Espaces ecclésiastiques et seigneuries laïques. Définitions, modèles et conflits en zones d’interface (IXe-XIIIe siècles)
Éléments de conclusion
p. 231-239
Texte intégral
1Les journées d’étude coordonnées par Tristan Martine, Jessika Nowak et Jens Schneider se sont confrontées à l’une des questions les plus ardues et en même temps les plus nécessaires de la recherche actuelle en histoire médiévale : comparer le rapport à l’espace de la domination ecclésiale et de la domination laïque au cours de la transition qui conduit de l’apogée carolingien (IXe siècle) à l’épanouissement de la société féodale (XIIe-XIIIe siècle).
21. L’importance d’un tel questionnement découle pour une bonne part du renversement historiographique opéré depuis une trentaine d’années, au moins dans l’historiographie francophone. Des années 1950 aux années 1980, l’essentiel des recherches s’est concentré sur l’aristocratie laïque, et cela dans deux directions principales : d’une part, la mise en relief de la décomposition des structures administratives et territoriales de l’empire et des royaumes carolingiens, qui s’achève par la « dislocation du pagus » (selon l’expression consacrée de Jean-François Lemarignier1) sous les coups de la « seigneurie banale » ou châtelaine, suivant un modèle élaboré par Georges Duby à partir du cas du Mâconnais, puis appliqué à de très nombreuses régions françaises, ibériques ou italiennes par ses disciples2 ; d’autre part, l’analyse du phénomène de l’incastellamento, c’est-à-dire le regroupement des hommes autour de sites perchés et fortifiés accompagné d’un profond remodelage des terroirs, d’abord menée par Pierre Toubert pour l’Italie centrale, puis étendue à de nombreuses régions, méditerranéennes notamment, par ses disciples3. Dans ce cadre, l’essentiel des enjeux spatiaux résidait dans la désintégration d’un ordre impérial ayant tenté de renouer avec des formes antiques de maîtrise du territoire et l’affirmation d’un nouvel ordre seigneurial polarisé par les châteaux, jusqu’à ce qu’émergent peu à peu, à partir de la fin du XIIe siècle et au XIIIe siècle, de nouveaux proto-États territoriaux à l’échelle des principautés surtout. L’Église ne jouait dans ce tableau qu’un rôle secondaire d’adjuvant (de l’ordre impérial carolingien à son apogée), de secouriste (de l’autorité royale affaiblie, dans le cadre du mouvement de la Paix de Dieu notamment) ou de victime (du nouvel ordre seigneurial, qui favorisait une emprise démultipliée et brutale de l’aristocratie sur les charges et les biens d’Église).
3Depuis les années 1990, la revalorisation du rôle social total de l’institution ecclésiale permet d’envisager un tout autre récit4. Alors que la multiplication des lieux de culte entre Antiquité tardive et premier Moyen Âge était surtout interprétée comme un marqueur de la christianisation, elle se voit désormais insérée au cœur d’une profonde transformation du rapport des sociétés à l’espace, qui associe à un lent processus de déterritorialisation des pouvoirs et d’essor des rapports interpersonnels une logique de polarisation sociale autour des lieux sacrés5. À partir des VIIe-VIIIe siècles, certains de ces lieux commencent par attirer dans leur environnement immédiat des zones de stockage des grains, puis de manière plus générale, les aires funéraires, qui, à la faveur de nouveaux rituels spécifiques, se transforment en véritables cimetières chrétiens à partir des Xe-XIe siècles6. Enfin, de manière plus ou moins intense selon les régions, églises et cimetières tendent à agglomérer l’habitat rural, fixant et organisant les communautés et polarisant de nombreuses pratiques d’échanges et de services, bien au-delà des seules pratiques liées au culte7. Cette primauté de la polarisation ecclésiale – confortée par le fait que bon