Organisation et réorganisation des naissances et décès
Listes et récits dans les livres de famille italiens
p. 333-355
Note de l’auteur
Traduit de l’anglais par Marie Marchandeau (avec P. Chastang)
Texte intégral
1L’observation des livres de comptes de deux célèbres marchands en activité dans les années 1400, dans ce qui deviendra respectivement l’Italie et l’Allemagne, fait apparaître des similitudes frappantes. Si l’on fait abstraction des différences linguistiques et commerciales, les comptes de Francesco Datini de Prato1 et ceux de Hildebrand Veckinchusen2 se ressemblent par de nombreux aspects. Après avoir précisé le nom du client, chaque entrée commence par le même mot (Item chez Veckinchusen, E chez Datini) et ce dernier est suivi de la description de l’article vendu. Le prix est inscrit dans la marge droite de la page. De plus, dans les comptes de Veckinchusen comme dans ceux de Datini, les entrées n’omettent jamais le verbe indiquant comment la somme d’argent mentionnée doit être utilisée – de dare ou de avere, par exemple. À première vue, on croit discerner des listes chez Veckinchusen, voire des tableaux chez Datini, réunissant des entrées de livres de comptes. Mais, après une deuxième analyse, l’identification ne paraît plus si claire : sont-ce des listes de créditeurs et de requêtes, ou seulement une série de phrases qui se ressemblent ?
2S’il semble raisonnable de penser que ces listes sont un élément fondamental des livres de comptes, il reste toutefois à déterminer si ce type de listes est employé dans les livres de comptes médiévaux en général et, d’ailleurs, si l’on se servait réellement de listes. Cet article tâchera de répondre à cette question. Mais, en premier lieu, avant d’identifier certains textes comme des listes, il semble important de se demander comment les relations entre les segments d’un texte sont créées. En d’autres termes, quelles caractéristiques présente l’écriture lorsqu’elle lie des modules textuels afin qu’ils prennent davantage de sens ?
3On pourrait suggérer que le style d’écriture des comptes et des livres de comptes joue un rôle important dans d’autres genres, qu’ils relèvent ou non du domaine des écrits marchands. L’enjeu se situe au-delà des questions de rationalité ou de simple prise en note d’informations. Cet article fait l’hypothèse que la présentation des textes composés sous la forme qui sera examinée est devenue un élément essentiel de la culture écrite au XVe siècle, notamment en Italie, mais peut-être également dans d’autres régions. Une forme qui, d’un strict point de vue moderne, semble très dysfonctionnelle, même au sein de livres de comptes. Néanmoins, ce style et ses variations paraissent relever d’une literacy qui mobilise fortement l’apparence visuelle du texte écrit et la disposition de segments établissant des relations entre les différents éléments du texte. La production du sens au Moyen Âge et au début de la période moderne fait appel à des caractéristiques de la culture de l’écrit qui sont à la fois plus nombreux et différents de ceux que nous connaissons aujourd’hui. Ce que nous décrirons ici est sans doute un élément particulier de cette literacy qui diffère des façons actuelles d’écrire et de lire un texte. Cette hypothèse paraît concorder avec un grand nombre de travaux académiques sur la literacy médiévale qui vont dans cette direction3.
Les relations entre liste et texte courant
4Il est intéressant de préciser ce que sont les listes, ou plutôt d’examiner l’éventail des formes qu’elles ont pu prendre. La définition établie par le programme de recherche Polima est abstraite et donc à notre avis très utile :
Le principe de la liste joue ici sur ses deux plans essentiels, à savoir l’ordre (d’où la chronologie) et la segmentation (définition d’unités discrètes – au sens propre).
5Comme cette définition le suggère, l’ordre et la segmentation sont sans doute les éléments fondamentaux d’une liste. Si l’on essaie de simplifier davantage l’analyse, un autre aspect se dégage. Trois éléments tels que « chocolat, lait, noisettes » constituent une liste. Il peut s’agir d’une liste de courses, d’allergies ou encore de préférences alimentaires. Sans un contexte – qu’il nous faut imaginer –, généralement donné par un titre, une telle liste ne donne aucune information utile. Elle ne livre pas non plus d’indication sur la hiérarchie éventuelle au sein de la liste, du type « il faut avant tout acheter du chocolat ».
6On trouve ces types de listes « simples » dans les livres de comptes, mais elles ne sont pourtant pas si répandues. Dans le Libro di entrata e uscita (livre de caisse) de Francesco Datini, tout comme dans son Quaderno di spese di casa (livre de raison), qui traitent tous deux de sommes d’argent liquide et non pas de dettes ou de crédits liés à des personnes, on trouve des listes qui ne donnent comme titre que la date du jour. Plus d’informations étaient superflues, dans la mesure où les livres dans lesquels étaient écrites ces listes fournissaient suffisamment d’informations pour les « lire » correctement4. Cette interprétation est confortée par le fait que lorsque ce type de liste apparaît dans les libri di famiglia – ce qui est fréquent –, un titre est nécessaire. Lorsqu’en 1459 Bongianni Gianfigliazzi dresse la liste de plus de quarante pièces de mobilier et autres articles, il introduit cette liste par une explication liminaire plus longue, qui montre que tous ces articles proviennent du manoir de Marignola qu’il vient d’acheter. À la fin de la liste, une autre phrase explique que [t]utte le sopradette chose ont été estimées par un certain Giovanni Giachini à 160 lire di piccioli, et que Bongianni, qui a accepté l’estimation, a payé cette somme à Giovanni.
Fig. 1 – Liste de meubles par Bongianni Gianfigliazzi5
1459 R | ichordo chome questo dì Novembere andai al podere da Marignola che fu d’Antonio Barbadoreo e ora è mio. E d’achordo |
Una | tavola con dua trespoli d’albero |
Una | chassapancha a dua chasse |
Una | Lettucio |
18 | pezzi d’asse di più ragione |
(environ trois douzaines d’autres objets sont listés) | |
T | utte le sopradette chose ^ stimate ^ pel detto Giovanni Giachini per lb. cientosesanta. E choxi retificham essere chontenti cioè ————— lb. 160 di piccoli. E paghoriasi |
7Le texte qui précède la liste est beaucoup trop long et détaillé pour être qualifié de titre. Bien que, comme nous l’avons dit plus haut, les listes aient fait partie des écritures fréquentes dans l’Italie des XIVe et XVe siècles – on le voit avec les livres de caisse de Datini –, la culture écrite de cette époque n’utilisait pas beaucoup de titres. En 1470, Bongianni note :
Je suis devenu consul de l’Arte di Porta Santa Maria, et avec moi officient Mariotto Lippi, Antonio Ghoro Dati … Messer Biongianni Gianfigliazzi [c’est-à-dire lui-même].
8Le passage – traduit en français – montre que ce qui semble être un titre suivi d’une liste de noms est en fait une phrase se terminant par une liste de noms, chacun d’eux étant associé à une ligne. Le principe selon lequel une liste doit avoir un titre ou qu’une liste, lorsqu’elle est insérée dans une phrase, doive être présentée sans retour à la ligne n’a pas vraiment cours ici.
Fig. 2 – Bongianni Gianfigliazzi dresse la liste de ses co-consuls, membres de l’Arte di Por Santa Maria6
1470 | R | ichordo a dì *** di Marzo 1470 fui tratto d’ Chonsoli de l’Arte di Porta Santa Maria, e asercitalo in chompangia di |
Chonsolo de | M | ariotto Lippi |
l’Arte di Porta | A | ntonio di Ghoro Dati |
Santa Maria | N | icholò Berardi |
I | achopo del Biada | |
Messer | B | ongianni Gianfigliazzi |
9Bongianni s’est appliqué à inscrire des notes en marge de nombreuses pages de son livre. Il est intéressant de voir que dans une note placée dans la marge gauche on lit Chonsolo de l’Arte di Porta Santa Maria, ce qui, à notre avis, aurait été un titre parfait pour l’entrée tout entière. Remplacer la phrase d’introduction par un titre n’était cependant pas une option.
