Chapitre 2
Des Grecs mobiles
p. 89-134
Texte intégral
1Nous emploierons à plusieurs reprises les termes « migrants » et « migrations ». Il s’agit bien évidemment un choix délibéré, en lien avec la notion de mobilité1. L’essence même du migrant étant de quitter son pays d’origine pour trouver ailleurs des conditions de vie plus favorables, l’idée de mouvement est au centre de sa définition, que ce soit de façon temporaire – le simple temps du voyage vers des contrées supposées plus accueillantes – ou bien récurrente – si l’on considère que l’installation ne se fait pas toujours définitivement et dans la région atteinte en premier. Les Grecs n’échappent pas à ce schéma. Ils quittent leur région d’origine pour rallier le plus souvent la péninsule Italienne, et leurs périples se poursuivent parfois au-delà et certains d’entre eux franchissent les Alpes et tentent leur chance dans les royaumes plus au nord. Cette mobilité doit être analysée comme une part intégrante de la définition des Grecs par les sources occidentales : elle contribue à la fabrique des identités grecques.
2Une fois son but atteint, le Grec – le migrant en général – reste un personnage mobile et est perçu comme tel. Les tentatives pour recréer des liens avec les sociétés occidentales sont plus ou moins viables. Les facilités et les difficultés rencontrées dans leurs entreprises d’insertion dans un tissu social donné conditionnent la fin ou la prolongation d’un état d’instabilité géographique qui peut s’avérer très récurrent pour certains. L’insertion sociale n’implique pas automatiquement la sédentarité puisque certaines destinées poussent les Grecs à reprendre la route après une longue période de stabilité.
3La question des mobilités prend place dans un nouveau contexte de la recherche scientifique. Sans remonter aux premières études braudéliennes sur la Méditerranée, les relations humaines existent entre les différentes cultures, commerciales surtout. Les hommes circulent davantage que ce qui a pu être écrit. Notre objectif est de réfléchir sur l’élargissement des horizons du monde : nous nous positionnons dans le sillage de l’historiographie des découvertes, des entreprises générales – tant géographiques que chronologique – de décloisonnement de ces espaces d’ouverture, de commerce et de réflexion sur des espaces nouveaux2. Dans le contexte des réflexions nées de ce changement de paradigme, la mobilité des personnes au xve siècle prend toute sa place : des hommes se déplacent, dépassent le cadre d’une région d’origine, et cherchent à se porter plus loin. Les Grecs constituent un exemple symptomatique de ce phénomène. L’historiographie s’est attachée à montrer les circulations denses des Grecs comme un phénomène régulier, sur le temps long, dès le xive siècle et au moins jusqu’au xvie siècle. Le cas des mobilités grecques vers la péninsule Italienne après à la chute de l’empire byzantin et l’avancée de l’Empire ottoman a principalement cristallisé l’essentiel des études3. Nous souhaitons poursuivre ces recherches et donner un autre point de comparaison en abordant, souvent à partir de zones de départ italiennes ou égéennes, les pérégrinations grecques en Europe du Nord-Ouest.
4Il existe un risque à opter pour un angle d’approche trop singulièrement grec par rapport aux autres migrants, leurs contemporains autochtones. Comprendre la distinction entre mobilités liées aux migrations et celles liées à un monde qui est au xve siècle en constante mutation4 apparaît comme un travail préalable au décryptage de la mobilité des Grecs dans l’Europe du Nord-Ouest. Des rives du Bosphore et de la mer Égée jusqu’aux confins écossais, la mobilité des Grecs doit servir de catalyseur à la mise en évidence de
5logiques spatiales, de stratégies raisonnées concernant les itinéraires et les territoires à solliciter en premier. Née d’une nécessité, l’image du Grec voyageur, constamment sur les routes, devient un atout pour assurer une nouvelle place dans de nouvelles sociétés.
Départs
6Le migrant, tel qu’il apparaît dans les sources, vient d’ailleurs. Il est celui dont les origines géographiques sont lointaines et parfois indéterminées. Il existe néanmoins un point de départ, un lieu qu’il a été initialement amené à quitter. Ces espaces formaient jusqu’alors tout un monde, pour certains le seul monde connu, un environnement qui a pu concentrer l’ensemble des réseaux de sociabilités dans lequel le migrant s’inscrivait. Lieux de mémoire, d’échanges et de projections pour la plupart d’entre eux, les voici désormais contraints par des forces ou des besoins économiques de laisser derrière eux ces environnements. Un état des lieux des régions de départ des Grecs – provinces, villes, parfois villages – s’impose donc avant toute réflexion sur la mobilité des Grecs.
Méthode
7Nous devons nous interroger sur la difficulté qu’ont pu rencontrer les rédacteurs des sources occidentales dans la retranscription des noms des lieux d’origine des Grecs qui se présentent devant eux. Il s’agit d’une difficulté récurrente pour ces sources, notamment sur la question de l’écriture des patronymes grecs. Toutefois, dire l’origine géographique se révèle souvent une tâche ardue pour les Grecs et comprendre ces toponymes est un défi non moins grand pour un administrateur français ou anglais.
8Il ne fait aucun doute que ces soucis ne concernent pas les toponymes grecs les plus connus en Occident : Constantinople, Rhodes ou Trébizonde sont suffisamment célèbres dans la littérature occidentale pour que les scribes sachent reconnaître ces noms et les transcrire correctement. Mais que peut-on comprendre lorsqu’en 1426 se présente à Amiens Paul « conte et puissant prince de Valachie »5 ? La Valachie désigne alors deux régions différentes : d’une part l’espace situé au-delà du Danube, centre de la principauté de Valachie, roumaine, apparue au milieu du xive siècle ; d’autre part une contrée du sud de la Thessalie. La confusion est possible, les deux territoires étant bien moins connus que Constantinople ou le Péloponnèse. Le scribe semble bien conscient de ce risque puisqu’il précise que ce Paul vient « des parties de Grèce »6, levant ainsi le doute mais ne précisant pas la ville d’origine du prince grec7. La graphie occidentale des toponymes grecs tend également à brouiller les pistes. Démétrios de Larta8 vient-il bien d’Arta en Épire ? Alexis de Salubria est-il originaire de Selymbria9 ? Tout porte à le croire, les variantes orthographiques se révélant somme toute similaires. Mais qu’en est-il de Nicolas Georgei d’Arcosson, venu en 1459 solliciter la générosité de James II d’Écosse10 ? De même, le malheureux Michel Paléologue, arrêté à Turnhout en 1510 alors qu’il quêtait pour libérer sa famille, affirme être le seigneur du château de Soudoires11. La source précise immédiatement que ce château se trouve à proximité de Constantinople, mais rien de plus. Les multiples variantes dans la façon d’écrire un nom – Constantinople et Trébizonde connaissent des modifications assez mineures12 – associées aux problèmes rencontrés par les scribes occidentaux dans la compréhension d’une langue aux accentuations et aux rythmes souvent déroutants, contribuent à ce que les points de départ grecs soient tus ou du moins embrouillés. Les documents disponibles, souvent issus de registres de compte pour qui la provenance avait peu d’intérêt, ont tendance à généraliser et employer des termes aussi vagues que « païs de Grece », « royaulme de Grece »13 ou bien « marches de Constantinople14 ». Autant de vocables et de Grecs très difficiles à localiser (tabl. 1).
Tableau 1. L’origine des Grecs d’après les sources
« Grec » | « Grèce » | Un lieu précis | |
Angleterre | 103 | 11 | 36 |
Bourgogne | 23 | 30 | 147 |
France | 118 | 46 | 63 |
Autre | 1 | 3 | 3 |
Total | 245 | 90 | 249 |
9Un dernier type d’enjeu consiste à déterminer la provenance grecque sans qu’aucune référence géographique, historique ou culturelle au monde grec soit évoquée. Il arrive parfois qu’une source se borne à évoquer un nom, le transcrivant le mieux possible mais sans évoquer un lieu grec connu. Face à ces difficultés, le plus simple s’avère de taire la provenance du Grec ou bien de la ramener au dénominateur commun le plus large possible, comme « Grèce » par exemple. Notre recension a souvent été confrontée à des personnages sans provenance, tels Georges Paleologo et Théodore Lasgaris présents à Tournai en janvier 1459 et dont l’appartenance à l’espace culturel grec se trouve heureusement rappelée par leurs patronymes respectifs ainsi que par leurs très hypothétiques liens avec la famille impériale15. Ainsi, il est nécessaire d’en appeler à d’autres outils pour valider ou non le caractère grec d’un personnage, l’analyse des noms et prénoms étant un exemple souvent très utile. Grâce à ces méthodes qui, peuvent néanmoins laisser dans l’oubli certains noms, il est rapidement devenu évident que la population provenant de l’espace culturel grec était plus élevée qu’il ne l’était supposé par l’historiographie.
10Le problème se complexifie encore si l’on considère que tous les ressortissants du monde égéen ne sont pas systématiquement grecs. Ainsi, les Rhodiens ont trop souvent été mis à part des études en raison de la présence des Hospitaliers : ils faisaient l’objet de méfiance quant à la réalité de leurs origines grecques. À l’appui de cette littérature notons que la présence de Grecs rhodiens n’est pas rare dans nos sources16. Toutefois, le doute peut
11parfois persister. En 1462, Martel Martellis, chevalier de Rhodes, est classé par Florence Moal dans le groupe très restreint des étrangers grecs de Bretagne, bien que l’on puisse douter de ses origines grecques réelles17. Martel, de par son nom et son statut, tient davantage du chevalier de l’ordre de Saint-Jean que du migrant grec. Face à ce perpétuel jeu d’équilibre, nous avons choisi d’englober le plus largement possible les acceptions du monde grec, dès lors que nos sources abondent dans ce sens. Grégoire Tifernas, humaniste italien originaire des abords de Rome devient, dans les sources françaises du milieu du xve siècle, un Grec18.
D’où viennent les Grecs ?
12Une étape descriptive s’impose tout d’abord. Les points d’origine des Grecs ne sont pas anodins et correspondent fréquemment aux soubresauts des événements politiques que connaît le monde égéen – et plus largement la Méditerranée orientale. Cependant, quelques lieux nouveaux peuvent apparaître et induire d’autres logiques, d’autres réflexions.
Tableau 2. Les multiples provenances des Grecs
Constantinople et ses alentours | Péloponnèse et Grèce continentale | Îles grecques | Trébizonde et mer Noire | Occident | |
1400-1419 | 1 | 2 | 0 | 0 | 0 |
1420-1439 | 0 | 7 | 0 | 0 | 1 |
1440-1459 | 115 | 62 | 40 | 0 | 4 |
1460-1479 | 45 | 18 | 2 | 17 | 9 |
1480-1499 | 2 | 5 | 0 | 1 | 0 |
1500-1519 | 0 | 7 | 0 | 0 | 1 |
1520-1539 | 0 | 7 | 3 | 0 | 2 |
1540-1559 | 0 | 1 | 4 | 0 | 0 |
1560-1575 | 1 | 2 | 0 | 0 | 1 |
Constantinople et ses alentours
13La Nouvelle Rome concentre bien entendu la majorité des départs. Les vicissitudes vécues par les habitants de cette cité amènent nombre d’entre eux à la quitter temporairement ou définitivement. La prise de la ville par les Ottomans engendre une vague de migrations – moins importante que prévu toutefois – vers l’Italie principalement. Les registres de comptes des cours anglaise, bourguignonne ou française s’en font également l’écho : 164 occurrences évoquent une origine constantinopolitaine, dont 16 cas sont liés à Pera, située de l’autre côté de la Corne d’Or, aux « marches » et au « païs » de Constantinople, des termes vagues. Cet événement constitue un jalon certain et influe sur le nombre d’arrivées de constantinopolitains mais il n’en constitue pas pour autant l’unique cause. En effet, les Grecs en provenance de Constantinople et de ses abords sont présents de façon constante tout au long de la période considérée : 40 « constantinopolitains » avant 1453 ; 76 de 1453 à 1460 ; 47 jusqu’en 1500 ; seulement 7 après 1500. La chute de la cité jette un grand nombre de Byzantins sur les routes d’Occident mais le mouvement de migration depuis Constantinople existait déjà avant et s’est poursuivi longtemps après, une fois passé le pic des années 1450.
14Une distinction existe dans nos sources entre les Grecs provenant de la cité même de Constantinople et ceux affirmant être originaires de ses alentours. En effet, les sources occidentales connaissent relativement bien Constantinople et savent situer la ville. En revanche, la connaissance des localités des alentours, de Thrace ou de Romanie, se fait plus obscure pour les scribes. Les localités environnantes deviennent difficiles à définir : si Salubria est aisément identifiable à Selymbria, cité byzantine située au bord de la mer de Marmara et à 70 kilomètres de Constantinople, quelles localités se cachent derrière Lumbivite, Acarye ou Frescante19 ? Devant une telle variété, l’important est de noter la proximité de ces lieux avec la cité impériale. De plus, compte tenu des vicissitudes politiques que connaît la région au xve siècle, il est difficile de déterminer avec exactitude si tel Grec vient d’un territoire resté byzantin ou si celui-ci était sous domination ottomane, vénitienne ou génoise avant de se décider au départ ? Tout justifie l’emploi d’une catégorie ad hoc qui rend au moins compte d’une localisation, même vague, des origines des Grecs présents.
Le Péloponnèse et la Grèce continentale
15Refuge pour les Byzantins après la prise de Constantinople, le despotat de Morée est la seconde région d’où affirment provenir plusieurs Grecs présents en Europe du Nord-Ouest. Notre corpus révèle, sur l’ensemble de la période concernée, 64 mentions en lien avec le Péloponnèse. Il s’agit du second pôle de départs des Grecs. L’ensemble de ces références semble être relativement homogène20. Toutefois, la conquête ottomane de la péninsule en 1460 active une nouvelle phase de migrations vers l’Occident. Les registres de comptes des chancelleries anglaise, bourguignonne ou française font état de telles arrivées21. Pourtant, il ne faut pas non plus rester trop déterministes face aux événements que suscite l’avancée ottomane : d’autres ressortissants péloponnésiens sont mentionnés avant et après la prise de la région : le cas le plus célèbre est celui de Thomas Francos, originaire de Coron, cité alors sous domination vénitienne, présent en Angleterre dès le début des années 143022. D’autres personnages originaires de la péninsule parcourent la région, comme Nicolas Georgei d’Arcosson en 145923. Plus tard, d’autres Grecs venus de la péninsule apparaissent dans les sources sans qu’un événement soit à l’origine d’une quelconque migration. Le couple formé par Jean de Senambay et Catherine de Patras illustre cette situation. Les deux Grecs reçoivent des lettres de naturalité le 17 février 1547 : ils sont installés en France depuis quinze ans et sont ainsi récompensés de leur fidélité envers le roi24.
