L’ordonnance de Brignoles, les affaires pendantes et l’information administrative en Provence sous les premiers Angevins
p. 41-56
Texte intégral
1Du palais royal de Brignoles, où il séjourne volontiers lorsqu’il se trouve dans son comté de Provence, Charles II d’Anjou, roi de Sicile, donne le 31 juillet 1297 une grande ordonnance administrative que les historiens de la Provence connaissent simplement sous le nom d’« ordonnance de Brignoles ». La lecture du préambule de cette ordonnance, curieusement demeuré inédit1, aidera à situer notre propos :
Il est venu à notre connaissance, par un récit [relatio] digne de confiance, que depuis déjà longtemps une pratique abusive s’est répandue auprès de nos officiers des comtés de Provence et de Forcalquier, touchant aussi bien la gestion de leurs offices que la reddition de leurs comptes. Ils ne respectent plus l’ordre qui convient au moment de l’entrée en possession de leurs offices et ils négligent aussi bien l’information mutuelle que les distinctions convenues des matières, des personnes et des temps. De là s’ensuit que des affaires embrouillées amènent inévitablement une obscurité qui entrave les causes et les justices des particuliers et confond les droits de notre cour.2
2C’est pour apporter à ces maux un remède opportun que le roi édicte ensuite les dix-sept articles de l’une des plus importantes ordonnances administratives de son règne. Déjà, en peu de mots, ce fort intéressant préambule dirige notre attention vers les problèmes d’une administration à réformer (l’abusum des officiers) – un topos du langage politique de l’époque ; d’une réforme qui doit porter sur la question de l’entrée en possession des offices (in officiis adsumendis) ; enfin, et ceci nous amène directement au thème qui fait l’objet du présent colloque, d’une réforme qui doit porter sur les problèmes de l’échange d’informations (informatio mutua) et le respect d’un certain nombre de distinctions convenues (distinctio debita), c’est-à-dire de ce que nous appellerions aujourd’hui un code ou un protocole d’échange d’informations. À juste titre, nous semble-t-il, on peut parler d’une ordonnance sur l’information puisque celle-ci en est la raison d’être principale. Certes, l’information dont il s’agira ici ressortit à une catégorie bien particulière, celle que dans le langage de l’entreprise moderne on désignerait sous le nom d’« information interne », par opposition aux « relations publiques ». Elle est sans doute plus un chapitre de l’histoire de l’administration que de celle de la communication. Mais cela n’enlève rien à son intérêt. En fait, et nous y reviendrons au terme de l’analyse, par son insistance sur une certaine formalisation des données, dans le processus de leur transmission d’un individu à un autre, il se pourrait que ce type d’information soit celui qui se rapproche le plus du sens premier du mot, s’il est vrai qu’informer, c’est d’abord donner forme, façonner, organiser ou disposer.
3Dans l’étude qui suit, nous aimerions d’abord montrer que cette ordonnance de Brignoles n’apparaît ni par hasard ni sans avoir d’antécédents dans la dernière décennie du xiiie siècle. Elle est plutôt le fruit de la longue maturation d’une réflexion sur la relation entre le prince, ses agents et ses sujets. Nous en analyserons ensuite les principales dispositions, dans la mesure où celles-ci contribuent directement à la construction d’un objet « information », réifié, mesurable et transmissible. Enfin nous chercherons à percevoir, à travers quelques documents de la Chancellerie et de la Chambre des comptes de Provence, dans quelle mesure on peut trouver des traces implicites ou explicites de son utilisation.
De l’enquête administrative à l’ordonnance de Brignoles
4Charles II n’a fait l’objet que très récemment d’une biographie partielle, portant sur le commencement de son règne, jusqu’en 12953. Il faut dire que la tradition ancienne, remontant à Dante lui-même, l’affublant du qualificatif de « Boiteux », l’opposait à un père, Charles, vainqueur de Tagliacozzo et de Bénévent, et à un fils, Robert, parangon de sagesse, ami des arts et des lettres dans l’Italie des premiers humanistes. Ce ne sont là que réputations4. Le rôle de Charles II est bien plus important et complexe que celui que lui assigne la tradition. Il n’est peut-être pas le Philippe le Bel des Angevins, mais à bon droit pourrions-nous le surnommer « le Législateur »5. Ce prince qui avait accédé à la royauté dès 1285, à la mort de Charles Ier, ne fut couronné à Rieti qu’en 1289. Entretemps, dans le sillage des Vêpres siciliennes et du conflit franco-aragonais, il se trouvait prisonnier à Barcelone d’où il ne fut libéré, en 1288, à la suite du traité de Canfranc, qu’à condition de laisser en otage derrière lui deux de ses fils et soixante barons provençaux, pour aller négocier une paix improbable entre son royaume, l’Église, la France et l’Aragon. C’est dire la fragilité des assises de son pouvoir au commencement de son règne. Or il ne semble pas inutile de rappeler cette fragilité, au moment d’évoquer les enquêtes et ordonnances administratives que le roi commanda, en Provence, entre 1289 et 1297. Charles devait s’assurer la fidélité (encore incertaine) des Provençaux, de même que leur appui financier, sans lesquels toute œuvre de reconquête de la Sicile serait vouée à l’échec.
5Trois séries d’interventions, durant cette décennie, nous semblent contribuer à baliser le terrain qui mènera à l’ordonnance de Brignoles sur l’information :
6– En premier lieu, s’inspirant de l’entreprise de son oncle, le roi saint Louis, Charles se met à l’écoute des griefs de ses sujets. Il renouvelle, en 1289, un statut sur les assises du sénéchal, par lequel cet officier (qui, en l’absence du roi, est à la tête de l’administration provençale) doit tenir une fois par année des assises d’au moins quinze jours dans chacune des quatre grandes régions de la Provence6. Surtout, il lance, entre 1289 et 1291, de véritables enquêtes administratives. Enquêteurs sur les officiers, puis enquêteurs généraux parcourent le pays dont ils entendent les griefs contre les excès des officiers. Derrière l’évidente connotation morale de cette initiative, à laquelle participent des frères franciscains et dominicains, se profile déjà une intention politique. Recueillir une information sur les griefs des sujets contre les officiers royaux, afin de les corriger, en vue de se concilier les faveurs de leur fidélité, voilà un programme qui, à défaut d’être original, n’en est pas moins significatif d’une intention de réforme7.