10Les observations que nous avons faites jusqu’ici vont toutes dans le même sens : la relation entre le texte courant et la liste, entre phrases complètes et items isolés, semble différente de celle qui prévaut dans la culture écrite actuelle. Les manuscrits analysés ici proposent des combinaisons inattendues des éléments concernés – texte courant/liste, phrase/items –, si bien qu’il est difficile de déterminer comment « liste » et « texte courant » sont conceptualisés.
Un recueil de phrases et d’événements : les livres de comptes
11La figure 3 montre une page d’un livre de comptes de l’une des premières compagnies de Francesco Datini. Vers 1370, Datini vivait en Avignon, où il possédait deux botteghe avec son associé Toro di Berto. Datini, qui avec près de 100 000 florins vers 1400, était l’un des plus riches marchands italiens de son temps, n’était qu’un homme d’affaires de petite envergure à la fin des années 1360 et au début des années 1370. C’est à cette époque qu’il investit son capital de seulement 2 500 florins dans la compagnie de Di Berto, dont il acquit ainsi la moitié7. Cette petite compagnie a tenu 35 livres de comptes, pour un total d’environ 10 000 pages. Cependant, la comptabilité de la compagnie Datini/di Berto en Avignon n’était en rien particulière, ni exceptionnelle8. Les méthodes appliquées ainsi que la forme que prennent les entrées sont typiques d’une compagnie de marchands florentins de l’époque9.
Fig. 3 – Entrées du compte de Tegnia di Zanobi dans Memoriale E
T | MCCCLXX egnia di Zanobi de’ dare a dì xv di marzo per |
|
i | banto di vaccha grande d’una e meza pelle per f. tre e s. dodici, porto Filippo |
Ib. iiii s. iiii |
ii | paia di tanaglie mezane da mulattiere della Torre per s. otto paio, porto Francho |
s. xvi |
E vi |
dee dare a dì xxii di marzo per paia di tanaglie mezane ... da mulattiere dela Torre per s. |
lb. ii s. xi |
E I p |
deono dare a dì xxvi di marzo per dozina di fibbie di cinghuroli de ratali per s. uno d. sei (Neuf entrées suivent, la dernière en date du 19 avril. Puis enfin :) osto che debia dare in questo libro inanzi a carta 24 |
s. i d. vi lb. xxv s. vii d. vi |
no 55 (1370-1372), fol. 6v, compagnie Datini-di Berto en Avignon10
12Tegnia di Zanobi, nous informe la première entrée de cette comptabilité, doit donner, en échange d’un certain article – peut-être un morceau de cuir de vache –, 3 florins et 12 sous, inscrits dans la colonne de droite sous la forme « quatre livres et quatre sous », et ce, le 15 mars, ce qui correspond probablement à la date d’achat de l’article. « Porto Filippo » fait sans doute référence à la personne qui a livré le banto di vaccha grande. Cette entrée est suivie de treize autres, tandis que chaque achat effectué à une autre date est indiqué par un retour à la ligne, qui commence par E (« et ») dans la colonne de gauche :
Et il doit donner le 22 du mois de mars, pour six paires de pinces, taille moyenne … 15 sous.
Fig. 4 – Entrées du compte de Tegnia di Zanobi dans Memoriale E

no55 (1370-1372), fol. 6v, Archivio di Stato di Prato, compagnie Datini-di Berto en Avignon
13La toute dernière entrée de la comptabilité est la plus importante, à plusieurs titres. Elle indique que la somme de toutes les entrées de la page – un peu plus de 25 livres – est reportée (posto) au feuillet 24. Sur ce feuillet 24, après une série d’entrées très semblables à celles montrées ci-dessus, la dernière annotation vise à reporter le total au feuillet 36, etc. Sur le feuillet 36r, comme sur le feuillet 24, la première entrée indique que la somme écrite à cet endroit a été prise au début du livre (levamo di questo a drietro da charta 24)11. En substance, chaque entrée fait partie d’une chaîne infinie d’achats – jusqu’à ce que Tegnia di Zanobi solde son compte –, et l’un des éléments clés de la comptabilité (médiévale) est précisément un système complexe de références et de déplacement des entrées et des sommes en divers endroits d’un livre, et même entre plusieurs livres. Nous reviendrons sur cette importante caractéristique de l’écriture des livres de comptes.
Fig. 5 – Compte précédent (fig. 3) transformé en « vrai » tableau
Quantité | Tegnia di Zanobi de dare MCCCLXX Article |
Somme | ||
dì xv marzo | ||||
i | banto di vaccha grande d ‘una e meza pelle per f. tre e s. dodici, porto Filippo |
Ib. iiii | iiii s. | |
ii | paia di tanaglie mezane da mulattiere della Torre per s. otto paio, porto Francho |
s. xvi | ||
dì xxii marzo | ||||
vi | paia di tanaglie mezane ... da mulattiere dela Torre per s. otto d. sei il paio, porto Francho |
lb. ii | s. xi | |
dì xxvi marzo | ||||
i | dozina di fibbie di cinghuroli de ratali per s. uno (suivent neuf autres entrées, la dernière datant du 19 du mois, puis enfin :) posto in questo libro inanzi a carta 24 |
lb. xxv | s. i s. vii |
d. vi d. vi |
Toutes les informations répétitives sont placées sous forme de titre (personne, date, « dare ») et les éléments syntaxiques (E) sont supprimés
14Pour déterminer si ce compte est un tableau, une liste ou même du texte courant, l’édition ci-dessus (no 4) propose une autre mise en page des entrées de l’édition précédente (no 3), afin de les rapprocher davantage de la forme d’un tableau que ne le fait le document original. Pour cela, un plus grand nombre d’informations ont été placées au-dessus du compte : nom, verbe, date. En outre, des titres ont été donnés aux colonnes, et des sous-titres donnant la date de la transaction ont été placés dans la colonne du milieu. Écrire le compte sous cette forme « moderne » paraît plus avantageux dans notre perspective actuelle, parce que cela permet d’écrire moins et de gagner ainsi en temps et en clarté, en réduisant les redondances, et en ne plaçant les chiffres que dans la colonne de gauche…
Fig. 6 – Même compte (fig. 3), cette fois-ci sans la mise en page originale en colonnes
Tegnia di Zanobi de ‘ dare a di xv di marzo per i banto di vaccha grande d ‘una e meza pelle per f : tre e s. dodici, porto Filippo, lb. iiii s. iiii | [per] ii paia di tanaglie mezane da mulattiere delta Torre per s. otto paio, porto Francho, s. xvi. E dee dare a dì xxii di marzo per vi paia di tanaglie mezane ... da mulattiere dela Torre per s. otto d. sei il paio, porto Francho, lb. ii s. xi. E deono dare a dì xxvi di marzo 1371 per i dozina di fibbie da cinghuroli de ratali per s. uno d. sei, s. i d. vi …, posto che debia dare in questo libro inanzi a carta 24, lb. xxv, s. vii, d. vi. |
15Cependant, si l’on supprime la mise en page en trois colonnes, le compte (fig. 4) ressemble plutôt au texte donné ci-dessus (fig. 6). Il s’agit d’un texte courant, composé de phrases complètes avec sujet, prédicat et objet ; toutes les phrases sont liées par la conjonction e (« et »).
16Liste et tableau donnent du sens à la relation spécifique entre les mots placés sur une page, y compris aux espaces vides qui la composent (entre le titre et la liste ou le tableau, ainsi qu’entre plusieurs colonnes d’un même tableau), ce qui rend les verbes superflus. Comme le montre la figure 3, le compte Tegnia di Zanobi ressemble à un tableau, mais selon la figure 4, c’est en fait surtout un enchaînement de phrases complètes. Par ailleurs, c’est un texte courant qui rapporte des événements individuels d’achats à crédit, et qui peut être rallongé à l’infini, puisque ce compte continuera sur la carta 24, comme le dit la dernière phrase (posto che debia dare in questo libro inanzi a carta 24, lb. xxv, s. vii, d. vi), et de là sur d’autres pages encore.
