Chapitre 4. Du Risorgimento de l’Italie à la résurrection de l’Europe fédérale
p. 94-113
Texte intégral
1Si la pensée « personnaliste et communautaire » française s’ancre dans une double filiation proudhonienne et « néo-romantique » allemande, l’approche fédéraliste et démocratique trouve dans la lecture croisée des penseurs du Risorgimento1 et des fédéralistes anglo-saxons la « boîte à outils » qui guide sa démarche politique. Il convient toutefois de ne pas mésinterpréter le rapport qu’entretient le mouvement fédéraliste à l’endroit de la théorie politique. La tradition philosophique constitue certes une source d’inspiration, mais en aucun cas elle n’est appelée à se substituer à une approche pratique du fait fédéraliste. Comme l’écrit Altiero Spinelli dans l’avant-propos du Manifeste des fédéralistes européens :
Je suis en effet persuadé que les fédéralistes n’ont quelque chose d’original à dire et à faire, que s’ils ont le courage de refuser d’être les porteparole d’une énième idéologie politique, ou les représentants de forces sociales évoquées par une énième doctrine sociale, et le courage austère de ne vouloir être que les bâtisseurs du pouvoir politique fédéral européen2.
2Si Spinelli et Albertini se réfèrent à Mazzini et à Hamilton, c’est d’abord en vertu de leurs implications concrètes dans les événements révolutionnaires que furent la Révolution américaine et le Risorgimento italien. Le politique est ici perçu dans sa valeur militante ; de sorte que la théorie doit toujours pouvoir être mise à la disposition de la pratique. Selon Spinelli, cette approche est particulièrement sensible chez Hamilton « qui, à la méditation, a pu joindre la pratique, en participant à la construction effective du premier gouvernement fédéral apparu dans l’histoire3 ». Étudier l’ère « hamiltonienne » de l’intégration fédéraliste européenne, c’est donc faire l’écho d’une histoire militante, construite dans l’action et la « bataille », par des « résistants » et des « combattants », animés par une même « stratégie » et se présentant comme « l’avant-garde du peuple européen » ; c’est-à-dire en l’occurrence comme l’avant-garde d’une « communauté d’épreuves »4 élevée au rang de la fédération européenne5.
À l’origine de l’Europe politique : « Pensiero e azione »
3Si l’on sait que la prison servit de formation à Spinelli6, il est difficile de mesurer l’impact exact qu’a eu la théorie (politique, juridique, économique) sur sa démarche militante. Nourri de références aussi hétéroclites que Marx, Sorel, Croce, Hegel et les épîtres de saint Paul, il étudie également les mathématiques, la science physique et les langues (français, allemand, russe et anglais). De cette éducation « pantagruélique7 », Spinelli retire une attitude prudente vis-à-vis de l’idole spéculative de la « théorie ». Si le « fédéralisme intégral » de Marc développe une approche ontologique du fait communautaire en recourant à Proudhon pour penser un fédéralisme notionnel, Spinelli puise dans la science politique pour constituer un système politique solide et résolument ancré dans le réel immédiat. Spinelli défend la nécessité d’une science politique prescriptive capable de penser l’urgence et d’instituer le possible.
La prise de distance vis-à-vis de la théorie politique
4Le personnage qui incarne peut-être le mieux l’ambiguïté que Spinelli nourrit à l’encontre de la théorie politique est Giuseppe Mazzini. À première vue, les « pères » de l’Italie moderne et de l’Union européenne partagent de nombreux points en commun. Tous deux mêlent « pensée et action8 », tous deux entendent dépasser les particularismes locaux pour fédérer un espace post-communautaire sur des bases essentiellement politiques, tous deux voient dans l’Europe fédérée le seul moyen d’instaurer une paix pérenne entre les différentes nations du continent. Pourtant, Spinelli cite peu Mazzini et lui préfère le pragmatisme des fédéralistes anglo-saxons. Comme il le résume lui-même :
Étant donné que je cherchais de la précision, je n’étais pas attiré par le fédéralisme brumeux et tortueux sur le plan idéologique de Proudhon et Mazzini, mais par une pensée nette et précise ressemblant à celle des fédéralistes anglais9.
5Non seulement ce manque de clarté occulterait le réalisme de l’idée fédérale en la renvoyant au transcendantalisme de l’idéologie métapolitique, mais de surcroît il rendrait sa diffusion impossible auprès du plus grand nombre. Condamné au formol théorique, ce fédéralisme ne serait qu’une énième expérience de pensée, incapable de « combattre [...] les prétentions abusives [des] États nationaux10 ». De sorte qu’au fédéralisme théorique vient se substituer un fédéralisme pragmatique au moment même où une Europe politique est en train de naître sur les ruines d’une Europe philosophique. Ainsi Spinelli écrit-il à propos du Manifeste des fédéralistes européens :
Ce manifeste fédéraliste [...] veut arracher au brouillard qui l’enveloppe encore, un nouveau courant politique qui aurait non seulement un premier capital d’expériences accumulées, mais aussi ses propres critères de jugement et d’action. [...] Il veut dessiner avec des traits nets et précis la physionomie de ce courant, de façon que, dorénavant, personne ne puisse méconnaître ce qu’il est en réalité11.
6Ainsi, l’Europe ne doit plus demeurer à l’état de projet ; elle doit incarner ce projet, c’est-à-dire se projeter, « voir loin » comme l’y invite son étymologie. S’inscrivant dans le sillage de Jean Guéhenno, un ancien rédacteur de la revue Europe, pour qui les idées exigent de nous des « combats », Spinelli décide d’engager une partie de l’Europe à « résister » contre une autre : le « peuple européen » contre l’« ennemi » statonational. Comme dans tout « combat », il s’agit alors de mettre en place une « stratégie de l’action fédéraliste12 », et c’est dans le réalisme politique de Machiavel que l’action de Spinelli puise alors.
Le moment « machiavélien » du fédéralisme européen
7Si Machiavel apparaît à plusieurs reprises dans l’œuvre de Spinelli, c’est qu’il incarne, plus que quiconque, le « pensiero e azione » nécessaire à l’objectif fédéraliste. Ainsi Spinelli présente-t-il sa démarche comme proche de « l’esprit de Machiavel » dans la mesure où celui-ci « a médité sur les problèmes de l’édification du pouvoir politique13 ». La filiation entre Spinelli et Machiavel fait d’ailleurs l’objet d’un ouvrage posthume consacré aux écrits de prison du militant italien : Machiavelli nelsecolo XX [Machiavel au xxe siècle]. Scritti del confino e della clandestinità, 1941-194414. Au cours de ses années de confinement, Spinelli développe une attitude « praxique » qui oppose « l’invitation à rêver » du fédéralisme philosophique à « l’agir » du fédéralisme militant15. Comme il l’écrit alors à Albert Camus :
Je suis convaincu que la lutte pour la Fédération qui dans le passé n’a été qu’une propagande d’idéalistes, peut et doit devenir aujourd’hui une lutte politique concrète. Cette occasion ne durera pas longtemps.
Si nous la laissons échapper, [...] la Fédération européenne redeviendra une utopie humanitaire sans contact avec la réalité politique16.
