« Nul n’est censé ignorer la loi » devant la justice royale (xive-xve siècles)
p. 165-183
Texte intégral
1Le principe « Nul n’est censé ignorer la loi » apparaît comme une pierre angulaire du droit français. Celui qui ignore tout du droit sait, ou doit savoir, qu’il ne pourra pas arguer de son ignorance de la loi ou de son erreur sur ses dispositions pour échapper aux conséquences qu’elle emporte. Pourtant, la formule « Nul n’est censé ignorer la loi » n’est apparue en droit français qu’assez récemment1. Le professeur de Code civil Delvincourt (1762-1831) paraît être le premier à l’employer. Prônant une interprétation restrictive des hypothèses de mariage putatif2, il refuse tout effet juridique au mariage que les époux ont contracté en omettant par erreur une formalité ou une condition exigée par la loi3. Pour justifier la différence de régime entre ceux qui ignorent le droit et ceux qui ignorent le fait, il affirme : Nemo jus ignorare censetur4. L’usage du latin pour cette première formulation de la maxime n’est pas anodin5. Outre la teinte immémoriale dont il colore l’adage, il révèle la démarche d’un commentateur qui, faute de trouver un point d’appui dans le Code civil, a cherché le secours du droit romain. La formule n’apparaît certes pas dans le Corpus. Mais deux titres entiers (D. 22, 6 et C. 1, 18) sont consacrés à l’« ignorance du droit et du fait » ; les conséquences de ces deux types d’erreurs y sont nettement distinguées, comme le résume la formule de Paul : « L’ignorance du droit nuit, non celle du fait.6 » La filiation romaine se justifie encore davantage par deux textes tardifs qui prescrivent la connaissance du droit impérial. Témoignant de la mainmise de l’empereur sur les sources du droit, une constitution de Valentinien II à Théodose Ier (391) interdit à quiconque d’ignorer ou de dissimuler la législation impériale7 ; quelques décennies plus tard, une Novelle de Marcien (454) dispose que « les lois très sacrées (leges sacrissimae), qui règlent la vie de l’ensemble des individus, doivent être entendues de tous, afin que chacun par la connaissance plus manifeste de ce qu’elles enjoignent, soit évite ce qu’elles interdisent, soit aspire à ce qu’elles permettent »8.
2Mais, davantage que ces textes, ce sont sans doute les commentaires médiévaux auxquels ils ont donné lieu qui ont inspiré les auteurs du xixe siècle. La question de l’ignorantia juris a en effet suscité de précoces attentions. Les textes du droit romain, repris dans les compilations canoniques9, ont nourri la réflexion de très nombreux universitaires, qui ont consacré dès le xiie siècle des summuloe à la question10. Au cours des décennies suivantes, l’idée que l’ordre public exigeait de tous la connaissance de la loi, et en particulier de l’ordre du prince, est passée des œuvres doctrinales à la pratique française11. La maxime « Nul n’est censé ignorer la loi » doit-elle pour autant être tenue pour « traditionnelle », comme on l’affirme volontiers12 ? La question se pose d’autant plus que son sens est chargé d’ambiguïté, en dépit de son apparence d’évidence.
3Le domaine d’application de l’adage éveille déjà quelques doutes. Malgré ses allures de généralité, la maxime n’a pas la même vigueur dans toutes les matières13. Le droit positif admet plus libéralement la bonne foi des ignorants du droit en matière civile qu’en matière pénale14 ; en matière contractuelle par exemple, l’erreur de droit peut, aussi bien que l’erreur de fait, vicier le consentement d’une partie15. Dans le système médiéval de l’ignorantia juris, la nature de la question de fond est également prise en considération. Tout en affirmant généralement que « l’ignorance qui est excusée est celle de fait, non celle du droit »16, les juristes médiévaux ont très tôt apporté une exception à la règle17. Articulée autour de la distinction entre l’acte de lucro captando et celui de damno vitando, elle refuse tout effet juridique à l’ignorance du droit lorsqu’il s’agit de réaliser un gain pour en tenir au contraire compte lorsqu’elle est invoquée pour éviter une perte18. Mais plusieurs glossateurs prennent soin de préciser que cette distinction ne s’applique que lorsque l’erreur concerne un simple negocium et non un delictum, c’est-à-dire, dirions-nous, lorsqu’elle intervient en matière de responsabilité contractuelle et non délictuelle19. Aucun des litiges relevés n’applique le critère du damno vitando/lucro captando à l’ignorance du droit20. Mais, dans les affaires strictement « privées », les avocats ne semblent pas distinguer les erreurs de droit et de fait. En matière contractuelle notamment, la croyance que le droit veut quelque chose qu’il ne veut pas21 est invoquée pour demander au juge de ne pas tenir compte d’un acte. Ainsi, pour contrecarrer l’exemption d’impôt d’un des leurs, les habitants de Saint-Gengoux plaidèrent la nullité d’un accord conclu quelques années auparavant et reconnaissant la noblesse de l’intéressé. Ses signataires « qui estoient environ de lx à iiiixx et qui sont simples gens, ignorans et non saichans que c’estoit » s’étaient en effet mépris tant sur les conséquences juridiques de l’accord que sur leur compétence pour engager la communauté22.
4Une autre incertitude tient à la nature de la règle énoncée par la maxime. Pour certains auteurs, elle institue non une simple présomption mais une véritable fiction en consacrant une règle délibérément contraire à la réalité23 ; considérer que nul n’ignore la loi est évidemment faux car personne ne connaît l’ensemble du droit. Invitant le juge et le législateur à retenir, dans certains cas, l’excuse d’ignorance de la loi, les juristes – depuis le début du xxe siècle – se sont plu à souligner le caractère désuet d’une telle fiction dans un contexte d’inflation législative et réglementaire24. Possible jadis en raison de la « finitude du droit », elle paraissait désormais inadmissible25. Les évolutions récentes ont conduit à une interprétation plus nuancée de l’adage, en permettant au citoyen d’invoquer une erreur de droit invincible26. Le caractère « traditionnel » d’une conception absolutiste de la maxime est néanmoins douteux. À la source de l’adage, dans les écrits des docteurs médiévaux, la présomption de connaissance de la loi ne s’inscrit en effet pas en faux avec la réalité. Si le droit affirme en principe son indifférence à l’ignorantia juris, les glossateurs et les commentateurs apportent à la règle une série d’exceptions dont le but est de prendre en compte la résistance des faits. Seule l’ignorance du droit naturel (ou quasi naturel) n’est jamais – ou presque27 – excusable pour les romanistes28 comme pour les canonistes29 ; ses prescriptions paraissent en effet gravées au cœur de la nature30. En revanche, bien qu’aucune formulation synthétique de la règle ne soit donnée, les diverses hypothèses considérées suggèrent que la connaissance du droit civil n’est présumée que pour autant qu’elle est vraisemblable.
5Les praticiens français vont puiser dans cette mosaïque d’exceptions élaborée par la doctrine à partir des textes du droit romain. Inexcusable en principe, l’erreur de droit est en effet admise dans deux séries d’hypothèses. Devant les juridictions royales, aux xive et xve siècles, la valeur de l’excuse d’ignorance du droit est ainsi fonction de la diffusion de la norme, d’une part (I) et des qualités personnelles de l’errans, d’autre part (II).