17Ce n’était certainement pas un manque de compétences qui a conduit les marchands à écrire leurs comptes de cette manière. En lien avec ce qui a été observé dans le livre de famille de Bongianni Gianfigliazzi, les textes courants à phrases complètes semblent être dans la culture écrite de l’époque la manière principale de noter des informations sur papier. Néanmoins, les différentes parties de ces phrases ont été disposées habilement et soigneusement sur la page. Ainsi, il arrive que des mots eux-mêmes soient coupés et répartis sur deux colonnes – le nom T/egnia et le verbe p/osto, par exemple.
18En guise de conclusion provisoire, on peut se demander si les catégories telles que les listes, les tableaux et le texte courant étaient réellement employés comme catégories dans la culture écrite du Moyen Âge, ou même comme points de repère de l’écriture quotidienne. Que ce soit dans le libro di famiglia de Gianfigliazzi ou dans le Memoriale de Datini, il est bien sûr tentant de voir les entrées comme des formes hybrides de ces trois catégories. Cependant, très peu d’éléments confirment cette hypothèse, voire aucun. Au contraire, ce que l’on observe est un radical non-respect des unités syntaxiques ou, pour le formuler de façon positive, une grande ouverture d’esprit qui favorise la séparation des « histoires », des phrases et même des mots, pour les répartir délibérément et méticuleusement sur la page. Le placement sur la page est avant tout utilisé pour mettre en relief certaines parties de la phrase plutôt que pour éviter les redondances. Cette façon d’écrire semble insister sur la conservation de tous les éléments syntaxiques, et même sur leur utilisation pour structurer les entrées et justifier leur placement. Le e dans la marge gauche, par exemple, indique les achats d’un autre jour. Dans un « vrai » tableau, on réserverait sans doute une ligne vide à cet usage.
19Les pages montrées dans cet article sont tirées d’un livre de comptes de Datini, mais elles correspondent à un format très répandu12. D’un point de vue moderne, ces entrées paraissent chargées d’informations redondantes, et ainsi ne tirent pas avantage du format tableau. Cette façon de consigner les données s’est toutefois révélée être le modèle prédominant dans la comptabilité marchande de l’époque.
Établir des relations entre les phrases
1478. Souvenir que le 12 décembre 1478, vers 15 heures, un samedi, ma fille Marietta naquit de Madalena, mon épouse légitime. Elle fut baptisée le 13 de ce mois. Antonio Scharlattini et Isay di Bartolomeo [furent ses parrains]. Son prénom était Marietta et son deuxième nom Lucia13.
20Cet extrait est une entrée du feuillet 44v du Libro rosso seghreto ou Richordanze de Bongianni Gianfigliazzi. Né en 1418, Gianfigliazzi était un marchand issu d’une vieille famille florentine. Comme beaucoup d’autres, il commença très jeune sa vie dans les affaires, à Barcelone, Valence, ainsi que pendant plusieurs années dans l’île de Majorque. À partir de 1462, il occupa divers postes, parfois prestigieux, au sein de la commune de Florence. Comme d’autres, il mena diverses campagnes militaires pour sa ville natale et fit partie d’importantes délégations envoyées au pape ; il fut également consul du célèbre Arte di Por Santa Maria, comme nous l’avons déjà souligné. Gianfigliazzi était également très proche de Laurent de Médicis qui le recommanda pour être armato cavaliere a spron d’oro ; il reçut ainsi le plus grand titre honorifique de la commune de Florence14.
21Richordanze rosso segnate A, seghrete est le titre que Bongianni Gianfigliazzi a donné à son livre. Tout d’abord, le livre n’était pas aussi secret que le laisse croire le titre. Luciano Piffanelli, qui a soigneusement commenté le livre en 2014, a identifié trois écritures différentes n’appartenant pas à Bongianni. L’une est celle du notaire Giovanni di Francesco Manetti, la deuxième n’a pas pu être identifiée, et la troisième est celle du fils de Bongianni, Gherardo, qui a rédigé une note sur la mort de son père en 1484 et a continué à utiliser le livre jusqu’en 1508. Cela étant, on peut raisonnablement imaginer que ce libro seghreto était lu ou consulté par d’autres personnes que son auteur, par exemple par des membres de sa famille ou des amis proches ; peut-être même par ses associés. Il est cependant probable qu’un public plus large – famille éloignée, relations d’affaires – ait été explicitement exclu de la consultation du livre15.
22Le meilleur moyen de qualifier ce livre est sans doute de l’appeler livre de famille (libro di famiglia). Plusieurs de ces livres nous sont parvenus depuis la Florence médiévale et moderne. L’hétérogénéité de leur contenu, y compris dans les Ricordanze de Bongianni, est typique, en tout cas d’un point de vue moderne16. Les Ricordanze nous donnent ainsi des informations sur les propriétés acquises et sur certaines transactions commerciales. Le livre contient des listes de notables municipaux de la commune de Florence, avec leur poste et leur année d’exercice, mais aussi parfois des informations sur des conditions météorologiques extrêmes ou des inondations. Il n’est pas surprenant que le livre contienne des notes sur des événements politiques, par exemple l’attentat contre Laurent de Médicis lors d’une messe donnée par la famille Pazzi en 1478, mentionné au recto du feuillet 44. Enfin, et c’est un point important, le livre nous informe sur la vie de son auteur, ce qui n’est pas étonnant au vu de toutes les notes qui concernent des affaires de famille : naissance des enfants, atteinte de leur majorité, mariages et décès, ainsi que les difficultés ou avantages financiers qui accompagnent généralement ces événements.
23Les informations que l’on trouve dans ce livre sont contenues dans les divers types de textes et de listes que nous avons décrits. On trouve par exemple de longues listes accompagnées d’une phrase explicative, voire de vrais titres – formant de « vraies » listes, si l’on veut17 –, mais également d’autres qui, comme celle présentée plus haut dans la figure 2, font elles-mêmes partie d’une phrase.
24Une autre entrée se révèle très intéressante. Elle concerne l’achat d’une propriété. Le texte nous informe tout d’abord sur l’emplacement de la propriété, sur son prix, sur le livre de comptes ainsi que sur la page à laquelle le paiement a été enregistré. Elle donne également le nom du notaire concerné. Ce n’est que le début cependant :
Ceci était la propriété [continue le texte]qui appartenait à Lena, la femme de mon frère Gherardo Gianfigliazzi, et qu’elle avait achetée il y a longtemps avec l’argent que le dit Gherardo lui avait légué dans son testament.
25Les choses se compliquèrent ensuite, car Lena mourut. Peut-être est-ce pour cela que les taxes ne furent pas payées en totalité. Les autorités confisquèrent donc la propriété et la vendirent à Bongianni Gianfigliazzi. C’est à ce moment-là que la conscience de Bongianni se manifesta. En effet, son défunt frère Gherardo ainsi que sa belle-sœur Lena souhaitaient que le revenu de la propriété précédemment confisquée – et que Gianfigliazzi venait de racheter – soit donné à l’église. La propriété valant beaucoup plus que le prix auquel il l’avait achetée, Gianfigliazzi en éprouve une certaine mauvaise conscience – comme nous l’indique la notation volendo scharichare la mia coscienza.
26Bongianni précise ensuite la quantité de grain qui doit être consacrée à la célébration de messes à la mémoire de son frère et de sa belle-sœur, et ainsi de suite. Suivent des instructions détaillées sur les conditions de dépense du revenu généré par la propriété pour tel ou tel emploi18.