8Plutôt que d’attendre, comme Marc, que les conditions soient réunies pour penser l’émergence d’une « société fédéraliste » universelle, Spinelli renverse la priorité du fédéralisme personnaliste en en concevant une Europe fédérale pragmatique. À cet effet, il puise dans la science politique les outils qui permettront à l’idée fédérale de s’incarner dans un pouvoir politique supranational. La lecture de Machiavel lui permet ainsi de concevoir comment le fédéralisme peut conquérir le pouvoir en l’occurrence via la mobilisation du « peuple européen » en tant que pouvoir du nombre et force légitimante et comment il peut le conserver en l’occurrence via la mise en place d’institutions suffisamment solides pour se substituer progressivement aux appareils étatiques nationaux ; l’objectif étant de créer une intégration dont l’inertie est telle que tout retour en arrière s’avère impossible.
9Spinelli emprunte également à Machiavel son analyse de l’autonomie du pouvoir politique. Partant des conclusions du Florentin, il revendique la supériorité du politique sur le juridique et l’économique, de sorte que le premier détermine les seconds et non l’inverse : « N’importe quel marché, bien loin de remplacer le politique, présuppose, au contraire, un pouvoir politique qui établisse les règles juridiques et les fasse respecter171819. » En tant que premier interlocuteur du peuple, le pouvoir politique doit incarner l’autorité et se présenter comme l’organe qui dispose de la responsabilité in fine. Cela explique notamment la défiance que Spinelli nourrit à l’encontre du fonctionnalisme de Monnet :
Le fonctionnalisme est victime de l’illusion que les problèmes concernant l’organisation de la force et son emploi peuvent être résolus sans être abordés de front, [...] sans qu’on ait recherché qui dispose du pouvoir réel d’exécution18.
10Enfin, s’inspirant à nouveau de Machiavel, Spinelli défend une science politique prescriptive davantage que normative. Il s’agit moins dans ses écrits de déterminer la manière de rendre l’Europe plus juste et plus morale que de résoudre une « crise » le plus efficacement possible ; étant entendu que pour ce penseur influencé par la pensée libérale, une politique plus efficace est nécessairement plus juste pour ses administrés. Et par « crise », Spinelli n’entend ni celle de « l’esprit » (Valéry), ni celle de « l’humanité européenne » (Husserl), mais bien celle, politique, de « l’État-nation ». La réponse doit donc être institutionnelle et pratique :
À la différence des partis idéologiques, [les fédéralistes] ne se proposent pas d’indiquer un but final à l’humanité. Ils veulent seulement construire les instruments institutionnels qui permettront au peuple européen de formuler et de poursuivre ses buts. Les fédéralistes aspirent à être des constructeurs d’institutions, et non des dominateurs d’âmes19.
11S’il convenait de rappeler la filiation machiavélienne de la pensée de Spinelli, c’est qu’elle influence significativement la lecture qu’il propose de la tradition empirique anglo-saxonne.
D’une Europe à la Pyrrhus à l’Europe de Junius : l’influence d’Einaudi
12Luigi Einaudi occupe une place importante dans la destinée fédéraliste et européenne de Spinelli. Économiste, journaliste, puis président de la République italienne de 1948 à 1955, Einaudi développe, dès les années 1910, une conception libérale de l’unité européenne qui s’incarne dans les « États-Unis d’Europe ». Pourfendeur de la Société des nations, il s’engage intellectuellement en faveur d’une intégration fédérale et institutionnelle de l’Europe. Son approche croise le destin de Spinelli lorsque celui-ci découvre, pendant ses années de confinement, les Lettere politiche qu’Einaudi publie, sous le pseudonyme de « Junius », au Corriere della Serra, au cours de l’année 1918. À partir de là, les deux hommes entretiennent une relation épistolaire régulière. Spinelli reprend une partie des intuitions d’Einaudi en les ancrant dans le réel et l’urgence de l’Europe post-Seconde Guerre mondiale.
13L’influence d’Einaudi est double. Non seulement, les écrits de l’économiste au Corriere della Serra informent l’anti-statonationalisme de Spinelli et la méfiance qu’il entretient vis-à-vis du confédéralisme diplomatique de la SDN ; mais de surcroît, c’est grâce aux recommandations de lectures d’Einaudi que Spinelli ainsi que Rossi, puis Albertini dans un second temps découvre le fédéralisme libéral anglo-saxon20.
De la « crise de l’État-nation » à l’inefficacité de la Société des nations
14En 1918, Einaudi publie deux articles majeurs dans le Corriere della Serra : « La Società delle Nazioni è un ideale possibile ? » (5 janvier 1918), et « Il dogma della sovranità e l’idea della Società delle Nazioni » (28 décembre 1918)21. Selon Einaudi, le modèle de l’organisation internationale est condamné à l’inaction et à l’inefficacité dans la mesure où il subordonne l’idée de « société » à celle de « nation » ; de sorte qu’en construisant la fiction d’une coordination internationale dépourvue de pouvoir supranational contraignant, les États ne font que reproduire l’esprit dix-neuvièmiste du « Concert des nations » dont l’efficacité à prévenir la guerre a fait long feu. Pour Einaudi, la paix est intimement liée à l’enjeu de la souveraineté nationale : seule une méthode capable de freiner l’expansion de celle-ci est en mesure de garantir aux peuples la paix à laquelle ils aspirent22. Or, la méthode ouverte de coordination qui prévaut aux relations diplomatiques de la SDN est précisément pensée de manière à ce que soit sauvegardée coûte que coûte l’intégrité souveraine de chaque État-membre23. Einaudi considère qu’il y a donc contradiction dans les termes : la méthode de la SDN (l’intergouvernementalisme) est incompatible avec son objectif (la paix). À partir de là, Einaudi propose de changer de paradigme en adoptant l’idée régionaliste des « États-Unis d’Europe ». Puisqu’il est, pour le moment, utopique de fédérer une société mondiale sur des bases aussi contraignantes que celles qu’il oppose à la SDN, il convient d’intégrer le continent duquel émergent alors la plupart des conflits les plus meurtriers. Pour Einaudi, l’unification du continent doit reposer prioritairement sur une intégration économique24 étant donné l’interdépendance croissante qui lie alors les destins marchands de l’Europe. Dans la pensée libérale25 d’Einaudi, l’intégration économique rejaillirait alors naturellement sur l’intégration politique. L’urgence est à la création de marchés communs qui contraignent les États à « fonctionner » ensemble.
15Les textes d’Einaudi sont en grande partie repris et développés par les fédéralistes italiens de la Résistance. Spinelli développe sa critique du souverainisme national en élaborant le concept de « crise de l’État-nation » qui joue un rôle considérable dans la théorie fédéraliste. Pour lui, la fusion de l’État et de la nation est à la base de l’impérialisme (en l’occurrence germanique) et du fascisme (en l’occurrence italien)26. D’où la nécessité de rompre les liens qui unissent l’État à la nation et de freiner le pouvoir politique qui prévaut à chacun. D’un point de vue politique, il s’agit de contrebalancer la souveraineté nationale par des institutions supranationales démocratiquement légitimées ; d’un point de vue économique, il s’agit de combattre toute forme de protectionnisme pour briser le risque d’affaiblissement économique que certains États font peser sur leurs voisins. Comme Einaudi, Spinelli est convaincu que la « crise de l’État-nation » ne peut trouver de solution que dans le changement de paradigme organisationnel qui prévaut à la création des « États-Unis d’Europe27 ».
