Chapitre 1
Des groupes épars
p. 43-88
Texte intégral
1Quel lien peut-on établir entre Nicolas Notaras, aristocrate « nouveau riche », proche conseiller de l’empereur Manuel II Paléologue, chef d’une expédition diplomatique en France en 1398, et Marguerite la Grecque – ou du Levant – femme de chambre au service de la reine Catherine de Médicis entre 1539 et 1587 ? Aucun a priori, excepté que ces deux personnages appartiennent, d’après les sources qui les concernent, à un même ensemble culturel et qu’ils sont identifiés comme grecs par ces mêmes sources. Il importe d’analyser les critères d’analyse qui sont à l’œuvre dans la manière de caractériser un Grec en proposant une sociologie des Grecs en Europe du Nord-Ouest, la plus fine possible.
2L’enjeu de ce chapitre est de montrer l’existence des Grecs dans l’Europe au-delà des Alpes : connectée aux autres groupes grecs d’Occident, et particulièrement d’Italie, cette population montre des caractéristiques sociologiques propres et communes à d’autres sociétés grecques de Méditerranée1. Les travaux d’auteurs comme Jonathan Harris sont ici cruciaux. La présence grecque a constitué un objet de curiosité pour toute une historiographie anglo-saxonne2. Les historiens de la Bourgogne ont, quant à eux, mis l’accent sur l’usage politique qu’ont pu faire les ducs de la venue de migrants grecs dans l’optique d’une croisade toujours remise à plus tard. Ainsi, Yves Lacaze puis Jacques Paviot ont mis en évidence le rôle de certains Grecs dans la politique maritime des ducs au milieu du xve siècle3. Pourtant, ces cas restent marginaux et nous manquons d’une vue d’ensemble4. Cette assimilation des Grecs à des curiosités joue encore un rôle dans le cadre de la France qui manque encore d’études d’envergure5. L’enjeu est donc de traiter des migrations grecques comme d’un mouvement sociologique d’ensemble, commun aux trois espaces concernés et d’en dégager des leçons globales.
Des groupes minoritaires mais visibles
État des lieux
Une présence faible
3De quoi parlons-nous lorsque nous évoquons le cas des Grecs présents dans un espace tel que l’Europe du Nord-Ouest, sur une période longue d’un siècle et demi ? Nous avons pu recenser 850 occurrences de « Grecs » – ou perçus comme tels – présents dans le champ géographique défini dans l’introduction. Il est bien sûr impossible d’évaluer ce que les sources taisent ainsi que d’estimer le nombre des Grecs non mentionnés. Au total, ce nombre est relativement restreint au regard d’autres populations étrangères à un royaume donné6. De plus, il faut répartir ces chiffres entre les différents espaces concernés : 269 pour l’Angleterre, 219 pour la Bourgogne, 331 pour la France. Tout ceci semble réduire inexorablement le champ de l’étude.
4Le plus souvent, les sources mettent en scène de petits groupes de Grecs qui voyagent à travers l’Europe latine à la recherche d’une aide auprès des puissants locaux. Celle-ci peut se matérialiser par un soutien financier à une mission – en général le rachat d’un ou plusieurs parents – ou par un acte de charité ; elle peut également ouvrir la voie à une implantation plus durable de ces populations. Toutefois rien n’est déterminé au moment où un Grec apparaît dans un registre de compte, dans une chronique ou bien dans une correspondance. Ces sources ne donnent qu’une vague idée des populations réellement présentes. Compte tenu des pertes documentaires, nous ne pouvons qu’émettre quelques hypothèses sur ces groupes. Néanmoins, il semble clair que ces 850 mentions collectées ne représentent qu’une infime partie des flux migratoires grecs, sans toutefois atteindre les chiffres relevés pour la péninsule Italienne7. Il paraît douteux que ces individus qui se présentent à la cour d’un prince aient été réellement seuls. Cela n’a rien d’étonnant et les Grecs ne sont pas les seuls à demander une aide aux princes d’Occident. Mais comment résoudre le problème de la barrière linguistique ? Peu de cas évoquent la mention d’un interprète. Le plus souvent un Grec est mentionné seul mais il est possible que l’individu soit accompagné d’amis ou de serviteurs chargés de l’épauler8. Cette personne solitaire peut également être le chef d’un groupe, potentiellement un chef de famille. Dès lors, le don lui est accordé sans qu’il y ait besoin de mentionner les autres personnes qui sont souvent de condition inférieure. Ainsi, Nicolas Agallon est mandaté en 1454 par le souverain pontife afin de générer un nouvel esprit de croisade en France et en Angleterre. Dans la réponse négative que lui adresse Charles VII, Nicolas est mentionné seul. Or, le Grec devrait normalement être accompagné par une suite, au moins par son parent Manuel – peut-être son père – qui est présent à ses côtés à la même époque9. Les individus peuvent donc cacher dans leur sillage d’autres personnes qui n’ont pas vocation à être mentionnées par les sources avant tout soucieuses d’efficacité informative et de concision littéraire.
5De même, lorsque des groupes sont évoqués et plus précisément définis, le nombre fourni ne signifie pas la totalité de la délégation mais évoque plutôt les personnalités jugées les plus marquantes10. Certains ensembles comptent des individualités qui apparaissent ou disparaissent au gré des choix stylistiques d’un scribe. Thomas Eparchos est accompagné de Georges Paléologue Diplovatazès à Nuremberg et Worms en 1455. À Paris en 1457, un Théodore Laskaris se greffe au groupe. Thomas disparaît ensuite – peut-être est-il rentré chez lui – et nous suivons ensuite Diplovatazès et Laskaris pendant deux ans entre Paris et les Flandres11. D’autres exemples de ce type confortent cette impression que les groupes changent et évoluent dans leur composition :
la délégation de Nicolas Tarchaneiotès12 ou celle d’Alexis de Selymbria13 pâtissent également du manque de précision des sources. Paradoxalement, ce sont les groupes anonymes qui peuvent être considérés comme numériquement justes, l’auteur de la source n’ayant décelé aucune personnalité qui se distingue de l’ensemble14. Une tendance semble se dessiner qui implique des suites d’une dizaine de personnes circulant dans l’Occident latin15. La conclusion interdit donc de chercher des estimations démographiques fiables. Seule une tendance se dégage : celle de l’existence d’une démographie grecque limitée dans l’Europe du Nord-Ouest.
6La modestie de cette démographie n’exclut donc pas la pertinence de l’analyse. Autant de cas répartis de façon plus ou moins homogène dans l’espace et le temps – quelques pics de fréquentation seront observés – autorisent le champ d’étude d’un groupe très restreint mais stable sur le long terme, présent dans de vastes contrées en lien avec le reste de l’Europe et du monde méditerranéen. Ce sont ces interactions qui justifient une telle entreprise et, selon nous, lui donnent sens. Cette modestie permet également une réflexion large et plus aisée sur ce qui fonde l’identité – ou plutôt les identités – de tels groupes humains. Notre propos se concentre donc sur l’échantillon d’un groupe réduit venu de lointaines contrées et confronté à des sociétés démographiquement denses dont les marqueurs identitaires sont en cours de formation.
Une visibilité documentaire réelle
7Une présence démographiquement faible n’implique pas nécessairement une invisibilité documentaire. Le champ des sources à notre disposition mène à un constat : les Grecs sont présents dans les sociétés anglaise, bourguignonne et française, même par petites touches. Afin d’envisager un nombre de documents le plus large possible, une distinction est nécessaire entre les sources qui citent explicitement un terme appartenant au champ lexical grec, et les autres qui établissent plus indirectement ce lien.
8Le terme « grec » et ses dérivés sémantiques sont relevés dans 335 cas. Il s’agit à première vue de la situation la plus simple pour nous : ainsi, en 1454, Nicolas Laskaris (1), compagnon d’Andronic Nicolas et présent à Paris, est qualifié de « grec », l’adjectif venant compléter une identification déjà précise grâce à la mention d’une origine géographique et d’une ancienne activité curiale16. Toutefois, nous aurons largement l’occasion de montrer que cette désignation, tout comme celle qui évoque le pays de « Grece » (90 cas) ne confère pas un certificat de « grécité » en bonne et due forme : le contexte historique suggère suffisamment le brassage humain que connaît la région de la mer Égée pour comprendre qu’un Grec puisse en fait ne pas en être un17. Ces références géographiques proprement grecques permettent au moins de donner de précieux indices sur la provenance – et non l’origine – d’un personnage18. Ainsi, certains Grecs sont bien grecs mais originaires de zones géographiques non grecques, tel cet Hector, qualifié en 1553 de grec mais originaire de Grottaminarda près de Melfi dans l’Avellino19. Nous prenons également en ligne de compte les références à des lieux précis, appartenant à l’espace grec, comme Constantinople, Thessalonique, Trébizonde ou le Péloponnèse. Une fois encore, ces indications ne sont pas des gages de fiabilité pour l’établissement d’une origine grecque mais elles ne sont pas moins opérantes ni plus sujettes à caution que les éléments déjà évoqués.
9Enfin, une dernière grille d’analyse consiste dans le relevé des prénoms et patronymes reconnaissables et assimilables à l’univers culturel grec. Il s’agit ici de la démarche la plus sujette à caution, qu’il ne faut pratiquer qu’avec une infinie mesure20. En effet, un personnage comme cet Andronic Nicolas, compagnon de route de Nicolas Laskaris (1), mais dont nous ne savons rien, peut être raisonnablement intégré au groupe des Grecs. Cependant, Danciano Vollegoshano, Jean Rogaris ou bien Savrandinus Piralipagès, quoique originaires de Grèce, posent davantage question. Nous les conservons néanmoins dans notre corpus documentaire21. La présence grecque est donc discrète mais réelle et visible. La réussite de l’identification de ces populations dépend donc de la finesse des outils et démarches d’analyse.
Statuts sociaux
10Cette visibilité s’accompagne d’une apparente cohésion sociale. Il ne s’agit pas de dépeindre les Grecs comme un même groupe uni et cohérent. Cette impression d’unité entre les Grecs – aussi fictive soit-elle – réside avant tout dans l’unité de la dénominat ion des populations par les sources afférentes : d’un bout à l’autre de la période, de Paris à Édimbourg, ma mention d’un Grec invoque un ensemble de références culturelles qui tendent à donner un vernis de cohérence sociale qui permette de les connecter avec leurs coreligionnaires dans la péninsule Italienne. Que peut-on dire des statuts sociaux de ces Grecs ? Il est bien sûr difficile d’ajouter systématiquement quelque crédit à ce que montrent les sources. Néanmoins, plusieurs données donnent une idée du niveau social des différents impétrants et autorisent même une typologie.
11La fréquence des références aux termes de chevalier ou d’écuyer renvoie bien sûr à des réalités sociales occidentales qui trouvent difficilement leur équivalent dans le monde grec22. Néanmoins, ces qualificatifs impliquent la reconnaissance et l’assimilation de ces personnes à la strate la plus élevée de la société byzantine – du moins telle que les auteurs de nos sources se la figurent. Une forme de hiérarchie s’établit entre ceux des Grecs qui sont affublés d’un titre féodal, aussi factice soit-il2323, qui peuvent se prévaloir d’une proximité avec le pouvoir impérial24 et qui bénéficient des titres intermédiaires de chevalier, écuyer ou tout simplement messire25, et ceux qui forment la masse indéfinie des personnes sans autre titre que leur nom et qu’il est difficile de classer dans une catégorie aristocratique. Tout porte à croire que cette aristocratie n’est pas issue, à de rares exceptions près26, des plus hautes franges de la noblesse impériale : en effet, la chute de l’empire met à mal les réseaux familiaux qui se retrouvent étêtés, sans chefs et sans ressources. Quelques survivants choisissent de trouver refuge en Italie27 cependant qu’une part de cette aristocratie opte plus souvent pour des principautés proches du monde égéen28. Seuls restent les aristocrates les plus modestes, les plus déclassés, pour tenter une aventure risquée. L’incertitude que semblent éprouver les auteurs de nos sources quant à l’identification de ces personnages, qui affirment mériter un rang social relativement élevé, se transmet et contribue à notre propre incertitude.
12Le second groupe très présent dans les registres de compte et probablement lié au premier sans que nous puissions définir aisément qui appartient à l’aristocratie est représenté par les ecclésiastiques. Ceux-ci se lancent sur les routes d’Occident et sont fréquemment contraints de mener des quêtes de fonds pour d’autres compatriotes restés prisonniers des Turcs29. Leur statut leur permet de faire appel à la générosité chrétienne, charité à laquelle tout chrétien est tenu en Orient ou en Occident. De fait, des groupes entiers d’ecclésiastiques sont présents dans les registres de comptes des princes d’Occident : l’évêque de Melacona en Morée mène un groupe de prêtres à Bruxelles en juillet 146230 ; au moins cinq ecclésiastiques obtiennent en avril 1462 un maigre butin de huit livres31. D’autres religieux cheminent seuls entre la France et la Bourgogne : toujours en 1462, le frère Mathijs, franciscain, apparaît en Bourgogne et glane 32 sous tandis que « frere Neophitus jadis abbé de l’église Sainct Basile en la cité de Constantinople » soutire 36 sous au trésor ducal32. Ces personnes sont toutes déclassées ; aucune ne semble occuper un poste important dans la hiérarchie ecclésiastique. De plus, il est légitime de se demander de quelle hiérarchie il peut bien s’agir : latine catholique ou grecque orthodoxe ? La question se pose par exemple pour l’évêque de Melacona en Morée parce que ce lieu est inconnu et qu’il est difficile de déterminer si l’évêché est d’origine grecque ou latine. De même, Neophytos (1) a exercé des fonctions à Constantinople, ce qui laisse supposer la pratique d’une religion orthodoxe. Quel est alors le degré de la tolérance religieuse toléré dans une cour occidentale ? Nous ne pouvons le savoir clairement mais le faible niveau des sommes allouées tend à suggérer qu’il existe des réticences émises de la part de la chancellerie.
13Certains Grecs anonymes et d’autres qualifiés de « pauvres » semblent appartenir à des catégories sociales plus modestes. Toutefois, l’évaluation de ce degré de pauvreté pose problème. L’anonymat de certains Grecs n’induit pas forcément la basse extraction de l’individu. Certains patronymes sont parfois difficiles à saisir et peuvent avoir été passés sous silence ce qui nous prive d’un membre de la haute aristocratie devenu anonyme. Ensuite, le champ lexical de la pauvreté n’implique pas dans les mentalités occidentales que cette pauvreté soit nécessairement économique : le pauvre est avant tout celui qui ne peut bénéficier de l’aide de proches, de familiers susceptibles de porter assistance à l’impétrant alors contraint de solliciter le prince. Dès lors, n’importe quel Grec peut légitimement être qualifié de pauvre dès lors qu’il ne possède aucune connexion en Occident, de la même manière, répétons-le, un individu arrivant de Méditerranée orientale peut se voir appliquer le qualificatif de grec, qu’il s’agisse d’une réalité ou non. Il est fort peu probable que des catégories modestes aient eu les moyens d’effectuer un tel voyage. Au mieux, les populations fuient vers un royaume voisin, comme en Serbie, en Valachie ou bien en Bosnie, voire en Hongrie. De plus, les attitudes des Ottomans envers ces populations, une fois la guerre passée, est plutôt orientée par le choix de conserver des contribuables actifs – rappelons qu’en théorie un musulman n’est pas imposable, à la différence d’un chrétien soumis à l’impôt en tant que dhimmî. Il est donc très peu probable que des populations grecques modestes aient pu être présentes en Europe du Nord-Ouest.
14D’autres Grecs enfin affichent un niveau social intermédiaire entre des catégories modestes introuvables et des strates plus élevées dans la société byzantine. Le registre BnF ms. fr. 32511 évoque à plusieurs reprises des « cytoyens » appartenant à la cité de Constantinople. Les implications sémantiques de ce terme sont grandes mais impliquent en tout premier lieu une distinction sociale nette entre Sabbas Constantinus, George Syropulum/Syropoulos et Petrus Jehan d’une part, citoyens venus probablement en groupe en France, et Georges Paleologo (Diplovatazès), Théodore Laskary/Laskaris, Thomas Epargne/Eparchos et Théodore Thoucas/Doukas d’autre part qui sont présents dans les mêmes folios mais qui appartiennent tous au groupe des chevaliers ou des familiers de l’empereur33. Nous avons clairement affaire à deux niveaux sociaux différents, du moins tels que se l’imaginent les scribes de la chancellerie royale. La diversité des statuts sociaux des Grecs présents en Occident est donc grande et mérite une analyse la plus fine possible. Toutefois, quoique différents par leurs statuts, les Grecs peuvent-ils être rattachés par les sources à une unité presque ethnique qui serait commune pour tous ?
Une « nation » des Grecs ?
