Des archives à la recherche. De l'entreprise aux territoires
p. 199-204
Texte intégral
1Le territoire qui forme depuis le 10 juillet 1964 le département des Hauts-de-Seine est tout à la fois l'héritier, le dépositaire et le continuateur d'une longue et riche tradition d'histoire des transports dans la région parisienne. La voie navigable est, sans aucun doute, le premier vecteur de transport de notre civilisation. Le fleuve, qui a donné son nom au département, le traverse ou le borde, d'Issy-les-Moulineaux à Rueil-Malmaison. Des activités portuaires très importantes s'y sont développées à Gennevilliers et, dans une moindre mesure, avec le port communal de Nanterre. L'infrastructure du réseau routier ne sera évoquée que brièvement, avec principalement le chemin de Paris à Saint-Germain-en-Laye appelé route royale ou le « Pavé du Roi » qui, dès le début du xviie siècle, reliait la capitale à la résidence royale et le célèbre pont de Neuilly, édifié par Jean-Rodolphe Perronet entre 1768 et 1772.
2Soixante-cinq ans plus tard, le 24 août 1837, la reine Marie-Amélie, épouse de Louis-Philippe, inaugure la première ligne régulière française de chemin de fer pour voyageurs qui, partant de la place de l'Europe à Paris, traversait plusieurs communes du département avant d'atteindre son terminus provisoire au Pecq. Cette ligne allait entrer dans l'histoire sous le nom de « ligne école » (P. Dauzet) ou simplement, « ligne de Paris à Saint-Germain ». Dès le début du Second Empire, en septembre 1855, l'inauguration de la concession Loubat ou « chemin de fer américain » (à traction animale) entre la place de la Concorde, Boulogne et le pont de Sèvres, ouvre la période des tramways dans la région parisienne.
3Corrélativement au développement des différents modes de transports, de nouvelles industries apparaissent. Parmi les plus importantes, l'industrie du cycle, dont l'essor remonte aux débuts de la Troisième République, s'implante dans le département. Plusieurs usines sont construites à Boulogne (Louis Clément), Courbevoie (Griffon), Neuilly (Alcyon), Rueil-Malmaison (Hurtu), etc. Mais le plus beau fleuron industriel des Hauts-de-Seine demeure la construction automobile.
4Par leur nombre et leur taille, par leur réputation mondiale et le prestige lié à leur nom, par les victoires et les trophées gagnés dans toutes les compétitions, les sociétés implantées dans les Hauts-de-Seine ont contribué à associer ce département à l'automobile. Ariès à Villeneuve-la-Garenne, Bellanger à Neuilly, Chenard et Walcker à Gennevilliers, Clément-Bayard à Levallois-Perret, Delage à Courbevoie, De Dion-Bouton à Puteaux, Facel-Vega à Colombes, Grégoire à Asnières, Hispano-Suiza à Bois-Colombes, Salmson à Boulogne-Billancourt, Simca à Nanterre, Talbot à Suresnes et enfin, l'un des deux derniers grands constructeurs français toujours en activité, Renault à Boulogne-Billancourt, sont quelques exemples choisis parmi les 261 marques recensées par le chroniqueur automobile Jean-Paul Thévenet en 19911.
5Dernier aspect, mais non le moindre, les activités se rapportant au ciel : le département a été le témoin privilégié des expériences aéronautiques de Charles Renard et d'Arthur Krebs2, d'Albert Santos-Dumont qui en 1906 remporte le prix Deutsch, et de Henri Farman, qui effectue le 13 janvier 1908 à Issy-les-Moulineaux le premier kilomètre en circuit fermé sur un aéroplane Voisin. Tous ces exploits vont entraîner dans le département la création d'entreprises de constructions aéronautiques. Parmi les plus célèbres, Voisin et Farman à Boulogne-Billancourt, Louis Blériot et Nieuport à Suresnes, Émile Dewoitine à Châtillon et peut-être le plus illustre, Marcel Dassault, qui ouvre dès 1930 ses premiers ateliers à Bois-Colombes et à Boulogne-Billancourt et dont l'implantation se maintient aujourd'hui encore à Saint-Cloud et Vaucresson.
6Paradoxalement, cette longue et riche histoire des transports du département ne s'appuie malheureusement pas sur des fonds spécifiques et importants conservés par les archives départementales des Hauts-de-Seine. À défaut d'un recensement exhaustif, il faut néanmoins signaler les quelques fonds et collections intéressant ce domaine, tant aux archives départementales que dans quelques autres institutions du département.
Archives départementales des Hauts-de-Seine3
Les fonds
7La direction départementale de l'Équipement des Hauts-de-Seine a effectué plusieurs versements, dont certains contiennent des archives se rapportant aux constructions et reconstructions de ponts et routes qui étaient aménagés pour le passage des lignes de tramways de la fin du xixe siècle à la première moitié du xxe siècle, ainsi que les prolongements des lignes de métro, en particulier la ligne n° 13 : AD 92 - 1141 W, 1162 W.
