Introduction générale
p. 15-36
Texte intégral
1Le 25 avril 1424, une requête est adressée aux services de la chancellerie royale anglaise. Démétrios de Cerno en Thrace est un Grec, un médecin et apothicaire marié à une Anglaise. La demande a pour objet la condition d’extranéité dont Démétrios dit souffrir : il requiert l’octroi de lettres de naturalité qui concilieront un mode de vie anglais avec un statut d’étranger inconfortable selon lui1. Au printemps 1456, Jean Argyropoulos (1395-1487), écolâtre grec à la réputation bien établie en Grèce et en Italie, entreprend un voyage en France et en Angleterre. Un ami influent, l’humaniste florentin Francesco Filelfo (1398-1481), le recommande à un correspondant, un certain Thomas Francos, médecin personnel du roi Charles VII. Or, lorsqu’il arrive en France, Thomas vient de décéder et Jean se retrouve sans soutien. Il poursuit néanmoins son chemin, passe en Angleterre puis est de retour à Florence au début de l’année 14572. Dix ans plus tard, Constantin Scholarios entame un périple de six années à travers la Hollande, le Brabant, la Flandre, la Picardie et la région parisienne. Issu d’une prestigieuse lignée de fonctionnaires impériaux trébizontins, il fréquente les cours princières, chemine de cité en cité et perçoit quelques subsides qui lui permettent de suivre le duc de Bourgogne3. Jusqu’à son décès en 1544, un Crétois du nom de Peter Mylan exerce ses activités de marchand-brodeur aux abords de Londres. Son commerce semble florissant, il fournit l’aristocratie anglaise en dentelle et autres produits de valeur et compte même parmi ses clients le ministre d’Henry VIII Thomas Cromwell (1485-1540). Durant les dernières années de sa vie, Peter est un marchand prospère et bien inséré dans le tissu économique londonien, marié et socialement intégré au quartier de Farringdon Without Ward4.
2Qu’ont en commun ces quatre personnages ? Tout d’abord, ils sont définis par les sources comme des Grecs venus de Constantinople ou de régions proches. Ensuite, ils évoluent tous dans une aire politique assez cohérente, divisée principalement entre trois pouvoirs en concurrence les uns avec les autres : l’Angleterre, l’ensemble politique agrégé autour du duc de Bourgogne – en tout cas jusqu’en 1477 – et la France. Démétrios et Peter sont des marchands, Constantin et Jean des voyageurs. Ces cas ne sont pas inconnus de l’historiographie. Néanmoins, selon celle-ci, une différence rédhibitoire les sépare : Jean n’effectue qu’un simple passage au nord des Alpes avant de continuer sa carrière entre Italie et Grèce alors que Démétrios, Constantin et Peter n’apparaissent pas sur les rives de la Méditerranée. Leurs cas n’apparaissent presque jamais dans les travaux consacrés aux Grecs en Occident – comprenons en Italie – au moment de la chute de l’Empire byzantin. Leur seule chance est d’être mentionnés de manière subreptice au détour d’un ouvrage d’analyse large sur l’influence grecque en Occident5. Ils constituent néanmoins des anecdotes exotiques que l’on peut mentionner sans les inclure dans une réflexion de plus grande ampleur.
Qu’est-ce qu’un Grec ?
3Nous avons employé et nous emploierons très fréquemment le terme de Grec. Au-delà de constituer une commodité littéraire dont nous assumons la pertinence et à défaut d’employer des termes multiples et peu significatifs pour notre propos, cet usage est plus nuancé. Le risque existe bien évidemment de chercher à donner à tout prix une substance à une population cohérente, ce qu’elle n’est pas. Nous passerons du temps à démontrer ce point. Toutefois, bien que nous ne cherchions pas à essentialiser une population grecque plus théorique que réelle, nous assumons le fait que des liens unissent ces groupes, qu’ils ne sont pas nécessairement réels mais sont perçus comme tels par les documents dont nous nous occupons. En effet, l’histoire se faisant par l’intermédiaire des sources, nous devons lire ces mêmes sources et tenter de mettre en lumière le point de vue tenu par leurs auteurs vis-à-vis d’êtres humains perçus comme appartenant à un même groupe ethnique grec – et nous insistons sur cette expression. Nous ne reprendrons donc ce terme de Grec que dans un souci de clarté et surtout dans une optique d’analyse de l’identité grecque au travers des sources occidentales disponibles.
4Selon Martina Avanza et Gilles Laferté, la question des identités comprend un volet consacré au sentiment d’appartenance d’un individu ou bien d’un groupe à un modèle culturel propre6. En effet, les auteurs développent une définition des identités fondée autour de trois modes de lecture : un processus d’identification qui consiste en « l’attribution catégorielle » d’une identité par une norme qui tente de trouver une logique à une rencontre entre différents groupes7 ; une image sociale qui découle de la première catégorie et est la production discursive de ladite norme sur ces groupes8 ; un sentiment d’appartenance qui émane des groupes concernés. Le sentiment d’appartenance est plus difficilement observable mais il existe. Les auteurs notent que « l’appartenance n’est pas une prescription externe à l’individu, comme le sont l’identification et l’image, mais correspond à sa socialisation. Il s’agit d’une autodéfinition de soi ou encore d’un travail d’appropriation des identifications et images diffusées au sein d’institutions sociales auxquelles l’individu participe9 ». Notre objet découle de la documentation disponible. Celle-ci, même dans son état actuel, ne permet pas de savoir si les Grecs ont conscience ou bien revendiquent d’être grecs. En effet, la diversité des sources reflète les considérations politiques, sociales et économiques des sociétés occidentales sur ces mêmes Grecs parfois à leurs dépens.
5Fort heureusement, l’historiographie moderne s’est déjà attachée à décrire ce sentiment d’appartenance des Grecs à une culture10 commune. Cet angle d’analyse a eu tendance à occulter toutes les possibilités de réflexions autour de cette question : être grec ne peut s’analyser que de l’intérieur et le point de vue environnemental n’a aucune validité. Tout d’abord, l’attrait des historiens est concomitant de la redécouverte de l’histoire byzantine. L’objectif est de retracer l’histoire de l’Empire byzantin en établissant une forme de continuité avec les populations des bords de la mer Égée, orthodoxes de confession tout en étant soumises aux Ottomans jusqu’au début du XIXe siècle. Parallèlement, un jugement très défavorable se développe à l’égard des Grecs vivant sous la domination ottomane11. Les voyageurs qui sillonnent la Grèce au XVIIIe siècle à la recherche de la gloire perdue de l’ancien empire sont fréquemment déçus par les populations locales qu’ils découvrent. Selon Pierre-Augustin Guys, « seule la nostalgie subsiste dans les mémoires grecques12 ». L’Empire byzantin n’est remis en avant que plus tard13, lorsque la déliquescence de l’Empire ottoman amène les historiens à réactiver les racines chrétiennes du monde égéen relevées par le nouvel État grec. Le développement des études byzantines s’effectue donc à la charnière des XIXe et XXe siècles sous cette double influence14.
6Plus récemment, la question de la conscience culturelle grecque chez les Byzantins a fait l’objet d’une réflexion plus fournie et plus historienne – moins militante en tout cas. En effet, le point de vue de l’historiographie diffère de celui des Grecs concernés ; c’est sur cette conception que les historiens récents ont concentré leurs efforts. Le sentiment des Grecs d’appartenir à une communauté culturelle commune est défini comme un agglomérat de diverses tendances issues autant de la Rome antique que de la Grèce classique et surtout du christianisme dont les pratiques diffèrent des usages occidentaux, jugés dégénérés. Ainsi, selon Paul Magdalino, ce sentiment d’appartenance présente un entremêlement de ces trois sources d’inspiration culturelle, variable selon le temps et le niveau social. Si les érudits et les membres les plus élevés de la hiérarchie se comparent volontiers aux Grecs antiques et revendiquent la romanité de leur civilisation, l’aspect religieux de la culture grecque/byzantine prime dans les couches plus basses de la société byzantine. L’empire est chrétien et n’est considéré comme romain qu’au fur et à mesure de sa christianisation.