L’origine anglo-saxonne du fédéralisme italien
16Dans un ouvrage publié en 1957, Spinelli rend hommage au fédéralisme anglo-saxon grâce auquel le fédéralisme italien est aujourd’hui influent :
Il est intéressant de remarquer que le mouvement fédéraliste le plus cohérent se trouve aujourd’hui en Italie, et que celui-ci s’est amplement nourri de la littérature fédéraliste anglo-saxonne28.
17Après avoir lu les Lettere politiche d’Einaudi à la fin des années 1930, Spinelli commence à s’intéresser au modèle à partir duquel l’économiste pense la fédération européenne, les États-Unis. Il s’agit alors de comprendre comment fonctionne et s’organise l’État fédéral américain in concreto, c’est-à-dire en tant que système politique institutionnel. Comment le pouvoir politique fédéral s’articule-t-il aux divers organes régionaux ? À partir de quel type de légitimation fonder un tel système ? Doit-on édifier une démocratie fédérale ou une République fédérale ? Sur la base d’un traité ou d’une Constitution ? Rossi et Spinelli découvrent alors The Federalist Papers, un recueil d’articles écrits par Alexander Hamilton, John Jay et James Madison et paru dans les années 1787-178829. C’est dans ce livre que Spinelli puise sa vision du fédéralisme « constitutionnel ».
18Peu de temps après, Spinelli découvre la littérature fédéraliste britannique des années 1930. Par l’intermédiaire de Rossi, Einaudi fait parvenir à Ventotene de nombreux ouvrages qui traitent chacun du moyen de traduire dans la réalité européenne l’esprit du fédéralisme américain. Citons, par exemple, les œuvres classiques de Lionel Robbins (TheEconomie Causes of War, 1939), Lord Lothian (Pacifism is not enough, nor Patriotism either, 1935), et William Beveridge30. Spinelli traduit d’ailleurs l’ouvrage de Robbins, pour en publier une version italienne avec la collaboration d’Einaudi. Si la littérature fédéraliste anglo-saxonne influence autant Spinelli puis Albertini -, c’est qu’elle permet de dépasser la dichotomie qui enferme l’expérience fédérale dans la fausse opposition de l’imperium conquérant et du pacifisme diplomatique. Comme l’écrit le militant italien :
On a l’habitude d’entendre que les Britanniques sont opposés à l’idée de fédération, et eux-mêmes renforcent cette impression en répétant à l’envi que le fédéralisme est [...] une méthode de pensée étrangère à leur tradition. [...] Ce n’est pourtant pas tout à fait juste. L’idée qu’il est possible de fonder un gouvernement supranational sans recourir à la conquête, à travers un accord librement consenti par les États, et qu’il est également possible de diviser la souveraineté en confiant une part de celle-ci à chaque organe gouvernemental, est une conception typiquement anglo-saxonne31.
19L’approche anglo-saxonne serait plus apte à relever le défi du fédéralisme européen que l’approche continentale dans la mesure où sa pensée s’expose plus simplement et avec davantage de cohérence. Saluant implicitement la force de la pensée analytique, l’Italien oppose au « brumeux » continental la clarté avec laquelle les Anglo-Saxons « présentent les problèmes », « examinent les obstacles » et « proposent des solutions32 ». Cet enjeu méthodologique est essentiel dans la mesure où le fédéralisme « constitutionnel » a vocation à reposer sur une légitimité de type démocratique et que ses principes doivent pouvoir être compris du plus grand nombre.
À la recherche du buongoverno de l’Europe : Hamilton et le fédéralisme « constitutionnel »
20Assez significativement, l’article qu’Albertini écrit dans Le Fédéraliste en 1962 « Qu’est-ce que le fédéralisme ? » aborde l’enjeu définitionnel du fédéralisme à travers un événement historique : l’Union des États nord-américains. Ce faisant il place la fédération du côté de l’empirique et de l’« existant » :
Afin de délimiter rigoureusement cette discussion, je crois qu’il est utile de partir d’un fait historique, et de la constatation de sa nature. Comme on le sait, de 1778 à 1788, l’Union des États nord-américains se basa sur les Articles of Confederation. En 1788, l’Union changea ces institutions et institua celles qui existent encore aujourd’hui33.
21L’ambition est claire : le fédéralisme n’est ni un « rêve », ni une « utopie » puisqu’il existe un précédent américain. De plus, ce fait historique s’inscrit dans la durée puisqu’il donne lieu à des institutions qui « existent encore aujourd’hui ». Le fédéralisme s’adapte (« changea ses institutions ») et perdure. En focalisant une partie de son article sur la « crise » politique qui suit la guerre d’indépendance américaine (1775-1783), Albertini ancre le fédéralisme du côté du combat politique et de la résistance au conservatisme institutionnel. De ce contexte, émerge, selon Albertini, le « protagoniste le plus conscient » de la situation « praxique » de la crise politique américaine : Alexander Hamilton. C’est à cet homme qu’il reviendrait d’avoir inventé la « formule institutionnelle » prévalant encore aujourd’hui aux États-Unis d’Amérique. Dans les mots d’Albertini : « Hamilton, l’homme qui eut une conscience aiguë de la nature du problème à résoudre, fut également celui qui eut plus clairement conscience du fait institutionnel survenu34. » Replacé dans le cadre de la théorie fédérale italienne, l’apport d’Hamilton est fondamental à trois niveaux : premièrement, il permet de penser la révolution fédérale en tant que fondation de l’action politique ; deuxièmement, là où le confédéralisme diplomatique met l’accent sur la coopération et la négociation entre dirigeants politiques, le fédéralisme « constitutionnel » hamiltonien repose sur une organisation institutionnelle et une intégration contraignante ; troisièmement, si le peuple est absent du confédéralisme diplomatique, il occupe une place essentielle dans le fédéralisme « constitutionnel » : il est le seul organe à même de légitimer la fondation d’un nouveau système institutionnel.
Le fédéralisme : entre action politique et « fondation constituante »
22Si la « pensée politique » d’Hamilton « n’[est] pas guidée par la préoccupation principalement théorique de la conception du « bon gouvernement35 » », c’est qu’il consacre une part importante de son travail au problème de la « fondation constituante » du fédéralisme politique. « Fonder » le fédéralisme consiste à la fois à « inventer » un système politique radicalement nouveau (« révolutionnaire », au sens arendtien du terme36) et à « augmenter » une action politique déjà existante. De sorte que la fondation est nécessairement dynamique, elle crée tout autant qu’elle augmente : elle s’inscrit dans un héritage politique mais elle refuse son testament37. Il s’agit en somme d’hériter et d’adapter. Comme l’écrit Albertini à propos de la prise de conscience d’Hamilton :
À Philadelphie était en train de se formuler une nouvelle conception de l’État, et il était fatal que les hommes de la Convention la vissent tout
d’abord avec les yeux des conceptions du passé. Cette situation, dans laquelle évidemment se trouvait également H[amilton], dissimulait la nouveauté ; et pour cette raison, H[amilton], qui probablement pensa en un premier moment se trouver en face d’un pur système représentatif, s’isola [...]. Ce fait l’éleva justement à la hauteur du problème théorique de la fondation des bonnes institutions politiques ; et il est extrêmement significatif que, de ce point de vue, il ait pu constater que la fondation était advenue38.