7– En second lieu, Charles cherche à assurer au mieux la perception des droits et revenus qui appartiennent à la cour royale dans le comté. Trois mesures significatives, en 1289 puis en 1294, ont un objectif commun : faire enquête sur des pratiques dont on sait qu’elles portent préjudice à l’assiette réelle ou potentielle de ces revenus. Ayant étudié déjà de façon détaillée ces mesures, je me contenterai ici de les résumer brièvement, dans la mesure où elles contribuent à faire la lumière sur la genèse de l’ordonnance de Brignoles8.
- Réagissant au problème de l’acquisition par des roturiers de certains biens nobles, privant la cour des services nobles – entendons de service militaire – qu’elle était en droit d’attendre, le roi ordonne en 1289 la rétrocession sous peine de saisie de ces biens à leurs propriétaires originels.
- Le même texte évoque un problème différent, mais dont les conséquences pour le trésor royal sont analogues : c’est celui des ventes de biens immobiliers à des clercs. Tombant en mainmorte, ces biens échappent de ce fait à l’assiette du fouage royal. L’ordonnance de 1289 commande aux officiers royaux des vigueries et baillies de Provence de faire enquête sur ces pratiques et d’en corriger les effets, en conformité avec les dispositions de l’ordonnance.
- Une autre mesure, assez semblable, intervient en 1294. Il s’agit cette fois de mettre fin à la pratique, apparemment répandue, consistant à déguiser en contrats emphytéotiques de véritables ventes foncières. En effet, une telle pratique permet aux parties contractantes d’éviter de payer les droits de mutations, les trézains, normalement dus au seigneur éminent – très souvent la cour royale – à l’occasion des ventes foncières. Ici encore, pour pallier un manque à gagner qui apparaît substantiel, le roi ordonne à ses officiers de corriger la situation, ce qui aboutit à une nouvelle série d’informations administratives menées dans les vigueries et baillies à partir de 1295, et dont les résultats nous sont partiellement conservés.
8Ces ordonnances et les enquêtes qui en découlent, d’esprit très « capétien », car elles évoquent des mesures tout à fait semblables prises tant par Philippe III que par Philippe le Bel en ces mêmes années, veulent assurer au roi, sinon l’accroissement, du moins le maintien de ses revenus et cette préoccupation passe nécessairement par le souci de recueillir l’information la plus précise non seulement sur les droits et revenus royaux, mais aussi sur les diverses pratiques susceptibles d’y porter atteinte. Dès lors, on ne sera pas surpris que cette série d’enquêtes culmine, précisément en 1297, quelques semaines à peine après la rédaction de l’ordonnance de Brignoles, dans la planification de la grande enquête de 1297-1298 sur les biens, droits et revenus de la cour royale en Provence. Or il nous semble avoir montré déjà qu’il existe un lien structurel entre cette enquête générale et les expériences qui l’ont précédée, notamment l’ordonnance de 1294 et les enquêtes de 1295 sur les ventes déguisées9.
9– Enfin, troisièmement, c’est au cours de ces mêmes années que prend forme la Chambre des comptes de Provence. Désignée par le terme de camera dans un texte de 1288, répondant d’abord à des maîtres rationaux de la cour napolitaine, puis à des maîtres rationaux résidant en Provence à partir de 1302, la Chambre se structure autour d’un ou plusieurs rationaux, d’un archivaire et de notaires qui lui sont spécialement affectés. Ce n’est pas ici le lieu de faire l’histoire de sa genèse10. La simple mention de ces dates, 1288 et 1302, fait ressortir leur contemporanéité avec toutes les innovations législatives et administratives que nous venons d’évoquer.
10En somme, pour conclure cette première partie, il paraît évident que Charles II, dans les dix années qui ont suivi sa libération de captivité, a consacré une attention soutenue et cohérente à la rationalisation des pratiques administratives liées à la collecte d’une information abondante et variée touchant le gouvernement de son comté de Provence. Certes, ces enquêtes et ordonnances n’ont rien de bien remarquable par elles-mêmes. On en trouve de semblables aussi bien en France que dans le royaume de Naples à la même époque. Elles nous intéressent cependant ici parce qu’elles ont nourri une réflexion sur les mécanismes de collecte, de transmission et de normalisation de l’information qui trouvent leur expression achevée dans l’ordonnance donnée à Brignoles le 31 juillet 1297, dont nous allons maintenant nous occuper.
L’ordonnance de Brignoles : genèse d’un système d’information
11« Grande ordonnance administrative du règne », « un des documents les plus remarquables que l’ancienne administration ait produits » : Raoul Busquet, le premier peut-être des historiens de la Provence qui ait compris l’importance du règne de Charles II, ne tarit pas d’éloges envers ce document exceptionnel, sans doute rédigé par certains des officiers de la grande cour de Naples, qui accompagnaient le roi dans son séjour provençal en 129711.
