Les listes aux prises avec l’espace-temps médiéval
p. 5-22
Texte intégral
1Ce troisième volume issu des travaux du programme de recherches Polima (Pouvoir des Listes au Moyen Âge) rassemble les actes de deux rencontres scientifiques organisées à Madrid (5-8 juillet 2017) et Paris (9-10 janvier 2018)1. Consacré à l’articulation entre, d’une part, la production et l’usage des listes et, d’autre part, la spatialité et la temporalité de la société médiévale, ce volume retisse aussi d’une autre manière les liens entre le premier de la série, centré sur ce qui fait liste (donc à un niveau abstrait), et le deuxième, conçu par rapport à des items spécifiques (personnes et choses) et à ce que la mise en liste leur fait subir. Dans le cas présent, le caractère abstrait d’un questionnement en termes de spatialité et de temporalité n’échappera à personne même si, là encore, il est appliqué dans plusieurs des contributions à des objets concrets (personnes et/ou choses) pris dans leurs dimensions spatiales et temporelles abstraites (prise qui ne se limite pas à l’inscription dans le temps et l’espace médiévaux, on le verra). Mais ce questionnement a aussi pu porter directement sur des objets proprement spatiaux et/ou temporels (en ce sens qu’ils ont été conçus pour rendre compte de ces dimensions), comme des listes (écrites ou iconographiques) de lieux ou de faits datés. Spatialité et temporalité ont ainsi été interrogées et mobilisées en tant que principes potentiellement ordonnateurs d’une forme d’hétérogénéité (de notre point de vue contemporain) de la liste écrite ou iconographique et de ses items. Le rapport entre personnes et/ou choses et la spatialité/temporalité a dû être repéré et décrit (a-t-on affaire à la fabrication d’une temporalité/spatialité ad hoc ? à la projection dans une temporalité/spatialité prédéfinie dans le discours englobant la liste ? etc.), pour tenter de saisir les principes globaux de conception des listes médiévales examinées, tout en tenant compte du caractère abstrait et problématique des notions de spatialité/temporalité.
2Pourquoi la spatialité et la temporalité ? On écartera d’emblée le recours à des justifications prétendument philosophiques plus ou moins inspirées de Kant et des « deux formes pures de l’intuition sensible comme principes de la connaissance a priori » que sont chez lui l’espace et le temps2, parce qu’il serait aisé de montrer tout ce qu’elles doivent aux conceptions contemporaines de l’espace et du temps : Kant est en effet l’un de ces grands « convertisseurs » à l’œuvre pendant la « phase de seuil » (la Sattelzeit de Reinhart Koselleck), qui font passer du système de représentations, disons, « féodal » au système de représentations, disons, « libéral3 » – mais on pourrait tout aussi bien qualifier la transformation en question, à la suite de Philippe Descola4, comme le marqueur du passage d’une société (ou ontologie) analogiste à une société (ou ontologie) naturaliste. Ce passage ne peut pas ne pas avoir affecté nos rapports à l’espace et au temps, c’est-à-dire la spatialité et la temporalité. Il ne serait donc guère légitime de partir de ce qui, dans notre société, nous paraît spontanément, en raison de la « ruse suprême du naturalisme5 », comme englobant, naturel, toujours déjà là : ce ne sont pas encore, à la période médiévale, ces découpages commensurables et ayant valeur de lois naturelles, ces entités du « monde physique et corporel objectif6 » qui ne dépendent en rien de la connaissance et dans lesquelles s’inscrivent après coup les actes humains. Ce ne sont pas des écrans blancs sur lesquels se projetterait le social et dont le questionnement se serait imposé à nous parce qu’ils engloberaient « quoi qu’il en soit » le fait social.
3Si la question de la temporalité et de la spatialité s’est nécessairement posée à nous, c’est bien plutôt en raison de la matrice théorique du programme, né d’une hypothèse centrale de Jack Goody qui considère la liste comme paradigme de l’écriture7, alors que, en tant que médiévistes (historien·ne·s, historien·ne·s de l’art, historien·ne·s de la littérature, linguistes), nous nous interrogions sur les usages sociaux de l’écriture et leurs transformations au cours du millénaire médiéval (dans ses bornes académiques classiques). Lorsqu’il tente de cerner les usages les plus anciens et les plus courants des listes, l’anthropologue les associe en premier lieu à des logiques temporelles : la liste sert à enregistrer des événements extérieurs qui ont déjà eu lieu mais elle sert aussi de plan à une action future8. Des logiques temporelles interviennent aussi dans son mode de constitution, puisqu’elle est couramment établie chronologiquement à mesure que les informations dont on veut garder la mémoire parviennent au scripteur9. Privilégiant une définition assez stricte de la liste, à laquelle nous avons sciemment choisi de ne pas nous restreindre au sein du programme Polima, Jack Goody rend de plus la liste indissociable d’une certaine « disposition spatiale » qui permet des lectures dans différents ordres et inscrit ses éléments à l’intérieur d’une limite10. Mais l’ouvrage de Goody présente également une autre hypothèse forte, à savoir que la logique de l’écriture (la « raison graphique » de la traduction française) est une logique de décontextualisation/recontextualisation – puisque les données écrites deviennent utilisables ailleurs et/ou plus tard. Ces deux hypothèses sont bien sûr articulées, la mise en liste constituant un bon moyen de décontextualisation, même si Goody passe assez vite sur cette articulation11, que Mary Douglas tend cependant à nuancer12. La liste paraît constituer un outil très adapté à l’action dans l’espace (à distance) et dans le temps (dans la durée), mais la question de la mise en œuvre pragmatique de telles potentialités au cours de la période médiévale reste posée. Le présent volume repose donc sur l’idée que la liste n’est pas seulement dans l’espace et/ou dans le temps (ce qui ne signifie pas qu’elle ne l’est pas aussi), mais que l’espace et le temps sont dans la liste et font la liste.
4Cette perspective soulève toutefois diverses questions, du double point de vue théorique et historiographique. Questions théoriques, car si l’on peut estimer que les objets et les personnes soulèvent a priori peu de difficultés conceptuelles (l’identification de ce qu’est un objet ou une personne dans cette société peut être, au-delà des aspects notionnels, assez aisément contournée à l’aide d’un protocole objectivé13), il n’en va pas de même pour l’espace et le temps, ni a fortiori pour la spatialité et la temporalité, puisqu’il s’agit nécessairement de rapports sociaux, donc historiques, comme on l’a déjà suggéré. Quels espace et temps ? Les nôtres ou l’espace et le temps médiévaux ? Il ne s’agit nullement d’une question oiseuse, ou qui se réduirait à une simple lutte contre l’ethnocentrisme de nos représentations14. De là découlent en effet des schèmes explicatifs spontanés, et donc potentiellement (ou plutôt : très probablement) biaisés : ainsi, ce que nous qualifions de remploi, ou encore de sédimentation, prend nécessairement un sens spécifique dans notre conception globalement linéaire du temps, structurée par la différence radicale avant/après15. Mais si nous nous plaçons dans une société où le passé rejoue en permanence dans le présent, à quel phénomène avons-nous affaire16 ?