23L’analyse machiavélienne qu’Albertini fait d’Hamilton est ici claire. Pour le Florentin, « la fondation [est] l’action politique centrale, le grand acte unique qui [établit] le domaine publico-politique et [rend] la politique possible39 ». De la même manière que Machiavel pense pouvoir fonder une Italie unifiée à partir de l’expérience romaine, Albertini entend fonder une Europe fédérale à partir de l’expérience américaine. Or, ce qui singularise l’exemple américain, et qui sert de base à la pensée hamiltonienne, c’est précisément que « la fondation était advenue ». L’organisation fédérale des États-Unis existe dans les faits, elle repose dans la réalité sur un certain nombre d’« accords et [de] contrats existants, confirmant et légitimant un corps politique déjà présent40 ». De sorte que la révolution américaine est politique avant d’être sociale, elle consiste à inventer des institutions reflétant un fédéralisme qui existe dans les faits, et non à construire un corps social qui devrait ensuite légitimer a posteriori son institutionnalisation politique. Dans ce contexte, la Constitution ne fait que révéler un fédéralisme qui existe de facto dans le corps social. Puisque la société américaine s’organise en comités restreints de citoyens délibérant de la « chose publique », il s’agit de créer les organes politiques qui sauront traduire cette réalité sociale en « design institutionnel » ; de sorte que ce fonctionnement, résultant d’une observation inductive de la praxis civique, fasse autorité pour l’avenir de l’action publique américaine. L’autorité qui prévaut à la fondation politique américaine est donc de nature pragmatique, elle s’adosse à une observation fine et aiguë de la réalité. En ce sens, Hamilton joue moins le rôle d’un théoricien constructiviste et idéaliste que celui d’un observateur attentif à la manière dont fonctionne la société.
24Cette lecture de la révolution américaine n’est bien sûr pas innocente dans le combat que les fédéralistes italiens entendent mener au profit des ÉtatsUnis d’Europe. De même que les institutions fédérales américaines se seraient contentées de traduire politiquement une réalité déjà fondée socialement, il s’agit pour Spinelli, Rossi et Albertini de montrer que cette réalité fédérale existe dès aujourd’hui dans l’« actualité41 » de la société européenne. Plutôt que de chercher à fonder une Europe culturelle et philosophique, les fédéralistes européens tentent d’opérer une révolution copernicienne en démontrant que la fondation de l’Europe des peuples est déjà « advenue », et que celle-ci n’est freinée que par le conservatisme statonational des gouvernements européens. L’inexistence du « peuple européen » ne serait qu’une stratégie politicienne qui permettrait aux dirigeants nationaux de retarder l’institutionnalisation de l’Europe des peuples. C’est la raison pour laquelle Spinelli postule dès la fin des années 1940 que le fédéralisme européen s’inscrit dans la suite logique et rationnelle d’une analyse qui prend acte du « peuple européen », celui-ci existant empiriquement à défaut d’être considéré théoriquement. À partir de là, il s’agit de constituer le design institutionnel de l’Europe, de sorte que celui-ci reflète l’existence empirique du peuple européen en lui conférant une forme politique qui respectera sa logique organisationnelle première.
De la fondation à l’institution
25Contrairement aux fédéralistes intégraux qui « mettent l’accent sur le principe de subsidiarité et la décentralisation42 » en se focalisant sur les enjeux économiques de la « société fédérale43 », Spinelli et les « constitutionnalistes » italiens privilégient l’approche politique et l’élection d’une Constituante pour ratifier l’autorité populaire de l’État fédéral : l’organisation économique et sociale doit découler de l’action politique, non la précéder. La Constitution établie par la Constituante représente en ce sens l’autorité de la fondation, elle la concrétise, lui donne une « consistance » tangible. Elle date l’expérience américaine en lui conférant un commencement officiel. Ce gouvernement mixte qui allie systèmes représentatif et constitutionnel, Albertini le nomme « compromis institutionnel44 ». Il s’agit de combiner les bienfaits du libéralisme politique qui contribue au bon fonctionnement de la chose publique en « temps normal » et l’autorité d’un texte quasi « eucharistique », qui incarne en quelque sorte l’esprit du peuple américain. De ce compromis entre dynamisme représentatif et fidélité constitutionnelle, naît le perfectionnisme politique du modèle américain. Comme le résume Albertini :
Ce que Hamilton vit dans le compromis fédéral, fut justement quelque chose qui ne recommençait pas continuellement, donc quelque chose qui garantissait la fondation, parce qu’allant au-delà du pur mécanisme représentatif45.
26Le système doit pouvoir s’adapter et faire preuve de souplesse, mais dans la stricte limite du pattern constitutionnel ; sans quoi le système se trahit et se parjure en renonçant à ses principes fondateurs46. À partir de là, il s’agit de créer des institutions capables de faire fonctionner les principes, jusqu’alors idéels, de la Constitution :
La distribution régulière du pouvoir entre secteurs distincts, l’introduction de freins et de balancements législatifs, l’institution de cours composées de juges qui conservent leur charge tant que dure leur bonne conduite, la représentation du peuple dans le législatif au moyen de députés élus par le peuple lui-même47.
27Mais cette distribution du pouvoir n’est pas suffisante : il doit également exister un organe qui protège et garantit l’intégrité de la Constitution. Dans la pensée hamiltonienne, cette fonction rectrice est assumée par la Magistrature :
Avec un sens très poussé des institutions, Hamilton vit l’organe dans lequel aurait pris forme le jeu de la concurrence des pouvoirs, le dirigeant vers une institution effective respectable, et capable donc de faire du frein, dans sa double fonction de limite et de chose qui ne recommence pas, également la représentation visible de la « sagesse des Pères », de l’autorité de la fondation. Cet organe est la Magistrature48.
28La Magistrature est la « gardienne » de la constitution, et donc du peuple par extension ; étant entendu que la constitution n’est que la traduction politique de la société américaine des années 1780. La Magistrature joue le rôle d’intermédiaire entre le peuple et la législature, afin d’empêcher les représentants de substituer leurs volontés à celles des constituants.
29Enfin, Albertini aborde la manière dont Madison traite du fédéralisme en tant que système formel radicalement nouveau et reposant sur des institutions conçues ad hoc :
La conception est vraiment nouvelle et étrange parce qu’elle réalise, dans un seul domaine constitutionnel, ce que l’on est obligé d’appeler la vie en commun de plusieurs États. [...] Le gouvernement commun est national en ce qui concerne la provenance de son pouvoir et la façon de l’exercer, parce que ce pouvoir découle directement des citoyens par le suffrage, et s’exerce directement sur eux par les lois d’un législatif et l’administration d’un exécutif ; mais il estfédéral en ce qui concerne l’extension, parce que la sphère de ses compétences est limitée par la sphère des compétences des États membres, dont les pouvoirs découlent eux aussi directement des citoyens et s’adressent directement aux citoyens49.
