L’historien et les données bibliographiques en ligne : expériences et enjeux autour des brochures conservatrices de 1849
p. 87-106
Texte intégral
1Parmi les ressources disponibles sur le web pour l’historien figurent souvent bien placés les catalogues de bibliothèque en ligne. C’est sans doute d’ailleurs l’une des formes les plus anciennes du tournant numérique des sciences humaines et sociales dans la mesure où, pour la BnF, la première version d’un catalogue informatisé remonte aux années 1980 avec la mise en place de BN-Opale1. Mouvement qui ne s’est pas tari depuis, puisque en 2011 la Bibliothèque nationale a ouvert sa plateforme open data baptisée data.bnf.fr qui annonce en juillet 2017 héberger la version sémantique des notices du catalogue général de plus deux millions d’auteurs et de fiches œuvres qui y sont associées2.
2Une telle ressource, si elle ne manque pas d’ouvrir des perspectives pour l’historien, fait encore aujourd’hui l’objet d’un usage limité au sein de la discipline et les modalités de son utilisation restent en grande partie à questionner. C’est pourquoi nous souhaiterions nous livrer à une expérience concrète menée à partir d’un corpus de brochures politiques publiées pendant la Seconde République et conservées à la BnF afin de passer en revue les différents enjeux inhérents à l’usage de ces données bibliographiques ouvertes, mais aussi les limites qui en émanent. Nous aborderons d’abord les questions historiques soulevées par le corpus en expliquant comment les données de la BnF contribuent à rendre possible une analyse reposant sur les méthodes de la bibliographie matérielle. Nous évoquerons dans un deuxième temps la question de l’acquisition du corpus ainsi que les avantages et les difficultés actuels liés à l’usage de data.bnf.fr pour une telle démarche. Une dernière partie sera consacrée à la présentation de quelques résultats issus de l’exploration des données acquises sur les brochures étudiées.
Pour une bibliographie matérielle des brochures conservatrices de la Seconde République
3Dans le contexte de l’instauration du suffrage universel masculin en 1848 et des différentes échéances électorales des débuts de la Seconde République, les acteurs politiques entreprennent de diffuser massivement des imprimés à bas coût auprès des électeurs dans le souci de capter leurs votes. Cette pratique n’est pas nouvelle, son développement remonte aux années 1840 chez les militants socialistes et républicains qui, faisant le constat d’un échec face à la possibilité de prendre le pouvoir par les armes, entreprennent de gagner l’opinion à leur cause par l’activité éditoriale3. Elle s’intensifie toutefois dans la perspective des élections législatives du 13 mai 1849, tant chez les démocrates-socialistes4 que chez les partisans d’une république d’ordre dont ils jugent les fondements remis en cause par les premiers.
4Placards, feuilles, brochures petits formats…, sont imprimés en de très nombreux exemplaires. Un certain nombre de publications plus longues et plus théoriques voient également le jour, les premières sont parfois des extraits des secondes. Ce vaste mouvement de publication qui commence dès le lendemain des journées de juin 1848 s’intensifie à partir de l’année 1849, notamment grâce aux souscriptions organisées par le parti de l’Ordre5 en prévision de la campagne pour les élections législatives du 13 mai 1849. Les membres du comité chargé d’organiser l’effort électoral écrivent ainsi « […] qu’il n’y a plus de temps à perdre, et qu’il est indispensable, urgent, d’organiser un système de publications à bon marché, pour faire comprendre aux populations laborieuses dans quel abîme de misère et d’immoralité les doctrines dites socialistes tendent à les précipiter6 ». Le succès de cette entreprise permet au comité électoral de la rue de Poitiers d’annoncer quelques jours plus tard qu’il est en mesure
[…] d’abaisser notablement le prix de toutes brochures, qui, dans une forme simple, vive, populaire, réfutera les détestables sophismes de la presse socialiste, et fera pénétrer dans les esprits les grandes vérités sur lesquelles repose la société. Ainsi, une brochure qui se vend aujourd’hui 10 centimes pourra être livrée au public moyennant 5 centimes, et, à ceux qui voudraient la distribuer gratuitement, moyennant 3 centimes seulement7.
5Ces petits ouvrages n’ont jamais fait l’objet d’une étude approfondie8, et constituent pourtant une source riche pour comprendre comment se met en place un « ordre du discours » qui condamne toute possibilité de débat autour des idées démocrates-socialistes et qui crée la figure repoussoir du rouge par opposition à celle du républicain d’ordre. Dans cette perspective, l’une des questions majeures soulevées par ces sources est celle de leur capacité à toucher un public populaire de néo-électeurs qui, dans la société française de la fin de la première moitié du xixe siècle, se caractérise encore par un large analphabétisme9.
6On pourrait penser de prime abord que ces brochures choisies par les grands notables du Comité de la rue de Poitiers sont à l’origine d’une « culture populaire » qui découlerait d’une « culture savante » et qui serait digérée, assimilée par les milieux populaires10. Mais l’on connaît bien les risques qui découlent d’une lecture dichotomique entre les deux entités autonomes que seraient d’une part la culture savante des élites aux effets acculturants et répressifs et la culture populaire d’autre part, qui quant à elle serait dominée, mais authentique. Toute réception d’un objet culturel ne peut qu’être différenciée selon les acteurs et les groupes sociaux et ne donner lieu qu’à des processus d’hybridation11. C’est à ces processus de réception que nous souhaiterions ici nous intéresser, non pas à travers les contenus des brochures, mais par une approche quantitative fondée sur les informations bibliographiques disponibles à leur sujet. Cette démarche loin d’être neuve a fait l’objet de nombreuses recherches de la part des historiens de la lecture afin, dans la continuité des travaux de l’École de Constance12, « […] de dépasser les approches littéraires de la réception fondées uniquement sur l’interprétation des textes et de restituer les conditions et contraintes sociales qui pèsent sur les pratiques de lecture13 ». L’une des façons de poser la question de ces contraintes consiste, à la suite du programme de la bibliographie matérielle telle que proposée par Donald F. McKenzie14, à analyser ces imprimés dans leurs formes matérialisées sous lesquelles ils vont atteindre leurs publics.
