonniers (8), les menuisiers (7), les ouvriers du bâtiment (20), du livre-papier (12), des métaux (12), du tissu (5)... Donnant ainsi la vraie figure sociale de la Commune de Plaisance, l’ouvrier de métier, le compagnon, comme le cordonnier Louis Badinier, proche d’Henry.
116Viennent enfin les groupes moyennement représentés avec les employés de commerce et de bureau, un peu plus le bureau que le commerce, peut-être. Puis les groupes à peine représentés (1 %) : le monde de la bouche en premier lieu : seulement deux marchands de vin, encore un d’entre eux est-il en faillite et s’apparente plus au monde des pauvres ; seulement un boucher-charcutier, encore est-il lui aussi en difficulté et doit-il s’employer comme salarié en 1871. Il est vrai que l’action de la Commune, qui institua des magasins d’alimentation municipaux, dont deux à Plaisance, 23 rue Vandamme et 45 rue de Vanves, pour agir contre la spéculation, ne pouvait guère plaire aux marchands de bouche66. Les autres commerçants sont tout aussi rares ; deux dont une femme ; tout ce monde des petites classes moyennes de la boutique est ainsi absent de la Commune. Nos 120 marchands de vins, animateurs du quartier, ne sont pas là dans la révolution communale ou à peine. Peut-être prudemment neutres ? Seule très forte exception, les brocanteurs, forains... le tout petit commerce. Ce sont ainsi deux d’entre eux, Girin et Bourson, qui déménagent, à l’occasion de son arrestation, les meubles et la cave du commissaire de police destitué par la Commune, de Colligny, avec quelques brutalités67... Girin devint même commissaire de police de Plaisance.
117Tout en bas de cette hiérarchie pro-communarde, aucun communard dans un secteur important du salariat : celui de l’emploi à statut ou de service public. Aucun communard cheminot, aucun communard instituteur, aucun communard dans les transports en commun, aucun communard travailleur municipal (passe pour les sergents de ville, mais pour les cantonniers ?) et, bien sûr, aucun communard fonctionnaire. Absolument aucun dans notre échantillon plaisancien. Peut-être en l’élargissant en ramasserions nous quelques-uns, mais ils demeureraient une exception, une marge. A Plaisance, une fracture brutale sépare les ouvriers des métiers (qui sont plus proches des employés finalement) des salariés à statut : le monde indépendant de ceux qui n’ont rien à perdre et le monde de ceux qui ont un statut sûr à perdre. Seule fausse exception, les anciens militaires, souvent fervents patriotes et issus d’une armée qui avait été un groupe progressiste dans la première moitié du siècle, sont présents et jouent un rôle d’organisateurs de la bataille.
118On s’étonnera moins du taux zéro-communard des propriétaires et rentiers, des négociants et de la vraie et rare bourgeoisie de Plaisance. Il y a bien fracture de classes à Plaisance, tout en haut de la hiérarchie sociale.
119Si l’on extrait de cette base les douze militants qui ont assumé des responsabilités, le tableau social du communard plaisancien se déforme : cinq à sept, ce qui est énorme, sont du monde artistique plasticien, deux membres de la Commune, Billioray et Martelet, deux chefs de la XIVe légion, Henry et (très peu de temps) Avoine père, un membre du comité central de la garde nationale, Avoine fils ; Pouget et Hourtoule sont « peintres » (artistes ou du bâtiment ?). On les trouve d’ailleurs au plus haut niveau de ces responsabilités. Le surreprésentation des artistes s’exacerbe lorsque l’on monte la hiérarchie communarde plaisancienne.
120Dès lors tous les autres groupes paraissent moindres au sommet de la commune plaisancienne. Le monde des métiers reste là avec deux à quatre noms (mais on passe de 66 % à 16-33 % !) dont un tailleur de pierre, un menuisier et aucun cordonnier ! Enfin deux anciens militaires complètent cette liste. Les plus pauvres, les plus marginaux aussi disparaissent (pas de journaliers, de brocanteurs68...) comme les employés.
