Les transports urbains collectifs du Sud-Est parisien : rappels historiques de 1830 à 1950, état de la recherche et des sources aux archives départementales du Val-de-Marne
p. 189-192
Texte intégral
1À la frange de la capitale, le territoire du Sud-Est parisien est évidemment riche d’enseignements sur les transports urbains collectifs et sur les mutations de population que leur développement a pu provoquer, entre autres facteurs. L’histoire val-de-marnaise, qui conjugue la route, le fer, l’eau et l’air, porte la trace d’affrontements d’intérêts qui ont engendré bien des hésitations, bien des retards, bien des échecs, encore inscrits dans le paysage d’aujourd’hui.
2Clio 94, la Fédération regroupant l’ensemble des sociétés savantes du département, avait déjà dressé, dans son colloque du 15 octobre 1994, en partenariat avec les archives départementales, le panorama de l’implantation et du développement des transports urbains de 1830 à 1950. Pour plus de détails, je vous renvoie à la publication des actes de ce colloque. De manière très schématique, quelles sont les lignes de force qui se sont dégagées de ces travaux ? Le chemin de fer représente le grand bouleversement, le territoire val-de-marnais jouant dans ce domaine un rôle modèle. Le tracé du Paris-Orléans, à partir de 1829, privilégie la vallée de la Seine et les impératifs du commerce et de l’industrie, remettant en cause la doctrine des tracés directs défendue par le corps des Ponts et Chaussées. Le chemin de fer devait se mettre au service des villes existantes plutôt que de réduire les distances. Le premier tronçon Paris-Corbeil est mis en circulation en septembre 1840.
3La ligne de Sceaux est un modèle de desserte de la banlieue, qui devait se généraliser dans les années 1890. Aux beaux jours, la ligne rencontre, dès 1848, un succès inattendu, donnant ainsi l’occasion d’organiser des services d’omnibus en correspondance régulière avec les trains. Mais ceux-ci restent longtemps des trains de loisirs. Ce n’est qu’à la fin du xixe siècle qu’ils permettent l’accroissement du peuplement de la banlieue.
4Même chose pour la ligne de Vincennes, ouverte en 1859 de la Bastille à La Varenne-Saint-Hilaire, qui devait permettre aux ouvriers de trouver à distance de leurs ateliers des logements plus grands et plus salubres. Ce train à petite vitesse et à prix réduit dessert toutes les gares en cinquante minutes, avec un départ de train toutes les demi-heures. Les trains ouvriers, qui d’ailleurs profitent à tout le monde car les ouvriers ne se sont pas si rapidement éloignés de la capitale. Le peuplement de la banlieue ne s’accélère, en effet, que vers les années 1890 en fonction de deux éléments majeurs : l’adoption de la journée de huit heures et la création de lotissements par le conseil général de la Seine : par exemple, Rungis sur l’actuel emplacement du Marché d’intérêt national.
5Le chemin de fer de la Bastille, prolongé jusqu’à Verneuil-l’Étang, n’a pas véritablement contribué à développer le plateau briard, resté toujours très enclavé. Aujourd’hui encore, le RER n’envoie qu’une rame sur deux au-delà de La Varenne, marquant encore l’ancienne frontière entre la Seine et la Seine-et-Oise. Le train des Roses, de 1872 à 1914, permet d’acheminer vers les Halles de Paris les roses cultivées en remplacement de la vigne. Mais la guerre de 1914 amène le remplacement du train par le camion.
6Rappelons enfin que les grands propriétaires de Seine-et-Oise, tels la famille Berthier, prince de Wagram, à la tête du majorat de Grosbois, s’opposent farouchement à l’extension du chemin de fer qui contourne soigneusement Grosbois et la ferme de Mandres.
7On voit donc bien que l’extension urbaine s’est réalisée au coup par coup, bien que la compagnie Paris-Orléans ait, la première, ouvert la voie à l’électrification des lignes de banlieue à partir de 1898 (électrification des gares d’Austerlitz et Orsay). La gare Saint-Lazare ne fut électrifiée qu’après 1924.
8L’histoire du port d’Ivry-sur-Seine révèle une concurrence sans merci entre l’eau et le rail, d’où résulte une parfaite absence de coordination. Jusque vers 1868, les bateaux à vapeur chargés de voyageurs relient régulièrement le Pont national au viaduc d’Auteuil. Au niveau du trafic commercial, les tonnages en matériaux de construction et produits alimentaires sont fluctuants selon le débit de la Seine. Il faut d’ailleurs, à partir des années 1850, régulariser le débit du fleuve par la construction de barrages et d’écluses. Il y a échec pour faire d’Ivry-sur-Seine un point de contact entre le Paris-Orléans, la vallée de la Basse-Seine et le réseau navigable du Nord. Une telle harmonisation aurait permis d’abaisser les prix du transport des denrées. G. Noblemaire, directeur du PLM en octobre 1899, déclare : « que la multiplication des raccordements entre la voie de fer et la voie d’eau soit avantageuse au commerce, cela ne fait pas le moindre doute, avantageuse aux voies navigables, il n’y en a pas davantage, avantageuse aux chemins de fer, cela est une autre affaire... ».