7Or les notices d’un catalogue de bibliothèque en tant qu’elles constituent, au-delà de la localisation physique du document dans les collections, une description synthétique de l’objet documenté15 peuvent constituer une source précieuse pour l’historien s’intéressant à un phénomène éditorial. Outre les informations sur les auteurs, les éditeurs et les dates de publication, les notices renseignent sur la matérialité du document notamment via sa taille avec le format et le nombre de pages. Ces catégories d’information rapportées au cas du corpus de brochures conservatrices permettent d’aborder sous plusieurs aspects ce mouvement de publication : celui donc de leur « mise en livre16 », mais aussi celui de leurs auteurs, de leurs éditeurs et des évolutions du rythme de leur parution.
Bâtir un corpus de recherche avec les données de la BnF : quelles limites ?
8Une telle démarche implique de rassembler un ensemble d’informations éditoriales et bibliographiques sous la forme d’un corpus à partir des collections de la BnF. Un regroupement de données comme celui-ci ouvrirait donc la voie à l’étude de la production imprimée en tant que population au sein de laquelle chaque publication recensée constituerait un individu que l’on pourrait décrire à l’aide de variables, et ceci afin de réaliser une interprétation s’appuyant sur l’analyse quantitative17 de ces différentes caractéristiques. Dans ce but, la délimitation de la population du corpus a d’abord été réalisée à partir d’un premier relevé des publications évoquées dans la presse conservatrice en 184918. Un second dépouillement a ensuite été effectué à partir du Catalogue de l’histoire de France19 dont le classement chronologico-thématique permet de repérer des titres non cités dans les sources de l’époque. S’y ajoutent les publications croisées au fil de nos recherches qui correspondent aux critères fixés pour définir les ouvrages étudiés, à savoir des contenus qui prennent le parti des principes d’ordre défendus à la fois par les membres de la rue de Poitiers, mais aussi par les partisans d’une république modérée très hostiles aux idées démocrates-socialistes à l’image d’Alexandre Paulin20. À ce jour, 165 publications ont ainsi été identifiées pour l’année 1849. Cette période d’un an est marquée à la fois par les échéances électorales du 13 mai et les élections complémentaires du 8 juillet. S’y ajoute la journée du 13 juin organisée par les démocrates-socialistes pour protester contre l’expédition française menée contre la république romaine. Les années suivantes, le flux de publications existe toujours, mais il est beaucoup moins dense en raison des changements juridiques survenus avec le renforcement des lois sur la presse à partir de la fin juin 1849. C’est donc avec cet ensemble de départ de 165 brochures publiées au cours de l’année 1849 que nous souhaiterions passer en revue les perspectives rendues possibles par l’ouverture des données de la BnF.
9Cette dernière est étroitement liée à la tendance du secteur professionnel de la conservation et de la documentation qui entreprend de diffuser sur le web les informations contenues dans les catalogues21. Il s’agit d’évolutions maintenant anciennes, remontant à l’époque du développement des OPAC22. Outre la dématérialisation des notices, il faut évoquer l’atomisation du contenu de ces dernières qui deviennent alors des métadonnées modélisées selon des règles de structuration de l’information bibliographique23 permettant à la fois leur indexation – rendant possibles de nouveaux usages via les recherches de type booléenne –, mais aussi leur échange24. Or ces questions de modélisation et d’indexation sont au centre de l’évolution du rapport que les bibliothèques entretiennent avec les moteurs de recherche. Les publications des professionnels du secteur sur ces thèmes25 insistent en effet sur le problème des notices invisibles auprès des moteurs de recherche causé par la non-indexation des catalogues, alors même qu’ils constituent le point d’entrée principal des internautes pour effectuer une recherche documentaire. Les bibliothèques s’investissent ainsi fortement dans le passage au web sémantique dont l’une des possibilités consiste à attribuer des adresses pérennes – les URI26 – aux ressources identifiées et aux relations qu’elles entretiennent au sein du gisement de données, ouvrant ainsi la voie à leur référencement par les moteurs de recherche. Un autre avantage des technologies du web sémantique consiste en la possibilité d’interroger les gisements de données structurés selon ces standards à l’aide du langage de requête SPARQL27. Les résultats de celles-ci peuvent notamment être téléchargés dans des formats ouverts comme le XML ou des feuilles de calcul rendant ainsi possible leur utilisation dans d’autres logiciels.
10Les données mises à disposition par la BnF doivent permettre d’accéder aux informations décrivant les publications présentes dans notre corpus à l’aide de requêtes adressées au SPARQL endpoint28 de data.bnf.fr. Nous avons par cela utilisé comme point d’entrée les identifiants ARK29 des notices du catalogue général, mais nous avons été confrontés à l’absence d’un grand nombre de nos documents dans la version sémantique du catalogue : sur les 165 notices de départ, nous n’en avons retrouvées que 73. Considérant la petite taille de cette population d’étude, nous avons réalisé une seconde comparaison à partir cette fois de toutes les notices de type « monographie » dont la date de publication correspond à 1849, qui d’après le catalogue général sont au nombre de 21 852. La requête équivalente formulée sur data.bnf.fr ne renvoie pour sa part qu’un total de 10 237 résultats posant de façon plus nette la question de la représentativité des données exposées sur data.bnf.fr par rapport à la totalité de celles présentes dans les collections de la BnF. Étienne Cavalié30 écrit pour sa part que 80 % du catalogue général serait présent sur la plateforme web sémantique, une proportion très éloignée de celle repérée pour l’année 1849. Cela peut s’expliquer par les difficultés rencontrées en matière de conservation et de catalogage dans les périodes de forte évolution politique, notamment en cas de changement de régime comme ce fût le cas pendant la Seconde République. Plus largement, ces différences entre les données présentes sur data.bnf.fr et celles du catalogue général s’expliquent par les choix de modélisation. L’entrepôt RDF31 de la BnF est en effet conçu à partir du modèle de données FRBR32 qui repose sur un découpage en trois groupes introduisant une évolution notable par rapport à la structuration accessible lors d’une interrogation du catalogue à travers l’interface web classique.
