La topographie du sacré dans l’espace ecclésial
Énumérer, ordonner, édifier : Saint-Hilaire de Poitiers et son décor peint à la fin du XIe siècle
p. 295-310
Texte intégral
1La basilique funéraire Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, écrin pour le sépulcre du saint confesseur éponyme, Père de l’Église († 367), a été reconstruite au XIe siècle. Le chevet à déambulatoire et chapelles rayonnantes offre des volumes propices à la hiérarchisation des espaces et à la distribution des reliques autour du tombeau d’Hilaire ; un tombeau dont l’emplacement se situait sans doute dans la travée orientale de la nef. Le décor peint, objet de cette étude, a été réalisé après 1070-1080, date d’achèvement du gros œuvre, et avant 1100 où commence une autre phase de travaux afin de voûter la nouvelle nef charpentée. Les commanditaires, une communauté d’une vingtaine de chanoines séculiers, ont été aidés dans cet ambitieux chantier par le comte de Poitou, duc d’Aquitaine.
2Dans cet édifice aux proportions dignes d’une basilique tardo-antique et romaine, le décor peint qui structure l’espace de l’église participe à la mise en scène et à la théâtralisation du culte de saint Hilaire. Il vise à donner corps à l’image du saint, évêque de Poitiers en 350, à le rendre présent, tout en manifestant la sainteté de l’Église instituée et locale à travers la fabrique de son histoire1.
3Le cas est en effet particulier : la reconstruction de la basilique intervient alors que le corps du saint y est invisible, voire absent, et qu’il convient de le monumentaliser pour en soutenir le culte, déjà vieux d’au moins cinq siècles. Le pèlerinage sur le tombeau du saint est en effet attesté dès la fin du VIe siècle par Fortunat et Grégoire de Tours2. D’après la vita Fridolini confessoris, écrite au Xe siècle, un tombeau destiné aux reliques d’Hilaire aurait été érigé dans une nouvelle église construite au VIe siècle sous l’épiscopat d’Adelphius et l’abbatiat de saint Fridolin3. Une fois le transfert du « corps glorieux » réalisé dans la basilique qui lui été dédiée, précise Pierre Damien, le tombeau primitif du célèbre évêque aurait été détruit4.
4En 863, les reliques, sauvées d’un incendie provoqué par les raids normands, sont déplacées et abritées au Puy5. Au Xe siècle, la perte de ces précieuses reliques est masquée dans les actes diplomatiques par la mention récurrente du sépulcre du saint confesseur6. En 946, selon le récit du premier recueil de miracles (III, 2), le tombeau d’Hilaire « aurait été élevé […] dans son oratoire au-dessus (ou au-delà, supra) de l’autel de l’apôtre Pierre7 ». La théâtralisation du culte du saint par la mise en scène monumentale de son tombeau correspond au moment où Guillaume Tête d’Étoupe devient, en 942, l’abbé laïc de Saint-Hilaire, son frère Èbles étant, depuis 937, trésorier du monastère8. Le réaménagement, voire l’aménagement du tombeau au Xe siècle, vise bien sûr à réactiver dans la basilique le culte du saint et son pèlerinage après les événements de 863. Paradoxalement, à partir de cette période et ce jusqu’au début du XIe siècle, les actes du cartulaire n’évoquent plus le corps d’Hilaire9.
5« L’autel de saint Hilaire », vraisemblablement « l’autel de son tombeau », est ensuite de nouveau mentionné dans des actes de 1055 et de 1076 environ10. Au XIe siècle, la construction d’un nouvel édifice comme les références au sépulcre du confesseur s’inscrivent dans une politique soutenue qui vise à renforcer le culte du saint en soulignant et en mettant en signes sa puissante efficacité. Dans une perspective largement identique, les deux hagiographes des XIe-XIIe siècles qui font état des miracles réalisés par le saint situent avec précision le tombeau dans l’espace de cette même église. Apporter aux récits des précisions factuelles permet bien sûr de conférer aux miracles la qualité d’un témoignage mais également d’insister sur le lieu, « l’autel de son tombeau », « le sépulcre », l’atrium, autrement dit, la basilique funéraire. La collégiale semble ainsi baignée de la virtus de la sépulture du IXe siècle, fût-elle vide. L’empreinte qui a été laissée par le corps déposé au VIe siècle dans le lieu (locus) possède la puissance des reliques.
6Toutefois, l’invention des reliques d’Hilaire vers 1100 permet de lever les ambiguïtés concernant la présence des restes saints dans l’église poitevine depuis le IXe siècle. Selon le dixième miracle du second recueil, lors de travaux de consolidation des fondations, au moment où la charpente de la nef est remplacée par une voûte, trois prêtres découvrent – sans doute sous la travée orientale de la nef – « un très bel édifice peint en or semblable à celui du tombeau supérieur », soit possiblement celui de 946. Sous cet édicule du Xe siècle, un mausolée contenait deux tombes – celles de l’épouse et de la fille d’Hilaire –, situées de part et d’autre d’un tombeau en forme de pyramide qu’une inscription permettait d’identifier comme étant celui de saint Hilaire11.
7À la faveur de ce récit, l’hagiographe révèle implicitement que le tombeau supérieur était vide mais il se hâte de préciser que le corps du saint n’a en fait jamais quitté le sépulcre érigé par Adelphius et Fridolin. Ainsi, depuis le VIe siècle, sa virtus rayonnait bien dans la basilique funéraire de Poitiers.