16Le reste de la Grèce continentale est présent dans notre corpus, mais de façon plus sporadique : l’Épire n’est, semble-t-il, évoquée qu’une seule fois par l’intermédiaire de Démétrios de Larta – ou d’Arta – marchand actif dans le port de Londres en 144625 ; la Thessalie est représentée par Paul de Vlachia26 ; Georges de Romenia, marchand, semble pouvoir être rattaché à la Thrace ou bien la Romanie génoise ou vénitienne27 ; Athènes et l’Attique apparaissent grâce aux agissements de l’évêque Georges Branas28. Il est difficile d’après l’état actuel du corpus de déterminer plus finement les localités de Grèce continentale d’où seraient issus ces Grecs. Il est cependant clair que, malgré nos données parcellaires, le décalage avec le Péloponnèse et Constantinople est réel. Il en va de même avec les îles de la mer Égée.
Les îles grecques
17Ces îles, pour la plupart situées hors de la zone de contrôle byzantine depuis plus de deux siècles, constituent le troisième pôle de départs des Grecs en direction de l’Occident. Les migrations s’en trouvent d’autant facilitées que ces îles sont en majorité sous domination vénitienne ou génoise. Cinq îles apparaissent : la Crète, Chypre, Chios, Nègrepont et, cas plus particulier, Rhodes.
18Les quatre premières îles peuvent être envisagées ensemble. Toutes sont sous influence directe des Occidentaux – vénitienne pour la Crète et Nègrepont, génoise pour Chios, franque avec les Lusignan de Chypre, et constituent des interfaces privilégiées avec les Grecs. La Crète, atout majeur des possessions vénitiennes en mer Égée, bien que difficile à contrôler, forme le point d’accès principal pour qui veut parvenir à Venise. Au fur et à mesure de l’avancée des Ottomans, l’île devient un refuge important pour les Byzantins en fuite au même titre que le Péloponnèse. Les Grecs fuyant Constantinople sur des vaisseaux vénitiens se dirigent avant tout vers la Crète, avant de se tourner vers d’autres destinations, comme le Péloponnèse. C’est l’itinéraire que suivent Isidore de Kiev, Georges Sphrantzès ou bien Démétrios Koumousès29. De Crète proviennent ainsi plusieurs ressortissants grecs qui sillonnent l’Occident, et surtout la péninsule Italienne. Des humanistes comme Georges Gemistos Pléthon sont originaires de l’île30. D’autres font souche dans la communauté grecque de Venise : parmi eux, des typographes du xvie siècle comme Marc Musurus ou bien Angelos Vergekios se distinguent et forment une distinction crétoise dans ce domaine31. Ce dernier franchit les Alpes et s’installe en France, tout comme d’autres crétois, tels les époux Peter et Mattea de Mylan ou Demellan, brodeurs londoniens mentionnés entre 1541 et 154432. Chypre est moins présente dans les sources, représentée principalement par des marchands : Georges de Cipro ou de Nicosia est actif dans le port de Londres en novembre 144633. Le cas des Chypriotes reste très mal connu. Il semble que les relations étroites avec Gênes et Venise conduisent avant tout à privilégier ces villes comme zones de contact34. Il en va de même pour Nègrepont et d’autres îles comme Cythère dont les noms apparaissent dans notre documentation mais de façon trop anecdotique pour que cela constitue une tendance réelle35. Chios est un peu plus représentée, sur une durée plus étendue : deux marins, Georges et Manuel de Chio servent le duc de Bourgogne entre 1441 et 1443 ; une Angeletta Vlacho de Chio, veuve d’un marchand anglais, obtient en 1542 de la chancellerie anglaise des lettres de naturalité pour son fils Edward ; Paul Korézès, issu d’une famille influente de marchands de Pera en provenance de Chios, opère entre 1562 et 1567, agissant comme procurateur des biens et intérêts en France détenus par certains habitants de Constantinople36.
19Rhodes constitue un cas particulier. D’un point de vue quantitatif, il s’agit de l’île qui recèle le plus de migrants recensés dans les registres occidentaux : qu’il s’agisse de marchands ou de particuliers présents en Occident pour une raison quelconque, Rhodes, sous la domination des chevaliers de Saint-Jean depuis 1307, constitue un pôle de contacts privilégié avec les Francs, propice aux départs. Pourtant, l’analogie entre Rhodiens et Grecs est ici difficile, avant tout en raison de la présence des chevaliers de Saint-Jean dans l’île et le risque de confusion37. Malgré toute la prudence nécessaire, certains Grecs rhodiens apparaissent, souvent liés aux activités maritimes, qu’il s’agisse de marchands ou bien de marins : Dymutre de Rondes – ou Démétrios de Rhodes – trafique à Rouen du safran, de l’alun et du vin d’Espagne en 1477 ; Nicolas Famileti est, dans le troisième quart du xve siècle, un corsaire adjoint de Georges Bissipat ; enfin, les galères de guerre du duc de Bourgogne comptent dans ses rangs, entre 1441 et 1443, Georges et Antoine de Rhodes, associés avec d’autres Grecs, majoritairement originaires des îles de mer Égée38. Il est à noter qu’aucun migrant nécessiteux rhodien n’apparaît dans les sources. Mais peut-être est-ce là encore un effet de source, d’autant qu’avec la prise de l’île par les Ottomans en 1522, plusieurs Grecs auront pu choisir la voie de l’exil. Par ailleurs, des enfants métisses franco-grecs, originaires de Rhodes, apparaissent dans la documentation dans les vingt années qui suivent39.
20Cependant, à l’exception de ces quelques cas, il est difficile de déduire davantage d’éléments sur Rhodes et les îles grecques.
Trébizonde et la mer Noire
21Laissons de côté l’Asie Mineure et la mer Noire qui n’apparaissent qu’à de très rares occasions et suscitent davantage d’interrogations sur l’origine grecque réelle, ou même supposée, des personnages concernés que d’informations utiles à notre propos40. Trébizonde retiendra notre attention. Capitale d’un État impérial grec – influencé culturellement par la Géorgie voisine – depuis 1204, Trébizonde tombe aux mains des Ottomans en 1461. Dès lors, des migrants apparaissent régulièrement dans la documentation occidentale. Sans commune mesure avec le poids de Constantinople ou le Péloponnèse, les ressortissants trébizontins sont certes peu présents en Occident, avant tout en raison des distances importantes qui séparent les deux régions. Toutefois, leur présence, concentrée autour de la décennie qui suit la chute de la ville n’est pas anecdotique et révèle des cas dont l’importance pour notre propos sera importante ultérieurement : ainsi, Michel de Trébizonde et son fils, serviteurs fidèles des ducs de Bourgogne, ou bien le fils du Megas Doux Constantin Scholarios41, proviennent de cette cité. Il ne faut donc pas la négliger. Cependant, hormis ces quelques cas, ainsi que celui de Bessarion, en visite diplomatique à Paris en 1472, Trébizonde reste assez marginale pour notre corpus. En effet, hormis la période de vingt années qui suit la chute de la cité, les Trébizontins disparaissent presque complètement de nos sources. Toutefois, les liens forts existant entre les deux empires aux xiiie et xive siècles laissent supposer de possibles échanges de populations et l’entretien de liens – parfois familiaux – entre les deux cités. Ainsi, des Constantinopolitains pourraient fort bien apparaître comme des Trébizontins et inversement. Songeons que des Scholarios évoluent entre les deux empires tout au long de ces deux derniers siècles et que des liens forts ont pu s’établir avec une partie de la famille trébizontine et l’autre constantinopolitaine42. De plus, comme nous le verrons bientôt, la position géographique de Trébizonde implique que Constantinople, même si celle-ci est tombée avant aux mains des Turcs, ait pu devenir un point de chute provisoire pour nombre de Trébizontins, induisant peut-être ainsi en erreur notre regard sur les provenances des Grecs.
Des provenances occidentales
22Un paradoxe s’est glissé dans notre étude. Certains Grecs affichent une provenance occidentale. S’agit-il d’un effet de source ou bien d’une réalité documentaire ? Une proportion non négligeable des Grecs présents dans l’Europe du Nord-Ouest atteste d’une provenance extérieure, non seulement au monde grec mais aussi à la Méditerranée orientale. La fréquence des pérégrinations grecques engendre une recomposition de la mémoire des lieux de provenance et aboutit à revendiquer une localité occidentale – le plus souvent italienne – comme point d’origine.
23Deux études de cas sauront éclairer notre propos. En mai 1469 un certain George le Grec (2) se présente à la cour du duc de Bourgogne, à Bruxelles43. L’impétrant requiert de la chancellerie le remboursement d’une salade – c’est-à-dire d’un casque – en argent qu’il affirme avoir perdu alors qu’il était au service du duc. Il demande donc une compensation et obtient à cet effet 28 livres 10 sous. L’intérêt de cette mention est que ce George est présenté comme « angloix ». Derrière ce terme, il est possible d’évoquer plusieurs phénomènes : ce personnage peut avoir bénéficié de lettres de naturalité et apparaître comme un sujet anglais ; il peut également descendre d’un Grec installé en Angleterre depuis plusieurs années ; il peut plus simplement provenir d’Angleterre sans y avoir d’attache particulière. Néanmoins, selon cette source, George provient d’Angleterre, rien de plus. Le 18 février 1532, un groupe de fauconniers grecs vend à François Ier un ensemble d’oiseaux de proies, principalement des sacres et des sacrets44. Parmi eux, un certain Gaspard de Venise apparaît et est nommé grec avec ses compagnons45. Aucun autre toponyme ne vient préciser une quelconque provenance grecque. Néanmoins, Venise constitue une origine logique pour une communauté grecque importante et influente. Nombre de Grecs nés dans la cité essaiment à partir d’elle, temporairement ou non, essentiellement afin d’assurer les relations commerciales avec le reste de l’Europe.
24Il n’est pas rare de trouver dans les registres de comptes des chancelleries anglaise ou française des références à des Grecs, souvent marchands, venus de Venise ou d’autres villes italiennes. Les Subsidies Rolls anglais se trouvent confrontés à ces étrangers portant un patronyme construit sur le vocable « grec » – grace, grece, greke par exemple – mais dont la provenance est rattachée aux cités de la péninsule Italienne. Le cas le plus frappant est celui de Jeronimus Grace. La base de données « England’s Immigrant 1350-1550 », construite par l’université de Londres, accole à ce personnage une « nationalité » italienne, se fondant sur la provenance de Jeronimus : or, à l’examen de ces sources, il appert rapidement qu’il s’agit de sa provenance, non de ses origines. Ainsi, le marchand devient successivement génois, vénitien puis lucquois46. Jeronimus porte ses origines comme une sorte de nouveau patronyme – pratique assez fréquente chez les Grecs d’Angleterre – et sa « nationalité » italienne induit plutôt des contacts réguliers avec les ports italiens, eux-mêmes connectés avec la Méditerranée orientale.
25De telles situations ne sont pas rares et incitent à effectuer une distinction entre la provenance d’une personne, telle qu’elle est affirmée et revendiquée, et les réelles origines géographiques qui, du fait de nos sources, nous échappent. Une telle optique pousse donc à envisager qu’un Grec puisse être originaire d’un lieu extérieur au monde grec. La multiplication des déplacements brouille les pistes mais renseigne également sur l’importance que revêt l’origine non seulement pour les sources mais également pour les personnes concernées. Le lieu d’origine est un outil de communication utile : selon que la situation politique incitera à mettre en avant des noms évocateurs d’exotisme grec, nous trouverons plus ou moins de références à ces lieux : dans le second cas, il apparaît moins important d’évoquer un point géographique grec qu’une appartenance à une communauté dont la réputation de marchands d’oiseaux – particulièrement ceux venant de Venise – n’est plus à faire47 ; de même, George le Grec (2) est présenté comme un anglais, sujet d’un souverain dont l’alliance avec le duc de Bourgogne est alors cruciale48. Sans anticiper sur la suite de la démonstration, notons que la question de la provenance de Grecs est déjà une affaire de communication.
Lignes de fuite
Lieux d’origine ou points de départ ?
26Une autre distinction aura peut-être pu nous échapper précédemment : peut-on établir une différence entre lieu d’origine et points de départ à partir desquels les Grecs étudiés ont quitté le monde grec ? Lorsqu’apparaît un marin comme Dymutre de Rondes, marchand d’épices à Rouen en 1477, il est légitime de s’interroger sur la signification d’une telle localisation : origine réelle ou simple port d’attache49 ? De même, face aux événements que connaît la mer Égée, les réfugiés ont d’abord tendance à se réfugier vers les derniers bastions byzantins, puis latins, échappant encore aux Ottomans. Dans les dernières décennies de domination byzantine, Constantinople – puis le despotat de Morée – voit s’ajouter à sa population des réfugiés d’autres régions. Dès lors, il peut sembler hasardeux de conclure définitivement que les migrants grecs présents en Occident, tout au long de la période considérée, sont d’authentiques constantinopolitains. La documentation, en tout cas, ne nous fournit pas les outils nécessaires pour répondre à une telle question. Face au manque de précision des sources, nous sommes contraints d’accepter la situation telle qu’elle se présente à nous. Sans être totalement dupe, il nous faudra considérer comme constantinopolitaine ou trébizontine – et même vénitienne comme nous avons pu le voir – une personne qu’un document évoquerait de cette manière.
Voyager seul ou accompagné ?
27Avant de suivre les itinéraires des migrants Grecs à travers la Méditerranée et l’Europe occidentale, une dernière question se pose et, d’une certaine manière, se posera tout au long de l’étude : ces voyageurs sont souvent présentés seuls dans les sources, mais le sont-ils vraiment ?
28D’un point de vue statistique, l’ensemble des cas étudiés donne à voir une majorité de Grecs mentionnés seuls dans les documents occidentaux. Dans les sources économiques disponibles – notamment registres de dons ou de taxations diverses – nous trouvons 483 Grecs seuls pour 334 accompagnés. Cela signifie-t-il que les Grecs mentionnés avec d’autres formeraient des groupes et que les autres non ? Un doute s’insinue tout d’abord si l’on considère la manière qu’ont les scribes de rédiger leurs documents. En effet, en 1457, Georges Paléologue (Diplovatazès) reçoit 68 livres de la chancellerie française. Les deux lignes suivantes mentionnent Théodore Laskaris et Thomas Eparchos, compagnons de Georges, recevant chacun une somme d’argent50. Ici, chacun est mentionné individuellement. Or les scribes du duc de Bourgogne présentent différemment le même genre de requête financière, de la part des mêmes protagonistes – seul Thomas Eparchos manque – mais sur une même ligne, dans un même ensemble51. Ces deux documents alternent des mentions de groupes grecs et d’autres où apparaissent de simples particuliers. Il est donc difficile de considérer ces derniers comme des itinérants solitaires.
29De plus, des questions d’ordre technique se posent inévitablement pour ces Grecs. Les contacts certains entre Occidentaux et Grecs n’impliquent pas que tout Grec comprenne un Anglais ou un Français et réciproquement. Comment envisager de telles expéditions à travers des contrées inconnues de la plupart des migrants sans le recours à une aide ou plus simplement sans l’organisation de départs groupés ? Les groupes qui cheminent ainsi permettent de meilleures conditions de voyage, facilitent leurs entreprises par la mise en commun de ressources et de compétences. Dans une grande majorité de cas, les groupes suscitent l’octroi de dons plus importants de la part des autorités concernées52.