L’ignorance du droit et la publication
6En théorie comme en pratique, le devoir d’information incombant au titulaire de l’autorité et l’obligation d’obéissance imposée au sujet sont liées. L’auteur du Livre des Droiz et des Commandemens traduit ce principe en soulignant « que nul n’est cassé par nulle constitucion devant qu’il le saiche »31. La publication est ainsi un élément substantiel de la loi : selon les termes de Balde, publicatio est de natura legis32. Dès le xive siècle, au moins, le roi de France est pleinement conscient de l’importance de cette publicité33. Les ordonnances, notamment de police, s’achèvent souvent explicitement par l’ordre de les publier, parfois périodiquement34. Même en l’absence – fréquente – de clause expresse, la lecture dans les auditoires de justice et sur « les lieux notables à faire cri »35, à laquelle s’ajoute parfois un affichage36, fait partie des « rituels de l’information ». La fonction de cette diffusion de la loi du prince n’est pas douteuse : elle intervient « si que nul ne se puisse excuser de ignorance »37. Lorsque les universitaires prétendirent en 1499 que la lecture d’un édit au Parlement pouvait être l’occasion de contester sa légalité, le procureur du roi rappela d’ailleurs clairement que la lecture « ne se faict à autre fin sinon propter publicacionem solemniter in Senatu et à ce qu’aucun n’en puisse prétendre ignorance »38.
7Condition pour que la loi devienne obligatoire, la publication permet de présumer que chacun connaît la loi. Dans un arrêt exceptionnellement motivé du 3 février 1347, le Parlement décide ainsi d’appliquer à une vente de vin à terme les règles de paiement en vigueur lors de sa conclusion39 (et non celles promulguées par la suite par le roi40,) sans tenir compte de la connaissance effective qu’en avaient les contractants ; ceux-ci devaient en effet connaître ces textes qui avaient été suffisamment publiés41. Quelques années plus tard, c’est de manière encore plus explicite – peut-être en s’inspirant du droit canon42 – que le Parlement écarte l’excuse d’ignorance d’une décision régulièrement publiée. Jaquemard avait excipé de son absence lors de la publication d’une sauvegarde pour éviter l’amende de sauvegarde enfreinte à laquelle son fils Jean et lui-même auraient dû être condamnés pour avoir frappé un homme placé sous la protection du roi. Pour obtenir des lettres de rémission, ils avaient invoqué leur bonne réputation et l’ignorance dans laquelle ils étaient de cette sauvegarde ; lorsqu’elle avait été publiée, Jaquemard et son fils étaient en effet hors de la ville et la mesure ne leur avait pas été signifiée personnellement43. Le procureur du roi au bailliage de Laon réussit cependant à empêcher l’entérinement de ces lettres en se référant au style et à la coutume qui donnaient à la publication judiciaire d’une sauvegarde force obligatoire à l’égard de tous les habitants du ressort, présents ou absents44.
8Les plaidoiries rappellent cependant que cette présomption de connaissance ne peut se fonder sur une diffusion théorique de la loi ; une publication suffisante est nécessaire45. La difficulté tient toutefois à ce que la détermination des formalités de publication substantielles paraît essentiellement pragmatique.
9Lorsque sont appliquées des ordonnances récentes, le caractère intelligible de la publication est parfois mis en relief. Devant le juge ordinaire du baron de Beuil, la publication, alta et intelligibili voce, ut ad cunctorum noticiam deveniat par le sergent et crieur public de la cour, accompagné du notaire illas sibi legente atque vulgarisante in layca lingua, de l’interdiction d’exploiter un chantier forestier justifie ainsi son application immédiate46.
10Mais c’est plus souvent ratione loci qu’est appréciée la suffisance de la publication. Ainsi l’absence en un lieu de toute publication de la loi est souvent invoquée pour en paralyser les effets. Devant le Parlement, on affirme volontiers que la lecture en l’auditoire de la justice souveraine est nécessaire. C’est ce moyen qu’allèguent, entre autres, J. Monnoier et quelques marchands, en 1403, pour éviter l’application d’un privilège accordé par le roi au port de Harfleur en mai 1398 et y suspendant l’exercice du droit de marque. Plusieurs années auparavant, ces marchands avaient été victimes d’un pirate hollandais, Pierre Zoste. Après avoir essuyé un déni de justice du duc Aubert, ils avaient recouru au parlement de Paris qui avait autorisé l’exécution sur les biens des compatriotes du pirate se trouvant sur le territoire, par le moyen de lettres de marque47. En vertu de ces lettres, les navires d’un marchand hollandais, Titeman Ficlaye, avaient été arrêtés à Harfleur et mis en vente. Les lettres de mai 1398, qui interdisaient l’exercice du droit de représailles sur toute personne autre que le véritable coupable, risquaient de remettre en cause cette procédure. Aussi pour en éviter l’application, les marchands français invoquèrent-ils son défaut de publication au parlement de Paris : la publicité dont les lettres avaient prétendument fait l’objet à l’Échiquier de Rouen ne sauraient, disaient-ils, suppléer la publication solennelle en Cour souveraine48.
11Cet argument, qui permettait d’écarter les ordonnances que le roi n’avait pas cru utile de communiquer au Parlement, ou que celui-ci avait refusé d’enregistrer comme lecta et publicata, avait sans doute fréquemment une coloration politique. Pendant l’« occupation anglaise », le Parlement l’a par exemple invoqué pour refuser le renvoi de certains procès devant le Conseil de Rouen, conformément à une ordonnance qui ne lui avait pas été transmise49.
12Mais l’insuffisance ratione loci de la publicité pouvait aussi bien être invoquée pour renverser la présomption de connaissance. Le Parlement n’accueillait cependant cette excuse qu’avec parcimonie. En 1364, les habitants de Montigny tentèrent d’y recourir pour échapper aux conséquences financières des ordonnances de 1354 sur le renforcement de la monnaie50 ; à l’échéance de leur rente, assuraient-ils, ces ordonnances n’avaient pas été régulièrement publiées à Reims, bien qu’elles l’aient été à Paris et à Laon. Le Parlement ne tint cependant pas compte de cet argument et confirma l’exécution entreprise par leur crédirentière pour obtenir le paiement du terme de 1354 en monnaie renforcée51. L’absence de publication sur place pouvait toutefois atténuer la gravité de l’ignorance de la loi ; à défaut d’exonérer de toute responsabilité, elle pouvait ainsi justifier l’octroi de lettres de rémission. Un homme accusé de trafic d’armes avec les Anglais à Limoges, en violation des ordonnances royales du début du xive siècle qui interdisaient de fournir à l’ennemi des produits militaires, assurait ainsi avoir agi « ignorans le cry fait en notre ville de Paris, lors que nul ne portast armeures de pays en autre sans congié » pour solliciter la grâce du prince52.