5Cette perspective débouche aussi sur des questions historiographiques, concernant d’une part la connaissance qui est la nôtre de la spatialité et de la temporalité médiévales, et de l’autre la manière dont on s’est positionné (et dont on se positionne) par rapport à elles, si l’on admet qu’elles étaient très différentes des nôtres. Pour ce qui est du second aspect, déjà évoqué plus haut dans ses fondements anthropologiques, on admettra que les médiévistes ont longtemps fait comme si l’espace et le temps médiévaux allaient de soi parce qu’ils correspondaient au temps universel (ou GMT) et à l’espace cartésien, dont seules varieraient les modalités de mesure ; de ce fait les données spatiales ou temporelles contenues dans les textes n’auraient besoin que d’être traduites (conversion des datations, cartographie descriptive – à ne pas confondre avec les techniques actuelles de formalisation géographique, comparables toutes proportions gardées aux graphes issus d’analyses factorielles). On n’insistera pas ici sur les changements introduits, dans la seconde moitié du XXe siècle, dans la manière de se positionner vis-à-vis des sociétés anciennes, considérées comme des sociétés « autres » et donc comparables à celles qu’étudient les ethnologues – un « dialogue » (en partie de sourds) qui se poursuit actuellement sur le terrain de l’anthropologie symétrique et des possibles implications pour une « histoire symétrique17 ».
6En ce qui concerne notre connaissance de la spatialité et de la temporalité proprement médiévales, que savons-nous de l’espace et du temps, et surtout du rapport entre les deux ? De ce point de vue, nos connaissances sont très dissymétriques : autant la spatialité médiévale a fait l’objet, depuis une trentaine d’années, de travaux assez nombreux, de qualité variable mais qui montrent tout l’intérêt qu’il y a à remettre en cause nos évidences d’un espace surfacique et isotrope, autant la temporalité médiévale n’a suscité que peu de recherches, comme si, des deux catégories kantiennes, celle du temps, attribuée aux historiens, s’avérait intouchable. Sans chercher à procéder à une revue historiographique du traitement de l’espace par les historiens (dont certains linéaments sont d’ailleurs rappelés dans les contributions elles-mêmes), on dira simplement que cette remise en cause de l’universalité et de la naturalité (et donc de l’anhistoricité) de l’espace18 procède de chercheurs initialement formés voire continuant à travailler dans une perspective marxiste, qu’ils soient philosophes (comme Henri Lefebvre), géographes (comme Jacques Lévy ou Gilles Ritchot) ou historiens, en l’occurrence médiévistes (comme Alain Guerreau ou Jesus Ángel García de Cortázar)19.
7Depuis les années 1990 s’observe en effet dans les sciences sociales, et notamment l’histoire (médiévale), ce qu’il est convenu d’appeler un « tournant spatial », qui correspond à l’abandon de la conception naturaliste de l’espace (qui existerait en soi, de manière préalable au social) et à la réévaluation du caractère spatial des pratiques sociales et des objets mis en œuvre par ces pratiques, ainsi que des enjeux que constituent les distances ou proximités concrètes ou encore la mise en mouvement. Pour ce qui est de l’histoire médiévale, il suffira de mentionner quelques-unes des multiples publications, dont la dimension le plus souvent collective signale qu’il s’agit à la fois d’un objet partagé et académiquement légitime20. Cela ne signifie évidemment pas que prévaut désormais un consensus sur ce qu’était la spatialité médiévale, mais qu’en revanche sa spécificité par rapport à la nôtre est une chose acquise (ce qui ne signifie nullement qu’elle soit bel et bien intégrée dans les questionnements historiens). Si l’on force le trait, une des théories qui a fait date sur la spécificité de la spatialité médiévale a isolé un certain nombre de marqueurs, à savoir que l’espace est fondamentalement hétérogène et anisotrope (fortement polarisé, à partir des Xe-XIe siècles, par les églises et, secondairement, les châteaux), que sa représentation graphique passe moins par des cartes que par des listes de lieux (à l’échelle du monde comme à celle des seigneuries), et que son appropriation/appréhension concrète se réalise par la déambulation, laquelle met en œuvre de surcroît, à toutes les échelles, un schème intérieur/extérieur. On peut alors s’interroger sur la manière dont la liste vient mettre à l’épreuve cette schématisation des conceptions spatiales. À première vue, la discontinuité de ses éléments semble faire écho à celle des représentations de l’espace, mais cette discontinuité ne doit pas faire oublier l’importance des liens qui existent entre ses éléments : la liste mise en figure établit une unité entre les différents éléments inclus dans la figure, et si le lecteur peut choisir de faire varier les sens de lecture d’une liste dans des proportions qui sont incomparables avec ce que peut proposer un texte narratif, il n’en reste pas moins que l’étude des listes tend à indiquer que l’agencement spatial des catégories mises en listes n’est en réalité jamais l’effet du hasard. Pour le dire autrement, l’ordre de la liste importe souvent autant pour son scripteur que les catégories qui la composent ; et cet ordre, qui peut dans certains cas relever de logiques purement temporelles, renvoie aussi, dans d’autres cas, à des logiques spatiales rétablissant, au-delà de la discontinuité de la forme graphique, une continuité entre les éléments auxquels elle se réfère. De même, lorsque ces éléments renvoient à des lieux, ils confortent la logique de pôles (puisque les lieux ont souvent été choisis par le scripteur en vertu du rôle de polarisation qu’ils remplissent) tout autant qu’ils la mettent à l’épreuve, en associant au sein de la même liste des éléments dont l’importance et les fonctions sociales ne semblent pas, lorsqu’ils sont envisagés au prisme d’autres textes, pouvoir être considérées comme équivalents. Les listes (qui n’échappent pas elles-mêmes à la diversité) ne constituent qu’une des manières d’observer les formes de spatialité propres au Moyen Âge. Mais, dans la mesure où elles ne font pas voir exactement la même chose que d’autres types de textes ou de figures, plus largement étudiées par les chercheurs, et où elles sont dotées d’une incontestable efficacité sociale, les listes méritent d’être (ré)intégrées dans le corpus sur lequel repose le dynamisme des études relatives aux formes de spatialité médiévales.
8Face à cela, force est de constater qu’il n’existe à propos de la temporalité médiévale aucun début de consensus sur son inévitable spécificité, ce qui tient moins à des désaccords qu’à la quasi-absence, tout simplement, de réflexion collective. Il y a quelques années déjà, en 2005, dans un numéro des Cahiers de civilisation médiévale consacré à un bilan de la médiévistique du XXe siècle, Jean-Claude Schmitt avait attiré l’attention sur la faiblesse des travaux concernant le temps médiéval21, qui se sont longtemps focalisés sur la seule question de son découpage (notamment sous l’angle des calendriers). Le temps pourrait bien devoir être considéré comme un « impensé » du médiéviste, alors même qu’il constitue plus certainement un « double objet de l’historien », en tant que phénomène « indigène » et que problème théorique/épistémologique lié à la conception de l’histoire comme « science des hommes dans le temps », pour reprendre la fameuse définition de Marc Bloch. À quelques exceptions près (notamment certains travaux de Jean-Claude Schmitt), cette situation ne nous semble pas avoir fondamentalement changé depuis.