15Les Grecs, du moins dans les termes posés par les sources en Occident, sont supposés avoir en partage des pratiques communes (politiques, culturelles, économiques, sociales, etc.). Cet ensemble, tel qu’il est construit dans ces multiples textes, littéraires ou non, permet d’envisager ces populations hétéroclites comme appartenant à un tout. Or, la variété des termes n’a d’égal que les interprétations historiographiques que l’on veut bien donner : genos ou ethnos dans le monde byzantin, gens, regnum, patria, terra, nos et donc natio en Occident. Il s’agit autant de termes porteurs de références culturelles plus ou moins assumées et précises pour que nous les distinguions d’une part de ce que chaque auteur comprend de ces notions, et d’autre part de notre propre conception de ces termes souvent anachroniques. Nous ne nous étendrons pas sur les controverses historiographiques qu’a pu susciter l’existence supposée ou réelle des « nations » du Moyen Âge, phénomène trop souvent repris et employé pour justifier après coup l’émergence des mouvements nationaux du xixe siècle34. Le souci de création de liens factices avec ces « nations » occupe les esprits des savants du siècle de l’écriture des récits nationaux, jusqu’à Fernand Braudel qui reste encore attaché aux racines profondes de « l’identité de la France »35. Or, la multiplicité sémantique des « nations » est réelle comme celle des Tedeschi de Venise évoquée par Philippe Braunstein. Pierre Monnet, en introduction du colloque international dédié à cette question, détermine trois axes importants de réflexion : avoir conscience que la notion de nation est paradoxale et qu’il faut retourner à une étude de la natio médiévale ; dépasser la cadre d’un unique pays en prenant en compte les divers modes de pensées des royaumes voisins ; jouer constamment des échelles ce qui permettra de questionner le sentiment d’attachement à une natio lié à l’exercice d’une fonction, à une localité qui se définirait ou non comme étant de cette même natio, ou bien à un groupe social cohérent vivant au sein d’un même ensemble politique36. Nous tâcherons de tenir compte des objectifs posés par Pierre Monet sans pour autant reprendre pleinement le terme de nation trop anachronique en le soumettant, lui et la notion d’identité, à la critique.
Une patrie grecque (To Hellenikon) ?
16Le sentiment d’être grec est une question ancienne qui déchire Latins et Byzantins dès le viiie siècle. Les incompréhensions et les conflits amènent à une rupture de l’idée de d’homogeneis37 après 1204 et la prise de Constantinople par les Latins. Alors que survivent deux entités politiques grecques en Épire et à Nicée, l’idée selon laquelle les Grecs sont unis par une communauté culturelle et linguistique et que les Latins ne peuvent faire disparaître, survit et se développe. Nous évoquerons plutôt une réalité littéraire obtenue au prix de raccourcis de la part des penseurs et idéologues byzantins.
17C’est en effet grâce à eux qu’est révélée et valorisée la conscience des Grecs d’appartenir à un même ensemble culturel. L’empire a théoriquement pour vocation d’accueillir en son sein de nombreux peuples différents des Grecs comme les Arméniens38. Selon Élisabeth Malamut, dès Jean Skylitzès (seconde moitié du xie siècle) et Eustathe de Thessalonique (v. 1120-v. 1195) se développe une conception culturelle et ethnique centrée sur les Grecs/ Byzantins perçus comme les fers de lance de la chrétienté face aux païens et aux infidèles. Gill Page, quant à lui, évoque une définition identitaire byzantine fondée sur la différenciation classique entre la civilisation et les barbares, entre « nous » et « eux »39. Une frontière hermétique se constituerait entre les sujets de l’empire, parlant une langue civilisée, le grec, le reste du monde soumis aux invasions barbares, notamment franques : autant de conceptions qui se forgeraient dès les ve et vie siècles40. Selon l’historien, la culture historique savante byzantine reprend ces angoisses et les réactive dans le contexte troublé de la fin de la période Comnène et de l’époque de la dynastie des Anges41. Ces critères sont repris par les auteurs postérieurs comme Michel Akropolitès (1217-1282) ou Nicéphore Grégoras (v. 1295-1360). Toutefois, l’attention trop grande portée par Gill Page aux seuls chroniqueurs a été critiquée par Marie-Hélène Blanchet qui pointe le risque de présenter une identité byzantine/grecque trop intellectuelle, issue des élites de la société byzantine, laissant de côté la question de l’existence d’une identité populaire, certes très difficile à évaluer compte tenu de l’état de la documentation disponible42. Néanmoins, la culture écrite n’est pas disqualifiée pour autant. Globalement, pour Élisabeth Malamut, ce mélange des cultures populaires et plus savantes se combine sous les empereurs de Nicée et les premiers Paléologue afin d’être théorisé et d’être rapproché d’une idéologie du peuple élu43. Dès lors, les lettrés byzantins de Nicéphore Blemmydès (v. 1197-v. 1269) sous Théodore II Laskaris (1254-1258) à Laonikos Chalocondylès (v. 1423-v. 1490), en passant par Démétrios Kydonès (v. 1320-1397), Jean Argyropoulos (v. 1395-1487) ou Georges Gemistos Plethon (v. 1360-1452), sont tous attachés à ce sentiment d’appartenir à l’Hellas, la mère patrie grecque44.
Les Grecs hors de Grèce : une « nation » ?
18Ce tableau est très satisfaisant pour tout ce qui touche aux Grecs vivant dans le cadre de la mère patrie. Mais qu’en est-il pour des populations dont nous nous occupons et qui sont présentées dans les sources comme grecques ? Nous n’avons pas affaire à des personnes fortement liées à un ensemble culturel que nous reconnaîtrions comme grec. De plus, nous n’avons pas les moyens de connaître les points de vue de ces Grecs. Les sources qui nous concernent, occidentales rappelons-le, n’ont pas les mêmes soucis informatifs que nous. Les Grecs peuvent être groupés dans un même ensemble culturel voire national sans qu’il faille pour autant tirer des conclusions trop modernes et anachroniques : à la nation-patrie grecque peut fort bien se substituer une nation des Grecs.
19Le vocabulaire employé nous aide peu en la matière puisqu’aucune mention n’est faite d’une natio des Grecs ni de gens, ethnos ou genos. Néanmoins, les origines grecques de certains personnages sont occasionnellement évoquées : les frères Effomatos, lorsqu’ils reçoivent le monopole du commerce du drap d’or à Londres au milieu du xve siècle, sont dits de Grecia oriundo45 ; de même, Manuel Sophianos est un chevalier de patria Paleoponiensi grecus oriundus46 ; cette même patria prend une signification similaire sous la plume de Francesco Filelfo lorsqu’il s’adresse à Thomas Francos47. Les auteurs de la documentation qui concernent ces Grecs ont donc bien conscience que ceux-ci appartiennent à un espace – culturel et/ou politique – plus ou moins bien défini et qui permet de classer au mieux ces individus qui diffèrent sensiblement des populations étrangères communément rencontrées. Face à des flux migratoires plus ou moins importants – les Grecs ne sont pas les seuls à migrer – nommer et classer des individus dans une catégorie plus ou moins culturelle, plus ou moins ethnique, est un outil très commode48.
20Les sociétés occidentales du xve siècle sont les héritières de systèmes de pensée plus anciens mais toujours opérants, notamment dans la littérature. Par exemple, le Roman des Rois, écrit par Primat sous le règne de Philippe III le Hardi (1270-1285), offre une double définition du terme de nation49. Au singulier, il désigne l’origine d’un individu, son lieu de naissance. Au pluriel, le terme est employé comme l’idée d’être associé avec d’autres nations comprises comme des masses dominées dans un ensemble impérial50. Ainsi, les références aux Grecs et à la Grèce entrent aisément dans ce cadre de réflexion. Benoît Grévin, cherchant à montrer les usages rhétoriques du vocabulaire « national » dans l’Europe du xiiie siècle, s’attarde sur les listes des nations fournies par la Palma vers 120051. Y sont décrites des « nations » avec leurs caractères propres : les Armeni et les Greci nutriunt barbam, facinora excogitant et sont qualifiés de sagaces52. Ces marques identitaires qui fondent ces deux nations se retrouvent dans les descriptions et les méfiances qui accompagnent les Grecs : leurs barbes fascinent Adam of Usk53 ; leur fourberie et leur ruse les rendent suspects à l’instar de Thomas Francos en Angleterre en 145154.
21Partant du De commendationes naturae in creaturis, daté du début du xiiie siècle, Benoît Grévin montre l’existence de caractéristiques des nations – physiques ou morales – listées par le document. Les Grecs y sont présentés comme astuti, eloquentis dominatione movetur et calidos efficit et astutos55 – astuce, ruse, témérité, art de l’éloquence –, des qualités présentes dans nos sources56. Ces trois exemples, non exhaustifs bien entendu, montrent que l’on attache des vertus « nationales » à des aspects moraux et physiques. Les rues de Londres voient se côtoyer des Teutonici, des Gallicani, des Lombardi et quelques Greci, même si ceux-ci n’ont pas pour les désigner de vocable fixe : ils font néanmoins partie intégrante des nations étrangères Londres. Pourtant, nous n’observons aucune référence juridique à l’existence d’une nation des Grecs. Celle-ci est informelle et englobe souvent des peuples qui devraient échapper à cette catégorie57. La question de l’existence d’une nation des Grecs pose davantage de problèmes de définition juridique plutôt que d’existence et de reconnaissance de fait de groupes « nationaux » perçus comme grecs.
Prosopographie
22Dès lors, après avoir posé un premier ensemble de définitions sur les groupes auxquels nous avons affaire, un second travail nous impose une revue d’ensemble des personnages apparaissant dans l’ensemble hétéroclite de nos sources. Le détail des caractéristiques onomastiques, ainsi que celui des niveaux sociaux de ces individualités, sera cependant mis en relation avec la nécessaire réflexion autour de ces mêmes sources. En effet, les éléments importants de toute étude prosopographique – nom, prénom, sexe, origines, comportements, relations sociales, etc. – ne constituent pas forcément un intérêt significatif pour les documents qui évoquent les Grecs.
Fiches signalétiques
Patronymes : un problème méthodologique
23Le 15 septembre 1467, trois individus se présentent à la cour de Bourgogne et obtiennent du duc quelques subsides. Ces trois personnes sont qualifiées de « chevaliers du royaulme de Grece », expression qui nous permet de les inclure dans notre étude. Car, leurs patronymes, tels que rendus par la chancellerie ducale, auraient très bien pu nous induire en erreur : il s’agit de Théodore et Jean Ralykanaky/Rhallès Kanakès, tous deux parents et accompagnés de Théodore Canora58. Un mois plus tard, ces mêmes personnages bénéficient de nouveau des largesses ducales mais leurs noms apparaissent désormais sous les formes de Rallyconky et Gamora59. Si les deux premiers peuvent être rattachés à la grande famille des Rhallès Kanakès, le troisième patronyme nous est inconnu. Ce cas est caractéristique des difficultés rencontrées lors de l’examen des sources. En effet, les libertés prises par les scribes à l’égard de l’orthographe de l’époque, combinées à la méconnaissance du système patronymique byzantin et aux détériorations qu’ont pu subir les documents, compliquent le travail de l’historien. Les règles orthographiques ne sont pas encore fixées au xve siècle et ne le seront progressivement qu’à partir de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts (6 septembre 1539)60. La construction des mots est donc une source de variations et d’originalités qui compliquent la compréhension d’un texte. De plus, les styles d’écriture rendent ce type de travail encore plus ardu. Il existe en effet tout un monde graphique entre l’écriture soignée tirée d’un registre de comptes et destinée à être conservée dans les archives et les notes d’un scribe chargé de compter et de noter à main levée les marchandises débarquées dans le port de Londres61. Toutefois, certains mots demeurent communs ce qui facilite l’appréhension des textes.
24Qu’en est-il lorsque les scribes sont confrontés à des personnages grecs ? Il se passe souvent la même chose que pour d’autres étrangers : la graphie du patronyme change et varie souvent d’une source à une autre, comme pour l’exemple vu plus haut. Même lorsqu’un Grec vit longtemps dans un même territoire la retranscription du nom peut évoluer : ainsi Georges Paléologue Dishypatos, resté longtemps au service de Louis XI puis de Charles VIII, est plus connu sous le nom francisé de Bissipat, mais son patronyme connaît encore de multiples variantes qui touchent également ses descendants62. Ces soucis orthographiques, communs pour l’époque, se doublent ici de la difficulté pour les scribes de l’époque de saisir correctement la structure d’un nom byzantin. En effet, celui-ci se compose souvent de trois parties, inspirées de l’époque romaine : le prénom, le cognomen et le véritable patronyme. Le cognomen est souvent celui d’une grande famille aristocratique, voire impériale, qui rappelle le plus souvent un lien de parenté lointain ou bien de dépendance vis-à-vis d’un réseau familial. Or, la barrière de la langue – le manque d’interprètes grecs ne facilitant pas les choses – rend inévitable les malentendus qui naissent d’une mauvaise compréhension d’un patronyme. Ainsi la grande fréquence du nom Paléologue dans les sources occidentales ne doit pas suggérer que l’ensemble de la famille impériale ait pu parcourir ainsi les routes d’Occident : le même Georges Bissipat apparaît parfois sous le nom de Paléologue63. De plus, certains Grecs préfèrent faire apparaître tel ou tel aspect de leur condition sociale et mettre l’accent sur l’image – la plus favorable – qu’ils entendent donner d’eux-mêmes. Ainsi s’explique le grand nombre de Paléologue (120 occurrences), Laskaris (27 occurrences) ou Cantacuzène (5 occurrences) que nous comptons dans notre corpus. De même, le statut social peut parfois primer sur le nom de famille, au point de l’effacer complètement. À Paris, en septembre 1459, un groupe de Grecs est composé, entre autres, d’un Maistres Johannes Patrices et d’un Maistres Matheus Kyrgolay Kerganis. Peut-être doit-on comprendre que le premier bénéficie du titre aulique de Patrice/Patrikios tandis que le second, Kyrgolay, porte un nom lié au terme kyr signifiant « seigneur » en grec64. Ces possibles confusions entre patronymes et fonctions auliques sont autant la conséquence de mauvaises compréhensions que de stratégies raisonnées et choisies par les Grecs eux-mêmes65. D’autres personnages enfin, devant l’incompréhension, parfois saisissable dans le texte même, liée à leur identité, se voient ramenés à une supposée condition sociale : chevalier, parfois comte ou seigneur66.
Patronymes : essai de recomposition sociale
25Parmi les porteurs de patronymes, tous n’appartiennent pas aux mêmes strates sociales. Si la conquête ottomane a pu toucher tous les Grecs, les mises à rançon ne concernent que ceux qui ont les moyens, ou du moins les relations sociales suffisamment larges, pour tenter de réunir des fonds visant à la libération de proches. Les personnes les moins riches ou attachées à une terre, un commerce, une localité, ne partent pas, ou peu, notamment parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Les autres n’appartiennent pas systématiquement aux plus hautes sphères de la société byzantine puis, après sa disparition, des sociétés locales grecques. Rien n’indique que derrière des noms tels que Danciano Vollegoshano et Jehan Rogaris se cachent des membres d’une quelconque élite locale. Pourtant, rien ne l’infirme non plus67. Malgré des études poussées sur les familles Paléologue ou Cantacuzène68, il est toujours difficile d’y inclure Isaac Paléologue et son fils Alexis, proches de la cour bourguignonne au début des années 1460 et revendiquant un lien de parenté avec l’empereur69. Qu’ils soient réels ou fictifs, ces liens aristocratiques donnent davantage d’indications sur l’image que chaque Grec souhaite renvoyer à ses interlocuteurs occidentaux que sur la réalité sociale70. Nous établissons un constat a minima mais il est difficile d’interpréter davantage l’usage de patronymes dont la compréhension et la transcription dépendent trop des scribes occidentaux.
26La plupart des Grecs portent un patronyme identifié, qu’il soit reconnaissable ou non. Il existe néanmoins une proportion importante – 21 % de l’ensemble – qui en est dépourvue71. Les causes d’un tel manque peuvent être variées : oubli, dissimulation, désintérêt de l’auteur de la source. Il arrive ainsi que des personnages affublés d’un patronyme dans une source, en soient privés dans une autre : le médecin Démétrios de Cerno, actif en Angleterre en 1424, apparaît dans le testament de la duchesse de Kent Lucia Visconti sous l’unique vocable de « magistro Dimetrio Fisician », sa fonction suffisant à l’identifier72. Encore avons-nous la chance ici de connaître ces personnages sous d’autres noms. Mais qu’en est-il de Georges le grecq, archer de corps au service du duc de Bourgogne entre 1451 et 145473 ? Son statut de mercenaire n’incite pas forcément à envisager pour lui une haute condition sociale associée à un patronyme connu. En portait-il seulement un ? Il est impossible de le savoir. Cette incompréhension autour du patronyme mène même parfois à la formation d’un nouveau nom : en Angleterre, le nombre des Greke est important – 20 occurrences74. Le cas le plus clair est celui de la famille Greke dont au moins deux membres, Walter et John, se battent en justice contre leurs cousins anglais pour le recouvrement d’un héritage en Cornouailles75.
