Avant-propos
p. 9-24
Texte intégral
Notre Constitution […] est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du plus grand nombre.
Thucydide, La guerre du Péloponnèse, II, 37, 1 ; traduction retenue par la convention européenne ; exergue initialement prévue au préambule du Projet de traité constitutionnel, 2003.
1Signé et adopté par l’ensemble des chefs d’État européens le 29 octobre 2004, le projet de traité constitutionnel symbolise une partie des ambiguïtés qui entourent l’idée de démocratie communautaire depuis l’origine de l’intégration européenne. Si, formellement, la Constitution européenne s’inscrit dans le double sillage de la démocratie américaine et de la démocratie athénienne, plusieurs éléments nous invitent à repenser la nature et les enjeux de cette filiation. De la tradition américaine1 est conservée l’idée d’une assemblée constituée adhoc afin de rédiger un texte représentant conjointement les intérêts des États et des peuples. Dans le cas de la Convention de Philadelphie, les délégués étaient élus par les assemblées de chaque État. Dans le cas de la Convention européenne, l’assemblée est composée d’élus nommés par les gouvernements nationaux, de personnalités indépendantes, de députés européens et de deux membres de la Commission européenne. Si la notion de représentation équitable est donc conservée, la nomination des membres de la Convention européenne ne se conforme pas à une procédure de sélection démocratique. Ces délégués ne représentent les peuples qu’en tant qu’ils ont été mandatés à cet effet par leurs gouvernements respectifs et les institutions communautaires. De la tradition américaine est également conservée l’adjonction d’un préambule censé présenter les auteurs du projet constitutionnel, ses valeurs fondamentales et ses objectifs. Mais là encore, l’intention diffère : si la Constitution américaine se conjugue à la première personne du pluriel, à travers ce « Nous » uni dans la singularité du « Peuple des États-Unis », le préambule de la Constitution européenne reconnaît comme auteurs principaux du projet les représentants des gouvernements des vingt-cinq pays membres de l’Union européenne. Par conséquent, les dispositions du texte constitutionnel ne sont pas présentées comme le produit symbolique de la souveraineté du peuple, elles sont reconnues comme ayant été « élaborées […] au nom des citoyens d’Europe2 ». Contrairement au modèle américain, le peuple n’est ni acteur ni auteur de son organisation politique, il semble plutôt en être le bénéficiaire. En effet, si le peuple n’est pas présenté comme le pouvoir constituant originaire du projet, il n’est pas davantage appréhendé comme un corps constitué et représenté par des mandataires élus3. De fait, les dispositions constitutionnelles n’ont pas été élaborées par les citoyens d’Europe mais bien pour eux4.
2Dans ce contexte, la citation de Thucydide, initialement mentionnée en exergue du préambule, mérite une attention particulière. Le texte de l’exergue fait référence à l’oraison funèbre de Périclès – également nommé « éloge de la démocratie » – que Thucydide retranscrit quelques décennies plus tard dans La Guerre du Péloponnèse. Ce faisant, la Convention rappelle que l’Union européenne s’inscrit dans une filiation politique qui fait des « pères fondateurs » de la Communauté les fils spirituels de Périclès, « père fondateur » de la démocratie. Mais, s’il n’est pas anodin que Périclès –plutôt que Clisthène– représente la figure tutélaire de la démocratie communautaire, il s’avère déterminant que la Convention ait précisément retenu ce passage de l’oraison funèbre. Dans sa version originale, le texte de Thucydide cite Périclès en ces termes : « χρώμεθα γὰρ πολιτείᾳ […] καὶ ὄνομα μὲν διὰ τὸ μὴ ἐς ὀλίγους ἀλλ’ ἐς πλείονας οἰκεῖν δημοκρατία κέκληται5. » Après consultations, la Convention décide, le 10 juillet 2003, de retenir, dans la version française, la traduction suivante : « Notre Constitution […] est appelée démocratie parce que le pouvoir est entre les mains non d’une minorité, mais du plus grand nombre. » Bien que cette traduction ait été controversée et que la citation ait disparu du préambule quelques mois plus tard, elle nous renseigne finement sur les enjeux de la démocratie communautaire. La polémique suscitée par cet exergue réside, selon nous, moins dans une mauvaise traduction formelle que dans ses implications politiques. De fait, la traduction officielle propose une lecture singulière du texte original. Si l’on s’en tient à la version de Nicole Loraux, il faudrait plutôt y lire « parce que notre régime sert les intérêts [oikein es] non pas du petit nombre [oligoi] mais de la majorité [pleiones], c’est une démocratie6 ». Non seulement politeia ne pourrait se réduire à la notion moderne de « Constitution », mais de surcroît la définition que Périclès donne de la démocratie ne renverrait pas à un pouvoir situé « entre les mains » du plus grand nombre. Selon Loraux, « il serait erroné de traduire [l’expression oiken es] comme une pure et simple désignation du gouvernement du peuple. […] Elle désigne en réalité le gouvernement pour le peuple et le demos y apparaît comme bénéficiaire du régime plus que comme peuple souverain7 ». Quant à Gregory Vlastos, il considère que « l’idée que les masses prennent réellement part à l’activité de gouvernement est supprimée tout au long du discours [de Périclès]8 ». Dans le contexte du projet constitutionnel européen, la traduction de la Convention peut surprendre : elle accréditerait plutôt l’idée selon laquelle, pour Périclès, « le plus grand nombre » constitue souverainement le régime démocratique. La citation de Périclès serait ainsi remobilisée dans le sens d’une démocratie inclusive et « participative » où le pouvoir « est entre les mains » d’une majorité. Et pourtant, bien que le préambule du projet constitutionnel s’adresse aux citoyens d’Europe, il n’incarne ni ne représente un pouvoir constituant populaire. Le peuple n’apparaît pas comme le sujet de l’action constitutionnelle, mais bien comme son principal bénéficiaire. Avec la ratification de cette Constitution, les citoyens devaient effectivement jouir de nouveaux droits leur permettant d’étendre leurs acquis démocratiques. En revanche, pouvait-on réellement voir dans le projet de traité constitutionnel la promesse d’un pouvoir supranational circulant « entre les mains du plus grand nombre » alors que le texte avait été rédigé par une minorité et que les canaux de participation euro-citoyenne demeuraient restreints ? L’exergue ayant disparu et le préambule du projet constitutionnel ayant été remplacé par celui du traité de Lisbonne (2007) –au sein duquel les citoyens apparaissent comme les partenaires privilégiés des décideurs communautaires–, on peut se demander si la question d’un régime politique tirant son pouvoir du plus grand nombre est encore d’actualité.
3Particulièrement audible au moment des débats sur le projet constitutionnel, l’enjeu d’un gouvernement démocratique de l’Union européenne, conçu par ou pour le(s) peuple(s)9 remonte aux origines du processus d’intégration. Conçue comme une alternative à la dégénérescence des systèmes politiques nationaux, accusés d’avoir précipité les peuples dans des guerres fratricides, l’unification européenne entend notamment tirer sa légitimité d’une meilleure prise en considération des besoins réels des populations10. Là où les gouvernements nationaux sont soupçonnés d’avoir servi les intérêts d’une minorité, le projet européen est présenté comme la meilleure option pour faire circuler le pouvoir entre les mains du plus grand nombre11. Le pouvoir économique serait mieux réparti entre petits et grands entrepreneurs, tandis que le pouvoir politique serait renouvelé par l’arrivée de nouveaux acteurs « post- » ou supranationaux. Toutefois, une divergence apparaît bientôt entre les défenseurs d’un régime politique dont la légitimité démocratique reposerait essentiellement sur la capacité à satisfaire les besoins des peuples d’Europe et les partisans d’une union légitimée par l’émergence d’un pouvoir constituant populaire et ascendant. Dans un cas, le plus grand nombre est bénéficiaire, dans l’autre, il est acteur. Dans un cas, le plus grand nombre est appelé peuple en tant qu’il se distingue de ceux à qui reviennent l’art et la responsabilité de la décision12. Le gouvernement du peuple s’entend ici dans son acception objective : il s’agit de conduire et de diriger le peuple dans son intérêt, pour son bien, au nom de la satisfaction de ses besoins. Un tel gouvernement du peuple est-il possible à l’échelle européenne ? Autrement dit, un tel peuple existe-t-il à l’échelle européenne qui puisse être gouverné en fonction de ses intérêts ? Apriori oui dans la mesure où cette définition maximale du peuple est théoriquement transposable dans n’importe quelle société humaine, à n’importe quelle échelle. Mais le gouvernement du plus grand nombre peut également s’entendre dans une acception subjective13. En ce sens, le gouvernement appartient à ses administrés. Le peuple est alors le nom de la part consciente et organisée du plus grand nombre. Il n’est plus un groupe social, il est la sublimation du nombre en acteur politique. La démocratie est alors le système politique par lequel le plus grand nombre accède à son autolégislation.