30Ainsi, en séparant la compétence nationale de la compétence fédérale, le système américain augmente le champ du contrôle démocratique. À chaque niveau de décision, le citoyen dispose d’une capacité de blocage qui limite la possibilité qu’une partie du peuple exerce un pouvoir tyrannique sur une autre. De sorte qu’« on peut dire sans exagérer » :
Dans une Confédération, [...] le peuple [...] est le maître de son propre destin. Un pouvoir étant toujours le rival d’un autre pouvoir, le gouvernement général sera toujours prêt à freiner les usurpations des gouvernements des États, et ceux-ci prendront la même disposition envers le gouvernement général50.
31De l’incarnation constitutionnelle à la Magistrature, en passant par le design institutionnel de la Confédération, le peuple semble toujours et en même temps constituer l’origine et l’horizon du système politique américain. Est-ce à dire que la fondation des États-Unis d’Amérique repose de facto sur un type de légitimation purement démocratique51 ? Ou bien le rapport des Founding Fathers au peuple s’avère-t-il plus complexe et ambigu que ne le prétendrait une lecture superficielle des Federalist Papers ?
La fonction légitimante du peuple fédéral
32Comme nous venons de le voir avec Hamilton, on a tout lieu de penser que « le peuple est maître de son destin » dans le système politique fédéral américain. Il le serait même doublement dans la mesure où il intervient à la fois régulièrement au travers du vote, et fondamentalement en tant que modèle original de la Constitution. Pourtant, dans les deux cas, sa « maîtrise » n’est qu’indirecte. Dans un cas, elle est médiée par les représentants élus ; dans l’autre, elle repose sur un texte rédigé par les Sages et garanti par les fonctionnaires de la Magistrature. De sorte qu’au peuple « brut » de la société civile est substitué un « peuple » raffiné, qui ne s’exprime qu’au travers d’une aristocratie rompue aux codes du « bon gouvernement ». Contrairement à la démocratie antique, la démocratie libérale du modèle américain ne repose pas sur un peuple qui participe à l’action publique, mais sur un peuple qui donne son mandat d’agir à un corps institutionnel composé de professionnels du politique. La démocratie américaine est donc moins directe que « par procuration » : le peuple légitime l’action publique de ses administrateurs, mais il ne dispose pas d’une véritable compétence d’initiative. Le peuple vote, il élit ses représentants, et ce faisant il renouvelle le principe d’une aristocratie qui dispose du monopole de la délibération52.
33En tant que multitudo et force du nombre, le peuple dispose certes d’une puissance légitimante importante : en l’absence de Léviathan s’autoautorisant à incarner la volonté du peuple, à lever une armée et à collecter l’impôt, l’appel au peuple constitue l’unique moyen de mobiliser l’assentiment de l’opinion publique et la confiance des citoyens au moment des élections. Dans la démocratie hamiltonienne, le peuple a donc pour fonction essentielle d’autoriser le gouvernement à disposer d’un exécutif fort ; un exécutif « faible » étant selon Hamilton le contraire de la démocratie53. Mais c’est également en tant que multitudo que le peuple est perçu comme incapable de s’autogouverner et de conserver l’esprit de la fondation fédérale. Pour Albertini, cette méfiance vis-à-vis du plethos démocratique explique le caractère en partie « monarchique » du pouvoir politique tel que le conçoit Hamilton :
Dans son inspiration fondamentale, la pensée de Hamilton était la pensée classique de Polybe, du gouvernement mixte où le principe monarchique, l’aristocratique et le démocratique, se fondent dans un système articulé tendant à empêcher la dégénération tyrannique des petits groupes et celle démagogique de la multitude [...]. Voilà le Hamilton monarchique54.
34Cette contrainte démocratique est particulièrement sensible dans The FederalistPapers : les Pères fondateurs ont autant besoin du peuple qu’ils s’en méfient et s’en détournent :
Les Pères fondateurs [voient dans la représentation] justement le moyen pour l’élite d’exercer en fait, au nom du peuple, le pouvoir qu’elle est obligée de lui reconnaître mais qu’il ne saurait exercer sans ruiner le principe même du gouvernement55.
35Il s’agit alors de concevoir un type de démocratie capable de s’autolimiter en suspendant temporairement l’expression du peuple tout en reposant entièrement sur la puissance de celui-ci. D’où la multiplication des divers freins, digues et contrepouvoirs que prévoit la Constitution américaine :
Le destin du peuple est contenu, selon H[amilton], justement dans un système qui limite la dynamique de la représentation, c’est-à-dire le bref mouvement de la volonté populaire. Et pourtant on parle de maîtrise, du « peuple maître de son propre destin », donc d’une volonté. Mais cette volonté est le fruit d’un tempérament de son expression immédiate, [...] : le vote56.
36L’objectif est de contraindre la démocratie de sorte que son autoréalisation le fameux « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », selon Abraham Lincoln demeure incomplète et éternellement différée, « à venir ».
Le Manifeste de Ventotene : un palimpseste des Federalist Papers ?
37Rédigé par Rossi et Spinelli57 en 1941, le Manifeste de Ventotene se présente sous la forme d’un texte court, structuré de manière analytique (problèmesobstacles-solutions) et guidé « par la propagande et par l’action58 ». La tonalité générale du manifeste oscille entre les registres lyrique et militant ; il s’agit de convaincre, de rallier le lecteur à une cause en usant d’une tactique rhétorique évidente : opposer à l’émotion d’une situation désespérée la clarté rationnelle du militantisme fédéraliste. L’émotion vise implicitement le peuple, tandis que le rationalisme témoigne aux futurs leaders politiques et intellectuels du sérieux avec lequel la résistance traite la question européenne. Ainsi, il n’est pas anodin que le terme « propagande » revienne à plusieurs reprises au fil du texte : militant plutôt que théorique, ce texte cherche à mobiliser l’opinion en la persuadant que l’expérience fédéraliste est un fait nécessaire.
38Écrit pendant la guerre par deux intellectuels rompus au pragmatisme anglo-saxon, ce manifeste « révolutionnaire » partage de nombreuses similitudes avec The Federalist Papers d’Hamilton, Jay et Madison. Non seulement il s’érige contre le souverainisme illimité du statonationalisme meurtrier, mais, de surcroît, il pose l’expérience de la résistance comme l’événement fondateur de la fédération populaire européenne : une société fédérale européenne serait déjà « advenue » dans la lutte contre l’oppresseur fasciste. Enfin, le rapport de ces résistants à la démocratie est ambivalent.
Les penchants criminels de l’Europe statonationale
39La critique de l’hypertrophie statonationale occupe la première partie du manifeste, intitulée « La crise de la civilisation moderne » et rédigée par Spinelli. À l’origine du « problème » européen, cette hypertrophie reposerait sur l’institutionnalisation d’un souverainisme illimité s’étendant à tous les domaines de l’action publique et à tous les échelons géopolitiques du continent. Comme le résume Spinelli :
La souveraineté absolue des États nationaux a conduit à la volonté de domination de chacun d’eux, vu que chacun se sent menacé par la puissance des autres et considère comme son « espace vital » des territoires de plus en plus vastes devant lui permettre de se mouvoir librement et de s’assurer ses moyens de subsistance sans dépendre de personne59.