121Arrivé à ce point, une vraie question propre à Plaisance mérité d’être posée avec quelque provocation : la Commune à Plaisance ou la prise de pouvoir des artistes ? Ou les artistes comme porte-parole, comme médiateurs des communards ouvriers ? Curieux modèle révolutionnaire en tout cas, qui donne au modèle de Plaisance un nouvel aspect. Toujours, toutefois, sans la moindre symbolique. « Plaisance » n’existe pas pendant la Commune. Seul est lisible, seul est dit l’arrondissement qui fournit le lieu du pouvoir, le territoire de l’élection, la légion de la garde nationale. Seul est aussi pensé le faubourg, la périphérie, bloc qui court du XIIe au XXe arrondissement.
122On s’attachera moins à d’autres traits des particularités de nos 160 communards. Leur origine est assez diversifiée ; les Parisiens sont un peu surreprésentés, mais pas tant ; des petites régions font éclat (comme le Midi-Pyrénées...) soulignant la bonne représentation d’un grand Midi. Le plus intéressant est la très grande rareté, voire l’absence totale de certaines régions : la Bretagne-Vendée, les pays de la Loire, la Basse-Normandie. Sans surprise, l’immigration issue de la France catholique pratiquante de l’Ouest est extrêmement réticente à la Commune (qui est, elle, volontiers anticléricale !). Nous avons vu que ce ne sont pas des régions très présentes encore à Plaisance, mais de ce point de vue politico-religieux, tout de même, le creuset plaisancien n’a pas pris. Autre fracture profonde qui, certes, n’a rien de particulier à Plaisance, mais qui pourrait être appelée à se réifier avec la future immigration bretonne.
123Enfin, notons que nos communards se dispersent bien sur le territoire de Plaisance. On chercherait vainement une rue communarde, un îlot communard...
Pratiques communardes
124Peut-on enfin évoquer69 des particularités plaisanciennes autre que l’engagement très fort du quartier dans la révolution dont il fournit l’encadrement local. Sinon que le commissaire adjoint à Plaisance, Girin (nommé par la Commune), rapporte le 28 mars que le quartier partout réclame le drapeau rouge. Plaisance, au moins sa lisière nord, fournit aussi le lieu de départ de l’insurrection et la base matérielle des nouvelles autorités. Le 91 chaussée du Maine voit, le 6 mars, s’installer un poste du 103e bataillon, bataillon qui vote une motion exigeant que tous les officiers soient partisans de la démocratie et du socialisme. Lorsque Henry est élu chef de la XIVe légion – un colonel de vingt et un ans ! – il fixe le conseil de légion à cette adresse. C’est là qu’un premier incident éclate avec les autorités lorsque le maire adjoint Héligon, un républicain avancé pourtant, vient exiger, sans succès, le départ du conseil de la légion de ce local. Le 91 devient aussi le siège du commissariat de Plaisance reconstitué par la Commune. Enfin, le 18 mars, la première barricade du XIVe, érigée à l’annonce des événements de Montmartre vers dix heures du matin, se situe au carrefour de l’avenue du Maine et de la rue de Vanves.