30Enfin, combinés à ces données pratiques, certains exemples de Grecs suggèrent que leur apparente solitude peut n’être qu’apparente. En effet, malgré quelques doutes sur certains cas, il semble évident que certains Grecs appartiennent à l’élite de leurs sociétés d’origine. Ainsi, en juin 1471, se présente à Paris Constantin Scholarios, fils du « grand duc de Trapezonde », c’est-à-dire du Megas Doux, titre aulique très important dans la hiérarchie grecque53. Constantin est toujours mentionné seul. Or, il paraît difficilement concevable qu’il ne soit pas accompagné d’une suite, aussi réduite soit-elle. Nous en avons parfois quelques évocations pour d’autres Grecs54. Pourquoi Constantin ferait-il exception ? Constantin doit bénéficier du secours d’interprètes, ne serait-ce que pour parvenir à se faire comprendre des membres des cours princières où la langue grecque n’est pas comprise si ce n’est par un nombre infime de personnes. Ces truchements sont souvent trouvés en Italie : Thomas Eparchos et Georges Diplovatazès bénéficient ainsi du concours de traducteurs et d’interprètes pour traduire en latin puis en allemand le discours sur la prise de Constantinople qu’ils donnaient à lire dans les différentes villes traversées55 c’est-à-dire Nuremberg, peut-être également York, Mons ou Paris.
L’entrée en Occident
31Quels itinéraires suivent ces migrants, amenés à porter leurs pas vers l’Occident latin ? Les sources anglaises, bourguignonnes et françaises restent le plus souvent très discrètes sur les conditions d’entrée en Europe occidentale. Des indices évoquent une destination privilégiée et assez logique : la péninsule Italienne. Par la suite, la question se complexifie puisqu’il s’agit pour nous de déterminer les voies d’accès à l’Europe du Nord-Ouest, par Lyon à l’ouest ou bien la Bavière au nord.
L’Italie avant l’Europe du Nord-Ouest
Points d’entrée
32Les Grecs entrent en Occident par la péninsule Italienne. Ce constat effectué par l’historiographie n’a pas à être remis en cause. Mais quels sont les points d’entrée des Grecs ? Existe-t-il des logiques (politiques, économiques, sociales, voire temporelles) qui poussent certains vers Venise quand d’autres privilégieront d’autres centres, comme Rome ou Milan ?
Venise, la porte d’entrée classique
33Par son empire maritime constitué en mer Égée depuis 1204, Venise constitue une interface privilégiée avec les Byzantins. Pourtant, l’histoire des relations vénéto-byzantines s’ancre résolument dans le temps56. Un lien privilégié existe et perdure avec l’Empire byzantin – dont la cité lacustre reste théoriquement la vassale – malgré la disparition progressive des possessions byzantines dans la péninsule. Les relations, quoique de plus en plus distendues, n’en demeurent pas moins actives grâce aux réseaux commerciaux entretenus57. Après le choc de la bataille de Manzikert (1071), Venise obtient des avantages économiques croissants : le chrysobulle délivré en 1092 par Alexis Ier Comnène (1081-1118) place la Sérénissime en position de partenaire économique principal58. Une relation de dépendance vis-à-vis de Venise se pérennise malgré des périodes de tensions et de frictions59. Les échanges, notamment de populations, s’en trouvent accélérés par la constitution des possessions vénitiennes dans les îles égéennes par le passage d’importantes populations grecques sous la domination de la Sérénissime.
34Cette situation constitue toujours une réalité au xve siècle, situation d’autant plus favorable que les possessions vénitiennes survivent à la chute des derniers territoires byzantins. La progressive perte des îles entraîne des vagues de migrations vers les autres régions restées vénitiennes – principalement en Crète – puis vers Venise elle-même. Les récits de la chute de Constantinople évoquent le cas de Grecs montés à bord de navires vénitiens en fuite et emmenés jusqu’à Venise s’ils n’ont pas choisi de s’arrêter dans le Péloponnèse. Ainsi, Jean Argyropoulos fuit en Morée avant d’être envoyé en mission en Italie par le despote Démétrios Paléologue60. D’autres Grecs sont plus simplement originaires de ces possessions vénitiennes : Georges de Trébizonde est né en Crète et effectue de fréquents allers-retours avec Venise et le reste de l’Italie61. À une échelle plus modeste, Théodore Spandounès et Nicandre de Corcyre, deux écrivains grecs de Venise que nous rencontrons au-delà des Alpes, appartiennent à des familles originaires respectivement de Céphalonie et de Corfou forcées de fuir leurs îles pour se réfugier dans la cité lacustre62.
35Ces quelques cas ne manquent pas de se répéter et nos sources, quoique de façon très lacunaire, en donnent un certain écho. Venise apparaît ainsi dans les itinéraires de Grecs, premier pôle italien de refuge pour les Grecs mais elle n’est pas la seule.
36Venise, si elle constitue une voie d’accès privilégiée pour les candidats à la migration en Italie, ne représente pas nécessairement le centre de redistribution idéal pour celui qui désirerait franchir les Alpes et trouver refuge ou avantages dans d’autres contrées plus septentrionales. L’accès notamment au royaume de France doit se faire à partir d’un point plus commode : Milan.
37Le premier atout de la cité est stratégique. Les sources évoquent Milan comme une place incontournable : les principales voies d’accès au royaume de France, passent par la cité lombarde. Via les États du duc de Savoie, il est possible d’accéder à Lyon, la Suisse et au Rhin – et donc aux domaines du duc de Bourgogne. Parmi les quelques itinéraires qui peuvent être reconstitués, Milan est présente. Prenons le cas du parcours effectué par l’empereur Manuel II Paléologue en Occident entre 1399 et 1403. Parti de Constantinople et parvenu à Venise en février 140063, l’empereur est accueilli par le duc de Milan avant d’apparaître ensuite à la cour de Charles VI64. Cet itinéraire, remontant la plaine du Pô pour franchir les Alpes dans les cols savoyards et déboucher en France par la vallée du Rhône, constitue un réel modèle qui se répète. Toutefois, son entremise constitue un autre aspect, plus politique, qui conforte la position nodale de Milan.
38Les ducs ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit de faire jouer leur influence. Ils deviennent des relais pour les Grecs avant que ces derniers apparaissent en France ou en Bourgogne. Les relations épistolaires avec la Bourgogne autorisent les échanges humains entre les deux États. Le cas le plus caractéristique est celui de la recommandation de Théodore Plantidorus/Platyntéros et Nicolas Cunctus le 3 septembre 1459 et constitue modèle du genre.
Illustrissimo principi d. Filippo duci Borgundie.
Non absque dolore preterrire possumus infelicem ac miserandum casum ingentemque calamitatem captivitatis urbis Constantinopolitane ex qua quamplurimi nobiles patria sua pulsi hinc vite necessaria quetere coguntur. Ex quorum numero existentes Theodorus Plantidorus et Nicolaus Cunctus olim aulici et familiares serenissimi quondam illius imperatoris Constantinopolitani, qui a nobis quantum deceat pro ipsorum inopia bene suscepti ad illustrissimam Dominationem vestram gressus suos dirrigere constituerunt, quos esti pro solita illustrissime Dominationis vestre clementia ac liberatite non dubitemus ac commendatione nostras indigere, tamen ut ipsorum desyderio satisfaciamus, compacientes etiam acerbe eorum condicioni que ab omnibus merito sustentari meretur, prefacte Excellencie ipsos Theodorum et Nicolaum comendamus. Gratum enim habituri erimus, ut hii tum pro ipsius infortunii natura, tum et contemplacione nostras ab eadem illustrissima Dominatione prout confidamus bene suscipiantur, ad cuius beneplacita nos semper paratos offerimus. Datum Mediolani, die IIJ detembris 145965.
39Dans ce texte, le duc de Milan est sollicité par les deux Grecs désireux de pouvoir passer en Bourgogne et de bénéficier des appuis adéquats. La recherche de Milan comme base efficace de lancement vers d’autres contrées est ici affirmée. L’influence de Milan et de ses ducs se lit également dans la correspondance entre Louis XI et Galeazzo Maria Sforza (1466-1476). Celle-ci montre que les hommes voyagent d’un État à un autre et parmi eux certains Grecs : Guillaume Lefranc, fils de Thomas Francos, secrétaire du roi de France est ainsi recommandé à au duc de Milan en août 146966.
40Pourtant la situation géographique stratégique de Milan aurait moins d’importance si la cité n’accueillait pas entre 1440 et 1475 l’un des plus importants humanistes italiens de l’époque, l’un des défenseurs et promoteurs de la langue et de la culture grecques en Occident : Francesco Filelfo. Originaire des Marches et très tôt formé par les plus éminents savants grecs du début du siècle comme Jean Chrysoloras, Francesco, après un périple d’études à Constantinople jusqu’en 1427, propose ses talents à Venise, à Bologne puis à Florence avant de répondre à l’offre du duc de Milan Filippo Maria Visconti (1412-1447). Dès lors, sous l’influence de Filelfo, Milan devient pendant plus de trente ans la plaque tournante de la redistribution des Grecs en quête d’un passage vers le nord des Alpes. La correspondance de l’humaniste évoque fréquemment ces personnes souvent sans ressources qui trouvent ainsi un appui vital pour eux. Nous verrons plus loin à quel point Filelfo devient le centre d’un vaste réseau d’échanges de textes, d’idées et d’hommes depuis Constantinople jusqu’en France. Notons simplement le cas significatif de Jean Gavras déjà évoqué67, dont la jeunesse et le dénuement ont su toucher l’humaniste qui rend compte à son ami Thomas Francos de sa situation dramatique : forcé de fuir les Turcs qui ont fait prisonnier ses parents, Gavras se trouve à Milan, prêt à rejoindre Thomas en France (23 octobre 1454)68. Quinze ans plus tard, par une brève allusion dans une lettre adressée à Démétrios Crastenus, Filelfo annonce le départ imminent d’un certain Glykys pour la France depuis Milan69. Ici encore, Milan constitue une plaque tournante décisive au même titre que Venise – sans toutefois disposer de la même population grecque expatriée résidant en son sein.
41Pourtant, dès lors que Francesco quitte Milan en 1475 et que par la suite les ducs de Milan se trouvent confrontés à d’autres enjeux politiques centrés sur la péninsule, la cité lombarde apparaît moins dans nos sources même si elle doit toujours constituer une étape importante pour les Grecs migrants, au même titre par exemple que Turin, située également sur la route menant au royaume de France.
Rome, la voie cardinalice
42Il existe un troisième centre attractif pour les Grecs : Rome. À la différence des centres de départs vénitiens et milanais, la cité pontificale est avant tout un centre de regroupement des Grecs quittant le monde égéen. L’influence de Rome apparaît dans nos sources, avant tout dans la justification d’une protection, d’une légitimité délivrée par la Curie romaine ou bien par certains cercles cardinalices humanistes. Il est toujours utile de pouvoir présenter aux autorités un papier stipulant que le bénéficiaire grec dudit document est protégé par un éminent cardinal, voire par le pape lui-même. Rome est le centre vers lequel on se dirige pour obtenir un outil de pénétration plus efficace dans les sociétés du Nord-Ouest européen, avant de se diriger vers Venise ou Milan.
43Cette voie cardinalice est illustrée par un ensemble de personnages, cardinaux pour certains, savants grecs ou hellénophones pour d’autres qui constituent pendant quelques années des cercles culturels où les Humanités grecques sont favorisées. Les plus célèbres d’entre eux sont sans aucun doute les cardinaux Isidore de Kiev (1385-1463) et Bessarion (1403-1472)70. Tous les deux se sont ralliés à l’obédience latine lors du concile de Ferrare-Florence (1437-1439) en conformité avec les décisions prises alors, ils persistent dans leur décision après que l’Union des Églises a été progressivement dénoncée par la plupart des Byzantins présents lors de cette assemblée71. Cette persistance leur vaut le chapeau de cardinal mais, ne pouvant résider dans leurs métropoles respectives pour raison d’opposition religieuse – Kiev pour Isidore – ou bien d’occupation ottomane – Nicée pour Bessarion, les deux cardinaux entretiennent à Rome des réseaux culturels où s’échangent et sont copiés nombre de textes classiques grecs72. En plus de ces activités de traduction et d’édition, les deux ecclésiastiques apparaissent fréquemment dans nos sources pour s’entremettre pour faciliter les pérégrinations des Grecs, que ce soit dans la péninsule Italienne ou bien au-delà. Ainsi, Isidore patronne Thomas Eparchos et Georges Diplovatazès auprès de l’empereur Frédéric III (1440-1493), tandis que Bessarion, proche ami de Francesco Filelfo, fait partie d’un ensemble de relations et d’échanges de personnes parmi lesquels il faut noter Jean Argyropoulos, érudit proche de ces mêmes cercles et en partance pour la France en 145673. Bessarion, en tant que patriarche latin de jure de Jérusalem jusqu’en 1458 peut très bien être le patriarche qui délivre une recommandation pour Nicolas Georgiadès en Écosse74.
44Rome est donc une destination privilégiée en raison de ces patronages cardinalices. Mais ce n’est pas l’unique explication possible. Une proportion non négligeable des sources montre des Grecs en fâcheuse posture financière. Or, une des réponses des pouvoirs occidentaux, constamment en manque de liquidités, est de concéder des droits de quêtes dans les différents territoires concernés. Les pouvoirs politiques sont les premiers à octroyer ce genre de facilités. Toutefois, le Saint-Siège est également en mesure de délivrer de telles concessions dans l’ensemble des diocèses de la chrétienté latine. De plus, les multiples appels à la croisade contre les Turcs, notamment sous l’égide de Pie II, se matérialisent concrètement par la possibilité d’obtenir des indulgences en échange de dons en espèces. Théoriquement destinés à la croisade, ces fonds sont rapidement accaparés d’abord par des institutions officielles byzantines puis par des particuliers tels que Nicolas Georgiadès. Ainsi, deux réfugiés originaires de Corinthe et Nègrepont, obtiennent en mars 1475 des indulgences de l’archevêque d’York George Neville, donc avec l’aval du souverain pontife75.
45Ainsi, le pape reste un prince incontournable dont la protection agrège une communauté grecque qui vit dans sa dépendance. Arrivés de Morée avec nombre de compatriotes, le despote Thomas Paléologue et sa famille se réfugient à Rome. Dès lors, il est possible d’observer plusieurs Grecs, souvent en mission diplomatique pour le pape ou l’un des membres de la famille impériale, sillonnant la France, l’Angleterre ou bien la Bourgogne : Nicolas Agallon en 1454-1455, Frangoulos Servopoulos en 1459, Georges Hermonymos en 147676. La cité des papes est bien un centre d’accueil des migrants grecs ainsi qu’un pôle majeur de réorientation de ceux-ci en fonction des nécessités et volontés de chacun des acteurs de ces histoires.
Des absents ?