8Que le tombeau supérieur ait été vide, que le corps ait été absent, que les reliques aient été retrouvées dans le sépulcre du VIe siècle, l’église du XIe siècle a bel et bien été construite en considérant la présence d’Hilaire en son sein. Les reliques constituent symboliquement la pierre d’angle de la reconstruction et des aménagements liturgiques de la collégiale. Le décor peint de la collégiale a néanmoins été élaboré dans ce contexte particulier.
9Un cycle apocalyptique se déroule sur le bandeau du rond-point de colonnes ; des cycles hagiographiques de Martin, Philibert et Quentin sont figurés dans les chapelles rayonnantes nord, nord-est et sud-est ; de nombreux saints dont la majorité portent des habits sacerdotaux sont peints sur les parois du déambulatoire et de la chapelle méridionale (fig. 1). Les piliers orientaux de la nef ont également reçu des représentations de saints évêques en pied.
10Les images du bandeau du rond-point de colonnes de l’abside sont consacrées au cycle de l’Apocalypse12 (fig. 2). Elles articulent l’ensemble du décor du chevet et plus généralement de la collégiale. Ce cycle était dominé par une Maiestas peinte sur la voûte et aujourd’hui disparue ; une Majesté de Dieu qui, selon la vision de l’Anonyme décrite dans l’Apocalypse 4, ancre le discours exégétique mis en images dans les temps présents.
11Du côté nord au côté sud, les différents épisodes se succèdent : la vision de Jean et de l’ange introduit le récit, qui se poursuit par l’évocation des cavaliers de l’Apocalypse, puis par celle de l’ange distribuant des étoles aux âmes sous l’autel, elle-même suivie de l’épisode de l’ange à l’encensoir et d’un autre ange13. Puis l’envoyé divin apporte les ailes du grand aigle à la Femme menacée par le Dragon. Le cycle s’achève par le combat de saint Michel contre celui-ci.
12La scène centrale du bandeau apocalyptique est particulièrement intéressante car elle est, peut-être plus que les épisodes du cycle, la clé et le nœud des différentes images du chevet (fig. 3). Elle génère, nous semble-t-il et nous y reviendrons, une liste qui se subdivise en trois sous-listes. Elle représente le chapitre 6 de l’Apocalypse où des anges distribuent sous l’autel des étoles aux âmes des élus, « égorgés pour la parole de Dieu » :
Alors on leur donna à chacun une robe blanche en leur disant de patienter encore un peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons de service et leurs frères qui doivent être mis à mort comme eux [Ap 6, 9-11].
Un ange est placé sur cet autel. Il fait écho au chapitre 8 de l’Apocalypse :
Un autre ange vint alors se placer sur l’autel, muni d’une pelle en or. On lui donna beaucoup de parfums pour qu’il les lui offrît, avec la prière de tous les saints, sur l’autel d’or placé devant le trône. Et de la main de l’ange la fumée des parfums s’éleva devant Dieu, avec la prière des saints (Ap, 8, 2-4).
13Les robes blanches des martyrs, stolae albae selon la traduction de la Vulgate, sont interprétées ici comme étant les étoles sacerdotales : les martyrs possèdent alors le statut de clercs14. Notons également que l’autel des martyrs a été peint strictement dans l’axe de l’autel matutinal. Non seulement le lien entre la liturgie céleste et la liturgie terrestre est affirmé mais la table sacrificielle peinte renvoie par son emplacement à l’autel des justes, ceux qui participent à la première résurrection. Il est précisé au chapitre 20 de l’Apocalypse (4-6) que « les “élus” seront les prêtres de Dieu et du Christ et qu’ils règneront avec Lui pendant mille ans ». Selon le commentaire de Ticonius, le millenium symbolique correspond donc au temps de l’Église. Les étoles sacerdotales, au lieu des robes blanches accordées aux martyrs sous l’autel, prennent ici tout leur sens15... Quoi qu’il en soit, les âmes des clercs martyrisés attendent sous l’autel que leur assemblée soit complète, ce qui marquera la fin de l’Histoire.
14Bien sûr, les élus qui patientent sous l’autel sont tous des martyrs qui, selon la description de Jean, seront concernés par la première résurrection car ils ont été « décapités pour le témoignage de Jésus et la parole de Dieu » (Ap 20, 4). Or, si Hilaire et les saints dont la vita est peinte dans les absidioles sont des élus, seul Quentin est un martyr au sens strict du terme, un martyr rouge. Hilaire, Martin et Philibert sont toutefois assimilés aux justes et les hagiographes ont pu leur attribuer le titre de martyr. Bien que Martin n’ait pas versé son sang, Sulpice Sévère lui confère ce titre car le saint avait désiré ardemment mourir pour le Christ16. Dans la même logique, les souffrances volontaires que s’inflige Philibert font de lui un martyr. Par conséquent, de nombreux saints peuvent être assimilés aux martyrs parce qu’ils ont voué leur vie sur terre au service de Dieu17. L’emplacement du tombeau-autel d’Hilaire érigé au Xe siècle dans la collégiale du XIe siècle assimile le confesseur à l’une des âmes recevant l’étole. En raison de la surélévation du transept et du chevet de la basilique, la mise en scène du tombeau dans la travée orientale de la nef était riche de sens : le corps du premier évêque de Poitiers se trouvait symboliquement « sous l’autel des martyrs » de la liturgie céleste et sous l’autel majeur du sanctuaire. Les commentaires du chapitre 6 de l’Apocalypse ont en effet légitimé la pratique de déposer les reliques des saints – les élus – sous l’autel ou dans l’autel pour les consacrer18.