12Une première remarque d’ordre général s’impose. Bien que l’on y trouve une douzaine de fois le substantif « information » ou le verbe « informer », et que notre analyse porte sur cet aspect particulier, la portée de cette ordonnance est plus générale. Il s’agit avant tout d’une ordonnance sur la gestion des offices administratifs, que l’on peut aisément subdiviser en trois grandes parties. Une première partie s’intéresse aux officiers de l’administration centrale (sénéchal, juge mage, juge des premiers appels, procureur fiscal, receveur général) ; une deuxième partie concerne l’administration locale, aussi bien celle des officiers gagés (viguiers, juges et clavaires) que celle des fermiers des péages et des gabelles ; enfin la dernière partie contient des dispositions relatives aux peines encourues et aux modalités de destitution des officiers par le sénéchal. On le voit, à la différence de bien des ordonnances de la même époque, qui se présentent sous forme de collections plus ou moins cohérentes de statuts, celle-ci est tout à fait systématique dans son projet et dans son armature. En tant qu’ordonnance administrative, elle n’est pas entièrement nouvelle. Des statuts antérieurs du même Charles II, de 1286, de 1288 (les célèbres statuts de Jean Scot), avaient déjà établi un certain nombre de dispositions concernant les offices du gouvernement du pays12. Plus récemment encore, une ordonnance de 1296 contenait déjà certaines dispositions assez proches de celles de l’ordonnance de Brignoles13. La véritable nouveauté, ici, tient à l’existence d’un projet cohérent et systématique, énoncé clairement dans le préambule dont nous avons donné la traduction ci-dessus. L’ordonnance ne vise pas à régler toutes les facettes de l’administration du pays. Elle n’évoque ni les questions d’éligibilité des officiers, ni le problème de leurs gages, de leurs conditions de résidence, par exemple, qui sont pourtant abordés dans d’autres statuts contemporains. Elle vise précisément à créer un système d’information grâce auquel nul droit et nul revenu ne pourront échapper à la cour, ni pendant la durée d’exercice des différents offices, ni à l’occasion de la passation de ces offices d’un titulaire à son successeur. Pour mieux comprendre son intérêt, il me paraît utile d’abord de décrire, à titre d’exemple, les dispositions de l’ordonnance relatives à l’office principal du pays, celui du sénéchal ; ensuite de montrer de manière raisonnée comment l’ordonnance dans ses différents chapitres s’attaque à presque tous les grands problèmes reliés à la gestion de l’information : création, consignation, validation, transmission et contrôle.
13Les dispositions concernant le sénéchal déterminent d’abord la nature de l’information que cet officier doit laisser à son successeur ; ensuite, les actions que celui-ci doit entreprendre à partir de ces dossiers d’information ; puis, les dossiers que le sénéchal doit tenir en cours d’exercice ; enfin les comptes qu’il doit rendre de façon périodique. L’ordre dans lequel se présentent ces dispositions est tout à fait révélateur de l’objectif énoncé dans le protocole initial, à savoir le problème de l’entrée en possession des offices et de la continuité de l’administration. Sans entrer dans le détail (il faudrait citer le passage au complet, tant son contenu est dense), je me contenterai ici d’en faire ressortir les principaux éléments. Pendant la durée de son office, on demande au sénéchal de tenir trois cahiers distincts pour ses acta, ses recollecta et ses mandata. Le premier contiendra la liste (series) de ce qu’il faut certainement comprendre comme étant les affaires judiciaires portées à sa connaissance14. Le second fera état des recettes de sa caisse, avec les précisions suivantes : nom de l’agent collecteur (s’il ne s’agit pas du sénéchal lui-même), nom du payeur, motif du paiement, montant versé par lui au trésor et solde à percevoir. Enfin le troisième cahier, celui des mandata, doit contenir la teneur (forma) des actes de son administration, soit qu’il s’agisse des mandements reçus du souverain (auquel cas il doit faire état des dispositions qu’il a prises pour les mettre en application ou des destinataires à qui il les a fait transmettre pour exécution), soit qu’il s’agisse des actes émis de sa propre autorité. Ce cahier doit aussi contenir, de façon générale, tout ce qui est pertinent à l’administration de son office (totum processuum suum quem faciet in sui amministratione officii), selon l’ordre approprié (cum distinctionibus opportunis), et on retrouve encore ici un des éléments clés du préambule de l’ordonnance. En sortant de charge, le sénéchal doit présenter à son successeur, en double exemplaire, un cahier contenant l’état d’avancement des dossiers, selon le même classement que ci-dessus : la liste des acta residua, selon l’état d’avancement des affaires, la liste et le montant des residua à percevoir, avec le nom des débiteurs, enfin la teneur des mandats pendants, ceux dont l’exécution est incomplète (en ce cas il doit faire état de l’avancement des procédures d’exécution), et ceux dont l’exécution n’est pas encore entreprise (et en ce cas ils doivent être transmis au successeur comme s’ils lui étaient personnellement adressés). Le sénéchal en fin de charge et son successeur conserveront chacun un exemplaire de ce cahier revêtu du sceau de l’autre, à fin de contrôle ultérieur. Quant au nouveau sénéchal, dès son entrée en fonctions, il doit bien évidemment terminer les causes pendantes, percevoir les arrérages et exécuter les mandats que lui a laissés son prédécesseur. À cette longue et fastidieuse énumération s’ajoute un certain nombre d’autres tâches parmi lesquelles nous ne retenons ici que l’obligation faite au sénéchal, en cours d’exercice, de faire des rapports trimestriels d’activité au rational, c’est-à-dire à l’officier qui est, à partir de 1297, la véritable cheville ouvrière de la Chambre des comptes d’Aix et, comme tous les autres agents de l’administration royale, de venir aux comptes avec tous ses documents et les pièces justificatives une fois l’an.
14Fastidieuse description, certes ! Encore n’est-ce qu’un résumé, et n’avons-nous choisi, à titre exemplaire, que l’article concernant le sénéchal. Tous les autres agents de l’administration centrale et locale se voient ainsi imposer des procédures de gestion de leurs dossiers selon une logique parfaitement systématique. Il sera plus intéressant maintenant de tenter de comprendre cette logique elle-même. On peut, à ce sujet, formuler plusieurs remarques.
15D’abord, ce système d’information et de contrôle est un système global, et pas seulement un système comptable ou financier. Que la toute récente Chambre des comptes y tienne un rôle prépondérant, nul ne s’en étonnera. Mais chacun sait que les officiers de la Chambre, au-delà de leur rôle dans le jugement des comptes, sont aussi les conservateurs du domaine et des droits du souverain et qu’à ce titre, ils sont susceptibles d’intervenir dans une foule de domaines. Le système mis en place dépasse les seules compétences de la Chambre des comptes, mais il serait incompréhensible et impossible à mettre en application si la Chambre ne prenait sa forme classique à peu près au même moment.