9La nature cyclique, linéaire, mi-cyclique mi-linéaire, ou répétitive du temps médiéval est ainsi un objet de recherches encore peu fréquenté, sur lequel il convient donc de s’arrêter un instant – sans pour autant prétendre faire autre chose que signaler les pistes de lecture qui se sont ouvertes ces dernières années. En s’appuyant sur les deux concepts de Koselleck, le « champ d’expérience » (Erfahrungsraum, i.e. le passé tel qu’il est perçu depuis le présent) et l’« horizon d’attente » (Erwartungshorizont, i.e. le futur tel qu’il est anticipé depuis le présent), susceptibles d’être ouverts ou fermés et de se confondre (en cas de circularité du temps) ou non, on remarque aisément que la temporalité médiévale ne correspond ni à la circularité antique, ni à la linéarité actuelle. L’idée d’une temporalité médiévale prétendument circulaire, propre à une société agraire et dominée par le circulus anni de la liturgie et à l’origine de ce que Marc Bloch considérait comme une « vaste indifférence au temps22 », est en effet désormais abandonnée. De fait, le christianisme imposait l’idée d’un temps orienté, menant de la Chute à la Fin des temps, analogue en cela au temps humain menant de la naissance à la mort. D’où la métaphore récurrente mundus senescit, mais aussi le fait que les chrétiens n’ont retenu du panthéon gréco-romain, en guise d’allégorie du temps, que Chronos, le dieu du temps humain qui mène de la naissance à la mort, tandis qu’Aiôn, le dieu du temps cyclique et de l’éternel retour gréco-latin, a lui complètement disparu – tout comme Kairos, le dieu du moment propice23, parce que seule l’Incarnation pouvait prétendre à un tel statut d’événement décisif, amorçant le dernier âge du monde avant le Jugement dernier.
10Que la temporalité médiévale ne fût pas circulaire mais orientée n’impliquait toutefois pas qu’elle ait été unilinéaire comme la modernité l’a construite. Outre que son horizon d’attente était clos (Fin des temps, à la fois certaine puisque prévue – au sens propre – dans les Écritures et régulièrement annoncée « pour demain » par le clergé24, selon la même logique de la mors certa hora incerta censée inciter au testament et au legs pieux), on remarque aisément de multiples situations où tel phénomène, tel fait était expressément conçu comme la répétition ou l’accomplissement, dans l’esprit sinon dans la forme, d’un phénomène ou fait antérieur, notamment biblique25. Pour se tirer d’affaire, face à cette double temporalité à la fois linéaire et circulaire, Jérôme Baschet les distribue dans les deux formes médiévales du temps : ici-bas le temps circulaire et, menant à l’au-delà, le temps linéaire, selon ce qu’il qualifie de « configuration ambivalente, dédoublée », ce qui ne l’empêche pas de proposer un schéma spiralaire (inspiré de son expérience mexicaine) de l’écoulement global du temps26. Ce schéma (en deux dimensions) n’est pas sans parenté avec celui qu’a proposé, cette fois en trois dimensions, Jörg Sonntag, pour rendre compte à la fois des innombrables effets d’écho et de l’écoulement passé-présent-futur du temps que les populations médiévales (du moins cléricales) admettaient conjointement27.
11Cependant, en deux ou trois dimensions, ces schémas n’ont de valeur que pédagogique, ou illustrative, mais guère explicative. Et plutôt que de renvoyer (sauf graphiquement) à deux temporalités juxtaposées et correspondant à des dimensions distinctes de l’espace du salut (ici-bas vs au-delà, entre lesquels existent d’ailleurs de constants passages), il est sans doute préférable de privilégier une « économie logique », c’est-à-dire de formuler une hypothèse rendant compte à la fois des deux aspects. C’est dans cette perspective qu’a été proposée la qualification de cette temporalité comme « itérative28 », puisque le passage du temps était censé se réaliser sur la base, non pas de (micro-)retours en arrière, mais de répétitions, à chaque fois particulières, d’un schème originel29.
12On remarquera aisément que ce phénomène de réitération, plus ou moins imparfaite selon les types d’êtres humains, d’un schème originel converge avec la notion de representatio au sens premier du terme, c’est-à-dire avec le fait de rendre de nouveau présent quelqu’un ou quelque chose qui ne l’est plus (notamment le Christ). Or cette fonction « re-présentative » peut aussi aisément être repérée comme étant constitutive du recours à l’écrit, notamment dans les préambules de chartes (que l’on qualifie usuellement de « mémoriels »)30 mais aussi dans les prologues de chroniques31. Toutefois, cette fonction « re-présentative » joue aussi dans l’espace, puisque le document écrit peut être transporté (lettre, charte, mandement) et faire entendre, indirectement (par l’intermédiaire de celui qui lit à haute voix le document), la voix de l’émetteur, qui s’exprime à la première personne du verbe. Pour renouer avec les thèses de Goody, on pourrait donc considérer que c’est cette conception de la capacité « re-présentative » de l’écrit qui garantissait, dans la société médiévale, la fonction de « décontextualisation » – puisque celle-ci n’est possible que si l’on admet qu’ailleurs et/ou plus tard, c’est tout de même la voix d’origine que l’on entend32.
13Mais cette convergence des deux « re-présentations » (dans l’espace et dans le temps) suggère une autre hypothèse, expressément à l’arrière-plan du choix du qualificatif « itératif », appliqué non seulement au temps mais aussi à l’espace, bref à l’espace-temps médiéval dont l’organisation effective visait à instaurer une forme d’inlassable répétitivité par la liturgie et les multiples déplacements contraints (parcourir ses terres, aller à la messe, aller verser ses redevances, aller en pèlerinage ou en croisade, aller au plaid, etc.)33. De ce fait, sans prétendre que les gens du Moyen Âge ne faisaient pas la différence entre les dimensions temporelles et spatiales de leur vie, de leurs actions, de leurs attentes, on devrait sans doute se demander dans quelle mesure l’articulation qu’ils concevaient entre ces dimensions ne correspondait pas à autre chose que la distinction que nous opérons plus ou moins spontanément entre ces deux dimensions. Il suffira de rappeler à ce propos combien des mots comme spatium, saeculum, temporalitas ou temporalia en latin, ou lieue ou siecle en ancien français, avaient des significations qui ne se limitaient nullement à l’une ou à l’autre des deux dimensions en question34. De même, on peut remarquer que si les mentions temporelles ne sont certes pas absentes des récits hagiographiques, historiographiques, romanesques ou épiques, elles restent tout de même dans une fonction largement ancillaire par rapport aux notations spatiales, ce qui irait aussi dans le sens d’une articulation bien différente de celle que nous pourrions envisager aujourd’hui entre temporalité et spatialité : ce sont les notations spatiales qui sont structurantes pour le décodage de tels récits35, alors que les notations temporelles explicites ne font que surligner la plupart du temps les déplacements des personnages, et surtout la structure fondamentalement figurative et typologique (selon les catégories explicitées par E. Auerbach) des récits. De fait, ces notations temporelles ne construisent pas une causalité narrative qui relierait les péripéties par le biais d’une linéarité/cohérence temporelle, un avant causal et un après consécutif homogènes et mesurés, comme dans le roman balzacien : ce sont les notations spatiales qui se chargent de la causalité/cohésion narrative, tandis que la temporalité est projetée à un autre niveau, celui de la réitération typologique36.