7Un dernier exemple est révélateur des catégories disponibles qui permettent de définir un Grec comme tel : celui des Italo-Grecs. Annick Peters-Custot a notamment montré que les Italo-Grecs étaient identifiables dans les sources des IXe-XIIIe siècles grâce à plusieurs caractéristiques : la pratique écrite de la langue grecque ; l’usage du droit privé byzantin ; le rattachement à la liturgie de l’Église d’Orient ; l’emploi de modes d’identification physiques (comme le port de la barbe) ou onomastiques15. La dernière catégorie est véritablement opérante pour le cas des Grecs dont nous nous occupons. Or, les Italo-Grecs et ces nouveaux arrivants sont tous perçus comme grecs. Désigner ces populations grecques sous l’ensemble large de Grecs n’implique donc pas nécessairement des dissemblances ou des oppositions entre certains de ses membres. Elles n’en demeurent pas moins un objet d’étude pertinent.
8Nous devons enfin préciser les conditions d’usage d’un dernier terme dont l’emploi peut s’avérer risqué s’il n’est pas correctement défini. Nous aurons fréquemment à qualifier les Grecs de migrants. La profondeur sémantique d’un tel terme, surtout dans un contexte contemporain particulier, peut impliquer un ensemble de notions affectives – comme la misère ou le déracinement qui sont fréquemment associés aux migrants contemporains. Nous n’entendons pas reprendre à notre compte une telle notion dans son acception aussi spécifique : ce serait anachronique, téléologique et donc dangereux pour la bonne compréhension de notre propos. Nous entendons plutôt insister sur le sens premier du terme migrant qui invoque en premier lieu l’idée de déplacement, plus ou moins temporaire, plus ou moins cyclique, d’une personne ou d’un groupe d’individus dont les profils peuvent être radicalement différents. Ces groupes changent de lieu de vie pendant une période plus ou moins longue, de façon plus ou moins définitive. Ainsi, la visite de Manuel II Paléologue ne devrait pas être une migration puisqu’il est prévu de rentrer. Cependant, en raisonnant ainsi, tout notre corpus serait invalidé et aucune migration ne pourrait être envisagée. En effet, l’aspect souvent lacunaire de nos sources renforce l’impression de furtivité de la venue d’un Grec dans un lieu donné : nous ignorons la plupart du temps les conditions d’arrivée ainsi que les suites des pérégrinations de la majorité des Grecs présents dans nos sources. Le fait de connaître la chronologie de certains voyages de Grecs finalement parvenus à rentrer ne permet pas de conclure au caractère migratoire de telle ou telle personne. Nous cherchons constamment à clarifier au maximum les mouvements fluctuants et aléatoires de ces populations que les sources regroupent souvent sous le même nom. Nous proposons donc de comprendre ces groupes humains en les réduisant à quelques dénominateurs communs. Celui du mouvement migratoire en est un : qu’il s’agisse d’un empereur et de sa suite, d’un marchand ou d’un exilé, tous accomplissent un même processus de voyage, de mouvement migratoire plus ou moins long vers des régions étrangères.
Quelle littérature pour les Grecs ?
9Pourquoi limiter cette étude aux Alpes ? Des liens forts et anciens – à la fois amicaux et conflictuels – unissent habitants de la péninsule Italienne et ceux du monde égéen16 depuis le VIe siècle et se poursuivent naturellement après la chute de l’Empire byzantin. L’historiographie a largement accepté cette relation comme cadre naturel pour ses recherches. Les contacts étroits entre les marchands italiens et leurs partenaires byzantins ont amené ces derniers à chercher des débouchés dans la péninsule et à s’y installer plus ou moins durablement : il était donc logique que la majeure partie des études se focalise sur ce territoire. De plus, la présence grecque en Italie est d’autant plus ancienne que dans sa partie méridionale un peuplement grec autochtone persiste bien après la perte d’influence de l’Empire byzantin dans la région17. Les contacts plus ou moins pacifiques débouchent souvent sur des discours des uns sur les autres qui se nourrissent de considérations et de points en vue encore plus anciens dont les racines s’ancrent dans la plus haute Antiquité. Ces appréciations sont contemporaines de celles que nous allons étudier et seront des repères précieux. Nous ne manquerons pas de revenir fréquemment sur ces expériences et d’associer les Grecs à cette notion de curiositas abordée par l’historienne Camille Rouxpetel18.
10Une question cependant demeure. Pourquoi uniquement la péninsule Italienne ? Il ne peut s’agir de l’ignorance du phénomène des migrations grecques vers le nord. Déjà Martin Crusius (1526-1607) à la fin du XVIe siècle puis Charles du Fresnes du Cange (1610-1688) en 1680 consacraient des passages entiers aux destinées des Byzantins contraints de fuir en Italie et en France19. Outre Manuel II Paléologue dont le périple occidental a durablement marqué les esprits20, le cas de Georges Bissipat, capitaine des galères de Louis XI, a également suscité un peu l’attention des savants21. La tradition d’une présence grecque en France survit aux siècles suivants. Des Grecs apparaissent dans l’édition de textes originaux, depuis Thomas Rymer et Humphrey Hody dans les années 1740 en Angleterre jusqu’à Émile Van den Bussche un siècle plus tard pour Bruges22. Les auteurs de la fin du XIXe siècle et du tout début du XXe siècle poursuivent l’effort mais semblent axer leurs recherches sur la découverte de nouveaux personnages : la famille Bissipat pour l’abbé Renet, Alexis Claudioti pour Henri Stein, Thomas Francos pour Antoine Thomas, la visite impériale de Manuel II Paléologue pour Gustave Schlumberger23. Cependant, la recherche reste confinée au domaine de l’exotisme et de l’anecdote. Exception faite des travaux d’analyses et d’éditions de textes d’Henri Omont, la science historique consacrée aux Grecs en Occident reste encore mal défrichée. À la même époque, un philologue tel qu’Émile Legrand établit une première association entre l’humanisme italien et l’influence grecque24. Le même Émile Legrand se fait éditeur de textes originaux et publie une grande partie de la correspondance de Francesco Filelfo, humaniste florentin fortement lié aux échanges entre Grecs et Occidentaux25. Ces quelques pistes lancées ne donnent cependant pas lieu à une réflexion plus large. Il faut attendre les années 1919-1921 pour que la grande histoire des Étrangers en France sous l’Ancien Régime de Jules Mathorez prenne, un peu, en compte la présence grecque à partir du XVe siècle26. Toutefois, l’apport grec reste associé à de nombreux autres étrangers. Tout au plus insiste-t-on sur le lien entre la venue de ces Grecs et le développement des études helléniques à Paris27. L’édition de textes dans lesquelles des Grecs apparaissent se poursuit et aborde des espaces extra-italiens : la péninsule Ibérique avec Antonio Rubio I Lluch28 ; l’Angleterre avec les archives de l’archevêché de Cantorbéry étudiées par N. H. Nicolas29.
11Le cadre général des Grecs présents en Occident après la chute de Constantinople – incluant la péninsule Italienne – reste donc très marginalisé jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les années qui suivent marquent un changement dans la manière de traiter l’histoire et la question grecque n’échappe pas au phénomène. Le regain d’intérêt pour la transmission des textes classiques grecs à l’Europe humaniste est réel pour la période 1940-1950 mais prend pour cadre l’Italie du Quattrocento. Le thème de la transmission culturelle à l’humanisme occidental reste une valeur sûre de la recherche depuis les travaux de Deno John Geanakoplos et de Roberto Weiss jusqu’à ceux d’historiens anglo-saxons comme Nigel Wilson30. Toutefois, d’autres thématiques apparaissent, notamment celles des relations religieuses, politiques et économiques entre la péninsule Italienne et l’Empire byzantin, même après la disparition de celui-ci. La question religieuse, principalement tournée vers l’enjeu du ralliement ou non des Byzantins au catholicisme romain, a généré – et génère toujours – une littérature dense qui se renouvelle sans cesse31. Les attitudes des Grecs d’Occident sont passées au crible à travers le prisme de la religion, certains personnages comme le cardinal Bessarion concentrent la plupart des études32. Les échanges diplomatiques entre Byzance et l’Occident au cours des cinquante dernières années de la vie de l’empire sont également pris en compte par quelques pistes lancées dans les années 1920. Constantin Marinescu est incontournable puisqu’il met en évidence toute la richesse des relations diplomatiques byzantino-occidentales33. Il est également parmi les premiers à changer de focale et à s’intéresser à péninsule Ibérique à partir de la cour des rois Aragonais de Naples34. L’approche diplomatique conserve toute son importance dans les études ultérieures35. Le champ s’élargit progressivement à tous les types de relations d’échanges entre Grecs et Latins, notamment économiques, sociaux et culturels. La recherche récente replace souvent les Grecs et les Latins au sein d’un même monde où les allers-retours entre l’Italie et le monde grec sont constants et provoquent le départ de certains de ses habitants devenus réfugiés malgré eux36. Les rencontres scientifiques analysent les formes de l’implantation grecque dans des sociétés urbaines italiennes qui profitent de ce renouveau37. L’exemple grec sert d’illustration à des phénomènes sociologiques plus larges comme la question de l’extranéité38, celle de l’organisation urbaine ou encore celle du regain du discours de la croisade après la prise de Constantinople (29 mai 1453).