15En réalité, il importe peu de savoir si les saints figurés sont considérés comme des martyrs car, à Saint-Hilaire, il est rendu hommage à tous les saints : les saints en habits liturgiques, présentés de face ; les saints en buste et en pied qui couvrent les murs du déambulatoire ; les saints dont les images relatent les faits glorieux ; tous les martyrs qui sont évoqués sur le bandeau du rond-point de colonnes. Cette importance accordée aux élus trouve son explication dans le calendrier liturgique de l’église elle-même, consacrée en 1049, un 1er novembre, le jour de la fête de la Toussaint, en présence du comte duc Guillaume Aigret et de sa mère19. Or, lors de l’office de cette fête, des versets du chapitre 7 de l’Apocalypse étaient lus, passages justement représentés par les images du chevet20.
16Une première liste peinte concerne des saints qui font l’objet d’un culte particulier dans la collégiale. Trois des quatre absidioles que compte en effet le chevet sont ornées d’un cycle narrant des épisodes choisis des vies de saint Martin, Philibert et Quentin (nord, nord-est et sud-est). Les vitae peintes qui surplombent les autels transforment l’espace de chacune de ces chapelles en un lieu dédié à un saint.
17La collégiale n’abritait pas que les reliques du plus célèbre évêque de Poitiers : à l’époque carolingienne, l’église possédait également celles des saints Martin et Quentin connues grâce aux inscriptions d’Alcuin21. Il est fort probable qu’elles aient été encore conservées dans les autels au XIe siècle. Au XVe et au XVIIIe siècle, un autel Saint-Quentin-et-Saint-Denis dont l’emplacement est à ce jour inconnu est, par ailleurs, mentionné22. La pérennité des cultes semble avoir été assurée dans la collégiale de l’époque carolingienne à la période moderne. Les inscriptions d’Alcuin précisent aussi qu’un autel était voué à saint Philibert et sainte Agathe :
Père éminent, Philibert possédera cet autel, lui qui construisit maints lieux saints pour Dieu. Lui est unie la très illustre martyre Agathe qui, par l’effusion de son sang, était parvenue à la couche nuptiale du Christ23.
18Les images des saints étaient vraisemblablement associées à l’autel où étaient déposés leurs restes corporels24. Si des reliques de Martin et Quentin étaient conservées dans l’église, aucun document n’atteste que celles de Philibert aient été transférées à Poitiers. Toutefois, elles ont été déplacées de Noirmoutier à Tournus, en passant par le Poitou25. Pourtant la présence du cycle qui lui est consacré semble indiquer qu’il faisait l’objet d’une dévotion particulière à Saint-Hilaire comme Martin et Quentin. De surcroît, le dispositif cycle peint/ reliques/ autel s’observe dans un certain nombre d’édifices aux XIe-XIIe siècles. Cette pratique s’inscrit dans une logique comparable à celle des châsses ornées où la vita du saint, mise en images – souvent la passion – sert à authentifier les restes corporels qu’elles conservent. Ainsi trois des absidioles du chevet de Saint-Hilaire sont conçues comme des reliquaires monumentaux grâce à leurs images ; images qui par leur seule présence délimitent un lieu spécifique pour le culte du saint dont les reliques étaient conservées dans chacun des autels des quatre chapelles.
19À la liste de saints prestigieux, Martin, Philibert et Quentin, s’ajoute l’énumération de clercs auréolés de sainteté dans l’espace oriental de cette basilique funéraire. Les murs de la chapelle méridionale sont en effet recouverts sur deux registres d’effigies en pied de saints figurés sous des arcades (fig. 4). Le concepteur du décor a introduit à la fois une hiérarchie et une distinction temporelle : les saints du registre supérieur, vêtus à l’antique, relèvent d’une histoire ancienne – les temps apostoliques –, tandis que les clercs en habits liturgiques, au registre inférieur, appartiennent au passé récent26 (fig. 5). Cette liste de huit personnages n’est toutefois pas figée : elle est augmentée par la représentation de clercs vêtus à l’antique ou en habits liturgiques qui envahissent les parois du déambulatoire et les ébrasements des fenêtres. Il s’agit là d’une véritable accumulation, d’une longue liste de figures saintes et cléricales – anonymes pour la plupart, associées à leur nom pour quelques-unes – qui saturent littéralement l’espace du chevet.
20Cette énumération singulière ne se comprend pleinement qu’associée à l’image de l’autel des justes peinte sur le bandeau du rond-point. Le concepteur du décor s’est en effet livré à une interprétation géniale de la source biblique : l’image des âmes sous l’autel et de l’ange à l’encensoir est en effet une synthèse, un raccourci des chapitres 6, 7 et 8 de l’Apocalypse de Jean. Au chapitre 6, 11, le visionnaire évoque l’attente des martyrs sous l’autel, puis, au chapitre suivant, la « foule immense, impossible à dénombrer [...] debout devant le trône de l’Agneau, vêtue de robes blanches, des palmes à la main [...] » (Ap 7, 9-10). Il précise quelques versets plus loin que « ce sont ceux qui viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau » (Ap 7, 14). Or la foule des élus décrite par le chapitre 7 n’est pas omise par le concepteur des images27. Elle est incarnée bien sûr par les saints Martin, Philibert et Quentin mais surtout par les saints clercs figurés dans l’absidiole sud et le déambulatoire.