27Un siècle plus tard, d’autres Greke apparaissent sans qu’il soit possible de les relier aux premiers76. Nous sommes face à une nébuleuse qui permet toutefois d’établir une distinction entre des Grecs porteurs d’un patronyme suffisamment célèbre pour que les sources occidentales en conservent la mémoire, et les autres. Les Grecs les plus déshérités ne semblent pas apparaître dans ces registres : en tout cas, l’étude des patronymes ne donne aucune information sur cette question.
Féminités
28L’immense majorité des Grecs migrants sont des hommes. En effet, 815 cas recensés, soit 96 % de l’ensemble, concernent des hommes. Les femmes n’apparaissent alors qu’en filigrane, à travers une épouse, une fille ou une mère laissées en otage en Grèce et dont les hommes ont la charge d’obtenir la libération. Ces mentions sont souvent récurrentes et il peut arriver qu’il soit précisé que les membres prisonniers étaient des épouses ou des enfants77. Pourtant, il existe des éléments féminins présents dans les sources. Des femmes sont contraintes de chercher de l’aide au même titre que les hommes ; d’autres sont des filles de Grecs souvent nées dans le pays visité ; d’autres encore sont des épouses qui accompagnent leurs maris.
29Considérons le premier cas. En 1511, le sheriff de la cité de Lincoln écrit à l’archevêque de Cantorbéry, chancelier d’Angleterre, pour lui faire part d’une situation quelque peu embarrassante. En effet, ses agents ont arrêté deux femmes originaires de Grèce, nommées Elizabeth Lascarina et Ffraunces Norreis, surprises en train de collecter de l’argent. Les deux femmes sont sommées de s’expliquer sur leurs activités mais les barrières linguistiques ne contribuent probablement pas à éclaircir la situation. Elles se retrouvent en prison mais affirment avoir obtenu une autorisation de l’archevêque. Le sheriff demande donc confirmation. Ce document est, à notre connaissance, inédit78. Elizabeth et Ffraunces, elles, semblent connues d’une petite frange de l’historiographie79. Ce texte nouveau met en lumière deux femmes, semble-t-il de condition relativement élevée mais contraintes de mener les mêmes entreprises de quête que les hommes. Elizabeth/Hélène Lascarina semble appartenir à un groupe social élevé ; Ffraunces Norreis peut être une dame de compagnie. Plus étonnant encore est de ne voir apparaître aucun contact masculin grec. L’argent amassé doit servir à la libération du mari et des enfants d’Elizabeth/Hélène : le statut social de ce mari Laskaris inconnu doit avoir suffisamment de valeur aux yeux des Ottomans pour qu’il ne soit pas libéré ni autorisé à chercher des fonds lui-même. Ce cas peut très bien constituer un exemple peu représentatif de la situation migratoire grecque. Toutefois, vingt-cinq ans plus tard, Marguerite du Levant – ou la Grecque –, femme de chambre de la reine Catherine de Médicis, obtient des lettres de naturalité en juin 1539 et reste au service de la reine pendant près d’un demi-siècle. Rien n’indique que cette Marguerite ait été accompagnée d’un compatriote qu’elle suivrait80.
30Un second ensemble, plus visible, est celui de femmes accompagnant un mari ou un père dans leurs déplacements. Peu de Grecs apparaissent clairement comme mariés (83 cas) et encore moins se présentent en Occident avec leurs épouses. Le 28 février 1530, Jean Des Grecs et sa femme – qui n’est pas nommée – jouissent d’une place à Paris près de la boucherie de Beauvais ; un an plus tard, ils obtiennent l’usage d’étaux sur cette même place moyennant une redevance annuelle de 60 livres81. Ce couple de commerçants installés dans Paris profite d’une situation stable voire prospère. Leur assise paraît semblable à celle du couple formé par Peter et Mattea de Mylan, originaires d’Héraklion en Crète, exerçant l’activité de brodeurs à Londres au début des années 154082. Enfin, les époux Jehan de Senambay et Catherine de Patras, dont on ne connaît pas les activités, jouissent d’une situation assez stable puisqu’ils reçoivent des lettres de naturalité le 17 février 1547 après quinze années de résidence dans le royaume83. Tous ces exemples, cantonnés exclusivement à une époque où les migrations massives de réfugiés sont passées, montrent une présence féminine grecque plus importante que supposée. Ce phénomène prend encore plus de poids si l’on y associe les Grecques présentes dans ces territoires et dont leurs enfants métisses sont légitimés84.
31Un dernier groupe résulte d’un choix de notre part : les femmes issues d’une seconde génération de Grecs, nées de migrants installés en Angleterre, en Bourgogne ou en France. Relativement plus nombreuses que le précédent groupe, elles ne représentent toutefois pas le même intérêt pour nous, du simple fait qu’elles ne migrent pas. Néanmoins, elles sont, au même titre que leurs frères ou cousins, porteuses de traditions et d’images mémorielles héritées de leurs ancêtres et dont nous ferons bientôt l’étude.
32Les femmes grecques sont loin d’être majoritaires dans l’ensemble du corpus disponible, et elles n’apparaissent véritablement que tardivement, vers la fin du xve siècle85. Elles sont néanmoins des actrices réelles au même titre que les hommes. Le poids écrasant de la visibilité masculine grecque ne peut les laisser complètement dans l’ombre.
Jeunesse, vieillesse, âge mûr : une incertitude
33Une question encore plus ardue est celle de l’âge des migrants grecs au moment de leur apparition dans les sources. L’estimation de l’âge d’un individu est une notion très vague pour l’ensemble des sociétés humaines occidentales. En effet, à moins d’être un membre très élevé de l’aristocratie, il n’est pas dans les réflexes communs de noter une date de naissance. Les âges sont estimés avec des marges d’erreur de plus en plus larges selon la strate sociale envisagée. Que dire dès lors quand il s’agit d’une population migrante ? L’âge n’est pas l’information la plus importante pour une chancellerie parce que cela n’a d’intérêt pour aucune des parties en présence. Quelques sources évoquent néanmoins des catégories d’âges des personnes rencontrées. Ainsi, dans une lettre envoyée à Thomas Francos le 23 octobre 1454, Francesco Filelfo recommande un certain Jean Gavras dont la famille est prisonnière des Turcs. Filelfo insiste sur le fait qu’il est jeune c’est-à-dire très probablement adolescent86. Lorsqu’en 1475 Manuel Paléologue (5), fils cadet du prétendant impérial Thomas, se présente en Bourgogne, il n’a guère plus de vingt ans87. À l’autre extrémité de la courbe des âges, les registres de la ville de Bruges notent la venue de deux Grecs accompagnés d’un vieil homme originaire de Constantinople88.
34Il peut arriver que quelques détails physiques soient notés dans les sources bien qu’en règle générale celles-ci ne donnent pas toujours les âges des Grecs rencontrés. L’apparence physique, quand elle est digne d’intérêt, laisse une impression qui est parfois évoquée dans un registre, dans une chronique. Ainsi, l’empereur Manuel II est qualifié par la Chronique du bon duc Loys de Bourbon de « noble prince et bel vieillard »89. En effet, le Basileus, la cinquantaine passée, laisse une forte impression de majesté à l’ensemble des gens qui ont l’occasion de le voir. Les caractéristiques physiques telles que la barbe, symbole d’âge mûr – sans signifier vieillesse pour autant – sont également des attributs dignes d’intérêt : arborée par des ecclésiastiques grecs chez Adam of Usk90, la pilosité grecque est revendiquée par un l’ambassadeur Théodore Karystinos en 1442, et dont témoigne Olivier de La Marche qui affirme l’avoir vu mettre dans sa bouche afin de décocher une flèche plus aisément, alors que le Grec était à cheval91. Ici encore, la longue barbe implique davantage l’âge mûr que la jeunesse. De même, désirant médire de lui, Marino Sanuto, ambassadeur vénitien stigmatise Janus Laskaris en évoquant sa longue barbe réputée, comme seule élément le concernant digne de mémoire92.
35Pour aller plus loin, il faut ruser et s’interroger sur la valeur à accorder au terme escuier qui revient fréquemment dans les sources. Bien que cela ne renvoie pas à un équivalent social dans le monde byzantin, en Occident le terme d’écuyer qui désigne à l’origine l’aspirant-chevalier évolue progressivement aux xive et xve siècles dans un sens alternatif à la chevalerie désormais trop coûteuse à obtenir pour nombre de nobles de niveau social moyen. Cette dernière s’obtient désormais avec le temps, une fois une situation – et parfois un mariage – assurée. Jean Flori a ainsi montré que le terme d’écuyer pouvait devenir synonyme de jeunesse93. Notre hypothèse propose que ce vocable renvoie dans nos sources à l’idée de la jeunesse relative de l’impétrant grec plutôt que d’un niveau social difficile à définir. Ainsi peut-on comprendre la situation d’Asseneuz de Acarye « esciuer filz du prince de Acarye du païs de Constantinoble » : il est sans doute adulte, fils d’un prince absent – peut-être décédé – contraint de fuir son pays et de trouver refuge à la cour de Bourgogne en février 146194. De même, ce George Dada, dont le patronyme ne renvoie à aucune famille connue, est qualifié d’écuyer, sans titre supplémentaire qui pourrait induire un âge plus mûr95. Selon l’historiographie classique sur la question, Georges Bissipat serait à identifier avec ce Georgius Paleologues qui obtient, avec son acolyte Georgius Gazy, quelques fonds de la chancellerie française96. Or ces deux compagnons d’infortune sont qualifiés d’« escuyers97 ». Compte tenu de la longue carrière de Georges Bissipat, décédé en 1496, ces personnages sont très probablement des hommes jeunes. Au total, ce sont neuf cas d’écuyers dont on peut raisonnablement penser qu’il s’agit de jeunes hommes. Peu d’enfants sont présents dans nos registres. Ce sont des enfants de Grecs prisonniers des Ottomans ou bien des enfants de seconde génération98.
36Les migrants sont surtout des hommes adultes, souvent d’un âge à partir duquel il est possible de reconstruire une situation perdue en Orient. Les Grecs les plus âgés sont souvent des intellectuels bénéficiant d’une aura suffisante pour occuper une position sociale plus stable : Jean Argyropoulos, déjà âgé lorsqu’il arrive en France, jouit d’une grande considération en Italie et de prometteuses offres d’emploi – notamment à Florence99. D’autres Grecs sont présents dans nos sources pendant une si longue période que nous pouvons les observer vieillir : il en va ainsi de Georges Bissipat, Démétrios Paléologue (3) ou encore d’Ange Vergèce qui sont tous présents dans nos sources pendant une trentaine d’années. Parfois, au détour d’un texte, leur âge avancé peut attirer l’attention. Lorsqu’en 1566 Ange Vergèce, la soixantaine approchant, sollicite une lettre de recommandation auprès du jeune conseiller d’État Henri de Mesmes, celui-ci insiste lourdement – et à dessein il faut le reconnaître – sur l’âge vénérable atteint par le Grec100. L’âge avancé de certains Grecs constitue un outil commode qui permet d’insister sur la situation économique compliquée des sages vieillards. La réussite sociale de Georges Bissipat ou bien la sagesse inspirante de Manuel II Paléologue ne doivent pas faire oublier que les Grecs sont également soumis aux aléas de la vie et que certains parmi les plus âgés éprouvent des difficultés à vivre : Ange Vergèce illustre parfaitement – quoiqu’avec un peu d’exagération – cet état des choses.
Temporalités
Temps forts et temps faibles de la présence grecque
37Il semble judicieux d’établir une sorte de chronologie interne des faits migratoires grecs dans ces territoires. Or, sur près de deux siècles, des variations et des ruptures ne peuvent manquer d’apparaître. Aussi artificiel qu’il puisse être, un découpage chronologique offre d’utiles informations pour l’historien. Les migrations sont concomitantes des événements politiques qui surviennent en Méditerranée orientale mais le flux généré n’obéit pas systématiquement à de telles conditions : certains pics de migrations, comme au début des années 1470, ne s’expliquent pas directement par une nouvelle conquête, du fait souvent du décalage chronologique nécessaire pour atteindre les régions du nord-ouest européen. L’effet d’étalement se fait sentir, résultant de l’entremêlement des sources liées aux mouvements migratoires parvenus tardivement en France ou en Angleterre et celles évoquant des Grecs déjà présents dans ces territoires. Nous en sommes réduits à observer une quantité de documents relatifs à des Grecs, non à de réels flux migratoires.
38Néanmoins, une telle analyse est nécessaire. Plutôt que d’opérer par année ou par décade, il est préférable de déterminer des périodes en fonction de nos choix : ainsi la date charnière de 1453 constitue un jalon utile entre une période antérieure réputée pauvre en Grecs et une période ultérieure où les pics se succèdent. En effet, des épicentres sont observables à partir de cette date fatidique : 1455, 1459 ou 1470 par exemple101. Cependant, ces pics migratoires ne doivent pas occulter une présence constante tout au long de la période : seules onze années sont absentes de notre documentation sur la période 1450-1520102. La présence grecque, compte tenu de ce que nous pouvons savoir, reste donc constante. Seulement, avec le temps, ce sont les lieux d’accueil qui changent.
39L’exemple le plus significatif est le cas de la Bourgogne. Tant que les ducs affichent une politique ambitieuse à la mesure de leur puissance, ils attirent à eux une forte proportion de Grecs103. Après la disparition de Charles le Téméraire en 1477 et l’amoindrissement de la puissance ducale sous Marie (1477-1482) et son fils Philippe le Beau (1482-1506), les flux se redirigent vers la France et l’Angleterre. Cette dernière attire différemment selon la situation politique interne du pays et le royaume attire moins à l’époque de la folie de Henry VI (1422-1461) ou de la guerre des Deux-Roses (1456-1485). Un regain d’intérêt semble accompagner le règne de Henry VIII (1509-1547), avec notamment la présence de stradiotes utiles au souverain dans ses guerres avec la France. Cette dernière est également une terre plus ou moins accueillante en fonction de sa situation interne. Après un début de xve siècle prometteur – avec notamment la visite impériale de Manuel II Paléologue – le royaume, en crise aiguë à partir de 1415, n’attire plus guère les Grecs. Ce n’est qu’avec la victoire de Charles VII, à partir des années 1450, qui coïncide avec la chute de Constantinople, que les flux s’intensifient. Les guerres d’Italie sont également favorables, le roi de France ayant notamment racheté les droits sur l’empire byzantin à André Paléologue104. Par la suite, le niveau de présence des Grecs reste stable tout au long du siècle suivant105.
Typologie
40Il existe donc des variables selon les zones concernées et les événements croisés. Toutefois une typologie permettra d’esquisser une tendance générale et de différencier par exemple, si possible, les phases où les réfugiés priment sur les marchands avant de laisser la place aux Grecs de la seconde génération.
1400-1450 : Faible présence. Marchands et diplomates
41Durant un premier demi-siècle, le faible nombre de la présence grecque ne doit pas laisser croire à son insignifiance. L’Angleterre et la France – à l’exception d’un long intermède entre 1415 et 1450 – sont les destinations principales choisies par ces Grecs qui se classent principalement dans deux groupes : celui marchands, très constant, surtout en Angleterre ; celui des diplomates byzantins dont l’activité, généralisée à tout l’Occident, ne cesse d’entretenir l’espoir d’un sauvetage in extremis de leur empire. La Bourgogne, au fur et à mesure que s’affirment sa puissance et son indépendance de fait vis-à-vis de la France et de l’Empire germanique, prend le relais de la France comme destination privilégiée des diplomates106.
1440-1480 : réfugiés et marchands
42Les premiers réfugiés font leur apparition quelque temps avant que Constantinople ne tombe. Ces personnes sont poussées sur les routes d’Occident par un souci économique et une volonté de recomposition sociale, à l’instar du médecin Thomas Francos, présent en Angleterre dès 1436. Dès lors que la capitale impériale et ses derniers reliquats tombent, débute une importante période de migrations, les réfugiés cherchant asile d’abord en Italie puis, lorsque les perspectives espérées ne se concrétisent pas, le reste de l’Europe.
43Ce mouvement reste vivace jusque dans les années 1480. Parallèlement à ce mouvement, les sources deviennent plus révélatrices de l’organisation et des activités économiques de marchands grecs, présents en nombre surtout en Angleterre et dont les connexions occupent un vaste spectre, de la mer du Nord et l’ouest du monde germanique jusqu’aux rives orientales de la Méditerranée. C’est l’époque de l’affirmation de l’entreprise des frères Effomatos, dont les ramifications semblent être très étendues107.