27Dans le livre de famille de Gianfigliazzi, c’est l’une des entrées les plus longues : elle s’étend sur une page et demie du manuscrit comme de la version éditée. Malgré la longueur et la complexité de cette entrée, le livre lui attribue le numéro 24, ce qui en fait l’une des 26 entrées dédiées aux propriétés et biens immobiliers. L’ensemble commence au verso du feuillet 17 avec l’entrée no 1 et se termine avec l’entrée no 26 au verso du feuillet 23. Comme l’indique le commentaire introductif au verso du feuillet 17, Gianfigliazzi souhaitait consigner toutes les propriétés immobilières qu’il « trouvait » au 1er août 147419. Fait remarquable, toutes ces entrées n’utilisent presque aucune mise en page. Elles semblent plutôt constituer un seul bloc de texte compact, comprenant seulement une énumération dans la marge gauche. Pour retracer des informations spécifiques concernant une propriété, trouver les sommes versées ou les notaires concernés par la transaction, etc., il faut examiner cette longue entrée ligne par ligne. Si, contrairement aux entrées d’autres livres de comptes ou à celles dédiées à ses enfants dans ce même livre – nous y reviendrons ci-dessous –, il s’agit d’argent investi dans des terres et des propriétés foncières et de l’emploi des gains générés par ces investissements, ainsi que d’affaires de famille, aucune information n’a pourtant été extraite puis reportée dans d’autres sections du livre. De plus, par la phrase exprimant sa mauvaise conscience, Gianfigliazzi laisse même voir un peu de ses sentiments personnels et de ses attitudes religieuses.
28En substance, ces entrées – celle-ci et dans une certaine mesure d’autres concernant sa propriété – s’apparentent plus à de petits récits qu’à des éléments comptables. Si cet inventaire de biens immobiliers nous parle bel et bien du patrimoine de Gianfigliazzi, celui-ci a aussi à cœur de donner plus de noms qu’il n’est nécessaire, ceux de personnes en rapport plus ou moins étroit avec la situation décrite, ainsi que des informations supplémentaires sur les maisons et domaines, qui ne sont pourtant pas utiles pour décrire sa situation financière. Tout au long du livre, les petits récits sur sa propriété, tout comme la liste des consuls de l’Arte di Por Santa Maria, nous montrent un chef de famille qui revendique une certaine position, un certain statut dans la société urbaine de sa ville.
29Cela étant, les entrées dédiées à la naissance et au décès des enfants de Gianfigliazzi sont des éléments surprenants, car ils fonctionnent de façon tout à fait différente. La naissance de Marietta, dont nous avons déjà parlé, est la dernière entrée concernant ses treize enfants légitimes et cinq enfants illégitimes. Les entrées de la naissance de ces enfants – et parfois de leur décès après quelques années voire quelques mois – sont réparties dans tout le livre au milieu d’autres entrées. Ce, dès le recto du feuillet 2 avec Chostanza, née en 1449, suivie de Simona au verso du feuillet suivant, née en 1457. Deux fils, Giovanni et Gherardo, naissent ensuite respectivement en 1462 et 1464 ; les notes correspondantes se trouvent aux feuillets 4 verso et 7 recto20.
30Comme nous l’avons déjà remarqué dans le cas de Marietta, ces entrées nous donnent la date et l’heure exacte, de la naissance, le nom de la mère – car Gianfigliazzi a eu trois épouses –, le lieu de naissance, ainsi que la date du baptême et le nom des parrains de l’enfant. Lorsqu’il s’agit d’une fille, comme Marietta, une note supplémentaire est ajoutée pour la dot investie – dans le cas de Marietta, la note a été ajoutée un an après la naissance. Une description plus détaillée du contrat de dot est insérée, nous précise l’entrée, dans un autre livre intitulé Libro biancho segnate F, au feuillet 297. Marietta est morte avant ses deux ans, en septembre 1480, comme l’indique une autre note. À cet endroit, Gianfigliazzi n’exprime pas sa peine. Il s’attache plutôt à décrire comment il a récupéré la dot auprès du Monte delle doti en 148421.
31Des notes sur une autre de ses filles, Maria, née le 17 avril 1468, placées au recto du dixième feuillet, suivent le même schéma : après avoir noté la date du baptême et les noms des parrains, Gianfigliazzi donne une information sur la dot versée pour Maria en novembre 1468. Il note près de la mention de son décès en février de l’année suivante qu’il a dû attendre encore deux ans avant que le Monte ne lui rembourse la somme investie22.
32Si les notes d’achats de propriétés dont nous avons parlé semblent plutôt former de petits récits sans aucune mise en page, les notes sur la naissance, la dot et le décès de Marietta et des autres enfants sont plus proches d’entrées comptables que l’on trouverait dans un livre de comptes classique. Elles se présentent bien sûr sous la forme de phrases complètes, mais elles sont très courtes. Naissances, dots et décès sont en outre faciles à repérer, car chaque entrée commence par un retour à la ligne, la première lettre se détachant dans la marge gauche. La couleur de l’encre et l’espacement montrent clairement que Gianfigliazzi, après avoir noté la naissance d’un enfant, a volontairement laissé assez de place pour une ou deux notes supplémentaires, dot ou décès éventuels23.
33Comme on trouve d’autres formats au sein de ce livre, que ce soient de « vraies » listes ou du texte courant, on peut se demander pourquoi ils n’ont pas été utilisés ici. En tout cas, dans un livre écrit pour la famille et les proches, il aurait été possible de raconter une histoire sous forme de texte courant : celle d’une petite fille que le père dote peu après sa naissance, puis qui meurt très jeune, seulement quelques mois plus tard, malgré les attentes exprimées par cet investissement. On pourrait également s’attendre à la mention d’un deuil, à une prière ou à l’expression d’émotions. En effet, comme Richard Trexler l’a montré, des textes florentins similaires parlent parfois longuement de la mort d’un enfant24. La description de Gianfigliazzi sur la propriété confisquée puis rachetée de son frère Gherardo et de sa belle-sœur Lena montre qu’il écrit en effet de longs textes courants dans ce livre et qu’il y parle de ses émotions. Pourquoi alors n’écrit-il pas de texte courant lorsqu’il évoque la naissance et la mort de ses enfants ?
34Il est probable qu’en 1478, après avoir utilisé ce livre pendant plus de dix ans25, il ait rassemblé les informations sur ses enfants, dispersées dans tout le livre (voir fig. 7 et 8). Les entrées présentées ici suivent un ordre chronologique strict et ont toutes le même format – à l’exception de la première, que nous examinerons plus loin. Dans la marge gauche est notée l’année de naissance, suivie de la date du jour, du mois et parfois de l’heure de naissance dans le bloc de texte principal. Le nom de l’enfant et celui de la mère sont aussi mentionnés. Si l’enfant est déjà mort, la date de sa mort est indiquée par une croix accolée à l’année de naissance. Enfin, comme les entrées ont été reportées depuis d’autres feuillets du Libro sur un seul recto, le numéro de l’entrée d’origine est précisé.