nombre des châteaux qui se multiplient aux Xe-XIIe siècles constituent autant de greffes castrales sur des sites ecclésiaux antérieurs – a conduit Michel Lauwers à proposer pour en rendre compte la notion d’inecclesiamento8. Cette première phase est complétée, à partir des Xe-XIe siècles, par une phase de reterritorialisation des structures de domination et d’encadrement des populations, à l’échelle locale (les seigneuries d’Église, en particulier monastiques, les paroisses) comme à l’échelle globale (les diocèses et les provinces, les réseaux de prieurés) au sein d’une chrétienté désormais moins pensée comme communauté des fidèles (clercs et laïcs) que comme entité spatiale gouvernée par l’institution des clercs9. Dans ce cadre, les logiques de polarisation par les églises et les cimetières sont complétées par des pratiques proprement territoriales, le contrôle des populations passant désormais par la définition et la maîtrise des étendues. Ces logiques territoriales revêtent une dimension seigneuriale : les seigneuries d’Église gagnent en cohésion juridique et socio-économique par l’appropriation des dîmes et de tous les droits considérés comme ecclésiastiques et par la réglementation croissante des rapports avec les puissants laïcs (à travers le jus patronatus ou les règlements d’avouerie, par exemple) ; certaines d’entre elles, surtout des seigneuries monastiques, rejettent toute forme d’imbrication spatiale, transformant les immunités traditionnelles en véritables « bans sacrés », le plus souvent avec l’appui décisif de l’autorité pontificale10. Mais ces logiques territoriales revêtent également une dimension que l’on peut dire institutionnelle ou gouvernementale, comme le montrent la territorialisation de la paroisse autant que l’expansion des prérogatives judiciaires ou fiscales exercées par les évêques ou leurs représentants sur tous les habitants du diocèse, par-delà la diversité ou l’enchevêtrement des multiples seigneuries qui s’y déploient (y compris les seigneuries monastiques dont les contours et les exemptions sont de plus en plus rigoureusement circonscrits)11.
4Il ressort de tout ceci une double primauté des processus ecclésiaux : une primauté chronologique d’abord, puisque l’inecclesiamento de la société et la territorialisation de l’institution ecclésiale précèdent les phénomènes de polarisation/territorialisation des pouvoirs laïques ; une primauté socio-politique ensuite, puisque les logiques de référence ou d’assignation à l’espace s’exercent plus puissamment du côté des acteurs ecclésiastiques que des acteurs laïques. Ainsi, l’ecclesia apparaît à bien des égards comme l’agent moteur des processus de reconfiguration du rapport à l’espace et, au moins implicitement, comme un modèle pour les pouvoirs et les institutions laïques.
52. C’est à la lumière de ce contexte historiographique que les échanges de ces journées se sont tenus, en privilégiant deux directions de recherche : a) les formes et les enjeux différenciés du rapport à l’espace des pouvoirs laïques ou ecclésiastiques d’une part : c’est la question du modèle ecclésial qui est ici posée, au regard des premiers travaux qui semblent en valider l’existence dans certains domaines, par exemple en matière d’enquêtes administratives ou judiciaires ou en matière de morphogenèse des circonscriptions fiscales ; b) les tensions et les conflits entre domination laïque et domination ecclésiale d’autre part : au-delà du constat de leur existence, c’est la question de leur sens (rivalité, compétition, coopétition) qui est ici posée, que ces tensions se manifestent en raison du recouvrement ou de l’intrication des différentes dominations (situation de cospatialité) ou, au contraire, de leur confrontation en zones de contact ou de limite (situation d’interface).