125Plaisance, comme beaucoup des quartiers qui touchent aux fortifications, est voisin de la ligne de front avec les lignards (qui sont tout de même assez loin puisque les forts de Vanves et de Montrouge sont occupés par les fédérés jusqu’en mai). Le quartier prend de ce fait une allure quelque peu militaire. Oh, n’exagérons rien, la discipline des gardes nationaux n’était pas très grande et le chef de la légion, Piazza, se plaint que les hommes ne viennent que s’ils sont convoqués vingt-quatre heures à l’avance ! Mais la cartoucherie de la rue de Vanves (que l’on situe au moulin des Trois Cornets) fonctionne à plein ; une explosion y a lieu le 10 mai. Un obus tombe à cent mètres le 20 mai et le commissaire de police se plaint des risques encourus. Militarisation aussi de l’économie, qui avait déjà largement commencé pendant le siège. On réquisitionne ainsi dix-neuf paires de godillots entreposés chez Madeleine Brulé, marchande de chaussures, avenue du Maine, que l’on soupçonne de contrebande. C’est pourtant une ardente communarde et la compagne du responsable de la commission des barricades de l’arrondissement, Buyat... L’espionnite fonctionne – mais comme partout à Paris. Ainsi la police de la Commune visite le domicile, rue Couesnon, d’un chef de bataillon jugé hostile et qui sera destitué. Tous les dimanches aussi la légion défile, chaussée du Maine, en musique.
126Cet aspect militaire, ces hommes en armes, avec une discipline disons peu serrée, expliquerait-il un certain relâchement des mœurs dans le quartier ? Dès le soir du 18 mars, Henry aurait reproché aux insurgés de la barricade de la rue de Vanves d’être ivres70. Le 16 mai 1871, une affiche de la maison communale du XIVe arrondissement dénonce l’augmentation dans des « proportions considérables » de la prostitution sur la voie publique, « appel incessant aux plus viles passions », et l’importance de l’ivrognerie chez les gardes nationaux. Des mesures répressives vives sont annoncées.
127L’action du commissaire Bertin à Notre-Dame de Plaisance ne diffère pas de celle rencontrée dans de nombreux quartiers. Le 31 mars, il vient perquisitionner à l’église et au presbytère et arrête le curé Blondeau, qui sera déféré au juge quelques jours plus tard et enfermé à Mazas avec une trentaine d’autres abbés. Malgré une caution proposée de 1 000 francs, sa libération aurait été refusée71. Le 14 avril, Bertin opère une nouvelle perquisition et le premier vicaire, l’abbé Orsa, est arrêté quelques heures, puis relâché. Jusqu’au 6 mai, les offices peuvent être célébrés. À cette date, l’église est fermée et le 10 mai, un club communard s’y installe, qui fonctionnera jusqu’au 21 mai. Cette situation se retrouve dans de nombreuses églises de Paris. À Saint-Pierre de Montrouge, toute proche, le curé n’est pas arrêté, mais se cache. L’église est partagée en deux, le 30 avril, d’un côté d’une tenture, club, et de l’autre côté, messe ! Avant d’être fermée le 10 mai. Les écoles chrétiennes sont, suivant la décision de la Commune, laïcisées et les fournitures y deviennent gratuites ; mais à Plaisance, pas d’arrestation d’otages dans les couvents assez nombreux du quartier. Le commissaire Bompierre se fait aussi l’écho, en avril, d’une demande de changer les noms des rues Saint- ou Sainte-toponymes nombreux dans le quartier. Pouget, délégué à la mairie du XIVe, lui répond que la Commune examinera la question et qu’elle envisage de changer le nom de la chaussée du Maine en avenue Sapia. Les catholiques organisèrent une certaine résistance. Ainsi une pétition de 1 000 signatures aurait demandé la libération de l’abbé Blondeau72.