Fig. 7 – Entre liste d’« enfants légitimes » et arbre généalogique26
Figliuoli ligittimi | ||
A dì `/’ del rosso di messer Giovanni |
9 Marzo 1417 Nacqui Io Bongianni di Bongianni di Gianfigliazzi ‘/, e per madre fui figliuolo di mona Simona di Giovanni Tosinghi. Morì detto Bongianni mio padre nell’anno 1421 e detta mona Simona mia madre nell’anno 1452. Ed ebbi nome a le fonte Biligiarde. Di poi, quando morì Bongianni mio padre, che ero di età d’anni 4, perché detto nomenome non spegniesse in chaxa, fui chiamato sempre di poi Bongianni. | |
1449 | a dì primo | di novembre 1449 nacque la Chostanza mia figliuola e della Adriana mia donna. In questo 2 fu chreesimata. |
1457 | a dì 30 | di novembre 1457 nacque la Simona mia figluola e della Adriana mia donna. In questo 3 fu chresimata |
1462 + | a dì 11 | d’aprile 1462 nacque Giovanni mio figliuolo e della Adriana mia donna. Morì a dì 21 di luglio di detto anno. In questo 5 |
(suivent trois entrées pour les années 1464 à 1466) | ||
1468 + | a dì 17 | d’Aprile 1468 a ore 24 in Domenicha e a dì di pasqua di resuressa nacque Maria mia figliuola e della Chostanza mia donna. Morì a dì 14 di Febraio 1468. In questo 10 |
1469 | a dì | 30 di marzo 1469 a ore 15 in Venerdì santo nacque Franciescha mia figliuola e della mia donna. In questo 11 fu chresimata |
1470 | a dì | 16 di luglio 1470 a ore 20½ in Lunedì nacque Iachopo mio figluolo e della Chostanza mia donna. Fu chresimata in questo 14. |
(suivent cinq entrées pour les années 1471 à 1478) | ||
Seghue figliuoli legittimi27 | ||
1478 + | a dì | 12 diciembre 1748 in Sabato A ore 15 nacque la Marietta mia figliuola e de la Madalena 45. Morì a dì 7 di Settembre 1480 in Giovedì a ore 18 |
Fig. 8 – Libro rosso segnate A de Bongianni Gianfigliazzi

plat intérieur du livre et fol. 1r
35Si l’on compare avec les entrées « originales » de naissance, de dot et de décès dans le livre, beaucoup d’informations qui y sont données sont omises ensuite lorsque les entrées sont reportées au feuillet 1 : les dates de baptême de Marietta et de Maria ainsi que les noms de leurs parrains, par exemple, ne sont plus mentionnés, sans parler de leur dot respective. Ces entrées réduites contiennent cependant toujours plus d’éléments que ce qui est nécessaire ou paraîtrait utile. Sous un titre indiquant « enfants légitimes », il semble redondant de préciser que l’enfant est mio figluolo/mia figluola (« mon fils/ma fille »). De même, indiquer que la femme qui a donné naissance à l’enfant est mia donna (« ma femme ») est superflu ; c’est encore le cas pour la répétition du verbe nacque (« naquit ») dans chacune des douze entrées. Pourtant, éviter les redondances de ce type n’était pas l’objectif, au contraire. Malgré les différences, les entrées montrent des caractéristiques similaires à celles des entrées du livre de compte de Datini présentées plus haut (fig. 4). On retrouve en effet des phrases complètes qui s’enchaînent, correctement mises en page en utilisant la marge droite en guise de colonne, pour faire ressortir chacune des entrées. Comme dans les entrées du livre de comptes, le même verbe est réutilisé de nombreuses fois : de dare plus haut, nacque ici. Dans ces deux livres, les références à d’autres pages sont encore plus significatives, liant une entrée ici à d’autres entrées ailleurs, que ce soit au sein du même livre ou dans d’autres volumes. Il y a bien sûr des différences, par exemple l’absence de colonne de gauche, qui s’explique par le fait qu’aucune somme d’argent n’entre en jeu.
36Comme le montre la figure 7, Gianfigliazzi note, sous le titre « enfants illégitimes », les noms de ses cinq enfants nés hors mariage. Ces entrées sont placées en face de celles consacrées aux enfants légitimes situées sur la page de demi-titre, en face du recto du premier feuillet. Tous ces enfants étant décédés sauf un, quatre entrées sur cinq portent une croix au début, suivie de l’année de naissance. Ces entrées contiennent beaucoup moins d’informations et sont beaucoup plus courtes que celles consacrées aux enfants légitimes. Ni le nom de la mère ni la date de naissance exacte ne sont inscrits. Plus frappant encore, on ne trouve pas de notes sur les enfants illégitimes ailleurs dans le livre. Ils sont donc mentionnés une seule fois dans le libro de Gianfigliazzi, seulement sur cette page.
Fig. 9 – Liste d’enfants illégitimes (cinq items en tout)
Figliuoli Non ligittimi |
+Nel 1444 Ebbi uno figliuolo bastardo per nome Giovanni |
in Maiolicha. Morì in detto anno. |
+ Nel 1445 Ebbi uno figliuolo bastardo in Maiolicha per |
nome Franciescho. Morì in detto anno. |
Nel 1445 Ebbi uno figliuola bastarda e nacque a uno |
chorpo con Franciescho28 di sopra, per nome Chatarina. |
37Tout comme la liste des enfants légitimes, les entrées plus courtes concernant les enfants illégitimes répètent inutilement certains éléments : bastardo ainsi que le verbe ebbi (« j’eus ») font partie de chaque entrée. Ici également, les phrases complètes avec sujet, prédicat et objet sont la norme. Fait notable toutefois, contrairement au compte de Tegnia di Zanobi – nous y reviendrons plus loin –, ni les phrases évoquant les enfants légitimes ni celles évoquant les enfants illégitimes ne forment un texte courant.
38Bongianni Gianfigliazzi n’est pas le seul citoyen florentin à mentionner ici et là dans son livre de famille la naissance ou le décès de ses enfants, ni à proposer une liste soigneusement organisée de tous ses enfants sur une ou deux pages, reportée depuis d’autres endroits. En 1444, presque à la même époque que les entrées de Gianfigliazzi, Ugolino di Niccolò Martelli rassemblait au verso du feuillet 47 de son livre Ricordanze, sous le titre « Mémorandum sur l’âge de mes enfants », des informations sur ses fils et filles. Contrairement à Gianfigliazzi, qui notait sous la même entrée la naissance puis l’éventuel décès de l’enfant, Martelli semble même dessiner une sorte de bilan, en réservant la première moitié de la page à la venue au monde de tous ses descendants, treize au total, puis une seconde partie en dessous aux entrées concernant les cinq de ses treize enfants qui sont morts29.
Fig. 10 – Registre de la naissance et du décès des enfants d’Ugolino di Niccolò Martelli30
XPO 1444 |
Richordo dell’ età de miei figluoli : |
+ Niccoloò naque a dì vii di marzo 1435 a ore xviij il mercholedì, chome |
appare in questa a c. 15 per richordo. |
+ Filippo naque a dì xxi di febraio 1437 a ore xviii il venerì, chome appare in |
questo per richordo a c. 19. |
+ Filippo naque a dì xvij d’aprile 1438 il venerdì notte a ore6, chome appare |
per richoro in quest a c. 21. |
(suivent dix autres entrées, puis commencent les entrées consacrées aux décès) |
Di poi piaque a Dio chiamare a ssé il sopradetto Filippo a dì xxx di dicienbre |
1438 a ore 1 ; morì di vaiuolo, e sotterossi in Santo Lorenzo, a pie |
dell’altre magiore, apresso a nostro padre. |
Di poi piaque a Dio chiamarla a ssé a dì viiijo di novembre 1443, e sotterossi |
in Santo Lorenzo chome di sopra si fè Filippo, cioè la Ginevra |
quelle che naque a dì ij d’ottobre 1443. |
(suivent trois entrées similaires) |
39Revenons à présent au Libro seghreto ou Ricordanze de Bongianni Gianfigliazzi et au « décompte » de ses enfants. Comme l’éditeur l’a déjà noté, il est assez inhabituel qu’un livre de famille commence par une liste d’enfants, qu’ils soient légitimes ou non. Martelli utilisait pour sa part le feuillet 47 verso pour consigner les noms de ses enfants. Il était bien plus commun parmi l’élite florentine qui tenait ce type de livres de commencer par une sorte de curriculum vitae de l’auteur, qui était généralement le chef de famille. On trouve d’ailleurs un tel curriculum dans le livre de Gianfigliazzi, mais au verso du premier feuillet, au recto duquel sont inscrits les noms des enfants.
1432 : le 2 mars 1432, moi Bongianni, âgé de 15 ans, quittai Florence pour me rendre par voie terrestre à Naples et séjourner chez Filippo di Nardo. Je ne restai chez lui que quelques jours, puis séjournai à Ghaeta chez Bartolino di Dono, une compagnie de moyenne importance. À mon départ de Florence, ma mère me fit don de trois livres piccoli31.