1460-1530 : Implantations. Carrières administratives et militaires/Installations dans le temps
44Passé le temps des premiers contacts avec des réfugiés grecs, l’époque qui suit se caractérise par une baisse des migrations et une multiplication des sources évoquant des personnages récurrents, indice d’une phase de présence plus pérenne et d’installations de certains Grecs. Cette époque voit l’évolution de la carrière et de la vie de Georges Bissipat en France, l’implantation des familles Effomatos ou Greke en Angleterre. Au début du siècle suivant apparaissent les stradiotes, militaires au service des rois de France et d’Angleterre et dont l’implantation dure longtemps. Leurs services se concluent souvent par des lettres de naturalité108.
1500-1570 : le temps des secondes générations
45Vient enfin le temps des secondes générations. Ces personnages existent dès la seconde moitié du xve siècle, mais c’est à l’orée du siècle suivant que leur nombre et leur rôle croissent, de telle manière qu’il devient difficile de déterminer avec exactitude si un Grec rencontré dans une source n’est pas issu d’une famille déjà présente en Occident depuis un certain temps. Désormais seules les lettres de naturalité autorisent encore une distinction relativement assurée – encore que ces Grecs puissent appartenir à des secondes générations venues d’autres pays d’Occident. Néanmoins, ces Grecs nés dans le pays prennent une place plus importante dans les sources. Cette situation est révélatrice avec le cas, débordant légèrement de nos bornes chronologiques, du célèbre Drague de Comnène un gentilhomme ancien ambassadeur en Espagne pour le compte d’Henri III en 1575, opposé à Henri IV lors des guerres de celui-ci contre la Ligue au début des années 1590. Ce personnage revendique être issu d’une lignée arrivée en France un siècle et demi plus tôt, lors de la chute de Constantinople. Son identité grecque, qui devrait s’être diluée dans d’autres alliances matrimoniales, le poursuit et fait dire au roi de France, dont un des capitaines René de Bouillé, gouverneur de Périgueux, s’était imposé contre une ruse de Drague à La Ferté-Bernard109 : « Le Manceau a donc été plus fin que le Grec110. » Ce commentaire implique une tradition selon laquelle les Grecs disposent d’une grande expérience dans le domaine militaire. Ce cas est également révélateur d’une époque où les secondes générations deviennent des acteurs et des promoteurs d’une mémoire grecque de leurs familles respectives.
Activités
46Les Grecs ne restent pas inactifs. Leurs grandes mobilités, qui seront abordées au chapitre suivant, impliquent la volonté de ces personnes d’accomplir des choses une fois parvenus en Occident. Leurs ambitions sont facilitées ou non par les contraintes de la vie en Europe occidentale.
Les Grecs, détenteurs d’un savoir-faire convoité
47Lorsque le séjour en Occident vient à durer, la question se pose rapidement de ne plus dépendre économiquement du bon vouloir du prince et d’exercer des compétences acquises par l’apprentissage d’un métier ou par la tenue d’un rang social. Il est ainsi possible d’observer des Grecs dans l’exercice d’un métier, dans des conditions très diverses, allant du service du prince à l’exploitation d’un commerce à Paris ou à Londres. Les Grecs ont fréquemment des emplois très spécialisés et des compétences précises qui correspondent à des branches d’activités en plein développement en Occident. Tel est le cas des soldats, tout particulièrement des archers ou des marins, qui occupent des postes dans les armées occidentales dès le milieu du xve siècle : des marins peuplent les galères du duc de Bourgogne dans les années 1440, alors que celui-ci affiche la volonté de mener une croisade111 ; soixante ans plus tard, les armées anglaises et françaises se dotent de compagnies de stradiotes, des cavaliers-archers légers dont la composition est très fréquemment grecque – et albanaise – à l’instar de la compagnie grecque menée par Thomas d’Argos décrite par Nicandre de Corcyre lors de son passage en Angleterre en 1546112. Cette spécialisation permet également une forte valeur ajoutée sur leurs entreprises. Le monopole du commerce du fil d’or, obtenu par Andronic Effomatos en 1445 favorise à n’en pas douter la fortune de l’entreprise familiale113. La renommée des médecins Démétrios de Cerno, Thomas Francos ou Serapion en Angleterre et en Écosse font que leur attachement à un prince est l’objet d’une grande concurrence entre les pouvoirs souverains et facilite la constitution de biens patrimoniaux conséquents. Même un faussaire tel que Michel Dishypatos parvient entre 1415 et 1417, grâce à des présupposés faisant des Grecs des médecins occultes, à obtenir la faveur des puissants114. De même, les armées de Charles VIII et de Louis XII s’assurent rapidement du concours de compagnies de stradiotes en raison de leur grande habileté dans le combat d’escarmouches. Philippe de Commynes se fait d’ailleurs l’écho de cet intérêt :
Encores jusques icy n’est point comencé la guerre de nostre costé ; mais le maréchal de Gyé manda au Roy comme il eut passé ces montaignes et comme il envoya quarante chevaulx courre devant l’ost des ennemys pour sçavoir des nouvelles, qui furent bien ramenez des estradiotz ; et tuèrent ung gentilhomme appelle Le Beuf et luy coupèrent la teste, qu’ilz pendirent à la banerolle d’une lance, et la portèrent a leur providadour pour en avoir ung ducat. Stradiotz sont gens comme genetaires, vestuz a pied et a cheval comme les Turcs, sauf la teste, ou ilz ne portent ceste toille qu’ilz appellent tolibam, et sont dures gens et couchent dehors tout l’an et leurs chevaulx. Ilz estoient tous Grecs, tous venus des places que les Vénitiens y ont, les ungs de Napples, de Romanie, en Morée, aultres d’Albanye, devers Duras ; et sont leurs chevaulx bons et tous chevaulx turcs. Les Veniciens s’en servent fort et s’i fient. Je les avoys tous veus descendre a Venise et faire leur monstre en une ysle ou est l’abbaye de Sainct Nycolas, et estoient bien quinze cens. Ilz sont vaillans hommes et qui fort travaillent un ost115.
Métiers. Une typologie
48Il est toujours difficile d’essayer de déterminer avec précision les domaines d’activité d’un groupe humain en raison du caractère aléatoire et partiel de la constitution des sources. Les Grecs ne dérogent pas à la règle même si, tout de même, 53 % des sources – soit 453 cas – prennent en compte un métier ou un domaine d’action privilégié. En l’état du corpus documentaire, il nous faudra faire avec et tirer quelques observations néanmoins utiles à notre propos.
Culture et sciences
49La thèse des apports culturels des Grecs à la culture humaniste occidentale à partir du xve siècle est un domaine d’études largement quadrillé par l’historiographie. Depuis les travaux des premiers historiens de la question byzantine, qu’il s’agisse de Martin Crusius ou bien de Charles du Fresne du Cange, la tâche de compiler les textes et de faire sortir de l’oubli certains Byzantins a mis en avant le lien culturel des Grecs avec l’humanisme italien116. Même au xixe siècle l’intérêt scientifique pour les derniers siècles byzantins s’accompagne d’études sur l’essor de l’humanisme italien et la dette de celui-ci envers le renouveau culturel des derniers siècles byzantins117. Les études ont également souvent pris le caractère de biographies consacrées aux grands noms de l’humanisme grec. Mais ces monographies ont forcément le défaut inhérent à ce genre littéraire : les récits proposés restent cantonnés en des exposés de cas grecs particuliers et isolés. D’autres domaines sont également pris en compte par l’historiographie qui s’attache à envisager l’apport plus spécifique de réfugiés dans le débat culturel de l’époque, qu’il s’agisse des Grecs unionistes d’Italie étudiés par Claudine Delacroix-Besnier ou bien ou bien des médecins byzantins de Jonathan Harris118.
50Néanmoins, la pratique des humanités et leur emploi en tant qu’activité principale de certains Grecs sont restés dans l’angle mort de l’historiographie. Il faut insister sur le fait que la transmission d’éléments culturels – textes, pensées, connaissances scientifiques, etc. – constitue une monnaie d’échange très pratique : certains Grecs qui parviennent à obtenir des avantages divers, comme des postes d’enseignants dans les prestigieuses universités italiennes, en font un usage réfléchi. Les premiers érudits grecs à franchir le pas et s’installer quelque temps en Italie, sont attachés aux principaux États de la péninsule et délivrent pour eux un enseignement : Démétrios Cydonès enseigne à Milan en 1354, tandis que Manuel Chrysoloras, lui, est professeur à Florence entre 1397 et 1400 puis à Milan jusqu’en 1403. Ce phénomène se poursuit tout au long de notre période. La péninsule est bien évidemment le terrain le plus propice à ces carrières : des professeurs comme Démétrios Chalcocondylès à Padoue en 1463 puis Florence en 1478 et enfin Milan en 1492 ; des érudits gravitant dans l’entourage de Bessarion comme Georges de Trébizonde, Théodore Gazès ou Jean Argyropoulos. Quelques Grecs trouvent des opportunités au-delà des Alpes. Georges Hermonymos de Sparte, protégé de Bessarion, est chargé d’une mission diplomatique confiée par le pape et aborde à Paris en 1475 avant de parvenir à Londres l’année suivante et de contribuer à la libération de l’archevêque de Cantorbéry George Neville. De retour sur le continent après quelques déboires judiciaires, Hermonymos s’implante à Paris où il exerce le métier de professeur de grec119. Ce statut est d’ailleurs peut-être surévalué si l’on considère le jugement – un peu sévère – d’un de ses plus célèbres élèves, Guillaume Budé :
Il y a vingt-six ans […] j’ai rencontré un certain Grec déjà vieux, ou plutôt c’est lui qui m’a découvert, et j’ai été rançonné par lui sans merci. Je ne saurais dire tout ce qu’il me fit souffrir en m’enseignant chaque jour le contraire de ce qu’il m’avait appris la veille. Cependant, je dois convenir qu’il m’enseigna à bien lire le grec et à bien le prononcer […]. Au commencement je l’avais pris pour un très savant homme, et lui entretenait mon erreur et savait m’éblouir en feuilletant son Homère sous mes yeux et en me citant les auteurs les plus célèbres. Je le laissais faire, persuadé qu’il ne m’enseignait si peu de chose à la fois qu’afin de faire durer ses leçons plus longtemps. N’ayant plus de leçons à me donner, il me poursuivit pour me faire acheter des livres ou me vendre ses copies, que je ne savais pas marchander […]120.
51Hermonymos n’en est pas moins un humaniste faisant de son savoir une profession. Sans que les cours dispensés ou les copies vendues se révèlent très lucratifs pour lui – il meurt dans un relatif dénuement vers 1510, son enseignement marque un jalon majeur dans l’histoire de l’apprentissage du grec en Europe du Nord-Ouest. Georges est de plus un cas significatif d’un humaniste socialement inséré dans le tissu social français, présent de façon définitive dans le royaume.
52Janus Laskaris, quant à lui, occupe une autre place dans le système politique français. Ayant dû fuir en Italie dès son enfance, Janus – de son vrai nom Johannes Rhyndaceus Laskaris – acquiert son éducation humaniste sous le patronage de Bessarion et de Démétrios Chalcocondylès, devenu son maître et protecteur. Parti pour Florence à la suite de son maître en 1472, il entre au service de Laurent le Magnifique et donne des cours de grec121. Déjà, Janus occupe une position favorisée par la pratique de son savoir humaniste, au service des Médicis, pour le compte desquels il effectue plusieurs missions diplomatiques122. À partir de 1492, Janus devient chef de la bibliothèque de Florence et édite plusieurs ouvrages grecs. Mais la venue de Charles VIII à Florence le 17 novembre 1494 offre au Grec de nouvelles perspectives de carrière : il suit le roi dans sa descente dans le Sud italien puis en France. Il devient professeur de la reine Anne de Bretagne et occupe une place et influence à la cour certaines123. Comme à Florence, Janus sait se forger une carrière en se fondant sur ses capacités intellectuelles et son expérience diplomatique. Son haut degré de connaissances le fait paraître dans une liste royale comme « docteur des pays de Grece124 », lecteur du roi, personnellement attaché à la personne de celui-ci, même s’il alterne par la suite les allers-retours avec l’Italie. Janus Laskaris et George Hermonymos représentent donc deux possibilités de carrières liées à l’Humanisme florissant en Italie, mais encore balbutiant en Europe du Nord-Ouest. Ils ne sont, bien sûr, pas les seuls cas observables – Andronic Kontoblakas, ami d’Hermonymos aurait également pu être évoqué – mais, à coup sûr, ils sont les plus exemplaires.
Culture militaire
53L’art et la pratique de la guerre forment le second pôle du domaine d’activité des Grecs en Occident. L’époque est à la guerre partout en Europe. À une guerre civile peut succéder une guerre extérieure, ou inversement. N’évoquons que le cas français où la fin progressive des hostilités avec l’Angleterre laisse place, après quelques révoltes internes – Praguerie en 1440 et Ligue du Bien Public en 1465, à la reprise du conflit avec la Bourgogne, puis, sous Charles VIII, aux Guerres d’Italie. Dans ce contexte, le recours aux armées nouvelles est un impératif. Les progrès fiscaux des États font que l’armée se perfectionne – emploi plus massif d’artillerie – et se professionnalise de plus en plus. Le recours à des compagnies de mercenaires, spécialisées dans une pratique spécifique de la guerre, mène, nous l’avons vu, à l’engagement de stradiotes grecs. Mais il faut insister sur l’importance de la pratique militaire dans l’établissement de carrières de certains Grecs.
54Les Grecs représentent une nouveauté martiale qui intéresse les Occidentaux. Nous avons déjà évoqué le cas de Théodore Karystinos, diplomate en mission en Bourgogne en 1442. Les mots d’Olivier de La Marche sont ici importants :
Et certes le chevalier ambassadeur estoit tenu l’un des adroits archers, à leur manière, qui fust en toute Grèce : et, pour appreuve, je le vei courir à cheval, et en courant bander son arc et mettre sa barbe en sa bouche, pour doute de la corde, et tirer derrière luy plusieurs flèches : qui estoit chose moult nouvelle, à la façon de pardeça125.
55Trois éléments émanent de ce passage : le Grec est un cavalier hors pair ; il est un archer redoutable ; la chose est nouvelle au-delà des Alpes. Les militaires grecs représentent l’agilité, l’expertise et la nouveauté. Il n’est pas étonnant de trouver 55 cas de militaires parmi les Grecs référencés. Se les attacher constitue un atout non négligeable. Sur mer, les marines des principales puissances se dotent de personnels compétents : au début des années 1440, les galères du duc de Bourgogne s’étoffent de marins dont l’expérience ne semble pas être mise en doute126 ; Georges Bissipat lui-même effectue sa brillante carrière comme corsaire au service de Louis XI. Sur terre, les compétences grecques s’illustrent dans plusieurs domaines. Les compagnies de stradiotes servent au harcèlement de l’ennemi, dans des combats d’escarmouches, rapides, tels celui que relate Nicandre de Corcyre, au sein du groupe dirigé par Thomas Buas d’Argos127. Employées surtout au xvie siècle, ces unités semblent très efficaces puisqu’elles suscitent l’admiration de certains chroniqueurs comme Philippe de Commynes. Les registres de François Ier notent même la présence de Grecs dans les compagnies de ses généraux : Dimitri Daugreca est archer d’ordonnance dans la compagnie du Grand Maître ; Thomas de Thoe appartient au duc de Guise ; Jean de Corregon est sous les ordres du grand écuyer de France ; Dyomedes appartient au comte de Tende128. Le siècle précédent avait vu également des soldats servir des maîtres occidentaux mais nous observons plus volontiers ces hommes dans des situations d’escortes de prestige des princes. George le Grec (1) est ainsi archer de corps du duc de Bourgogne qu’il suit dans ses déplacements. Il reçoit à cet effet de l’argent et des fournitures qui doivent lui permettre de se vêtir et de faire honneur au duc dont il assure la protection129.
56Le métier des armes constitue une carrière d’avenir dans des royaumes tels que l’Angleterre et la France. Les compagnies de soldats étrangers, dont des Grecs, peuvent s’illustrer au combat, que ce soit glorieusement avec la compagnie de Thomas Buas d’Argos, ou en défrayant la chronique. En effet, la correspondance diplomatique du duc de Milan fait état d’une affaire intéressante à ce sujet et rapportée par l’ambassadeur Giovanni Pietro Panigarola. Alors que l’armée bourguignonne stationne à Lausanne, début mai 1476, une rixe éclate entre des soldats italiens et des corps de mercenaires anglais, picards et surtout grecs. L’ambassadeur évoque une femme comme cause de l’affrontement qui cause tout de même sept à huit morts et des destructions matérielles130. Ces compagnies, étrangères les unes par rapport aux autres, fonctionnent avec un esprit de corps très fort qui pousse parfois à l’affrontement avec d’autres compagnies. C’est du moins ce que l’on peut tirer de l’esprit très uni de la compagnie de Thomas Buas. Ce sont donc des troupes parfois turbulentes, mais ô combien nécessaires, notamment dans un contexte de maintien de l’ordre, parfois face à des révoltes dont les armées non conventionnelles préfèrent la technique de la guérilla aux combats directs131.