6Traiter de ces différentes questions, même en se limitant à l’exposition d’un certain nombre de cas d’espèces comme le font les différentes contributions de ce volume à l’exception de l’étude de lexicologie quantitative de Nicolas Perreaux, se révèle périlleux. Et d’autant plus périlleux qu’il fallait relever trois défis de méthode : le déséquilibre historiographique évoqué plus haut, qui a conduit à laisser largement en déshérence depuis une trentaine d’années la dimension spatiale de la domination laïque ; le décalage entre les historiographies allemande et francophone, qui se reflète d’emblée dans le vocabulaire des uns et des autres, mais se laisse également deviner dans les traditions intellectuelles sous-jacentes (la plus grande familiarité des francophones avec la géographie, par exemple, se perçoit dans l’utilisation plus fréquente de la cartographie) ; enfin, l’impact de l’échelle adoptée, elle-même souvent liée aux sources disponibles – un corpus diplomatique plus abondant, parfois enrichi par les sources hagiographiques (voir la contribution de Fernand Peloux) –, permet souvent aux recherches menées sur l’espace français de descendre plus profondément dans l’humus social local, quand les recherches sur l’espace germanique, principalement appuyées sur les sources narratives et canoniques ou sur les diplômes royaux, se situent plutôt à l’échelle des principautés ou des royaumes12.
73. Dans ce cadre, quels traits saillants sont mis en relief par les différentes contributions ? J’en relèverai pour ma part cinq. En premier lieu, l’imbrication des dominations ecclésiastiques et laïques, qui se traduit sur le plan spatial par des situations de cospatialité, domine largement jusqu’au XIIe siècle. C’est particulièrement vrai en matière de seigneurie, de facto : l’enchevêtrement des terres et des droits relevant de différents seigneurs est manifeste et reste entretenu par les modalités de possession et de transmission des biens comme par les effets de la pratique du don-échange entre laïcs et communautés monastiques (voir les contributions de Jérôme Beaumon, Thomas Lacomme, Clément de Vasselot) ; et de jure : les avoueries (voir la contribution de Nicolas Schroeder) mais aussi les précaires où les relations féodo-vassaliques (voir les contributions de Tristan Martine et de Clément de Vasselot) sont fondées sur la superposition et l’enchevêtrement des droits seigneuriaux et perpétuent des formes de coseigneuries complexes. Mais c’est également vrai en matière institutionnelle, comme l’atteste le fait que les pôles de la domination aristocratique des Widukind puis des Billung servent d’assise à l’expansion du diocèse de Verden et contribuent de manière décisive au dessin de son enveloppe spatiale (voir la contribution de Tobias Jansen)13.
8En deuxième lieu, ces imbrications résultent parfois du rôle d’incubateur ou de matrice des dominations laïques joué par les structures ecclésiales. On peut souligner le rôle déterminant du contrôle des sièges épiscopaux dans l’enracinement spatial de certaines parentés aristocratiques aux Xe-XIe siècles : la chose est une nouvelle fois démontrée pour la Lotharingie (voir la contribution de Tristan Martine) et la Bourgogne rodolphienne (voir la contribution de Lisa Klocke), mais ce constat peut en réalité être étendu à toute l’ancienne Francia media (Savoie, Dauphiné, Provence, Italie du Nord)14 et à bon nombre d’autres régions comme la Bretagne (voir la contribution de Julien Bachelier) ou le monde germanique, même si, ici, le jeu est parfois rendu plus complexe par la dialectique entre aristocratie et royauté (voir la contribution de Tobias Jansen). On doit également rappeler les effets spatialisants des liens privilégiés tissés à une échelle plus locale entre familles seigneuriales et communautés monastiques (voir les contributions de Julien Bachelier et Tobias Jansen), des effets qui peuvent aller jusqu’à favoriser l’émergence d’une région singulière aux marges de principautés voisines (voir la contribution de Jérôme Beaumon).
9En troisième lieu, il faut souligner que, pour autant, la dialectique spatiale entre clercs et laïcs peut prendre des directions variées. Certaines analyses suggèrent l’existence d’une véritable imitation des premiers par les seconds : en Lotharingie, la polarisation de la domination épiscopale par des sites castraux multifonctionnels (résidence, forteresse, marché, église) dès la fin du Xe et au XIe siècle, à l’initiative des évêques eux-mêmes ou de leurs clientèles vassaliques, précéderait et ouvrirait la voie à la polarisation castrale de toute les dominations seigneuriales laïques à partir de la fin du XIe et au XIIe siècle (voir la contribution de Tristan Martine). D’autres configurations témoignent plutôt du primat de la compétition ou de l’existence de sourdes rivalités entre clercs, moines et laïcs (voir les contributions de Julien Bachelier et de Clément de Vasselot), permettant parfois à d’autres acteurs de s’immiscer dans la fabrique des espaces seigneuriaux, à commencer par les communautés d’habitants elles-mêmes (voir la contribution de Nicolas Schroeder).