11À l’origine, la notice ayant été conçue comme la représentation figurée de l’exemplaire physique d’un ouvrage, c’est le type de résultat que l’on retrouve lors d’une recherche sur le catalogue. Les retours qui y sont affichés correspondent à une unité élémentaire qui est précisément celle de la notice au sein de laquelle figurent les éléments de description de l’exemplaire concerné. Mais le modèle FRBR utilisé sur data.bnf.fr (figure 1) fonctionne très différemment de ce schéma de description initial. Dans le cas du portail sémantique, le choix a été fait de placer au centre de celui-ci les notices associées à une entité dite « œuvre » qui renverse la logique cognitive de l’usager par rapport au fonds décrit. Ce niveau « œuvre » désigne en effet une production intellectuelle susceptible d’être conservée dans une bibliothèque, non pas dans sa dimension matérielle, mais de façon abstraite permettant ainsi de regrouper dans un même ensemble les multiples manifestations de cette œuvre. D’où la présence d’un niveau hiérarchiquement dépendant d’« œuvre » intitulé « manifestation » dans le modèle33. L’idée de cette stratification est de faire la part belle à ce que l’on appelle les notices d’autorité au sein desquelles sont identifiés les « agents » (groupe 2) et les « sujets » (groupe 3) en lien avec une œuvre donnée. Ces choix induisent, pour les auteurs ou les œuvres ne possédant pas de notice d’autorité, une plus grande difficulté à être regroupés dans leurs différentes manifestations : de très nombreux documents réédités ou étant conservés en plusieurs exemplaires physiques ne possèdent en effet pas de notices d’œuvres permettant de regrouper leurs différentes manifestations.
12Nous prendrons, comme illustration de cette situation, le cas emblématique de notre corpus que constitue la brochure de Théodore Muret intitulée La vérité aux ouvriers, aux paysans, aux soldats, simples paroles. Ce pamphlet qui a été l’objet de près de 56 tirages totalise au moins 600 000 exemplaires selon son auteur34, et correspond à 18 notices différentes dans le catalogue général. Parmi cet ensemble, celle reliée à la version numérisée sur Gallica liste pour sa part 23 exemplaires physiques. Nous avons retrouvé les 18 notices du catalogue sur data.bnf.fr et fait le constat que chacune d’elle correspondait à des identifiants ARK différents. Ceci rend de fait impossible des requêtes comme celle pour identifier toutes les rééditions des Fleurs du mal proposée parmi les exemples sur le SPARQL endpoint qui repose entièrement sur l’existence d’une notice d’autorité pour le recueil de Baudelaire. Comme le rappelle Étienne Cavalié35, la BnF consacre beaucoup de temps à corriger ces problèmes. Cet exemple démontre les réelles difficultés actuelles qui se posent dans le cas d’un usage scientifique de ces données, notamment car dans cette situation de chantier en cours il ne semble y avoir aucun moyen d’accéder à un état précis des transferts de données du catalogue à data.bnf.fr.
13Au-delà de ces obstacles qu’on imagine temporaires, les choix réalisés en matière de modélisation, qui possèdent sans doute des qualités indéniables du point de vue de la conservation et de l’efficacité des outils de recherche offerts aux lecteurs, ne vont pas sans poser certains problèmes théoriques. Frédéric Glorieux évoque ainsi les difficultés soulevées par la conception abstraite de la notion d’œuvre dans le cas des phénomènes d’intertextualité36. Nous ajouterons pour notre part que faire de l’œuvre abstraite le point nodal du modèle de data.bnf.fr entraîne une certaine rupture du contrat tacite noué entre l’usager et le catalogue d’une institution qui repose originellement sur la notice en tant que représentation synthétique fidèle d’un document physique. Si ce lien ne peut pas être la garantie d’une transparence totale avec l’objet imprimé dans la mesure où une notice demeure le produit de choix bibliographiques de la part du catalogueur et de son institution, il a l’avantage de permettre un accès direct au document, ce qui dans le contexte d’un travail de recherche bibliométrique ou bibliographique, met au premier plan ce qui fait office de source primaire. C’est cet enjeu du « plus court chemin » vers le document physique qui est particulièrement mis à mal par la modélisation FRBR qui, en rajoutant des couches de description supplémentaires, rend très complexe le retour à la synthèse originelle que constitue la notice37.
14La question des notices d’autorité suscite quant à elle d’autres interrogations. Elle représente, dans le contexte du mouvement Linked Open Data voulu par Tim Berners-Lee38, la ressource clef pour permettre l’alignement des notices de la BnF avec d’autres gisements de données comme Wikidata et DBpedia39, mais aussi des fichiers d’autorité des auteurs comme le VIAF40. On comprend aisément que l’objet est d’arrimer data.bnf.fr au Linking Open Data Cloud Diagram41 et ainsi de contribuer à la diffusion des précieuses données du catalogue : en 2016, « plus de 175 000 identifiants BnF ont été ajoutés à Wikidata, à partir des données de data.bnf.fr, grâce aux contributions de la communauté42 ». Dans le cas de l’élaboration des autorités de lieu et de personne, un certain nombre de difficultés semblent toutefois surgir lorsque l’on envisage les choses de façon diachronique. Pour les lieux d’abord, rappelons que malgré le précieux travail de l’IGN pour l’époque actuelle, il n’existe pas de référentiel géo-historique exhaustif de type gazetteer permettant d’identifier avec exactitude les entités géographiques françaises et leurs évolutions à travers le temps ; et nous n’évoquons ici que le contexte français43. En ce qui concerne les autorités de personne, si les possibilités offertes par le VIAF permettent de désambiguïser d’éventuelles situations d’homonymie, celles offertes par data.bnf.fr restent actuellement limitées dans le cas des activités d’un auteur. Si une notice d’autorité personne peut contenir plusieurs occupations exercées par un même auteur, il n’est toutefois pas possible d’associer l’une d’entre elles à un intervalle temporel précis auquel correspondrait par exemple la publication de telle ou telle œuvre présente dans le catalogue. Le cas de Victor Hugo illustre cela : si sa fiche d’autorité le présente comme écrivain et membre de l’Académie française, son statut de représentant du peuple élu à l’Assemblée nationale est quant à lui absent. Même dans la perspective où cette information serait présente, on ne pourrait de toute façon pas retrouver lors de l’interrogation la qualification du lien entre son activité auctoriale et politique.