12Les Grecs sont donc extraits de leurs cadres d’analyse traditionnels (monde grec, cadre politique byzantin, influence sur l’humanisme occidental, activités économiques) pour être inclus dans des questions plus transversales (migrations, extranéité, diasporas). Seuls manquent l’extension du cadre géographique et l’approfondissement de la question de l’identité grecque.
Comparables Grecs
13Pourtant, une lacune demeure. Plusieurs études consacrées aux Grecs exilés concernent l’Italie mais nous n’observons rien, ou presque, qui évoque une présence grecque extra-italienne. Un décalage s’est en effet rapidement fait entre une historiographie florissante mais limitée au pourtour méditerranéen et une autre, cantonnée aux régions plus septentrionales, stagnant dans une littérature de l’anecdote. Le nombre des études y est bien moins important et de portée bien moins large qu’au-delà des Alpes. La raison d’un tel décalage semble être induite par le manque de sources et par l’existence d’un panel humain plus modeste et, suppose-t-on, moins intéressant. Il existe quelques exceptions, notamment à travers la politique et le discours de croisade portés par les ducs de Bourgogne39. Nous n’avons cependant pas affaire à un recensement exhaustif d’une présence pourtant réelle. De même, le royaume d’Angleterre offre un terrain d’action favorable pour des historiens qui, dans le sillage de Jonathan Harris, se sont attachés à recenser quelques cas de Grecs installés dans les Îles40. Mais, encore une fois, aucune recherche de grande portée n’est venue couronner ces observations. La France est même le parent pauvre de cet ensemble. Les études consacrées aux Grecs septentrionaux dépendent presque exclusivement des progrès intellectuels effectués à partir des études italiennes et n’offrent qu’un point de comparaison ponctuel avec la situation des Grecs au nord des Alpes41. Ces Grecs, de par leur faiblesse démographique et documentaire, ne mériteraient pas une attention approfondie. Or, on ne poursuit pas la comparaison en se séparant de tout ce qui se passe au-delà des Alpes. Cette distinction est même artificielle.
14Le chantier que nous entendons traiter est propice à la comparaison, et ce à plusieurs niveaux. Tout d’abord nous soumettrons à l’analyse comparative les Grecs évoluant au sein du cadre correspondant pour l’essentiel aux zones de pouvoir des rois d’Angleterre, de France et du duc de Bourgogne – devenu empereur avec Charles Quint – soit un angle nord-ouest européen. Les Grecs qui y évoluent ont parfois arpenté plusieurs chemins, ont pu faire souche avant de repartir vers d’autres horizons. Les communautés de destins de ces trois sociétés politiques influent sur les celles des Grecs présents sur leur sol. Le deuxième niveau de comparatisme possible est celui de la mesure des populations grecques avec leurs coreligionnaires des autres sphères politiques européennes, avant tout italiennes. La rupture alpine est davantage un poncif littéraire qu’une réalité sociologique. Or, la réalité observable dans les sources des deux côtés des Alpes est celle d’une continuité : continuité humaine puisque l’immense majorité des Grecs arrivés en Angleterre ou en France passent au préalable par l’Italie et peuvent y conserver des attaches ; continuité économique et/ou culturelle entre des Grecs cantonnés sur le pourtour méditerranéen et ceux partis plus au nord. Un troisième degré de comparatisme possible, et même souhaitable, consiste en l’analyse d’autres cas de populations migrantes amenées, de gré ou de force, à quitter leur terre originelle pour intégrer un nouvel ensemble sociétal. En ce domaine, la limite ne se fixe nullement en fonction de la date, du cadre géographique ou bien de la thématique envisagée mais plutôt selon la pertinence des cas observés : ainsi les Grecs d’Italie du Sud ou les Gallicani du port de Londres, contemporains de « nos » Grecs, formeront autant de points de comparaison justifiables et justifiés utiles à notre réflexion.
Identités subies, identités intégrées : questions et définitions
15Nous avons opté pour un titre mettant en exergue la notion d’identité, que nous répétons même deux fois. Il n’y a aucun hasard à cela. Notre objectif principal est d’aborder précisément la question des identités, de leur formation et de leur essence trop souvent acceptée sans justification. Le terme a tout d’abord un double sens : celui d’une identification juridique liée à un état civil et d’usage récent d’une personne à un nom, un prénom, une description physique ou morale ; celui, plus large d’une définition de ce qui fonde l’attachement d’un individu à un groupe humain plus large dont on partage un ou plusieurs éléments culturels communs42. L’objectif est bien sûr de répondre à la question : qui suis-je ? Néanmoins, les deux acceptions renvoient à des raisonnements différents et c’est sur le second sens que la littérature savante a axé sa réflexion. Dans Les embarras de l’identité, Vincent Descombes définit l’identité comme sociale43. L’identité sociale ici décrite ne vaut que pour une personne : une autre disposerait d’autres attraits. Selon Descombes, « le paradigme du contrôle d’identité est celui d’une identité qui est vigoureusement singulière44 ». Mais peut-on conclure que la diversité des cas induit une identité plurielle ? Oui, si l’on considère le fait que les facettes d’une même personnalité sont multiples et que l’on peut choisir – ou être forcé – d’adopter une identité en fonction d’un contexte. Cependant, Vincent Descombes note que le propre d’une identité est que le sujet qui la revêt doit incarner le rôle et jouer le jeu45. Il ne peut donc exister plusieurs identités en même temps, elles se succèdent. Nous verrons que les Grecs dont nous nous occupons jouent au même jeu. Descombes poursuit l’analyse du concept d’identité pour aborder la question de la collectivité et du rapport des peuples avec leurs propres référents culturels. Selon lui, cette identité collective n’appartient à personne en particulier. Souvent, le discours sur un peuple a tendance à « personnifier » celui-ci, ce qui rend son identité collective commune à tous les individus qui le compose. Dès lors, tous doivent se conformer à ce modèle46, ce qui ne manque pas de poser des problèmes d’adaptation.
16Selon Marcel Detienne, le concept serait inhérent au développement de celui de nation à partir de la seconde moitié du XIXe siècle47. L’identité des nations plongerait ainsi ses racines dans un passé lointain, souvent médiéval, et n’aurait pour ainsi dire pas changé jusqu’à l’accomplissement des peuples en un État-nation48. Notre propos n’est pas de disserter sur ces concepts. Nous tenons à émettre la remarque selon laquelle la lecture contemporaine des identités serait trop souvent appliquée telle quelle à des époques antérieures. La critique de ces abus sémantiques ne date bien sûr pas d’hier et nous fournit des règles d’analyse historique que nous nous appliquerons volontiers. Bien sûr, nous ne pouvons faire nôtre la totalité de ce terme ; seuls certains aspects nous intéressent. Mais qu’entendons-nous rejeter dans le concept d’identité ? Avant tout, le vide de sens posé par un vocable induisant un accomplissement plutôt qu’un processus49. Il reste néanmoins que l’identification d’un tel processus identitaire – parce qu’il s’agit bien d’un processus – est difficile. L’emploi du terme « identité » demeure la seule alternative d’appellation possible, commode et faussée. Nous en sommes tout à fait conscient et n’employons ce titre selon ces termes que dans une optique un peu provocatrice, précisément afin à la fois de proposer une déconstruction d’un terme anachronique et de poser les bases d’une « fabrique des identités » qui fait désormais école dans la science historique50.