4Un tel gouvernement du peuple est-il possible à l’échelle européenne ? Un tel peuple existe-t-il à l’échelle européenne ? Si l’on adopte un point de vue objectif du peuple, cette hypothèse s’avère périlleuse : l’auto-identification du plus grand nombre en peuple obéirait à un processus historique et culturel qui n’aurait – jusqu’à présent – existé qu’à l’échelle statonationale. Pour Jean Monnet ou Paul Reuter, un « peuple européen » conscient de lui-même et organisé de manière à défendre ses intérêts communs n’existant pas (encore) à l’échelle continentale aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, le défi d’une démocratie communautaire ne serait envisageable qu’en tant qu’elle agit pour le peuple (groupe social) sans le peuple (acteur politique organisé)14. Si l’on adopte un point de vue subjectif du peuple15, cette dernière représentation de la démocratie apparaît insuffisante en ce sens qu’elle conditionne la légitimité de ce régime aux résultats escomptés plutôt qu’aux mécanismes permettant au plus grand nombre de s’autoconstituer. Le défi de la démocratie communautaire consisterait à favoriser les conditions de possibilité d’une auto-identification du plus grand nombre européen en peuple, donc en sujet politique autonome capable de décider par lui-même et pour lui-même de son destin commun. Pour certains fédéralistes italiens, dont Altiero Spinelli, un peuple européen existerait déjà en puissance aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale, mais la logique statonationale l’empêcherait de prendre conscience de cette identité complémentaire. Ce positionnement théorique s’attacherait donc à faire de la démocratie communautaire un régime par le peuple, sans le peuple. Dans les deux cas, le défi de la jeune démocratie communautaire consiste à édifier un système de représentation sans demos constituant16. Pour pallier cette absence, il s’agit, pour les uns, de parier sur les besoins du plus grand nombre, et pour les autres, de l’éclairer sur sa capacité à s’autoconstituer en peuple commun et acteur politique singulier.
5Les termes du débat entre les positionnements théoriques « hamiltoniens » et « technocratiques » évoluent au cours du processus d’intégration européenne alors que la caractérisation du peuple des Européens s’affine et se précise. Avec les premières élections du Parlement européen au suffrage universel direct (1979), un peuple de sujets politiques représentés à l’échelle continentale s’ajoute au constat numérique d’une masse d’Européens. À ce titre, une forme inédite de demos communautaire s’immisce dans le partage de la décision publique européenne. Si ce « peuple européen » n’existe qu’en tant que conglomérat de peuples nationaux – il faut attendre le traité de Maastricht (1992) pour qu’une « citoyenneté européenne » soit instituée –, il permet à la masse des Européens de s’identifier en colégislateurs du destin communautaire. Le peuple européen n’est plus seulement bénéficiaire, il dispose également d’une capacité de participer à l’orientation des affaires communes. Cela étant, l’émergence d’une démocratie représentative supranationale représente un pari audacieux pour les institutions européennes. En prenant au sérieux le rôle politique qui lui a été confié, le « peuple d’électeurs » européen paraît de plus en plus critique à l’endroit des décisions communautaires17. Toutefois, bien que le rôle politique de celui-ci soit désormais reconnu, son impact demeure limité par la complexité du système décisionnel européen. L’approfondissement de la démocratie procédurale semble servir de « roue de secours » à l’émergence d’un gouvernement « populaire » de l’Europe. De sorte que la démocratie « technique » et procédurale se renforce à l’échelle supranationale à mesure que la démocratie critique paraît gagner du terrain sur l’ensemble du continent jusqu’au début des années2000. Concrètement, d’un côté le Parlement européen voit ses prérogatives renforcées, une citoyenneté européenne est instituée, les droits et libertés individuels sont approfondis et quasi constitutionnalisés ; de l’autre, les critiques visant le « déficit démocratique18 » de l’Union gagnent en audibilité, le traité de Maastricht est confronté à une large défiance populaire et la montée des partis europhobes et eurosceptiques s’est propagée sur tout le continent.