40C’est par cette entrée que Gianfigliazzi commence son curriculum vitae, en évoquant le début de sa carrière commerciale à l’âge de 15 ans, et en faisant ensuite le récit année par année des endroits où il séjournait, des personnes qui l’hébergeaient et avec lesquelles il faisait affaire. Pourquoi notre protagoniste n’a-t-il pas alors respecté la règle tacite et commencé le livre par ce curriculum ? En ouvrant le livre de Gianfigliazzi, on tombe en premier sur une double page portant les entrées de ses enfants illégitimes (à gauche) et légitimes (à droite), au lieu du récit des aventures, séjours et voyages d’affaires qu’il a entrepris dès sa jeunesse – ce qui semble d’ailleurs être chose courante chez les jeunes hommes de son époque et de sa région32.
41Il est en fait très probable que les listes de descendants aient été écrites après la rédaction de son curriculum vitae par Gianfigliazzi33. Cependant, cela ne fait que souligner la position importante qui leur est conférée.
42Si l’on revient à la liste des enfants légitimes de l’auteur, il est temps à présent de parler de la première entrée. Dans un contraste saisissant avec les entrées suivantes, elle ne parle pas de la naissance de l’un de ses enfants mais de celle de Gianfigliazzi lui-même :
Le 9 mars 1417, moi Bongianni, naquis, [fils de] Bongianni di Giovanni Gianfigliazzi, et j’avais pour mère Simona di Giovanni Tosinghi. Mon père, ledit Bongianni, mourut en 1421, et ma mère, ladite Simona, en 1452. Je fus tout d’abord nommé Billigiarde. Mais lorsque mon père mourut, j’avais quatre ans et pour que son nom ne s’éteigne pas, on m’appela Bongianni à partir de ce jour.
43Bien que le titre de cette page soit figliuoli ligittimi, la première naissance rapportée sous ce titre n’est pas celle d’un fils ou d’une fille de Bongianni, mais bien la sienne. De plus, en expliquant comment et surtout pourquoi on l’a appelé « Bongianni » – pour que le nom de son père ne disparaisse pas –, l’auteur lie grand-père, père et enfants dont les noms sont à suivre. Une continuité (légitime) sur au moins trois générations ainsi qu’un statut privilégié de chef de famille et d’auteur du livre : voilà ce qui semble être au cœur de la liste donnée au recto du premier feuillet.
44La famille, la parenté et la généalogie prennent de plus en plus d’importance à la fin du Moyen Âge. C’est vrai tant pour les guildes de charpentiers et de cordonniers, qui doivent désormais exiger la naissance légitime de leurs apprentis, que pour la noblesse qui s’assure que ses membres puissent retracer leurs origines sur plusieurs générations. Les arbres généalogiques précis deviennent alors de plus en plus populaires, notamment au sein de la noblesse, mais pas seulement. On les trouve aussi dans les livres ou exposés dans les églises. Conçus pour l’agrément, ils présentent les liens de filiation et permettent de légitimer son statut. Bien sûr, ces représentations de parenté sous forme d’arbres s’inspirent beaucoup de conventions existantes, mais plus encore, deviennent elles-mêmes une nouvelle convention34.
45Confrontées à ce contexte, les entrées de Gianfigliazzi paraissent raconter une histoire similaire, celle de trois générations de filiation légitime. Cependant, un arbre généalogique lie habituellement ses membres entre eux par des lignes ou des branches, ce qui n’est pas le cas ici. De plus, si les entrées ressemblent à celles d’un livre de comptes et présentent nombre de leurs caractéristiques, contrairement aux comptes, à l’image de celui de Tegnia di Zanobi, elles ne forment pas un texte courant. Bien que cela nous semblerait plus logique et plus pratique aujourd’hui, ces entrées individuelles ne sont pas liées par une conjonction, et à première vue rien n’indique qu’elles soient faites pour être lues comme un seul « récit ». Qu’est-ce qui permet alors d’interpréter ces entrées isolées et autonomes comme l’équivalent d’une généalogie ? Plus précisément, de quelle manière ces notes ont-elles été mises en relation ?
Dans leur acception la plus simple, les listes sont des cadres qui rassemblent des éléments séparés et disparates. Les listes sont comme des structures en plastique souple, dans lesquelles tout un éventail d’unités constitutives entre en cohérence par des relations spécifiques, générées par des forces d’attraction spécifiques35.
46Cette définition permet de préciser les questions qui émergent. Quelles « forces d’attraction » pourraient établir des « relations spécifiques » entre les entrées pour qu’elles constituent une liste ? Dans un premier temps, le problème semble se corser, si l’on garde à l’esprit que la « liste » en tant que concept ne faisait pas partie à l’époque des outils communs de l’écriture quotidienne comme par ailleurs les tableaux, le texte courant, etc., comme c’est le cas aujourd’hui. En outre, la liste n’était pas un élément privilégié de la culture écrite florentine du XVe siècle naturellement employé pour certains types d’annotations. Certes, chacun savait comment rédiger tableaux et listes, mais ceux-ci n’étaient en aucun cas un élément de la culture écrite que l’on mobilisait pour des domaines particuliers d’écriture. Le contexte historique confère ainsi plus de poids à un texte qui vise à être lu comme une liste. La situation exige de souligner fortement que les entrées sont liées et appartiennent à un même cadre.
47En effet, l’écriture du recto du premier feuillet utilise plusieurs « forces d’attraction » qui permettent de créer une telle relation. Premièrement, l’inventaire des propriétés, par exemple, est le lieu de « récits » assez longs, qui représentent parfois une page et demie par entrée, mettant ainsi l’accent sur l’entrée elle-même plutôt que sur sa relation avec les autres. Cela est encore plus vrai pour les entrées consignant les naissances des enfants qui se répartissent dans l’ensemble du « livre secret ». Elles se composent généralement de deux ou trois notes différentes, chacune longue de quatre à six lignes par enfant : naissance, dot et décès éventuel, avec une ligne au-dessus et une ligne en dessous laissées vierges pour séparer chaque entrée des autres et ainsi lui permettre de constituer un seul et même récit à propos de chaque enfant36. Au contraire, « l’inventaire » des enfants au feuillet 1 recto présente une entrée par enfant, de quatre lignes au maximum. Cette réduction nous amène à un deuxième point : avec seulement deux à quatre lignes de longueur, ces entrées – à l’exception d’une seule – ont pu être placées sur une même page, et cette composition renforce la notion de « cadre ».
48Ces deux points s’accompagnent d’un troisième élément central, la répétition des mots et des expressions : [Année] a dì [date, mois, année] nacque [nom] mio figliuolo e della [nom] mia donna. In questo [feuillet] fu chresimato. Par conséquent, les entrées sont presque standardisées. Certaines, au lieu de la mention chresimato/chresimata (« confirmé[e] »), portent l’annotation Morì a dì [date]. Dans ce contexte, « confirmé(e) » signifierait donc plutôt « a atteint l’âge adulte », par contraste avec morì.
49Quatrième et dernier point : l’année de naissance, décalée du reste du texte et placée dans la marge gauche de la page, fait office de puce pour la liste, d’autant que l’année est répétée ensuite au sein de l’entrée proprement dite. De cette manière, lorsque l’on ouvre le livre et que l’on regarde la page, l’œil est invité à se porter sur chaque année et chaque entrée l’une après l’autre, sans pour autant lire chacune d’entre elles entièrement.
50Malgré les fortes similitudes entre les entrées, il existe des variations37. Toutefois, on observe la plus grande divergence concernant la première entrée, qui note la naissance de Bongianni Gianfigliazzi lui-même. En un sens, il semble « naturel » que le protagoniste du texte occupe plus de place à un endroit important du livre, surtout lorsqu’on le compare à d’autres livres comportant un curriculum vitae. Le petit récit de Gianfigliazzi sur sa naissance et son nom mentionne une référence à un autre livre dans la marge gauche, au lieu d’une année servant de « puce » comme dans les autres entrées38. Cette entrée est ainsi distinguée, mise en valeur, sans pour autant effacer son lien avec les autres.