15Les notices renvoyant quant à elles à des concepts décrivant un document nécessitent en amont tout un travail d’indexation réalisé à l’aide de langages documentaires permettant l’établissement de thésaurus et de listes de vocabulaire contrôlé, comme le référentiel Rameau de la BnF. Or ces opérations, plus encore que celles concernant les autorités personnes et lieux, nous semblent être au cœur d’un processus de documentarisation qui implique un certain nombre de présupposés. Ces derniers ne vont pas sans soulever des questions épistémologiques à l’historien qui envisagerait de constituer des corpus de recherche à partir de ces nomenclatures. Maryvonne Holzem, s’appuyant sur les travaux de François Rastier, rappelle ainsi qu’« [e]n terminologie comme en documentation, un nom réputé représenter un objet doit être lemmatisé, décontextualisé et acquérir une dimension atemporelle44 ». Cette démarche classificatoire implique donc une rupture nette entre les documents-sources décrits dans les catalogues qui sont mobilisés par l’historien et les idiosyncrasies des contextes dans lesquels ils sont produits. Il faut également tenir compte des multiples conversions rétrospectives réalisées dans les opérations d’indexation qui n’ont pas été effectuées ex nihilo, mais « comme la majorité des catalogues informatisés (et consultables en ligne) des grandes bibliothèques, BNOpale-plus a été constitué à partir des catalogues “anciens” transférés sur support informatique45 ». L’état actuel des descripteurs associés aux notices est donc le produit de plusieurs étapes de documentarisation lors desquelles les éléments bibliographiques ont pu être modifiés au gré des évolutions techniques des systèmes de catalogage ainsi que de celles des normes en vigueur, ajoutant ainsi systématiquement une nouvelle couche de sens aux informations disponibles sur data.bnf.fr.
16Non pas qu’il soit impossible de conceptualiser en histoire46, mais il nous semble important de souligner que le recours aux classifications réalisées par les institutions patrimoniales impliquent de la part de l’historien d’accroître la rigueur de son travail critique des éléments sur lesquels il fonde son enquête. Cette idée peut prendre des aires de lapalissade tant la critique de la source est chronologiquement consubstantielle à l’affirmation de l’histoire en tant que discipline, mais cet enjeu paraît redoubler d’intensité dans le contexte de l’ouverture et de l’exposition en ligne des données primaires de l’historien qui s’imposent comme les nouvelles conditions de l’enquête historique à l’ère numérique et de la « coopération avec différents opérateurs porteurs de compétences propres47 » qui en découle. Les données en ligne que constituent les descriptions bibliographiques des imprimés anciens nous rappellent donc, plus que jamais, que, à l’heure du numérique, l’historien est amené à repenser la notion de source et qu’il serait une erreur d’envisager les dépôts de données en cours de constitution uniquement comme des miroirs fidèles des documents physiques dont ils émanent. Au contraire, avec ces versions virtuelles, nous sommes dans la situation d’une nouvelle phase de transmission qui ne modifie « pas seulement sa forme précédente et son sens mais [qui] accroît aussi la distance vis-à-vis des “temps” passés […]48 » auxquels elles renvoient. Il ne faut donc pas oublier lors du passage des métasources au web de données49 que cette dernière repose toute entière sur une « […] opération de constitution et d’établissement de la donnée » à partir de sources et que d’« [u]ne même source deux historiens extrairont des données tout à fait différentes50 ». C’est à cette question de l’extraction des données à partir du corpus des ouvrages de 1849 que nous souhaiterions maintenant nous intéresser afin d’exposer d’abord les problèmes posés par l’acquisition concrète des données bibliographiques avant de présenter les principaux résultats obtenus à l’issue de ce travail.
Acquérir et analyser les données de la production intellectuelle conservatrice
17Face au constat de l’absence de la totalité des notices des œuvres faisant partie de notre étude sur data.bnf.fr, nous avons entrepris de les récupérer sur les entrepôts OAI de la bibliothèque où toutes les métadonnées du catalogue sont accessibles à l’aide du protocole OAI-PMH51 qui permet de les télécharger au format XML52. Pensé d’abord pour l’échange de notices par lots, ce protocole permet également de les rapatrier une à une à partir d’un identifiant ARK. Les données ainsi récupérées ne sont toutefois pas directement utilisables dans la perspective d’une analyse quantitative. La qualité de celle-ci est en effet très inégale, outre les immanquables informations absentes, il est très fréquent que les contenus des variables soient saisis de façon très hétérogène. Une phase de nettoyage et de codage des variables est donc nécessaire à l’aide d’expressions régulières. Ces traitements automatiques de chaînes de caractères permettent également de chercher d’éventuelles rééditions qui ne seraient pas signalées au niveau d’une notice d’autorité dans le catalogue. Nous avons pour cela développé un programme, qui pour chaque publication présente dans l’échantillon, entreprend d’identifier toutes les œuvres recensées pour l’auteur en question, puis, au sein de cette liste, chercher celles dont les caractères constituant le titre sont similaires. Cette comparaison est réalisée en utilisant une distance de Levenshtein53 afin de mettre en avant les titres qui ont les distances les plus faibles les uns par rapport aux autres et qui possèdent des cotes différentes. Une dernière étape consiste à mener une vérification manuelle des notices repérées afin d’éliminer d’éventuelles erreurs. À l’issue de ces différentes manipulations, nous avons donc pu décrire les 165 publications retenues dans l’échantillon à l’aide de sept variables constituées à partir des données disponibles en ligne (le titre, le format des reliures, le nombre de pages, le nom de l’éditeur et la ville d’édition, le nom de l’auteur ainsi que le nombre estimé de rééditions). À celles-ci ont été ajoutées le nombre moyen de caractères imprimés par page, le prix et la semaine de publication, ces dernières caractéristiques ayant été obtenues à partir du dépouillement manuel des ouvrages et de la Bibliographie de la France54.