6Comment ce renforcement parallèle et simultané de deux types de démocraties – l’une procédurale et descendante, l’autre critique et ascendante– évolue-t-il au moment du rejet du projet de traité constitutionnel (2005) ? Pour la première fois, une partie des citoyens européens s’exprime souverainement et démocratiquement contre l’Europe de la « bonne gouvernance ». Ce faisant, les « nonistes » mettent en danger19 le processus d’intégration en utilisant la démocratie pour protéger les intérêts d’une fraction du peuple lésée par la mondialisation économique et culturelle. Le peuple des citoyens les plus critiques est désormais perçu comme une entité distincte du plus grand nombre – à qui est supposée profiter la poursuite du processus d’intégration20. Par conséquent, il devient urgent de fortifier la démocratisation formelle des institutions européennes afin d’apporter des arguments aux débats sur le « déficit démocratique » de l’Union et de résister à une « politisation négative21 » des affaires européennes. Il s’agit d’immuniser la démocratie contre elle-même, autrement dit, d’immuniser une forme de démocratie – libérale et procédurale – contre une autre – contestataire et « populiste22 ». Dès lors, les institutions européennes ne reviendraient pas sur la nécessité de donner un gouvernement démocratique à l’Europe, mais elles estimeraient devoir résister à une forme de choix démocratique qui mettrait en péril l’ensemble de la communauté et l’équilibre institutionnel qu’elles ont progressivement mis en place.
7Ce processus dialectique de démocratisation-immunisation est traité par la littérature européiste, bien que l’enjeu d’une démocratie spécifiquement communautaire ne se soit posé que récemment. Si l’on met de côté les ouvrages traitant de l’état de la démocratie en Europe, on peut diviser les travaux menés sur la démocratie communautaire en trois grandes approches. La première regroupe les travaux de politistes « réalistes23 » qui abordent la question de la démocratie communautaire de manière prioritairement technique. Ces théoriciens24 évaluent la qualité de la démocratie communautaire à l’aune de sa conformité avec les grands principes du libéralisme politique : l’équilibre des pouvoirs, l’État de droit, le contrôle démocratique de la production législative, le principe de subsidiarité, le principe de non-discrimination dans l’application de la règle de droit, la prise de décision consensuelle ou majoritaire. À partir de ces principes, les « réalistes » s’emploient à remettre en question la pertinence du « déficit démocratique », de manière à analyser la spécificité du régime communautaire en se départissant de tout « utopisme ». Pour Andrew Moravcsik, il serait ainsi incohérent d’attendre de l’Union ce qu’elle n’est pas – un « super-État25 » fonctionnant à partir d’une dynamique délibérative. Giandomenico Majone partage ce raisonnement lorsqu’il réfute les accusations sanctionnant l’absence de mécanismes redistributifs au sein de la politique budgétaire européenne. L’UE aurait été construite sur le modèle d’un État régulateur26 dont l’objectif consiste à s’assurer que chaque organe communautaire respecte les principes fondateurs de l’Union : approfondissement des libertés de circulation et sauvegarde d’une concurrence libre et non faussée. Quant à Fritz Scharpf, il distingue un système démocratique fondé sur une légitimité située « à l’entrée du système » et produite par le peuple (input legitimacy) d’un système fondé sur une légitimité produite « par les résultats » et pour le peuple (output legitimacy)27. Seul ce second système correspondrait au fonctionnement du modèle communautaire, ce qui désamorcerait les critiques visant son défaut de légitimité populaire. L’approche descriptive et pragmatique consiste à réévaluer la qualité de la démocratie communautaire à partir de sa nature et de ses fonctions spécifiques. Ce faisant, la littérature « réaliste » manque, selon nous, un aspect important de la théorie démocratique : son irréductibilité à un régime politique seulement constitué de procédures et de règles de droit. En tant qu’elle détermine une certaine organisation et un partage du pouvoir singulier au sein d’une communauté de sujets politiques, la démocratie est inséparable d’une réflexion menée sur la capacité de tous de participer également et équitablement aux affaires communes.