10En quatrième lieu, un point de bascule se dessine autour des XIe-XIIe siècles, que l’on perçoit à travers plusieurs indices : 1) premier indice : l’essor des délimitations spatiales, que celles-ci concernent des aires sacrées monastiques (voir le cas de Saint-Vanne de Verdun évoqué par Tristan Martine ou celui du procinctu de Saint-Humbert de Maroilles mentionné par Nicolas Schroeder), des espaces incultes, forêts ou zones humides (voir la contribution de Clément de Vasselot sur les seigneuries des Lusignan, de l’abbaye Saint-Maixent et des évêques de Poitiers) ou des circonscriptions (le comitatus/episcopatus de Verdun dans la contribution de Tristan Martine, les diocèses saxons dans celle de Tobias Jansen), qui s’accompagne d’un recul partiel des situations de cospatialité ; 2) deuxième indice : la scission de la seigneurie15 et le recul des imbrications de droits sous les coups de la dénonciation des « mauvaises coutumes » (qui a pour objet d’attribuer à la seigneurie ecclésiastique des droits ecclésiaux que les clercs estiment indûment détenus par des laïcs) et de la cléricalisation des dîmes et des lieux de culte (voir Clément de Vasselot16) ; 3) troisième indice : la profonde reconfiguration du lexique spatial. Comme le confirme à l’échelle d’une enquête lexicologique systématique la contribution de Nicolas Perreaux, la terminologie spatiale « neutre » ou « liée à l’aristocratie laïque » qui avait cours au premier Moyen Âge s’efface au profit d’un système incluant la domination des laïcs « au sein d’un réseau ecclésial composé à la fois de lieux et d’entités spatiales, articulé par les églises et autres lieux polarisants ».
11Enfin, dernier point, les distances et les rapports entre centre et périphérie jouent un rôle majeur en termes d’appréhension de l’espace par les différents acteurs, et cela de part et d’autre du point de bascule entre premier et second Moyen Âge, comme le montrent, chacune à leur façon, les contributions de Felix Grollmann (à propos de la collecte du saint-chrême ou de la gestion épiscopale des paroisses périphériques) et de Nicolas Schroeder (à propos des différences d’évolution du cœur et des périphéries de la seigneurie monastique de Maroilles). Sans doute, d’ailleurs, faudrait-il approfondir l’analyse du rôle des périphéries, qui tantôt apparaissent comme fragiles ou moins tenues, tantôt semblent avoir joué un rôle de laboratoire de pratiques territorialisantes.
124. Quelques limites se dégagent toutefois de ces premières recherches, qu’on voudrait signaler et voir comprises comme autant de suggestions pour de futures enquêtes. Sans doute faudrait-il distinguer plus soigneusement, au sein du dominium, ce qui relève de la seigneurie de ce qui relève de l’institution (ou de la souveraineté), qu’il s’agisse de l’institution ecclésiale ou des royautés et des principautés qui entendent gouverner les hommes par-delà la variété des seigneuries et des domaines intriqués auxquels ils appartiennent, car les logiques de référence ou d’assignation à l’espace et les marges de manœuvre des dominés n’y sont pas identiques. De même conviendrait-il de mieux distinguer, au sein des seigneuries d’Église, les seigneuries monastiques des seigneuries épiscopales et canoniales, qui obéissent bien souvent à des logiques sociales et spatiales différentes17.