40En conséquence, « l’État s’est transformé en patron des sujets tenus à son service et doué de toutes facultés pour porter au maximum sa propre efficacité guerrière60 ». L’urgence est donc, selon Spinelli, à l’émergence d’une superstructure capable de combattre efficacement toute velléité nationale-souverainiste :
Le problème qu’il faut résoudre tout d’abord sous peine de rendre vain tout autre progrès éventuel -, c’est celui de l’abolition définitive de la division de l’Europe en États nationaux souverains61.
41Se plaçant dans le sillage d’Einaudi, Spinelli dénonce également l’incapacité de la « routine de la diplomatie traditionnelle62 » à freiner efficacement l’impérialisme de l’État-nation ; tant et si bien, qu’en se contentant de réformer et renforcer ces institutions confédérales, l’Europe se condamnerait à un destin fait de sang et de sanglots :
On a désormais démontré l’inutilité et même la nuisance d’organismes du type de celui des Nations unies lequel prétendait garantir le droit international sans une force internationale capable d’imposer ses décisions et en respectant, en outre, la souveraineté absolue des États membres63.
42En multipliant les contrepouvoirs aux divers échelons de l’intégration, la fédération européenne entend redonner à la paix une valeur autotélique et ce, à des fins normatives autant que pragmatiques : la paix libérera les forces vives du continent et préparera sa reconstruction économique et sociale. La paix ne doit plus être l’interlude d’une guerre sans fin un interlude où les mères enfantent les futurs soldats, où les écoles préparent les futurs patriotes, où la science rationalise la mort. Au contraire, selon Spinelli, la paix doit être mise au service d’un accroissement de « l’aisance collective ». C’est là l’originalité fondamentale du Manifeste de Ventotene : seule une structure suffisamment contraignante pour freiner et, au besoin, suspendre la souveraineté nationale permettra à l’Europe de regagner une liberté qui lui fait défaut depuis plusieurs décennies. En soustrayant la liberté politique de ses États membres, l’Europe augmentera paradoxalement celle de ses forces vives.
La résistance comme expérience fédérale fondatrice
43Là où, en revanche, la guerre a servi la cause européenne, c’est qu’elle a donné lieu à une résistance transnationale qui a préparé l’avènement du « peuple européen ». Si dans le cas américain, la fondation a reposé sur l’organisation économique et sociale des pionniers, la fondation d’une « Europe des consciences » serait, elle, advenue dans la lutte contre l’impérialisme fasciste. Ainsi peut-on lire dans le Manifeste de Ventotene :
L’écroulement de la plupart des États du continent sous le rouleau compresseur allemand a déjà unifié le destin des peuples européens.
[...] Les esprits sont déjà beaucoup mieux disposés [...] à l’égard d’une réorganisation de type fédéral de l’Europe64.
44La force du manifeste repose précisément sur le constat de ce « déjà »-là. Jusqu’alors, tous les projets visant la construction des États-Unis d’Europe se conjuguaient au futur plus ou moins proche. L’intégration prendrait du temps, il faudrait unifier le continent progressivement : partir d’une méthode confédérale pour habituer les esprits à se considérer comme les parties d’une même communauté. Cette vision est particulièrement sensible dans l’approche de Julien Benda (Discours à la nation européenne, 193365) et de Richard Coudenhove-Kalergi (Paneuropa, 1923). Dans le Manifeste de Ventotene, l’Europe précède son institutionnalisation : elle doit exister politiquement parce qu’elle existe « déjà » dans les faits. À défaut d’avoir fédéré des États, les deux guerres mondiales ont fédéré des hommes qui, selon Spinelli, refuseront de « revenir en arrière » dans le giron de l’État-nation. De sorte que le courant « révolutionnaire » vise moins à jeter les bases d’un modèle radicalement différent qu’à prendre acte de la fédération des consciences née de l’expérience résistante transnationale :
Par la propagande et par l’action, en cherchant à nouer, de toutes les manières possibles, des ententes et des liens entre les divers mouvements qui, dans les différents pays, se forment très certainement, il faut, dès à présent, jeter les bases d’un mouvement capable de mobiliser toutes les forces66.
45Cela étant, si un peuple européen semble déjà émerger des charniers de la guerre, peut-on pour autant voir dans l’Europe des résistants l’embryon d’une démocratie « postnationale » ?
« La méthodologie politique démocratique constituera un poids mort dans la crise révolutionnaire67 »
46Si le Manifeste de Ventotene est peu commenté par les études européistes68, il fait généralement l’objet d’un éloge qui place le chercheur dans la position du lecteur à qui était destiné ce texte de « propagande69 ». Témoignage d’une Europe résistante fondée sur un « peuple européen », le manifeste serait l’expression d’une pré-démocratie70 européenne. C’est pourtant se contenter d’une lecture superficielle du texte de Rossi et Spinelli : l’idée démocratique y est certes présente, mais elle fait davantage l’objet d’une critique serrée que d’un idéal politique. L’esprit « révolutionnaire » qui prévaut à la rédaction du texte articule les deux modèles politiques qui nourrissent alors l’attitude spinellienne : la révolution américaine des Fouding Fathers et l’ethos révolutionnaire de Lénine71. Nous avons montré l’ambiguïté qui détermine la démarche démocratique du modèle révolutionnaire américain : le peuple, absent in concreto des processus délibératif et législatif, ne s’actualise politiquement qu’au moment de donner mandat à ses représentants. Quant au modèle révolutionnaire léniniste, sa défiance vis-à-vis du gouvernement du peuple repose sur l’intuition rousseauiste que le peuple veut certes toujours le bien, mais qu’il ne le voit pas toujours ; son jugement étant aussi peu éclairé72 que sa volonté est droite. Dans la lettre du Manifeste :
Le peuple a certes certaines exigences à satisfaire, mais il ne sait, avec précision, que vouloir ni que faire. [...] Avec ses millions de têtes, il ne parvient pas à s’orienter et il se désagrège en une quantité de tendances en lutte entre elles73.
47À partir de ce constat :
Qu’il incombe [au mouvement révolutionnaire] d’organiser et de diriger les forces progressistes, en se servant de tous les organismes populaires qui se forment spontanément comme des creusets ardents dans lesquels vont se fondre les masses révolutionnaires, non pour émettre des plébiscites, mais dans l’attente d’être guidées. Le mouvement puise sa vision et sa certitude de ce qu’il doit faire, non dans une consécration préventive de la part d’une volonté populaire encore inexistante, mais dans la conscience d’être la dépositaire des exigences profondes de la société moderne. Il émane ainsi [...] la première discipline sociale aux masses informes. À travers cette dictature du parti révolutionnaire, le nouvel État prend forme et, autour de celui-ci, la véritable démocratie nouvelle74.
48Cet extrait est édifiant à plus d’un titre : non seulement le peuple-plethos des « masses informes » a besoin d’être « encadré », « guidé », « dirigé » et « discipliné », mais de surcroît c’est seulement « à travers cette dictature du parti révolutionnaire » que se formera la « véritable démocratie ». De sorte que si les fédéralistes intégraux de la révolution communautaire voient dans l’autorité du père-pasteur le guide nécessaire des troupeaux égarés, les fédéralistes résistants dans ce texte du moins voient dans l’autorité du chef, du leader politique, le seul moyen de réaliser la démocratie « véritable ». Dans les deux cas, la démocratie telle qu’elle existe dans l’hic et nunc contemporain est dévalorisée pour sa faiblesse et son incapacité à optimiser l’organisation militante de la société :
Dans les époques dans lesquelles les institutions ne doivent pas être administrées mais créées, la pratique démocratique fait faillite, avec éclat. [...] [À tel point que] la méthodologie politique démocratique constituera un poids mort dans la crise révolutionnaire75.
