Introduction
p. 9-10
Texte intégral
1Pourquoi une telle réunion est-elle placée, au moins partiellement, sous le signe de l’ethnologie ? L’ethnologie a beaucoup développé, dans le domaine franco-européen, ses travaux sur le domaine rural, dans une première phase de son histoire. Elle s’est ensuite progressivement ouverte au champ urbain, aux territoires urbains. Déjà en 1936, les folkloristes s’intéressaient au « folklore » des grèves. Il s’agissait des premières manifestations de l’intérêt des ethnologues pour les cultures ouvrières. L’attention ethnologique s’est étendue au domaine du travail ouvrier, prenant le relais, la comparaison, avec le travail paysan. C’était le deuxième mouvement d’intérêt pour la sphère du travail. Depuis un certain nombre d’années, l’ethnologie s’est penchée sur le monde des organisations - l’école, l’usine, les églises... - selon son approche spécifique. Au fond, elle est passée du village à l’entreprise, de l’étude de la famille, objet privilégié de l’anthropologie structurelle, à l’étude de l’entreprise en passant par le village. Il faut souligner que, du point de vue de notre société scientifique, le thème directeur, le cadre général de référence est ici l’organisation. C’est de manière tout à fait cohérente avec sa définition que l’ethnologie se préoccupe des organisations, l’objet de l’ethnologie étant l’étude des formations sociales singulières, des formations passées ou présentes, l’étude des corps concrets. En ce sens, elle s’apparente davantage aux sciences naturelles qu’aux sciences dites théoriques, fondamentales, voire comparatives.
2L’ethnologie, donc, a pour objet la culture, les institutions de formations singulières. La RATP - l’ensemble, le corps social composé par les transports parisiens organisés - compose bien un objet, éminemment ethnologique, vivant, visible, complexe, dynamique. Dans le thème large du colloque, nous nous trouvons dans une situation de travail extrêmement intéressante : prendre une étude monographique plutôt qu’une étude déjà comparative, approcher l’organisation par une monographie, un cas. Cette étude de cas est exemplaire, parce que l’observation de la RATP, des transports parisiens, illustre aujourd’hui un modèle d’approche pluri-axiale, pour ne pas employer le terme d’unité d’approche plurielle. L’entreprise est appréhendée comme institution, lieu de culture, lieu d’histoire et, à travers les filtres conjugués des différents acteurs-l’entreprise elle-même, les services d’archives, les chercheurs, les enseignants qui se trouvent ici réunis et qui ont déjà montré la fécondité de leur approche commune.
3Une des conjonctions remarquables de l’étude de l’entreprise, dans le projet qui se développe, est la conjugaison des disciplines de l’histoire et de l’ethnologie. Il existe une autre conjonction remarquable, déjà signalée : l’entreprise elle-même participe à sa propre étude, et à sa propre mise en mémoire. Ce sont les spécialistes d’archives internes ou externes, les chercheurs ethnologues ou socio-ethnologues qui travaillent à l’analyse et à l’exploitation de ses ressources archivistiques. L’histoire et l’ethnologie sont deux disciplines que d’aucuns croient distinctes. Elles ne sont souvent distinctes que du point de vue de l’organisation académique, mais on constate des rencontres d’objets entre l’histoire et l’ethnologie. Autour d’un objet commun, comme l’organisation, tant l’histoire que l’ethnologie ont quelque chose à dire. L’organisation peut être envisagée à la fois dans sa culture, la culture des pratiques, les symboliques, les représentations, les valeurs attachées à cette formation singulière et comme institution, organisation sociale, lieu de rapports aux facteurs sociaux, etc. L’histoire est ethnologique quand elle fait l’histoire de la culture. C’est l’ethnologie du passé. L’ethnologie est historique quand elle appréhende la culture et les institutions, qui sont ses objets propres, en perspective temporelle.
4Le colloque a concentré son attention sur la partie historique du diptyque de l’approche de l’organisation. Le thème de la mise en œuvre et l’exploitation des archives, a été retenu comme le thème central.
Auteur
Directeur de recherche honoraire au CNRS, vice-président de la Société d’ethnologie française
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