13Inversement, il conviendrait sans doute d’articuler plus efficacement les deux dimensions du processus de spatialisation des pouvoirs mises en relief surtout par les recherches françaises : la polarisation par des lieux centraux (églises et cimetières, châteaux) et la territorialisation par assignation à des étendues ou des circonscriptions, qui sont parfois trop pensées de manière binaire en termes de succession chronologique. Dans le même esprit, il vaudrait mieux ne pas opposer la domination présumée abstraite ou lointaine des dominants aux capacités d’action concrètes des dominés18 : un pouvoir exercé « d’en haut » n’est ni plus ni moins incarné qu’une domination vécue « d’en bas », car dans les deux cas la domination est avant tout un exercice ou une pratique sociale et non une idéologie ou une simple construction discursive. À ce titre, elle dépend toujours étroitement des moyens de contrôle et d’encadrement dont disposaient les dominants, dont nous savons qu’ils étaient faibles, y compris au second Moyen Âge. Que les dominés aient pris part à des formes de négociation ou d’aménagement de la domination, y compris en termes de définition et de maîtrise de l’espace, doit être considéré avec attention lorsque les sources le permettent. Mais il faut prendre garde au risque d’euphémiser la domination en surévaluant leur marge d’action et ne pas confondre les différents registres : à l’échelle locale de la seigneurie, dans la position d’habitants ou de tenanciers membres d’une communauté et dans le cadre du face-à-face avec les seigneurs, les dominés ont sans doute plus de possibilités d’agir et de réagir que lorsque les logiques de domination des puissants s’inscrivent à une vaste échelle et relèvent, pour l’Église notamment, d’effets d’institution et pas seulement du comportement des acteurs qui incarnent ou représentent celle-ci19.
14D’une manière plus générale, une des limites des analyses menées ici tient à la réduction fréquente du questionnement aux formes spatiales aux dépens des rapports sociaux qui en rendent compte ou les modèlent et remodèlent. Or la territorialisation consiste avant tout en l’affirmation d’un rapport de domination fondé sur la dissociation des différentes strates spatiales (ecclésiastiques et laïques, seigneuriales et institutionnelles ou gouvernementales…) et sur l’assignation des populations à des étendues circonscrites continues et homogènes (au moins théoriquement). Dès lors, plusieurs questions devraient retrouver une place plus centrale dans le questionnaire : la question des mobilités et des déplacements tout d’abord (rapidement évoquée par Felix Grollmann et Lisa Klocke), de manière à comparer plus systématiquement les effets respectifs des liens de domination personnels et des assignations territoriales seigneuriales ou institutionnelles ; la question des prélèvements et de la rente ensuite (effleurée par Clément de Vasselot), d’autant que celle-ci a donné lieu récemment à la proposition d’hypothèses fortes, comme celle du rôle des transferts de dîmes des laïcs aux moines et aux clercs dans l’essor des taxes à part de fruit20, à même de profondément renouveler l’histoire de la domination seigneuriale en général. Bref, et c’est heureux, l’histoire continue…
Notes de bas de page
1J.-F. Lemarignier, « La dislocation du pagus et le problème des “consuetudines” (Xe-XIe siècles) », dans Mélanges Louis Halphen, Paris, Presses universitaires de France, 1951, p. 401-410 (repris dans Id., Structures politiques et religieuses dans la France du haut Moyen Âge, Mont-Saint-Aignan, Publications de l’Université de Rouen, 1995, p. 245-254).
2G. Duby, La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, Paris, A. Colin, 1953.
3P. Toubert, Les structures du Latium médiéval. Le Latium méridional et la Sabine du IXe siècle à la fin du XIIe siècle, Rome, École française de Rome, 1973.
4Pour un rapide panorama de cette revalorisation, voir : A. Guerreau-Jalabert, « L’ecclesia médiévale, une institution totale », dans J.-C. Schmitt, O. G. Oexle (dir.), Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 219-226 ; M. Lauwers, F. Mazel, « Le “premier âge féodal”, l’Église et l’historiographie française », dans D. Iogna-Prat et al. (dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 11-18 ; C. West, « Quelle place pour l’ecclesia dans l’Europe médiévale ? », Médiévales, 74, 2018, p. 165-178.