49À l’inaction et à la mollesse conservatrice de la démocratie, le Manifeste de Ventotene oppose donc l’action et la propagande du courant révolutionnaire :
Il doit pénétrer, grâce à sa propagande méthodique, partout où il y ait des individus opprimés par le régime actuel et, prenant comme point de départ, à chaque fois, le problème senti, à ce moment-là, comme le plus douloureux par les individus ou par les classes, il doit montrer qu’il se rattache à d’autres problèmes et en indiquer la solution76.
50Puisque, « de lui-même », le peuple n’est pas capable de voir comment parvenir à son propre bien-être, la propagande du courant révolutionnaire devra lui « en indiquer la solution ». Éternel mineur, le « peuple européen » a besoin d’un guide qui lui montre la voie et lui indique le plus court chemin pour y accéder. Ces guides doivent être choisis parmi la classe intellectuelle qui, selon Rossi et Spinelli, est la seule à bénéficier d’un esprit clair et informé. À mi-chemin entre la révolution « paternaliste » des États-Unis d’Amérique et la doctrine révolutionnaire léniniste, le Manifeste de Ventotene semble expérimenter le modèle inédit d’un « aristo-léninisme » supranational à l’échelle européenne.
Notes de bas de page
1Les références à l’unité européenne dans les écrits de Mazzini sont citées dans Claudio Pavone, Il Federalismo europeo, Libri e riviste, Notiziario bibliografico mensile, Rome, 12, 13 et 14 février, mars et avril 1951.
2Altiero Spinelli, Manifeste des fédéralistes européens, Paris, Société européenne d’études et d’information, 1957, p. 3.
3Ibid.
4Pierre Rosanvallon, « Penser le populisme », dans Catherine Colliot-Thélène et Florent Guénard (dir.), Peuples et populisme, Paris, PUF, 2014, p. 5-26.
5Altiero Spinelli et d’autres militants du mouvement de résistance fédéraliste viennent du marxisme et de la lutte partisane contre les privilèges de la bourgeoisie. Mais, témoins de l’expansion impériale allemande et du péril qui pèse alors sur l’Europe, ces acteurs décident de faire passer au second plan leurs combats contre les antagonismes de classes pour épouser la cause de la fédération européenne et proposer une alternative populaire et sociale à l’unification du continent. Cette réorientation idéologique est donc profondément pragmatique, il s’agit de coordonner les résistances européennes pour former une armée fédérale capable de lutter contre le Reich. Si bien que le combat d’antan contre les antagonismes de classes s’informe progressivement en une résistance populaire contre les dangers du nationalisme. Mais si l’objet des luttes change, il n’est pas évident que les méthodes de combat, elles, aient vraiment changé. D’où une attitude singulière vis-à-vis du peuple, de la démocratie, de la propagande et de l’action révolutionnaire.
6Arrêté en 1927 par les forces fascistes de Mussolini, Spinelli est emprisonné puis isolé à Ponza et sur l’île de Ventotene pendant seize ans. Si nous nous focaliserons ici sur la figure de Spinelli, c’est moins parce qu’il serait le « père » unique du « laboratoire » fédéraliste italien, que parce qu’il représente la figure exemplaire de ce premier âge de la résistance fédéraliste européenne. Si Rossi partage le quotidien de Spinelli, Albertini s’en différencie. Pour autant, tous deux recroisent Spinelli dans son approche libérale, institutionnelle et résolument politique de la question européenne.
7Sur le caractère « pantagruélique » de la pensée spinellienne, voir Ernesto Rossi, Altiero Spinelli, « Empirico » e « Pantagruel ». Per unEuropa diversa. Carteggio 1943-1945, Milan, Franco Angeli, 2012. « Pantagruel » serait le pseudonyme de Spinelli.
8Pour Giuseppe Mazzini, la formule « pensiero e azione » renvoie à l’idée que seule l’éducation des masses permettra au peuple de se soulever contre les monarchies régionales pour fonder une république italienne unie et fédérée.
9Cité dans Richard Mayne et John Pinder, Federal Union: The Pioneers. A History of Federal Union, Londres, Macmillan, 1990, p. 84 (je traduis). Voir également dans sa version originale : Altiero Spinelli, Come ho tentato di diventare saggio, 1, lo Ulisse, Bologne, Il Mulino, 1986, p. 307-308.
10Altiero Spinelli, Manifeste des fédéralistes européens, op. cit., p. 3.
11Ibid.
12Ibid.
13Ibid.
14Id., Machiavelli nel secolo XX. Scritti del confino e della clandestinità, 1941-1944, Bologne, Il Mulino, 1993.
15Id., Come ho tentato di diventare saggio, op. cit., p. 311-312.
16Lettre d’Altiero Spinelli à Albert Camus, 18 mars 1945, Archivi Storici delle Comunità europee, Florence.
17Altiero Spinelli, Manifeste des fédéralistes européens, op. cit., p. 33.
18Ibid., p. 32.
19Ibid., p. 36.
20John Pinder, « Il federalismo in Gran Bretagna e in Italia: i radicali e la tradizione liberale inglese », Il Federalista, 2, 1989, p. 92.
21Bertrand Vayssière, Vers une Europefédérale ? Les espoirs et les actions fédéralistes au sortir de la Seconde Guerre mondiale, op. cit., p. 38.
22Luigi Einaudi, La guerra e l’unità europea, Milan, Edizioni di Comunità, 1948.
23À ce sujet, voir également Giovanni Agnelli et Attilio Cabiato, Federazione europeo o Lega delle Nazioni ?, Turin, Bona, 1918.
24Luigi Einaudi, Per una federazione economica europea, Delegazione Alta Italia del PLI, Quaderni del Partito Liberale, 13, s. l. n. d. [1943 ou 1944].
25Luigi Einaudi, Un programma liberale, Sezione piemontese, Partito Liberale Italiano, Supplemento 2 de L’Opinione, s. l. n. d.
26Sylvain Schirmann, Robert Schuman et les pères de l’Europe : cultures politiques et années de formation. Actes du colloque de Metz du 10 au 12 octobre 2007, Bruxelles, PIE-Peter Lang, 2008.
27Altiero Spinelli, Dagli Stati sovrani agli Statit Uniti d’Europa, Florence, La Nuova Italia, 1950.
28Michael Burgess, The British Tradition of Federalism, Londres, Leicester University Press, 1995, p. 174.
29Alexander Hamilton, John Jay, James Madison, The Federalist Papers, op. cit.
30Sur ce point, voir Sylvain Schirmann, Robert Schuman et les pères de l’Europe : cultures politiques et années de formation, op. cit., p. 328 ; Michael Burgess, The British Tradition of Federalism, op. cit.
31Cité dans Michael Burgess, The British Tradition of Federalism, op. cit., p. 174, je traduis.