14On comprend bien, par conséquent, les raisons pour lesquelles un certain nombre des contributions qui suivent transcendent le cadre imparti à leur auteur·e (Madrid : l’espace ; Paris : le temps) : loin d’être le signe d’une absence de rigueur, il faut plutôt y voir le révélateur du caractère forcé de la séparation – non seulement par rapport à la société médiévale, mais aussi sans doute dans la nôtre. Voilà pourquoi l’organisation du volume ne reprend pas la partition espace/temps. Relativiser cette coupure ne remet toutefois pas en cause l’intérêt à s’interroger sur les listes dans cette perspective – c’est-à-dire du point de vue de leur efficience spatio-temporelle. En l’occurrence, il faudrait définir ce que les trois critères repérés, à l’issue de la première rencontre, pour identifier ce qui fait une liste – co-énumérabilité, segmentation et classement – doivent, le cas échéant, à la dimension spatio-temporelle.
15Mais ceci va plus loin : pour un·e historien·ne travaillant sur les listes médiévales, est-il envisageable que la spatio-temporalité ne constitue pas inéluctablement, d’une certaine manière, un quatrième critère37 en plus des trois qui viennent d’être rappelés ? Que des linguistes ou des sémioticiens puissent raisonner in abstracto sur les listes et les ramener aux trois critères logiques susdits s’explique assez bien. La démarche n’est toutefois guère envisageable pour un·e historien·ne ou un·e spécialiste des textes dits « littéraires », médiéviste ou non, parce que chacune de ces listes est inéluctablement disponible, c’est-à-dire rendue disponible, en vertu de multiples dispositifs de production, conservation, classement, communication. Dans l’acronyme Polima, il y a « ma » – ce qui peut renvoyer tout autant au pouvoir médiéval des listes qu’au pouvoir des listes médiévales. De ce fait, on voit mal comment les coordonnées spatio-temporelles de chaque liste pourraient n’être qu’une dimension supplémentaire, extérieure, signalant le caractère idiographique de chaque phéno-liste, qui ne serait qu’un mal nécessaire, un passage obligé pour parvenir à la liste médiévale38.
16L’historicité des listes fait en effet partie intégrante de leur nature, parce qu’elles sont inscrites, d’emblée, par l’écrit, dans un dispositif de représentation dans l’espace et dans le temps dont découle le fait que nous pouvons nous en saisir aujourd’hui. L’exposé, dans les communications qui suivent, des conditions d’élaboration de chacun des corpus de listes traités, qu’ils soient graphiques ou iconographiques, pragmatiques, narratifs, normatifs, édifiants, comptables, etc., ne doit donc pas être perçu comme une simple façon de sacrifier à l’exigence de la sacro-sainte contextualisation. Il s’agit bien plutôt du premier mode, inévitable, d’articulation des listes médiévales et de l’espace-temps, qui consiste à replacer les listes dans leur espace et temps de production mais aussi, dans la mesure du possible, d’utilisation et de transmission.
17Car les listes ne sont pas seulement produites dans leur espace-temps propre : nombre d’entre elles mobilisent des données produites ailleurs et/ou antérieurement (selon les deux axes de la représentation), qu’elles actualisent (en les complétant, filtrant ou reclassant, voire en les traduisant) et/ou disséminent (au sens propre du terme) – qu’elles resémantisent dans tous les cas, et à partir desquelles sont susceptibles de s’opérer des choix et des décisions effectives. On a donc affaire au minimum à une double temporalité (celle de la production et celle de la ou des réappropriation·s), à laquelle s’ajoutent celles des listes destinées à une performance orale (dans les textes dits « littéraires », ou les obituaires) puisque, d’une certaine manière, la performance recommence à chaque fois la liste. D’autres listes sont d’un usage strictement local (usage interne à une institution, qu’il s’agisse d’une « maison » – casa, geschlecht, lignage –, d’un « bureau » – Chambre apostolique, Châtelet – ou d’une personne morale – monastères, chapitres, communes –, la limite étant la chrétienté romaine comme espace-temps de l’ecclesia), et elles ont d’ailleurs généralement été conservées et transmises sur place. En revanche, le fait même qu’elles aient été écrites et conservées (puisque nous les avons encore aujourd’hui) signale que leur projection dans un temps élargi faisait partie du projet initial, c’est-à-dire que ces listes étaient précisément destinées à la réappropriation.
18De la même manière, on peut aisément considérer que chaque liste correspond à une double ou à une triple spatialité : celle de sa production, éventuellement celle de son remploi, et celle de sa propre matérialité. La co-énumération implique en effet une unité matérielle, celle qui fait tenir ensemble tous les éléments, omnes et singulatim : cette unité matérielle peut correspondre à un dispositif graphique assurant la synopsie (qui est en même temps une synchronie), reposant sur l’usage des propriétés spatiales de la surface inscriptible (de la page au mur), notamment la visibilité et la taille. Ou alors, l’unité matérielle ne permet pas la synopsie/synchronie, parce que la liste s’étend sur plusieurs pages (c’est le codex qui constitue dès lors l’unité matérielle, la liste pouvant jouer sur les propriétés spatiales du codex lui-même, comme la possibilité de disposer la liste ou des listes sur des pages en regard ou en recto-verso, voire à divers endroits du codex) ou en plusieurs lieux, comme dans le cas des « obituaires lapidaires » de l’église Saints-Félix-et-Fortunat de Vicence aux VIIe-VIIIe siècles ou du cloître de Saint-Bertrand-de-Comminges aux XIIIe-XIVe siècles présentés il y a quelques années par Cécile Treffort et Vincent Debiais39 : dans ce cas, c’est le bâtiment ecclésial qui définit (au sens propre) la liste – mais la déambulation permet de saisir l’ensemble.
19Le feuilletage du codex et la déambulation induisent alors un autre genre de réalisation spatiale de la liste, en l’occurrence dans la durée – ce qui nous ramène à l’intrication de l’espace et du temps. Il y a alors une double négation possible de la chronologie par la liste : au moment de sa production et au moment de son usage. Au moment de sa production (ce qui implique de prendre en compte les critères de segmentation et de classement) puisque, précisément, la confection d’une liste permet de sortir du mimétisme flux de parole/écriture linéaire et de disposer les éléments selon une logique (alphabétique, typologique, etc.) distincte de l’ordre chronologique (qui peut aussi être spatial pour peu qu’on ait affaire à une enquête sur le terrain) dans lequel ils viennent à la connaissance du scribe, et puisque cette liste peut en outre être ensuite complétée ou corrigée. Dans tous les cas, l’obituaire écrit ou inscrit substitue une autre temporalité à la diachronie des décès et à la chronologie de leur enregistrement, puisque ni la distribution des notices ou inscriptions ni la commémoration des défunts ne sont organisées par la succession des décès.