57Un cas particulier est celui de la marine qui devient au xve siècle une nécessité politique importante pour la France et la Bourgogne, vitale pour l’Angleterre. Devenu corsaire sous contrat avec Louis XI – peut-être l’était-il déjà lorsqu’il était en Angleterre – Georges Bissipat développe autour de lui une entreprise navale dont le fonds de commerce se compose de rapines et de prises à l’encontre des navires ennemis du roi. De même, d’autres corsaires grecs comme Nicolas Famileti semblent être sous son commandement132 Sous son nom de guerre Giorgio Greco, le marin grec se trouve impliqué dans un imbroglio diplomatique entre la France et Venise en octobre 1485. Celle-ci se plaint au roi Charles VIII qu’un certain Zorzi greco, pirate écumant l’Atlantique pour le compte de la France, a arraisonné des navires vénitiens, en violation des accords conclus avec le roi. L’affaire met du temps à se résoudre, le marin grec et le souverain mettant visiblement beaucoup de mauvaise volonté à rendre les marchandises prises133. Ce cas montre que le métier des armes suscite de belles opportunités d’enrichissements pour certains Grecs.
Marchandise et commerce
58Ensemble numériquement le plus dense (138 cas) mais aux contours les plus flous, les marchands grecs sont présents à divers niveaux, du grand marchand de type international jusqu’aux commerçants tenant boutique dans une localité donnée. Ces négociants sont les premiers grecs présents dans les territoires concernés. En effet, lorsque Manuel II Paléologue arrive en Angleterre à l’hiver 1401, il trouve à Londres des entrepreneurs déjà bien installés et très actifs, dont les connexions avec le monde égéen sont établies et favorisent la transmission des informations. Ainsi, une source anglaise se trompe en liant le retour précipité de l’empereur chez lui, à une nouvelle transmise par ces mêmes marchands134. Si l’information est fausse, cet exemple témoigne pourtant d’une habitude de transmissions des nouvelles par les marchands, caractéristique d’une assise solide de la marchandise grecque.
59Quelle est la nature des produits commercés par les Grecs ? Tout d’abord, ce sont des marchandises extérieures aux régions concernées en Occident : épices, safran, parfums, tissus précieux (soie, satin, tissu de Damas), fil d’or, étain, oiseaux de proie, esclaves, produits inhérents à la pratique de la médecine. Ces biens ont tous en commun une provenance orientale réelle ou supposée. Dans des sociétés occidentales qui se structurent, d’où émergent des élites avec de nouveaux moyens et de nouveaux appétits de luxe, les marchands de biens à forte valeur ajoutée – dont les Grecs – ont eu accès depuis longtemps aux marchés occidentaux135. Il n’est pas étonnant de voir dans Londres se développer des boutiques fournissant des biens venus de loin. Le goût anglais pour le vin doux est particulièrement significatif : les vins d’Espagne et les vins sucrés venus de Méditerranée orientale deviennent au xve siècle les éléments indispensables à la tenue d’une bonne table. Andronic Effomatos à Londres et Dymutre/Démétrios de Rhodes à Rouen l’ont bien compris136. Les princes et leurs cours sont toujours plus consommateurs de denrées rares et lointaines, ils ont sans cesse davantage besoin de ces grands marchands. Un certain Antoine Loscart est marchand grossier à Bruges et fournit régulièrement la table du duc en épices comme lors du Banquet du Faisan le 17 février 1454137. Presque un siècle plus tard, François Ier, en chasseur réputé, consomme une grande quantité d’oiseaux de proie pour ces grands moments aristocratiques au point de recourir pour se fournir aux veneurs grecs. Ceux-ci, très réputés, fournissent la cour de façon très régulière et certaines familles comme les Deustereno détiennent un quasi-monopole de fait durant les années 1530. Alexandre Deustereno est actif en 1528 et 1529 avec ses associés et vend régulièrement des oiseaux pour des sommes atteignant et dépassant parfois les 200 livres138. Dix ans plus tard, Marin et Jean Deustereno – ses fils ? – occupent la même place privilégiée, les sommes perçues du roi dépassant désormais régulièrement les 200 livres, jusqu’à 3 750 et 2 574 livres en janvier 1539 et octobre 1540 pour des arrivages exceptionnels et grassement récompensés139.
60Les Deustereno, tout comme les Effomatos, sont de grands marchands grecs, grands voyageurs et grands importateurs/exportateurs de biens exotiques, installés solidement dans un port d’attache plus ou moins fixe. Ce sont les plus visibles des négociants pour la période concernée. La pratique de la vénerie induit l’importance d’une grande stabilité dans les échanges avec une cour. En leur sein se développent de véritables marchés dont les parts sont chèrement acquises. La décennie durant laquelle les Deustereno et leurs associés s’imposent voit l’affermissement de leur statut d’intermédiaires privilégiés entre une cour avide d’oiseaux de qualité et des fournisseurs qui envoient fréquemment leurs marchandises dans un port italien, le plus souvent Venise140. Ce système d’intermédiaires s’adapte très bien aussi au cas des frères Effomatos, détenteurs de l’importation et la vente de fil d’or et de tissu de Damas. Le nombre des arrivées de ces négociants en Europe occidentale semble régulier. À Londres, les registres de taxation du port laissent apparaître une série de marchands grecs qui accusent réception de marchandises arrivées par bateau. Parmi eux, Andronic Effomatos fait figure de gros importateur : entre mars 1449 et octobre 1450, le marchand constantinopolitain reçoit huit livraisons141. Il n’est bien sûr pas l’unique marchand de ce type142. Avec d’autres, ils forment la strate supérieure du commerce grec.
61Leurs activités sont liées à celles d’autres professionnels économiques : artisans, boutiquiers mais aussi marins. La marine marchande grecque apparaît bien dans nos sources. Ainsi Jehan Greke est le capitaine de six hommes et d’une barge nommée Urce qui est réquisitionnée le 1er mars 1445 par le pouvoir royal afin de servir de convoi de Mantes jusqu’à Rouen pour la princesse Marguerite d’Anjou fiancée au duc d’York143. Rien n’indique qu’il soit lié au monde des marchands mais la nature de son navire invite plutôt à l’envisager comme un bateau de transport de marchandises que comme un bâtiment conçu pour la guerre de course. Ce Jehan ne semble pas atteindre le niveau marchand d’un Alexis Effomatos mais plutôt appartenir à un monde intermédiaire de marchands plus modestes, itinérants ou bien fixés à un lieu donné, tenant boutique ou s’adonnant au commerce local avec un outil – ici un navire – personnel. Sur la terre ferme, des artisans grecs peuplent les rues des villes, même s’ils sont peu visibles. La possession ou la location d’un local permet d’écouler au détail des marchandises obtenues de grands marchands vus plus haut. Il est intéressant de noter qu’Alexis Effomatos apparaît à trois reprises dans les Subsidies Rolls entre août 1456 et août 1457, à des endroits différents, acquittant trois fois de la taxe incombant aux étrangers propriétaires d’un bien144. Or, concomitamment à ces taxes acquittées, nous trouvons systématiquement des Grecs qui payent la redevance des non-propriétaires à l’instar de ce Jeronimus Grace que nous avons déjà rencontrés. Notre hypothèse est qu’il s’agit de marchands venus écouler une cargaison dans des locaux appartenant à Alexis Effomatos ou bien à son frère. Ce système semble assez pérenne puisqu’il est de nouveau observable pour l’année 1464145. De même, des associations de Grecs liés aux commerces émergent et permettent une diversification opportune des activités. En 1443, Thomas Frank/Francos est déjà un médecin bien installé au service du cardinal Beaufort et bénéficiaire des revenus de l’église de Brightowell près de Salisbury. Or en mai, il est mentionné dans les Subsidies Rolls comme propriétaire d’une maison à Broadstreet où apparaît un associé nommé Michael Greke. Ce partenariat, ajouté en marge du document, comme s’il avait été oublié et accolé au dernier moment, semble établir que Michael est physiquement présent dans le lieu puisqu’un de ces serviteurs, Jacobus, est mentionné également. De plus, dans la même liste, un autre Michael Greke, locataire quant à lui, peut laisser penser que l’entreprise possède des employés146. Moins compliquée mais tout aussi intéressante est la situation du couple Des Grecs qui, un siècle plus tard et en France, obtient d’importants privilèges qui favorisent un commerce tenu à Paris, sur une place près de la boucherie de Beauvais : il s’agit d’une exemption partielle de charges puis de la jouissance d’étals neufs pour une rente modérée, laissant probablement deviner leur activité de bouchers147.
62Que pouvaient bien vendre ces boutiquiers et ces artisans ? Il est difficile de le savoir. Néanmoins, l’écoulement de stocks obtenus du grand commerce semble être le principal attrait de ces établissements : les médecins Démétrios de Cerno en 1424 et Thomas Francos vingt ans plus tard, se livrent à un second métier d’apothicaire, très lucratif148 ; le marchand Antoine Losschaert/Loscart semble s’être spécialisé dans les épices qu’il fournit à la cour bourguignonne ; Démétrios Paléologue (3), interprète et officier de François Ier, est également marchand de draps et fournit tout le linge de table et les parfums nécessaires à un banquet tenu en 1549 en l’honneur de la Dauphine Catherine de Médicis149. Mais, hormis ces quelques cas, peu d’informations subsistent. Une exception de taille persiste toutefois avec le métier des tisserands. Il s’agit ici d’un ensemble de métiers liés à la confection du textile et à son commerce. Il représente une part très conséquente de nos données, d’autant plus important que l’on peut en connaître plusieurs types d’activités : les grands importateurs et exportateurs de tissus et de fil d’or que sont les Effomatos ; les petits artisans fabricants comme Jacques Cathacalo, venu avec un groupe d’Italiens pour établir un pôle de production à Tours en 1480, sur invitation de Louis XI150. Ce Grec possède la capacité de fabriquer du fil d’or, tandis que Peter de Mylan – ou Demellan – est brodeur de son état, suffisamment réputé pour compter Thomas Cromwell parmi ses clients151. En mai 1571, nous trouvons Stephen de Grace, bonnetier depuis trente-trois ans, bien installé à Londres avec sa femme Mary et relativement aisé152. L’Angleterre est un endroit propice à la fondation d’une entreprise pérenne de tissus. La réussite des frères Effomatos – du clan Effomatos si l’on considère les dépendants qui semblent leur être attachés – profite de cette position stratégique. Détenteur de monopoles sur l’importation et la vente de fil d’or et de tissu de Damas, Andronic Effomatos possède vraisemblablement plusieurs points de vente dans Londres. De plus, il se fait généralement exportateur de tissu anglais, laine grossière bon marché153. Andronic Effomatos ou Manuel Sybianos revendent leurs achats à Venise, confirmant l’existence d’une structure commerciale dense154.
Services
63Le dernier ensemble de métiers dans lequel s’épanouissent les Grecs est celui du service des puissants. Les Grecs se mettent au service d’un ensemble politique, s’intégrant dans sa hiérarchie et contribuant à son fonctionnement. Nous évoquons ici la situation de 67 cas grecs qui exercent une fonction de service, de façon permanente ou non, intermittente ou continue. L’ensemble des cas concernés est constitué de personnes déjà accomplies dans leurs corps respectifs de métiers. Ainsi Michel de Trébizonde, lorsqu’il se retrouve au service du duc de Bourgogne après 1461, avait déjà accompli une solide carrière de conseiller du dernier empereur de Trébizonde, David II Comnène (14581461)155. Comme pour les professionnels de la guerre ou des humanités, personne n’apparaît en état d’apprentissage d’un métier, à la différence des marchands. Un diplomate tel que Francopoulos Servopoulos passe aisément du service du despote Démétrios Paléologue à celui du pape. Une fois son maître passé dans le camp ottoman, Francopoulos est le mandataire pontifical en France et en Angleterre pour la promotion d’une croisade antiturque156.
64Quelles catégories de services les Grecs peuvent-ils offrir à leurs nouveaux maîtres ? La diplomatie représente un domaine de premier ordre pour les différentes constructions étatiques en Europe occidentale. Certains Grecs se spécialisent en ce sens. D’anciens diplomates tels que Francopoulos ont su trouver de nouveaux maîtres. D’autres savent se reconvertir en intermédiaires diplomatiques lors d’événements précis : Thomas Francos est présent et atteste de la venue à Paris d’un autre diplomate grec Manuel Agallon en 1454157 ; en 1486, Georges Bissipat apparaît dans un document autorisant l’entrée dans le royaume de France à une ambassade ottomane menée par Husseyn Bey, apparemment cousin du Grec158. Bien qu’il n’existe pas de fonction pérenne de diplomate spécialisé dans les questions d’Orient, il est toutefois très intéressant de noter qu’entre 1451 et le milieu des années 1550 au moins, la cour de France compte en son sein au moins un Grec – ou bien un fils de Grec – disposant d’une certaine influence : Thomas Francos de 1451 à 1456 ; son fils Guillaume est présent au cours des années 1460 ; Georges Bissipat et son fils Guillaume secondent Louis XI puis Charles VIII et Louis XII de 1472 à 1512 ; Janus Laskaris est lecteur du roi dans les années 1510 ; Démétrios Paléologue (3) enfin sert François Ier au moins de 1533 à 1560. Ces personnages jouent ainsi le rôle de consultants pour les questions qui touchent aux affaires grecques et ottomanes, même si la fonction reste très informelle. Un second ensemble est constitué de Grecs qui parviennent à occuper des postes administratifs dont les plus prestigieux semblent échoir à des conseillers auparavant haut placés dans une précédente administration : Michel de Trébizonde était serviteur du dernier empereur de Trébizonde avant de passer au service du duc de Bourgogne ; Démétrios Paléologue (3), serviteur du roi de France, entretient des contacts très utiles avec les autorités ottomanes lors de l’ambassade du baron de saint Blancard, ce qui implique que le Grec pouvait être issu du réseau diplomatique de la Porte. Nous comptons même des Grecs parmi les serviteurs les plus modestes du prince : George le Grec (1), archer de corps du duc, est par exemple chargé de dans tous ses déplacements. De modestes informateurs comme Isaac Paléologue et son fils Alexis sont régulièrement payés par le pouvoir bourguignon et semblent occuper des fonctions certes officieuses mais réelles dans l’appareil de renseignement de la diplomatie bourguignonne.
65Le service des princes souverains n’est pas l’unique domaine possible de s’illustrer : toute une domesticité semble également présente et concerne les Grecs les plus modestes. Du cuisinier au médecin de famille aristocratique, l’éventail semble très large. Ainsi, la duchesse de Kent Lucia Visconti teste le 11 avril 1424 et fait bénéficier de ses largesses deux de ses serviteurs grecs : un cuisinier Démétrios, et le médecin Démétrios de Cerno que nous avons déjà rencontrés159. Les Subsidies Rolls font également apparaître tout un monde de la domesticité160. Des Grecs apparaissent dans la capitale anglaise dans les bagages de personnages italiens de haut rang : en 1568, John Semeno sert Cosimo Graffye, ambassadeur d’Espagne161. Certains employeurs peuvent même être de riches compatriotes : la famille Effomatos emploie un certain Peter, suffisamment important dans la structure familiale pour être mentionné dans un document royal délivré au bénéfice des frères162 ; un Jacobus est au service de Michael Greke, associé de Thomas Francos163. D’autres exercent des activités de service plus originales : Matheus Grekus semble exercer l’activité de portier en 1483164 ; Peter Gracyan, avant d’être considéré comme un marchand à part entière à partir de 1466 est jusqu’ici noté comme factor, c’est-à-dire messager, probablement au service d’une compagnie marchande165. Servir un plus puissant que soi constitue un pôle d’activités attractif pour des Grecs le plus souvent en quête de recomposition sociale, prêts à toutes sortes de métiers, qu’ils soient temporaires ou non, pour tirer son épingle du jeu.
Précarité, inactivité, mendicité
66Les Grecs ne sont pas tous actifs, d’autres peinent davantage et subissent les aléas des événements induits par la condition de migrants qui leur est imposée. Certains parviennent à trouver – ou retrouver – une situation sociale et professionnelle suffisante. Le cas de Georges Bissipat, contraint de migrer et de retrouver une condition dépendant de la faveur du prince, implique un rapport de dépendance économique d’un groupe, ici grec, à l’égard d’une personne ou d’une collectivité. Il concerne tous les Grecs confrontés à l’incertitude du lendemain. D’un point de vue quantitatif, ces dons, représentent une part très conséquente de nos sources, soit 36 % de l’ensemble. De nombreux Grecs sont contraints de mendier afin de pallier un déficit temporaire d’activités rémunérées, de supporter pour un temps un déclassement et enfin de tenter de sauver ce qui reste d’un réseau familial souvent mis à mal.
