Conclusion de la deuxième partie
p. 217-218
Texte intégral
1La conclusion majeure qui s’impose pour cette deuxième partie est bien que les Grecs correspondent à plusieurs modèles d’étrangers. Dans un premier temps, ils se conforment aux modèles classiques de l’extranéité qui veut que des populations extérieures à une société soient décrites et catégorisées selon les modèles littéraires classiques et communs. Mais dans un second temps, nous avons vu que l’image que les Occidentaux ont véhiculée des Grecs à travers le prisme de la littérature des chroniques brosse un portrait schématique, stéréotypé mais sans être nécessairement négatif, du Grec. Longues barbes, habits bariolés, pratiques religieuses et linguistiques originales et parfois dérangeantes sont autant d’attributs littéraires figés, de topoi qui servent à décrire un Grec en quelques pages dans une chronique, en quelques lignes dans une correspondance. L’usage de ces images est toutefois différent de ce qu’on se serait attendu à observer. L’image du Grec est ainsi construite comme une autre possibilité de personne que l’on peut comparer au chrétien latin, à mi-chemin entre soi et l’infidèle musulman. Toutefois, cet Autre grec n’est pas une version opposable au Latin. Nous avons pu voir que dans ce domaine les perceptions évoluaient en fonction du type de source, de son auteur et de son objet : le Grec marchand, le Grec schismatique, le Grec impérial ou encore le Grec humaniste sont autant d’alternatives grecques qui n’entrent pas nécessairement en concurrence avec son homologue occidental. L’altérité grecque a également permis de montrer que ce schéma déjà littéraire permettait de compléter un discours sur le monde extérieur en proposant un vocable à l’acception large, « Grec », précurseur en cela de « Levantin ». L’objectif n’est alors moins de catégoriser un groupe humain précis que de classer un ensemble vague et lâche de populations, étrangères certes, mais issues d’espaces éloignés qui, même s’ils sont connus en Occident, restent nouveaux pour le commun des gens de ces espaces. Nous sentons poindre déjà une portée fictionnelle importante de l’extranéité grecque, étape dont nous repoussons l’analyse pour le moment.
2En second lieu, la comparaison des Grecs en tant qu’étrangers tant avec les autres populations étrangères des royaumes concernés qu’avec l’historiographie la plus récente et la plus vivace, a mis au jour des comportements bien plus complexes et originaux. Avec leurs collègues étrangers, et en fonction des sources disponibles, les Grecs ont su s’adapter aux conditions de vie particulières, différentes des modèles observables dans le Bassin méditerranéen, en s’attachant par exemple à d’autres groupes plus solides démographiquement ou économiquement – Italiens et Allemands par exemple. Les Grecs de ces espaces et de ces époques sont tout à fait connectés avec leurs homologues méditerranéens. Mais sont-ils bien insérés dans les nouvelles sociétés qui les accueillent pour autant ?
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