21Les effigies de la chapelle méridionale comme celles du déambulatoire témoignent de l’histoire passée, récente et présente, en cours, qui agrège continuellement l’âme de nouveaux justes sous l’autel, des pasteurs ayant donné métaphoriquement leur vie au Christ ; des justes qui se tiennent debout devant le trône de l’Agneau. Ces saints, appartenant à des temporalités différentes, permettent de signifier l’histoire en marche, son fil ininterrompu depuis le sacrifice du Fils.
22Cette interprétation est confortée par une troisième liste lacunaire peinte dans la nef partiellement détruite à la période moderne. Subsistent en effet dans la travée la plus proche du chevet, sur les pilastres, sept figures en pied d’évêques sur les vingt que la communauté canoniale avait fait représenter. Sur les dix piles de l’église du XIe siècle, les vingt plus anciens évêques de Poitiers, identifiés grâce à des inscriptions, comme « QVINTIAN 9 EPS » (Quintianus évêque) que l’on retrouve au onzième rang dans la liste épiscopale, marquent de leur présence colorée le vaisseau central autant qu’ils le scandent (fig. 6). Joseph Salvini rappelle :
[I]l est normal que les chanoines de Saint-Hilaire aient eu l’idée d’évoquer autour du tombeau de leur saint patron, pour accroître le prestige de leur sanctuaire, les fastes épiscopaux de l’ancienne Église de Poitiers par ces figures auréolées du nimbe que l’on attribuait, dans les premiers siècles chrétiens, avec un culte public, à tous les pasteurs des diocèses après leur mort28.
23Les continuateurs de la mission d’Hilaire peints sur les piliers encadrant le vaisseau central de la nef permettent une progression grandiose vers le tombeau du saint. Par leur emplacement, ils apparaissent littéralement, tels les apôtres, comme les piliers de l’Église poitevine et les gardiens du tombeau d’Hilaire29. Cette liste d’évêques a bien sûr une fonction mémorielle mais elle met aussi en signes l’histoire de l’Église de Poitiers depuis sa fondation. Les pasteurs figurés ici renvoient à la sainteté de l’Église institutionnelle et locale depuis l’action de son prestigieux évêque. Une fois encore, l’inclusion de cette liste – exprimant une catégorie – dans la liste plus générale des clercs figurés dans le chevet permet d’introduire une temporalité singulière : celle de l’Église locale pensée et mise en images par la succession des prélats sur le trône épiscopal.
24Autrement dit, l’extension de l’Église dans le monde est affirmée par la liste peinte des évêques auréolés de sainteté, qui témoigne de l’histoire de l’Ecclesia, une Église terrestre en cours d’édification. Par le jeu permanent des changements d’échelles, la communauté canoniale inscrit l’histoire de l’Église locale dans l’Histoire universelle contée par le cycle apocalyptique : la liste générique des clercs du chevet comme celle particulière des évêques de Poitiers dans la nef forment bien l’image de cette Église terrestre pérégrinante en chemin vers l’Église céleste et triomphante représentée dans l’abside.
25L’espace peint vise à mettre en signes le microcosme qu’est l’édifice sacré : les reliques conservées à Saint-Hilaire reconstituent en effet au travers des articulations du chevet la topographie légendaire du diocèse, sa géographie sacrée30. Les saints dont les reliques sont déposées dans les autels des chapelles ont côtoyé Hilaire en l’Église de Poitiers ou sont associés à l’histoire du diocèse. Martin, son disciple, a fondé le monastère de Ligugé, Philibert qui a restauré l’abbaye Saint-Benoît de Quinçay dans la Vienne avait trouvé refuge auprès de l’évêque de Poitiers (sans doute Didon), après les persécutions dont il avait été l’objet à Jumièges31 ; Quentin, « apôtre » du Vermandois, avait quitté Rome pour aller prêcher la religion chrétienne en Gaule32. Ainsi les saints honorés à Saint-Hilaire appartiennent tous à l’histoire de l’Église de Poitiers, du Poitou et par extension de la Gaule. Ils sont célébrés dans le lieu pensé comme le plus sacré du diocèse, à proximité du corps du prestigieux évêque de Poitiers, et ce, en raison de leur action au sein de l’Église locale et de l’Ecclesia en général.
26L’agencement des images dans l’espace de la collégiale souligne cette dimension. Actifs dans cette Église, ces saints sont liés à la sainte figure d’Hilaire et rayonnent à partir de lui, à l’instar des autels secondaires également répartis autour du sanctuaire, qui surplombe l’autel-tombeau, véritable cœur de la basilique. Ils ont poursuivi l’œuvre du premier évêque de Poitiers mais surtout ils s’en sont nourris, ce que traduit fort bien la cohérence visuelle du chevet. Le concepteur du décor a recréé autour de la pierre de fondation du diocèse – le tombeau d’Hilaire – la cartographie sacrée du diocèse.
27Dans l’espace de la basilique se dessine l’espace diocésain marqué, baigné de l’action des saints qui ont contribué à édifier l’Église locale. Dimension spatiale et histoire du diocèse se mêlent : l’Église de Poitiers bénéficie alors dans l’espace du chevet d’une véritable construction hagiographique ; une histoire marquée par la sainteté de son fondateur et de ceux qui y ont œuvré. Dans cette mise en signes de l’histoire, le tombeau d’Hilaire et par conséquent la basilique qui l’abrite sont au centre de la topographie sacrée du diocèse.