16Deuxièmement, ce système touche les différentes phases du processus classique de gestion de l’information. Sa création, d’abord : on y définit la forme qu’elle doit prendre, les cahiers, quaterni, qui constituent chacun de véritables dossiers raisonnés. Nous avons décrit les trois cahiers du sénéchal. Le juge mage, le trésorier, les clavaires dans chaque circonscription auront les leurs, définis selon les grands paramètres de leurs mandats respectifs. On prend également soin de normaliser le découpage de l’information dans chacun de ces cahiers. Le cas le plus exemplaire, ici, est celui du compte que doit produire le clavaire devant la Chambre. Celui-ci contiendra :
[...] tout l’argent et les autres biens qu’il recevra ou qu’il dépensera, soit des reliquats de son prédécesseur, soit provenant de nos gabelles, droits ou revenus, soit encore des compositions, condamnations, lattes ou autres recettes menues ou grosses, avec indication de la terre ou du lieu particuliers de provenance, avec mention particulière de la date de la recette ou de la dépense, selon l’an du Seigneur, le mois et le jour, des noms de ceux qui paient ou de ceux qui reçoivent, des causes des encaissements ou des décaissements, du montant dû à la cour en précisant les sommes effectivement payées et celles qui restent dues. Ils distingueront en outre, à propos des lods, des trézains et des acaptes, les noms et prénoms des acheteurs et des vendeurs, les biens vendus et le prix de la vente ; ils noteront enfin les montants des questes, des fouages, des cavalcades, des albergues et de toute autre subvention ou cens dus à notre cour avec indication du montant de la contribution particulière de chaque lieu.15
17Un tel luxe de détails manifeste clairement l’importance que l’on attribue à la normalisation de l’information dans la phase de sa consignation en forme écrite. L’ordonnance accorde aussi un soin particulier au processus de validation de l’information. La pratique du cahier en double original avec « scellement croisé », est caractéristique de cette procédure de validation. L’officier sortant conserve un cahier portant le sceau de son successeur, le successeur quant à lui débute sa charge avec un cahier identique portant le sceau du prédécesseur. D’autres clauses de validation sont aussi prévues : scellement par les officiers supérieurs des cahiers soumis par des subalternes (comptes des clavaires, par exemple, portant les sceaux des viguier et juge de la circonscription), ou encore procédure différenciée de délivrance ou d’acceptation des quittances, selon la somme en jeu et selon qu’il s’agit d’opérations d’encaissement ou de décaissement. Après la consignation et la validation, l’ordonnance contient en outre de nombreuses dispositions relatives à la transmission de l’information. On distingue ici plusieurs flux informationnels. Dans le temps, c’est toute la procédure de passation des dossiers des prédécesseurs aux successeurs, dont nous avons déjà maintes fois fait état. Dans l’espace, on aperçoit trois types de flux intégrés et complémentaires : transmission de la périphérie vers le centre (des chefs-lieux de circonscription vers la capitale), qui équivaut généralement à une circulation des subalternes vers les supérieurs ; transmission des « contrôlés » vers les « contrôleurs », qui équivaut, en gros, à un mouvement de l’ensemble des dossiers, quel que soit le niveau hiérarchique de leurs porteurs, vers le rational et la Chambre des comptes ; enfin circulation annuelle d’une information synthétisée par la Chambre d’Aix vers la grande cour de Naples et ses maîtres rationaux. L’information, on le voit, circule par un double mouvement de centralisation et d’ascension, assorti d’un processus continu de contrôle. Le contrôle, en effet, est la dernière composante de ce système de gestion de l’information. On le trouve à tous les niveaux, soit en association avec la procédure de validation, à tous les échelons de la fabrication des documents, soit à travers les dispositions de contrôle périodique prévus devant la Chambre : rapports trimestriels exigés de la plupart des officiers de la cour d’Aix et même de certains officiers locaux ; jugement annuel des comptes de chacun devant le rational de la Chambre, qui constitue la principale opération associée au processus de contrôle.
18En somme, le système de gestion de l’information, tel qu’il est énoncé dans l’ordonnance de Brignoles, relève de trois grands principes que nous pourrions nommer continuité, homogénéité, imputabilité. Continuité : c’est le principe le plus apparent, dans la mesure où le préambule de l’ordonnance y fait référence et que cette exigence de continuité est à la source même de l’intervention législative. La continuité se perçoit dans l’espace, dans la mesure où l’ordonnance confirme et consolide les assises d’un découpage administratif (les vigueries et baillies) préexistant, en intégrant les agents de ce réseau dans toutes les opérations de collecte et de centralisation de l’information. Dans le temps, la continuité s’exprime de façon lumineuse à travers les procédures détaillées de transmission des dossiers. Si la dignité royale ne meurt jamais, comme l’enseignait brillamment Kantorowicz16, cette continuité spatio-temporelle de l’État apparaît bien à travers les infimes détails des dispositions d’une ordonnance sur l’information. De cette nécessaire continuité découle naturellement le second principe, celui de l’homogénéité des données de l’information, lui-même issu d’un besoin d’objectivation ou de « réification ». Pour que les dossiers puissent se transmettre des agents locaux aux vérificateurs centraux, pour qu’ils soient aussi bien compris des successeurs que de leurs prédécesseurs, il importe que les informations qu’ils contiennent soient en quelque sorte dépersonnalisées et donc qu’elles suivent un certain nombre de normes abstraites quant à leur présentation, c’est-à-dire quant à leur création proprement dite. D’où les très nombreuses dispositions de l’ordonnance qui décrivent jusque dans le détail la manière de tenir les cahiers de chacun des agents concernés. Mais cette espèce de dépersonnalisation, à son tour, doit être pondérée par le troisième grand principe, celui de l’imputabilité. En effet, l’ensemble abstrait de données informationnelles que l’on contribue ici à créer ne saurait exister sans que l’on puisse partout identifier un responsable. Responsables, les sénéchaux le sont de la gestion de leur office, les viguiers et juges, les clavaires de leur bilan financier, devant la Chambre, devant la cour, ultimement devant la personne même du roi. Tous les mécanismes associés au présent système préservent clairement la « signature administrative » des auteurs de chaque cahier, de chaque dossier, de même qu’ils sont attentifs à clairement départager les moments exacts de transition des responsabilités entre les prédécesseurs et les successeurs.