20Quant aux critères de segmentation et de classement, ils renvoient d’emblée à des procédures spatiales, puisqu’ils se réalisent par divers modes de distribution du texte (écrit ou figuré) sur la surface inscriptible (en colonnes ou non, dans les marges ou non) et par la disposition plus ou moins nette de signaux visuels (pieds-de-mouche, majuscules, couleurs). Néanmoins, on observe que les logiques d’organisation spatiale de la page et celles du contenu de la liste (donc l’organisation spatiale sur le terrain) n’ont pas systématiquement de rapport : la chose est bien sûr possible (par exemple lorsque les rôles de taille parisiens de la fin du XIIIe siècle ou les registres de cens foncier de Göttingen de 1334 et 1364 sont établis en suivant un itinéraire précis40, ou lorsqu’un diagramme répartit des toponymes d’une manière grossièrement proche de leur distribution réelle), mais dans la plupart des cas l’organisation de la liste ne prétend nullement être mimétique du réel. Ceci est lié au fait que la liste est d’emblée conçue comme un outil cognitif, mais que la connaissance visée n’est pas pensée comme une simple description du réel.
21En réordonnant dans son espace et son temps, et dans l’espace et le temps matérialisés de l’écrit, des faits qui sont eux-mêmes inscrits dans l’espace et dans le temps, la liste construit des savoirs qui sont autant de relectures du passé et du monde, dans une finalité faussement descriptive ou paysagère et bien plutôt prescriptive (édifiante ou normative), afin d’inscrire l’ordre social, quelle qu’en soit l’échelle, dans une continuité et une stabilité.
22L’organisation du volume, pour autant qu’un classement strict soit possible, souligne la distinction entre deux modes de fonctionnement spatio-temporel de la liste. Plusieurs contributions ont pris pour point de départ la manière dont une liste donnée peut faire rejouer d’autres textes, en (ré)agençant, de façon plus ou moins visible et explicite, des listes déjà constituées et en les insérant dans de nouvelles pratiques sociales et/ou d’autres listes afin de produire un espace-temps uniforme. Telle est la mécanique à l’œuvre, pour le macrocosme de la chrétienté, avec les généalogies bibliques (F. Gingras), les listes de noms géographiques (N. Bouloux), la séquence des schismes de l’Église romaine (F. Delivré) et les provinciaux de la Curie pontificale (V. Theis) ou, pour le microcosme d’un établissement ecclésiastique, avec les nécrologes et les obituaires (A. Chiama) et les peintures murales (C. Voyer).
23Centrées sur les processus d’affirmation et de construction de groupes et d’institutions, de pouvoirs et de taxinomies, les autres contributions s’emploient à évaluer le rôle de la liste au sein des pratiques de la scripturalité. Dans ce cadre, la liste rend visible et essentialise une identité sociale : le chef de famille florentin et sa descendance (F.-J. Arlinghaus), la communauté urbaine, à Paris, Avignon ou Montpellier (p. Chastang), la seigneurie franconienne de Burgsinn-Büchold (J. Morsel), la prévôté du roi au Châtelet de Paris (J. Claustre), l’aristocratie laïque face au monopole ecclésial (É. Andrieu), l’abbaye gestionnaire de son patrimoine foncier (U. Kleine) et le poète médiocre en mal de grandeur (J.-Y. Tilliette). Les enseignements de l’enquête ont été rapportés, en dernier lieu, à l’actualité de la recherche sur les conceptions de l’espace et du temps au Moyen Âge, qu’il s’agisse de déterminer, au moyen de couples d’opposition, les caractères et les fonctions des listes ou de discuter l’extension des principes généraux à d’autres études de cas, comme les listes d’églises dans les Gesta episcoporum (F. Mazel, dont le texte placé en postface correspond pour l’essentiel aux observations conclusives qu’il avait faites à l’issue de l’atelier de Madrid).
24En 1989, Daniel S. Milo avait attiré l’attention sur le caractère tardif du sens que nous donnons spontanément au siècle41 – par exemple dans les contributions qui composent ce volume. Son hypothèse est que la Révolution joua un rôle déterminant dans cette affaire, même s’il adopte les conclusions de Reinhart Koselleck concernant l’espace germanique. Le « siècle » médiéval (saeculum, siecle – le moyen-haut-allemand alternant entre welt et alter, plus rarement zeit) fut donc complètement resémantisé, pour désormais exprimer non seulement une pure temporalité mais aussi et surtout une temporalité du passé. Plus que la Révolution elle-même, on devrait se demander dans quelle mesure ce ne serait pas tout simplement l’Histoire (en tant que science historique) qui créa le siècle, au moment où elle se voyait réserver le Temps (passé) comme objet – l’espace (terrestre) étant attribué à la géographie42.
25Dans un contexte académique et scientifique comme celui qui nous étreint de plus en plus et qui fait peser sur la recherche la menace de repliements disciplinaires, on voudra bien voir dans le présent volume un appel à faire bouger les lignes entre disciplines en montrant le caractère délétère d’une définition de celles-ci par rapport à des objets spécifiques. Le programme Polima, né de questionnements à la croisée de l’histoire et de l’anthropologie de l’écrit, développé par une collaboration d’historiens, d’historiens de la littérature et de l’art, de linguistes, de philosophes, ne pouvait pas ne pas finir par se saisir de ces dimensions spatio-temporelles qui, en l’état, brouillent les prés carrés et font surgir de nouveaux questionnements concernant non seulement la société médiévale mais aussi les conditions de production de notre savoir sur celle-ci.
Notes de bas de page
1Nous remercions la Casa de Velázquez (Madrid) et l’Institut de recherche et d’histoire des textes (Paris) pour leur hospitalité. Notre gratitude va également aux collègues qui ont animé les discussions lors des deux rencontres.
2Emmanuel Kant, Critique de la raison pure, trad. A. Renaut, Paris, Aubier, 1997, p. 119 (Immanuel Kant, Kritik der reinen Vernunft, 2e éd. Riga, Hartknoch, 1787, p. 36 : « daß es zwei reine Formen sinnlicher Anschauung, als Principien der Erkenntniß a priori gebe, nemlich Raum und Zeit »), après avoir insisté dans sa préface (trad. 1997, p. 82) sur le fait que « espace et temps ne sont que des formes de l’intuition sensible, donc uniquement des conditions de l’existence des choses en tant que phénomènes » (éd. 1787, p. XXV : « Daß Raum und Zeit nur Formen der sinnlichen Anschauung, also nur Bedingungen der Existenz der Dinge als Erscheinungen sind »).