128La Commune a eu nombre de difficultés à organiser cette nouvelle démocratie populaire en pleine guerre civile. Ainsi les chefs de la XIVe légion se succèdent après l’arrestation d’Henry par les Versaillais. Un temps, Plaisance semble avoir disposé de deux commissaires ! Un commissaire adjoint à Plaisance (Girin) auprès du commissaire de Montparnasse (Bertin) ; un commissaire de Plaisance (Bompierre) au 91 chaussée du Maine. La stratégie militaire ne fut pas aussi des meilleures ; des conflits apparaissent entre la commission des barricades de l’arrondissement et la légion. Et si, en mai, des barricades sont établies à Plaisance (rue de Vanves, rue Guilleminot, rue du Géorama, rue du Château, rue du Chemin-de-fer, rue du Moulin-Vert, porte de Vanves73), la stratégie des Versaillais, après avoir occupé le XVe arrondissement le 22 mai, fut le lendemain d’éviter ce quartier de petites rues et de progresser par l’avenue du Maine, depuis la gare Montparnasse, par la rue d’Alésia et par le boulevard Brune. Les fédérés – du moins ceux qui étaient décidés à se battre encore – ne firent pas de Plaisance un réduit et se retirèrent dans le XIIIe arrondissement74. Plaisance, bastion de communards, ne fut pas un bastion de la Commune, ce qui affaiblit plus tard la lisibilité d’un Plaisance communard. La mémoire locale n’abonde pas en anecdotes. Albert Taulin se souvient que son père, 12 ans, aurait libéré des « francs-tireurs attachés à un poteau avec des liens à vache75 ». Lucie Nouet transmet un souvenir de famille sur « le dernier cavalier de la Commune », qui se serait embusqué au cabaret Le Petit Chaperon rouge, rue de Gergovie, en tirant sur les Versaillais76.
129La vie des clubs est riche à Plaisance comme ailleurs pendant la Commune. N’oublions pas non plus la presse. D’innombrables journaux paraissent vendus dans la rue, avec quelquefois une petite provocation anticléricale, comme l’évoque Albert Taulin : « Oui mon père a vendu Père Duchesne et Le Cri du Peuple à la porte du Couvent des Jésuites, rue Vercingétorix77. »
130De ses onze premières années de vie parisienne, alors même que le quartier connaît croissance urbaine rapide et marginalisation sociale, Plaisance sort avec une plaie au cœur, la Commune. Le sentiment de l’appartenance à la capitale des Plaisanciens n’en sera longtemps que plus fragile. Les figures du peuple plaisancien des années 1860 vont, elles aussi, s’effacer durablement.
Notes de bas de page
1 En 1864, le rapport du bureau de bienfaisance évoque les anciennes communes annexées de « Montrouge, Vaugirard, Plaisance ». Or Plaisance n’a jamais été une commune avant 1860 ! Compte rendu moral et administratif du Bureau de bienfaisance du XIVe arrondissement – exercice 1863, assemblée générale du 17 juin 1864, AD Paris, VD6 2101.
2 Compte rendu moral et administratif du Bureau de bienfaisance du XIVe arrondissement – exercice 186 3, op. cit.
3 23 juin 1866, « Baptême d’une cloche prise à Sébastopol et donnée par S.M. l’Empereur à l’église Notre-Dame de Plaisance ».
4 Dans le même numéro, Merpont, « Baptême d’une cloche ».
5 À ma connaissance, Plaisance ne sera plus jamais dans L’Illustration...
6 Église réformée de Paris, V paroisse : « PLAISANCE », 1861.
7 Église réformée de Paris, Aux fidèles de la Ve Paroisse Plaisance-Paris, 28 juillet 1867.
8 Dareau, président de la commission, réunion du 23 juin 1860.
9 Par exemple, la commission se plaint de l’état lamentable de la rue de la Gaîté (rue Vandamme), du poste de police à la rue du Chemin-de-fer (Château), pavés effondrés, pas d’écoulement, boues, immondices qui stagnent... Réunion du 17 décembre 1864.
10 Pétition évoquée dans La Presse du 29 avril 1869 et citée par le Bulletin mensuel des Trois Monts, mai 1931.
11 PV de la réunion du 18 mai 1861, AD Paris, V bis 14 I 5 1 à 4.
12 Le premier rapport est présenté à la réunion du 16 mars 1861 et concerne la « localité de Plaisance »
13 Réunion du 16 juillet 1864.
14 Réunion du 15 décembre 1860, visite de Degouy.
15 Réunion du 21 juillet 1860.
16 Réunion du 21 juillet 1860.
17 Réunion du 21 mai 1864.
18 Réunion du 21 juillet 1860. La commission ordonne que les portes soient fermées et qu’un gardien assure la sécurité.
19 Réunions des 21 juillet 1860 et 21 décembre 1861.
20 Réunion du 15 février 1862.
21 Encore en 1865, un article remarque que cette maison construite « sans aucune notion d’architecture » devrait être détruite par la préfecture de police, « Le Nouveau Robinson », La Presse, 15 mars 1865, cité par le Bulletin mensuel des Trois Monts, mai 1931.