8La direction des Services industriels et commerciaux - Section des égouts de la Ville de Paris - a versé en 1981 près de quatre-vingt-dix mètres d'archives non classées, couvrant la fin du xixe siècle et le début du xxe siècle. Une partie de ces documents intéresse la construction du métro parisien et ses prolongements en banlieue : AD 92 - S et 1027 W.
9La direction de la Réglementation de la préfecture des Hauts-de-Seine a en 1997 versé quatorze boîtes de dossiers individuels d'agrément de gardes particuliers, dont la très grande majorité intéresse des personnels de la RATP de 1967 à 1982. Le dossier contient généralement la demande d'agrément, l'enquête de police, l'extrait de casier judiciaire et l'arrêté préfectoral d'agrément : AD 92 - 1328 W.
10Les archives des anciennes justices de paix permettent de retrouver les actes de constitution de toute société commerciale, depuis la loi du 24 juillet 1867. Ainsi, depuis cette date et jusqu'en 1936, il est possible de suivre la constitution de la société avec le dépôt d'un double de l'acte constitutif, la modification des statuts, la prorogation ou la dissolution anticipée de la société, les changements d'associés ou de raison sociale. Cependant, ces actes intéressant les sociétés de transports sont assez peu nombreux du fait de la fréquente installation à Paris du siège social : AD 92 - 4U.
11Le fonds des études notariales, conservées par les archives départementales des Hauts-de-Seine, permet au chercheur de consulter les minutes d'acquisition de terrains et de parcelles auprès des particuliers par les compagnies de chemin de fer lors de la construction des premières lignes de Paris à Saint-Germain ou de Paris à Versailles (rive droite et rive gauche). À noter aussi, les reventes effectuées par les compagnies de certains terrains ne présentant plus d'utilité après l'ouverture des lignes, tout spécialement, pour ce qui concerne la ligne Paris-Versailles, par la rive gauche en juin 1841. La recherche est complétée par l'étude des matrices cadastrales qui permettent de connaître précisément le nom des propriétaires des différentes parcelles et l'année d'acquisition ou de vente : AD 92 - 3E (Notariat), AD 92 0150 3P (cadastre).
12Les archives d'entreprises publiques du secteur des transports sont peu importantes aux archives départementales des Hauts-de-Seine. Néanmoins, les procès-verbaux du comité d'établissement de la SNECMA (Société nationale d'étude et de construction de moteurs d'aviation) à Gennevilliers ont été microfilmés pour la période 1946 à 1989 : AD 92 - 1 Mi 111 à 120.
13Les archives départementales des Hauts-de-Seine conservent très peu d'archives d'entreprises privées. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette situation. D'une part, la création récente des nouveaux départements (1er janvier 1968) et dans le cas de ce département, l'absence de lieu de conservation adapté jusqu'en 1978, n'ont pas permis de collecter des fonds à une époque où la désindustrialisation et les fermetures d'entreprises dans ce secteur étaient déjà très importantes. D'autre part, il n'y a pas d'obligation légale de versement d'archives pour les sociétés privées, malgré le décret n° 79-1040 du 3 décembre 1979 relatif à la sauvegarde des archives privées présentant du point de vue de l'histoire un intérêt public. Enfin, l'article 157 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, qui oblige le liquidateur à informer l'autorité administrative compétente avant la vente ou la destruction des archives du débiteur, n'est quasiment jamais suivi d'application.
14On signalera toutefois le dépôt des dossiers et plans de construction des bateaux construits par la Société française de construction navale à Villeneuve-la-Garenne (259 articles, représentant vingt-sept mètres et couvrant la période 1923-1992) : AD 92 - 42J.
Les collections
15Depuis la création des archives départementales en octobre 1968, et à défaut de pouvoir recevoir pendant une dizaine d'années des fonds d'archives, une politique intensive d'acquisition a été menée afin de constituer des collections de cartes, plans, gravures, estampes, photographies affiches, brochures, plaquettes, cartes postales et des ouvrages. Compte tenu de sa très riche histoire dans ce département, le thème du transport, dans toutes ses composantes (fleuve, chemin de fer, automobile et aviation), occupe une place de choix.
Ouvrages
16Plus de 350 titres se réfèrent aux transports depuis le pittoresque Voyage de Paris à Saint-Cloud par mer et retour par terre de Louis Néel, publié quelques années avant la Révolution, en passant par les quatre remarquables volumes de Louis Lagarrigue Cent ans de transports en commun dans la région parisienne, imprimés en 1956, jusqu'à la collaboration iconographique des Archives départementales à l'ouvrage Éole, un voyage à travers l'histoire de Paris et de l'Île-de-France, SNCF, Le Plessis-Robinson, 1992 : AD 92 - Bibliothèque historique, série BT.