67Il faut cependant distinguer cette mendicité forcée et temporaire de l’inactivité plus longue, fondée notamment sur l’impossibilité de trouver sa place ou bien sur la volonté de vivre aux dépens d’une cour princière. Le premier cas est le plus aisément observable, le second beaucoup moins. Cependant, cette dépendance économique tend parfois à devenir endémique, sur des périodes plus ou moins longues. Les registres des comptes des princes annotent parfois, à côté des sommes dépensées, la raison du don, assavoir pour « aidier a vivre et entretenir166 ». Il faut différencier ces dons ponctuels des rentes annuelles qui peuvent être décernées à certains Grecs : dans ce cas, la pension est souvent la contrepartie d’une fonction ou d’un métier et ne rentre pas directement en ligne de compte ici167. L’entretien ponctuel peut devenir une ressource importante sinon exclusive – mais les sources complémentaires manquent à ce sujet – pour des Grecs dont le rythme de vie itinérant est gourmand économiquement. Paul de Vlachia en 1424 reçoit quelques fonds du duc de Bourgogne puis des communes de Bruges et d’Amiens avant d’obtenir une véritable rente du roi d’Angleterre168. Constantin Scholarios, entre 1467 et 1473, semble vivre de dons ponctuels obtenus du duc de Bourgogne, du roi de France ou bien de communes comme Maastricht169. Vivre ainsi d’expédients devient pour certains Grecs un mode de vie plus ou moins pérenne. Le même Scholarios, pourtant fils d’un important dignitaire trébizontin, ne semble jamais occuper un poste, même informel, au sein de la cour bourguignonne, à l’inverse de Michel de Trébizonde à la même époque, conseiller et chambellan du duc170. Démétrios Cruceface/Chrysaphès reçoit le même type de don de la part du roi de France et du duc de Bourgogne respectivement en 1457 et en 1467. Nous ne savons s’il est resté dans ces deux espaces politiques entretemps ; néanmoins, sa situation ne s’est vraisemblablement pas améliorée en une décennie171.
68De l’inactivité et la vie dépendante à la fraude et la vie aux dépens des personnes dont on tire ses revenus, il n’y a qu’un pas. La marginalité n’est pas ici l’objectif de notre propos pour le moment. Il importe d’observer comment par l’inactivité et la non-pratique d’un métier il est possible pour certains Grecs de subsister, voire d’occuper une place, provisoire, au sein d’une société. L’exemple le plus frappant est celui de Michel Dishypatos que nous avons évoqué plus haut172. Sa supposée connaissance de la médecine semble l’attacher au service d’un baron savoyard, Jean Lageret. Pourtant, ce sont des pratiques plus douteuses de sorcellerie et magie qui constituent rapidement son fonds de commerce. Michel vit aux dépens de Lageret et du duc de Savoie dont il tire plusieurs revenus : en septembre 1416, il est noté que Magistro Michaeli de Discipatis alias Gasuola de Costantinopoli medico habitatori chamberiaci dono facto per dominum exigentibus serviciis reçoit 20 florins173. Ses services sont plus que douteux. Cette rapacité le mène à sa perte mais lui assure pendant un temps un niveau de vie convenable. Ce monde, qui est bien sûr loin d’être l’apanage des seuls Grecs, constitue également un cadre de vie possible pour certains d’entre eux qui ne parviennent pas à se conformer aux normes de sociétés dont il a été montré que la marginalité n’était de fait pas aussi clivant qu’il pourrait paraître174.
69Il existe donc bien des situations où il est impossible de déterminer si un Grec est dans un état de dépendance ou simplement en transition vers une condition plus stable. L’inactivité et parfois la marginalité d’un Michael Dishypatos, loin de constituer une opposition radicale et claire par rapport à un Georges Bissipat ou bien un Démétrios Paléologue (3), forment plutôt, à notre sens, un éventail de possibilités, de tranches de vie qui peuvent succéder ou bien précéder d’autres périodes plus actives, plus pérennes. Elles font intrinsèquement partie de l’ensemble des possibilités humaines et donc, partant, des options grecques en Occident.
70L’étude d’ensemble des Grecs en Europe du Nord-Ouest nécessitait bien un état des lieux des personnages que notre étude abordera sous divers aspects. Envisager une telle quantité de documents aussi divers, évoquant autant de personnages grecs disséminés dans le temps et dans l’espace, ne peut se réaliser sans une tentative, aussi modeste soit-elle, de considérer ces groupes de façon globale et d’essayer d’en tirer quelques enseignements généraux même si des différences sont déjà apparues. Le processus que nous nous proposons de suivre implique de se placer du point de vue des sources disponibles : quels sont les outils à la disposition des auteurs de ces documents, permettant une ébauche de classification ? En premier lieu, l’identification par le nom, le sexe ou l’âge, principales préoccupations de nos sociétés, ne semblent donc pas revêtir la même importance. Les activités grecques – surtout les métiers – forment le second ressort de l’identification, utiles pour ces sources, mais également pour nous.
71Bien sûr, le décryptage des techniques d’identification par les sources, passe par un second pôle, un nouvel aspect des identités grecques : ces migrants se différencient souvent des sociétés hôtes par leurs mobilités que nous devons désormais aborder.
Notes de bas de page
1Sur la population grecque en Italie au moment de la chute de Constantinople, voir notamment Heleni Porfyriou, « La diaspora greca in Italia dopo la caduta di Costantinopoli : Ancona, Napoli, Livorno e Genova », dans Maria Francesca Tiepolo, Eurigio Tonetti (dir.), I Greci a Venezia. Atti del convegno internazionale di studio (Venezia, 5-7 novembre 1998), Venise, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti, 2002, p. 151-184.
2Robert Browning, « Some Early Greek Visitors to England », dans Essays in Honour of Basil Laourdas, Thessalonique, 1975, p. 387-395. Voir également, sur les liens entre Londres et les ports italiens, Jonathan Harris, Heleni Porfyriou, « The Greek Diaspora », art. cité.
3Yves Lacaze, « Politique méditerranéenne et projets de croisade chez Philippe le Bon », Annales de Bourgogne, 41, 1969 ; Jacques Paviot, Les ducs de Bourgogne, la croisade et l’Orient, op. cit.
4Gilliodts Van Severen, Inventaires des archives de la ville de Bruges. Section première – inventaire des chartres, op. cit. Sur les liens de Bruges avec la croisade, voir Émile Van den Bussche, Une question d’Orient au Moyen Âge, op. cit., p. 28.
5Voir par exemple Ernest Théodore Hamy, « Un médecin grec à la cour de Charles VII. Thomas de Coron, dit le Franc », dans Bulletin de la Société française d’histoire de la médecine, 7, 1908, p. 193-205.
6La base de données « England’s Immigrant 1330-1550 », construite par l’University of London, répertorie depuis janvier 2015 les étrangers présents à Londres et dans ses abords. Or, elle ne mentionne qu’une cinquantaine de Grecs quand nous avons pu en identifier au total 160. En effet les critères de sélection sont trop restrictifs, voire fallacieux : les Écossais, Français Allemands et Italiens – compris dans un sens très large pour ces deux derniers – sont bien plus représentés, dépassant largement les milliers d’individus chacun. Voir tableau 5. Sur les chiffres fournis par le site internet, voir Mark Ormrod, Bart Lambert, Jonathan Mackman, Immigrant England, 1300-1550, Manchester, Manchester University Press, 2018. Les auteurs fournissent un compte a minima des nationalités recensées parmi lesquelles nous trouvons essentiellement des Irish (785 cas), des Scots (1 067 cas), des French (2 198 cas) des Dutch (914 cas) et les autres (142 cas) dont font partie les Grecs. Ibid., p. 80-81.
7Heleni Porfyriou, « La diaspora greca in Italia dopo la caduta di Costantinopoli », art. cité.
8Ces personnes n’ont d’ailleurs pas vocation à être présentées comme grecques. Ainsi, lorsque Francesco Filelfo évoque avec son ami Démétrios Castrenus le départ de Georges Glykys pour la France, rien n’est écrit à propos d’éventuels compagnons de route. Répertoire prosopographique, no 128. Il en va de même pour le jeune Jean Gavras, envoyé à Thomas Francos. Répertoire prosopographique, no 120. Cependant, il est difficile de concevoir qu’un protecteur tel que Filelfo ait pu laisser partir un jeune homme comme Gavras, sans expérience, sur des routes peu sures, à la rencontre de personnes dont il ne connaît pas nécessairement les pratiques et la langue.
9BnF ms. fr. 16216, fol. 47-49r, 75v et 76r.
10Le groupe mené par Alexis, « conte de Salubria » est particulièrement évocateur. Quatre personnes sont mentionnées explicitement : Alexis, George Doukas Armenes, Antoine higoumène de « Sainte Marie de Sagitane » et Andronic Trichas Spandounès. La répartition des dons établit Alexis comme le chef du groupe mais rien ne circonscrit le groupe à quatre individus : des proches ou des dépendants (comme des clercs attachés au monastère de Sainte Marie) peuvent fort bien être présents. Dès lors, les importantes sommes délivrées (120 livres pour Alexis, 36 livres pour Georges Doukas Armenes, 23 pour l’abbé Antoine) servent certainement à l’entretien de ces dépendants. ADN B 2020, fol. 346r.
11Répertoire prosopographique, no 99, 111 et 221.
12Nicolas Tarchaneiotès est accompagné d’Alexandre Kananos mais aussi d’un Démétrios Paléologue Palenio qui apparaît à Paris en 1459 et à Compiègne en 1461. De plus, l’affaire du vol qui oppose ce groupe à un autre grec, Michel Mamonas, montre que toutes ces personnes ont effectué la route ensemble. Répertoire prosopographique, no 191, 229, 258 et 303.
13Dans ce groupe, on note la présence de Georges Doukas Armenes et d’Andronic Trichas Spandounès, mentionnés tous les deux – et eux seuls – dans la correspondance de Filelfo puisqu’ils reviennent alors de France. Les autres membres du groupe peuvent avoir suivi le même chemin, sans être mentionné par l’humaniste florentin. Répertoire prosopographique, no 9 et 297.
14Le doute est d’ailleurs permis sur quelques cas qui pourraient être rapprochés de ceux que nous avons déjà évoqués (Tarchaneiotès, Eparchos ou Selymbria). Il est impossible, pour l’heure, de raisonner davantage sur ce point.
15Nous parvenons ainsi à dégager 337 cas de Grecs groupés ce qui représente près de 40 % du total des mentions.
16BnF ms. fr. 32511, fol. 175r. Les mêmes types de cas sont observables dans les autres espaces concernés. L’archer garde du corps du duc de Bourgogne Philippe le Bon, sur lequel nous reviendrons fréquemment, se nomme George le Grec (1). Répertoire prosopographique, no 149. Parmi les quelques documents inédits que nous avons pu exhumer, deux dons sont accordés à Phrangoulios Serbopoulos, ambassadeur du pape, « greke » de son état ; PRO E 404/71/1, fol. 31r ; PRO E 404/71/3, fol. 52r.
17Grégoire Tifernas, Michel Alligheri de Trébizonde, plusieurs Rhodiens portant un patronyme occidentalisé, sont autant d’exemples qui invitent à la modération quant aux conclusions trop hâtives. Ces personnes fournissent néanmoins des cas très intéressants des cadres mentaux de compréhension des sociétés occidentales sur ces questions.
18Nous aurons à cœur de montrer dans le prochain chapitre que ces origines géographiques sont variées. Toutefois, il ne faudra pas oublier que ces références n’impliquent pas systématiquement que tel ou tel sujet soit bien grec, la région égéenne étant à l’époque le cadre de vie de populations non grecques, essentiellement d’origine latine : Vénitiens, Génois, Francs, chevaliers de Saint-Jean à Rhodes, Catalans en Attique, etc. Michel Balard, Les Latins en Orient (xie-xve siècle), Paris, Nouvelle Clio, 2006.
19AN JJ263/1, cote 24.
20En effet, l’orthographe parfois extravagante des patronymes rend impossible une bonne compréhension et, partant, l’attribution à un groupe ethnique identifié. De même, si certains prénoms spécifiques tels qu’Andronic, Nicéphore, Théodore ou Constantin apparaissent comme grecs, d’autres comme Manuel, Nicolas ou Alexis sont moins fiables. Le premier est notamment un prénom utilisé au Portugal dont certains ressortissants peuplent les quartiers de Londres et la cour de Bourgogne à la même époque.
21BnF ms. fr. 32511, fol. 209v et 296r.
22264 cas peuvent être raisonnablement associés à l’aristocratie. Parmi ces mentions, 75 sont chevaliers, 5 écuyers et seulement 2 ecclésiastiques. Un doute peut subsister puisque la plupart des ecclésiastiques n’affichent pas de condition sociale particulière.
23Alexis conte de Salubria, Michel Lascaris (5) conte palatin, Nicolas Tarchaneiotès, conte de Constantinoble, Georges Théophile « fils du conte de Frescante », Paul « conte et prince de Valachie des parties de Grèce », Nicolas Agallon « conte palatin », Helena Laskarina comtesse de Sarinall en Grèce, Démétrios Paléologue Palenio « conte et chevalier », Jean Staurakios, « conte palatin », Répertoire prosopographique, no 2, 203, 217, 258, 286, 299, 303, 306 et 317.
24Quelques exemples parmi d’autres. Alexandre Hassexue/Asanès est « neveu » (parent ?) de l’empereur ; un Démétrios de Constantinople (2) prétend avoir été « trésorier de feu l’empereur » ; Démétrios Koumousès était « jadis escuier de l’empereur » ; Répertoire prosopographique, no 12, 64 et 202.
25La liste serait trop longue à exposer ici. Nous souhaitons évoquer quelques cas où le terme de messire est employé. Ce titre est avant tout une marque de politesse, mais elle confère à son détenteur une dignité supérieure à n’importe quel impétrant qui en serait dépourvu : un Manuel Paléologue (4) est ainsi qualifié, tout comme Jehan Rogaris, Constantin Scholarios, Jérôme Sophianos ou François de Traversaris. Répertoire prosopographique, no 265, 283, 286, 295 et 309. Cependant, ce terme nous éclaire peu sur la réalité sociale de ces individus qui sont tous inconnus du Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit.
26Ces exceptions sont des aristocrates de haut rang présents en Morée ou dans l’empire de Trébizonde, qui n’ont pas eu à subir le triste sort des Constantinopolitains : Constantin Scholarios, fils d’un haut fonctionnaire de l’empereur, vient de Trébizonde ; Phrangoulios Serbopoulos, serviteur de Démétrios Paléologue vient de Morée. Répertoire prosopographique, no 286 et 294. De même, certains membres de la famille impériale forment une génération ultérieure, née ou élevée en Occident, dont les meilleurs représentants sont André Paléologue et son frère Manuel, fils du despote Thomas. Répertoire prosopographique, no 254 et 266.
27Nous pensons bien sûr à Anna Notaras qui est capable de capter l’héritage paternel investi dans les banques vénitiennes pour s’assurer un rang social qui ne dépend du bon vouloir d’aucune autorité occidentale. Thierry Ganchou, « Le rachat des Notaras après la chute de Constantinople ou les relations “étrangères” de l’élite byzantine au xve siècle », dans Michel Balard, Alain Ducelier (dir.), Migrations et diasporas méditerranéennes (xe siècle-xvie siècle), Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 149-229.
28Thierry Ganchou, « Héléna Notara Gateliousaina d’Ainos et le Sankt Peterburg Bibl.Publ. gr. 243 », Revue des études byzantines, 56/1, 1998, p. 141-168.
29Quatorze cas d’ecclésiastiques sont recensés.
30ADN B 2045, fol. 271v-272r.
31ADN B 2045, fol. 263r.
32ADN B 2045, fol. 269v et fol. 274v.
33BnF ms. fr. 32511, fol. 191v, fol. 192r et 192v.
34Anne-Marie Thiesse, La création des identités nationales. Europe, xviiie-xxe siècle, Paris, Seuil (Poche), 2001.
35Fernand Braudel, L’identité de la France, Paris, Flammarion, 2000 [éd. orig. 1986].
36Pierre Monnet, « Nation et nations au Moyen Âge », art. cité, p. 33.