28Par d’habiles changements d’échelles, les saints de Saint-Hilaire sont non seulement considérés comme des saints locaux mais également comme des saints gaulois dont les peintures ont fixé la mémoire : comme Hilaire, évêque et confesseur, Martin, son disciple, moine fondateur puis évêque de Tours, est considéré comme l’évangélisateur des Gaules ; Philibert est non seulement un grand abbé fondateur33 qui a marqué de son passage le Poitou où il a fini sa vie mais il aurait également évangélisé les populations rurales de la vallée du Miosson34. Quant au martyr romain Quentin, dont la virtus est présente dans le diocèse grâce à ses reliques, il évoque comme saint Martin l’apostolicité des Gaules. Autrement dit, le concepteur des images a donné à voir la morphologie spatiale de l’Église locale, une cartographie symbolique du diocèse, pensée au sein de l’Église universelle.
29Ainsi, l’édifice et son décor sont au service d’une vaste construction hagiographique autour du sarcophage du saint évêque orchestrée par la communauté canoniale.
30À l’édification s’ajoute l’image que la communauté canoniale donne d’elle-même et de sa mission. Notons dans un premier temps l’accent mis sur la fonction cléricale : saints tonsurés et/ou en habits liturgiques, étole sacerdotale qui assimile les âmes sous l’autel à des prêtres de Dieu (Ap 20, 4-6). En raison de leur mission pastorale, les chanoines sont assimilés à ces justes, « ces prêtres de Dieu » qui répandent la Bonne Nouvelle, fonction première du sacerdoce.
31L’évocation de la sainteté de l’Église instituée est complétée par la signification de chacun des épisodes choisis dans la foisonnante matière narrative des vitae de Martin, Philibert et Quentin. Le geste de Martin est un exemplum, manifestation de la charité absolue ; Philibert incarne la rigueur de l’ascèse et le combat contre le mal tandis que le martyr Quentin est l’image de la prédication et de la pastorale. Autrement dit, ces scènes par la thématique qu’elles véhiculent définissent la pureté de vie canoniale telle que les chanoines l’exposent : pauvreté, charité, renoncement, ascèse, fonction dans le siècle.
32Enfin, la communauté se proclame dépositaire de la mémoire du diocèse. S’il s’agit bien sûr de commémorer les fastes de l’Église poitevine en peignant les vingt successeurs du docteur de la foi sur les piliers de la nef, la communauté canoniale essaie aussi d’inscrire son action dans la continuité de la sainte lignée inaugurée par le prestigieux évêque et ceux qui ont poursuivi sa mission. Les nombreux clercs qui, selon un processus accumulatif, ont envahi l’espace du chevet en sont la manifestation la plus aboutie.
33Cette ambition est manifeste dans l’image de la mort d’Hilaire en état de grâce sur la corbeille du chapiteau de la croisée, située du côté nord, où se trouvait le cimetière (fig. 7). Seule image conservée du fondateur de l’Église de Poitiers, si tant est qu’il y en ait eu d’autres, elle rappelle la présence du corps – pourtant non visible ou absent – de l’évêque dans la collégiale35.
34Sur la face principale de la corbeille, l’évêque, étendu sur un lit, est veillé par ses frères tandis que deux anges emportent son âme au ciel36. Deux espaces, deux « lieux » sont clairement dissociés par la composition de l’image : la scène de la veillée funèbre est séparée par un vide horizontal de la zone céleste où l’esprit d’Hilaire gagne les cieux37. Les clercs qui gardent avec attention et affliction la dépouille du saint ne regardent pas l’élévation de son âme en raison du cloisonnement entre le lieu-terre et le lieu-ciel. Sur le chapiteau, les anges, qui apparaissent près du lit mortuaire pour emporter l’âme au ciel, escamotent l’idée de la résurrection à la fin des Temps. Dans cette scène inspirée par l’épisode de l’âme du pauvre Lazare emmenée par les anges dans le sein d’Abraham, l’esprit d’Hilaire a pris la forme d’un petit personnage nu.
35Le sujet de cette scène s’inscrit pleinement dans le thème générique du décor peint : il témoigne concrètement de l’appartenance d’Hilaire à la communauté des justes qui participe à la première résurrection. La mort naturelle du saint, fort rare dans l’art monumental, qui complète admirablement le propos d’ensemble, n’a pas de quoi surprendre dans une église funéraire vouée au pèlerinage. Cette image sculptée met aussi en scène une communauté ou la communauté religieuse autour de la sainte dépouille. L’un des clercs touche le corps du fondateur de l’Église locale. Ce geste assure la continuité entre le fondateur et la communauté qui se constitue autour et se structure à partir de lui. Il fonde la légitimité de la communauté, gardienne de la dépouille mortelle du saint et du tombeau qui la contient. Par le contact avec le corps du fondateur de l’Église locale, la communauté qui s’est établie auprès de la sépulture devient en quelque sorte la passerelle entre le saint évêque et ses successeurs. Il semble évident que les chanoines de Saint-Hilaire se sentent investis d’un rôle majeur au sein du diocèse et auprès de l’évêque. Grâce à cette image, ils réécrivent l’histoire car la communauté originelle, gardienne des reliques, n’est pas canoniale. Au VIe siècle, la basilique funéraire est dirigée par un abba basilicae, probablement un abbé séculier désigné par l’évêque38. Le statut de la communauté n’est clairement établi qu’au IXe siècle grâce à un diplôme de Louis le Pieux en 808 qui évoque la vie de Saint-Hilaire « sous l’habit canonial ». Puis, au Xe siècle, les réformes instituées par le trésorier Èbles, frère du comte de Poitou Guillaume Tête d’Étoupe, confirment son statut de collégiale séculière. Pourtant au XIe siècle, en choisissant cette représentation, la vingtaine de chanoines de Saint-Hilaire se réclame de la communauté originelle.