3R. Koselleck, Le futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques [1979], trad. fr. Paris, Éditions de l’EHESS, 1990. Nous ne nous dissimulons pas tout ce qu’un tel énoncé peut avoir de schématique, mais il n’a ici aucune fonction démonstrative, il sert seulement à rappeler l’ampleur du réaménagement socioculturel (ou au minimum intellectuel) dont nous sommes les héritiers et que l’on doit impérativement garder à l’esprit dès lors qu’on aborde des dimensions macro-sociales comme l’espace et le temps.
4P. Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005.
5Ibid., p. 278.
6Ibid., p. 259.
7J. Goody, La raison graphique. La domestication de la pensée sauvage [1977], trad. fr. Paris, Éditions de Minuit, 1978, chap. 5.
8Ibid., p. 149.
9Ibid., p. 156.
10Ibid., p. 150.
11À propos des listes d’Ugarit, J. Goody, La raison graphique, op. cit., p. 161, signale certes que « l’information y apparaît comme détachée de la situation sociale dans laquelle elle était prise aussi bien que du contexte linguistique », mais rien ne permet de considérer qu’il y voit un effet spécifique de la mise en liste, sans doute parce qu’il distingue deux fonctions de l’écriture : une fonction de « stockage de l’information, qui permet de communiquer à travers le temps et l’espace » (p. 145), et une « seconde fonction, celle qu’a l’écriture en assurant le passage du domaine auditif au domaine visuel, qui rend possible d’examiner autrement, de réarranger, de rectifier des phrases et même des mots isolés » (ibid.), qui néanmoins permet la décontextualisation et la mémorisation (p. 159).
12M. Douglas, « Raisonnements circulaires : retour nostalgique à Lévy-Bruhl », Sociological Research Online, 12/6/12, 2007, http://www.socresonline.org.uk/12/6/12.html p. 10, distingue en effet, dans le langage oral, les situations de familiarité, caractérisées par l’emploi d’un code « restreint » et allusif (puisque chacun est capable de remplir les « blancs ») et les situations de communication avec l’extérieur, c’est-à-dire de discours décontextualisé, marqué par une grammaire et une syntaxe développées (code « élaboré », afin d’éviter les contresens).
13Il est évident que la notion médiévale de « personne » est fort distincte de la nôtre, qui plus est assez indissociable de celle d’« individu » dont l’usage ne va pas de soi au Moyen Âge (voir entre autres B. M. Bedos-Rezak, D. Iogna-Prat [dir.], L’individu au Moyen Âge. Individuation et individualisation avant la modernité, Paris, Aubier, 2005 ; J. Baschet, Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge, Paris, Flammarion, 2016 ; et les actes à paraître du colloque P. Monnet [dir.], Die Person im Mittelalter : Formen, Zeichen, Prozesse, Ostfildern, Thorbecke) ; par ailleurs, une liste de noms propres soulève aussi nécessairement la question de savoir à quoi sert le nom propre par rapport à son référent (identifier, distinguer, qualifier ?) ; il n’empêche cependant que l’on peut légitimement « neutraliser » ces questions dans le cadre d’un protocole de recherche se focalisant sur la question des effets sociaux et cognitifs de la mise en liste, dès lors que cette neutralisation est assumée et que les résultats de l’étude sont rapportés aux conditions de sa réalisation.
14Cette question avait conduit à inviter à la réunion parisienne sur le temps le philosophe François Jullien (qui n’a pas fourni de texte au présent volume, la chose ayant d’emblée été prévue ainsi), en raison du pas de côté qu’il fait depuis quelques années en Chine pour se distancier de la tradition occidentale en matière de philosophie du temps (voir notamment Chantiers, t. 1, Les transformations silencieuses, Paris, Grasset, 2009), mais aussi parce qu’il travaille sur les listes chinoises – qui soulèvent d’emblée la question de ce qui fait liste puisque le critère de la parataxe initialement retenu tombe de lui-même dans une écriture idéographique. Outre les critiques générales de J.-F. Billeter, Contre François Jullien, Paris, Allia, 2006, à l’endroit de son essentialisation de la pensée chinoise, on consultera également les observations critiques de J. Chesneaux, « La tripartition du champ temporel comme fait de culture. Examen des termes désignant le présent, le passé et l’avenir dans diverses langues », Temporalités, 3, 2005, http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/temporalites/436 (consulté le 6 juillet 2021).
15Comme y ont insisté tant R. Koselleck, Le futur passé, op. cit., que D. Lowenthal, The Past is a Foreign Country–Revisited, Cambridge, Cambridge University Press, 2015 [1985], c’est cette différence radicale, qui prend la forme de la distance irrémédiable qui s’instaure entre le passé et le présent, qui a rendu possible la science historique, à la différence de ce qu’on appelle encore souvent « écriture de l’histoire » à propos des chroniqueurs et analystes médiévaux, qui ne séparaient jamais l’écriture du passé et celle de leur présent, et même si cette écriture de leur présent était expressément destinée à devenir le récit du passé de leurs lecteurs futurs.
16Prenons l’exemple bien connu de la chronique universelle imprimée par Hartmann Schedel à Nuremberg en 1493 (en deux versions, allemande ou latine, intitulée Weltchronik ou Liber chronicarum), qui comprend 1804 xylographies réalisées à partir de 652 bois. Chaque bois a été (r)employé à peu près trois fois (avec de notables variations de fréquences, et sans oublier que la plupart de ces « images » étaient colorées dans un second temps et selon des modalités diverses). Si la technique cherche à comprimer les coûts de production (J.-C. Schmitt, Les rythmes au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2016, p. 497), un examen minutieux démontre que certains bois étaient nettement plus réutilisés que d’autres : tel est le cas du bois employé pour tous les conciles de Nicée à Florence, du bois des papes, du bois des fondations d’ordres religieux, du bois des bûchers de juifs, du bois des villes de Troie comme de Pise, Toulouse, Vérone, etc. On peut y voir la manifestation de l’existence d’archétypes autant que la nécessité de la captation d’un passé qui fait autorité.
17La revue Historische Anthropologie, 28/1, 2020, présente ainsi un dossier intitulé Symmetrische Anthropologie, symmetrische Geschichte, qui fait suite à une série d’articles publiés en 2018 et 2019 dans cette revue autour de la notion de « science historique récursive » (rekursive Geschichtsschreibung). Rappelons simplement que l’enjeu de toutes ces réflexions consiste à sortir de la lecture unilatérale du social caractéristique de la posture de dévoilement propre aux sciences sociales (y compris historiennes) « occidentales ».
18Sur l’absence de préoccupation des sociologues dominants (Émile Durkheim, Max Weber), par opposition à celle de Georg Simmel, pour la spatialité des phénomènes sociaux et donc pour la socialité de l’espace, voir M. Garhammer, « Die Bedeutung des Raums für die regionale, nationale und globale Vergesellschaftung – zur Aktualität von Simmels Soziologie des Raums », dans Ş. A. Bahadir (dir.), Kultur und Region im Zeichen der Globalisierung : Wohin treiben die Regionalkulturen ?, Neustadt an der Aisch, Degener, 2000, p. 15-39.