8Une deuxième approche de la démocratie communautaire se caractérise par son approche « normative » du gouvernement du peuple européen28. Insatisfaite par l’argumentation « réaliste », cette littérature entend mobiliser ce qui, au sein du modèle spécifique de l’intégration communautaire, peut être corrigé ou réformé de manière à renforcer la légitimité démocratique de l’Union. Pour cette famille de pensée, la démocratie communautaire souffre d’un déséquilibre entre son fonctionnement procédural et son horizon délibératif29. Parce que l’intégration européenne obéirait à une dynamique technique plutôt que politique, la dimension contradictoire du modèle démocratique aurait été sacrifiée sur l’autel de l’efficacité. Le système consensuel à partir duquel la majorité des décisions européennes seraient prises aujourd’hui aurait étouffé l’origine controversée et polémique du projet européen. Refaire de l’intégration européenne un sujet de débat permettrait au plus grand nombre de se réapproprier un objet duquel il se sent trop souvent exclu30. Cette approche est particulièrement sensible dans les travaux de Kalypso Nicolaïdis et de Jürgen Habermas. Pour la première, seule une démocratie communautaire véritablement ouverte à l’ensemble de ses sujets constituants est à même de survivre à la crise qui la fragilise depuis une dizaine d’années31. L’Union doit devenir l’affaire de tous et non plus seulement celle d’un nombre restreint d’experts et de bureaucrates. Pour ce faire, il est urgent de repenser le design institutionnel de l’Union de manière à donner au citoyen européen un rôle déterminant. Quant à Jürgen Habermas –pour autant qu’il soit possible de résumer son positionnement théorique en quelques lignes–, il attribue l’insuffisance démocratique de l’UE au renforcement de la méthode dite « intergouvernementale » qu’il taxe d’« autocratisme »32. Parce que le pouvoir d’édicter l’avenir de la communauté reposerait entre les mains d’une infime minorité de dirigeants – qui semblent n’avoir de comptes à rendre ni aux peuples ni aux institutions supranationales –, le régime politique de l’UE aurait perdu le contact avec ses administrés, faisant de ce ceux-ci les sujets d’un droit qu’ils subissent davantage qu’ils ne le coécrivent. Pour le philosophe, il serait donc nécessaire de repenser l’équilibre institutionnel de l’Union de manière à réduire le pouvoir du Conseil européen au profit de la Commission – au nom de l’intérêt général européen – et du Parlement – au nom des intérêts de tous. Concernant la politisation du débat européen, celui-ci passerait notamment par une transnationalisation des partis politiques de sorte que les oppositions soient clairement visibles et que les citoyens s’y sentent représentés. Les penseurs normatifs de la démocratie communautaires refusent donc l’optimisme de la littérature « réaliste » puisqu’ils considèrent que la légitimité populaire de l’Union est insuffisante pour que l’on conclue à l’existence d’un véritable régime démocratique européen. À l’approche normative, il nous semble toutefois utile d’ajouter un diagnostic généalogique qui viendrait compléter ces études contemporaines en leur donnant une perspective historique et une analyse plus approfondie de l’ambivalence originelle de la démocratie communautaire33.