19Fabriquer un tout abstrait, cohérent et vérifiable à partir de données éparses recueillies et transmises par des agents nombreux qui interviennent en des lieux et dans des champs d’action différents, tout en conservant partout la possibilité de remonter à la source pour des fins de contrôle et de vérification, voilà le grand acquis de l’ordonnance de Brignoles. Cet objectif trouve sa manifestation la plus intéressante dans une disposition fondamentale dont nous n’avons pas encore parlé. Il s’agit de l’établissement d’une date unique, la Toussaint, pour la clôture de tous les comptes et de tous les dossiers de l’ensemble des intervenants. Le préambule même de l’ordonnance stipule que ses dispositions entreront en vigueur à partir du 1er novembre 1297 et qu’à partir de cette date les exercices seront annuels. L’établissement d’une date unique pousse très loin l’objectif de cohérence et de rationalité qui est sous-jacent. Grâce à cette date, bien évidemment, le bilan, synthèse que livre la Chambre d’Aix à la cour de Naples sera clairement un bilan annuel de l’ensemble des opérations administratives et financières du comté. Mieux encore, l’ordonnance tire, dans son dernier article, une ultime conséquence de cette disposition. Les sénéchaux, qui ont souvent à destituer des officiers pour diverses raisons, sont invités à ne pas procéder à de telles destitutions, sauf dans les cas graves, en cours d’exercice. L’obscuritas et la confusio qui en découlent sont, en effet, au plus grand préjudice de la cour.
Les difficiles problèmes de l’utilisation de l’information
20Jusqu’ici nous avons beaucoup insisté sur la clarté et le caractère systématique du projet qui se manifeste à travers l’ordonnance de Brignoles. Le système ainsi créé, cependant, était lourd et complexe à gérer. Comment l’ordonnance a-t-elle été appliquée ? Plus spécifiquement, quelles difficultés a-t-on rencontrées dans sa mise en œuvre et quels sont les documents aujourd’hui conservés, dont on pourrait attribuer la « paternité » aux dispositions de cette ordonnance ? Il y a là deux questions distinctes, auxquelles nous tenterons maintenant de répondre.
21On est, en effet, porté à croire que certaines difficultés se sont posé au moment de mettre en application cette longue ordonnance aux différents paliers du gouvernement. Le dispositif final mande au sénéchal de déposer l’acte original aux archives d’Aix, de s’en procurer une copie sous le sceau du rational et d’en émettre à son tour autant de copies qu’il sera nécessaire, sous son propre sceau, à fins de publication aux différents sièges de vigueries. Rappelons que l’ordonnance est datée du 31 juillet et qu’elle doit entrer en application le 1er novembre. Or, deux ordonnances ultérieures du même Charles II, datées respectivement des 12 février 1298 (à Aix) et 19 janvier 1302 (à Naples), reprennent, en les modifiant parfois, les principaux termes du dispositif de Brignoles17. Ces deux textes sont à peu près identiques entre eux, sauf quelques variations tout à fait mineures. C’est dire qu’il a fallu non seulement adapter, mais aussi répéter les tenues de la volonté royale dès les premiers mois de sa mise en application. Le préambule de cette double ordonnance évoque quedam obscuritas par rapport au debitus ordo promulgué par la volonté royale, et propose des modifications, que la première ordonnance veut applicables à la mi-février (nous sommes le 12..., il y a donc urgence)18. Raoul Busquet, le seul historien qui ait mentionné ces ordonnances, s’intéresse à la principale modification dont elles font état (mais qu’elles ne fondent peut-être pas), à savoir l’introduction, auprès du sénéchal et de la Chambre à Aix, d’un second procureur fiscal19. Quant à nous, du strict point de vue des problèmes de la gestion de l’information, nous y trouvons deux nouveautés tout à fait intéressantes, et qui toutes les deux veulent simplifier les procédures. D’une part, lorsque des officiers doivent faire des rapports intérimaires d’activité au rational de la Chambre, ce ne sont plus des rapports trimestriels mais partout semestriels qui leur sont demandés. Cela est un allégement considérable de la tâche, surtout pour les viguiers et juges des circonscriptions, pour qui se posent d’évidents problèmes de messageries ou plus vraisemblablement de déplacements personnels. D’autre part, et cela est la clarification à notre avis la plus importante, l’ordonnance révisée de 1298-1302 explicite ce que doivent être les états ou pendants que les officiers (le sénéchal, les viguiers et juges, les clavaires) doivent transmettre à leurs successeurs. Il s’agira d’« états sommaires, quasiment en forme d’inventaires », par lesquels les successeurs auront « l’information et la connaissance des affaires qui leur sont transmises, à l’exclusion de toute prolixité ou solennité », et qui s’en tiendront à « l’objet des affaires ». Autant dire par là que les états demandés seront, non pas des copies d’actes, mais bien plutôt, en langage administratif moderne, des « états de la question », des « mémos » ou des « notes au dossier ».
22Ces consignes ont-elles été scrupuleusement appliquées ? Voilà la seconde question. On peut répondre à la fois oui et non. Certes, la disproportion, que connaissent tous les historiens, dans le rapport entre document produit et document conservé exclut que l’on puisse jamais apporter une réponse complète à cette question. Les documents d’information que fondent ces ordonnances sont par leur définition même des documents transitoires, précisément ceux que l’on ne conserve pas. Pourtant, bien des traces subsistent, que nous nous contenterons d’évoquer, tant elles devraient conduire à des inventaires et à des études de détail plus précis.