22 Jules Vallès, Les réfractaires, op. cit.
23 Les Mosellans et Meurthe-et-Mosellans arrivent à égalité avec 76 cas.
24 Nous n’avons pas étudié les natifs de l’étranger, car nous avons indiqué que notre échantillon n’était pas significatif.
25 Émile Zola, Le ventre de Paris. Rappelons que Zola connaissait bien le quartier pour avoir vécu à son voisinage dans les années 1860.
26 C’est l’adresse qui figure sur le catalogue du salon de 1864.
27 Nous laissons de côté les 215 militaires jeunes inscrits sur les listes qui sont des conscrits.
28 AD Paris, VD6 2 107.
29 Père gravement malade, mère, une fille, deux orphelins, une grand mère sans ressources.
30 Le Robinson de Plaisance, constructeur de sa maison, avait été fabricant de guêtres. Mais en 1867, il n’est plus qu’un propriétaire sur la liste électorale...
31 Elle est aussi notée par Jacques Rougerie, Paris insurgé, La Commune de 1871, Paris, 1995.
32 Le sculpteur Hébert est signalé, en 1863, au 14 impasse Florimont, Pierre Nolot, « L’impasse Florimont – Petites gens avant Brassens », RH XIV, 1993.
33 Selon son biographe, Bernard Prost, Octave Tassaert, notice sur sa vie et catalogue de son œuvre, L. Baschet, 1886.
34 Cité dans Tournefeuille, bulletin annuel de l’association pour la mémoire des artistes Tassaert, Duport, Dardoize, Simon, 2002.
35 Selon Lucie Nouet, « Le dernier cavalier de la Commune (1871) », RH XIV, 1996.
36 P. Nolot, art. cité, RH XIV, 1993.
37 P.-H. Zaidman, Lucien Félix Henry, colonel de la Commune, condamné à mort et artiste australien, Éditions du Baboune, 2000.
38 Selon un rapport du commissaire de Colligny, cité par P. H. Zaidman.
39 Écho de la Gaîté, n° 1, s.d. (juillet 1869). Souligné par l’auteur.
40 Écho de la Gaîté, n° 2, 7 août 1869.
41 Écho de la Gaîté, n° 3, 28 août 1869.
42 Écho de la Gaîté, n° 4, 21 août 1869.
43 Écho de la Gaîté, n° 6, 4 septembre 1869.
44 Ibid. L’interruption de la parution de L’Écho nous prive de la suite de cette aventure.
45 Écho de la Gaîté, n° 2, 7 août 1869. « Espèces de temples mexico-égyptiens que nous ont légués les Garnier du passé. »
46 Torcinoe, « Causerie historique », Écho de la Gaîté, n° 2, 7 août 1869.
47 Écho de la Gaîté, n° 5, 28 août 1869.
48 « Un malentendu », La Résistance, 21 frimaire, an LXXIX.
49 De Th. Leclerc, La Résistance, 7 frimaire, an LXXIX.
50 « Rodrigue le Rouge », par Anna Laugier, La Résistance, 27 frimaire, an LXXIX.
51 Extrait d’un rapport de police publié dans l’entrée Félix du Dictionnaire Maitron.
52 Selon James Guillaume, cité dans l’entrée Chemalé du Dictionnaire Maitron.
53 À cette liste on pourrait aussi ajouter Jean Garnier, ciseleur sur bronze, signataire du manifeste des Soixante, délégué de sa corporation à l’exposition universelle de 1867, dirigeant de la chambre syndicale des ouvriers en bronze, qui habitait rue du Transit.