5M. Lauwers, L. Ripart, « Représentation et gestion de l’espace dans l’Occident médiéval », dans J.-P. Genet (dir.), Rome et la genèse de l’État moderne : une comparaison typologique, Rome, École française de Rome, 2007, p. 115-171.
6Mises en réserve : production, accumulation et redistribution des céréales dans l’Europe médiévale et moderne [40e colloque de Flaran], à paraître ; A. Catafau, Les celleres, la naissance du village en Roussillon (Xe-XVe siècles), Perpignan, Presses universitaires de Perpignan, 1998 ; M. Lauwers, Naissance du cimetière. Lieux sacrés et terre des morts dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, 2005 ; Id., « Le cimetière au village ou le village au cimetière ? Spatialisation et communautarisation des rapports sociaux dans l’Occident médiéval », dans Le cimetière au village dans l’Europe médiévale et moderne [35e colloque de Flaran], Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2015, p. 41-60.
7Et ceci même dans les régions où l’habitat demeure dispersé, comme le montre notamment D. Pichot, Le village éclaté. Habitat et société dans les campagnes de l’ouest au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002.
8M. Lauwers, « De l’incastellamento à l’inecclesiamento. Monachisme et logiques spatiales du féodalisme », dans D. Iogna-Prat et al. (dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, op. cit., p. 315-338. Entre l’incastellamento et l’inecclesiamento, Robert Fossier avait proposé dès 1982 la notion d’encellulement renvoyant à l’action de polarisation et d’encadrement conjointe des châteaux et des églises : R. Fossier, Enfance de l’Europe, Xe-XIIe siècle. Aspects économiques et sociaux, Paris, Presses universitaires de France, 1982. Cependant, alors qu’incastellamento et encellulement mettaient en avant la dimension volontariste et la rapidité du phénomène (d’initiative seigneuriale pour l’essentiel et concentré sur les Xe-XIe siècles), l’inecclesiamento s’inscrit dans une durée plus longue (entre viie et XIIIe siècles) et découle plus de l’attraction exercée par le pôle ecclésial-cimétérial que de la mise en œuvre d’une contrainte externe.
9Sur ces questions, les recherches de Dominique Iogna-Prat ont été pionnières : D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam, 1000-1150, Paris, Aubier, 1998 et La Maison Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge, 800-1200, Paris, Seuil, 2006. Voir également le dossier « Église et espace au Moyen Âge », Annales HSS, 72, 2017, p. 95-120.
10Voir les cas de Cluny et de Saint-Gilles : D. Méhu, « Les cercles de la domination clunisienne », Annales de Bourgogne, 72/3, 2000, p. 337-396 et Id., Paix et communautés autour de l’abbaye de Cluny, Xe-XVe siècle, Lyon, 2001, p. 133-193 ; F. Mazel, « Lieu sacré, aire de paix et seigneurie autour de l’abbaye de Saint-Gilles (fin IXe-début XIIIe siècle) », dans M. Lauwers (dir.), Lieux sacrés et espace ecclésial (ixe-XVe siècle), Toulouse, Privat (Cahiers de Fanjeaux, 46), 2011, p. 229-276.
11Sur la paroisse, voir notamment La Paroisse. Genèse d’une forme territoriale, Médiévales, 49, 2005, et É. Zadora-Rio (dir.), Des paroisses de Touraine aux communes d’Indre-et-Loire. La formation des territoires, Tours, FÉRACF, 2008. Sur le diocèse, je me permets de renvoyer à F. Mazel (dir.), L’espace du diocèse. Genèse d’un territoire dans l’Occident médiéval (Ve-XIIIe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 23-65 ; et Id., L’évêque et le territoire. L’invention médiévale de l’espace (Ve-XIIIe siècle), Paris, Seuil, 2016.