23Deux des documents que définit l’ordonnance de Brignoles, le compte et l’état des affaires pendantes que les clavaires des circonscriptions ont à produire, le premier pour l’examen de la Chambre, le second pour laisser à leurs successeurs, sont conservés en grand nombre (plusieurs centaines) dans les archives de l’ancienne Chambre des comptes de Provence, aux Archives des Bouches-du-Rhône, à Marseille. Ils ont été abondamment utilisés par les historiens de la Provence qui y ont trouvé une mine d’informations sur maintes facettes de la vie du comté. Du point de vue de l’effet de l’ordonnance sur la production de ces documents, il me semble qu’il est très net. Un seul compte (pour l’exercice 1295-1296), et aucun état d’affaires pendantes, semble avoir été conservé pour la Provence avant la date de l’ordonnance20. Ce compte conservé concerne la viguerie de Tarascon et a été rendu par le clavaire Pierre de Menello21. Or c’est le même clavaire qui produit des comptes pour les exercices suivants, notamment pour l’exercice de la Toussaint 1296 au 31 octobre 1297, le terminus initial de la mise en application de l’ordonnance de Brignoles22. Il n’est pas interdit de penser qu’il a pu rendre ses comptes pour deux exercices consécutifs à la Toussaint 1297. À partir de cette date, les plus anciens comptes conservés sont encore ceux de Tarascon pour les années 1297 à 1301, tous reliés à la suite23 : un compte de la viguerie d’Aix pour 1298-1299 (dépenses seules)24, un fragment pour la part royale de la seigneurie de Pertuis en 129925, plusieurs comptes consécutifs des bailes-clavaires de Riez-Moustiers depuis la Toussaint 129826, et un compte du clavaire de Barcelonnette, du1er novembre 1299 au 19 septembre 130027. Il serait naïf de croire que ce sont là les tout premiers comptes rendus par les clavaires, qui existent avant l’ordonnance de Brignoles. Mais leur soudaine conservation, en nombre de plus en plus grand pendant les toutes dernières années du xive siècle, le caractère homogène de leur structure, l’adoption partout du calendrier de la Toussaint laissent à penser que c’est dans le sillage de l’ordonnance de 1297 que s’est véritablement organisé le processus de compilation et de conservation de l’information comptable soumise au rational de la Chambre28.
24On peut dire la même chose des états des affaires pendantes. Le lien entre l’ordonnance de Brignoles, les ordonnances clarificatrices de 1298-1302 et ce type de document est absolument certain. Non seulement les plus anciens états conservés remontent à 1301 (un pour la baillie de Digne, un pour la viguerie de Marseille29,) mais surtout ces deux documents donnent, dès le premier feuillet, transcription de lettres du sénéchal de Provence adressées au clavaire en fin d’exercice, mandant à celui-ci de confectionner un état en deux exemplaires des droits et revenus du roi ainsi que des affaires qu’il laisse inachevées dans sa circonscription. Or la teneur de ces lettres reprend textuellement les provisions de l’ordonnance de 1297, telles qu’elles ressortent des clarifications de l’ordonnance de 1298. Le lien, ici, ne peut être plus clair. La forme et le contenu de ce type de registre ayant été très bien étudiés par Jean-Luc Bonnaud, il n’y a pas lieu d’y revenir ici30.
25En marge de ces deux types d’écrits qui constituent de véritables séries dès le commencement du xive siècle, on trouve des traces de la mise en application de l’ordonnance de Brignoles dans au moins trois autres types de documents. Nous ne les mentionnons que pour mémoire. L’analyse détaillée nous amènerait bien loin de notre sujet.
- Le récapitulatif des recettes et dépenses qu’aux termes de l’ordonnance de Brignoles doit produire le rational, à la suite de la reddition annuelle des comptes des différents officiers royaux, correspond bien à la petite série de rationnaires généraux du comté qui nous sont conservés. Cependant, il ne s’agit pas ici d’un document qui dérive directement de l’ordonnance puisqu’un rationnaire datant de 1264-1265 est déjà structuré selon le même modèle31.
- L’un des trois cahiers que l’ordonnance exige du sénéchal dans la gestion de son office, celui des mandata que nous avons brièvement décrits ci-dessus, correspond très bien aux documents que Philip Quinlan a étudiés dans un récent mémoire de maîtrise. Intitulés par le sénéchal Riccardo de Gambatezza Quaternus mandatoram prime sue senescallie, en 1302, ils contiennent la transcription systématique de tous les mandata reçus par lui, avec indication des suites qu’il y a données, de même que des mandata émanant de son autorité propre, le tout en parfaite conformité avec les dispositions de Brignoles32. D’autres documents semblables sont conservés, soit pour l’administration du sénéchal, soit pour l’administration des vigueries d’Aix et d’Arles, pour les toutes dernières années du xiiie siècle et les toutes premières du xive siècle, qu’il conviendrait d’étudier de près, afin d’en établir l’éventuelle filiation avec l’ordonnance de Brignoles33. Ici encore, cependant, la prudence s’impose et l’ordonnance n’est pas nécessairement créatrice d’une pratique : le plus ancien exemple aujourd’hui conservé de ce type d’enregistrement des actes reçus par le sénéchal, accompagné d’indications sommaires des suites données, date de 1294-129534. Tous les autres sont postérieurs à notre ordonnance.
- Enfin il subsiste un document d’un intérêt exceptionnel, quoique tardif, qui a jusqu’ici totalement échappé à l’attention des historiens et nous semble lui aussi lié de très près à l’ordonnance de Brignoles. Il s’agit de l’état de toutes les affaires pendantes que laisse le juge mage de Provence François de Barbe à son successeur en 1343. Intitulé Repertorium omnium informationum quas dominus Franciscus de Barba dimisit in pendenti, ce registre de 52 feuillets contient des analyses de lettres reçues pendant les sept années de son office, des listes de cartulaires qu’il transmet à son successeur, y compris des listes de cartulaires de causes pendantes à lui transmises par les officiers locaux35. La facture générale de ce document, son contenu ainsi que les termes qu’il utilise (substantialis mentio, informationes summarie, le mot pendens lui-même), tout ceci correspond bien à un document issu des directives de l’ordonnance de Brignoles, un demi-siècle après sa promulgation.