13Si la publication est une pièce maîtresse pour assurer la diffusion de l’information, celle-ci n’est cependant pas toujours censée résulter du seul cri des ordonnances. De nombreux auteurs savants ont repris au droit romain l’idée qu’un certain délai doit s’écouler avant qu’une constitution impériale ne devienne exécutoire53. Pendant ce délai, dit de vacation, l’ignorance du droit peut utilement être invoquée54. La transposition de cette règle aux ordonnances royales paraît toutefois incertaine. Les avocats soulignent parfois en effet le caractère immédiatement exécutoire de la loi du roi. C’est là à leurs yeux le trait qui la distingue le plus fortement de la coutume. Tandis que celle-ci se construit par une lente dialectique entre la pratique des acteurs et la patience de l’autorité, la substance de la loi naît de la seule volonté du prince. En 1491, l’avocat royal Le Maistre l’assure avec force : « En loy escripte, ne fault praticque ne usaige car si tost qu’elle est publyée, elle lye les subjectz etiam ignorantes. »55 Cependant, les avocats reconnaissent parfois un rôle clé à la pratique pour forger la présomption de connaissance de la loi. Pour repousser l’excuse d’ignorance invoquée par des taverniers de Montlhéry, le fermier de l’aide sur le commerce de détail du vin relève que la loi était non seulement publiée mais aussi usitée : « À ce qu’ilz ont dit qu’ilz ne savoient l’ordonnance56 et qu’ilz l’ont fait par ignorence, dit que de l’ordonnance ne pevent prétendre ignorence car elle est publiée et de long temps et la scevent bien car ilz, et mesmement Bonniface Laisné, sont taverniers de long temps et vont et viennent très souvent devant les esleuz où elle se pratique. »57
14Même lorsque l’existence d’une vacation est admise, la durée requise pour que l’expérience accomplisse le travail de diffusion initié par la publication n’est pas fixée de manière rigide. Le délai de deux mois retenu par la majorité de la doctrine savante pour les constitutions impériales58 paraît familier tant aux auteurs de coutumiers du xiiie siècle59 qu’aux avocats des siècles suivants. Pour s’excuser d’avoir contrevenu à la Pragmatique Sanction de Bourges, en tentant de faire citer à Rome le secrétaire du roi Jean Cheneteau avec lequel il était en procès sur la possession de la cure de Saligny, l’avocat de Jaques Aladure assure avoir ignoré « les ordonnances » qui « lors n’avoient pas été publiées et ne lient jusques post duos menses après la publication et en povoit avoir ignorance »60. On ne saurait toutefois en inférer une pénétration substantielle de la règle romaine61. Du moins le délai de deux mois peut-il être facilement écarté. Les ordonnances royales prévoient parfois explicitement leur entrée en vigueur avant l’expiration de la vacation bimestrielle62. Jean le Coq rapporte par exemple que l’ordonnance de novembre 1394 enjoignant aux baillis et sénéchaux royaux de résider dans leur circonscription est exécutoire post mensem lapsum a tempore publicacionis63. La coutume peut également déterminer un délai de vacation spécial à certaines personnes. En 1361, des marchands de Laon résidant en Angleterre demandent au Parlement de déclarer « corruptelle » la coutume invoquée par leurs adversaires, des corsaires de Saint-Valéry-sur-Somme, selon laquelle les navigateurs sont excusés de leur ignorance des trêves publiées sur la terre ferme pendant les quarante jours suivant la publication. Grâce à cette règle, ces derniers entendent échapper à toute responsabilité pour la saisie de marchandises le 1er juin 1360, soit le lendemain de la publication au port du traité de Brétigny, conclu le 8 mai. Le Parlement se refuse à censurer la coutume invoquée ; il déboute les Anglais de leur requête – en les relevant toutefois du paiement des dépens – et ordonne la délivrance des biens saisis en mer aux corsaires64.
15À ces causes objectives de méconnaissance de la loi, la doctrine savante ajoutait un certain nombre d’hypothèses dans lesquelles la condition personnelle de l’errans lui permettait d’invoquer utilement son ignorance du droit.
Ignorance du droit et excuses personnelles
16S’ils s’efforcent de systématiser les hypothèses dans lesquelles le Corpus de Justinien permet à certaines personnes d’invoquer utilement leur ignorance du droit65, les auteurs savants ne donnent ni une cause, ni une étendue uniforme à ces privilèges personnels66. Ceux-ci sont largement utilisés par les praticiens des xive et xve siècles. Cependant, devant la justice royale, l’excuse d’ignorance paraît faire l’objet d’une appréciation essentiellement pragmatique.
17La première exception personnelle au principe selon lequel « l’ignorance du droit nuit toujours » paraît avoir été dégagée par l’un des quatre docteurs de Bologne, Hugo. À partir d’un fragment de Papinien, il note en effet que les mineurs ius ignorare possunt sine pena67. Je n’ai trouvé aucun écho de cette règle devant la justice royale68. Outre le caractère nécessairement partiel de mes sources, deux éléments paraissent l’expliquer : les mineurs s’occupent rarement seuls de leurs affaires civiles et la criminalité des enfants paraît exceptionnelle au Moyen Âge69. En revanche, les autres excuses personnelles retenues par la doctrine sont fréquemment utilisées par les avocats français.
18Le privilège des femmes – que la Summa Trecensis70 excuse propter sexum – est ainsi parfaitement connu. La veuve de maître Pierre Prévost, jadis lieutenant du bailli de Poitou71, avait obtenu de son gendre, Pierre Régnier, une reconnaissance de dette pour une somme de mille écus d’or. Afin d’éviter que cette promesse ne soit tenue pour nulle comme contraire à l’interdiction de la vénalité des offices, la veuve de maître Pierre Prévost souligne qu’elle avait causa ignorancie de cette illégalité72. L’ignorance des femmes n’est cependant pas systématiquement excusable73. À l’instar des auteurs savants, les avocats leur refusent par exemple toute circonstance atténuante lorsque leur ignorance peut être qualifiée de crasse. Ainsi, en 1428, la veuve de maître Pierre Lorfèvre est en procès devant le Parlement. Il lui est reproché de ne pas avoir exécuté avec exactitude les dispositions testamentaires de son mari, décédé en 1411. Elle tente de s’exonérer de toute responsabilité en invoquant sa méconnaissance des règles gouvernant l’exécution des testaments. Ses efforts sont vains. Les femmes, affirme en effet le procureur du roi, sont peut-être excusées de leur ignorance in apicibus juris mais non sur les questions communes, et notamment lorsqu’il ne tient qu’à elles de prendre conseil auprès de personnes compétentes. « Or il est tout notoire qu’il convient accomplir les testamens. »74
19Les premiers glossateurs s’étaient montrés moins restrictifs dans la reconnaissance du privilège aux soldats. C’était de manière générale, et non seulement dans des hypothèses déterminées comme pour les femmes75, que l’ignorance du droit ne devait pas leur préjudicier76. Toutefois, dès le xiiie siècle, l’identification des chevaliers contemporains aux milites du droit romain suscite des critiques. Jacques de Révigny considère ainsi que la véritable raison d’être du privilège est la vie de camp menée par les milites pour défendre la république, la cité, le roi ou le seigneur. Or cette réalité est devenue rare au bas Moyen Âge ; les milites se soucient en effet souvent davantage de leurs affaires personnelles que de fait d’armes, se rendant ainsi – selon Cyne – indignes de leur privilège77. L’argument reste pourtant invoqué devant la justice royale, parfois même de manière manifestement exagérée. Jean le Coq rapporte par exemple un litige entre le seigneur de Tourny et l’archevêque de Rouen pour le patronage d’une cure. Après le décès de Guillaume de Lestrange, son successeur, le seigneur de Tourny a laissé passer le délai d’une année dont il disposait pour ajourner le nouvel archevêque, Guillaume de Vienne, sur la reprise du procès. Pour éviter l’interruption du litige, il tente de plaider qu’« il est chevalier et par raison escripte, il puet ignorer les lois et les stiles ». Mais ses adversaires ne s’en laissent pas conter ; ils lui répliquent que « Torny est licenciez es loys, si ne puet ignorer » une règle bien connue. La Cour se rallie à leur position78.
20Aux xive et xve siècles, plus que les chevaliers, ce sont les étrangers qui allèguent l’invincibilité de leur erreur. Leur absence du territoire lors de la publication paraît en effet excuser leur ignorance du droit, comme du fait79. D’un point de vue théorique, la question se pose cependant différemment. Les constitutions ne liant normalement que les sujets du constituant, l’étranger de passage sur le territoire est en principe exempté de l’application des lois particulières. C’est par exception que certaines législations, en particulier pénales, lui sont applicables80. Le caractère dérogatoire de cette soumission à la loi particulière du territoire semblerait justifier une reconnaissance large de l’excuse d’ignorance. Il n’en est pourtant rien : l’ambiguïté du regard porté sur l’étranger, mélange de sympathie et de méfiance81, rejaillit sur la propension à l’exonérer de sa responsabilité. Les conditions dans lesquelles l’ignorance du droit peut être efficacement alléguée font ainsi l’objet de débats. Pour certains, comme Dynus de Mugello, l’ignorance de la loi locale excuse lorsque celle-ci sanctionne un acte qui n’est pas considéré comme un délit en droit commun, ou qui n’est pas sanctionné partout82. D’autres se montrent plus restrictifs : Jacobus Balduinus juge ainsi que l’ignorance ne doit pas excuser les étrangers de leurs délits ; seule une mitigation de peine peut être admise83. L’utilité publique fournit un autre critère à Jacques de Révigny : édicté dans ce but, un statut doit, selon lui, s’appliquer à tous, citoyens comme étrangers ; ceux-ci ne peuvent échapper qu’à l’application des règles dépourvues de fonctions de police84. Rapportant ces débats, son disciple, Jean Faure, soulève une autre question délicate, celle de la détermination de la peine applicable lorsqu’un acte est sanctionné par le droit spécial et le droit commun. Il tranche en faveur de l’application de la peine de droit commun, du moins tant que l’ignorance ne peut pas être qualifiée de crasse85. Les coutumes municipales françaises paraissent porter la marque de ces incertitudes. Les dispositions explicites qu’elles peuvent comporter sur ces points ne sont en effet pas uniformes : une clause expresse prévoit parfois l’application de la peine aux étrangers comme aux citoyens mais il arrive aussi que l’ignorance éventuelle par les nouveaux venus des règles en vigueur sur le territoire de la ville soit prise en compte. L’amende infligée aux étrangers peut ainsi être diminuée ou laissée à l’arbitraire du juge ; la relaxe de l’étranger qui aura prouvé son ignorance de l’interdiction paraît même parfois admise86.