18Ces différentes caractéristiques permettent de formuler plusieurs observations à propos des brochures conservatrices de l’année 1849. Bien qu’il ne soit pas question ici de faire une étude poussée des champs sociaux dans lesquels elles sont produites, il est malgré tout possible d’avancer quelques remarques à partir des données relevant des auteurs et des éditeurs disponibles dans les notices. Les deux courbes de Lorenz représentées dans la figure 2 permettent d’évaluer l’état de la concentration de ce que l’on pourrait qualifier de marché de la publication conservatrice en 1849. Sur chacun des graphes, la bissectrice correspond à la situation où le nombre d’auteurs ou d’éditeurs serait parfaitement proportionnel au nombre d’éditions dans le corpus. On y constate donc que dans les deux cas les courbes s’éloignent nettement de cette situation théorique. Pour ce qui est des auteurs, cette concentration relativement forte avec un indice de Gini55 de 0,64 tend à montrer que certains font figure de plumes « vedettes » dont les livres sont plus réédités que d’autres. On retrouve dans cette catégorie quelques grands noms du camp conservateur de l’époque comme Adolphe Thiers ou le maréchal Bugeaud dont les Veillées d’une chaumière de la Vendée ont été rééditées sept fois. La courbe des éditeurs, pour sa part, révèle une concentration encore plus forte du marché de l’édition entre les mains de quelques maisons. C’est cette fois le cas des sulfureux frères Garnier qui semble le plus représentatif de cette situation en étant l’éditeur le plus fréquent du corpus avec 22 publications sur l’année correspondant à 68 rééditions au total. Il ne faut toutefois pas nécessairement voir un acte d’adhésion politique dans cet investissement important de certains libraires, mais sans doute plutôt une forme d’opportunisme commercial, ce qui amène Jean-Yves Mollier à écrire à propos des frères Garnier qu’ils « […] entraient de plain-pied dans l’actualité pour profiter de l’événement politique et utiliser leurs connaissances des réseaux de diffusion des livres56 ».
19Pour ce qui est de la question de la temporalité des brochures, on remarque nettement sur la figure 3 que le rythme des publications correspond à celui du temps électoral avec le très net pic en avril et mai qui correspond au scrutin législatif des 13 et 14 mai. Dans une bien moindre mesure, on constate une légère reprise au mois de juillet qui peut s’expliquer par l’organisation d’élections complémentaires le 8 de ce mois. Ce contexte électoral peut également contribuer à expliquer certains aspects matériels prédominants du corpus. Il s’agit en effet de façon générale de publications relativement courtes avec la moitié de celles-ci en dessous de 33 pages, et des prix très bas avec 50 % des prix inférieurs à 10 centimes. À titre de comparaison, Claude Savart, dans son enquête sur le livre religieux au xixe siècle57, estime qu’au sein de son corpus les prix les plus courants varient entre 1 et 4 francs. Ces éléments incitent donc à penser que l’on est bien face à un mouvement de publications propagandaires en vue d’influencer les électeurs populaires, tel que le Comité électoral de la rue de Poitiers, déjà évoqué, tente de mettre en place à travers les souscriptions réalisées pour financer des publications peu coûteuses. Il faut toutefois nuancer ce premier constat, d’abord car la variable des prix est celle qui est la moins bien renseignée du jeu de données avec un taux de valeurs manquantes de 48 %. Il y a donc fort à parier que les prix bas soient surreprésentés dans la mesure où les éditeurs ont davantage tendance à les faire apparaître sur leurs ouvrages dans une perspective publicitaire. En outre, bien que la valeur médiane soit de 10 centimes, il ne faut pas pour autant conclure hâtivement à une absence de prix plus élevés, l’écart-type de 65 centimes soulignant une dispersion relativement importante au sein de la série. Cette hétérogénéité va de pair avec d’autres caractéristiques bibliométriques suggérant des livres plus prestigieux sur le plan matériel. Si 49 de ceux-ci sont de très petits formats avec des reliures de type in-trente-deux, in-dix-huit et in-seize, soit entre 10 et 14 cm de hauteur, une part importante (73) correspond quant à elle à des formats plus luxueux de type in-octavo et in-quarto allant de 20 à 30 cm dont les prix souvent supérieurs à 1 franc les rendent à priori moins aptes à être diffusés auprès d’un public populaire58. Cette question de la relation entre le format des publications et leur prix de vente pose également le problème de leur réception réelle par des groupes sociaux dont la littératie est encore à cette date marginale. Maurice Agulhon avait déjà en 197559 avancé l’idée que l’offre culturelle proposée par certaines élites serait incompatible avec le peuple qui commence seulement à s’alphabétiser et tranche donc plutôt pour une inefficacité de la propagande politique diffusée par les conservateurs en 1849. Afin de creuser cette piste à partir de notre corpus, nous avons calculé le ratio du nombre moyen de caractères imprimés par page en fonction de la hauteur de la reliure. Il en ressort que les ouvrages aux prix les plus faibles sont ceux pour lesquels les nombres de caractères par page sont les plus élevés (de 93 à 198) et que ce sont dans les brochures plus coûteuses que les caractères sont plus gros et plus espacés (de 36 à 93 caractères par page), rendant donc le texte plus aéré et plus facilement accessible à un public populaire récemment ou en cours d’alphabétisation.
20Dans le but de faire la synthèse de ces différentes observations et d’aboutir à une typologie des imprimés composant le corpus, nous avons procédé à une analyse des correspondances multiples suivie d’une classification ascendante hiérarchique60 sur l’ensemble des publications et des variables évoquées. Il en ressort trois principales classes de brochures correspondant aux regroupements visibles sur la figure 4.
21La première représentée dans la partie ouest du graphique des individus correspond à des opus parmi les plus courts de 1 à 50 pages (11,7/0,6) dont 69 % sont des grands formats (3,6/18,3) et qui sont pour la plupart publiés en juin et en octobre 1849 et pour la moitié d’entre eux non réédités (0,7/2,5). Il s’agit notamment d’ouvrages qui traitent de l’actualité politique non liée aux élections législatives. Parmi les plus représentatifs de ce regroupement se trouve une courte brochure de 16 pages vendue 25 centimes publiée début juillet par le publiciste Charles Marchal (0,7/0,3). Il y explique avoir eu l’idée de ce texte, dans lequel il soutient la politique de l’état de siège du gouvernement Odilon Barrot, après avoir combattu dans les rangs de l’ordre lors de la journée du 13 juin 1849.