46Dans un dernier temps, nous souhaitons aborder le cas des villes que nous nous serions à trouver dans les sources comme étapes possibles mais qui, toujours d’après nos sources souvent trop lacunaires, n’apparaissent au mieux que de façon indirecte.
47Tout d’abord intéressons-nous au cas de Gênes. La cité ligure devrait figurer en bonne place dans nos registres. En effet, Gênes entretient une ancienne relation avec l’empire byzantin, avant tout marchande comme pour Venise. Contrepoids fréquemment employés par les Byzantins pour modérer l’influence jugée trop invasive des Vénitiens, les Génois disposent de comptoirs et de possessions en mer Égée – Chios, Lesbos, Samos ou Phocée par exemple – ou bien en mer Noire – Sinope, Cherson ou Caffa. Le maintien pendant quelques années de territoires sous le contrôle génois – la « Romanie génoise » – met en relation les Ligures avec les minorités locales, dont le gros le plus important est constitué de Grecs. Pourtant, la présence grecque, quoiqu’attestée par quelques trop rares documents insuffisamment connus de l’historiographie, semble assez établie dans la seconde partie du xive siècle pour qu’on puisse envisager celle-ci comme une communauté structurée autour de bâtiments qui lui sont propres et notamment de représentants chargés des relations avec la république77. L’existence, dès 1355, d’une Loggia dei Greci dans le quartier du vieux Môle près du port indique que les Grecs présents se regroupent entre eux et que leur présence n’est pas anecdotique, ni éphémère. Par ailleurs, un consulatus grecorum est créé dès cette époque, à la demande de l’empereur byzantin, afin de défendre au mieux les intérêts grecs dans la cité78. Pourtant, malgré toutes ces caractéristiques, Gênes n’apparaît pour ainsi dire jamais dans nos sources. Les rares mentions attestées laissent entrevoir des Grecs marchands, ce qui est assez logique, mais ce sont des gens de passage, dont les voies de communication sont avant tout maritimes79. Si la cité ne se situe pas sur l’axe routier privilégié pour se rendre en France, sa quasi-absence dans nos sources ne nous étonne encore. Peut-être faut-il y voir un effet politique, un manque d’intérêt pour d’éventuels candidats grecs à la migration, ceux-ci ne ressentant pas la nécessité de quitter la cité. Peut-être s’agit-il également d’un effet de nos sources.
48Naples n’est pas non plus présente dans notre documentation. Pourtant, là encore, la population grecque ou d’origine grecque ne fait pas défaut. Ancienne cité grecque, longtemps sous influence byzantine, Naples et le sud italien connaît même une population grecque autochtone en contact avec un pouvoir étranger. Annick Peters-Custot a montré que cette population a pu s’adapter aux vicissitudes politiques que connaît la région jusqu’au xive siècle80. Toutefois, selon l’historienne, le processus d’acculturation est si précoce et ancien qu’au début du xve siècle, il est de plus en plus difficile de distinguer avec certitude des résidus de populations purement grecques en dehors de la Calabre. Même dans ce cas, les quelques villages encore grecs ont adopté nombre d’usages occidentaux, notamment religieux, influencés en cela par les dominations successives des Normands puis des Allemands aux xiie et xiiie siècles. Il est ainsi intéressant de noter que le seul Grec qui puisse être relié, quoiqu’indirectement, à une telle origine se nomme Hector, arrivé en France en 1528 avec son épouse Faustina Pascouche. Originaire de Grottaminarda dans le royaume de Naples, Hector est alors le serviteur du duc de Melfi Giovanni Caraccioli (1480-1550). Toutefois, les lettres de naturalité qu’Hector obtient en 1555 et qui évoquent le village de Grottaminarda ne précisent pas si le Grec est véritablement originaire de cette localité qui n’a jamais compté en son sein une quelconque présence grecque81. Avec l’arrivée au pouvoir d’Alphonse V d’Aragon en 1442, la capitale du royaume hérite de l’ancienne politique égéenne catalane et devient un pôle important vers lequel se tournent rapidement des Byzantins en perdition. Les relations personnelles entre les souverains catalans et grecs favorisent cette entraide : ainsi, à la veille de la chute de Constantinople, le roi Alphonse V assurait l’envoi de convois de blé destinés à nourrir la population assiégée82. La cour du roi accueille également des Grecs qui bénéficient de la protection du prince83. Pourtant, Naples n’est guère représentée dans les sources anglaises, bourguignonnes et françaises. Au mieux, à l’instar du périple de Jean Argyropoulos, Naples figure-telle comme étape d’une tournée plus largement européenne.
49Un dernier point, qui pourrait passer pour évident, mérite toutefois d’être évoqué : il n’existe dans notre corpus aucune mention d’un passage par la Hongrie, ni d’une apparition grecque depuis les Pyrénées. Lorsque celles-ci sont franchies, notamment entre 1400 et 1401 pour l’espace catalan, il s’agit du cas très spécifique du voyage de Manuel II Paléologue qui envoie depuis Paris toutes sortes d’ambassades dont plusieurs sillonnent la péninsule Ibérique84. Les rois d’Aragon, axant leurs politiques depuis Naples, laissent la péninsule un peu à l’écart. Le contexte hongrois – ou plus largement d’Europe centrale – est quelque peu différent puisque la confrontation avec l’Empire ottoman se fait grandissante, une fois la Serbie, la Bosnie et la Valachie soumises. L’historiographie a enregistré depuis longtemps l’afflux de réfugiés vers ces territoires85. Les migrants se déplacent ainsi en remontant le Danube. Pourtant, les sources occidentales n’évoquent pas cette espace géographique. C’est à peine si nous pouvons envisager, avec les historiens Marie Vogel et Victor Gardthausen, que le copiste Démétrios Cantacuzène, actif en Angleterre en 1475 et provenant de Serbie, ait pu suivre ce type d’itinéraire. Mais là encore, il peut simplement être passé par Venise86.
Évolutions
50Nous avons évoqué les portes d’entrée possibles en Europe du Nord-Ouest. Elles sont finalement peu nombreuses mais incontournables. Cependant, une variable nous manque : ces points de passage restent-ils ouverts et accessibles durant toute la période que nous envisageons ? Les vicissitudes politiques ainsi que la présence ou non d’un relais favorable au passage des Grecs (comme l’est Francesco Filelfo) conditionnent l’accessibilité de ces centres. Venise et Milan constituent deux cas opposés, entre stabilité et inconstance, bien que les deux cités restent des points d’appui stratégiques majeurs pour qui souhaite franchir les Alpes. Toutefois, Milan occupe une place prépondérante tant que dure la puissance des ducs Visconti et surtout Sforza et tant que Francesco Filelfo réside dans cette cité et y est actif dans le rôle de passeur d’hommes, d’ouvrages et d’idées. Ainsi, l’exemple milanais met en lumière ce qui retiendra notre attention plus loin : le réseau l’emporte sur le positionnement géographique et là où se situent les relais adéquats se trouveront les Grecs candidats au départ. Venise, quant à elle, est bien plus stable dans notre corpus et des ressortissants Grecs passent par Venise tout au long de la période envisagée et même au-delà. Tel est le résultat de la combinaison d’une position géopolitique stable, de l’ancienneté des contacts avec le monde grec et de la pérennité de la présence grecque en son sein. Rome reste également stable, le pouvoir pontifical, protecteur des derniers prétendants Paléologue, suppléant opportunément la disparition des cardinaux grecs influents dans la promotion de la cause impériale – Isidore de Kiev disparaît en 1463 et Bessarion meurt en 1472. Nos sources sont certes lacunaires et partielles. Toutefois, elles laissent apparaître a minima des évolutions qui ne demandent qu’à être confirmées.
Par-delà les Alpes
51Savoir partir est une chose ; savoir arriver en est une autre. Les périples grecs vers l’Europe du Nord-Ouest représentent une nouvelle source d’interrogations et même d’incertitudes. En reconstituer la trame est un défi impossible à éluder : il faut d’abord franchir cette formidable chaîne montagneuse si propice à marquer les esprits ; ensuite, si tant est qu’on choisisse la voie terrestre pour voyager, il faut déterminer quels princes et quelles principautés sont les plus attractifs, établir quel sera ordre des visites, avec quelle fréquence et pour quels résultats.
Le franchissement des Alpes, un gouffre documentaire
52Dans une lettre envoyée à Manuel Chrysoloras à l’été 1400, l’empereur Manuel II décrit brièvement son voyage en Italie et son arrivée à Paris au printemps précédent. De façon assez laconique, il évoque un long et difficile périple qui n’a pas été pour lui une source d’inspiration littéraire. Seules les tentatives de contact essayées avec son escorte italienne et française auraient pu être dignes d’intérêt mais la barrière linguistique laissait peu d’opportunités87. Presque un siècle et demi plus tard, Nicandre de Corcyre est plus prolixe, en bon observateur des nouvelles contrées qu’il découvre. Il ne pouvait passer à côté du franchissement des Alpes qu’il accomplit en compagnie de l’ambassadeur de Charles Quint :
Après avoir été accueillis par les notables de la ville [Innsbruck] et avoir été munis de provisions pour le voyage, nous sommes partis le jour suivant. Nous avons cheminé au milieu des montagnes et traversé plusieurs villes, bourgades, châteaux et maisons de toutes sortes ; nous avons passé des marais, des forêts, des monts couverts de neige et très élevés, au point qu’il semblait que leur sommet touchait le ciel, des vallées escarpées et des ruisseaux qui avaient creusé leur lit en ravin, des sources et d’innombrables cours d’eau ; en trois jours, nous sommes arrivés sur le lieu le plus haut des Alpes, où se trouve un lac qui n’est pas grand, mais bien rempli d’eau. De là, descendant toujours, passant des villes peu importantes et après la traversée d’une vaste forêt, touffue et fort épaisse, sur la pente des montagnes, nous sommes parvenus dans une plaine : à partir de là, nous n’avons plus voyagé à travers les montagnes88.
53Hélas, le passage des Alpes n’a pas davantage inspiré les voyageurs grecs qui ont effectué la traversée. De même, les sources occidentales, lorsqu’elles s’intéressent aux Grecs, ne mentionnent pas cette étape incontournable : même le récit détaillé du périple de Nicolas Agallon n’évoque pas les Alpes. Pourtant, cette aventure est une entreprise difficile pour laquelle il faut se préparer – comme le note Nicandre – et la littérature aurait dû laisser des traces89. Toutefois, quelques sources laissent entendre que le périple est en cours de préparation : ainsi Théodore Plantidorus et Nicolas Cunctus, qui bénéficient d’une recommandation du duc de Milan auprès du duc de Bourgogne, sont sur le point de partir ; Michel Dromokatès Chrysoloras, Démétrios et Michel Asanès reviennent quant à eux de France lorsqu’ils sont recommandés au duc de Mantoue par Francesco Filelfo ; enfin nous avons vu plus haut que Jean Gavras et Georges Glykys, protégés de l’humaniste italien, étaient sur le point de partir pour le royaume de France. Les Alpes et leur franchissement forment un non-dit, une évidence qu’il n’est pas besoin de rappeler. Peu importe de mentionner une étape aussi peu pertinente tant pour les Grecs que pour les sociétés qui les accueillent.
54Pourtant, cette lacune documentaire doit susciter chez l’historien la prudence et la circonspection. Pourquoi ne note-t-on pas le passage des Grecs par les Alpes ? Les périples des Grecs se résument le plus souvent à une suite d’images instantanées au point de vue déformant. Quand cela est possible, nous les voyons apparaître en Italie, circulant parfois d’une ville à une autre ; puis, d’un coup, les voici en France, en Bourgogne ou en Angleterre. Quels itinéraires empruntent-ils ? Quelles étapes effectuent-ils ? Il semble que la route des Alpes reste rétive à l’analyse.
55Les aventures de Michel Dishypatos nous éclairent néanmoins quelque peu. Jonathan Harris a consacré un article très intéressant à son sujet90. Ce personnage sulfureux apparaît à Chambéry, à la cour du duc de Savoie au sein de laquelle il parvient à s’insérer. Michel Dishypatos élit domicile au cœur d’une principauté alpine, probablement alors qu’il était en chemin pour trouver des gens crédules en France ou au-delà. La Savoie apparaît comme une oasis documentaire : outre ce charlatan, la cour des ducs accueille toutes sortes de Grecs de passage, tels ces montreurs d’éléphants et de bêtes sauvages qui ravissent la duchesse Yolande de France et son fils Philiber Ier (14721482)91. Toutefois, hormis ces rares cas, le régime documentaire reste très restreint. De plus, il n’existe presque aucune mention de Grecs aux débouchés des Alpes, qu’il s’agisse de Lyon – à l’exception de cas très particuliers92 – ou des cantons helvétiques par exemple. Mais il s’agit probablement d’un effet de source.
Itinéraires transalpins
France, Bourgogne, Angleterre… et les autres
56Une fois les Alpes franchies, où doit-on aller ? Quels grands ensembles politiques, urbains ou économiques peut-on rallier ? Certes, le chemin pris dans les Alpes détermine théoriquement le prince que l’on visitera en premier : la France et la Bourgogne par les cols du Fréjus, du Simplon, du Gothard ou du Splügen ; le monde germanique par des cols comme ceux du Reschenpass, du Brenner ou du Tarvis93. Cependant, d’autres conditions interviennent dans ces choix d’itinéraires, comme le degré de puissance du royaume ciblé.
Tableau 3. Répartition des occurrences grecques selon les territoires traversés
Angleterre | Bourgogne | France | |
1400-1419 | 1 | 0 | 7 |
1420-1439 | 14 | 5 | 0 |
1440-1459 | 117 | 130 | 136 |
1460-1479 | 48 | 81 | 38 |
1480-1499 | 16 | 1 | 39 |
1500-1519 | 13 | 0 | 14 |
1520-1539 | 13 | 0 | 49 |
1540-1559 | 30 | 0 | 31 |
1560-1575 | 14 | 0 | 14 |
57La collecte de la documentation nécessaire a laissé apparaître un relatif équilibre entre les trois ensembles politiques majeurs étudiés. En effet, le compte des mentions de Grecs donne une proportion tripartite à peu près égale94. Chronologiquement, l’éventail le plus large concerne la France, les regroupements les plus denses impliquent plutôt la Bourgogne alors que l’Angleterre ne se distingue pas particulièrement sur ce point95. Les États bourguignons sont le centre d’attraction majeur des Grecs entre les années 1450 et 1480 ; la France, quoique présente dans les esprits des voyageurs grecs depuis le voyage de Manuel II Paléologue, est plus attractive à partir des années 1450. Ces différences s’expliquent avant tout par le contexte politique, et pas seulement celui du monde égéen. La Bourgogne est une puissance dominante au rayonnement international sous Philippe le Bon (1419-1467) et Charles le Téméraire (1467-1477). Après la mort de ce dernier, une crise apparaît et le centre de gravité politique se déplace progressivement vers la péninsule Ibérique. La France, quant à elle, sort du long conflit avec l’Angleterre dans les années 1450. De plus, l’affrontement avec la Bourgogne, couplées à la structuration de l’État monarchique, poussent les Valois a développé une politique de prestige plus conséquente. Le statut international de la France s’affirme après l’effacement bourguignon et le début des campagnes italiennes en 1494. Ces dernières expéditions sont liées à une idée de croisade sempiternellement répétées par la royauté qui suscite logiquement un intérêt certain pour des migrants grecs en quête de protection. L’Angleterre, quant à elle, reste en retrait, tant du point de vue de sa situation géographique qu’en raison du repli politique que connaît le royaume dans la seconde moitié du xve siècle.