21Ces subtilités paraissent avoir laissé peu de traces dans les contentieux. Les avocats sont cependant prompts à se saisir de la qualité d’étranger de leur client pour excuser sa délinquance par son ignorance. Lorsque le temps et la rumeur publique font la preuve de la connaissance de la loi, un tel argument est toutefois facilement écarté. En 1423, Lorens Caignol et Pierre le Valois conduisent du bétail à Paris pour l’y vendre. Contrevenant à la règle parisienne qui impose de conduire la viande sur pied directement au marché pour éviter toute spéculation sur les cours, ils s’arrêtent aux portes de la ville, à Gonesse. Ce faisant, ils commettent une deuxième contravention en négligeant de demander aux habitants l’autorisation de faire paître les bêtes sur leurs terres. Pour éviter la confiscation de leurs bœufs, les marchands invoquent leur ignorance de la règle, que Lorens Caignol justifie par sa qualité d’étranger au royaume. L’argument est cependant facilement repoussé par le représentant du roi : « Ne l’excuseroit point ignorance in delictis et illicitis et si est l’usage contraire et si savoient bien le droit dez habitans qui estoient assemblez mais ilz ne leur vouldrent onques demander congié. Aussi de raison escripte, in delictis et illicitis ligat ignorantes statutum et combien que Caignol soit natif d’estrange pais, toutesvoiez a il demouré plus de xxx ans à Paris, et puet bien savoir lesd. Usages. »87
22Si l’étranger n’est pas nécessairement excusé de son ignorance, sa qualité peut cependant justifier une rémission de peine. Deux marchands de l’Empire, Etienne Dantenis et Jean Dugort, qui avaient exporté des draps achetés à la foire de Chalon-sur-Saône sans payer l’imposition foraine, invoquent ainsi leur condition pour éviter d’être sanctionnés par la confiscation des marchandises. L’argument n’est pas écarté par le Parlement qui annule, le 5 août 1348, pour violation du contradictoire, les sentences du lieutenant du bailli de Mâcon88. Trois années plus tard, il procède à l’entérinement des lettres de rémission accordées par le roi en 1344 et 1345, à la demande de sa sœur, la comtesse de Savoie, considérant que « lesdis marchans [...] sont de hors de nostre royaume, simple gens et qui ne savoient mie nosdictes ordenances »89 L’extranéité peut ainsi être considérée comme une circonstance atténuante, du moins lorsqu’elle est jointe à la simplicité.
23Isolée, la « simplicité » peut également être une cause d’excuse d’ignorance de la loi. Cet argument est même, semble-t-il, celui qui trouve le plus d’écho chez les avocats parisiens. En matière procédurale, la « simplicité » de leur client paraît presque systématiquement proposée pour éviter l’application rigoureuse du style. Cette excuse personnelle puise à une double source. Comme les précédentes, elle s’inspire sans doute de la doctrine savante. Prenant compte de l’importance socio-économique des campagnes, glossateurs et commentateurs avaient permis – à des degrés variables – aux paysans de profiter de l’error juris, même in lucro captando90 ; dans certaines hypothèses, les « rustiques » pouvaient ainsi ignorer le droit. Mais les avocats parisiens semblent également construire l’excuse de simplicité à partir des textes romains eux-même, et en particulier d’une constitution d’Antonin ; celle-ci, adressée en 212 au soldat Maxime, l’autorisait à employer les moyens de défense omis dans l’instance principale, en raison de son ignorance du droit, s’il était cité sur l’exécution de la sentence91. Devant les juridictions royales, les « simples homs » ne sont en effet ni ruraux ni illettrés92 ; s’ils méritent d’être excusés de leur méconnaissance de la loi, c’est parce qu’ils ne sont pas versés dans l’étude du droit, et en particulier de la procédure. Fréquemment invoquée par les avocats pour excuser leur client d’avoir méconnu une règle du style, la « simplicité » est cependant loin d’avoir systématiquement une vertu exonératoire. En 1375, c’est peut-être parce que Regnault Corelot avait affirmé être « simples homs et ignorant les droiz et ordenances » que son appel des assises du bailli de Rethelois pour le comte de Flandre est déclaré recevable par le Parlement bien qu’il ait impétré tardivement son ajournement93 En. 1385, Enguerrant Maillet tenta à son tour d’échapper au reproche d’avoir relevé tardivement son appel en disant « qu’il est simples homs et ne scet le stile de céans »94. L’argument fut vain. Il ne profita pas davantage à un couple d’habitants de Tournai en 1388. Ceux-ci avaient commis plusieurs erreurs de procédure en contestant l’exécution d’une dette par un sergent royal : non seulement Guillemette s’était opposée alors que le sergent était un exécuteur mais en outre son mari avait omis de la seconder dans la poursuite de son appel. Devant le Parlement, leur avocat tenta de les excuser : ils étaient simplices et ignari, usum et stilum dicte curie nostre probabiliter ignorantes. La Cour déclara non seulement l’appellation déserte mais elle condamna les époux à une amende et aux dépens95.
24Si les « apédeftes ignorant du droit et de ses subtilités » n’étaient pas invariablement excusés, à l’inverse, les professionnels n’étaient pas censés connaître parfaitement le droit. Le sort de cet avocat, maître Pierre Enfrie, qui, en 1441, pour s’excuser de n’avoir pas relevé son appel devant la Cour des aides dans un délai d’un mois, avait invoqué son ignorance du style de la juridiction fiscale en atteste96. Le procureur du roi releva qu’Emery était « bon praticien et bien lectré et qu’il ne povoit ignorer que ce ne fust fait d’aides ». Mais son défenseur, Cornois, ne craignit pas de répondre : « Ad ce qu’il [Emery] est advocat, dit qu’il est vray mais en fait d’aides ne se congnoit car il n’y a point esté nourry. »97 Comme le notait déjà Jean Faure98, même un homme de loi ne peut connaître tout le droit...
25Du moins devait-on peut-être attendre des officiers royaux qu’ils connaissent les ordonnances royales les concernant directement. L’excuse d’ignorance proposée par un huissier royal procédant à l’évocation devant le Grand Conseil du procès de Marie d’Albret, comtesse de Castres, est ainsi rejetée par l’avocat du roi au parlement de Toulouse : « Et led. Maillard, veu qu’il est huissier du Grand Conseil, ista [ordinacio] non ignorabat saltern non debuit ignorare.99 Pourtant, » leur bonne foi dans l’ignorance d’une ordonnance royale – alors même qu’ils auraient dû la connaître – pouvait leur éviter « pour ceste foiz » une sanction disciplinaire100, voire justifier la rémission de toute sanction pénale. Le viguier de Béziers, Pierre Rémonbonne, bénéficia de cette bienveillance en 1392. Exerçant sa fonction depuis peu et ignorant « les ordenances et droiz appartenant à sondit office », il avait organisé une battue sur une chasse gardée du roi. Sa bonne foi lui permit cependant d’être absous de toute sanction pénale, moyennant la « satisfaction des bêtes » prises101. En pratique, l’admission, ou le rejet de l’excuse d’ignorance de la loi, paraissait ainsi dépendre moins de la catégorie juridique à laquelle appartenait l’errans que de la situation concrète dans laquelle il se trouvait...