51Si l’on met de côté l’hétérogénéité des entrées du premier feuillet, ainsi que les différences qui séparent la première entrée des autres, on peut tout de même les identifier comme étant liées les unes aux autres. De plus, ce groupe de phrases qui n’est pas lié par des conjonctions comme « e », qui n’est pas délimité par le début et la fin d’une narration ou d’une description, ne trouve pas seulement sa cohérence dans les points déjà soulevés. L’ensemble génère du sens grâce à des relations tacites. Comme dans le cas des armoiries, où chacun des éléments est doté d’une signification, c’est à l’assemblage que l’on attribue du sens.
52Les résultats de cet article sont de deux ordres. Premièrement, en regardant les entrées du livre de comptes de Francesco Datini ainsi que les entrées écrites par Bongianni Gianfigliazzi dans son libro di famiglia, il semble que les catégories de type liste, tableau ou texte courant n’aient pas été des points de repère pour l’écriture de ces documents. La disposition et l’espacement des mots, des phrases et des entrées sur la page ne s’appuient sur aucun de ces types d’organisation de l’information, et l’on ne peut pas non plus les décrire comme des formes hybrides, par exemple entre texte et tableau. Les relations entre les éléments textuels sont organisées par l’assignation d’une partie donnée de l’espace sur la page à certains mots, parties de mots ou parties d’entrées, de phrases ou même de texte courant. Ces parties servent parfois de puce porteuse de sens, ce qui signifie que leur placement tout comme leur sens établissent un lien entre les entrées. La répétition de certaines expressions, bien qu’elle paraisse superflue, est un autre outil établissant une cohérence. Si les auteurs ne comptent parfois que sur l’espacement, ou rédigent parfois ce qu’on appelle aujourd’hui une liste ou un tableau, ils semblent généralement éviter ce type de mise en page. Si l’on garde à l’esprit qu’il s’agissait pourtant d’une possibilité, la « conception » des entrées que nous avons décrite doit être prise d’autant plus au sérieux. Ne pas considérer que dans ces livres, la disposition d’une phrase et son contenu fonctionnent ensemble pour créer du sens nous ferait passer à côté de certains aspects importants du texte. La raison pour laquelle ces textes sont écrits de cette façon ne semble pas claire – à tout le moins, pas pour nous. En tout cas, le sens donné aux mots écrits et à leur place ou à leur agencement en colonne n’est pas le même qu’aujourd’hui.
53Deuxièmement, la manière d’écrire de Gianfigliazzi n’est ni exceptionnelle ni extravagante. Les différents formats utilisés replacent son texte au cœur d’une culture de l’écrit très répandue parmi les élites urbaines du nord de l’Italie. Cette culture évoque une forme d’apprentissage spécifique liée à l’humanisme, mais se distingue de l’écriture universitaire des théologiens et des juristes. Ainsi, le livre possède sa rhétorique propre. La « conception » du texte et les références dans les entrées qui renvoient à d’autres pages développent clairement une rhétorique unique. La manière dont Gianfigliazzi met en scène sa famille ne peut aucunement, comme nous l’avons vu, être attribuée à une forme de singularité ou d’originalité. Des contemporains de Gianfigliazzi tels qu’Ugolino Martelli, lui aussi marchand florentin, présentent leurs enfants de façon similaire. Bien plus que dans la lecture des mots qui composent les phrases, le sens de ce texte réside dans l’agencement des phrases sur la page, dans leur présentation, dans leur lien avec d’autres pages du livre, ainsi que dans les endroits du livre où se trouvent ces éléments généalogiques typiques de l’écriture marchande.
Notes de bas de page
1Dans l’article, les citations ont été mises en page de façon à se rapprocher le plus possible de la mise en forme et de l’espacement original du texte sur les feuillets des différentes sources étudiées. L’un des meilleurs ouvrages sur les méthodes de comptabilité de Datini à ce jour est F. Melis, Aspetti della vita economica medievale, Sienne, Leo S. Olschki (Studi nell’archivio Datini di Prato, 1), 1962 ; voir également F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz. Zur Eigendynamik des Schriftgebrauchs in der kaufmännischen Buchführung am Beispiel der Datini/di Berto-Handelsgesellschaft in Avignon (1367-1373), Francfort-sur-le-Main, Peter Lang (Gesellschaft, Kultur und Schrift-Mediävistische Beiträge, 8), 2000. Pour une étude récente sur les activités commerciales spécifiques de la compagnie Datini, voir I. Houssaye Michienzi, Datini, Majorque et le Maghreb (XIVe-XVe siècles). Réseaux, espaces méditerranéens et stratégies marchandes, Boston, Brill (The Medieval Mediterranean, 96), 2013, nombreuses sources. Pour les sources Datini de la branche avignonnaise, voir L’Archivio di Francesco di Marco Datini. Fondaco di Avignone. Inventario, Elena Cecchi Aste (éd.), Rome, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato (Pubblicazioni degli Archivi di Stato. Strumenti CLXIII), 2004.
2Voir l’édition intégralement commentée de la plupart des livres de comptes de Veckinchusen dans Die Handelsbücher des Hildebrand Veckinchusen. Kontobücher und übrige Manuale, M. P. Lesnikov, Walter Stark, Albrecht Cordes (éd.), Cologne/Weimar/Vienne, Böhlau (Quellen und Darstellungen zur hansischen Geschichte, 67), 2013 ; F. -J. Arlinghaus, « Die Bedeutung des Mediums “Schrift” für die unterschiedliche Entwicklung deutscher und italienischer Rechnungsbücher », dans Walter Pohl, Paul Herold (dir.), Vom Nutzen des Schreibens, Vienne, Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften (Forschungen zur Geschichte des Mittelalters 5), 2002, p. 237-268.
3Voir notamment, pour un concept différent des signes, des médias ou même de la charte en tant qu’œuvre d’art : B. Bedos-Rezak, « Medieval Identity. A Sign and a Concept », American Historical Review, 105, 2000, p. 1495-1533 ; C. Kiening, « Mediale Gegenwärtigkeit. Paradigmen- Semantiken- Effekte », dans C. Kiening (dir.), Mediale Gegenwärtigkeit, Zürich, Chronos (Medienwandel–Medienwechsel – Medienwissen, 1), 2007, p. 9-70 ; P. Rück, « Die Urkunde als Kunstwerk », dans A. von Euw, P. Schreiner (dir.), Kaiserin Theophanu. Begegnung des Ostens und Westens um die Wende des ersten Jahrtausends. Gedenkschrift des Kölner Schnütgen-Museums zum 1000. Todesjahr der Kaiserin, vol. 2, Cologne, Das Museum, 1991, p. 311-333.
4Ces exemples se trouvent dans F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz, op. cit., p. 211 (Libro di entrata e uscita) et p. 215 (Quaderno di spese di casa).
5Il libro rosso seghreto di Bongianni Gianfigliazzi. Famiglia, Affari e Politica a Firenze nel Quattrocento, L. Piffanelli (éd.), Rome, Edizioni di storia e letteratura (La memoria familiare, 7), 2014, p. 139f. ; Bongianni Gianfigliazzi, Richordanze (Questo libro rosso segnato A seghreto è di Bongianni di Bongianni di Giovanni Gianfigliazzi ed è chiamato Richordanze), Florence, 1463 ?, fol. 3v.
6B. Gianfigliazzi, Richordanze, op. cit., fol. 13r ; le texte est tiré de l’édition de L. Piffanelli, Libro rosso, op. cit., p. 157.
7Sur les activités commerciales de jeunesse de Datini, voir E. Bensa, Francesco di Marco da Prato. Notizie e documenti sulla mercatura italiana del secolo XIV, Milan, Fratelli Treves Editori, 1928, p. 72-75, 119-125, et 285-292 ; F. Melis, Aspetti della vita economica italiana, op. cit., p. 144-150.