17Toujours selon Marcel Detienne, la notion d’identité fait office de « vide-poches », c’est-à-dire qu’elle n’a pas de fondements historiques mais est le résultat de l’agrégation de référents culturels parfois hétérogènes que l’on associe de force afin qu’elle produise un récit national51. En incluant deux fois le terme identités – au pluriel – dans notre sujet, nous cherchons à évoquer ce vers quoi tendra notre démonstration : une pluralité de processus observables à divers moments et de phénomènes en cours de structuration sans assurance que ce qui est décrit sera pérenne. Nous souhaitons mettre en avant les différentes attitudes que proposent ces populations ainsi que l’oscillation existante entre des phases d’acceptation et de refus d’assumer de tels marqueurs qui diffèrent souvent de leurs propres codes culturels. Enfin ces identités subies et intégrées constituent pour nous un programme d’émancipation d’une vision trop ancienne de l’identité des Grecs. Nous tenterons de porter un œil neuf sur une ou plusieurs identité(s) grecque(s) perçue(s) elle(s) aussi comme trop rigide(s).
Nouveaux terrains d’enquête
18Revenons quelques instants sur les terrains d’expérimentation de notre enquête. Ils sont de deux sortes : géographiques et méthodologiques. Le cadre géographique est le résultat d’une double influence. En premier lieu, nos précédentes recherches de master ont franchi une première fois les Alpes vers les royaumes de France et d’Angleterre qui ont accueilli la visite impériale de Manuel II Paléologue (1399-1403)52. Une géographie de la production documentaire grecque s’est ainsi dessinée : les trois entités politiques franco-anglo-bourguignonnes forment le terrain majeur à partir duquel une étude devient possible. Bien entendu, nous prenons garde à ne pas commettre le même impair qui a conduit à privilégier la péninsule Italienne aux dépens du reste de l’Europe. Nous inclurons dans notre démonstration des cas intéressants, mais numériquement isolés, provenant d’autres territoires européens comme le royaume d’Écosse ou bien le duché de Savoie. L’espace du Saint-Empire restera en grande partie en dehors du sujet, cela pour deux raisons : d’une part la présence grecque y est très faible et concentrée dans la zone sud-est autour de l’Autriche ; d’autre part, en incluant ces quelques sources, nous nous serions retrouvé à devoir prendre en compte d’autres documents hongrois, serbes mais aussi vénitiens qui modifieraient trop l’objectif que nous nous sommes fixé. Enfin, l’Europe scandinave reste très éloignée des circuits classiques des Grecs, malgré un ou deux cas originaux que nous mentionnerons sans toutefois centrer l’analyse sur ces régions53.
19La méthode qui est proposée au lecteur constitue le second domaine nouveau pour l’étude des Grecs en Occident. Tout d’abord, nous avons décidé de suivre le renouveau historiographique observé ailleurs – et tout particulièrement pour l’Italie du Sud54 – afin de rendre compte globalement des Grecs présents dans une Europe du Nord-Ouest principalement circonscrite aux trois entités politiques mentionnées. Notre exigence sera de ne délaisser aucun hellène présent sur ces territoires et d’en tirer des enseignements sur un phénomène humain qui ne doit plus être compris comme l’effet collatéral et négligeable d’un plus vaste mouvement migratoire tourné vers l’Italie. Ensuite, nous tenterons de rattacher ce sujet aux méthodes plus courantes de l’analyse historique qui invitent à ne délaisser aucun domaine des sciences humaines – en particulier la sociologie ou la linguistique – qui puisse apporter un éclairage nouveau sur un phénomène historique. Ces techniques permettront de relancer la réflexion sur ces groupes humains qu’il nous faut savoir relier les uns aux autres.
20Notre travail reste bien sûr celui d’un historien et les emprunts ponctuels aux autres disciplines des sciences humaines et sociales ne nous détourneront pas de notre objectif historique. Cependant, même en ce domaine, nous devrons tenir compte de ce qui a pu être pensé et écrit à propos de phénomènes similaires mais qui appartiennent à d’autres espaces, à d’autres périodes. Ces pas de côté que nous nous proposons d’effectuer de temps en temps sont justifiés par notre propre sujet. En effet, nous rompons avec le cadre géographique de l’analyse des Grecs en Occident mais nous ne feignons pas de croire que l’Italie et le Bassin méditerranéen n’existent pas pour nous.
21De plus, les cadres chronologiques classiques se révélant dépassés, nous élargissons notre champ du XVe siècle à un long XVIe siècle que nous décidons de clore autour des années 1570 sans que cette borne soit non plus une barrière infranchissable : il s’agit bien d’un choix délibéré qui n’implique pas qu’il n’y ait pas eu des Grecs en Europe du Nord-Ouest avant le XVe siècle et qu’il n’y en aura plus après les années 1570. Cette dernière césure constitue pour nous davantage une invitation à en dépasser la limite. En effet, certains cas peuvent aller au-delà de cette borne chronologique ; ils seront pris en compte dès lors qu’ils alimenteront notre réflexion. De plus, le poids de l’événement, dont l’historiographie a récemment relevé de nouveau l’importance55, joue un rôle dans les mouvements humains dont nous nous occupons. Ainsi, la chute de Constantinople (29 mai 1453), l’avancée des Ottomans en mer Égée ou encore l’issue de la bataille de Lépante (7 octobre 1571) ont une incidence sur les migrations grecques en Occident. Les époques ultérieures sont également riches en événements dont certains concernent les Grecs de Méditerranée – songeons à la Guerre de Candie (dates). Toutefois, ces moments ont dans l’ensemble moins d’influence sur les flux migratoires grecs dans l’espace franco-anglo-bourguignon qu’ils en ont en Méditerranée occidentale. Dès lors, à cheval sur ces époques – le XVe siècle et le XVIe siècle – traditionnellement perçues comme différentes mais que l’historiographie enjambe désormais volontiers, nous ne voyons aucune difficulté à pousser le comparatisme plus loin encore.
Renouveau documentaire
22Notre approche documentaire entend faire peau neuve tout en s’appuyant sur le travail déjà accompli. Nous bénéficions de toutes les éditions de textes déjà accomplies par la longue historiographie de l’exotisme grec déjà mentionnée. Ces activités de publication sont, en règle générale, de grande qualité et ne souffrent d’aucune contestation épigraphique. Dans certains cas toutefois, la démarche et la rigueur peuvent laisser à désirer et obligent à revenir au document originel afin de procéder à une nouvelle lecture. Le dépouillement des Archives départementales du Nord (ADN) a fourni des sources étudiées depuis longtemps. Pourtant, les registres de comptes dans lesquels apparaissent des Grecs sont fréquemment repris par les historiens en escamotant une partie du texte liée au motif, souvent stéréotypé, de la venue du Grec à la cour de Bourgogne. Or, nous fondons une partie de notre réflexion sur ces escamotages que nous avons été contraints de retrouver. D’autres documents encore ne livrent qu’une partie de leurs informations, il a donc été nécessaire de les compléter : par exemple, le registre d’extraits de comptes royaux BnF ms. fr. 32511, sur lequel nous aurons maintes fois l’occasion de revenir, est déjà connu d’une ancienne historiographie qui compte 43 mentions de Grecs quand nos propres prospections en livrent douze de plus56. Nous nous sommes donc assigné pour tâche de collecter l’ensemble des documents déjà édités par l’historiographie, de les relire et, au besoin, d’en proposer une nouvelle analyse. Ce travail de reprise nous semble fondamental si l’on souhaite mener l’étude générale sur les Grecs en Angleterre, dans les États bourguignons et en France. Bien entendu, ce préalable ne dispense pas du travail d’archives, de la recherche de nouveaux documents. Or, il est rapidement apparu que les sources éditées représentaient une mince partie d’un ensemble documentaire bien plus large qu’un seul travail de thèse ne suffirait pas à surmonter. Nous nous sommes donc fixé comme objectif d’effectuer des sondages ciblés dans certains fonds afin de déterminer si des travaux ultérieurs étaient justifiés : la réponse est affirmative.