36La collégiale est donc conçue comme le principal lieu de mémoire du diocèse. Les chanoines, gardiens du tombeau d’Hilaire, sont garants de l’entretien de la mémoire de leur saint patron mais ils se présentent aussi comme les gardiens de l’histoire du diocèse. L’église funéraire d’Hilaire, pilier fondateur de l’Église de Poitiers et ciment de cette dernière, est le théâtre de la mémoire du diocèse, véritable construction hagiographique mise en scène de manière monumentale par la communauté canoniale.
37L’Histoire – le temps de l’Église – qui est mise en images à Saint-Hilaire est en mouvement. La sainteté de l’Église instituée explique sa réunion, sa fusion à la fin des temps avec l’Église céleste. À Saint-Hilaire, par d’habiles jeux d’échelles, l’Histoire universelle se confond avec l’histoire locale. Ainsi, l’édification de l’Église de Poitiers est-elle liée à l’action d’Hilaire dans le diocèse. D’autres saints associés au prestigieux évêque ou à son Église, puis ses successeurs sur le trône épiscopal ont poursuivi sa mission, œuvrant à la construction du diocèse dont il est considéré comme le fondateur. Tous, les prêtres, les clercs s’inscrivent dans cette continuité dès lors qu’ils dépendent de cette Église dont l’édification a commencé sous le saint épiscopat d’Hilaire. Il est question aussi, ici, de perfection, d’idéal revendiqués par ceux qui prétendent marcher dans les pas du saint. Ainsi, à la visibilité du corps du fondateur s’est substituée la sainteté de son Église, incarnée par tous les clercs (les âmes des martyrs sous l’autel).
38Tout le décor peint est ordonné pour affirmer la sainteté de l’Église instituée et locale : l’image des élus (clercs anonymes, saints célèbres) distribuée dans les absidioles et sur les murs du déambulatoire comme une cour céleste autour de la Majesté de Dieu peinte sur la voûte de l’abside ; la longue liste des clercs qui attendent sous l’autel et se présentent devant Dieu, saturant le massif oriental de leur présence ; le tombeau d’Hilaire, pierre de fondation de l’Église poitevine, autour duquel sont réunies des reliques des saints « compagnons » d’Hilaire ou de son Église, qui reconstituent dans le chevet la topographie sacrée du diocèse. La liste des vingt plus anciens évêques de Poitiers, continuateurs des apôtres et piliers de l’Église locale, complète ce récit hagiographique : sous la houlette de chacun de ses prélats, l’Église de Poitiers est guidée vers l’Église céleste dont elle est le miroir.
Fig. 1 – Poitiers, église Saint-Hilaire

Fig. 2 – Poitiers, église Saint-Hilaire, chevet, vue générale

Fig. 3 – L’ange distribuant des étoles aux âmes des martyrs sous l’autel.

Poitiers, église Saint-Hilaire, chevet, bandeau du rond-point de colonnes, peinture murale
Fig. 4 – Saints

Poitiers, église Saint-Hilaire, absidiole méridionale, mur est, peinture, registre supérieur
Fig. 5 – Saints

Poitiers, église Saint-Hilaire, absidiole méridionale, mur est, peinture, registre inférieur
Fig. 6 – L’évêque Quintianus

Poitiers, église Saint-Hilaire, nef, bas-côté sud, face nord du pilier, peinture
Fig. 7 – Mort de saint Hilaire

Poitiers, église Saint-Hilaire, transept, bras nord, chapiteau
Notes de bas de page
1Pour de plus amples développements sur les cycles hagiographiques peints, nous nous permettons de renvoyer à notre ouvrage où nous avions analysé le décor de Saint-Hilaire (C. Voyer, Faire le ciel sur la terre. Les images hagiographiques et le décor peint de Saint-Eutrope aux Salles-Lavauguyon [XIIe siècle], Turnhout, Brepols, 2007, p. 272-281, 330-332, 383-385).
2Venance Fortunat, Vita Sancti Hilarii ; Liber de virtutibus sancti Hilarii, dans Opera pedestria, B. Krusch (éd.), Berlin (MGH, Auctores antiquissimi, IV, 2), 1855, p. 1-11 ; Grégoire de Tours, Liber in gloria confessorum, c. 2, B. Krusch (éd.), Hanovre (MGH, SRM, II, 1-2), 1885, p. 299, cités par M.-T. Camus, « La reconstruction de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers. La marche des travaux », Cahiers de civilisation médiévale, 25, 1982, p. 103.
3Vita sancti Fridolinii confessoris, B. Krusch (éd.), Hanovre (MGH, SRM, III), 1886, p. 350-369. Cette affirmation est reprise par Pierre Damien, Sermo II, De translatione sancti Hilarii episcopi Pictavensis et confessoris, PL, 144, col. 514-515.
4Ibid.
5É. Carpentier, R. Favreau, G. Pon, « Les miracles de saint Hilaire, de Fortunat à la fin du XIIe siècle, Hagiographie, architecture et histoire », 14, La fabrique des saints poitevins (VIe-XIIe siècle) : Hilaire et Maixent, Revue historique du Centre-Ouest, 2015, p. 34.
6Ibid., p. 34.
7Ibid. Sur les sources des miracles, voir p. 22-26.
8Le plus souvent les tombeaux des saints étaient accolés voire engagés dans l’autel selon une disposition en tau. On peut citer, dans le premier cas, ceux d’Autun et de Saint-Guilhem-le-Désert, tandis que le second cas est illustré par l’autel-tombeau de la collégiale Saint-Junien. Voir B. Nilson, Cathedral Shrines of Medieval England, Woodbridge, Boydell Press, 1998.