26Au terme de l’analyse forcément très succincte que nous venons de livrer, deux conclusions apparemment contradictoires viennent à l’esprit, qu’il conviendra de réconcilier dans des études plus approfondies. La première se fonde sur l’étude de la seule ordonnance de Brignoles, extraite du contexte de sa genèse et de sa mise en application. Elle peut s’énoncer ainsi : on trouve dans cette ordonnance un travail exemplaire de réflexion sur les différents processus de collecte et de transmission de l’information, dans le temps et dans l’espace, qui constitue un corollaire indispensable de créations institutionnelles plus larges, la Chambre des comptes dans la décennie immédiate, l’État moderne dans l’horizon des xiiie et xive siècles. La seconde conclusion cependant s’impose lorsqu’on analyse avec soin les dispositions antérieures et les avatars postérieurs à la date de 1297. Formulons-la ainsi : quel que soit son intérêt intrinsèque, l’ordonnance de Brignoles se situe dans un continuum d’innovations administratives, ne révolutionne pas les procédures et elle n’est pas non plus immédiatement comprise et appliquée dans son intégralité. La rencontre de ces deux conclusions en suggère une troisième, enfin, peut-être plus assurée, mais peu originale, dans la mesure où elle reprend les intuitions de Michael Clanchy à propos des usages de l’écrit dans l’Angleterre presque contemporaine : c’est une chose de collecter et de conserver de l’information, c’en est une autre de savoir l’utiliser36. Tant qu’on n’a pas développé une réflexion et des procédures concernant la mise à jour, la consultation et, en somme, l’utilisation de cette information, le bénéfice de sa création est demeuré d’un effet marginal dans la mise en place d’un système administratif efficace. C’est un peu le destin des grands projets de Charles II pour la Provence37.
Notes de bas de page
1 L’original se trouve aux Archives départementales des Bouches-du-Rhône [= désormais ADBR], B 401. Une édition incomplète et très fautive en a été donnée à partir des archives de Naples aujourd’hui détruites, par C. Minieri Riccio, Saggio di codice diplomatico formato sulle antiche scritture dell’archivio di stato di Napoli. Supplemento, t. 1, Naples, 1882, no CVIII, p. 109-113. Pour le présent travail, nous avons utilisé l’excellente copie du Mémorial de la Chambre des comptes d’Aix, ADBR, B 2, fol. 286v-289v.
2 Ad audientiam nostrum fidedigna relatione pervenit apud officiales nostros comitatuum predictorum Provincie et Forcalquerii diu jam inolevisse abusum tam in officiorum gestionibus quant etiam in redditionibus computorum : debitus enim ordo in officiis assumendis obmictitur ac inter eos informatio mutua, rerumque personarum et temporis distinctio debita preteritur, quo fit ut negociis involutis necessario sequatur obscuritas que privatorum causas et justiticias impedit ac jura curie nostre confundit.
3 A. Kiesewetter, Die Anfänge der Regierung König Karls II. von Anjou (1278-1295). Das Königreich Neapel, die Grafschaft Provence und der Mittelmeerraum zu Ausgang des 13. Jahrhunderts, Husum, 1999 ; résumé français par J. Gandouly dans « Mémoire des princes angevins », Bulletin annuel, 2001-2002, p. 34-52.
4 Voir notamment sur ces réputations, A. Barbero, Il mito angioino nella cultura italiana e provenzale fra Duecento e Trecento, Turin, 1983.
5 Voir notamment G. Giordanengo, « Arma legesque colo. L’État et le droit en Provence (1246-1343) », dans L’État angevin. Pouvoir, culture et société entre xiiie et xive siècle, Rome, École française de Rome, 1998, p. 35-80.
6 R. Busquet, « Le règne de Charles II (1285-1309) », dans V. Bourrilly et R. Busquet, Les Bouches-du-Rhône. Encyclopédie départementale, t. 2 : Antiquité et Moyen Âge, Paris-Marseille, 1924, p. 588-608 [p. 592-593]. Cette disposition s’inspire peut-être de la curia solennis napolitaine, créée par une constitution impériale de 1234 publiée par J. L. A. Huillard-Bréholles, Historia diplomatica Friderici secundi, t. 4, vol. 1. Paris, 1854, p. 460-462.
7 Ces enquêtes ont été étudiées et partiellement éditées dans la thèse de R. Lavoie, Le pouvoir, l’administration et le peuple en Provence à la fin du xiiie siècle. Essai d’histoire des mentalités d’après l’enquête de Charles II, 1289-1290, thèse de 3e cycle, Aix-en-Provence, 1969. Voir aussi J.-P. Boyer, « Construire l’État en Provence. Les “enquêtes administratives” (mi-xiiie siècle -mi-xive siècle) », dans Des principautés aux régions dans l’espace européen, Lyon, 1994, p. 1-26 [ici p. 14-15].
8 M. Hébert, « Les ordonnances de 1289 et 1294 et les origines de l’enquête domaniale de Charles II », Provence historique, 36 (1986), p. 145-157 ; ID., « Les mutations foncières et l’évolution sociale en Haute Provence au xive siècle », ibid., 37 (1987), p. 421-437.
9 M. Hébert, « Les ordonnances... », op. cit., p. 54-57.
10 Voir R. Busquet, « Le règne de Charles II... », op. cit., p. 594-598 ; N. Coulet, « Aix, capitale de la Provence angevine », dans L’État angevin..., op. cit., p. 317-338 et ID., « La Chambre des comptes de Provence », dans O. Mattéoni et P. Contamine dir., Les Chambres des comptes en France aux xive et xve siècles, Paris, 1998, p. 199-233.
11 R. Busquet, « Le règne de Charles II… », op. cit., p. 593-594.
12 Statuts de 1286 : ADBR, B 206, fol. 12-13 ; statuts de 1288 : ibid., B 2, fol. 198, édités par C. Giraud, Essai sur l’histoire du droit français au Moyen Âge, Paris, 1846, t. 2, p. 39-44.