22La deuxième classe, représentée dans la partie haute du graphique est quant à elle composée à 55 % de brochures très peu chères avec des prix qui ne dépassent pas les 25 centimes (6,3/1,5). La moitié des titres du corpus publiés en mai, au moment où la campagne électorale bat son plein, y sont rassemblés, s’y trouvent plus de 66 % de ceux qui ont été réédités au moins deux fois (0,2/7,4). Au centre de la classe, on trouve sans surprise les publications du comité électoral de la rue de Poitiers comme la typique Vérité aux ouvriers, aux paysans, aux soldats de Théodore Muret et ses 600 000 exemplaires (0,1/0,6). Sur le plan matériel, ce deuxième regroupement rassemble une proportion importante de petits formats avec 49 % de brochures de type in-trente-deux, in-dix-huit et in-seize (4,1/11,1) qui, malgré leurs faibles dimensions, ne possèdent qu’un nombre de caractères par page compris entre 66 et 93 (1,7/23,1) pour 82 % des écrits de la classe. Si ce n’est pas suffisant pour affirmer qu’il y a pu avoir une réelle pénétration de ces publications parmi les classes populaires, cela montre la mise en circulation d’imprimés à bas coût avec une mise en page relativement aérée et des caractères assez grands. C’est par exemple le cas de la brochure anonyme intitulée Du travail et du pain vendue 15 centimes par la rue de Poitiers à partir de la mi-avril (0,15/0,44).
23La troisième et dernière classe qui figure au sud-ouest du graphique correspond pour sa part à des publications datant plutôt du début de l’année, notamment de février 1849. Plus longs et plus chers puisqu’on y retrouve 75 % des livres du corpus d’une longueur d’au moins 100 pages (16,7/0,2), ainsi que 71 % de ceux coûtant 1 franc ou plus (1,7/3,5), les écrits appartenant à ce regroupement contrastent clairement avec ceux de la deuxième classe. Il s’agit des imprimés dont on peut douter de la capacité à toucher un public populaire qui ont été évoqués précédemment. Parmi ces ouvrages, on peut citer le cas des Petits Traités de l’Académie des sciences morales et politiques commandés par le général Cavaignac à l’été 1848, dans le but que les académiciens contribuent ainsi à restaurer l’ordre moral après les journées de juin 1848 (1,78/0,26). Ces opuscules faisant en général environ une centaine de pages sont d’abord vendus 1 franc avant d’être proposés à 40 centimes. Bien que censés être accessibles à un large lectorat dans un contexte bien précis, leurs auteurs se contentent de faire republier d’anciens mémoires ou travaux de la monarchie de Juillet61 dont le contenu n’est que très peu accessible aux électeurs populaires de la Seconde République.
24Ces quelques pistes d’interprétation proposées à partir de l’étude du corpus soumis à l’analyse des correspondances multiples soulignent l’intérêt que représente le recours aux méthodes de la bibliographie matérielle et de la bibliométrie pour interroger les processus à l’œuvre dans les situations de production et de réception d’imprimés. En ressort ainsi, pour 1849, des brochures conservatrices qui sur le plan matériel correspondent à trois principaux idéaux types dont les spécificités respectives semblent confirmer la volonté des instances du parti de l’ordre de proposer un contenu propice à une large diffusion : bas coût et petit format au moment des élections. À ses côtés coexisteraient des publications plus chères et plus longues, mais dont la capacité à faire l’objet d’une réelle appropriation par un lectorat ou un auditoire d’électeurs populaires resterait de façon générale peu probable. Ces ouvrages resteraient donc l’apanage d’un public dont les capitaux économiques et culturels le rendrait plus coutumier de l’objet livre.
25Il apparaît enfin que, si l’ouverture des données bibliographiques et leur mise à disposition sur la Toile facilitent incontestablement la mise en place de telles expérimentations, leur utilisation concrète reste suspendue à de multiples obstacles inhérents à un chantier en cours, mais qui rappellent immanquablement qu’à l’heure de l’open data, le document numérique proposé à l’historien.ne reste un artefact. Ce qui implique, comme pour n’importe quelle source, qu'il doit faire l’objet d’une rigoureuse déconstruction de ces conditions de production successives avant de pouvoir l’utiliser dans une perspective heuristique.
26
Notes de bas de page
1Hervé Le Crosnier, « Le choc des nouvelles technologies », dans Martine Poulain (dir.), Histoire des bibliothèques françaises. Les bibliothèques au xxe siècle, 1914-1990, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 2009, vol. 4, p. 783-820.
2« Feuille de route.data.bnf.fr », http://data.bnf.fr/fr/roadmap, consulté le 5 juillet 2017.
3François Fourn, « Les brochures socialistes et communistes en France entre 1840 et 1844 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, 90-91, 2003, p. 69-83.
4Annie Bleton-Ruget, « Aux sources de l’agrarisme républicain : la propagande démocrate-socialiste et les campagnes (1848-1851) », Cahiers d’histoire, 2, 1998, p. 283-299.
5Rassemblement de parlementaires conservateurs constitué à partir du mois de juillet 1848, ces réunions se tiennent rue de Poitiers à Paris. C’est l’une des principales structures qui entreprend d’organiser la campagne électorale pour la droite au printemps 1849.
6Circulaire du Comité électoral de la rue de Poitiers publiée dans L’Opinon publique datée du 29 mars 1849. Le journal légitimiste d’Alfred Nettement se fait régulièrement l’écho de l’actualité du parti de l’Ordre pendant le printemps 1849.
7Annonce du Comité électoral de la rue de Poitiers publiée dans L’Opinion publique datée du 8 avril 1849.
8Il faut toutefois citer François Fourn, « 1849-1851 : l’anticommunisme en France. Le Spectre rouge de 1852 », dans Nathalie Clavier, Sylvie Aprile, Laurent Bayon (dir.), Comment meurt une République, autour du 2 décembre 1851. Actes du colloque de la Société d’histoire de la Révolution de 1848 et des révolutions du xixe siècle, Paris, Créaphis, 2004, p. 135-151, ainsi que, dans une perspective plus large sur le discours anti-socialiste, Marc Angenot, Rhétorique de l’anti-socialisme. Essai d’histoire discursive. 1830-1917, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004.
9Jean-Yves Mollier rappelle ainsi plus de 43 % des Français nés avant 1852 étaient toujours analphabètes selon le recensement de 1872 : Jean-Yves Mollier, « La culture de 48 », dans Sylvie Aprile, Raymond Huard, Pierre Lévêque, Jean-Yves Mollier (dir.), La Révolution de 1848 en France et en Europe, Paris, Éditions sociales, 1998, p. 132.
10Dominique Kalifa, « Culture savante/culture populaire », dans Christian Delacroix et al., Historiographies. Concets et débats, Paris, Gallimard, 2010, vol. 2, p. 994-999.
11Michel de Certeau, Dominique Julia, Jacques Revel, La culture au pluriel, Paris, Seuil, 1993, p. 45-72.