26Si l’adage « Nul n’est censé ignorer la loi » n’est écrit nulle part au Moyen Âge, il apparaît en filigrane de nombreux arrêts et plaidoiries. Attestant des progrès du pouvoir législatif et judiciaire du roi de France, empereur en son royaume, la maxime est principalement appliquée aux décisions royales et aux styles des juridictions royales. Mais la présomption de connaissance de la loi ainsi instaurée est facilement réversible. Subordonnée à une diffusion suffisamment efficace pour être parvenue à la connaissance du justiciable, elle est également appréciée ratione personae. Bâtie autour des commentaires savants, l’excuse d’ignorance du droit accordée à la femme, au soldat, au « rustique », voire au primo-délinquant atteste bien de la souplesse dont les avocats faisaient preuve dans leur utilisation du droit romain. Adoptant des positions également élastiques, le Parlement paraît avoir tiré de cette série d’exceptions à l’obligation de connaissance de la loi la possibilité d’exonérer, au cas par cas et en fonction des circonstances, ceux qui négligent le droit, même royal.
Notes de bas de page
1 A. Laingui, « Les adages du droit pénal », Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé, 1 (1986), p. 25-54, ici p. 40.
2 L’article 201 du Code civil permet au mariage nul de produire certains effets à l’égard des époux de bonne foi.
3 « Car si c’était une erreur de droit, la nullité aurait tout son effet, et le mariage serait privé des effets civils ; puta, s’il manquait une formalité ou une condition exigée par la loi à peine de nullité, les époux ne seraient pas recevables à dire qu’ils ignoraient qu’elle fût exigée : nemo jus ignorare censetur », C.-É. Delvincourt, Cours de Code civil, Paris, 1819, t. 1, p. 320, n. 3.
4 Le premier arrêt qui fait application de cet adage paraît être un arrêt de la Cour de Bourges de 1832, R. Descoust, L’erreur de droit, Thèse, 1917, p. 167 et suiv.
5 D’ailleurs, lorsque C. Demolombe, (Cours de Code Napoléon, t. 3, Paris, 1873, p. 543) ou Acollas (Manuel de droit civil, Paris, 1874, t. 1, p. 198) critiquent ce système et plaident pour que la bonne foi des époux soit reconnue non seulement en cas d’erreur de fait, mais aussi en cas d’erreur de droit, le principe est cité en français : « Le prétendu principe : nul n’est censé ignorer la loi, n’est écrit nulle part. »
6 D. 22, 6, 9 : Regula est iuris quidem ignorantiam cuique nocere, facti vero ignorantiam non nocere.
7 C. 1, 18, 12.
8 C. 1, 14, 9.
9 Le Décret de Gratien entérine la distinction entre l’ignorance du fait et celle du droit (C. 1 q. 4c. 12 §1) : Notandum quoque est, quod non omnis ignorantia aliquem excusat. Est enim ignorantia alia facti, alia ius... La règle 13 des regulae iuris dans le Liber Sextus (VI. 5, 12, 13) : Ignorantia facti non iuris excusat apparaît comme une simple répétition de la maxime de Paul.
10 F. Roumy, « L’ignorance du droit dans la doctrine civiliste des xiie et xiiie siècles », Cahiers de Recherches médiévales ( xiiie- xve s.), 7 (2000), p. 23-43.
11 S. Petit-Renaud, “Faire loy” au royaume de France de Philippe VI à Charles V (1328-1380), Paris, 2001. p. 373 et suiv.
12 Par exemple, F. Terré, Introduction générale au droit, Paris, p. 411.
13 À la fin du xviiie siècle, Guyot, tout en reprenant les règles classiques, trace le domaine propre de la maxime : « On dit en général que l’erreur de droit n’excuse pas et que l’erreur de fait ne nuit jamais. Il n’est permis à personne d’ignorer les préceptes du droit naturel [...]. On n’excuse pas non plus l’ignorance du droit public, droit qui commande à tous les citoyens des lois de la police et du gouvernement. Car ce serait en vain qu’on les aurait établies, s’il était possible de les enfreindre sous prétexte d’ignorance. On ne traite pas avec autant de rigueur l’ignorance qui n’intéresse que les particuliers entre eux. Les docteurs distinguent si celui qui a contracté par erreur de droit risque de perdre ou seulement s’il manque à gagner. Au premier cas, l’ignorance de droit est excusable, au second cas, elle ne l’est pas », Répertoire universel et raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et bénéficiale, Paris, 1734, t. 7, p. 69.
14 Si la maxime vaut pour « tous les textes [même hors du droit pénal] qui édictent une pénalité, une déchéance, une sanction quelconque », elle est en revanche écartée « tant pour les conventions que pour les actes unilatéraux », cf. H. Roland et L. Boyer, Adages du droit français, Paris, 1992, p. 684 et suiv.
15 J. Carbonnier, Introduction au droit, Paris, 1999, p. 209 ; G. Cornu, Introduction. Les personnes. Les biens, Paris, 1996, p. 47.
16 D. 3, 2, 11, 4 : Ignorantia enim excusatur non juris, sed facti.
17 Certains n’auraient même maintenu qu’une différence purement procédurale entre l’erreur de droit et l’erreur de fait, cf. L. Winkel, « L’erreur de droit dans les procédures classiques et postclassiques romaines et l’histoire des articles 1356 et 2052 du Code civil », Tidjschrift voor Rechtsgeschiedenis, 53 (1985), p. 321-331, ici p. 328.
18 Cette distinction apparaît dès le Brachylogus : In juris vero ignorantia non omnibus subvenitur [...] et hoc vera sunt cum de lucro captando quaeritur ; sin vero de damno agatur in juris ignorantia omnibus subvenitur ; elle est reprise dans la Grande Glose d’Accurse (gl. regula est sur D. 22, 6, 9) ; M. Memin, Les vices de consentement dans les contrats de notre ancien Droit, et en particulier dans les provinces d’Anjou et du Maine. I. La Lésion, suivie de notions générales sur l’Usure et l’Erreur, Thèse, Paris, 1926, p. 194 et suiv.
19 F. Roumy, op. cit., p. 32. La distinction est tout à fait classique au xive siècle. Balde établit ainsi une tripartition : l’ignorance du droit peut être invoquée pour exclure la présence d’un délit, pour permettre l’acquisition de la chose d’autrui ou la rétention de sa chose propre. Dans les deux premiers cas, elle nuit en principe ; en revanche, dans le dernier cas, non nocet quia agitur de damno vitando, sur C. 1, 18, 7, Commentaria omnia, t. 5, Venise, 1615, fol. 73, n. 7.
20 En revanche, la distinction de lucro captando/damno vitando peut être relevée dans d’autres matières ; ainsi pour déterminer la hiérarchie des créances entre le fisc et les particuliers, 15 juin 1391, Paris, Archives nationales de France [AN], Xla 1475, fol. 268 et 28 juin 1391, Xla 38, fol. 225v.
21 Telle est la définition donnée par Hugo de l’erreur de droit ; l’erreur de fait consiste quant à elle à croire qu’existe un fait qui n’existe pas : Ignorantia autem juris est, cum putamus jus velle quod non vult, vel non velle quod vult. Facti error est cum putamus factum esse quod non est, vel non esse quod est. F. Roumy, op. cit., p. 30, n. 37.
22 26 août, 9, 12 et 16 septembre 1416, AN, Zla 6, fol. 250v, 254, 256 et 257v.