23Quelles sont ces sources ? En premier lieu, notre corpus documentaire émane de cet Occident qui voit arriver les populations grecques et tente de rendre compte de ces migrations avec les moyens qui sont les leurs. En effet, l’ensemble des Grecs passés au crible sont, à de rares exceptions près, des anonymes qui ne précisent pas aux autorités locales leur décision de partir de Grèce. Les sources byzantines puis grecques sous domination ottomane, quand elles existent, ne disent rien de ces individus et ne sont d’aucune utilité pour nous. De même, les Grecs ou leurs descendants ont fort peu produit de textes. Nous avons choisi de les mentionner quand leur passage a été conservé, comme la correspondance de Manuel II Paléologue ou le témoignage de Nicandre de Corcyre. Ces sources restent cependant très minoritaires. Nous avons donc décidé d’envisager tous les types de documents qui évoquent la venue d’un Grec sur le territoire d’une des entités politiques mentionnées, leurs marges étant incluses. Nous attachons de l’importance aux rapports humains, ce qui implique que les documents liés à l’édition et la propagation de textes grecs en Occident ne nous concernent que dans la mesure où un intermédiaire grec est présent dans l’un de ces territoires. Par exemple, le copiste Jean Serbopoulos, actif au monastère de Reading entre 1485 et 1500 nous intéresse en raison de ses relations avec la société anglaise qui l’accueille ; les manuscrits produits par Serbopoulos ne sont pris en compte que comme des objets d’échanges susceptibles de créer des liens de redevabilités avec leurs interlocuteurs57.
24Les sources narratives ne semblent pas être les supports les plus évidents pour un tel sujet. En effet, aucune chronique ne se concentre sur l’arrivée de Grecs anonymes. Seuls les émissaires officiels d’un pouvoir, byzantin puis ottoman, sont évoqués parce qu’ils ont accès aux honneurs de la cour et sont dignes d’être mentionnés dans une chronique. Ainsi, le voyage de Manuel II Paléologue concentre l’essentiel des chroniques disponibles. L’exotisme de la rencontre enchante Michel Pintoin, intrigue Jean Jouvenel des Ursins et choque Adam of Usk : l’événement sera néanmoins rapporté. D’autres ambassades ont droit à un peu d’attention dans une chronique comme la venue de Théodore Karystinos rapportée dans Le livre des faits du bon chevalier messire Jacques de Lalaing. Les campagnes de Charles VIII en Italie amènent également des chroniqueurs tels que Philippe de Commynes à se pencher sur ces Grecs qui peuplent l’Italie et dont certains suivent le roi en France. Cependant, de nombreuses sources narratives ne mentionnent aucun Grec en particulier. Elles évoquent plutôt la situation des Grecs en Grèce, leur domination par les Ottomans. Ces passages portent en général un regard sévère sur ces populations. Que faire de tels témoignages qui n’évoquent pas directement la venue des Grecs mais fournissent un point de vue occidental biaisé sur eux ? Nous avons opté pour la conservation de ces textes dans un second cercle d’analyse qui prend toute son importance lorsqu’il s’agira de confronter leur regard sans appel avec d’autres documents, en prise plus directe avec le quotidien, qui sont quant à eux moins radicaux dans leur propos. Le problème du régime d’historicité des chroniques n’est pas un obstacle ; les niveaux d’écriture et de réécriture des chroniques permettent au contraire d’alimenter la réflexion sur les représentations occidentales des Grecs. Les récits de voyages se développent en Occident depuis le milieu du XIVe siècle. Parmi eux, certains s’étendent plus longuement sur leur vision des populations orientales qu’ils rencontrent, parmi lesquelles se trouvent des Grecs. Nous évoquerons les récits de Johannes Schiltberger, Ruy Gonzalès de Clavijo et Bertrandon de La Broquère58 ; ces trois cas offrent des visions particulièrement intéressantes des Grecs dans la première moitié du XVe siècle. Comme pour les chroniques, les relations de voyages constituent des points de comparaison utiles face à la multiplicité des jugements sur les Grecs. Nous ne centrerons pas directement notre étude sur ce type de sources mais nous n’oublierons pas que le récit du voyage en Occident de Nicandre de Corcyre nous offre une des seules occasions de lire le point de vue d’un Grec sur les Occidentaux59.
25Le second pôle documentaire est celui des sources normatives qui émanent de la norme édictée par une autorité. Ces sources peuvent être de plusieurs sortes. Les documents liés à la pratique quotidienne d’une administration et de son fonctionnement quotidien concentrent la majorité des mentions de Grecs. En effet, ceux-ci entrent leur relation avec les sociétés occidentales en cherchant à prendre contact avec leurs autorités. Ils passent donc par les services administratifs qui entourent le prince avant et après avoir eu accès à ce dernier. S’ils ont bénéficié de ses largesses, une trace reste fréquemment dans des registres de comptes dont certains nous sont parvenus. Les ducs de Bourgogne et le roi de France ont tenu leurs comptes avec rigueur ; les documents anglais se font plus rares. Ces sources donnent à voir des Grecs recevant quelques subsides, quelques rentes, ou bénéficiant d’avantages juridiques privés comme des lettres de naturalité. Nous les voyons évoluer au quotidien. Ainsi, les (ADN) comptent 121 entrées qui concernent un ou plusieurs Grecs ; les Archives générales du royaume (AGR) en révèlent 14. Du côté français, les Archives nationales ont noté 60 entrées et la Bibliothèque nationale, 96. Si nous tenons compte en plus des quelques entrées issues de fonds d’archives de moindre importance60 ainsi que des archives municipales (13 entrées), nous ne pouvons alors pas conclure à un épiphénomène. Les sources normatives anglaises font, quant à elles, apparaître d’autres aspects de la présence grecque tout aussi intéressants pour nous. Les Public Record Office (PRO) des National Archives de Londres livrent ainsi 88 entrées qui évoquent les activités économiques de certains Grecs – notamment dans le port de Londres – ou bien leur manière d’être considérés comme des étrangers par le biais des Subsidies Rolls. Enfin à ce compte non exhaustif, nous devons ajouter l’existence de sources vaticanes qui concernent ces mêmes Grecs de France et d’Angleterre : elles révèlent fréquemment l’implication de l’Église dans la gestion de certaines affaires privées grecques – par exemple une prolongation de dispense ou une recommandation pontificale. Si l’on ajoute les archives écossaises et savoyardes, alors cette importante masse documentaire normative devient le support principal de notre réflexion.
26Nous disposons d’autres documents. Les Grecs installés en Occident peuvent parfois produire de la documentation. Répétons-le, les proportions n’ont rien à voir avec les sources émanant des Occidentaux. De plus, ces documents adoptent presque tous les formes stylistiques de l’Occident latin, montrant ainsi une rapide adaptation aux pratiques scripturaires locales. En premier lieu, certains Grecs installés sont amenés à entretenir des relations avec d’autres personnes, grecques ou locales, et donc à produire des textes : actes de mariages, achats, ventes, arbitrages, procès, témoignages, testaments, épitaphes, etc. Les étapes d’une vie peuvent être reconstituées chez certains individus particulièrement présents – Georges Bissipat, Thomas Francos, Démétrios Paléologue (3) ou Marguerite du Levant – et fournissent des éclairages particuliers, trop longtemps délaissés par l’historiographie, sur l’intégration des Grecs aux sociétés anglaise, bourguignonne et française. De même, les correspondances seront bien évidemment prises en compte. Elles ne sont pas nombreuses et concernent essentiellement les missives diplomatiques et privées de Manuel II Paléologue à ses sujets, les relations épistolaires de Francesco Filelfo avec ses amis grecs – dont Thomas Francos – ou bien constituent quelques documents isolés tout au long de la période. Ces lettres sont bien sûr fort intéressantes pour nous et apportent beaucoup d’informations sur l’existence et le fonctionnement de réseaux entre Grecs et Occidentaux. Toutefois, la spécificité de leurs auteurs – parmi lesquels un empereur – interdit cependant les raisonnements à grande échelle.