58Si tous ces territoires ne sont pas systématiquement quadrillés, les capitales politiques ne sont toutefois pas les seules à être visées par les migrants. Bien que Paris et Londres/Westminster collectent à elles seules 205 et 200 mentions d’une présence grecque, soit respectivement 61 % et 68 % du total de chaque zone, d’autres centres apparaissent clairement : York, Cambridge ou Cantorbéry en Angleterre ; Rouen, Compiègne, Beauvais ou Tours en France. En Bourgogne, la diversité est plus grande encore : Bruxelles domine mais les villes marchandes des Flandres comme Bruges et Saint-Omer sont également représentées. Du point de vue général, la Bourgogne est mieux quadrillée que la France, mais peut-être faut-il voir ici un effet de l’itinérance constante de ses ducs96. Les rois de France étant plus sédentaires, le royaume est plutôt arpenté par des migrants grecs dans sa moitié nord – mais là encore il peut s’agir d’un nouvel effet de source. Résumons toutefois en insistant sur la grande variété des localités visitées, constituant des circuits que nous aborderons bientôt. D’autres destinations, secondaires, émergent et succèdent fréquemment à la visite d’un des trois centres majeurs évoqués. Ainsi, outre la Savoie, des territoires plus marginalisés tels que la Bretagne, l’Écosse, l’Irlande, ou bien l’Europe scandinave apparaissent dans nos registres. Certes, ces ensembles sont bien moins représentés que les autres : trois mentions pour la Bretagne ; quatorze pour l’Écosse ; deux pour l’Irlande et l’Europe scandinave97. Cette pauvreté documentaire ne doit pas inciter à négliger ces espaces : les migrants cherchent bien partout un pouvoir perçu comme suffisamment fort et riche pour les protéger ou, à défaut, être sensibilisé et incité à ouvrir leur bourse. Ces zones sont cependant éphémères, l’instabilité politique, associée à la marginalité géographique caractérisant ces pouvoirs somme toute fragiles. L’étendue de la présence grecque en Europe du Nord se complexifie donc encore.
Des circuits hiérarchisés
59Ces mobilités impliquent ensuite l’existence de circuits, plus ou moins hiérarchisés et organisés. Tout d’abord, il faut insister sur la hiérarchie des destinations et des itinéraires. Démétrios Koumousès et Douchan Cantacuzène, venant de France où ils ont obtenu de l’aide du roi de France, fin 1467, obtiennent du duc de Bourgogne des fonds à Bruges en juin 1468. Constantin Scholarios arrive à la cour de Bourgogne pour solliciter du duc une aide. Le 12 octobre, la commune d’Abbeville leur alloue un ducat « en obtempérant aux lettres de recommandation à eulx octroiés par monseigneur le duc de Bourgogne98 ». C’est bien la visite au duc de Bourgogne qui permet de rendre visite aux localités secondaires de ses domaines. Ce cas n’est pas fréquent dans nos sources mais il s’agit peut-être d’un effet de sources : dix-huit personnes invoquent l’autorisation d’une autorité suzeraine à collecter des fonds ou obtenir des avantages divers et variés99.
Tableau 4. Les Grecs détenteurs de lettres d’indulgences et de recommandation
Nom | Date | Lieu | Autorité émettrice |
Alexis Klaudiôtès | 1408 | La Charité-sur-Loire | Roi de France |
Paul de Vlachia | 1426 | Amiens | Duc de Bourgogne |
Manuel de Constantinople | 1454 | Abbeville | Duc de Bourgogne |
« Eene rudere » | 1454 | Bruges | Duc de Bourgogne |
« Twee personen » | 1455 | Bruges | Duc de Bourgogne |
Manuel Penelopes (Paléologue) | 1456 | Amiens | Roi de France |
« Ancien chambellan de l’empereur » | 1457 | Bruxelles | Duc de Bourgogne |
Nicolas Cunctus | 1459 | Milan/Bruxelles | Duc de Milan |
Théodore Plantidorus | 1459 | Milan/Bruxelles | Duc de Milan |
Jean Staurakios | 1459 | Londres | Évêque de Bath |
Nicolas Georgiadès | 1459 | Édimbourg | Patriarche de Jérusalem |
Isaac et Alexis Paléologue | 1461 | Compiègne | Duc de Bourgogne, roi de France et pape |
Georges Théophile | 1461 | Compiègne | Roi de France |
Michel Laskaris | 1468 | Stafford | Pape |
Deux réfugiés | 1475 | York | Archevêque d’York |
Nom | Date | Lieu | Autorité émettrice |
De pauvres chevaliers | 5 avril et 29 mai 1476 | Poitiers | Pape |
Démétrios Koumousès |
1487 | Ely | Évêque d’Ely |
60Dès 1406-1409, un imbroglio judiciaire met en scène plusieurs Byzantins, sous l’autorité de Constantin Paléologue Rhallès. Celui-ci est en effet chargé de collecter les dons que souhaiteraient effectuer les sujets du roi de France. Ce dernier est bien entendu consulté au préalable mais l’autorisation est plusieurs fois retirée puis confiée de nouveau à Constantin en raison de possibles fraudes. L’essentiel tient ici dans ce que le parcours des Grecs chargés de sillonner le royaume100 est conditionné par l’aval royal ou princier. Les communautés sujettes obéissent à un ordre de leur suzerain plutôt qu’elles n’agissent de leur plein gré. L’argent que reçoit Paul de Vlachia de la commune d’Amiens en 1426 obéit à la même logique :
En obtempérant aux lettres de très hault, très puissant prince et nostre très redoubté seigneur Mons le duc de Bourgongne, par lesquelles ledit Mons. De Bourgongne, considérans l’exil et misère dudit conte de Valachie, qu’il certiffie estre sen cousin et extrait de noble lignie des roys de France, de Cécille et d’Arragon, et nagaires par cas de fortune, et par les Turcs et Sarrazins, ennemis de nostre foy, avoir esté exillié et chassié hors de son païs, et sa femme, sereur et enffans prins et destruis, prie et requiert à tous princes et seigneurs chrestiens, que par charité il meur plaise ledit conte de Valachie benignement recevoir en leurs terres et pays et lui aidier de leurs biens, pour avoir et soustenir son estat honnestements, sans mendier101.
61Trente ans plus tard, la même commune obéit de nouveau à un ordre du duc de Bourgogne et octroie 23 sous à Manuel Penelopes (Paléologue) « en obtempérant aux lettres de Mons. le duc de Bourgongne102 ». À la même époque, les registres de Bruges évoquent un chevalier puis deux personnes de Constantinople, tous porteurs de lettres de recommandation donnant accès à des fonds, tandis qu’en 1460 un autre chevalier reçoit 20 sous sur ordre ducal103. Toujours dans les années 1460, la commune de Compiègne se trouve également confrontée à des situations identiques : Georges Théophile est porteur d’une « supplication par lui baillée aux dits gouverneurs104 » ; Isaac et son fils Alexis Paléologue, connus et protégés du duc de Bourgogne, disposent néanmoins d’une bulle pontificale et d’un mandement du roi de France ordonnant à la commune de leur délivrer 22 sous parisis105.
62Un modèle se dessine donc. Tout d’abord un passage obligé par le centre principal du pouvoir princier : Paris, Londres ou Bruxelles. Ensuite, à partir de ces bases, des visites plus locales quadrillent l’espace. Ainsi, Nicolas Tarchaniotès, Démétrios Paléologue (2) et Alexandre Cananus, après un passage par Paris en 1455/1456, sont à Bruxelles en août 1459 avant de revenir à Paris un mois plus tard et de les apercevoir deux ans plus tard à Compiègne106. Il est assez logique de penser que les chevaliers grecs pentionnés à Poitiers en avril-mai 1476, munis de lettres de recommandation délivrées par la chancellerie pontificale, ne se soient pas présentés auparavant à la cour du roi de France où ils auront sûrement reçu quelques fonds107. Également, Constantin Scholarios passe tout d’abord par Bruxelles en 1467 avant de rejoindre Paris en 1472 et de revenir auprès le duc de Bourgogne l’année suivante et être présent à Maastricht en 1473108. Ensuite vient le passage vers les autres espaces politiques secondaires que nous avons évoqués. Il est en effet difficile de croire que Nicolas Georgiadès soit parvenu en Écosse sans être au moins passé par l’Angleterre109. De même, Georges Branas, évêque nommé à Dromore en Irlande en 1483, quoique ne résidant pas sur l’île, vit pendant un temps en Angleterre avant de partir pour l’Écosse et pour son nouvel évêché d’Elphin en 1499110. Par ailleurs, la visite de la Bretagne semble intervenir après un passage par Paris. La logique semble respectée puisque, quoique très autonome, le duché de Bretagne n’en est pas moins vassal du roi de France. Cette hiérarchie des itinéraires s’insère également à plus grande échelle : Nicolas Agallon part de Venise en mission diplomatique auprès de l’empereur en 1454 qu’il rejoint semble-t-il à Nuremberg ; par la suite, Nicolas parvient en France, peut-être en passant par la Bourgogne, avant de rejoindre l’Angleterre et de revenir111.
63Il est un dernier cas intéressant. Manuel Paléologue est un patronyme très fréquent dans les sources occidentales évoquant des migrants grecs112. Cette fréquence est liée d’une part à la régularité avec laquelle les Grecs portaient le prénom Manuel et l’attachement fort à la dynastie impériale, qui poussait parfois un individu à inclure ce nom au sien propre. Ensuite, nous avons vu au chapitre précédent quelles difficultés les scribes occidentaux ont pu rencontrer pour retranscrire ces patronymes. S’il est risqué de vouloir associer plusieurs Manuel Paléologue entre eux, notons toutefois une certaine récurrence d’un tel Manuel dans les années 1455-1459 : en 1455, un Manuel est présent dans les États du duc de Bourgogne ; 1456 un autre visite Amiens, ville appartenant audit duc ; après un probable passage par Paris, un troisième Manuel est présent à Rennes en décembre 1458 ; enfin un dernier est mentionné à Paris en septembre 1459113. Si notre hypothèse se confirme, un même Manuel pourrait avoir effectué un tel périple avant, peut-être, de s’en retourner en Italie. En tout cas, nous avons vu qu’un tel circuit est compatible avec les schémas déjà observés. La mobilité grecque est donc réelle en Europe du Nord-ouest et obéit à davantage de logiques et de hiérarchies que prévu.
Fixations et retours
64Les régions visitées deviennent-elles de nouveaux refuges pour les Grecs ou bien ne constituent-elles que les étapes d’une tournée temporaire dont la finalité est le retour au pays ? Entre ces deux situations que nous rencontrons, il existe une multitude de trajectoires trop souvent limitées par l’historiographie à ces deux cas initiaux. Nous devons faire preuve de circonspection et de discernement car à cela s’ajoute également l’instabilité chronologique qui fait évoluer les parcours grecs, les installant dans un lieu de façon pérenne avant de les renvoyer sur les routes.
Idées reçues sur la notion de « gens de passage »
65Au début de notre enquête, une dichotomie est rapidement apparue dans les écrits de l’historiographie, souvent spécialisée sur la question. En effet, selon ces écrits, les migrants grecs se séparent en deux catégories : ceux qui viennent en Occident pour s’y installer et ceux qui ne font que passer114. Une barrière presque infranchissable semble s’ériger entre ces deux options, forcément inconciliables. C’est pourtant une réelle construction intellectuelle contemporaine qui, à la lecture des sources, ne résiste pas à l’analyse.
66En effet, l’étude des motivations des Grecs retranscrites dans les registres de comptes montre que le caractère éphémère des visites grecques est bien moins prononcé que ce que l’historiographie a pu laisser entendre. Sur 308 cas de Grecs bénéficiant d’un don d’une administration, qu’elle soit anglaise, bourguignonne ou française, seuls 51 présentent des motivations expliquant que l’impétrant est de passage115. D’autres raisons avancées sont intéressantes : 60 dons accordés aux Grecs le sont afin de permettre leur entretien quotidien ; dans le même registre, 43 Grecs sont récompensés pour un service rendu, que ce soit auprès du prince concerné ou d’un autre ; 28 Grecs se plaignent d’avoir tout perdu lors des conquêtes ottomanes ; 23 autres demandent explicitement une aumône. Au total, s’ils indiquent une grande précarité de l’ensemble des Grecs et de la récente venue de ceux-ci, ces chiffres ne permettent pas d’établir définitivement quels sont les motifs de chacun qui peuvent varier d’un lieu à un autre, voire se combiner. Notons cependant que pour plus d’une centaine d’entre eux, l’enjeu est bien plus de trouver des ressources pour subsister en Europe plutôt que de collecter des fonds dans l’optique de repartir plus ou moins rapidement. Une forte proportion des dons consentis – 78 cas sur 308, soit le quart du total – n’invoque aucune justification particulière, ce qui contribue à brouiller les pistes et rendre encore plus incertain la pérennité de ces migrations. Par ailleurs, les sommes concernées sont souvent trop faibles pour permettre aux Grecs d’assurer les frais quotidiens de subsistance tout en permettant d’économiser : le plus souvent, les dons se limitent à quelques sous, au mieux quelques livres116.
67Les sources à notre disposition restent très elliptiques. Il est difficile de reconstituer certains itinéraires et, trop souvent, les documents ont disparu ou restent encore à découvrir. Dès lors, l’argument selon lequel ces Grecs ne seraient que de passage parce qu’on ne les observerait qu’à une ou deux reprises est très partial. Comment affirmer que tel ou tel Grec n’est présent que pour peu de temps alors qu’on ignore la durée et l’espace concerné par son séjour ? L’essentiel du problème tient en ce qu’il faudrait dissocier les Grecs susceptibles d’être réellement de passage de ceux qui choisissent de s’installer. Le choix est bien téléologique puisque l’essentiel des sources ne mentionne pas le passif de l’impétrant ou bien, au mieux, seulement l’étape qui précède cette arrivée117. Chaque document, pris isolément, ne dit rien ni du passé ni du futur du Grec concerné. Plusieurs migrants, que l’historiographie ne classe pas parmi les gens de passage puisqu’ils ont pu faire souche durant une période plus ou moins longue, devraient pourtant paraître comme tels. Georges Bissipat, d’après les travaux de l’abbé Renet, apparaît dans les sources françaises en 1456 : sous le patronyme Paléologue, le manuscrit BnF ms. fr. 32511 le qualifie d’écuyer accompagné d’un Georgius Gazy, rien de plus. Georges est donc, selon ces critères, un Grec de passage118. Pourtant, la longue carrière de Georges Bissipat prouve bien sûr le contraire.