19H. Lefebvre, La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974 ; la revue EspacesTemps dirigée entre autres par J. Lévy était initialement fortement marquée par le marxisme, dont la validité interprétative a été progressivement abandonnée au profit de la prise en compte des logiques d’acteurs (sans pour autant tomber dans l’individualisme méthodologique) : voir entre autres J. Lévy, Le tournant géographique. Penser l’espace pour lire le monde, Paris, Belin, 1999 ; G. Ritchot, D. Feltz (dir.), Forme urbaine et pratique sociale, Louvain/Montréal, CIACO/Préambule, 1985 ; A. Guerreau, « Les pèlerinages en Mâconnais. Une structure d’organisation symbolique de l’espace », Ethnologie française, 12, 1981, p. 7-30 ; Id., « Quelques caractères spécifiques de l’espace féodal européen », dans N. Bulst, R. Descimon, A. Guerreau (dir.), L’État ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique en France (XIVe-XVIIe siècles), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1996, p. 85-101 ; Id., « Il significato dei luoghi nell’Occidente medievale : struttura e dinamica di uno “spazio” specifico », dans E. Castelnuovo, G. Sergi (dir.), Arti e storia nel Medioevo, I, Tempi Spazi Istituzioni, Turin, Einaudi, 2002, p. 201-239 ; J. Á. García de Cortázar, Organización social del espacio en la España medieval. La Corona de Castilla en los siglos VIII a XV, Barcelone, Ariel, 1985 ; Del Cantabrico al Duero. Trece estudios sobre la organización social del espacio en los siglos VIII a XV, Santander, Universidad de Cantabria, 1999.
20Espaces du Moyen Âge ( = Médiévales, 18), 1990 ; G. P. Marchal (dir.), Grenzen und Raumvorstellungen (11.-20. Jh.) – Frontières et conceptions de l’espace (11e-20e s.), Zurich, Chronos, 1996 ; J. A. Aertsen, A. Speer (dir.), Raum und Raumvorstellungen im Mittelalter, Berlin/New York, De Gruyter, 1998 ; P. Moraw (dir.), Raumerfassung und Raumbewußtsein im späteren Mittelalter, Stuttgart, Thorbecke (Vorträge und Forschungen, 49), 2002 ; Uomo e spazio nell’alto medioevo, Spolète, Centro italiano di studi sull’alto medioevo (Settimane di studio sull’alto Medioevo, 50), 2003 ; B. Cursente, M. Mousnier (dir.), Les territoires du médiéviste, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005 ; Construction de l’espace au Moyen Âge : pratiques et représentations. XXXVIIe congrès de la SHMESP (Mulhouse, 2-4 juin 2006), Paris, Publications de la Sorbonne, 2007 ; J. Á. Sesma Muñoz, C. Laliena Corbera (dir.), La pervivencia del concepto. Nuevas reflexiones sobre la ordenación social del espacio en la Edad Media, Saragosse, CEMA, 2008 ; M. Cioba et al. (dir.), Espaces et mondes au Moyen Âge. Actes du colloque international de Bucarest (16-19 octobre 2008), Bucarest, Université de Bucarest, 2009 ; T. Suárez-Nani, M. Rohde (dir.), Représentation et conception de l’espace dans la culture médiévale (colloque Fribourgeois 2009), Berlin, De Gruyter, 2011 ; J. Weiss, S. Salih (dir.), Locating the Middle Ages. The Space and Places, Woodbridge, Boydell & Brewer, 2012 ; A. Classen (dir.), Rural Space in the Middle Ages and Early Modern Age. The Spatial Turn in Premodern Studies, Berlin, De Gruyter, 2012 ; M. Boone, M. C. Howell (dir.), The Power of Space in Late Medieval and Early Modern Europe. The Cities of Italy, Northern France and the Low Countries, Turnhout, Brepols, 2013 ; M. Stock, N. Vöhringer (dir.), Spatial Practices–Medieval/Modern, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2014 ; M. Cohen, F. Madeline (dir.), Space in the Medieval World. Places, Territories and Imagined Geographies, Farnham, Ashgate, 2014 ; G. Andenna et al. (dir.), Spazio e mobilità nella “Societas christiana”. Spazio, identità, alterità (secoli X-XIII), Milan, Vita & Pensiero, 2017 ; F. Sabaté, J. Brufal Sucarrat (dir.), Medieval Territories, Newcastle upon Tyne, Cambridge Scholars Publishing, 2018 ; M. Boulton et al. (dir.), Place and Space in the Medieval World, New York, Routledge, 2018, etc.
21J.-C. Schmitt, « Le Temps. “Impensé” de l’histoire ou double objet de l’historien ? », Cahiers de civilisation médiévale, 48, 2005, p. 31-52.
22M. Bloch, La société féodale, 6e éd., Paris, Albin Michel, 1978, p. 118.
23Sur ces questions, voir F. Hartog, Chronos. L’Occident aux prises avec le temps, Paris, Gallimard, 2020 ; on consultera aussi le dossier iconographique et les analyses d’E. Panofsky, « Le Vieillard Temps », dans Id., Essais d’iconologie. Thèmes humanistes dans l’art de la Renaissance, Paris, Gallimard, 1967, p. 105-150.
24La fin des temps est l’objet d’une intense réflexion, à la source de divers scénarios eschatologiques. Pour un choix de textes commentés, voir G. L. Potestà et M. Rizzi, L’Anticristo, 3 vol. , Rome, Mondadori, 2005-2019.
25Sur ce point, on se contentera de renvoyer à A. Boureau, L’événement sans fin. Récit et christianisme au Moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 1993, ou encore à F. J. Schmale, Funktion und Formen mittelalterlicher Geschichtsschreibung. Eine Einführung, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1985.
26J. Baschet, La civilisation féodale. De l’an mil à la colonisation de l’Amérique, 3e éd., Paris, Flammarion, 2006, p. 439-446, synthétisé, dans une tout autre perspective, dans Défaire la tyrannie du présent. Temporalités émergentes et futurs inédits, Paris, La Découverte, 2018, p. 14-15.
27J. Sonntag, Klosterleben im Spiegel des Zeichenhaften. Symbolisches Denken und Handeln hochmittelalterlicher Mönche zwischen Dauer und Wandel, Regel und Gewohnheit, Münster, Lit, 2008, p. 652 ; Id., « Tempus fugit ? La circolarità monastica del tempo e il suo potenziale di rappresentazione simbolica », dans G. Andenna (dir.), Religiosità e civiltà. Le communicazioni simboliche (sec. IX-XIII), Milan, Vita & Pensiero, 2009, p. 221-242.