37Il s’agit de l’idée, soutenue malgré les périodes de tensions, que l’Empire byzantin forme la continuité de l’Empire romain par le biais de Constantin le Grand, et dont font partie, bon an mal an, les Latins. Élisabeth Malamut, « De l’empire des Romains à la nation des Hellènes. Évolution identitaire des Byzantins de la fin du xie au xve siècle », dans Nation et nations au Moyen Âge, op. cit., p. 165-167. Voir également sur l’identité byzantine l’ouvrage ancien mais important d’Hélène Ahrweiler, L’idéologie politique de l’empire byzantin, Paris, Publication universitaires de France (SUP-l’historien), 1975. Voir supra, p. 20-25.
38Michel Kaplan, « Empire et nations à Byzance du ve au xie siècle », dans Nation et nations au Moyen Âge, op. cit., p. 151-163 ; Isabelle Augé, « Les Arméniens à Constantinople », dans Élisabeth Malamut, Mohamed Ouerfelli (dir.), Villes méditerranéennes au Moyen Âge, Aix-Marseille, Presses universitaires de Provence, 2014, p. 243-253243-253.
39Voir supra, p. 52.
40Gill Page, Being Byzantine. Greek Identity before the Ottomans, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 20-21.
41Parmi ces chroniqueurs, Nicétas Choniatès (1155-1217) est le chroniqueur le plus important. Écrivant à une époque de vives tensions avec les Latins d’une part (Normands en 1185, Vénitiens en 1183, Francs croisés en 1204) et leurs voisins traditionnels d’autre part (Serbes, Bulgares et Turcs qui profitent de la faiblesse de l’empire pour conquérir certaines territoires), Nicétas développe des thématiques fortes qui, selon lui, forment le cœur de l’identité byzantine : le pouvoir politique impérial, la religion chrétienne, une ethnicité grecque et un rejet des autres dans l’altérité. Ibid., p. 72-93. Sur la prise de Thessalonique par les Normands et le récit qu’en donne Eustathe de Thessalonique, voir Élisabeth Malamut, « La prise de Thessalonique par les Normands en 1185 : le récit de l’événement par un contemporain », dans Claude Carozzi et Huguette Taviani-Carozzi (dir.), Faire l’événement au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2007, p. 85-103.
42Marie-Hélène Blanchet, « Gill Page, Being Byzantine. Greek Identity before the Ottomans », compte-rendu, Revue des études byzantines, 68, 2010, p. 274-276.
43Élisabeth Malamut, « De l’empire des Romains à la nation des Hellènes », art. cité, p. 168.
44Ibid., p. 176.
45PRO C 76/127, fol. 10r.
46PRO C 66/520, pergamena 7.
47Francisci Philelfi, Epistolarum, liber primus, éd. par Johannes Amerbach, Bâle, p. 432.
48Voir sur la question du compte et du classement des individus, mais dans un contexte différent : Paul Schor, Compter et classer. Histoire des recensements américains, Paris, EHESS (En temps et lieux), 2009.
49Isabelle Guyot-Bachy, « Le lexique de la “nation” dans l’historiographie royale française (xiie-xive siècle) », dans Nation et nations au Moyen Âge, op. cit., p. 93-106.
50Ibid., p. 96.
51Benoît Grévin, « Les stéréotypes “nationaux”. Usages rhétoriques et systèmes de pensée dans l’Europe du xiiie siècle », dans Nation et nations au Moyen Âge, op. cit., p. 137-148.
52Ibid., p. 143.
53Adam of Usk, The Chronicle Adam Usk, 1377-1421, éd. par C. Given-Wilson, Oxford, Oxford University Press, 1997, p. 118-120.
54Selon Camille Rouxpetel, la barbe, associée avec la couleur de peau noire et le port du turban, constitue un des attributs majeurs permettant d’identifier à coup sûr un « Oriental », du moins un chrétien d’Orient. Dès le début du xiiie siècle, selon Willebrand d’Oldenbourg et d’autres auteurs comme Jacques de Vitry, son sort est associé aux Arméniens, aux Grecs et aux Sarrasins. Camille Rouxpetel, L’Occident au miroir de l’Orient chrétien, op. cit., p. 171. L’historienne
met néanmoins en garde contre la tentation d’attribuer un caractère trop ethnique à ces qualificatifs, la barbe étant particulièrement associée aux moines orientaux et renvoyant davantage à l’idée de sainteté. Ibid., p. 173. Nous souscrivons également au constat que la barbe évoque davantage l’incarnation symbolique des polémiques entre chrétiens d’Occident et d’Orient qu’une réelle marque d’étonnement. Ibid., p. 176. Ces attributs (barbe, peau noire et turban) constituent la base de l’élaboration d’une culture de l’altérité sur laquelle nous reviendrons dans le prochain chapitre. Ibid., p. 263.
55Benoît Grévin, « Les stéréotypes “nationaux” », art. cité, p. 146-147.
56Évoquons simplement la ruse de Drague de Comnène, même après plusieurs générations, la témérité du corsaire Georges Bissipat et des stradiotes, l’art de l’éloquence de Manuel II Paléologue, Janus Laskaris ou plus simplement les multiples diplomates de fortune que compte la période concernée.
57Albanais, Bulgares, peut-être Serbes peuvent parfois avoir été classés dans ce groupe large des Grecs. En effet, quid de Démétrios de Larta, George de Cipro, Johannes de Sophia ? PRO E 122/203/3, fol. 19r ; PRO E 122/203/3, fol. 16r et v.
58ADN B 2064, fol. 297.
59ADN B 2064, fol. 336.
60Sur la fixation des règles orthographiques du français, voir Bernard Cerquiglini, La genèse de l’orthographe française (xiie-xviie siècle), Paris, Honoré Champion, 2004.
61Tout le registre des National Archives PRO E 122/73 comptabilise les entrées de marchandises étrangères dans le port de Londres, indiquant également les taxes payées par chaque marchand importateur. Parmi plusieurs noms grecs, il est possible de retrouver Andronic Effomatos, riche marchand de fil d’or dont nous reparlerons fréquemment dans cette étude.
62Georges est en 1475 nommé Vispact ; BnF ms. fr. P. orig. de Bissipat 2/AN Mémorial P, juin 1475. Guillaume son fils apparaît comme Bissixac en 1508 lorsqu’il prête hommage à l’évêque de Beauvais. Mélanges Troussures, II, 370. Hélène sa fille apparaît comme « demoiselle Helaine de Bissixac fille et héritière dudit Bissixas » lorsqu’elle prête également hommage au même évêque en 1522. Mélanges Troussures, I, 212.
63Le 24 octobre 1460, Georges reçoit dix livres en don du roi d’Angleterre ; PRO E 404/71/5, fol. 22r. Cet autre patronyme semble être également passé à la postérité parallèlement à celui de Bissipat : en effet, en 1499, alors que Georges est décédé depuis trois ans, Jean Vauquelin, l’un de ses lieutenants, fait inscrire sur sa propre épitaphe son attachement à « Georgio Paleologo ». Bulletin de la Société historique et archéologique de l’Orne, 1923/01 (T42, no 1), p. 190.
64BnF ms. fr. 32511, fol. 209v. D’autres cas apparaissent, notamment en France. Toujours à Paris, Constantin Scholarios de Trébizonde n’est plus en juin 1472 que « Constantin chevalier fils du grand-duc de Trapezonde » ; BnF ms. fr. 32511, fol. 313r. De même doit-on établir avec le patronyme de Thomas Eparchos un lien avec le titre aulique homonyme ? Borthwick Institute of Historical research, York, reg. 20, f. 167v-168.
65Certains Grecs apparaissent même uniquement sous le nom de leur titre aulique. Le 27 février 1457 se présente à Bruxelles un « chambellan de feu ledit empereur de Constentinoble ». ADN B 2026, fol. 328. Deux ans plus tard, il s’agit du « chancelier de l’Empereur de Constantinople » qui apparaît (peut-être de Phrangoulios Serbopoulos). ADN B 2034, fol. 172.
66En 1454 apparaissent successivement dans les archives bourguignonnes cinq puis huit gentilshommes de Constantinople. ADN B 2017, fol. 238v ; ADN B 2017, fol. 267r. En 1455, ce sont « trois chevaliers de Grece » qui se présentent à la cour ducale. ADN B 2020, fol. 351v, tandis que, trois ans plus tard, « un chevalier de Constantinople » est noté à Tournai puis en Angleterre (peut-être s’agit-il du même personnage). Extraits analytiques des anciens registres des consaux de la ville de Tournai, éd. par A. de la Grange, Mémoires de la Société historique et littéraire de Tournai, t. XXIII, Tournai, 1893 : années 1431-1476, 246 ; Letters and Papers Illustrative of the Wars of the English in France during the Reign of Henry VI, éd. par Stevenson, Rolls Series, dans Rerum Britannicarum Medii Aevi Scriptores, 22/1, 1861, p. 368.
67BnF ms. fr. 32511, fol. 296r.
68Edith Brayer, Paul Lemerle, Vitallien Laurent, « Le Vaticanus latinus 4789 : histoire et alliances des Cantacuzènes aux xive-xve siècles », Revue des études byzantines, 9, 1951, p. 47-105.
69ACC CC 21. Notons que le PLP ne les recense pas.
70Voir infra, p. 346.
71Sur l’ensemble du corpus, il est possible de recenser 127 cas de Grecs ne portant aucun nom tandis que 50 autres présentent un dérivé de l’adjectif « grec », pris alors comme un substantif.
72E. F. Jacob (éd.), The Register of Henry Chichele, vol. 2, op. cit., p. 281. Testament : « Lucia de Vicecomitibus comitassa Kancie et domina de Wake », Lincoln, 11 avril 1424, fol. 372v.
73ADN B 2008, fol. 313v ; ADN B 2008, fol. 337v ; ADN B 2017, fol. 225r.
74Un des premiers cas à apparaître en Angleterre est celui de James de Greke, cobeler, en affaire avec des drapiers anglais, et qui, le 28 mars 1448 se voit retirer tous ses biens par décision de justice, pour cause de dettes. Calendar of close rolls, vol. 5, p. 52.
75Dans un premier temps, le 26 avril 1459, un Walter Greke obtient après procès l’héritage conjoint du Henton Maner de Thomas Freman of Haddenham dans l’île d’Ely. Calendar of Close Rolls, VI, 390. Le 7 juin 1483, après trois années de procédures judiciaires contre Richard Bere,
John Greke (2), fils de Walter, obtient l’héritage de sa grand-mère Margaret Collan qui consiste dans le manoir de Tregeboun en Cornwall ; PRO C 1/62/306, 307 et 308.
76Le 28 janvier 1577, Thomas Greeke, Baron of the Queen Majesty’Exchequer of Saint Botolph without Aldersgate, teste. Le 15 août 1579, sa veuve Jane de Greke, résidant à Aldersgate, teste également. PROB 11/59/611 ; PROB 11/61/413.
77Ainsi Johannus Alexii et Andronicus Maugas vus plus haut reçoivent en 1457 de l’argent « par ce qu’ils ont perdu tout ce qu’ils avoient a la prise de Constantinople et pour payer la rancon de leurs femmes et enfans prisonniers des turcs » ; BnF ms. fr. 32511, fol. 190r.
78PRO C 1/1507/31. Voir la transcription dans le Dossier documentaire, no 4. Répertoire prosopographique, no 204.
79A. W. Pollard et G. R. Redgrave, A Short-Title Catalogue of books printed in England, Scotland and Ireland, and of English books printed abroad, 1475-1640, 2e éd. révisée, éd. par W. A. Jackson, F. A. Ferguson et K. F. Panter, Londres 1976, vol. 2, no 14077, 129 et 130. Dans ce catalogue, Élisabeth – également appelée Hélène – est mentionnée dans deux sources, confirmant l’autorisation dudit archevêque de Cantorbéry. Sorti des oubliettes des National Archives, ce texte a été récemment référencé sur le site des archives mais Élisabeth est présentée comme Lascarma ce qui a, selon nous empêché d’établir une corrélation avec les autres mentions concernant Lascarina. Répertoire prosopographique, no 203.
80AN JJ 254 no 297, fol. 57. On notera toutefois que Marguerite se marie sur le tard avec Pierre Bonin, valet de chambre du roi puis, en 1581, avec Marc-Antoine de Bassy, écuyer d’écurie du roi. Rien n’interdit donc que Marguerite ait pu être accompagnée par des parents avant son arrivée dans le royaume – probablement dans les bagages de Catherine de Médicis. Répertoire prosopographique, no 225.
81AN, Acquits du l’épargne, J 960 no 52 ; AN, Acquits du l’épargne J 960 no 26.
82Sur ce couple, voir notamment Voir Jonathan Harris, « La comunità greca e i suoi avamposti nell’europa settentrionale », dans Maria Francesca Tiepolo, Eurigio Tonetti (dir.), I Greci a Venezia, op. cit., p. 185-194.
83BnF ms. fr. 5127, fol. 25.
84Plusieurs grecques apparaissent ainsi à Paris dans les registres de naturalité au bénéfice de leurs enfants : Diane, mère de Georges Giguet en septembre 1527 ; Catherine, mère de Denis Chevrier en juin 1533 ; une anonyme mère d’Antoine Cressin en octobre 1564. AN, Trésor des chartes, JJ 243 no 355, fol. 104v ; BnF ms. fr. 22237, fol. 3v ; Lettres de Catherine de Médicis, éd. par M. le comte Baguenault de Puchesse, t. 10, supplément 1537-1587, Paris, Imprimerie nationale, 1909, p. 144.
85On note dans notre corpus l’apparition de quelques femmes dans les Subsidies Rolls anglais autour des années 1440 d’une Alicia Grace, appartenant peut-être à la famille des Greke dont il sera question au cours de cette étude ; PRO E 179/144/42. Ce cas suggère logiquement que des femmes grecques ont pu être présentes en Europe d Nord-Ouest, mais le manque de sources est ici trop important pour affirmer quoi que ce soit.
86Émile Legrand, Cent dix lettres grecques de François Filelfe, op. cit., p. 73, no 37.
87Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790 (Dijon), éd. par L. de Gouvenain et P. Vallée, III, Dijon, 1892, p. 13. Voir notamment Jonathan Harris, « A Worthless Prince ? Andreas Palaeologus in Rome – 1464-1502 », OCP, 61, 1995, p. 539-540.
88« Ghegheven twee grieken ende een edelen man van Constantinoble, eenen postulaet, valet xxvij s. gr. », Gilliodts Van Severen, Inventaires des archives de la ville de Bruges, op. cit., C. 14611462, fol. 55, no 8.
89Jean Cabaret d’Orronville, Chronique du bon duc Loys de bourbon, chap. 86, dans Jean Buchon, Choix de chroniques et mémoires sur l’histoire de France, vol. 8, Paris, 1843, p. 269-270.
90Adam of Usk, The Chronicle Adam Usk, op. cit., p. 119-121.
91Olivier de La Marche, Mémoires, dans Collection complète des mémoires relatifs à l’Histoire de France, IX, Paris, 1825, p. 320-321.
92Voir Börge Knös, Un ambassadeur de l’hellénisme. Janus Lascaris, Stockholm/Paris, 1945.
93Jean Flori, L’essor de la chevalerie, xie-xiie siècle, Genève, Droz, 1986.
94ADN B 2040, fol. 231v. Il s’agit peut-être de Jean Asan Zaccaria (mort en 1469) (PLP, no 6490), fils illégitime du prince d’Achaïe Centurione II Zaccaria (mort en 1432), dont la sœur Catherine a épousé le despote Thomas Paléologue. Jean est présent en Italie à cette époque (Naples en 1456, Gênes en 1459, Rome en 1464-1469). Aucune incursion au nord des Alpes n’a été notée pour ce personnage. Néanmoins, un détour par Bruxelles en 1461 est une possibilité très réaliste.
95ADN 2064, fol. 245v. Un an plus tard, en 1457, deux autres escuyers apparaissent, Johannus Alexii et Andronicus Maugas. En 1459, est noté un Michel Lascaris « escuyer conte palatin natif de Constantinople » ; BnF ms. fr. 32511, fol. 190r et fol. 208v.
96BnF ms. fr. 32511, fol. 184r. On notera que l’humaniste grec Théodore Gaza (Gazès) a un frère qui se nomme Georges (PLP, no 3447) et qui est contemporain de ce Georgius Gazy.
97Voir le Dossier documentaire, no 1.
98En juin 1533 apparaît Denis Chevrier, né de mère grecque de Rhodes et écolier à Bourges ; BnF ms. fr. 22237, fol. 3v. Georges Giguet, né de mère grecque, est étudiant à Orléans en juin 1537. AN JJ 243 no 355, fol. 104v. En 1542, Edward Castelyn, fils de William Castelyn et de Angeletta Vlachio de Chio, est également enfant. William Page (éd.), Letters of Denization and Acts of Naturalization for Aliens in England, 1509-1603, Lymington, 1893, p. 43. Enfin, à Pâques 1567, Richard Bye fait son apparition, encore enfant, né en Grèce, d’un père anglais mais toujours considéré comme grec, au point d’être recensé comme tel. Richard Edward Gent, Ernest Kirk, Returns of Aliens in the City and Suburbs of London 1523-1571, vol. 10, part I, Londres, 1900, p. 341. Tous ces Grecs de seconde génération reçoivent des lettres de naturalité.