23 Cette définition de la fiction a été élaborée par Cyne et a été régulièrement reprise par les juristes des xive et xve siècles : In re certa contrariae veritatis pro verita assumptio. La simple manipulation d’un écart entre les mots et la réalité des choses n’appartient en revanche pas à la technique de la fiction, mais à celle de la présomption, Y. Thomas, « Fictio legis. L’empire de la fiction romaine et ses limites médiévales », Droits, 21 (1995), p. 17-63.
24 G. Dereux, « Étude critique de l’adage Nul n’est censé ignorer la loi », Revue trimestrielle de droit civil, 6 (1907), p. 513-554 ; R. Guillien, « Nul n’est censé ignorer la loi », dans Mélanges Paul Roubier, Paris, 1961, p. 253-260.
25 G. Nicolau, « Inaccessible droit ! », Revue de la Recherche Juridique. Droit prospectif, 1 (1998), p. 15-49, notamment p. 17.
26 Au cours des décennies précédentes, l’erreur invincible a été reconnue comme une cause d’irresponsabilité pénale dans la plupart des droits européens. J. Pradel, Droit pénal comparé, Paris, 1995, p. 302-305 ; G. Casaroli, « Erreur sur la loi pénale et principe de culpabilité après l’arrêt n. 364/1988 de la Cour constitutionnelle italienne », Revue de sciences criminelles et de droit pénal comparé, 364(1988), p. 873-878. L’article 122-3 du Code pénal français dispose d’ailleurs désormais que « n’est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte ».
27 Jacobus de Butrigarius admet toutefois que l’ignorance du droit naturel puisse excuser du vrai dol et par voie de conséquence des peines qui ne sont imposées que de ce chef ; car elle ne peut, selon lui, être qualifiée que de faute lourde. Sur D. 1, 2, 8 § doli mali : Aut quaero de poena irroganda ex vero dolo et iuris ignorantia excusat, cum non sit verus dolus ignorare ius, sed est lata culpa [...] ; imo plus puto quod ignorantia a iure naturali excuset a vero dolo et a poena imponenda ratione veri doli, reprobata opinione Dyn., In primam et secundam veteris Digesti partem, Bologne, 1978.
28 Si de ignorantia iuris naturalis tunc dico quod non excusat aliquem immo nocet indistincte sive certet de lucro captando, sive de damno vitando [...] Aliquis credens quod sibi liceret patrem suum verberare et sic erravit in iure naturali, verberavit patrem suum, nunquid excusabitur propter hoc quod credebat quod liceret sibi eum verberare ita quod pater non poterit eum exheredare ? certe non [...] Aut iste erravit in iure quasi naturali et tunc dico indistincte quod talis error vel ignorantia non excusat..., Pierre de Belleperche, Quaestiones vel distinctiones, Bologne, 1970, q. 194, fol. 155.
29 La règle est inscrite dans le Décret de Gratien (C. 1 q. 4c. 12 § 2) : Item ignorantia iuris alia naturalis, alia civilis. Naturalis omnibus adultis dampnabilis est ; ius vero civile aliis permittitur ignorare, aliis non... Distinguant les premiers principes du droit naturel des conclusions qui en sont éloignées, les théologiens parviennent à un système semblable, cf. « Ignorance » dans Dictionnaire de théologie catholique, A. Vacant, E. Mangenot et E. Amann dir., Paris, 1927, t. 7, p. 731-740.
30 Et ignorantia iuris naturalis neminem excusat : imo ignorons illud, ignorabitur [...] etiam si sit paganus, vel homo Sylvester semper in montants nutritus, ita quod nunquam ad eum predicatio pervenerit, nam in omnem terram exivit sonus Apostolocum, Guillaume Durand, Speculum iuris, « De summa trinitate et fide catholica », éd. Bâle, 1574, réimpr. 1975, p. 70.
31 Le Livre des droiz et des commandemens d’office de justice, C. J. Beautemps-Beaupré éd., Paris, 1865, t. 1, p. 386, § 174.
32 Sur l’influence en France de cette position, cf. M. Reulos, « La naissance d’une théorie politique en France : l’influence respective de la tradition juridique romaine et de l’expérience », dans Théorie et pratique politiques à la Renaissance. Actes du XVe Colloque international de Tours, Paris, 1977, p. 134-135.
33 C. Gauvard, « Rumeurs et stéréotypes à la fin du Moyen Âge », dans La circulation des nouvelles au Moyen âge. XXIV congrès de la SHMESP (Avignon. 1993), Paris, 1994, p. 157-177, ici p. 162-163.
34 La prohibition du blasphème doit ainsi être publiée « chascun mois une fois au moins », 1269, Ordonnances des roys de France de la troisième race, É. De Laurièrf. et al. éd., 22 vol., Paris, 1723-1849 [dorénavant ORF], t. 1, p. 99-100. L’ordre d’enlever les boues et gravois des rues de Paris a ainsi « esté communément chacun an crié et publié », février 1348, ORF, t. 4, p. 202.
35 A. Rigaudière, « Les ordonnances de police en France à la fin du Moyen Âge », dans Polizey um Europa der Frühen Neuzeit, M. Stolleis éd., Francfort, 1996, p. 97-161, ici p. 130-131.
36 La pratique paraît courante à la fin du xve siècle. Enregistrant, après certains débats sur leurs formes, les « lectres d’ordonnance faictes par le roy touchant le fait de la police de ce royaume », le Parlement ordonne ainsi leur impression pour permettre leur affichage : « Et afin que aucun ne se puisse excuser par ignorance, ordonne la Court que lesd. ordonnances seront imprimées », 4 janvier 1500, AN, Xla 1505, fol. 32v.
37 S. Petit-Renaud, op. cit., p. 400.
38 29 novembre 1498, AN, Xla 4840, fol. 35.
39 L’ordonnance du 22 août 1343 prescrivait d’acquitter les contrats à exécution successive en monnaie moyenne, ORF, t. 2, p. 187.
40 L’ordonnance du 26 octobre 1343 avait rétabli le principe du paiement dans la monnaie du terme pour les contrats à exécution successive, sauf clause contraire, ORF, t. 2, p. 191.
41 Considerate eciam quod tempore dicti contractus dicte partes ordinationes nostras tunc editas sciebant seu scire debebant per quas fuerat ordinatum quod tempore dicti termini solucionis eiusdem debiti media moneta cursum habere debebat, licet post dictum contraction per nos et ex justa causa fuisset aliud ordinaum, 3 février 1347, AN, Xla 12, fol. 46v.
42 X. 1, 5, 1 : Nec sit necessarium, quum constitutio solemniter editur autpublice promulgatur, ipsius notitiam singulorum auribus per speciale mandatum vel literas inculcare ; sed id solum sufficit, ut ad eius observantiam teneatur, qui noverit earn solemniter editam aut publice promulgatam.
43 Licet dicta salva gardia non fuisset eisdem aliqualiter significata, sed fuerat ut decebatur in dicta nostra curia Laudunensi dumtaxat publicata, predicto Jaquemardo tunc morante et existente extra dictam villam Laudiniensis et Johanni, eius filio studente morante apud Aurelianum, AN, Xla 17, fol. 320.
44 Secundum usum, stilum et consuetudine dicte curiae Laudunensis quam eciam consuetudinem dicta curia tenet notariam, omnis salvegardie in predicta curia ac in iudicio publicate, litigiis durantibus coram baillivo et preposito vel eorum locatenentis ligant et comprehendent omnis in dicta prepositura commorantes, absentes et presentes, ibid. Après appel, de nouvelles lettres de rémission, datées du 9 novembre 1362, sont présentées au parlement de Paris.
45 Pour justifier l’application d’une ordonnance énumérant de manière restrictive les villes pouvant posséder un grenier à sel, un fermier royal prend soin de préciser que l’ordonnance « avoit esté publiée par cry publique, tellement et par tant de fois et en tant de lieux et estoit notoire que nul sous dissimulation n’en povoit prétendre cause d’ignorance », 20 septembre 1480, AN, Zla 31, fol. 485v ; de même, pour justifier l’application aux fripiers de Paris de l’interdiction des coalitions, le procureur du roi au Châtelet affirme devant le Parlement qu’elles ont été pluries et debite credatas et publicatas, adeo quod de ipsis nulli, et maxime dicti defensores, justam ignorancie causam pretendere valebant, 3 février 1420, AN, Xla 63, fol. 173.