13 ADBR, B 147, fol. 164, éd. C. Giraud, op. cit., p. 46-50.
14 Un passage de l’ordonnance évoque en effet les plaidoiries : Actorum series, prout [...] fuerint actitata.
15 [...] et totam pecuniam aliasque res quas, sive ex residuis ipsis, sive de quibuscumque cabellis, juribus, redditibus nostris, sive de compositionibus, condempnationibus, latis, aliisque proventibus minutis aut grossis receperit et expenderit, in quaterno suo scribat, de qualibet scilicet terra vel loco per se, ponendo particulariter tempus receptionis et solutionis per annos Domini, menses et dies, nomina solventium et recipientium et causas pro quibus et ex quibus receptio et solutio ipsa provenerit, quantitatem curie debitam et quant recollegerit et que ad recolligendum restabit, distinguendo etiam super trezenis, laudimiis et accaptis nomina et cognomina emptorum et venditorum, res venditas et quantitatem venditionis eorum ac quantitatem quistarum, focagiorum, cavalcatarum, albergarum et aliarum quarumcumque subventionum et serviciorum omnium nostre curie debitorum, quantum scilicet de quolibet loco per se. ADBR, B 2, fol. 288v-289.
16 E. Kantorowicz, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, 1989, p. 228-326.
17 12 février 1298 : ADBR, B 408 (original) ; B 147, fol. 49-54 (copie contemporaine). 19 janvier 1302 : ADBR, B 418 (original) ; B 147, fol. 29-34v (copie contemporaine) ; B 2, fol. 289v-292v (copie contemporaine).
18 L’ordonnance du 19 janvier 1302, datée de Naples, reprenant mot pour mot le préambule de la précédente, y laisse cependant en blanc l’indication du mois et de l’indiction.
19 R. Busquet, « Le règne de Charles II... », op. cit., p. 599-600.
20 Deux comptes du viguier d’Avignon sont conservés mais doivent être mis en relation avec l’administration royale française de la ville à l’époque où ils sont produits. Le premier est celui du viguier Oudard de Pomponne, rendu en mai 1259, conservé aux Archives nationales de France (J 326) et publié par J. Girard et P. Pansier, La Cour temporelle d’Avignon aux xive et xve siècles. Contribution à l’étude des institutions judiciaires, administratives et économiques de la ville d’Avignon au Moyen Âge, Paris, 1909, pièce justificative 1, p. 49-54. Le second est rendu par le clavaire Bertrand Malacarni pour l’exercice 1282-1283. L’original s’en trouvait aux « Archives du Roi à Beaucaire » mais il n’en subsiste qu’une copie du xvie siècle aux Archives communales d’Avignon, boîte Pintat 68 (inventaire Achard 2229). Le terme de la reddition de ces deux comptes est celui de l’Ascension.
21 ADBR, B 2024. Sous réserve d’une étude plus attentive, il faut considérer à part un compte daté par L. Blancard de 1294-1295 et qui appartiendrait plutôt aux premières années du xive siècle. L. Blancard, Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Série B : Archives civiles. Cour des comptes de Provence, t. 2, Marseille, 1879, p. 241.
22 ADBR, B 2025, fol. 1-6.
23 Ibid., fol. 6v-31 v.
24 ADBR, B 1585.
25 ADBR, B 1668 (du 11 juin au 31 octobre 1299).
26 ADBR, B 1979 (comptes du 1er novembre 1298 au 13 juin 1302, reliés à la suite).
27 ADBR, B 1740.
28 Ces aspects seront étudiés en détail dans l’introduction à l’édition du compte du clavaire de Draguignan, 1340-1341, que nous préparons en collaboration avec Bruno Paradis. Voir aussi M. Hébert, « La justice dans les comptes de clavaires. Bilan historiographique et perspectives de recherche », à paraître dans les actes du colloque La justice temporelle dans les territoires angevins (Aix-en-Provence, 21-23 février 2002).
29 ADBR, B 1821 (baillie de Digne) ; B 1936 (viguerie de Marseille).
30 J.-L. Bonnaud, « La transmission de l’information administrative en Provence au xive siècle : l’exemple de la viguerie de Forcalquicr », Provence historique, 46 (1996), p. 211-228. Compte tenu des éléments présentés ici, il faut cependant corriger deux points de l’analyse de Jean-Luc Bonnaud. D’une part, les états dérivent bel et bien d’une série d’ordonnances correctement appliquées (cf. p. 214), d’autre part, les cahiers d’arrérages qu’il croit distincts des états de droits n’ont jamais existé. Le texte cité à l’appui de cette hypothèse est un extrait des dispositions de Brignoles concernant les états de droits (p. 217, n. 21). N. Coulet, « Aix, capitale... », op. cit., p. 325, ne fait pas non plus le lien entre le système de l’ordonnance de Brignoles et la production de ces documents écrits.
31 Rationnaire de 1264-1265 : ADBR, B 1501 ; autres documents du même type : ibid., B 1516-1517, 1519-1520, 1523.
32 Le sénéchal est nommé par lettres de Charles II le 4 janvier 1302. Le registre étudié par P. Quinlan (aujourd’hui démembré et conservé sous les deux cotes ADBR, B 1370 et B 1371) contient les actes de la première année de son office de sénéchal, en 1302-1303. P. Quinlan, Mutation de l’administration angevine. Analyse de deux registres d’enregistrement du sénéchal de Provence sous Charles II d’Anjou, mémoire de maîtrise, Université du Québec à Montréal, 1998.
33 Voir une liste de ces documents dans R.-H. Bautier et J. Sornay, Les sources de l’histoire économique et sociale du Moyen Âge, t. 1 : Provence-Comtat Venaissin-Dauphiné-États de la maison de Savoie, t. 1, vol. 1, Paris, 1968, p. 11-12. Le document B 1372 (p. 12 in fine) concerne Arles et non Aix-en-Provence.
34 ADBR, B 263.
35 ADBR, B 195.
36 M. Clanchy, From Memory to Written Record. England, 1066-1307, 2e éd., Oxford, 1993.
37 Valable au moins en partie pour l’ordonnance de 1297, cette conclusion le serait encore plus, me semble-t-il, pour la grande enquête de 1297-1298 sur les droits et revenus du comte, dont il faudrait pouvoir étudier l’usage et l’utilité réels, une fois qu’elle a été terminée.
Auteur
Université du Québec à Montréal
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