12Sur ces décalages historiographiques et documentaires, outre le texte de Tristan Martine, Jessika Nowak et Jens Schneider en ouverture de ce volume, voir en dernier lieu S. Patzold, « Le “premier âge féodal” vu d’Allemagne. Essai sur les historiographies française et allemande », dans D. Iogna-Prat et al. (dir.), Cluny. Les moines et la société au premier âge féodal, op. cit., p. 19-34, ainsi que le volume collectif G. Bührer-Thierry, S. Patzold (dir.), Genèse des espaces politiques : autour de la question spatiale dans les royaumes francs et post-carolingiens (ixe-XIIe s.) – Die Entstehung politischer Räume : zur Raumgliederung in den fränkischen und postkarolingischen Regna (9.-12. Jh.), Turnhout, Brepols, 2017.
13Sur la notion d’enveloppe spatiale, voir É. Zadora-Rio, « Territoires paroissiaux et construction de l’espace vernaculaire », Médiévales, 49, 2005, p. 105-120 et F. Mazel, L’évêque et le territoire…, op. cit., p. 159-235.
14Voir, par exemple, F. Mazel, La noblesse et l’Église en Provence, fin Xe-début XIVe siècle. L’exemple des familles d’Agoult-Simiane, de Baux et de Marseille, Paris, CTHS, 2002, p. 65-83, et L. Ripart, Les fondements idéologiques du pouvoir des premiers comtes de Savoie (de la fin du Xe au début du XIIIe siècle), thèse dactyl., Université de Nice, 1999.
15Sur le sens d’une telle expression, je me permets de renvoyer à F. Mazel, Féodalités (888-1180), Paris, Belin, 2010, p. 267-269 ; Id., « Pour une redéfinition de la réforme “grégorienne” », dans La réforme « grégorienne » dans le Midi, milieu XIe-début XIIIe siècle, Toulouse, Privat (Cahiers de Fanjeaux, 48) 2013, p. 9-38, ici p. 24-25.
16Lequel mentionne au passage une forme de compensation symbolique de cette scission à travers les projections spatiales de la piété funéraire. Sur ce point, je me permets de renvoyer à F. Mazel, La noblesse et l’Église…, op. cit., p. 522-525.
17C’est une limite de la contribution de Thomas Lacomme notamment, qui ne souligne pas combien le statut même des collégiales séculières comtales du XIIe siècle (leur vocation principale, serait-on tenté de dire : être l’auXIliaire du gouvernement princier en matière de gestion de l’écrit notamment) les éloignait des seigneuries monastiques et les inscrivaient dans une autre dimension spatiale (pour partie liée à la projection des pouvoirs princiers).
18Comme le fait Nicolas Schroeder.
19Même incitation à la prudence sous la plume de J. Morsel, « Communautés d’habitants médiévales. Positions des problèmes et perspectives », dans J. Morsel (dir.), Communautés d’habitants au Moyen Âge (XIe-XVe siècles), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2018, p. 5-39, ici p. 15-18. Dans le même volume, les contributions de R. Viader (« Les communautés d’habitants de Belpech, Molandier et Mazères au XIIIe siècle », p. 253-308) et E. Huertas (« L’envers d’un document. La charte de franchise de Montepinzutolo, 1240 », p. 309-358) fournissent deux cas d’espèce remarquables où la capacité d’action des dominés ne s’oppose pas à l’exercice de la domination seigneuriale, mais s’articule étroitement avec lui pour accoucher d’une refondation parallèle de la communauté et de la seigneurie.
20Voir notamment D. Panfili, Aristocraties méridionales. Toulousain-Quercy, XIe-XIIe siècles, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 361-369 ; Id., « La dîme, enjeu majeur de la compétition entre élites laïques et ecclésiastiques (Languedoc occidental, XIe-XIIe siècles) », dans M. Lauwers (dir.), La dîme, l’Église et la société féodale, Turnhout, Brepols, 2012, p. 253-280.
Auteur
Florian Mazel est professeur d’histoire médiévale à l’Université Rennes 2. Il a notamment dirigé La réforme grégorienne dans le Midi (milieu XIe-début XIIIe siècle), Cahiers de Fanjeaux, 48, Toulouse, Privat, 2013, et publié L’évêque et le territoire. L’invention médiévale de l’espace, Ve-XIIIe siècle, Paris, Seuil, 2016.

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