46 J.-P. Boyer, « Un document judiciaire de la Cour du baron de Beuil (xve s.) », Provence historique, 163 (1991), p. 63-72.
47 Sur le régime juridique de ce droit qui permettait de saisir les biens des compatriotes de l’auteur d’un délit, cf. P.-C. Timbal, « Les lettres de marque dans le droit de la France médiévale » dans Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, X. L’étranger, Bruxelles, 1958, p. 109-138.
48 30 avril 1403, AN, Xla 4786, fol. 111.
49 A. Bossuat, « Le Parlement de Paris pendant l’occupation anglaise », Revue historique, 229(1963), p. 19-40, ici p. 26.
50 31 octobre et 14 novembre 1354, ORF, t. 2, p. 559.
51 Remis non fiuerant ordinaciones nec fortis moneta predicte proclamate nec publicate quodque, licet Parisius et Lauduni essent monete proclamate, propter hoc Remis non mutabatur earum cursus donec ibidem essent proclamate, AN, Xla 19, fol. 36v, 27 août 1364, édité par P.-C. Timbal, Les obligations contractuelles dans le droit français des xiiie et xive siècles d’après la jurisprudence du Parlement, Paris, 1977, t. 2, p. 357.
52 Septembre 1365, AN, JJ 98, 408 cité par C. Gauvard, « Résistants et collaborateurs pendant la guerre de Cent ans : le témoignage des lettres de rémission » dans La « France anglaise » au Moyen Âge, 107e Congrès national des Sociétés savantes, Poitiers, 1986, Section d’histoire médiévale et de philologie, t. 1, Paris, 1988, p. 123-138, ici p. 130.
53 Pour un point complet sur la question, cf. S. Petit-Renaud, op. cit., p. 402 et suiv.
54 Le droit positif a repris cette disposition dans le décret du 5 novembre 1870 ; dans un délai d’un jour franc à partir de la publication du journal officiel, à Paris, de son arrivée au chef-lieu du département, en province, l’ignorance des règles nouvelles peut être excusée.
55 13 mai, AN, Xla 8321, fol. 94.
56 Sans doute s’agissait-il de l’ordonnance du 26 août 1452 (ORF. t. 14, p. 238) qui définissait les conditions de la visite des vins dans les maisons des taverniers.
57 29 octobre et 14 novembre 1460, AN, Zla 22, fol. 55 et 62v.
58 Balde, Commentaria..., op. cit., t. 5, sur C. 1, 14, 9, 1. leges sacratissimae (9), n. 3, fol. 69v : Quaero an liceat leges ignorare ? Respon. si sunt inclusae in Corpore iuris, non possunt ignorari. Item nec lex nova ignorari debet postquam est publicate per duos menses ; Panormitain, Consilia, 1re partie, cons. XXXV, no 1, fol. 18 : Constitutio solemniter edita liget indifferenter omnes post lapsum duorum mensium, ita quod post illiud tempus non proesumitur ignorantia.
59 Pierre de Fontaines, Conseil à un ami, A. J. Marnier éd., Paris, 1846, p. 479 : « La loi écrit dit : constitutions comence à destraindre après les deus mois que elle est pueploiée, et devant cel tens n’i sont lié cil qui ne la sevent. »
60 Le Parlement n’en interdit pas moins l’introduction de toute instance hors de son auditoire, sous peine d’une amende de cent marcs d’or, 22 décembre 1439, AN, X2a 22, fol. 81v, cité par A. Leguai, De la seigneurie à l’État. Le Bourbonnais pendant la guerre de Cent Ans, Moulins, 1969, p. 417.
61 Sur le caractère fréquemment superficiel de la pénétration du droit romain dans l’œuvre de Pierre de Fontaines, cf. A. Rigaudière, « Princeps legibus solutus est et Quod principi placuit legis habet vigorem à travers trois coutumiers du xiiie siècle », dans Hommages à Gérard Boulvert, Nice, 1987, p. 427-451.
62 S. Petit-Renaud rapporte des dates d’entrée en vigueur très variables, op. cit., p. 404.
63 Questiones Johannis Galli, M. Boulet éd., Paris, 1944, q. 403.
64 Et forte quod in illo tempore invenerant aliquas naves et mercaturas anglicorum tunc inimicorum regni francie in quibus erant plures et diverse mercature quas ceperant ad bonam et justam causam ac de bona guerra et que debite et legitime fuerant partite et divise. Et dato sed non concesso quod ficti Fleu et consentes sui cepissent mercaturas que a prenominatis seu eorum procuratore petebantur tempore per eos seu ipsorum procuratorum declarato, videlicet prima die junii hoc sibi valere non poterat quia treuge date fuerant sexta vel nova die mail lapseque fuerant tres septimane post ipsam diem antequam publicarentur et antequam aliquid de hiis sciretur apud sanctum Waleriarum vel alibi in partibus et per consequens hoc non potuerant scire dicti Fleu et consortes in mari longe vagentes. Est quod locus de Sancto Walarico locus notabilis et in quo tales solennes publicaciones soient et debent fieri de usu et consuetudine baillivie et si forsan fuerant ibidem publicate treuge seu tractatus predicti, hoc fuerat ultima die de may. Dicebant eciam dicti Fleu et eius consortes quod super facto guerre fuerat et erat certa ordinacio ab antiqua tempore facta super formis tractation et treugarum inter principes, videlicet quod illi qui sunt in mare tam ex una parte quam ex altera tempore quo treuge vel tractatus fiunt, extra treugas et tractatus huiusmodi usque ad finem quadragesi diei a publicacione ipsarum subsequentis..., 17 avril 1361, ΑΝ, Xla 17, fol. 98.
65 E. Cortese, « Ignoranza » et « Errore », op. cit.
66 Balde, sur D. 22, 6, 1, Commentaria..., op. cit., t. 2, fol. 186 n. 2 : No. hic duas regulas. Prima de ignorantia iuris quae fallit in minore, item in muliere a casibus a iure expressis, item in milite, item fallit quando quis non potest consulere peritiores, secundum Labeonem in ver. sed iuris.
67 Ε. Cortese, « Ignoranza », op. cit., p. 9.
68 Dans une lettre de rémission, un jeune suppliant invoque « sa jeunesse, simplesse et ygnorance » pour s’excuser d’avoir falsifié la date des documents qu’il était chargé de porter ; mais rien n’indique s’il s’agit d’ignorance du droit. Cf. C. Gauvard, « De grace especial ». Crime, État et Société à la fin du Moyen Âge, Paris, 1991, t. 1, p. 361.
69 Ibid., t. 1, p. 354.
70 Sur cette œuvre et son auteur, cf. A. Gouron, « L’auteur et la patrie de la Summa Trecensis », Ius Commune, 12 (1984), p. 1.
71 Sur les difficultés posées par la nomination à cet office au début du xvie siècle, cf. 30 juin 1503, AN, Xla 8330, fol. 425. Cf. K. Weidenfeld, Les origines médiévales du contentieux administratif ( xive-xve siècles), Paris, 2001, p. 98, n. 79.
72 Le débat était fort complexe car Pierre Régnier n’admettait pas que sa promesse de payer eût cette cause. Il prétendait s’être engagé causa mutui, dans l’espérance d’une numération de deniers qui n’avait jamais été réalisée, 2 août 1509, AN, Xla 4850, fol. 756v.
73 Pierre de Belleperche, op. cit., questio 194, fol. 55 : Istud fallit in muliere que licet errando incidat in speciem delicti tamen excusatur in quinque casibus.
74 11 et 13 mars 1428, AN, Xla 4795, fol. 227v et 230.