99BnF ms. fr. 32511, fol. 184r. Sur Argyropoulos, voir Thierry Ganchou, « Iôannès Argyropoulos, Géôrgios Trapézountios et le patron crétois Géôrgios Maurikas », Thesaurismata, 36, 2008, p. 105-211.
100BnF ms. fr. 15882, fol. 84r.
101Voir tableau 2.
1021490, 1492, 1493, 1495, 1497, 1500, 1503, 1504, 1514, 1517 et 1519.
103Entre 1440 et 1475, 211 cas sont évoqués pour la Bourgogne, soit 96 % du total bourguignon.
104BnF ms. fr. 15526, fol. 165-168.
105Voir tableau 2.
106Nous passons ainsi de la grande entreprise de Manuel II en 1400-1403 à celle de Théodore Karystinos en 1442 et 1453.
107Infra.
108Vingt ans de service pour Jean de Corregon, à l’issue desquels le soldat obtient des lettres de naturalité. Il en va de même pour Dyomedes, Thomas de Thoe et Dimitre Daugreca. AN JJ 243 no 441, fol. 132v ; AN J 962 no 95 ; AN JJ 2531 no 285, fol. 101 ; AN JJ 247 no 33, fol. 23v.
109L’histoire de la ruse du Grec se situe lors du siège de la cité de La Ferté-Bernard, place forte aux mains des Guise. Alors qu’un groupe de femmes parvint à s’échapper de la ville, des galants du camp royal s’avancèrent pour les séduire. Devant ce spectacle, du haut des remparts, Drague de Comnène eut l’idée d’un stratagème. Le lendemain, il envoya un groupe de soldats déguisés en femme afin de procéder à la même action. Les galants se présentèrent de nouveau et furent surpris par la ruse. Mais le capitaine René de Bouillé, ayant repéré le stratagème avant les autres, à la tête de 100 hommes d’armes, parvint à repousser l’offensive. Cité dans M. L. Charles, « Le château de La Ferté-Bernard », Bulletin monumental, publié sous les auspices de la Société française pour la conservation et la description des monuments historiques, éd. par M. de Caumont, 1847, p. 511.
110Répertoire prosopographique, no 59.
111ADN B 1979, no 58707, no 58711, 58713, 58719, 58720 et 58723.
112Nicandre de Corcyre, Le Voyage d’Occident, op. cit., p. 170.
113Répertoire prosopographique, no 105.
114Même si dans ce cas précis, l’affaire ne se clôt pas idéalement pour Michel Dishypatos, arrêté et menacé du bûcher par les autorités du duc de Savoie.
115Philippe de Commynes, Mémoires, Paris, Le Livre de poche, 2001, p. 586.
116Martin Crusius, Historia politica Constantinopoleos, op. cit. Charles du Fresne du Cange, Historia Byzantin Duplici commentario illustrata, Paris, 1680. Même au xixe siècle l’intérêt scientifique pour les derniers siècles byzantins s’accompagne d’études sur l’essor de l’humanisme italien et les dettes de celui-ci envers le renouveau culturel des derniers siècles byzantins. Cela aboutit notamment à de grandes publications de textes grecs, comme Émile Legrand, Cent dix lettres grecques de François Filelfe, op. cit. Tout au long du siècle suivant, un double axe de recherche pousse à étudier l’apprentissage du grec dans tel ou tel royaume, par telle ou telle catégorie de population, depuis Georges Stephens, s’intéressant à l’apprentissage du grec en Angleterre à la fin du Moyen Âge jusqu’aux récents travaux de Pascal Boulhol, sur la réception de la langue grecque en France. Georges Stephens, The Knowledge of Greek in England in the Middle Ages, Philadelphie, 1933 ; Pascal Boulhol, « Grec langaige n’est pas doulz au françois ». Étude et enseignement du grec dans la France ancienne, Aix-Marseille, Presses universitaires de Provence, 2014.
117Sur la perception de l’Empire byzantin dans la culture anglaise, voir Robin Cormack, Elizabeth Jeffreys (dir.), Through the Looking Glass, op. cit.
118Claudine Delacroix-Besnier : « Les Grecs unionistes réfugiés en Italie et leur influence culturelle », dans Migrations et diasporas méditerranéennes op. cit., p. 59-73 ; Jonathan Harris, « Byzantine Medecine and Medical Practioners in the West : the Case of Michael Dishypatos », Revue des études byzantines, 54, 1996, p. 201-221.
119Maria Kalatzi, Georgios Hermonymos, op. cit.
120Omnia opera Gulielmi Budoei, t. 1, p. 362.
121Parmi ses élèves, on notera la présence de Marc Musurus.
122Entre 1489 et 1492, il mène une ambassade auprès de Bayezid II.
123Ainsi le poète français Salmon Macrin le salue du titre d’editum augusto auorum sanguine Caesarum. Salmonii Macrini Hymnorum libri sex, 1537, Paris, p. 79. Donné par Börge Knös, Un ambassadeur de l’hellénisme, op. cit.
124Jean Lefranc, Histoire du Collège de France, Paris, 1893, p. 392.
125Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., p. 321.
126Entre 1441 et 1443 sont soldés sur une même galère Georges et Manuel de Chio, Georges de Candie, mariniers, et Jean de Candie, Antoine de Rhodes et Jean de Constantinople (1), jussants. ADN B.1979, no 58707, no 58711, 58713, 58719, 58720 et 58723.
127Thomas Buas est issu d’une famille albanaise du Péloponnèse mentionnée dès 1454. Thomas est probablement fils de Nicolo Bua actif à Venise en juillet 1532. Cette unité semble très structurée et formée de cadres grecs régulièrement soldés par Henry VIII, tels les officiers Antonios Stesinos et Nicolas Crexia, chargés de convoyer 50 cavaliers intégrés aux troupes de Thomas Buas d’Argos. Letters and Papers Foreign and Domestic Henry VIII, vol. 21, no 90.
128Répertoire prosopographique, no 79, 87 et 308. Dans le cas de Dyomedes, il est intéressant de noter que son patron, le comte de Tende Claude de Savoie, descend de la famille des Laskaris-Vintimille qui revendique des origines grecques assez ténues. Peut-être existe-t-il des liens de réseaux toujours actifs avec des Grecs ?
129Outre un défraiement de 7 livres et 4 sous pour l’année 1451 et un solde de 80 livres deux ans plus tard, Georges obtient un cheval bai en septembre et se fait peut-être rhabiller de pied en cape par le duc. ADN B 2008, fol. 313v, 324r-v, 337v ; ADN B 2017, fol. 225r.
130Reproduit dans Calendar of State Papers and Manuscripts existing in the Archives and Collections of Milan, éd. par Allen B. Hinds, vol. 1, no 337, p. 227.
131Thomas Buas et ses hommes opèrent d’abord en Écosse puis au siège de Thérouanne, agissant en escarmouches, plus conformes à leurs techniques de combat.
132Michel Mollat, Histoire maritime de Normandie, Paris, Plon, 1952, p. 509. Nicolas est toujours corsaire après la mort de Georges Bissipat sous le nom de Nicolas le Grec. ADSM 1 B 57, fol. 28r, 249r-v et 250r. Peut-être agit-il comme une sorte de successeur naturel pour ses activités corsaires puisque Guillaume Bissipat, l’héritier de Georges, n’est pas un marin.
133British library, Add MS 48067, fol. 9r-12v. Voir également la correspondance de l’ambassadeur vénitienne Girolamo Zorzi, présenté à Paris à cette époque. La correspondance de Girolamo Zorzi, ambassadeur vénitien en France (1485-1488), éd. par Joël Blanchard, Giovanni Ciappelli et Mathieu Sherman, Genève, Librairie Droz, 2019.
134Thomas Walsingham, Annales Richardi Secundi et Henrici Quarti, Regum Angliae, 1302-1406, éd. par H. T. Riley, Londres (Rolls Series), 1866, 336.
135Nous songeons ici aux Syrii, marchands orientaux mentionnés dès le xiie siècle dans plusieurs cités d’Occident. Ceux-ci assurent le commerce lointain avec la Méditerranée orientale impossible d’accès aux marchands locaux.
136Andronic Effomatos importe ainsi en novembre 1446 14 barils de vin doux transportés sur un navire italien ; PRO E 122/203/3, fol. 13r, 14v et 16. Démétrios importe du vin d’Espagne avec d’autres produits comme du safran en novembre 1477. ADSM B VIC. Eau 1477-1478. Sur l’attrait du vin doux en Angleterre, voir Klaus-Peter Matschke, « Commerce, Trade, Markets and Money : Thirteenth-Fifteenth Centuries », dans Angeliki E. Laiou (dir.), The Economic History of Byzantium : From the Seventh throught the Fifteenth Century, Washington, Dumbarton Oaks, 2002, p. 798-799 ; Jonathan Harris, « More Malmsey, Your Grace ? The Export of Greek Wine to England in the Later Middle Ages », dans Leslie Brubaker, Kallirroe Linardou (dir.), Eat, Drink and be merry, Food and Wine in Byzantium, Londres, Ashgate Variorium/Society for the Promotion of Byzantines Studies, 2003, p. 249-254.
137ADN B 2017, fol. 32r.
138AN KK 93 et 100 p. 409-411.
139AN J 961(11) no 21 ; AN Original K 87 no 24 AN J 962(14) no 27 ; AN J 962(14) no 27.
140Notons que parmi les associés de Marin Deustereno figurent trois autres Grecs, Jean Nadal, Gaspard de Venise et Démétrios, tous originaires de la cité lagunaire. AN J 960 no 39.
141PRO E 122/73/23, fol. 5v, 16v, 33r, 36r, 40v ; E 122/73/25, fol. 9r, 16v et 35r.
142Pour la période 1446-1447, outre Andronic Effomatos pour deux chargements, un George de Nicosia ou de Cipro reçoit deux cargaisons tandis qu’un Adronico de Loro, un George de Contantinopole, Dimittre de Larta et peut-être un George de Romenia comptent chacun un seul chargement ; PRO E 122/203/3, fol. 12v, 13r, 14v, 16r, 19r. Vers la même époque, on note les activités à Bruges de la famille des Loscart/Losschaert/Laskaris, marchands d’épices de Bruges au milieu des années 1450. L’un de ces membres est même impliqué dans une histoire de naufrage d’un navire au large de Southampton qui contenait, entre autres, une cargaison appartenant à un John Loscart de Bruges. Calendar of the Patent Rolls, p. 432, membrane 20d.
143Donné dans André Joubert, « Le mariage de Henri VI et de Marguerite d’Anjou d’après les documents publiés en Angleterre », Revue historique et archéologique du Maine, 1883, p. 327.
144PRO E 179/235/58, fol. 1r ; E 179/144/72 ; E 179/236/74.
145PRO E 179/144/68 ; E 179/144/69.
146PRO E 179/144/53, fol. 15r.
147AN J 960 no 52 et no 26.
148Tellement lucrative que Démétrios Cerno sollicite des lettres de naturalité pour, l’espèret-il, payer moins de taxes liées aux importations de denrées rares et précieuses. Additional MS. In British Museum, 4604, art. 88.
149Ernest Cimber, Félix Danjou, Archives curieuses de l’histoire de France, 1re partie, t. 3, Paris, 1835, p. 420. L’inventaire des biens de la femme de Démétrios, Jehanne de Vitry, établi en octobre 1554, révèle que le Grec est également un fournisseur en vêtements de luxe pour les membres de la cour royale. AN MC/ET/XIX/305.
150Ordonnances des rois de France, vol. 20, p. 592-594.
151Letters and Papers, Foreign and Domestic, op. cit.,14, part 2, p. 343
152Richard Edward Gent, Ernest Kirk, Returns of Aliens, op. cit., vol. 10, p. 454.
153PRO E 122/73/12, fol. 33v. Il est en cela suivi par Manuel Sybyanos, exportateur de tissu et de l’étain vers Venise ; PRO E 122/73/12, fol. 33v.
154Jonathan Harris, « La comunità greca e i suoi avamposti nell’europa settentrionale », art. cité, p. 185-194.
155Jean Richard, Louis de Bologne, patriarche d’Antioche, et la politique bourguignonne envers les États de méditerranée orientale, Bâle, 1980, p. 63-69.
156ADN B 2034, fol. 172r ; Lettres de Louis XI, roi de France, publiées d’après les originaux pour la Société de l’histoire de France par Joseph Vaesen et Étienne Charavay, 10 vol. , 1883-1909, Paris, Librairie Renouard, vol. 5, p. 24 ; Letters and Papers Illustrative of the Wars, op. cit., vol. 1, 1861, p. 368.
157BnF ms. fr. 16216, fol. 75v-76r.
158Texte retranscrit par Nicolas Vatin, « La traduction d’une lettre de Charles VIII de France (1486) », Turcica, 15, p. 218-230. Nous reviendrons sur ce texte dans un chapitre ultérieur consacré aux réseaux d’influence entretenus par les Grecs.
159Répertoire prosopographique, no 49.
160Anthony Denys est serviteur de John Anteknap en 1483 ; PRO E 179/242/25, fol. 9v. Stephen de Grace est serviteur à Algate Ward en 1541. Richard Edward Gent, Ernest Kirk, Returns of Aliens, op. cit., vol. 10, p. 42. John Dimitter sert Nicolas Denallye en 1549. Richard Edward Gent, Ernest Kirk, Returns of Aliens, op. cit., vol. 10, p. 165.
161Répertoire prosopographique, no 290.
162PRO E 179/144/42, fol. 25.
163PRO E 179/144/53, fol. 15.
164PRO E 179/242/25, fol. 10.
165PRO E 179/173/133, fol. 1 ; PRO E 179/173/135.
166Ainsi Isaac Paléologue et son fils Alexis, bien en cour auprès de Philippe le Bon, sont régulièrement entretenus. ADN B 2040, fol. 249v. Des informations sur la situation en mer Égée peuvent avoir une sorte de contrepartie.
167Ainsi la pension annuelle ainsi que les dons ponctuels que reçoit Thomas Francos du roi de France à partir de 1451 sont avant tout l’effet d’une faveur et de la pratique de médecin personnel du souverain ; BnF ms. fr. 32511, fol. 141r, 155r, 163v et 165r.
168Gilliodts Van Severen, Inventaires des archives de la ville de Bruges. Section première – inventaire des chartres, op. cit., p. 492 ; C. Durand, Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790 (Amiens), IV, Amiens, 1901, p. 105, CC 20, fol. 70 ; Thomas Rymer, Foedera, op. cit., vol. 10, p. 374 ; Issues of the Exchequer, Issue Roll, Michaelmas, 6 Henry VI ; Nicholas Harris Nicolas, Proceedings and Ordinances of the Privy Council, t. 4, Londres, 1835, p. 216. Minutes of the Council, fol. 71.
169ADN B 2064, fol. 209v ; ADN B 2092, no 67111 ; ADN B 20157, no 155964 ; AGR CC 1924, fol. 209v ; AGR CC 1925, fol. 395v ; BnF ms. fr. 32511, fol. 313r.
170Le 28 décembre 1467, Michel voit confirmer sa position de conseiller et chambellan par le nouveau duc Charles, ainsi que tous ses biens qui semblent être conséquents et résulter du service du prince. ADN B 895, no 16 127.
171Répertoire prosopographique, no 54 et 83.
172Répertoire prosopographique, no 101.
173Archivio di stato, Turin, Sez. Camerale, Tesori di Savoia, reg. LXI. fol. 597.
174La littérature sur la marginalité a beaucoup évolué depuis les travaux fondateurs de Bronislaw Geremek, Les marginaux parisiens aux xive et xve siècles, trad. par Daniel Beauvois, Paris, Champs-Flammarion, 1991. Dans le sillage des travaux de sociologues aussi importants qu’Erving Goffman, Michel Foucault ou Howard Becker, de plus récentes études insistent sur la centralité et l’intégration de ces marginaux dans les mêmes sociétés qui auraient voulu les exclure. Voir notamment Giacomo Todeschini, Au pays des sans-nom. Gens de mauvaise vie, personnes suspectes ou ordinaires du Moyen Âge à l’époque moderne, trad. par Nathalie Caillius, Lagrasse, Verdier, 2015 ; Erving Goffman, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus, Paris, 1979, [éd. orig. 1961] ; Michel Foucault, « Les anormaux ». Cours donné au Collège de France (1974-1975), Paris, EHESS/Gallimard/Seuil, 1999 ; Howard Becker, Outsiders : Studies in the Sociology of Deviance, New York, The Free Press, 1963.
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