12Notamment Hans Robert Jauss, Pour une esthétique de la réception, trad. Claude Maillard, Paris, Gallimard, 1990.
13Gisèle Sapiro, « Mesure du littéraire », Histoire & Mesure, 2, 2008, p. 45. Pour un bilan de ces travaux, on pourra se reporter à l’article de Gisèle Sapiro en question.
14Donald Francis McKenzie, La bibliographie et la sociologie des textes, trad. Marc Amfreville, Paris, Éditions du Cercle de la librairie, 1991.
15Gautier Poupeau, « Histoire(s) de notices », dans Hélène Lowinger, Lisette Calderan, Pascal Laurent (dir.), Le document numérique à l’heure du web de données. Séminaire Inria. Carnac, 1er-5 octobre 2012, Paris, ADBS, 2012, p. 25-40.
16Roger Chartier, Culture écrite et société. L’ordre des livres : xive-xviiie siècle, Paris, Albin Michel, 1996.
17Alain Vaillant (dir.), Mesure(s) du livre : colloque organisé par la Bibliothèque nationale et la Société des études romantiques, 25-26 mai 1986, Paris, Bibliothèque nationale, 1989.
18Nous nous sommes appuyés sur les principaux journaux ayant participé au congrès de la presse modérée qui s’est tenu à Angoulême le 15 mars 1849, à propos duquel nous renvoyons à François Fourn, « 1849-1851… », art. cité, p. 137.
19Les notices y sont classées chronologiquement dans l’ordre des sous-séries de la cote L de classification de Nicolas Clément. On pourra se référer à Isabelle Sabatier, Guide de l’utilisateur du catalogue général de l’histoire de France de la Bibliothèque nationale, Paris, Chadwyck-Healey France, 1991.
20Sur ce point nous renvoyons à notre article Léo Dumont, « “L’Union sociale” : lutter contre le socialisme et promouvoir une république d’ordre par la presse au printemps 1849 », Page 19. Bulletin des doctorants et des jeunes chercheurs du Centre du xixe siècle, 7, 2018, p. 63-78.
21Françoise Bourdon, Gildas Illien, Mélanie Roche, « Le catalogue des Temps modernes, entre discipline et dissémination », dans Frédéric Barbier, Thierry Dubois, Yann Sordet (dir.), De l’argile au nuage. Une archéologie des catalogues (IIe millénaire av. J.-C.-xxie siècle), Paris, Bibliothèque Mazarine/Éditions des Cendres/Bibliothèque de Genève, 2015, p. 137-149.
22L’acronyme OPAC désigne les catalogues en ligne. Le projet d’informatisation du catalogue de la BnF débute dans les années 1970 en parallèle de l’automatisation commencée en 1975 de la Bibliographie de la France qui recense les ouvrages reçus par la BnF au titre du dépôt légal. Sur ces questions, Hervé Le Crosnier, « Le choc des nouvelles technologies », art. cité.
23Depuis 1974, les travaux autour des formats MARC se multiplient dans le but de faciliter cette interopérabilité des notices entre les différents catalogues, jusqu’à aboutir en 1998 à la version dite INTERMARC encore en vigueur aujourd’hui à la BnF.
24Ces projets ont d’abord pour objectif de mettre en place un service national de catalogage visant à fournir aux autres bibliothèques françaises et aux établissements étrangers des jeux de notices déjà constituées. Voir Pierre-Yves Duchemin, « La Bibliothèque nationale », dans Martine Poulain (dir.), Histoire des bibliothèques françaises…, op. cit., p. 949-974.
25On pensera notamment à Antoine Isaac, Gautier Poupeau, Le web sémantique en bibliothèque, Paris, Électre/Éditions du Cercle de la librairie, 2013.
26Uniforme Resource Identifier.
27Acronyme de SPARQL Protocol and RDF Query Language, il s’agit d’un protocole et d’un langage de requête développé au sein du W3C depuis 2008.
28Un SPARQL endpoint est un service accessible depuis un navigateur web permettant l’écriture de requêtes SPARQL et l’affichage des résultats au format HTML qui peuvent être aussi téléchargés dans d’autres formats. L’accès peut également s’y faire en ayant recours à un langage de programmation afin d’automatiser un certain nombre d’opérations comme cela a ici été réalisé en Python.
29Acronyme de Archival Resource Key, c’est un système fondé sur la norme URI permettant d’identifier de façon pérenne une ressource sur le web.
30Étienne Cavalié, « Ce qui ne va pas dans data.bnf.fr. », Bibliothèques [reloaded], https://bibliotheques.wordpress.com/2016/12/08/ce-qui-ne-va-pas-dans-data-bnf-fr/, consulté le 5 juillet 2017.
31Acronyme de Ressource Description Framework, il s’agit du modèle de données développé par le W3C afin de décrire informatiquement des ressources et les métadonnées qui y sont associées dans le contexte du web sémantique. Il repose sur le principe du « triplet RDF » qui constitue une association du type sujet, prédicat, objet. Chaque triplet peut être considéré comme une phrase permettant d’affirmer un fait où le sujet serait la ressource décrite, le prédicat une propriété de cette ressource et l’objet la valeur de la propriété pour la ressource en question. Dans le cas de l’Histoire de la Révolution de 1848 de Marie d’Agoult publié sous le nom de Daniel Stern, l’ouvrage lui-même peut ainsi être considéré comme le sujet, qui possède plusieurs prédicats à l’exemple du titre qui aura alors comme objet la chaîne de caractères « Histoire de la Révolution de 1848 ».
32Acronyme de Functional Requirements for Bibliographic Records mis au point en 1997 par un groupe d’experts au sein de l’IFLA.
33Les niveaux expressions et item ne sont pas détaillés ici car non nécessaires au présent propos. Pour davantage de détails, voir « Comprendre le modèle de données de data.bnf.fr », data.bnf.fr, http://data.bnf.fr/fr/opendata, consulté le 5 juillet 2017.
34Théodore Muret, À travers champs, souvenirs et propos divers, Paris, Garnier frères, 1858, p. 311.
35Étienne Cavalié, « Ce qui ne va pas dans data.bnf.fr », art. cité.
36Frédéric Glorieux, « Data.bnf.fr, les documents. J’attends des résultats », http://resultats.hypotheses.org/795, consulté le 5 juillet 2017.