68Le problème rebondit encore si l’on considère que les documents ne donnent accès qu’à des situations encore en devenir dont les conséquences sont loin d’être finalisées au moment où la source est produite. Reprenons le cas de Constantin Scholarios. L’itinéraire que nous avons pu établir par l’association de sources déjà éditées, mais isolées les unes des autres119, montre sa présence sur une période de six années minimum, de 1467 à 1473. Cependant, il est impossible d’affirmer que son séjour ne s’est pas prolongé après cette date ou bien qu’il n’a pas débuté avant. Pourtant, une fois encore, la lecture stricte des sources devrait classer Constantin comme un migrant de passage ; or rien n’est joué à ce moment. C’est un point fondamental. Le regard de l’historien ne peut pas se faire téléologique, il ne doit pas analyser a posteriori les faits. Que dire sinon du cas de Manuel Paléologue (5), second fils du despote Thomas ? Né après la chute de Constantinople, il se retrouve à Rome avec sa famille. Orphelin dès 1465, il est élevé avec son frère aîné André, notamment sous la protection de Bessarion120. Pourtant, peut-être lassé par une vie précaire sans espoir de reconquête des terres perdues, Manuel décide en 1475 de quitter Rome en vue de se voir offrir une meilleure condition ailleurs. Remontant vers le nord, il est mentionné à Dijon et reçoit de la chancellerie ducale 16 sous121. Pourtant, cette somme ne semble pas suffire à ce prince impérial qui décide de repartir pour Constantinople où le sultan lui accorde une confortable pension122. Or, une fois auprès du duc de Bourgogne ou d’un autre prince occidental, rien n’indique que Manuel ne soit pas resté quelque temps au nord des Alpes. Comment déterminer avec assurance qu’il s’agit ou non d’un migrant de passage comme les autres ?
69Dès lors, il ne peut exister pour nous de gens de passage en tant que catégorie d’identification pertinente. Cependant, il est possible de déterminer, parmi ces personnes dont on sait si peu, quelques étapes de fixations et quelques installations pérennes.
Fixations et installations
70Il est difficile de connaître les intentions des migrants. Souhaitent-ils simplement collecter des fonds et repartir ? Les circonstances et les réalités politiques et économiques que connaissent alors les Grecs ne gouvernent-elles pas leurs mobilités, induisant non plus seulement l’idée de voyage limité dans le temps mais plutôt celle d’un départ de plus en plus définitif ? En effet, des Grecs choisissent de rester dans certaines localités, attachés pour certains à des princes disposés à favoriser leur installation. Il s’agit d’un phénomène commun à toutes les régions occidentales concernées par la présence grecque.
71Une distinction préalable s’impose entre les Grecs qui se fixent en Europe outralpine pendant une période plus ou moins longue, plus ou moins interrompue et ceux qui entérinent définitivement leur présence dans un lieu et, quand cela est possible, y font souche. Il ne s’agit pas de créer une catégorie intermédiaire tout aussi téléologique que celle des gens de passage. Au contraire, nous défendons l’idée de l’absence de prédétermination des voyages entrepris par les migrants, grecs ou non d’ailleurs. Cependant, nos instantanés documentaires reflètent une multitude de situations et certains Grecs apparaissent bien comme des habitués d’un lieu pendant une période donnée sans que l’on puisse déterminer une installation stable. Ces situations concernent avant tout les marchands que nous rencontrons. Si certains ont pu être amenés à s’établir définitivement comme les frères Effomatos de Londres, bien d’autres donnent plutôt l’impression de ne se fixer que temporairement. Jeronimus Grace est présent à Londres entre 1456 et 1469. Pourtant, nous avons montré qu’il semble entretenir des liens avec Venise, Gênes et Lucques, suggérant de fréquents allers-retours avec le royaume anglais. De plus, les taxes que Jeronimus paye en tant qu’étranger le présentent constamment comme locataire du logement qu’il occupe : ses assises ne semblent pas le situer dans l’île et aucune volonté d’investissement ne semble émerger. Ce marchand n’est bien sûr pas le seul cas observable à Londres123. Ailleurs, d’autres collègues semblent s’organiser de la même manière : Dymutre de Rondes est un marchand de Rouen mais trafiquant du vin doux d’Espagne, du safran et de l’alun, suggérant un approvisionnement lointain124. Il n’y a pas que les marchands grecs pour se fixer un temps avant de repartir. Les mercenaires grecs, archers ou stradiotes, acquièrent une telle réputation qu’ils servent le plus offrant. L’archer George le Grec (1), que nous avons déjà rencontré, est soldé après trois ans au service du duc de Bourgogne125. Une soixante d’années plus tard, les armées du roi de France s’emploient à conserver ses soldats grecs et à se les attacher plus durablement : les lettres de naturalité accordées aux soldats ou archers Dimitre Daugreca, Thomas de Thoe ou Jean de Corregon durant les années 1530 ont pour but de conserver la fidélité d’éléments précieux, employés depuis plus de vingt ans126. Ainsi, l’installation est consécutive d’un temps de fixation pérenne et d’une volonté des Grecs de s’ancrer dans le tissu social local.
72Passons aux installations proprement dites. Celles-ci n’apparaissent jamais, pour autant que nous puissions le savoir, comme la conséquence d’un objectif précis. Le plus souvent, nous observons des Grecs qui progressent d’étape en étape, de prince en prince, puis, grâce à des conditions favorables, qui choisissent de se fixer à un endroit précis. Paul de Vlachia, premier cas observable, effectue clairement sa tournée en passant d’abord par la Bourgogne avant de se fixer en Angleterre127. Les pérégrinations d’un Georges Bissipat ou Thomas Francos, entre France et Angleterre, obéissent aux mêmes logiques. Lire ces installations avec notre regard contemporain serait dangereux et modifierait cette réalité qu’est la condition d’incertitude liée à ces Grecs étrangers aux royaumes qu’ils visitent128. Du fait de sa condition initialement précaire et incertaine, tout Grec qui tenterait de s’implanter dans une région prendrait des risques dont il est impossible de connaître les conséquences a priori. Ces Grecs peuvent bénéficier de connexions et de réseaux sociaux protecteurs, question que nous aborderons plus loin. Il n’empêche que les fixations et installations grecques doivent s’accommoder d’aléas – comme le rejet de la part de la société d’accueil ou la faillite d’une entreprise marchande – et adapter leurs mobilités en fonction.
73Ces installations grecques ne mettent pas systématiquement un terme aux mobilités. Bien évidemment, les marchands restent par essence des hommes liés à la mobilité. Toutefois, les soldats sont encore plus mobiles. En effet, quoiqu’au service d’un prince, ils suivent souvent ce dernier dans ses campagnes. Nicandre de Corcyre ne décrit pas autrement son service auprès d’Henry VIII d’Angleterre dans la compagnie de stradiotes menés par Thomas Bua d’Argos : cette compagnie est d’abord envoyée en garnison à la frontière écossaise avant de participer à la guerre contre la France et la prise de Thérouane en 1546129. Si Nicandre décide par la suite de poursuivre ses pérégrinations, le capitaine grec et ses hommes restent au service de l’Angleterre. Mais ici ces mobilités semblent bien normales pour l’époque de sociétés en mutation et en pleine effervescence.
La tentation constante de la mobilité
74Si l’installation et l’insertion dans un tissu social donné constituent une conséquence possible aux migrations grecques, elles ne sont pas non plus définitives. Consécutivement aux aléas que nous avons détaillés et qui président souvent au sort de chacun, il n’est pas rare que ces installations s’interrompent brutalement, entrainant un nouveau cycle de mobilités, en quête de nouveaux points d’ancrage, permettant si possible une nouvelle insertion. La tentation de la mobilité reste attachée à la nature des migrants qui, selon des stratégies intégratives mises en place, n’hésitent pas non plus à remettre en cause une situation favorable mais dont on espère mieux ailleurs.
75Thomas Francos constitue le parfait spécimen de ce type de mobilités, souvent interrompues, souvent réactivées. Depuis ses études probables à Constantinople – et peut-être sa rencontre avec Francesco Filelfo, Thomas apparaît une première fois dans une correspondance avec Rolando de Talentis. Ces échanges indiqueraient un patronage épiscopal, tout d’abord en Normandie, puis, en 1436, en Angleterre130. Sous la protection du duc de Gloucester, puis du cardinal Beaufort Thomas s’insère dans le tissu social de Londres et Salisbury pendant presque vingt ans, jusqu’à ce qu’en 1451 il choisisse de franchir la Manche et de passer au service de Charles VII : promotion sociale et risques nouveaux liés au manque d’appuis à la cour d’Henry VI devenu fou ont motivé un tel retournement de situation. Or ce retour à la mobilité n’est pas une exception : Georges Bissipat expérimente également, selon nous, la suzeraineté anglaise durant la décennie 1460 avant de devoir changer de bord et passer au service du roi de France131. À la même époque, un personnage comme Constantin Scholarios, reconnu comme de haut rang, capte l’intérêt de la chancellerie bourguignonne : les dons effectués en sa faveur le sont pour son entretien, afin qu’ils puissent vivre à la cour ducale. Cela n’empêche pas le Grec de reprendre la route après trois années, et de tenter sa chance à Paris avant de revenir dans les domaines du duc.
76Dans un monde en mouvement, durant une période en constante évolution, on ne pouvait attendre d’un tel groupe migratoire, en butte à tant d’aléas politiques, sociaux et économiques, moins de mobilités. Ce phénomène a même constitué l’essence même – ce qui est exagéré par ailleurs – du concept de diaspora, trop souvent appliqué à toute migration. Or, il est indéniable que pour entrer en contact avec l’Occident latin, un groupe, perçu par lui comme cohérent car partageant des valeurs culturelles similaires, dut bouger, aller à la rencontre de l’autre. C’est ce premier aspect qui a été perçu et noté par les sources : ces gens viennent de loin et se déplacent. L’entreprise d’identification des chancelleries occidentales passe par ce stade préliminaire. Il permet de poser la question induite par ces mobilités : ces gens sont des inconnus, ne viennent pas d’espaces reconnus comme un horizon mental personnalisé, possèdent des éléments distinctifs, avant tout culturels. En termes brefs, ce sont des étrangers.
Notes de bas de page
1Nous entendons par « mobilité » l’ensemble des formes de mouvements volontaires ou contraints que subissent un individu ou bien une population au cours d’un laps de temps défini. Bien entendu, ces mobilités peuvent être liées aux activités économiques, aux nécessités sociales – comme lors d’un mariage qui implique des déplacements géographiques d’un village à un autre – ou encore aux contraintes imposées par un événement, comme la prise de Constantinople. Au départ, nous avions été enclin à restreindre l’acception du terme aux seules migrations longues liées à un exil qui sont les principales mobilités concernant les Grecs. Toutefois, nous aurions été obligé d’exclure du champ d’analyse les marchands grecs ainsi que leurs mouvements postérieurs aux migrations initiales. Voir en particulier Des sociétés en mouvement. Migrations et mobilité au Moyen Âge. XLe congrès de la SHMESP (Nice, 1-6 juin 2009), Paris, Publications de la Sorbonne, 2010.
2Voir notamment Patrick Boucheron (dir.), Histoire du monde au xve siècle, Paris, Fayard, 2009.
3Voir notamment Suraiya Faroqhi, The Ottoman Empire and the World Around It, Londres/New York, I. B. Tauris, 2010.
4Par exemple, Démétrios Koumousès est présent en Occident au moins à deux reprises en 1467/1468, puis de nouveau en 1488. Or, Thierry Ganchou a montré ses activités d’homme d’affaires, dans le monde égéen, entre Nègrepont et la Crète particulièrement. Lorsqu’il doit fuir l’avancée ottomane, Démétrios est-il toujours un marchand mobile ou bien un migrant ? Voir Thierry Ganchou, « La famille Koumousès à Constantinople et Négrepont, avant et après 1453 », dans C. A. Maltezou, C. E. Papakosta (dir.), Venezia-Eubea, da Egripos a Negroponte, Venise/ Athènes (Istituto Ellenico di Studi Bizantini, 10), 2006.
5AMA CC 20, fol. 70r.
6Ibid.
7Il est difficile de déterminer avec précision l’origine de Paul de Vlachia. Il est admis par l’historiographie que le vocable « Valachie » renvoie aux deux entités géographiques évoquées. La localisation thessalienne semble être compatible avec le cas de Paul. Le problème tient cependant en ce que toute la Thessalie est devenue ottomane dans les années qui ont suivi la victoire turque sur les Bulgares à Maritza en 1371. Il est difficile de faire coïncider le périple de Paul avec une éventuelle expulsion de Thessalie. Néanmoins, Raul Estangüi Gómez a évoqué la possibilité que la ville de Zetoun, à proximité de la Thessalie, ait pu être reprise temporairement par les Byzantins au tout début du xve siècle et perdue vingt ans plus tard. L’idée d’une association entre Paul et ce point d’appui est tentante mais reste une hypothèse hélas non étayée par des faits probants. Voir Raul Estangüi Gómez, Byzance face aux Ottomans. Exercice du pouvoir et contrôle du territoire sous les derniers Paléologue (milieu xive-milieu xve siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, carte p. 574.
8PRO E 122/203/3, fol. 19r.
9ADN B 2020, fol. 346r.
10Registrum Magni Sigilli Regum Scotorum lib. V, no 117.
11ADN B 855, no 27 231.
12Il n’est pas rare de trouver les formes Constantinoble, Constantynopoly, voire Constantinius civitate. Archives municipales de Compiègne (AMC), CC 22 ; PRO E 122/73/23, fol. 5v ; PRO C54/323, membrane 18d. Trébizonde apparaît fréquemment sous des formes comme « Trapesonde » ou bien « Trappissonde ». ADN B 2068, fol. 224r-v ; ADN B 2064, fol. 209v.
13ADN B 2064, fol. 336r.
14ADN B 2020, fol. 355r.
15Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai, op. cit., 1431-1476, 246.
16Les galères du duc de Bourgogne Philippe le Bon en comptent quelques-uns, notamment un Georges et un Antoine de Rhodes, associés avec deux Crétois, deux Chiotes et un Constantinopolitain sur une galère entre 1441 et 1443. ADN B 1979, nos 58707, 58711, 58713, 58719, 58720 et 58723.
17Archives départementales de Loire Atlantique (ADLA.) E 164, no 2. Sur l’itinéraire de Martel Martellis, voir Laurence Moal, L’étranger en Bretagne à la fin du Moyen Âge. Présence, attitudes, perceptions, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
18Le 23 février 1455, Tifernas bénéficie très probablement à Paris d’un don de l’université et apparaît avec d’autres comme un des pauperibus grecis. En novembre 1458, Grégoire doit faire face à un procès intenté au Châtelet et est nommé « maistre Gregoire Tiffern du païs de Grece ». Auctarium chartularii universitatis parisiensis, V, Liber procuratorum nationis gallicanae, 1443-1456, éd. par Charles Samaran, Émile Van Moé, Paris, 1942, p. 657, fol. 202r-v ; AN X A 1484, fol. 27v. Sur Grégoire Tifernas, voir notamment le point de vue de Pascal Boulhol, « Grec langaige n’est pas doulz au françois », op. cit., p. 153-155. Répertoire prosopographique, no 305.