9Carpentier, Favreau, Pon, « Les miracles… », art. cité, p. 34.
10Documents pour l’histoire de l’église Saint-Hilaire de Poitiers, L. Rédet (éd.), t. I, Mémoires de la Société des antiquaires de l’Ouest, 14, 1847, no LXXX, p. 87 et no LXXXIX, p. 95, cité par É. Carpentier, R. Favreau, G. Pon, « Les miracles… », art. cité, p. 35.
11Le sepulcrum est décrit comme un petit mausolée peint en or avec trois tombes en marbre posées sur le sol : deux plates, celles de la femme et de la fille d’Hilaire, et celle d’Hilaire en forme de pyramide (un couvercle à bâtière peut-être). Voir V. Mortet, Recueil de textes relatifs à l’histoire de l’architecture et à la condition des architectes en France au Moyen Âge, Paris, A. Picard, 1911, p. 142. En dernier lieu, voir É. Carpentier, R. Favreau, G. Pon, « Les miracles… », art. cité, p. 85-86.
12Voir à ce propos, M. -T. Camus, « À propos de trois découvertes récentes : images de l’Apocalypse à Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers », Cahiers de civilisation médiévale, 32, 1989, p. 125-133 ; Id., « Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers », dans B. Brochard, Y. -J. Riou, V. Arnault-Nautré (dir.), Les peintures murales de Poitou-Charentes, Saint-Savin, Centre international d’art mural, 1993, p. 56-61 ; Y. Christe, L’Apocalypse de Jean. Sens et développements de ses visions synthétiques, Paris, Picard, 1996, p. 105-107.
13Selon Y. Christe, cet ange est soit l’ange d’Ap 7, 2, soit celui d’Ap 10, 1. La tradition exégétique l’assimile au Christ ressuscité : L’Apocalypse de Jean…, op. cit., p. 106.
14Et datae sunt illis singulae stolae albae : et dictum est illis ut requiescerent adhuc tempus modicum donec compleantur conservi eorum, et fratres eorum, qui interficiendi sunt sicut et illi.
15Y. Christe, L’Apocalypse de Jean…, op. cit., p. 106. De surcroît, par le choix de son emplacement, l’image de « l’autel des martyrs » se teinte d’une très forte connotation eucharistique, véritable exégèse visuelle sans équivalent dans l’exégèse textuelle. Toutefois, selon Yves Christe, « l’ange à l’encensoir dans une tradition exégétique issue de Ticonius et de ses réviseurs orthodoxes, est régulièrement interprété comme l’ange du Seigneur d’Is 9, 5 (LXX), c’est-à-dire une figure du Christ de l’Incarnation ». Présenté comme un médiateur entre Dieu et les hommes, cet ange est assimilé par Ambroise Autpert au Christ-Prêtre. Selon Yves Christe, l’interprétation d’Ambroise Autpert a peut-être amené ses lecteurs du XIe siècle à considérer l’ange à l’encensoir comme l’ange du sacrifice des Supplies de la Messe romaine, alors même que ce rapprochement n’a jamais été fait concrètement par les commentateurs qui l’ont suivi.
16Sulpice Sévère, Epist. 2,8-2,9, cité par P. Skubiszewski, « Une Vita sancti Martini illustrée à Tours (Bibliothèque municipale, ms. 1018) » dans R. Favreau (dir.), Le culte des saints aux IXe-XIIe siècles, Poitiers, Centre d’études supérieures de civilisation médiévale, 1995, p. 122.
17Voir à ce propos, le chapitre de P. Skubiszewski sur le décor du manuscrit de sainte Radegonde, dans R. Favreau (dir.), La vie de sainte Radegonde, Poitiers, Bibliothèque municipale, manuscrit 250 (136), Paris, Seuil, 1995, p. 141-142 et p. 148.
18Ambroise de Milan, Epistolae, 22, 13, cité par C. Pietri, « L’évolution du culte des saints aux premiers siècles chrétiens », dans Les fonctions des saints dans le monde occidental (IIIe-XIIIe siècle), Rome, École française de Rome, 1991, p. 33.
19Le martyrologe hieronymien (AAss, nov., II, 2, p. 582) fixe au 1er novembre la dédicace de Saint-Hilaire sans en donner l’année : Pictavis dedicatio basilicae sancti Hilari episcopi et confessoris. Voir Documents pour l’histoire…, op. cit., p. 86 ; R. Crozet (dir.), Textes et documents relatifs à l’histoire des arts en Poitou, Poitiers, Société des archives historiques du Poitou, 1942, p. 23.
20Ap 7, 9-10 : « Après cela, je regardai, et voici, il y avait une grande foule, que personne ne pouvait compter, de toute nation, de toute tribu, de tout peuple, et de toute langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l’agneau, revêtus de robes blanches, et des palmes dans leurs mains. Et ils criaient d’une voix forte, en disant : Le salut est à notre Dieu qui est assis sur le trône, et à l’agneau. »
21Jean Michaud écrit à ce propos dans Les inscriptions de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers, Poitiers, E. R. A. du Corpus des Inscriptions de la France médiévale [référence imprécise ; il s’agit semble-t-il d’un doc. dactylographié], 1971, p. 2 : « Saint-Hilaire était l’un des plus importants établissements ecclésiastiques du Poitou et de tout l’Ouest. C’est dans ce cadre que se situent les premières inscriptions hilariennes connues à l’époque carolingienne, inscriptions métriques composées par les grands lettrés de l’époque, Paul Diacre et Alcuin, épitaphes gravées sur des pierres qui sont aujourd’hui les plus anciens témoins archéologiques conservés de la primitive église de Saint-Hilaire. »
22E. -R. Labande (dir.), Corpus des inscriptions de la France médiévale, t. 1, Poitou-Charentes, 1, Ville de Poitiers, Poitiers, Éditions du CNRS, 1974, p. 39 : « Que Quentin martyr, et Denis, Père, protègent à jamais de l’Ennemi cet autel, par leurs prières, l’un et l’autre maîtres de vie par l’excellence de leurs mérites, eux qui par leur sang vermeil possèdent les royaumes bienheureux. »
23Ibid., p. 39.