75 Brachylogus, « De juris et facti ignorantia » : In juris vero ignorantia non omnibus subvenitur, sed certis dumtaxat personis, militibus et praecise ; item mulieribus et rusticis in certis casibus, cité par M. Mémin, op. cit., p. 200, n. 1.
76 M. Mémin, op. cit., p. 201.
77 Quod raro de nostris militibus did potest, qui vacant mercaturis et negociis privatorum et multi reperirentur, qui nescirent se armare et qui vilissimas artes exercuerunt [...] et satis in hoc privilegio gaudent, de aliis privilegiis militaribus non sunt digni, Cyne, In Codicem Commentaria, Francfort, 1578, réimpr. Turin, 1964, sur C. 14, 18. n. 11, fol. 30. La critique est courante au siècle suivant ; cf. Martinus de Lodi : Milites nostri temporis gaudent privilegio, dummodo vacent armis pro re publica, non negociationibus, cité par A. Grondeux, « Le De dignitate de Martinus de Lodi », Revue historique de droit français et étranger, 69 (1991), p. 449-463, ici p. 453.
78 23 juin 1390, AN, Xla 1475, fol. 78v ; Questiones Johannis Galli, op. cit, q. 216, p. 259.
79 Considérant l’hypothèse d’un clerc ordonné par un évêque après la renonciation publique de celui-ci, Jean André reconnaît son ordination s’il avait une iustam ignorantiam. ut si extra provinciam tunc fuisset et hoc probaret, Jean André, sur X. 1, 13, 1, In quinque decretalium libres novella commentaria, Turin, 1963, fol. 162v, n. 16.
80 W. Onclin, « Le statut des étrangers dans la doctrine canonique », dans Recueils de la Société Jean Bodin pour l’histoire comparative des institutions, X, 2. L’étranger, Bruxelles, 1958), p. 47-59.
81 Sur l’ambiguïté des sentiments à l’égard des étrangers, entre sympathie et défiance, cf. C. Gauvard, « De grace especial »..., op. cit., t. 2, p. 540.
82 Balde, sur C. 9, 1, 11, 17, Commentaria..., op. cit., t. 5, fol. 79v n. 2 : Quae de iure commuai nec materia, nec forma, nec nomen sit alicuius delicti, tale statutum non ligat alienas vel novos cives qui possunt did tyrones, qui propter iustam ignorantiam excusantur.
83 Ia. Bal. contra [...] nam in delictis non potest ignorantia pretendi [...] Dicit tamen quod debet poena mitigari : ut si poena sit dupli, simplum amittat ; si simpli, tunc medietatem, Guillaume Durand, Speculum Iuris, « De Constitutionibus », n. 8, p. 80.
84 Cyne, In Codicem Commentaria, Francfort, 1578, réimpr. Turin, 1964, sur C. 1, 1, 1, 1, no 7, fol. 1v : [...] subdistinguit Iaco. de Raven. Aut istud quod non esset alias delictum nisi statutum foret, respicit publicam utilitatem aut non. Si publicam utilitatem rescipit, videlicet ut aliquis non vendat pisces mortuos, tunc ligavit extraneos [...] aut non rescipit publicam utilitatem et tunc non ligavit...
85 J. Faure, Institutes, Lyon, 1593, p. 12, col. 2 sur § Omnes vero populi : Si ignorant. Dyn. dicit quod in delictis ligant si quis facial rem alias de se prohibitum, alias non [...] Iac. dicit quod imo indistincte ligant ignorantes, si statuta contineant utilitatem publicam. Verius videtur quod indistincte non ligent ignorantes ut poena statuti teneantur. Sed si rem faciant alias prohibitam, puniantur iure communi nisi esset ignorantia crassa vel supina...
86 Les privilèges de la ville de Grenade, en Haute-Garonne, accordés en 1291 et confirmés en décembre 1350, prévoient ainsi que les étrangers ignorant l’interdiction de pénétrer dans les jardins et dans les vignes sans l’autorisation des propriétaires seront punis autrement que les citoyens, à l’arbitraire du juge. La loi accordée en janvier 1239 par le sire de Walincourt aux habitants de Walincourt et de plusieurs villages voisins prévoit que si un étranger est pris sur un chemin interdit et qu’il ne peut prouver par serment qu’il ignorait l’interdiction qui frappait le chemin, il est condamné à une amende de 2 deniers (alors que pour la même infraction, les gens de la ville encourent une peine de 3 deniers) ; ce qui laisse supposer que lorsque l’étranger parvient à prouver son ignorance, il est libéré de toute peine, B. d’Alteroche, De l’étranger à la seigneurie à l’étranger au royaume xie- xve siècles, Paris, 2002, p. 175-176.
87 8 mars 1423, AN, Xla 4793, fol. 263v.
88 Dictis mercatoribus dicentibus et proponentibus ex adverse quo ipsi erant boni homines et fideles et quod nullam fraudem commiserant in premissis nec committere intenderant [...] maxime cum in nundinis cabilonensis aliter mercati non fuissent et ordinaciones regias in hac parte probabiliter ignorassent cum in regno nostro non essent sed in imperio commorentes. AN, Xla 12, fol. 271 v.
89 27 avril 1351, AN, Xla 13, fol. 48.
90 M. Mémin, op. cit., p. 202-203.
91 C. 1, 18, 1 : Quamvis, cum causant tuam ageres, ignorantia iuris propter simplicitatem armatae militiae adlegationes competentes omiseris, tamen si nondum satisfecisti, permitto tibi, si coeperis ex sententia conveniri. defensionibus tuis uti.
92 Accusé de sorcellerie devant le parlement de Paris, Philippe Calvet est dit « simple » par son avocat ; il possède pourtant plusieurs livres et maîtrise l’écriture, C. Gauvard, « Paris, le Parlement et la sorcellerie au milieu du xve siècle », dans Finances, pouvoirs et mémoire. Hommages à Jean Favier, J. Kerhervé et A. Rigaudière éd., Paris, Fayard, 1999, p. 85-111.
93 Ce n’est toutefois pas le seul argument invoqué pour échapper à la déchéance, 18 avril 1375, AN, Xla 8300A, fol. 62.
94 Les délais du relèvement de l’appel étaient cependant suffisamment incertains pour que l’affaire mérite d’être mentionnée dans les « Notes d’audience prises au Parlement de Paris de 1384 à 1386 par un praticien anonyme », F. Olivier-Martin éd., Revue historique de droit français et étranger, 1 (1922), p. 513-603, cas n° 108, p. 587.
95 17 mars 1388, AN, Xla 35, fol. 309v.
96 G. Dupont-Ferrier, Nouvelles études sur les institutions financières de la France à la fin du Moyen Âge. Les origines et le premier siècle de la Cour des aides, Paris, 1933, p. 278.
97 28 janvier 1441, AN, Zla 12, fol. 126v.
98 Pour critiquer une glose considérant que l’ignorance du droit est une faute lourde, Jean Faure note qu’à la suivre omnes de mundo sunt in lata culpa quia nullus omnia iura scit, maxime ex improvise ; une interprétation raisonnable doit restreindre cette position aux droits vulgaires et communs et fréquemment utilisés. J. Faure, Institutes, op.cit., fol. 56 n. 4.
99 Archives départementales de la Haute-Garonne, B 2328, fol. 257.
100 Après la création de la sénéchaussée de Boulenois, il avait été défendu aux officiers de la prévôté de Montreuil-sur-Mer de procéder à des exploits de justice dans le nouveau ressort. Malgré ce, un sergent, Loys le Doyen, avait procédé à des exécutions dans la nouvelle sénéchaussée. Ajourné sur ces excès, on lui demanda s’il ignorait la défense. Sur sa réponse affirmative, il fut pardonné en promettant de ne pas récidiver. Promesse qu’il ne tint pas, 31 janvier 1502, AN, Xla 4843, fol. 67.
101 Mars 1392, AN, JJ 142, no 105, fol. 68v.
Auteur
Université de Basse-Normandie, Caen
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