37Raphaëlle Lapôtre fait ainsi remarquer que la BnF, malgré son investissement dans le web sémantique, compte bien maintenir en place MARC comme format de production pour le catalogue général : Raphaëlle Lapôtre, « Library Metadata on the Web: The Example of data.bnf.fr », JLIS.it 8, 3, septembre 2017, p. 70.
38Tim Berners-Lee, Linked Data – Design Issues. W3C, https://www.w3.org/DesignIssues/LinkedData.html, consulté le 7 février 2017.
39DBpedia vise à extraire les données des pages Wikipedia afin de les rendre disponibles sur le web sémantique, tandis que Wikidata est un projet de base de données collaboratives structurées en RDF créé depuis zéro.
40Débuté en 2003 et réunissant plusieurs bibliothèques à travers le monde, le projet Virtual International Authority File vise à créer un fichier d’autorité international de référence en attribuant un identifiant unique à une même personne afin de regrouper toutes les notices d’autorité la concernant.
41Linking Open Data Cloud Diagram 2017, par Andrejs Abele, John P. McCrae, Paul Buitelaar, Anja Jentzsch et Richard Cyganiak, http://lod-cloud.net/, consulté le 7 février 2017.
42Emmanuelle Bermès, « Web de données et bibliothèques : l’évolution du modèle d’agrégation des données », I2D – Information, données & documents, 53/2, 2016, p. 37.
43Citons toutefois pour la France entre 1793 et 1999 la précieuse réalisation de l’EHESS fondée sur la carte de Cassini dont la sémentisation rendrait de précieux services : LADEHIS/EHESS, Des villages de Cassini aux communes d’aujourd’hui, http://cassini.ehess.fr, consulté le 11 juillet 2017. De façon plus générale le projet Open Historical Map semble prometteur compte tenu du succès d’OpenStreetMap, mais paraît malheureusement au point mort : Open Historical Map — OpenStreetMap Wiki, http://wiki.openstreetmap.org/wiki/Open_Historical_Map, consulté le 11 juillet 2017.
44Maryvonne Holzem, « L’organisation des connaissances à l’ère du village planétaire : un point de vue global sur le monde », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 82, 2006, p. 82-86.
45Raymond-Josué Seckel, « Sur quelques fausses perspectives de l’indexation par sujet (RAMEAU) et de l’OPAC. L’exemple du catalogue BNOpale-plus (Bibliothèque nationale de France) », Matériaux pour l’histoire de notre temps, 82, 2006, p. 92.
46Sur cet enjeu épistémologique essentiel qui déborde largement le cadre de notre propos, nous renvoyons à Henri-Irénée Marrou, De la connaissance historique, Paris, Seuil, 1975.
47Philippe Rygiel, « L’enquête historique à l’ère numérique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 58/4bis, 2011, p. 39.
48Ludolf Kuchenbuch, « Sources ou documents ? », Hypothèses, 7, 2004, p. 306. Sur ces enjeux on pourra également se référer dans le même numéro à la contribution de Joseph Morsel, « Les sources sont-elles “le pain de l’historien” ? », p. 271-286.
49Matthieu Bonicel, « De la métasource au Web de données », dans Aude Mairey, Solal Abélès, Fanny Madeline (dir.), « Contre-champs ». Études offertes à Jean-Philippe Genet, Paris, Classiques Garnier, 2016, p. 101-118.
50Pour ces deux citations, Jean-Philippe Genet, « Histoire, informatique, mesure », Histoire & Mesure, 1, 1986, p. 11.
51L’Open Archive Initiative Protocol for Metadata Harvesting est développé à partir de 1999 afin de fédérer des contenus sur le web pour les institutions patrimoniales, la version définitive est publiée en 2002.
52Au printemps 2016, époque où ont été effectuées les recherches discutées ici, l’accès à l’API « SRU catalogue général » n’était pas encoure publiquement ouvert.
53Méthode permettant de mesurer statistiquement la similarité entre deux chaînes de caractères (ici les titres des ouvrages présents dans le corpus).
54La Bibliographie de la France est le périodique officiel qui recense chaque semaine les titres autorisés à paraître. Elle est donc fondée sur les registres du dépôt légal qui possèdent leurs propres discontinuités, dont elle n’est que le reflet indirect ce qui implique des biais supplémentaires. Il s’écoule notamment un laps de temps plus ou moins long entre l’apparition d’un livre dans le dépôt légal et son annonce effective dans la Bibliographie de la France. Pour plus de détails sur ces questions, on se référera à Isabelle de Conihout, « Police de la librairie et mesure du livre au xixe siècle : le dépôt légal, la Bibliographie de la France et la bibliométrie », Paris, Bibliothèque nationale, 1986.
55Cet indice prend une valeur allant de 0 à 1, le 0 correspondant à une égalité parfaite et le 1 à un inégalité totale.
56Jean-Yves Mollier, L’argent et les lettres. Histoire du capitalisme d’édition, 1880-1920, Paris, Fayard, 1988, p. 239.
57Claude Savart, Les catholiques en France au xixe siècle : le témoignage du livre religieux, Paris, Beauchesne, 1985.
58Pendant la Seconde République, une journée de travail pour un ouvrier parisien non qualifié correspond à un salaire de 1 ou 2 francs.
59Maurice Agulhon, « Le problème de la culture populaire en France autour de 1848 », Romantisme, 9, 1975, p. 50-64.
60Une population de 161 brochures a été soumise à l’ACM, les données manquantes ont été traitées à l’aide de l’algorithme d’imputation du paquet R missMDA développé par Francois Husson et Julie Josse. Les dates ont par ailleurs été traitées comme une variable supplémentaire. Seuls les deux premiers facteurs ont été retenus pour le calcul de la CAH, 31 % de la variance du tableau individus-caractères soumis à l’analyse sont donc ici traités. Dans la suite du corps du texte, les contributions (exprimées en pourcentage) sur les deux premiers facteurs des individus et des modalités actives cités seront systématiquement indiquées entre parenthèses, la contribution moyenne sur ces deux premiers facteurs des individus étant de 0,62 % et celle des variables et leurs modalités de 5,89 %.
61Sur ces traités, Sophie-Anne Leterrier, L’institution des sciences morales. L’Académie des sciences morales et politiques 1785-1850, Paris, L’Harmattan, 1995, p. 315-322.
Auteur
Centre d’histoire du xixe siècle - université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
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