19ADN B 2020, fol. 46r ; BnF ms. fr. 32511, fol. 208v ; ADN B 2040, fol. 231v ; ADN B 2040, fol. 244 v-245r.
20Voir tableau 2.
21Outre Mauphey Arcoclescos et ses compagnons, notons la présence d’un Gregary de Moree en Bourgogne en 1467, et du copiste Georges Hermonymos de Sparte à Paris en 1476. ADN B 2064, fol. 141v-142r.
22Thomas reçoit des lettres de naturalité en Angleterre en 1436. Calendar of the Patent Rolls, Henry VI, vol. 2, 1429-1436 (HMSO, 1907).
23Registrum Magni Sigilli Regum Scotorum lib. V, no 117.
24BnF ms. fr. 5127, fol. 25.
25PRO E 122/203/3, fol. 19r.
26Nicholas Harris Nicolas, Proceedings and Ordinances of the Privy Council, op. cit., t. 4, p. 216 ; Minutes of the Council, fol. 71r.
27PRO E 122/203/3, fol. 16r.
28Jonathan Harris, « Greeks and the Papal Curia in the Fifteenth Century : The Case of George Vranas, Bishop of Dromore and Elphin », dans Martin Hinterberger, Chris Schabel (dir.), Greeks, Latins, and Intellectual History, 1204-1500, Louvain/Paris, 2011, p. 423-439.
29Thierry Ganchou, « La famille Koumousès à Constantinople et Négrepont, avant et après 1453 », art. cité.
30John Monfasani, « George Gemistus Pletho and the West : Greek Emigres, Latin Scholasticism and Renaissance Humanism », dans Marina Scordilis Brownlee, Dimitri Gondicas (dir.), Renaissance Encounters : Greek East and Latin West. Actes du colloque tenu à Princeton les 12-14 novembre 2009, Leide, Brill, 2013, p. 19-34.
31Répertoire prosopographique, no 317. Sur l’influence des Grecs dans le milieu des typographes vénitiens, voir Catherine Kikuchi, La Venise des livres, 1469-1530, Seyssel, Champ Vallon, 2018, et en particulier p. 122-127.
32Répertoire prosopographique, no 239.
33PRO E 122/203/3, fol. 12v et fol. 16r.
34Michel Balard, Laura Balletto, Catherine Otten-Froux, Gênes et l’outre-mer. Actes notariés rédigés à Chypre par le notaire Antonius Folleta (1445-1458), Nicosie, Centre de recherche scientifique, 2016.
35Deux réfugiés de Corinthe et Nègrepont sont présents à York ; Démétrios Koumousès semble être attaché à cette île. Borthwick Institute of Historical, York, Reg. 21, fol. 7A-7Av. Thierry Ganchou, « La famille Koumousès à Constantinople et Négrepont, avant et après 1453 », art. cité. Concernant Cythère, un Jean de Corregon (Cythère) est soldat en France entre 1508 et 1528. AN JJ 243 no 441, fol. 132v.
36AND. B 1979, no 58707, no 58711, 58713, 58719, 58720 et 58723 ; William Page (éd.), Letters of Denization and Acts of Naturalization for Aliens in England, 1509-1603, Lymington, 1893, p. 43 ; AN MC/ET/LXVI/46 ; AN MC/ET/LXXIII/61.
37Les Archives nationales de Paris évoquent un Jehan de Lastic, venu du « païs de Turquie » qui reçoit plusieurs gratifications de la chancellerie, la dernière devant lui permettre de rentrer chez lui à Rhodes. Or il s’agit du grand maître de l’Ordre, alors en campagne de quête en Occident ; BnF ms. fr. 32511, fol. 190v et 208r.
38ADSM B VIC Eau 1477-1478 ; Michel Mollat, Histoire maritime de Normandie, op. cit., p. 509 ; ADN B 1979, no 58707, no 58711, 58713, 58719, 58720 et 58723.
39Denis Chevrier, en juin 1533, est un étudiant de Bourges, né à Rhodes, fils de Désiré Chevrier, chevalier de Saint-Jean et de Catherine, grecque. De même, Louis de Gabriac, bien que né à Cythère, est également fils d’un chevalier de Sain-Jean de Rhodes et d’une Grecque ; BnF ms. fr. 22237, fol. 3v ; AN JJ 256 no 200, fol. 75v.
40Un certain « Nycolle Menart du pays de Ermenye de Capha », fauconnier, est présent à la cour de Bourgogne en 1467 et 1469. ADN B 2064, fol. 212 ; AGR CC1924, fol. 212v.
41Concernant Constantin Scholarios, une relecture attentive des sources nous permet d’émettre comme hypothèse que ce personnage est présent sur une plus grande période. En effet, le « Constantin chevalier fils du grand-duc de Trapezonde » présent à Paris en 1470 est identique au « Constantin de Trappissonde » ainsi qu’au « Constantin de Scolarios filz du duc de Trappesonde » de Bourgogne en 1467 et 1469. Le rapprochement avec le titre aulique de Megas doux est déterminant selon nous ; BnF ms. fr. 32511, fol. 313r ; ADN B 2064, fol. 209v ; AGR CC 1925, fol. 395v.
42Le Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit établit selon lui une origine trébizontine à la famille des Scholarioi. Le lexique propose ainsi une liste de cinq Scholarios et de quatre Scholaris. Parmi les Scholarios, nous trouvons bien sûr le patriarche Georges/Gennadios II, mais également trois Trébizontins dont Niketas Megas Doux en 1344-1345 puis en 1349-1361 et Georges Megas Logothetès en 1363. Parmi les Scholarios, un Trébizontin anonyme est Megas Doux en 1395. Il est fort probable que Constantin, qui n’apparaît pas dans le lexique appartienne à cette famille. PLP, no 27301 à 27309.
43AGR CC 1924, fol. 188r-v. Il est possible qu’il s’agisse de Georges Bissipat. Voir Dossier documentaire, no 1.
44AN J 960, no 39.
45Ses compagnons se nomment Jean Nadal, Démétrios et Jean.
46Jeronimus est « génois » en 1456, 1464 et 1468, « vénitien » en 1457, « lucquois » en 1465 et 1469 ; PRO E 179/235/58, fol. 1 ; E 179/144/69 ; E 179/236/111 ; E 179/144/72 ; E 179/236/96, fol. 2 ; E 179/144/67.
47AN, Acquits sur l’épargne, J 960, fol. 39v.
48AGR CC 1924, fol. 188r-v. Il est à noter qu’un James de Greke, présenté comme hollandais constitue un pendant intéressant au cas de George dans les sources anglaises. En effet, le 18 février 1436, celui-ci prête serment de fidélité au roi et déclare résider dans l’East Grinstead, Sussex, et venir de Hukelum (Huclone) en Hollande. Calendar of the Patent Rolls preserved in the Public Record Office, Londres, HMSO, 1907, Henry VI, vol. 2, 1429-1436 (HMSO, 1907). Ce personnage reste présent dans le royaume au moins jusqu’en mars 1448, date à laquelle il perd tous ses biens pour cause de dettes.
49ADSM B VIC Eau 1477-1478.
50BnF ms. fr. 32511, fol. 191r.
51ADN B 2030, fol. 333v.
52Ainsi, en août 1455, le groupe mené par Alexis de Salubria et dont font partie George d’Armegne et l’abbé Antoine semble avoir eu davantage d’impact sur la chancellerie bourguignonne et permet des dons respectifs de 120, 36 et 23 livres. ADN B 2020, fol. 346r. La facilité pour ces mêmes chancelleries est de considérer collectivement un groupe, sans se soucier des individualités, et de verser une somme forfaitaire : en 1454, ce sont 11 livres 5 sous pour « quatre hommes du pays de Grece », 30 francs pour « cinq gentilshommes de la cité de Constantinople » ou 27 livres 10 sous pour « huit gentilshommes du pays de Grece » que délivrent les agents du duc de Bourgogne. ADN B 2017, fol. 238v ; ADN B 2017, fol. 287v ; ADN B 2017, fol. 267r.
53Bnf ms. fr. 32511, fol. 313r.
54Notamment pour Nicolas Georgei d’Arcosson, évoqué plus haut, dont la suite est mentionnée dans la lettre d’indulgence délivrée par le roi d’Ecosse. En effet, le roi d’Écosse recommande que ledit Nicolas et sa suite ne subissent aucune atteinte ni aucune injure. Suscipimus per presentes strictius inhibentes ne quis sibi malum molestiam iniuriam (se)u grauamen in suis rebus et suitoribus. Registrum Magni Sigilli Regum Scotorum, V, no 117.
55Vincent Déroche, Nicolas Vatin (dir.), Constantinople 1453, op. cit., p. 761-771.
56Francesca Tiepolo, Eurigio Tonetti (dir.), I greci a Venezia, op. cit.
57Sur les liens entre Venise et l’Empire byzantin, voir Angéliki Laiou, « Exchange and Trade, Seventh-Twelfth Centuries », dans Angéliki Laiou (dir.), The Economic History of Byzantium, op. cit., p. 681-753. Sur les capacités économiques de Venise, voir Élisabeth Crouzet-Pavan, Venise triomphante. Les horizons d’un mythe, Paris, Albin Michel, 2004 [éd. orig. 1999].
58Sur le chrysobulle de 1092, voir Peter Frankopan, « Byzantine Trade Privileges to Venice in the Eleventh Century : the Chrysobull of 1092 », Journal of Medieval History, 30, 2004, p. 135-160.
59Le 12 mars, 1172, Manuel Ier Comnène décide la confiscation des biens de 10 000 Vénitiens de Constantinople. Par la suite, en avril 1182, le futur empereur Andronic Comnène, chef de la faction opposé aux Latins et à l’impératrice-mère Marie d’Antioche, organise le massacre des Latins (dont beaucoup de Vénitiens).
60Thierry Ganchou, « Iôannès Argyropoulos, Géôrgios Trapézountios et le patron crétois Géôrgios Maurikas », art. cité.
61Ibid.
62Sur la famille Spandounès, voir Donald M. Nicol, Theodore Spandounes : On the Origins of the Ottoman Empereors, Cambridge, Cambridge University Press, 1997. Pour une mise au point récente de la question, voir Thierry Ganchou, « Eudokia Kantanouzènè, mère de Théodôros Spantounès, et Yamirissa Mara Brankovic, marâtre de Mehmed II », dans Gogo K. Barzeliote, Kostas G. Tsinakes (dir.), Galenotate : time ste Chrysa Maltesu, Athènes, 2013, p. 257-284. Nicandre de Corcyre est moins bien connu. De son véritable nom Andronic Nouccios, l’auteur du Voyage d’Occident est né au début du xvie siècle à Corfou, sa famille doit fuir l’île et se réfugier à Venise. On sait peu de chose sur cette famille, sinon qu’elle était aisée. Andronic devient copiste pour le compte du noble espagnol Hurtado de Mendoza, travaillant notamment à l’édition de textes grecs pour la maison da Sabbio. Andronic est également secrétaire de la confrérie des Grecs de Venise. Il s’agit donc d’un personnage important pour la communauté grecque qui entreprend entre 1545 et 1546 son périple à Istanbul puis en Europe du Nord et occidentale dans l’entourage de l’ambassadeur de Charles Quint Gerhart van Veltwyck. Voir Nicandre de Corcyre, Le voyage d’Occident, op. cit., p. 9-32.
63Antonio Morosini, Chronique, vol. 1, éd. par Léon Dorez, Paris, 1898, p. 43-49 ; Jacobus de Delayto, Annales estenses, dans Ludovico Antonio Muratori, Rerum Italicarum scriptores, vol. 17, Milan, 1980 [éd. orig. 1730], p. 965-966, 973-974.
64Bernardino Corio, Storia di Milano, t. 2, éd. par Angello Butti et Luigi Ferrario, Milan, 1856, p. 422.
65« Au très illustre prince le seigneur Philippe duc de Bourgogne. Nous ne pouvons sans douleur passer sous silence l’annonce malheureuse et misérable ainsi que le désastre extraordinaire de la prise de la ville de Constantinople de laquelle patrie plusieurs nobles expulsés se sont rassemblés pour quérir les choses nécessaires à la vie. Et parmi les premiers se trouvent Théodore Plantidorus et Nicolas Cunctus, anciens courtisans et familiers d’un certain sérénissime empereur de Constantinople, qui se présentent à nous comme il sied, devant leur besoin d’une aide charitable, afin de diriger leur voyage vers votre très illustre Seigneurie, nous ne doutons pas que devant leur isolement, du fait de la clémence et la libéralité de votre très illustre Seigneurie et de notre demande, vous consentiez à les aider, alors, pour que nous puissions satisfaire à leur requête, nous recommandons à votre Excellence les mêmes et Nicolas Théodore, compatissant en effet à leur situation pénible que chacun doit supporter justement. Nous serons alors reconnaissants, puisqu’ils sont dignes de la foi que nous leur accordons, tant par la nature de leur infortune que par nos propres observations, de leur donner une place aussi bonne que nous pourrions offrir. Daté de Milan, le trois décembre 1459 » ; BnF ms. it. 1595, c. 187r. Donné par Ernesto Sestan (éd.), Carteggi diplomatici fra Milano sforzesca e la Borgogna, Rome, « Fonti per la storia d’Italia, 140-141 », 1985-1987, no 28, t. 1, p. 69.
66Joseph Vaesen, Étienne Charavay (éd.), Lettres de Louis XI, 1890, Paris, vol. 4, lettre CCCL, p. 24-25.
67Répertoire prosopographique, no 119.
68« Le porteur de la présente lettre, Jean Gavras, est un jeune Grec de la nouvelle Rome. Son infortune est des plus dignes de pitié : car, bien qu’il paraisse libre, il est esclave et subit chez les Turcs la plus lamentable servitude. Ces mécréants détiennent ses parents en captivité. C’est pourquoi je te recommande cet adolescent, afin que, par tes conseils et tes instances, tu décides le très grand roi de France Charles VII à se montrer envers lui non seulement humain, mais encore à lui donner une marque de sa magnificence habituelle. Porte-toi bien. » Émile Legrand, Cent dix lettres grecques de François Filelfe, op. cit., p. 76.
69Ibid., p. 140-142, no 81. Philippe de Commynes évoque dans ses Mémoires la trace d’une lettre de recommandation d’un certain Georgium Glizim recommandé à la même époque par Filelfo auprès de Louis XI. Il est plausible qu’il s’agisse de ce Glykys. Mémoires de Messire Philippe de Comines, seigneur d’Argenton, éd. par Nicolas Lenglet du Fresnoy, 1747, t. IV, chap. 5, p. 287-288.
70Parmi une importante bibliographie, outre les travaux de John Monfasani, voir Giuseppe Coluccia, Basilio Bessarione, op. cit.