8Voir notamment la liste de la compagnie des Acciaiuoli donnée par H. Hoshino, « Nuovi documenti sulla compagnia degli Acciaiuoli nel Trecento », dans Franco Franceschi, Sergio Tognetti (dir.), Industria tessile e commercio internazionale nella Firenze del tardo Medioevo, Florence, Leo S. Olschki, 2001 (Biblioteca storica toscana, Serie 1, 39), p. 83-100, ici p. 86-97.
9F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz, op. cit., p. 129.
10Archivio di Stato di Prato, Fondo Datini. La mise en page ressemble au format original à trois colonnes et deux lignes de séparation. Voir F.-J. Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz, op. cit., p. 228.
11Ibid., p. 233.
12Voir les diverses entrées de comptabilité de la compagnie Del Bene de Florence rapportées par G. Astuti, Una compagnia di calimala ai primi del trecento, Florence, Leo S. Olschki (Biblioteca storica toscana, 7), 1932, p. 307-378.
13« 1478 Richordo che a dì 12 di Dicienbre 1478 a ore 15 in circha, in Sabato, nacque la Marietta mia figliuola e di mona Madalena mia ligittima dona. Batezzolla, a dì 13 detto, Antonio Scharlattini e Isay di Bartolomeo. Ebbe nome pel primo Marietta e pel sechondo Lucia », L. Piffanelli, Il libro rosso, op. cit., p. 187.
14Voir ibid., p. 47-56 et 77-104.
15Pour une description du manuscrit, voir ibid., p. 115-116.
16Voir G. Ciappelli, Memory, Family, and Self. Tuscan Family Books and Other European Egodocuments (14th-18th Century), Leyde, Brill (Egodocuments and History Series, 6), 2014 ; L. Pandimiglio, Famiglia e memoria a Firenze, t. 1, Secoli XIII-XVI, Rome, Edizioni di storia e letteratura (La memoria familiare 5), 2010 ; Id., Famiglia e memoria a Firenze, t. 2, Secoli XVI-XXI, Rome, Edizioni di storia e letteratura (La memoria familiare 6), 2012 ; A. Ricci, Mercanti scriventi. Sintassi e testualità di alcuni libri di famiglia fiorentini fra Tre e Quattrocento, Rome, Aracne, 2005. Une étude classique très utile : Mercanti scrittori. Ricordi nella Firenze tra Medioevo e Rinascimento, V. Branca (éd.), Milan, Rusconi (Classici italiani per l’uomo del nostro tempo), 1986. Sur les libri di famiglia d’autres régions d’Italie (et surtout leur absence), voir J. S. Grubb, « I libri di famiglia a Venezia e nel Veneto », dans G. Ciappelli (dir.), Memoria, famiglia, identità tra Italia ed Europa nell’età moderna, Bologne, Società editrice il Mulino (Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento. Quaderni, 77), 2009, p. 133-158.
17L. Piffanelli, Il libro rosso, op. cit., p. 150-151.
18Ibid., p. 175-176.
19« Richordo di tutti e’beni immobili mi trouvo avere questo dì primo d’Aghosto 1474… », ibid., p. 165. Dans la version éditée, la juxtaposition se termine p. 177.
20Ibid., p. 135, 138, 141 et 147.
21« +Morì la Marietta a dì 7 di Settenbre 1480 in Giovedì a ore 17½. No rischossi al Monte a dì 11 di Settenbre detto. E a dì 3 di Dicienbre 1482 si paghò la ghabella e assi a riavere el chapitale a dì 3 di Dicienbre 1484 dal Monte, che sono fiorini 128 larghi », ibid., p. 187.
22Ibid., p. 153.
23Comme aucune dot n’est versée pour des garçons, leurs entrées contiennent moins d’espace supplémentaire – voir la naissance et la mort de Giovanni en 1462 au feuillet 4v, ibid., p. 142.
24Voir la fameuse analyse du texte de Giovanni Morelli sur la mort d’Alberto, son fils de 9 ans, dans R. C. Trexler, Public Life in Renaissance Florence, New York, Cornell University Press, 1980, p. 172-185.
25L. Piffanelli propose plusieurs hypothèses sur la date de rédaction du livre (Il libro rosso, op. cit., p. 123-125). Il observe que Gianfigliazzi a commencé à écrire le livre entre 1463 et 1467. La liste des « figlii illegitimi » et même « legitimi » a sans doute été ajoutée plus tard, peut-être en 1478.
26Libro rosso segnate A de Bongianni Gianfigliazzi, plat intérieur du livre et fol. 1r ; L. Piffanelli, Il libro rosso, op. cit., p. 132.
27Par manque d’espace, la dernière entrée est inscrite en face du feuillet 15, sous la liste des enfants illégitimes ; elle possède son propre titre.
28Franciescho et Chatarina, deux enfants illégitimes, sont nés de la même mère.
29Voir Ugolino di Niccolò Martelli, Ricordanze dal 1433 al 1483, F. Pezzarossa (éd.), Rome, Edizioni di storia e letteratura (La memoria familiare, 3), 1989.
30Ricordanze, fol. 47v ; selon l’édition de F. Pezzarossa, op. cit., p. 208f.
31« 1423 A dì 2 di Marzo 1432 partii de Firenze Io Bongianni d’età 15 e andai a Napoli per terra a stare con Filippo di Nardo dove stetti pochi dì et andai a stare a Ghaeta chon Bartolino di Dono ch’era una medesima chompagnia. E al partire da Firenze ebbi da mia madre lb. tre di picioli », L. Piffanelli, Il libro rosso, op. cit., p. 133.
32F.-J., Arlinghaus, Zwischen Notiz und Bilanz, op. cit., p. 36-40.
33L’indication figure sur la dernière entrée concernant les enfants légitimes, placée par manque d’espace, au bas de la page de demi-titre et non au feuillet 1v (où le CV était donc sans doute déjà inscrit) ; voir cette entrée sur la figure 7.
34S. Teuscher, « Flesh and Blood in the Treatises on the Arbor Consanguinitatis (Thirteenth to Sixteenth Centuries) », dans C. H. Johnson, B. Jussen, D Warren Sabean (dir.), Blood and Kinship. Matter for Metaphor from Ancient Rome to the Present, New York/Oxford, Berghahn Press, 2013, p. 83-104.
35R. E. Belknap, The List. The Uses and Pleasures of Cataloguing, New Haven, Yale University Press, 2004, p. 2 (nous soulignons).
36Voir les notes sur Marietta aux notes 10 et 18. B. Gianfigliazzi, Richordanze, op. cit, feuillet 44v ; L. Piffanelli, Il libro rosso, op. cit., p. 187.
37Alors que les entrées concernant les deux premiers enfants de Gianfigliazzi ne donnent pas l’heure exacte de leur naissance, les suivantes le précisent, et à partir du sixième enfant, le jour de la semaine est ajouté.
38La note dans la marge indique : « dal rosso di messer Giovanni » ; L. Piffanelli, Il libro rosso, op. cit., p. 124, voir notamment la note 22.

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Église et État, Église ou État ?
Les clercs et la genèse de l’État moderne
Christine Barralis, Jean-Patrice Boudet, Fabrice Delivré et al. (dir.)
2014
La vérité
Vérité et crédibilité : construire la vérité dans le système de communication de l’Occident (XIIIe-XVIIe siècle)
Jean-Philippe Genet (dir.)
2015
La cité et l’Empereur
Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins
Antony Hostein
2012
La délinquance matrimoniale
Couples en conflit et justice en Aragon (XVe-XVIe siècle)
Martine Charageat
2011
Des sociétés en mouvement. Migrations et mobilité au Moyen Âge
XLe Congrès de la SHMESP (Nice, 4-7 juin 2009)
Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public (dir.)
2010
Une histoire provinciale
La Gaule narbonnaise de la fin du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C.
Michel Christol
2010