27L’iconographie peut également représenter un intérêt pour nous. Ici encore, nous ne disposons que de faibles éléments. Les supports sont assez variés en fonction des personnages grecs qu’ils concernent. Nous privilégions certains documents parce qu’ils prennent en compte des Grecs qui effectuent un séjour en Occident. Ces représentations sont attachées à la personne de l’empereur Manuel II Paléologue dont la venue est perçue en France comme un événement suffisamment significatif pour être repris dans la représentation du cycle des Rois mages des Riches Heures du duc de Berry des frères Limbourg61. De même, des médailles allégoriques sont frappées après le retour de l’empereur afin de conserver le souvenir d’un moment rare. D’autre part, la famille Bissipat, devenue famille seigneuriale et terrienne, a cherché à montrer sa bonne fortune. Nous conservons ainsi le sceau, la signature et les armoiries de Georges Bissipat, marques de sa qualité de néo-seigneur picard bien installé. De même, le seigneur grec fait bâtir un château à Hannaches dont il subsiste quelques parties – notamment une porte marquée aux armes de la famille – et érige une stèle dans l’église dudit lieu en mémoire de deux de ses fils décédés et sur laquelle nous reviendrons62. Toutefois, hormis ces cas très spécifiques, les Grecs ont laissé peu de traces iconographiques. Nous utiliserons donc cet outil avec prudence, ne pouvant généraliser les observations faites à tous les Grecs de notre corpus.
28Afin de répondre à ces questions, nous avons choisi d’adopter une démarche en quatre temps. Tout d’abord, nous présenterons notre objet d’étude à partir du matériel documentaire disponible. En effet, un travail préliminaire semble nécessaire et consistera en la présentation des sources, de l’analyse et de la classification des Grecs présents en Europe du Nord-Ouest selon des catégories nouvelles et plus souples par rapport aux schèmes classiques de pensée véhiculés par l’historiographie et qui ne s’appliquent pas toujours – tant s’en faut – à notre propre registre prosopographique (chap. 1). Un tel travail de défrichement documentaire et de (re)mise en ordre de tels groupes sociaux impliquera également d’insérer de premiers éléments de réflexion autour de la notion de mobilité inhérente à toutes ces populations amenées, pour des raisons très diverses, à quitter un cadre géographique, politique, économique et social donné pour aller à la rencontre d’un autre (chap. 2). Le deuxième temps de cette étude proposera d’analyser la première image figée, répétitive et fréquemment excessive qui se pose dès lors que sont identifiés ces groupes humains : leur supposée condition d’extranéité. En effet, face à la difficulté qui consiste à trouver les mots justes et précis employés par les auteurs des sources, nous tâcherons de déterminer si les Grecs sont perçus comme des personnes différentes des modèles intellectuels véhiculés tant par leurs contemporains que par les penseurs modernes souvent prompts à appliquer des catégories difficilement applicables – comme la notion d’altérité (chap. 3). Il sera alors temps de se pencher sur nos sources et de montrer ce qu’elles expriment de la supposée extranéité des Grecs en Europe occidentale : seront-ils toujours considérés comme des étrangers ? Si oui, le seront-ils en toutes circonstances (chap. 4) ? Le troisième temps de l’étude cherchera à replacer les Grecs en tant que groupes sociaux organisés dans leurs rapports qu’ils peuvent entretenir tant entre eux (chap. 5) qu’avec les sociétés occidentales qu’ils intègrent pour des périodes plus ou moins longues (chap. 6). Enfin, le dernier stade de l’ouvrage prendra le parti de définir comment un récit de l’identification des Grecs se construit autour de la perception de ces arrivées multiples et variées. En effet, c’est au travers des différentes manières qu’ont les sociétés occidentales d’appréhender le phénomène migratoire grec que s’établissent des récits sur leurs origines, sur leurs modes de vie, sur leurs supposées pratiques sociales et religieuses. Il s’agit de toutes sortes de mises en scène qui ont en commun d’être constituées d’une dose plus ou moins grande de créations intellectuelles, en somme de fictions. Celles-ci ont pour but de fournir une histoire du parcours et de l’identité de ces nouveaux arrivants, une histoire perceptible et compréhensible pour une oreille latine. Ces récits se fondent sur des considérations plus ou moins stéréotypées qui orientent même les comportements de ces mêmes Grecs (chap. 7). Ces constructions documentaires fictives grecques mèneront nécessairement à forger non pas une mais plusieurs identités grecques (chap. 8). Or, nous verrons qu’en ce domaine rien n’est figé ni gravé dans le marbre : les XVe et XVIe siècles sont, du point de vue des Grecs en Occident, avant tout le moment du processus et le lieu d’une fabrique d’identités grecques en devenir.
Notes de bas de page
1À de nombreuses reprises, nous renverrons le lecteur à un répertoire prosopographique produit dans un dossier annexe qui fournit l’ensemble des références biographiques et bibliographiques concernant un personnage. Je tiens à remercier en particulier Jean-François Vannier pour toutes ses remarques et tous ses conseils à propos de plusieurs personnes qui apparaissent dans cet inventaire. Répertoire prosopographique, no 49.
2Répertoire prosopographique, no 8.
3Répertoire prosopographique, no 286.
4Répertoire prosopographique, no 239.
5Jonathan Harris, Greek Emigres in the West, 1400-1520, Camberley, Porphyrogenitus, 1995.
6Martina Avanza, Gilles Laferté, « Dépasser la “construction des identités” ? Identification, image sociale, appartenance », Genèses 61, décembre 2005, p. 134-152.
7Ibid., p. 140.
8Ibid., p. 142.
9Ibid., p. 144.
10Nous emploierons à plusieurs reprises le terme « culture ». Mais que signifie ce concept particulièrement difficile à cerner et probablement inopérant pour l’essentiel de notre démonstration ? Nous n’entrerons pas dans des détails trop techniques et des débats qui ont toujours lieu dans les cercles scientifiques. La sociologie s’est emparée de la culture comme objet d’étude, depuis le concept d’habitus de Pierre Bourdieu jusqu’à la plus récente mise au point de Bernard Lahire. Le principe fondateur est de mettre en cause la culture en tant qu’ensemble figé de valeurs référentielles qui puissent correspondre à tous les individus d’un même groupe sans distinction : Bernard Lahire, La culture des individus. Dissonances culturelles et distinction de soi, Paris, La Découverte, 2004. Or, la principale critique qui a pu être formulée à l’encontre de ce concept est que la culture d’un individu, aussi classique soit-elle, ne se rattache jamais totalement au modèle proposé mais qu’elle est toujours influencée par un parcours personnel, par une rencontre avec une autre sphère culturelle. De plus, l’éducation personnelle reçue, correspondant à un milieu social précis, déforme encore davantage cette culture. Ainsi, deux personnes se réclamant d’un même ensemble culturel peuvent présenter des écarts culturels irréconciliables. La culture grecque que nous prenons en compte émane-t-elle d’abord de la culture d’un humaniste tel que Manuel Chrysoloras ou bien de celle de marchands tels qu’Andronic Effomatos au XVe siècle ou Peter Mylan à l’époque suivante ? De même, les descendants de Grecs adoptent-ils totalement cette culture ? Nous montrerons que non. Pour notre part, nous entendons faire usage de ce terme dans deux cas précis qui diffèrent radicalement de cette définition : d’abord comme une alternative stylistique qui permettra d’éviter l’emploi redondant d’un vocabulaire souvent restreint ; ensuite, et surtout, comme un terme global prenant en compte des pratiques culturelles, économiques et/ou politiques communes à un groupe humain donné – usages linguistiques, vestimentaires, alimentaires, maritaux ou intellectuels par exemple – qui servent à le rattacher, même artificiellement, à d’autres ensembles humains. Nous n’ignorons rien du risque d’uniformisation d’une culture grecque qui se présenterait d’un seul bloc, sans possibilité de variantes d’un individu à un autre. Au contraire, nous récusons un tel usage. Notre usage de ce terme se fera donc avec parcimonie et en toute connaissance de cause.
11On notera d’ailleurs l’attitude négative des Italo-Grecs envers ces mêmes Grecs venus s’établir en Italie du Sud dès le XIIIe siècle, ce qui révèle un particularisme ancré très tôt dans les mentalités. Voir Annick Peters-Custot, « Grecs et Byzantins dans les sources de l’Italie (IXe-XIe siècle) », dans Nation et nations au Moyen Âge. XLIVe congrès de la SHMESP (Prague, 23 mai-26 mai 2013), Paris, Publications de la Sorbonne, 2014, p. 181-191 ; Ead., Les Grecs de l’Italie méridionale post-byzantine, ixe-xive siècle. Une acculturation en douceur, Rome, École française de Rome, 2009, p. 141-154.