9À la fin du xixe siècle, la partie ex-Seine du Val-de-Marne bénéficie du développement du tramway à traction animale, puis à traction électrique. Les communes les plus proches (Vincennes, Charenton, Saint-Mandé, Vitry-sur-Seine et Villejuif) perfectionnent ainsi leur connexion avec le centre de Paris. Cette extension vers l’Est est rendue possible par les finances locales, par exemple à Nogent ou à Saint-Maur. Mais il faut attendre les lendemains de la Première Guerre mondiale pour que s’instaure réellement la migration quotidienne entre Paris et la banlieue Sud-Est.
10Enfin, le tramway, qui nécessitait de repenser l’aménagement urbain des routes, a été supplanté par les autobus dès 1926. Aujourd’hui encore, le Transval-de-Marne, ligne d’autobus en site propre, marque l’hésitation vers l’option tramway.
11L’aéroport d’Orly a aujourd’hui 80 ans. Les Américains s’y installèrent en 1918. Aéroports de Paris fut créé le 24 octobre 1945. En 1953, Air France quitte définitivement le Bourget pour s’installer à Orly. Les années 1961-1974 marque l’apogée de l’aéroport, en trafic voyageurs et marchandises ainsi qu’au plan touristique, puisque, dans ses premières années, le site est plus visité que la tour Eiffel. Lorsqu’Orly a été construit, son unique desserte fut une autoroute et non une voie ferrée. L’idée était que seule une clientèle aisée viendrait en voiture particulière ou en taxi prendre l’avion. Il s’en est suivi une rupture de charge toujours évidente aujourd’hui, ainsi qu’un manque de connexion par les transports urbains qu’Orlyval, solution coûteuse de rattrapage, n’arrive pas à combler.
12Après ce bref survol, quels sont les travaux repérables sur le Sud-Est parisien ? Des travaux d’urbanistes et de géographes tout d’abord, des études d’histoire et d’économie ensuite, qu’il conviendrait de croiser et qu’on trouvera à la bibliothèque des archives départementales. À cela s’ajoutent publications et articles de revues sur le Sud-Est parisien.
Les sources d’archives
Les archives publiques
13L’essentiel est constitué par des archives communales déposées aux archives départementales.
14Ces fonds renseignent sur tous les types de transports (sauf l’avion) de 1813 à 1943. Les fonds d’archives publiques contemporaines, après 1945, sont très pauvres : je relève des versements de la direction départementale de l’Équipement pour les années 1962 à 1988 et deux versements du cabinet du préfet pour les années 1986 à 1994.
Les archives privées
15À signaler, un don du service du Domaine de la RATP concernant les ventes de sous-stations de trolleybus et de tramways par la RATP à des communes du Val-de-Marne (2 642 pièces, cotées 1 J 985 à 994) pour les années 1845 à 1979. Dans le fonds de la Semmaris, coté 56 J, société d’économie mixte du MIN de Rungis, on relève des dossiers de desserte du marché et de ses abords à partir de 1967.
16Pour étudier l’histoire sociale des personnels de la SNCF et de la RATP, on se référera :
- aux fonds Pennetier Père et fils, coté 6 J, comportant des archives politiques (la Taupe Rouge, la Ligue communiste révolutionnaire, les Jeunesses communistes) de 1968 à 1973 ;
- aux fonds déposés par l’Institut d’histoire sociale du Val-de-Marne, cotés 72 J, notamment les sections CGT des dépôts de Thiais et Ivry-sur-Seine de 1968 à 1985 et les archives des conflits dans les dépôts de Thiais, Ivry-sur-Seine et Boissy-Saint-Léger de 1970 à 1990 ;
- au fonds du syndicat CGT des travailleurs du chemin de fer de Villeneuve-Saint-Georges, entré l’année dernière, sous la cote 85 J, il permettra d’étudier l’organisation et la vie du syndicat, les organismes paritaires, les conflits, les actions de solidarité, la gestion des œuvres sociales.
17Ces fonds sociaux ne sont, pour l’instant, que très peu utilisés par la recherche historique, alors qu’ils seraient très aisément communicables à qui voudrait bien les demander.
18Enfin, les ressources des archives départementales sont très riches dans le domaine des images fixes (iconographie) et des images animées (audiovisuel). Cartes postales, estampes, dessins et aquarelles, photographies, affiches traitent de tous les moyens de transport en commun... sans oublier les dirigeables.
19En audiovisuel, il y a, entre autres, les Actualités vincennoises de 1947 à 1957 et les films de l’atelier audiovisuel de la SNCF intitulés La Bastille, retraçant l’histoire de la ligne de Paris à Verneuil-l’Étang, Il était une voie sur le PLM, Sans fausse note sur les ateliers de Villeneuve, Une ville nommée banlieue à partir des guinguettes du bord de Marne.
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