24Les inscriptions commençaient peut-être par le nom des saints dont l’église possédait les reliques, par exemple Quentin, et se terminaient par la mention de personnages généraux qui n’impliquait pas nécessairement la possession de reliques.
25En 862, les moines de Noirmoutier quittent Cunault avec les reliques de Philibert, et se replient en Poitou, à Messais, lieu qui leur avait été concédé par Charles le Chauve en 854. Voir I. Cartron, Les pérégrinations de Saint-Philibert. Genèse d’un réseau monastique dans la société carolingienne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p. 78-79.
26L’état de conservation des peintures ne permet pas d’observer la tonsure éventuelle des figures saintes du registre supérieur.
27M. -T. Camus, « Les saints dans les peintures de quelques églises du XIe siècle du Centre-Ouest de la France », Medioevo aostano, La pittura intorno all’anno mille in cattedrale e in Sant’Orso, S. Barberi (dir.), Turin, U-Allemandi, 2000, p. 267.
28J. Salvini, « Les évêques de Poitiers sur les fresques de Saint-Hilaire », Bulletin de la société des antiquaires de l’Ouest et des musées de Poitiers, 6, 1961, p. 249. Alpius au registre inférieur du deuxième pilier nord en partant de l’est ; saint Hilaire et Pascentius sur le premier pilier nord, côté sud Quitanius et Gelasius (premier pilier en partant de l’est ; Attenius et Maxentius sur le deuxième pilier.
29M.-T. Camus, « Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers… », art. cité, p. 58. On retrouve une symbolique similaire dans le cloître de Moissac terminé en 1100 avec la représentation de l’abbé Durand, abbé de Saint-Pierre et évêque de Toulouse.
30Nous renvoyons aux réflexions fondatrices d’Alain Guerreau sur la construction de l’espace social et de l’espace symbolique de l’ordre clunisien, à partir de reliques de l’église abbatiale de Cluny (A. Guerreau, « Espace social, espace symbolique : à Cluny au XIe siècle », dans J. Revel, J.-C. Schmitt (dir.), L’ogre historien, Autour de Jacques Le Goff, Paris, Gallimard, 1998, p. 167-191), et à celles de Daniel Russo sur le décor peint de Cluny dans un article dont le titre est explicite quant aux concepts qui le forgent : « Espace peint, espace symbolique, construction ecclésiologique. Les peintures de Berzé-la-Ville (Chapelle-des-Moines) », Revue Mabillon, 72, 2000, p. 57-87. Issus d’une historiographie différente, voir également les travaux de Marcia Kupfer sur la structuration de l’espace de la crypte par les images peintes dans la collégiale de Saint-Aignan-sur-Cher et la cartographie du sacré (M. Kupfer, « Symbolic Cartography in a Medieval Parish : From Spatialized Body to Painted Church at Saint-Aignan-sur-Cher », Speculum, 75 [2000], p. 615-667 et The Art of Healing, Painting for the Sick and the Sinner in a Medieval Town, University Park, The Pennsylvania State University Press, 2003).
31Saint du VIIe siècle, abbé fêté le 20 (24) août, Vita sancti Filiberti, dans Monuments de l’histoire des abbayes de saint Philibert (Noirmoutier, Grandlieu, Tournus), R. Poupardin (éd.), Paris, A. Picard et fils, 1905, p. 4.
32Saint martyr du IIIe siècle, fêté le 31 octobre (AAss, octobre, III, p. 781-787) et Grégoire de Tours, Liber in gloria martyrium, PL 72 (73), col. 705-800.
33Outre Saint-Benoît de Quinçay dans la Vienne, saint Philibert a fondé Noirmoutier, Saint-Michel en Lherm et Luçon en Poitou.
34Dom François Chamard, Histoire ecclésiastique du Poitou. Mémoires de la société des antiquaires de l’Ouest, 12, 1874, p. 3.
35Marie-Thérèse Camus émet l’hypothèse qu’un cycle était peint autour du tombeau. Les scènes sculptées du cénotaphe reproduisaient, peut-être, les scènes peintes de Saint-Hilaire.
36La conception est la même pour le cénotaphe en partie conservé de Saint-Hilaire de la Celle.
37Ce chapiteau a été étudié par Marie-Thérèse Camus dont nous rejoignons les interprétations. Voir M.-T. Camus, Sculpture romane du Poitou. Les grands chantiers du XIe siècle, Paris, Picard, 1992, p. 134.
38Sur le statut de la communauté de clercs, voir la thèse de L. Vallière, Le chapitre de Saint-Hilaire-le-Grand de Poitiers au Moyen Âge. Une collégiale poitevine entre 1240 et 1440, thèse de doctorat, sous la direction de Martin Aurell, Poitiers, 2001, p. 2-3.
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