32Ibid.
33Mario Albertini, « Qu’est-ce que le fédéralisme ? », art. cité. Pour des raisons d’accessibilité, je citerai l’article dans sa version électronique : http://www.thefederalist.eu.
34Ibid.
35Ibid.
36Hannah Arendt, De la révolution, trad. par M. Berrane, Paris, Gallimard, 2013. Sur la question du rapport de la révolution à la fondation chez Arendt, voir notamment Thomas Berns, « Violence et fondation chez Hannah Arendt », Cadernos de filosofia, 19-20, Hannah Arendt and the Political, 2006, p. 59-67.
37Je fais ici référence à l’expression que Hannah Arendt (La crise de la culture [1961]) emprunte à René Char (Feuillets dHypnos [1946]) : « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament. »
38Mario Albertini, « Qu’est-ce que le fédéralisme ? », art. cité, je souligne.
39Dans les mots de Hannah Arendt, La crise de la culture, Paris, Gallimard, 1989, p. 182.
40Claude Canet, Benoît Jeunier, « Citoyenneté et autorité politique », dans Claude Canet (dir.), Construire une citoyenneté européenne, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2007, p. 102.
41J’emploie cette expression à la manière de Georges Lukacs qui, dans son essai Lénine (Paris, EDI, 1965 [1924]), pense la manière dont celui-ci a incarné « l’actualité de la révolution ». Or, comme l’écrit Francesco Rossolillo (« Considérations sur l’essai sur Lénine de Lukacs », Il Federalista, 1, 1966, p. 1-15) : « Il n’est pas besoin de dépenser beaucoup d’encre pour démontrer comment, [...] il y a un parallélisme impressionnant entre les problèmes que dut affronter Lénine et ceux que le progrès du processus d’intégration européenne a posés et pose aux fédéralistes. »
42Sylvain Schirmann, Robert Schuman et les pères de l’Europe : cultures politiques et années de formation, op. cit., p. 333.
43Qu’il s’agit, selon Marc (Europe, terre décisive, op. cit. ), de « démassifier » et « déprolétariser ».
44Mario Albertini, « Qu’est-ce que le fédéralisme ? », art. cité.
45Ibid.
46Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’un peuple qui vient d’obtenir son indépendance visà-vis du pouvoir monarchique britannique décide de se placer sous l’autorité du « principe » constitutionnel ; la Constitution jouant ainsi de manière symbolique le rôle immuable de la principauté rectrice. Cet élément est particulièrement important pour comprendre la manière dont le monarchique a, en quelque sorte, résisté et perduré au sein même du buongoverno démocratique.
47Ces lignes sont extraites du neuvième chapitre des Federalist Papers, et sont ici citées par Mario Albertini, « Qu’est-ce que le fédéralisme ? », art. cité.
48Ibid.
49Ibid.
50Alexander Hamilton, John Jay, James Madison, The Federalist Papers, op. cit., p. 136.
51Comme entend le démontrer Robert R. Palmer dans The Age of the Democratic Revolution: A Political History of Europe and America (1760-1800), Princeton, Princeton University Press, 1959-1964.
52Francis Dupuis-Déri, « L’esprit antidémocratique des fondateurs de la “démocratie” moderne », Agone, 22, septembre 1999, p. 95-114.
53Comme le rappelle Mario Albertini (« Qu’est-ce que le fédéralisme ? », art. cité) : « “L’énergie dans l’exécutif est un caractère-guide dans la définition du buongoverno” dira [Hamilton] dans The Federalist Papers, en polémique, justement, avec ceux qui identifiaient un gouvernement faible avec la démocratie. Pour H[amilton] il ne fait aucun doute qu’un gouvernement faible ne signifie pas démocratie mais “mauvais gouvernement”. »
54Mario Albertini, « Qu’est-ce que le fédéralisme ? », art. cité, je souligne.
55Jacques Rancière, La haine de la démocratie, op. cit., p. 60.
56Mario Albertini, « Qu’est-ce que le fédéralisme ? », art. cité.
57Avec la collaboration d’Eugenio Colorni, rédacteur en chef de l’Avanti.
58Altiero Spinelli, Ernesto Rossi, Manifeste de Ventotene [initialement Pour une Europe libre et unie. Projet de manifeste], 1941, p. 8. Pour des raisons d’accessibilité, je citerai le texte dans sa version électronique : http://www.cvce.eu.
59Altiero Spinelli, Ernesto Rossi, Manifeste de Ventotene, op. cit., p. 2.
60Ibid.
61Ibid., p. 8.
62Bertrand Vayssière, « Le manifeste de Ventotene (1941) : acte de naissance du fédéralisme européen », Guerres mondiales et conflits contemporains, 217/1, 2005, p. 69-76, ici p. 75.
63Altiero Spinelli, Ernesto Rossi, Manifeste de Ventotene, op. cit., p. 8.
64Ibid., p. 7, je souligne.
65Dans le texte de Julien Benda, le futur est même littéral : « L’Europe ne sera pas le fruit d’une simple transformation économique, voire politique ; elle n’existera vraiment que si elle adopte un certain système de valeurs, morales et esthétiques. » Julien Benda, Discours à la nation européenne, Paris, Gallimard, 1992.
66Altiero Spinelli, Ernesto Rossi, Manifeste de Ventotene, op. cit., p. 8.
67Ibid., p. 6.
68Bertrand Vayssière, « Le manifeste de Ventotene (1941) », art. cité, p. 73.
69Bien que le terme « propagande » possède une connotation politique forte aujourd’hui, il convient de le replacer dans le contexte de son époque. Si sa résonance péjorative remonte aux lendemains de la Première Guerre mondiale, il peut également correspondre à l’idée de « communication politique » ou à celle du programme ou de la profession de foi lors d’une campagne électorale. De manière générale, la propagande renvoie à la manipulation des foules, à la publicité d’une doctrine grâce aux nouveaux supports de masse. Au tournant des années 1940, alors que devait paraître l’ouvrage de Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande politique, finalement publié en 1952, le terme n’est donc ni anodin, ni aussi négativement connoté qu’aujourd’hui. À ce sujet, voir Fabrice d’Almeida, « Propagande, histoire d’un mot disgracié », Mots. Les langages du politique, 69, 2002, https://mots.revues.org/10673.
70Voir notamment John Pinder, « Altiero Spinelli’s European Federal Odyssey », The International Spectator, 42/4, décembre 2007, p. 571-588 : « [Rossi et Spinelli] analysent [dans le manifeste] les problèmes requérant une solution fédérale et décrivent les caractéristiques d’une fédération démocratique » (p. 572).
71Altiero Spinelli, Come ho tentato di diventare saggio, op. cit., t. 1, p. 311-312 : « Toute la partie qui posait la nécessité d’un parti révolutionnaire fédéraliste [...] était exprimée en des termes encore trop grossièrement léninistes. »
72Comme le mentionne le Manifeste de Ventotene (op. cit., p. 12) : si le courant révolutionnaire « s’appuie [...] seulement sur le prolétariat, il sera privé de la clarté de pensée qui ne peut lui venir que des intellectuels ».
73Ibid., p. 6.
74Ibid., p. 12, je souligne.
75Ibid., p. 6.
76Ibid., p. 11.
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