71Sur la question des Grecs et du concile de Florence, certains nouveaux éléments historiographiques renouvellent profondément la réflexion. Voir Luigi Chitarin, Greci e Latini al Concilio di Ferrara-Firenze (1438-39), Bologne, Edizioni Studio Domenicano, 2002 ; Sebastian Kolditz, Johannes VIII. Palaiologos und das Konzil von Ferrara-Florenz (1438/39). Das byzantinische Kaisertum im Dialog mit dem Westen, Stuttgart 2013 ; du même, « Bessarion und der griechische Episkopat im Kontext des Konzils von Ferrara-Florenz », dans Claudia Märtl, Christian Kaiser, Thomas Ricklin (dir.), Inter Graecos Latinissimus, inter Latinos Graecissimus, op. cit., p. 37-78.
72Giuseppe Coluccia, Basilio Bessarione, op. cit., p. 233-242.
73Vincent Déroche, Nicolas Vatin (dir.), Constantinople 1453, op. cit., p. 761-769.
74Répertoire prosopographique, no 123.
75Borthwick institute of Historical, York, Reg. 21, fol. 7r-7v.
76BnF ms. fr. 16216, fol. 47-49r ; PRO E 404/71/3, fol. 52r ; BnF ms. gr. 2966.
77Catherine Otten-Froux montre que la présence grecque à Gênes semble s’organiser et bénéficier de la protection de l’empereur de Constantinople par l’intermédiaire de trois consuls en 1384 et 1390. Catherine Otten-Froux, « Deux consuls des Grecs à la fin du xive siècle », Revue des études byzantines, 50, 1992, p. 241-248.
78Thierry Ganchou, « La famille Koumousès à Constantinople et Négrepont, avant et après 1453 », art. cité, p. 47.
79Les Subsidies Rolls évoquent notamment deux cas de marchands, Jeronimus Grace entre 1456 et 1464 et Peter Gracyan entre 1463 et 1469. Cependant, l’un comme l’autre apparaissent dans ces mêmes registres comme provenant d’autres villes italiennes, comme Venise, Florence ou Lucques. Nous avons pu voir plus haut pour Jeronimus toute la difficulté à associer ces villes avec une origine géographique bien établie. Il faut plus probablement y voir le port d’attache correspondant à la provenance circonstanciée du marchand et de sa marchandise du moment.
80Annick Peters-Custot, Les Grecs de l’Italie méridionale post-byzantine, op. cit.
81Répertoire prosopographique, no 178. Je tiens à remercier madame Annick Peters-Custot pour les informations et les remarques qu’elle a pu me fournir à propos de ce cas particulier. Je la remercie également vivement des avis qu’elle a pu me prodiguer sur l’ensemble de ce travail d’écriture.
82Thierry Ganchou, « Alphonse d’Aragon. Lettre au pape Nicolas V », dans Vincent Déroche, Nicolas Vatin (dir.), Constantinople 1453, op. cit., p. 575-578. Voir également, Constantin Marinescu La politique orientale d’Alphonse V d’Aragon, roi de Naples (1416-1458), 1994 (édition posthume), p. 255.
83Vincent Déroche, Nicolas Vatin (dir.), Constantinople 1453, op. cit., p. 783-803.
84Une fois arrivé à Paris au mois d’avril 1400, Manuel II entretient des relations diplomatiques actives avec les princes occidentaux à qui il ne peut rendre visite, parmi eux les souverains de la péninsule Ibérique : une première ambassade est conduite par Alexis Branas en Aragon, castille et Navarre entre août 1400 et février 1401 ; le même Branas mène une seconde expédition en Aragon en août 1401 ; une troisième ambassade a lieu auprès du roi de Castille en février 1403 ; une dernière conjointement menée par Alexis Branas et Constantin Paléologue Rhallès en Aragon (juin 1403). De même, des reliques semblent avoir été apportées au Portugal, sans plus de précisions.
85Nicolas Iorga, Byzance après Byzance, Paris, Balland, 1992 [éd. orig. 1935].
86Marie Vogel, Victor Gardthausen, Die grieschischen Schreiber, des Mittelsalters un der Renaissance, Leipzig, G. Olms, 1966 [1re éd. 1909], p. 102.
87Manuel II Paléologue, Manuelis II palaeologi epistulae, éd. par George T. Dennis, Washington, 1977, lettre 37, p. 98-100.
88Nicandre de Corcyre, Le voyage d’Occident, op. cit., p. 60-61.
89BnF ms. fr. 16216, fol. 47-49r et 75v et 76r.
90Jonathan Harris, « Medecine and Medical Practioners in the West », art. cité.
91« Item le XV jour daoust feste de Notre Dame az certains honmes de Grece qui monstrerent a mon dit seigneur et messeigneurs ses freres en la presence de toute la court deux bestes souvaiges cest assavoir ung elephan et un tigre en deux escus de roy. » Chroniques de Yolande de France, duchesse de Savoie, sœur de Louis XI, documents inédits recueillis et mis en ordre par M. Léon Ménabréa, Extrait des comptes des trésoriers généraux de Savoie, p. 197.
92Outre le cas particulier de Janus Laskaris (Répertoire prosopographique, no 214), nous pouvons évoquer la présence d’un « ung povre gentilhomme exilié de Constantinoble par les Turcs » qui demande et obtient une aumône de 20 sous de la part des autorités de la cité. Archives municipales de Lyon (AML), CC/412 1445-1458, pièce no 148. De même, en 1555, deux architectes grecs, Constantin Morail et Alexandre Aramondi, sont mentionnés à Lyon, chargés d’établir des plans de fortifications de la ville. Les concernant, voir Bernard Gauthiez, « Les plans de Lyon de 1544-55. La cartographie des villes au xvie siècle à repenser ? », CFC, 205, septembre 2010, p. 119-132.
93Philippe Braunstein, Les Allemands de Venise (1380-1520), Rome, École française de Rome, 2016, cartes p. 36 et 48.
94La France compte 331 cas, la Bourgogne 219, l’Angleterre 256.
95Voir tableau 3.
96Voir par exemple les itinéraires des ducs de Bourgogne édités par Herman Vander Linden. Herman Vander Linden, Itinéraires de Philippe le Bon, duc de Bourgogne (1419-1467) et de Charles, comte de Charolais (1433-1467), Bruxelles, Palais des Académies, 1940 ; Id., Itinéraires de Charles, duc de Bourgogne Marguerite d’York et Marie de Bourgogne (1467-1477), Bruxelles, M. Lamertin, 1936.
97En 1400, une ambassade semble avoir été envoyée auprès de la reine Marguerite de Norvège par Manuel II Paléologue, alors présent en France. Répertoire prosopographique, no 266. En 1455, date que l’historiographie, jusqu’à Jonathan Harris, ne parvenait pas à fixer, un certain Laskaris Kananos effectue un voyage en France, Bourgogne et Angleterre, en passant par la Scandinavie, voire en Islande. Thierry Ganchou, « Le prôtogéros de Constantinople Laskaris Kanabès (1454). À propos d’une institution ottomane méconnue », Revue des études byzantines, 71, 2013, p. 212. Voir surtout Jonathan Harris, « When did Laskaris Kananos travel in the Baltic Lands ? », Byzantion, 80, 2010, p. 173-187.
98Édité dans Prarond, Quelques faits de l’histoire d’Abbeville tirés des registres de l’échevinage, Paris, 1867, p. 216.
99Voir tableau 4.
100On note d’ailleurs la présence d’Alexis Claudioti/Klaudiôtès à La Charité-sur-Loire à cette époque. Répertoire prosopographique, no 199.
101AMA CC 20, fol. 70r.
102AMA CC 40, fol. 51r.
103Gilliodts Van Severen, Inventaires des archives de la ville de Bruges, op. cit., C.1455-1456, fol. 49v, no 3 ; C.1455-1456, fol. 50v, no 7 ; C.1460-1461, fol. 40v, no 6.
104AMC CC 22.
105« A Ysaachins et Alixis, son fils, cousin germain de l’empereur de Constantinoble, ainsi qu’il est apparu par bulles de N. S. Père le Pappe, et par mandement royal, lequel a esté prins par les ennemis de la foi et détenu prisonner audit lieu de Constantinoble, dont il est eslargy aux cautions de deux de ses filles, ainsi que portent les dictes bulles, en don pour sa redampcion… 22 sous parisis ». AMC CC 21.
106ADN B 2034, fol. 193v-194r ; BnF ms. fr. 32511, fol. 209v ; AMC CC 22.
107Archives départementales de la Vienne (ADV), G, 1297, 5 avril et 29 mai 1476.
108ADN B 2064, fol. 209v ; AGR CC 1924, fol. 209v ; AGR CC 1925, fol. 395v ; BnF ms. fr. 32511, fol. 313r ADN B 2092, no 67111.
109Répertoire prosopographique, no 123.
110Jonathan Harris, « Greeks and the Papal Curia in the Fifteenth Century : The Case of George Vranas, Bishop of Dromore and Elphin », art. cité.
111Dans un récent article récent consacré à Nicolas Agallon, Jonathan Harris suggère que l’émissaire grec aurait rejoint Manuel, son probable père présent à Milan, avant de partir pour la France où ils sont mentionnés ensemble. Cet itinéraire ne nous paraît pas possible, en raison notamment de la chronologie relativement étriquée entre la présence de Nicolas en Bavière (avril 1454) et son apparition en France (été 1454). De plus, son supposé père Manuel est mentionné auparavant seul en Bourgogne. Jonathan Harris, « Byzantine Refugees as Crusade Propagandists. The travels of Nicholas Agallon », dans The Crusade in the Fifeteenth Century : Converging Culture, Norman Housley (dir.), Ashgate, 2016, p. 36. Décrivant les itinéraires possibles au départ de Venise vers l’Allemagne, Philippe Braunstein montre que ces voies permettent facilement l’accès à l’espace bourguignon. Certains sujets du duc de Bourgogne privilégient même ce chemin. Philippe Braunstein, Les Allemands de Venise, op. cit., p. 37. L’hypothèse, selon nous la plus plausible, consiste dans le départ simultané des deux Agallon, Manuel depuis Milan, par Nevers puis Paris, tandis que Nicolas rallierait le royaume de France depuis Nuremberg. Un tel itinéraire est également emprunté par d’autres migrants grecs que nous avons déjà évoqués, Thomas Eparchos et Georges Diplovatazès en 1455 : Venise, Nuremberg, Worms, Paris et Westminster. Vincent Déroche, Nicolas Vatin (dir.), Constantinople 1453, op. cit., p. 761-769.
112Ce patronyme peut apparaître sous différentes orthographes : Manuel Paluole, Emanuel Paleologus, Manuel Penelopes, par exemple.
113ADN B 2020, fol. 355r-v ; AMA CC 40, fol. 51 ; Archives municipales de Rennes (AMR.) AA 21 ; BnF ms. fr. 32511, fol. 208v. Il est même tentant d’associer à ce Manuel Paléologue (3) un « Maniel chevalier de Constantinople » qui cherche de l’aide auprès de la ville de Douai, sujette du duc de Bourgogne, en septembre 1454. Cependant, l’hypothèse est plus hasardeuse. Archives municipales de Douai (AMD), CC 223, fol. 41r.
114Voir surtout Claudia Moatti, Wolfgang Kaiser (dir.), Gens de passage. Contrôle de la mobilité, procédures d’identification et falsifications en Méditerranée de l’Antiquité à l’époque moderne, Paris, MMSH (L’Atelier méditerranéen), 2007.
11523 cas évoquent directement le fait de recevoir de l’argent pour pouvoir passer son chemin ; 7 mentionnent le retour au pays d’origine ; 21 cas souhaitent obtenir des fonds pour racheter des membres de la famille retenus prisonniers par les Ottomans.
116En 1471, Danciano Vollegohano et Jehan Rogaris reçoivent collectivement du roi de France 27 livres 11 sous pour passer leur chemin, quand Georges Bissipat reçoit trois ans plus tard 100 livres de pension. C’est bien peu si l’on s’en tient à cette unique mention. Peut-être d’autres collectes ont également été fructueuses mais l’état de nos sources ne le laisse pas deviner ; BnF ms. fr. 32511, fol. 296r ; fol. 338r.
117En 1457, deux Grecs reçoivent deux lions d’or après avoir rejoint le compte de Charolais (le futur Charles le Téméraire). ADN B 2026, fol. 84r. Isaac et Alexis Paléologue reçoivent 60 livres à Bruxelles alors qu’ils arrivent de Saint-Omer et délivrent au duc des informations précieuses sur la situation politique en mer Égée. ADN B 2040, fol. 241v-242r.
118BnF ms. fr. 32511, fol. 184r. Voir Pierre-César Renet, « Les Bissipat du Beauvaisis », art. cité, p. 40. Ce lien établi entre ce Georges Paléologue et Georges Bissipat est également accepté par Jonathan Harris, Greek Emigres in the West, op. cit., p. 175.
119Répertoire prosopographique, no 286.
120Jonathan Harris, Greek Emigres in the West, op. cit., p. 113.
121Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790 (Dijon), éd. par L. de Gouvenain et P. Vallée, t. 3, Dijon, 1892, p. 13.
122Jonathan Harris, « A Worthless Prince ? Andreas Palaeologus in Rome 1464-1502 », art. cité, p. 550.
123Un Peter Vatase (Vatazès ?) semble commercer avec Cologne et Venise en 1468/1469. Peter Gracian, entre 1463 et 1469 commerce également à Florence, Gênes et Venise pour le compte de laquelle il joue le rôle de factor (agent). Il est propriétaire à Southampton mais locataire dans Londres ; PRO E 179/236/111 ; E 179/144/67 ; E 179/173/133, fol. 1 ; E 179/173/135 ; E 179/173/134, fol. 1 ; E 179/144/67.
124Répertoire prosopographique, no 281.
125Répertoire prosopographique, no 148.
126AN JJ 247 no 33, fol. 23v ; AN JJ 253(1) no 285, fol. 101 ; AN JJ 243 no 441, fol. 132v.
127Présent à Westminster le 8 juillet 1427, il reçoit alors une pension de quarante marks par an. Cette pension continue de lui être versée le 10 mai 1434. Calendar of the Patent Roll, Henry VI (1422-1429), Londres, 1901, p. 411 ; Nicholas Harris Nicolas, Proceedings and Ordinances of the Privy Council, op. cit., t. 4, p. 216.
128Voir infra, p. 185. Voir les conclusions de Simona Cerutti, Étrangers. Étude d’une condition d’incertitude dans une société d’Ancien Régime, Montrouge, Bayard, 2012, op. cit., p. 294.
129Nicandre de Corcyre, Le voyage d’Occident, op. cit., p. 123-126 et 170-172.
130Manuscrits de la bibliothèque de Bayeux : « Rolandi de Talentis opuscula », fol. 97 et 98.
131L’implication d’un George Bisipate, chevalier de Calais dans la guerre des Deux-Roses induit logiquement un changement de carrière, le pardon obtenu ne lui permettant plus de voir évoluer favorablement sa carrière. Calendar of Patent Rolls, vol. 4, 1467-1477, 291, membrane 30.
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