12Pierre-Augustin Guys, Voyage littéraire de la Grèce, 1783, p. 18. Cité par Dimitri Skopelitis, Dimitri Zufferey, Construire la Grèce (1770-1843), Lausanne, Antipodes, 2011, p. 35.
13Ibid., p. 40-42.
14Voir le colloque Marie-France Auzépy (dir.), Byzance en Europe. XXe Congrès international des études byzantines, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, 2003.
15Annick Peters-Custot, « Qu’est-ce qu’être “grec” dans l’Italie méridionale médiévale ? À propos d’une “identité” polysémique et en perpétuel mouvement », dans François Brizay (dir.), Identité religieuse et minorités de l’Antiquité au xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018, p. 215-233 et en particulier, p. 218-219.
16Il est difficile de parler d’Italiens et a fortiori de Grecs pour cette haute époque. Pour la période qui nous concerne, l’emploi du vocable « Italien » est aussi problématique que celui de « Grec ». Nous aurons toutefois tendance à utiliser ce terme pour les mêmes raisons de commodité que nous employons le mot « Grec », en invoquant les mêmes justifications produites plus haut.
17Sur cette question nous renvoyons vers les travaux d’Annick Peters-Custot. L’exemple des Italo-Grecs offre un point de vue original et intéressant de populations locales qui se sont constituées et grécisées durant la période de domination byzantine sur l’Italie du Sud à partir du milieu du VIe siècle. L’hellénisation est forte dans certaines régions comme en Calabre, si bien qu’au moment de la conquête normande, la région est considérée comme grecque du point de vue linguistique et religieux. Même lorsque la région passe sous la domination normande, la présence grecque reste forte, organisée en petites communautés souvent isolées mais très structurées et cohérentes. Certaines communautés conserveront des aspects culturels propres au monde grec jusqu’au XIIIe siècle. Ibid.
18Sur la perception des Grecs, et plus généralement des Orientaux par les Occidentaux aux XIIe et XIVe siècles, nous renvoyons à l’ouvrage de Camille Rouxpetel sur lequel nous reviendrons à plusieurs reprises. Camille Rouxpetel, L’Occident au miroir de l’Orient chrétien. Cilicie, Syrie, Palestine et Égypte (xiie-xive siècle), Rome, École française de Rome, 2015.
19Martin Crusius, Historia politica Constantinopoleos a 1391 usque ad 1578 annum Christi, dans Emmanuel Bekker (dir.), Corpus Scriptorum Historiae Byzantina, Bonn, Impensis, 1849 ; Charles du Fresnes du Cange (1610-1688), Historia Byzantina duplici commentario illustrata : prior familias ac stemmata imperatorum Constantinopolitanorum, cum eorumdem augustorum numismatibus et aliquot iconibus, praeterea familias Dalmaticas et Turcicas complectitur ; alter descriptionem urbis Constantinopolitanae, qualiter extitit sub imperatoribus christianis, Paris, 1680.
20Voir le Dossier documentaire, no 2.
21Voir le Dossier documentaire, no 1.
22Thomas Rymer, Foedera, Litterae, Conventiones, et cujuscunque generis acta publica, inter reges Angliæ et alios quosvis imperatores, reges, pontifices, principes, vel communitates, ab ineunte sæculo duodecimo, viz. ab anno 1101, ad nostra usque tempore habita aut tractata, 10 vol. , La Haye, 1735-1745 ; Humphrey Hody, De Graecis Illustribus linguae graecae literarumque Humaniorum intauratoribus, eorum vitis, scriptis et elogiis, livre II, Londres, Oxon, 1742 ; Émile Van den Bussche, Une question d’Orient au Moyen Âge. Documents inédits et notes pour servir à l’histoire du commerce de la Flandre, particulièrement de la ville de Bruges avec le Levant, Bruges, 1878. Voir également Gilliodts Van Severen, Inventaires des archives de la ville de Bruges. Section première – inventaire des chartres, V, Bruges, 1876.
23Pierre-César Renet, « Les Bissipat du Beauvaisis », Mémoires de la Société académique d’archéologie, sciences et arts du département de l’Oise, 14, 1889, p. 31-98 ; Henri Stein, « Les aventures d’un Grec en France au début du XVe siècle », Bibliothèque de l’École des chartes, 1908, p. 185-190 ; Antoine Thomas, « Nouveaux documents sur Thomas Le Franc, médecin de Charles VII, protecteur de l’humanisme », Comptes-rendus des séances de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 55/9, 1911, p. 671-676 ; Gustave Schlumberger, « Un empereur de Byzance à Paris et Londres », dans Byzance et les Croisades, Paris, Pages médiévales, 1927 [éd. orig. 1916], p. 87-147. Notons que Jules Berger de Xivrey avait déjà commis un mémoire sur le voyage impérial dès 1853 repris par Jungie en 1912.
24Émile Legrand, Bibliographie hellénique ou description raisonnée des ouvrages publiés par des Grecs aux XVe et XVIe siècles, t. 1, Paris, Ernest Leroux, 1885.
25Émile Legrand, Cent dix lettres grecques de François Filelfe, publiées intégralement pour la première fois d’après le « Codex trivulzianus » 873, Paris, E. Leroux, 1892.
26Jules Mathorez, Les étrangers en France sous l’Ancien Régime. Histoire de la formation de la population française, Paris, Édouard Champion, 1919-1921.
27Pour une étude plus récente, voir Maria Kalatzi, Georgios Hermonymos. A 15th Century Scribe and Scholar : an Examination of his Life, Activities and Manuscripts, Londres, University of London, 1998.
28Antonio Rubio i Lluch, Diplomatari de l’Orient Catala, 1301-1409 Collecció de documents per a la història de l’expedició catalana a Orient i dels ducats d’Atenes i Neopàtria, Barcelone, Institut d’Estudis Catalans, 1947.
29Nicholas Harris Nicolas, Proceedings and Ordinances of the Privy Council, t. 3, Londres,1834, p. 160-161 ; E. F. Jacob (éd.), The Register of Henry Chichele, Archibishop of Canterbury, 1414-1443, Oxford, Canterbury and York Society, vol. 2, 1937, p. 281.
30Roberto Weiss, Humanism in England during the Fifteenth Century, Oxford (Medium Aevum Monographs, 4), 1957 ; Deno John Geanakoplos, Greek Scholars in Venice. Studies in the Dissemination of Greek Learning from Byzantium to Western Europe, Cambridge, Harvard University Press, 1962 ; Nigel G. Wilson, From Byzantium to Italy : Greek Studies in the Italian Renaissance, Londres, Duckworth, 1992 ; Lisa Jardine, Jerry Brotton, Global Interests : Renaissance Art between East and West, Ithaca, Cornell University Press, 2000.
31Parmi une bibliographie abondante, voir par exemple Marie-Hélène Blanchet, Frédéric Gabriel (dir.), Réduire le schisme ? Ecclésiologies et politiques de l’Union entre Orient et Occident (XIIIe-XVIIIe siècle). Actes de la rencontre internationale (Paris Proceedings and Ordinances of the Privy Council 17-18 juin 2011), Paris, ACHCByz, 2013.
32Sebastian Kolditz, « Bessarion und der griechische Episkopat im Kontext des Konzils von Ferrara-Florenz », dans Claudia Märtl, Christian Kaiser, Thomas Ricklin (dir.), Inter Graecos Latinissimus, inter Latinos Graecissimus, Berlin, De Gruyter, 2013, p. 37-78. Voir également, à propos du cardinal Bessarion, Giuseppe Coluccia, Basilio Bessarione. Lo spirito greco e l’Occidente, Florence, Casa Editrice Leo S. Olschki, 2009.
33Voir par exemple Constantin Marinescu, « Notes sur quelques ambassadeurs byzantins en Occident à la veille de la chute de Constantinople sous les Turcs », Annuaire de l’Institut de philologie et d’historie orientales, 10, 1950, p. 419-428 ; Id., « Deux empereurs byzantins : Manuel II et Jean VIII Paléologue, vus par les artistes occidentaux », Le flambeau, 9-10, 1957.