Cartes postales
17Parmi notre collection de près de 11 000 unités, plus de 500 cartes antérieures à 1940 et plus de 200 postérieures à la Seconde Guerre mondiale sont des représentations de gares, stations, rues, places et autres lieux traversés par les trains, tramways, trolleys et autobus : AD 92 - 9Fi et 10Fi.
Estampes et gravures
18Cette petite collection, constituée d'environ une cinquantaine d'exemplaires, se rapporte principalement à l'automobile et à l'aviation : AD 92-2Fi 6.
Cartes et plans
19Dans cette très riche et abondante collection, sur de nombreuses cartes, le tracé des voies ferrées de toute origine est très souvent indiqué et quelquefois des petites vignettes illustrées représentent les gares ou les stations de certaines lignes. A signaler, tout particulièrement, la Carte itinéraire du chemin de fer de Paris à Versailles (rive droite) inaugurée le 3 août 1839 avec l'indication de tous les ouvrages d'art et le profil de la ligne : AD 92 - 3Fi, 4Fi et 5Fi.
Photographies
20Dans cette rubrique, il convient surtout de mentionner les photographies aériennes réalisées à partir de la seconde moitié du xxe siècle et qui permettent de suivre le tracé ancien des lignes des voies ferrées ainsi que les nouvelles réalisations (RER, TGV et extension des lignes de métro) dans le schéma urbain de la banlieue parisienne. Des clichés de stations ont été aussi réalisés entre 1973 et 1976 dans le cadre d'un reportage photographique concernant l'ensemble des communes du département : AD 92 - 12Fi, 13Fi, 15Fi et 20Fi.
Affiches
21Sur un total qui comprend environ 450 affiches illustrées relatives essentiellement à l'industrie et au commerce, prédominent le cycle et l'automobile. Quelques-unes font référence à la ligne de Sceaux. A noter aussi l'illustration du funiculaire de Meudon-Bellevue, aujourd'hui disparu : AD 92 - 23Fi et 24Fi.
Brochures et plaquettes publicitaires
22Les 350 brochures et plaquettes intéressent quasi exclusivement l'automobile et l'aviation : AD 92 - 33J.
Archives communales
23Les archives communales conservent, dans la série O, des documents très intéressants concernant les moyens de transports. Un exemple : Asnières, qui possède un fonds comprenant entre autres des études, traités, plans, affiches et correspondances diverses se rapportant aux tramways (1875-1925) et aux omnibus (1870-1898). De même pour les années plus récentes, dans la série W, le chercheur pourra consulter les dossiers constitués à l'occasion de l'extension de la ligne n° 13 du réseau RATP. Sur cette même ligne, mais dans sa partie sud, les archives communales de Vanves détiennent aussi en séries O et W des documents similaires.
24Les registres des délibérations des conseils municipaux peuvent aussi receler des vœux pour l'ouverture de stations de métro, d'arrêts d'autobus ou de nouvelles dessertes de quartiers, à la suite de pétitions rédigées par les habitants.
EPAD4
25Parmi les fonds très fournis de cet établissement public de l'Ouest parisien, il convient de signaler les nombreux dossiers consacrés au passage du RER. Et, tout particulièrement, à la construction de l'imposant complexe de la gare souterraine et aussi un peu plus récemment au prolongement de la ligne 1 jusqu'à la station Grande Arche de la Défense et l'élargissement du pont de Neuilly, rendu nécessaire pour le passage du métro sur la Seine.
Musée de l'Île-de-France5
26Ce musée préserve différents matériels de la célèbre ligne de Sceaux avec, en particulier, la motrice Decauville Z 23237 de 1937, mais aussi de nombreuses et riches collections iconographiques (gravures, plans, affiches, photographies, etc.).
27En 1982, s'est tenue à l'Orangerie du château une exposition consacrée aux chemins de fer, dont un catalogue a été imprimé. Voir : Des trains dans un château. Histoire de la ligne de Sceaux (1846-1982), Orangerie du château de Sceaux, 23 avril-27 juin 1982.
Musée départemental Albert-Kahn6
28Parmi les milliers de clichés autochromes et de films réalisés par les opérateurs au service d'Albert Kahn entre 1910 et 1931, quelques-uns intéressent l'histoire des transports sous l'aspect de la vie quotidienne, à Paris comme sur d'autres territoires français, voire étrangers.
Notes de bas de page
1 92 Express, n° 25, octobre 1991, p. 41.
2 Premier circuit aérien fermé en ballon dirigeable : Meudon-Villacoublay-Meudon, le 9 août 1884.
3 137, avenue Joliot-Curie, 92000 Nanterre.
4 Établissement public d'aménagement de la défense, cellule Archives. Tour Fiat, place de la Coupole, 92080 Paris-la-Défense.
5 Château de Sceaux, 92330 Sceaux.
6 14, rue du Port, 92100 Boulogne-Billancourt.
Auteur
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