54 Voir aussi la résolution parue dans Le Rappel, 11 septembre 1870.
55 En effet, en novembre 1870, le maire Asseline est élu comme « libre-penseur » et ses trois adjoints, Heligon, ouvrier en papiers peints, Perrin, sculpteur, Nègre, typographe, se revendiquent de leur étiquette socialiste. Mais ils ne suivront pas la Commune.
56 Réunion du 10 novembre 1870, La Résistance, 21 brumaire, an LXXIX. Asseline est aussi franc-maçon ; cf. aussi Les discours prononcés au cimetière Montparnasse le 31 octobre 1880 pour l’inauguration du Monument de Louis Asseline, Paris, 1880.
57 La Résistance, 22 décembre 1870 ; réunion de la section du 18 décembre.
58 La Résistance, 20 brumaire, an LXXIX ; souligné dans le texte.
59 Th. Sapia, « M. Ferry et le arrondissement », La Résistance, 17 décembre 1870.
60 Georges Bertin, « Belleville ! ! », La Résistance, 21 frimaire, an LXXIX ou « Juin 70 », La Résistance, 25 frimaire, an LXXIV.
61 L’un d’entre eux se prononce contre une mairie de Paris, réunion du 13 novembre 1870, La Résistance, 28 brumaire, an LXXIV.
62 La citoyenne Procheska, La Résistance, 22 décembre 1870.
63 Avoine (père ou fils ?).
64 Marcel Cerf, La Commune dans le 14ème arrondissement, s.d., dactylographié.
65 Election communale – Programme imposé par les réunions électorales du XIV arrondissement aux candidats Billioray, Descamps et Martelet qui ont été unanimement acclamés.
66 Affiche de maison communale du XIV du 9 mai 1871. Les autres magasins sont 39 rue Brezinet 82 rue de la Tombe-Issoire.
67 Girin donne un coup de crosse à la femme de De Colligny selon sa déclaration au procès d’Henry, cf. P. H. Zaidman, op. cit.
68 Sauf Pouget, qui pourrait être brocanteur, mais on ne sait même pas s’il est de Plaisance, ce vrai inconnu de l’histoire qui a finalement assumé pendant deux mois l’essentiel du travail de maire du XIVe !
69 Sauf mention contraire, les faits rapportés ici viennent de Marcel Cerf, op. cit.
70 Cf. P. H. Zaidman, op. cit.
71 D’après la « Relation de la délivrance de M. l’abbé Blondeau, curé de Plaisance et premier otage de la Commune », écrite par l’abbé le 27 octobre 1871 et publié dans L’Écho de Plaisance (journal paroissial) de juillet 1900. Un juge d’instruction de la Commune, Coppens, le fit libérer le 5 mai. Caché à Charenton, l’abbé Blondeau revint à Plaisance le 6 juin. Il accepta de témoigner en faveur de Coppens, qui ne subit pas une lourde condamnation après la Commune.
72 D’après la « Relation de la délivrance de M. l’abbé Blondeau, curé de Plaisance et premier otage de la Commune », art. cité.
73 Albert Taulin, fils de communards, se souvient que son père évoquait la grande barricade « à côté des champs de navet », avenue du Maine. Cf. la lettre d’Albert Taulin, 77 ans, au maire du XIVe, publiée dans la RH XIV, 1971.
74 II y eut cependant des combats dans les catacombes qui plurent aux journaux friands, de pittoresque, et Louis Peygnaud évoque la mort d’un jeune soldat versaillais, paysan limousin, tué rue de Vanves le 22 mai 1871, Le bal des conscrits, 1968.
75 Lettre citée, cf. n. 84.
76 Lucie Nouet, art. cité.
77 Lettre d’Albert Taulin, citée n. 84.
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