28J. Morsel, « “Communautés d’installés”. Pour une histoire de l’appartenance médiévale au village ou à la ville », EspacesTemps.net, 2014, http://www.espacestemps.net/articles/communautes-dinstalles/
29A. Boureau, L’événement sans fin, op. cit., p. 10-11, l’exprime on ne peut plus clairement : « le christianisme a proposé à l’homme médiéval la certitude concrète de son historicité essentielle. […] Désormais l’opération de connaissance consiste à déchiffrer dans le récit évangélique les éléments de la vérité et à reproduire ce récit en un temps autre. La vie chrétienne enchaîne donc des séries de copies du récit dont Jésus est l’original. Mais l’imperfection nécessaire de chaque copie empêche la duplication de l’événement, que prépare pourtant son évocation sans fin. » On peut aussi citer E. Auerbach, Figura, article paru en 1938 dans Archivum Romanicum, 22, p. 436-489, trad. fr. : Figura. La loi juive et la promesse chrétienne, Paris, Macula, 2003.
30C’est ainsi le cas des préambules catalans étudiés par M. Zimmermann, Écrire et lire en Catalogne (IXe-XIIe siècle), Madrid, Casa de Velázquez, 2003, t. 2, p. 1099-1101, ou de ceux de l’est de l’Empire étudiés par J. Morsel, « La voix, le corps et la lettre. Ou comment l’ordre social peut aussi être un ordre vocal (dans l’Empire au XIIIe siècle) », dans La voix au Moyen Âge. Actes du Le Congrès de la SHMESP (Francfort-sur-le-Main, 2019), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020, p. 153-169.
31Un exemple entre cent : le prologue de la Crónica del Rey don Pedro y del Rey don Enrique de Pedro López de Ayala (v. 1400) s’ouvre très exactement sur l’idée que la mémoire des hommes est fragile et qu’on a donc de ce fait inventé l’écriture pour garder le souvenir des choses édifiantes.
32B. M. Bedos-Rezak, When Ego was Imago. Signs of Identity in the Middle Ages, Leyde, Brill, 2011, p. 55-71 et, en contrepoint, J. Morsel, « La voix, le corps et la lettre », art. cité.
33J. Morsel, « Quelques propositions pour l’étude de la noblesse européenne à la fin du Moyen Âge », dans Discurso, memoria y representación : la nobleza peninsular en la Baja Edad Media. Actas de la XLII Semana de Estudios Medievales de Estella (21 al 24 de julio 2015), Pampelune, Gobierno de Navarra, 2016, p. 449-499, ici p. 481-482, a proposé la notion d’« exorégulation de la mobilité » comme critère d’identification du niveau relatif de puissance dans cette société. Il conviendrait cependant de préciser qu’il s’agit d’une exorégulation dirigée, par opposition à celle que met en œuvre l’épithumogénie capitaliste (« faire marcher les salariés », dans tous les sens du terme), si l’on suit les propos de F. Lordon, Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, Paris, La Fabrique, 2010, p. 157-158.
34Dans Le conte du Graal, de Chrétien de Troyes, par exemple (XIIe siècle), on trouve un sens temporel à lieue, dont la traduction en français contemporain implique d’introduire une forte cheville : « …chevaliers n’i puet ester/une liuee vis ne sains » (« un chevalier ne peut y rester en vie et en bonne santé [le temps de parcourir] une lieue », v. 7304-7305, éd. par Félix Lecoy, Paris, Champion [Classiques français du Moyen Âge], 1972). Voir, en particulier, P. Zumthor, La mesure du monde. Représentation de l’espace au Moyen Âge, Paris, Seuil, 1993, p. 13-30 « Perceptions », 203-218 « Le chevalier errant ».
35Voir A. Guerreau-Jalabert, « Inceste et sainteté. La Vie de saint Grégoire en français (XIIe siècle) », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 6, 1988, p. 1291-1319.
36Voir le travail fondateur de M. Heinzelmann, Gregor von Tours (538-594), « Zehn Bücher Geschichte » : Historiographie und Gesellschaftskonzept im 6. Jahrhundert, Darmstadt, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1994, et pour le Moyen Âge plus central, les travaux de Karl-Ferdinand Werner sur ce qu’il a proposé d’appeler le genre de l’historia ecclesiastica, en repensant ainsi les catégories historiographiques définies par Bernard Guenée.
37Mais si l’on rejette l’intrication espace-temps qui a été soulignée antérieurement et mise en scène par l’adjectif « itératif », donc si l’on s’en tient à une stricte séparation des deux dimensions, il faudrait alors parler de quatrième et cinquième critères.
38Le binôme liste/phéno-liste est ici conçu par décalque du binôme texte/phéno-texte qu’avait élaboré dans les années 1960 le groupe Tel Quel (voir entre autres J. Kristeva, Σημειωτικὴ. Recherches pour une sémanalyse, Paris, Gallimard, 1969) pour distinguer le texte comme principe sémiotique (celui à propos duquel Jacques Derrida a énoncé plus tard qu’« il n’y a pas de hors-texte ») des textes comme unités concrètement écrites (ce qu’on désignerait désormais, à la suite de la critique du concept de « texte », plutôt comme des documents).
39C. Treffort, Mémoires carolingiennes. L’épitaphe entre célébration mémorielle, genre littéraire et manifeste politique (milieu VIIIe-début XIe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p. 80-81 ; V. Debiais, « Anticipation, récapitulation, syncope. Pour une lecture non linéaire du temps dans les inscriptions médiévales (XIe-XIIe siècle) », Revue d’Auvergne. Nouvelles archéologiques, 608-609, 2013, p. 383-401.
40Le rôle de 1292 a été édité par Hercule Géraud, Paris sous Philippe le Bel, d’après des documents originaux, Paris, Crapelet (Documents inédits sur l’histoire de France), 1837, réimpr. (C. Bourlet et L. Fossier [éd.]), Tübingen, Max Niemeyer, 1991 ; les rôles de 1296, 1297 et 1313 ont été édités par K. Michaëlsson, Le livre de la taille de Paris, l’an 1296, Göteborg, Acta universitatis gothoburgensis, 1958 ; Le livre de la taille de Paris, l’an 1297, Göteborg, Acta universitatis gothoburgensis, 1962 ; Le livre de la taille de Paris, l’an de grâce 1313, Göteborg, Acta universitatis gothoburgensis, 1951 ; les rôles de 1298, 1299 et 1300 sont en revanche inédits (Paris, Archives nationales, KK 283). Sur l’élucidation de l’ordre géographique des Wortzinsregister de Göttingen, voir H. Steenweg, Göttingen um 1400. Sozialstruktur und Sozialtopographie einer mittelalterlichen Stadt, Bielefeld, Verlag für Regionalgeschichte, 1994.
41D. S. Milo, « … et la Révolution “créa” le siècle », Tel Aviver Jahrbuch für deutsche Geschichte, 18, 1989, p. 335-378, rééd. dans Id., Trahir le temps (Histoire), Paris, Les Belles Lettres, 1991, p. 29-62.
42Daniel S. Milo ouvre ainsi son stimulant Trahir le temps, op. cit., p. 7, par une « Allégorie [des] origines de la science selon laquelle “Les disciplines se réunirent pour se répartir la tâche”, à la suite de quoi, entre autres disciplines, la géographie s’attribua l’espace et “l’histoire, ultérieurement épaulée par la géologie et la biologie évolutionniste, le temps” ».

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