34Constantin Marinescu, « Du nouveau sur les relations de Manuel Paléologue avec l’Espagne (1391-1425) », dans Atti dello VIII Congresso Internazionale di Studi Bizantini, Palermo 3-10 aprile 1951, t. 1, Rome, Associazione nazionale per glistudi bizantini, 1953, p. 420-436.
35Notons ainsi un article de Sophia Mergiali-Sahas, « A Byzantine Ambassador to the West and His Office during the Fourteenth and the Fifteenth Centuries : a Profile », BZ, 94, 2001, p. 588-604. Voir également Élisabeth Malamut, « De 1299 à 1451 au cœur des ambassades byzantines », dans Bisanzio, Venezia e il mondo franco-greco (XIII-XV secolo). Atti del Colloquio Internazionale organizzato nel centenario della nascita di Raymond-Joseph Loenertz o.p. (Venezia, 1-2 dicembre 2000), Venise, Instituto ellenico di studi bizantini e postbizantini di Venezia centro tedesco di studi veneziani, 2002, p. 79-124.
36Voir par exemple Angeliki E. Laiou, « Italy and the Italians in the Political Geography of the Byzantins (XIVth Century) », DOP, 49, 1995, p. 73-98. Voir également Thierry Ganchou, « Le prôtogéros de Constantinople Laskaris Kanabès (1454). À propos d’une institution ottomane méconnue », Revue des études byzantines, 71, 2013, p. 209-258. Voir également quelques études très récentes sur des populations grecques en milieu italien, Niccolò Fattori, Migration and Community in the Early Modern Mediterranean. The Greeks of Ancona 1510-1595, Twickenham, Palgrave Macmillan, 2019 ; et également Erin C. Burke, The Greeks of Venice 1498-1600. Immigration, Settlement and Integration, Turnhout, Brepols, 2016.
37Francesca Tiepolo, Eurigio Tonetti (dir.), I greci a Venezia. Atti del convegno internazionale di studio (Venezia, 5-7 novembre 1998), Venise, Istituto veneto di scienze, lettere ed arti, 2002.
38Jacques Bottin, Donatella Calabi (dir.), Les étrangers dans la ville. Minorités et espace urbain du bas Moyen Âge à l’époque moderne, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1999.
39On citera par exemple les travaux de Jacques Paviot et en particulier Jacques Paviot, Les ducs de Bourgogne, la croisade et l’Orient (fin XIVe siècle-XVe siècle), Paris, Publications de Paris-Sorbonne, 2003.
40Parmi une longue bibliographie, citons Jonathan Harris, « Greek Scribes in England : the Evidence of Episcopal Registers », dans Robin Cormack, Elizabeth Jeffreys (dir.), Through the Looking Glass : Byzantium through British Eyes, Society for the Promotion of Byzantine Studies, Ashgate, Aldershot (Publications, 7), 2000, p. 121-126. Voir également David R. Carlson, « Greeks in England, 1400 », dans Richard Firth Green, Linne R. Mooney (dir.), Interstices. Studies in Middle English and Anglo-Latins Texts in Honour of A. G. Rigg, Toronto, University of Toronto Press, 2004, p. 74-98.
41Jonathan Harris, Heleni Porfyriou, « The Greek Diaspora : Italian Port Cities and London 1400-1700 », dans Donatela Calabi, Stephen Turk Christensen (dir.), Cultural Exchange in Early Modern Europe, vol. 2, Cambridge, Cambridge University Press, 2007, p. 65-86.
42Vincent Descombes, Les embarras de l’identité, Paris, Gallimard (NRF essais), 2013, p. 11-13.
43Ibid.
44Ibid., p. 22.
45Cette importance du rôle à jouer et du degré d’implication du sujet est tiré des réflexions d’Erving Goffman dans Stigmates écrit en 1963. Le sociologue américain définit l’identité, nommée « self », comme un jeu dont les deux règles sont l’acceptation du rôle par le sujet et le degré d’implication de celui-ci en tant qu’acteur. Ibid., p. 37-38.
46Ibid., p. 182-184.
47Marcel Detienne, Comparer l’incomparable. Oser expérimenter et construire, Paris, Seuil (Essais), 2009 [éd. orig. 2000], p. 26.
48Voir l’introduction de Pierre Monnet, « Nation et Nations au Moyen Âge », dans Nation et nations au Moyen Âge, op. cit., p. 9-34.
49Cette critique apparaît en premier chez Ludwig Wittgenstein. Ibid., p. 18.
50Nous songeons ici à la thèse de Mathieu Grenet, au sujet à la fois proche et complémentaire du nôtre. Mathieu Grenet, La fabrique communautaire. Les Grecs à Venise, Livourne et Marseille, v. 1770-1830, Rome, Publications de l’École française de Rome, 2016.
51Marcel Detienne, Comparer l’incomparable, op. cit., p. 55.
52Mathieu Couderc, Lorsque deux mondes se rencontrent. Le voyage de Manuel II Paléologue en Occident (1399-1403). Interactions diplomatiques et culturelles entre Byzance et l’Occident latin à la fin du Moyen Âge, mémoire de master 2 d’histoire et anthropologie des sociétés médiévales et modernes, sous la direction de Jean-Philippe Genet et Patrick Boucheron, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2008-2009.
53Jonathan Harris, « When did Laskaris Kananos travel in the Baltic Lands ? », Byzantion, 80, 2010, p. 173-187.
54Sur le sujet des Grecs en Italie du Sud, voir en particulier Annick Peters-Custot, « Qu’est-ce qu’être “grec” dans l’Italie méridionale médiévale ? », art. cité.
55Que l’on songe, en lien avec notre sujet, à la grande collecte de sources et d’analyses autour de la date fatidique du 29 mai 1453 et de son écho dans le monde. Vincent Déroche, Nicolas Vatin (dir.), Constantinople 1453. Des Byzantins aux Ottomans, Toulouse, Anacharsis, 2016.
56BnF ms. fr. 32511, fol. 141r-396v.
57Répertoire prosopographique, no 293.
58Johannes Schiltberger, Captif des tatars, trad. par Jacques Rollet, Toulouse, Anacharsis, 2008 ; Ruy González de Clavijo, Embajada a Tamorlán (1403-1406), éd. par Francisco López Estrada, Madrid, Clásicos Castalia, 1999 ; Bertrandon de La Broquère, Le voyage d’Orient, texte mis en français moderne par Hélène Basso, Paris, Anacharsis, 2010.
59Nicandre de Corcyre, Le voyage d’Occident, trad. par Paolo Odorico, Paris, Anacharsis, 2002.
60Les Archives départementales de Seine-Maritime (ADSM) notent quatre mentions de Grecs, celles de Côte-d’Or (ADCO) et d’Ille-et-Vilaine (ADIV), deux chacune.
61Raymond Cazelles, Les très riches heures du duc de Berry, Tournai, La Renaissance du livre, 2001, fol. 22r : La Vierge, la Sybille et l’Empereur Auguste ; fol. 51v : La Rencontre des trois Rois mages ; fol. 52r : Adoration des Mages, Chantilly, musée Condé.
62Dossier documentaire, no 1.
Le texte seul est utilisable sous licence Creative Commons - Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International - CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Marquer la ville
Signes, traces, empreintes du pouvoir (xiiie-xvie siècle)
Patrick Boucheron et Jean-Philippe Genet (dir.)
2013
Église et État, Église ou État ?
Les clercs et la genèse de l’État moderne
Christine Barralis, Jean-Patrice Boudet, Fabrice Delivré et al. (dir.)
2014
La vérité
Vérité et crédibilité : construire la vérité dans le système de communication de l’Occident (XIIIe-XVIIe siècle)
Jean-Philippe Genet (dir.)
2015
La cité et l’Empereur
Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins
Antony Hostein
2012
La délinquance matrimoniale
Couples en conflit et justice en Aragon (XVe-XVIe siècle)
Martine Charageat
2011
Des sociétés en mouvement. Migrations et mobilité au Moyen Âge
XLe Congrès de la SHMESP (Nice, 4-7 juin 2009)
Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public (dir.)
2010
Une histoire provinciale
La Gaule narbonnaise de la fin du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C.
Michel Christol
2010