9Un philosophe, que nous situons volontairement au point de rencontre entre les familles normative et critique, s’emploie à ce travail depuis une vingtaine années. Nous faisons ici référence aux travaux d’Étienne Balibar sur la nature de la citoyenneté européenne et l’avenir de la démocratie communautaire transnationale34. À première vue normative –quand il s’agit de se demander comment résoudre l’aporie du peuple européen– la contribution de Balibar à la théorie démocratique de l’Union dépasse le seul cadre prescriptif : elle interroge la manière dont l’expérience communautaire réinvestit les concepts traditionnels avec lesquels la philosophie pense le gouvernement du peuple. La démocratie n’est plus seulement un régime politique, elle redevient la voie par laquelle le plus grand nombre se fait peuple. Parallèlement, Balibar œuvre à préciser en quoi le peuple de la démocratie est toujours déjà la synthèse de plusieurs « types » de peuples – politique bien sûr, mais également culturel, historique, numérique35. Non seulement on peut douter qu’un tel peuple existe à l’échelle européenne, mais on pourrait aller jusqu’à voir dans la réalisation de l’un de ces peuples la possible disparition d’un autre. Ainsi, un peuple culturellement homogène d’Européens pourrait très certainement porter préjudice au peuple à jamais pluriel du demos politique. Dès lors, l’enjeu d’une démocratie postnationale gagne en complexité ce qu’elle perd en probabilité d’accomplissement concret dans le cas de l’UE. De sorte que la démocratie communautaire semble destinée à demeurer « à venir36 ».
10La littérature, que nous nommerons ici critique, va plus loin dans sa dénonciation d’une démocratie communautaire perçue comme intégralement cosmétique. Pour cette famille de pensée, qui voit dans la démocratie le partenaire privilégié du capitalisme – en l’occurrence, néolibéral –, l’UE n’a cherché à se démocratiser qu’en vertu de ce que pourrait lui apporter cette politique de séduction des masses. Ce positionnement radical, que l’on rencontre notamment dans les travaux d’Alain Badiou37, de Pierre Dardot et de Christian Laval38, ne croit pas dans une possible « démocratisation » de la démocratie communautaire dans la mesure où l’expérience européenne aurait précisément inventé les conditions de possibilités d’un gouvernement des peuples « postdémocratique39 », ou para-démocratique. Non seulement, la démocratie communautaire ne serait pas produite par le(s) peuple(s) mais elle ne serait pas même pensée pour le plus grand nombre. La démocratie communautaire ne serait donc ni réelle, ni réformable, ni « à venir », elle ne serait qu’un oxymore destiné à faire adhérer les peuples à un projet dans lequel ils n’ont rien à gagner. Ce positionnement radical a certes le mérite d’attirer notre attention sur l’impureté du régime démocratique ; le caractère illimité, indéterminé et instable de celui-ci favorise sa mobilisation par un large spectre de discours et d’idéologies. Mais il nous semble insuffisant pour rendre compte de la complexité avec laquelle l’intégration communautaire a pensé sa relation avec l’idée démocratique. D’une part, cette littérature nie le fait qu’une forme de démocratie ait effectivement été inventée pour le plus grand nombre d’Européens. D’autant que si la démocratie libérale, fondée sur l’État de droit, n’est pas une condition suffisante du gouvernement du peuple par le peuple40, elle en est du moins une condition nécessaire. D’autre part, elle assimile l’ensemble du processus d’intégration communautaire au seul discours qui semble aujourd’hui hégémonique : l’ordolibéralisme en matière économique et le technocratisme en matière politique. C’est oublier que l’histoire de la construction communautaire est controversée et que l’UE d’aujourd’hui n’obéit à aucune nécessité ni à aucun destin prédéterminé. La communauté européenne est tout autant issue d’histoires planiste et fédéraliste que d’une histoire technocratique et ordolibérale, chacun de ces récits ayant développé un rapport singulier à la théorie démocratique. Les convoquer et les (re)problématiser contribue dès lors à redonner du relief et de la complexité à l’idée de démocratie communautaire.
11D’où l’importance de ne pas voir dans l’Union européenne un objet politique fixe et statique. L’UE ne saurait être réduite à ce qu’elle paraît être aujourd’hui, comme si elle avait finalement réalisé le projet qui l’a vue naître il y a une soixantaine d’années. Non seulement cette approche rétroactive contribue à une lecture téléologique du processus d’intégration, ce qui enferme le projet communautaire dans un déterminisme hasardeux. Mais, de surcroît, elle rabat l’histoire controversée de la construction européenne au seul discours hégémonique actuel, celui qui a triomphé du combat idéologique opposant ordolibéraux, planistes et fédéralistes. C’est pourquoi la question de la démocratie communautaire nous semble devoir être réinvestie à la lumière d’un traitement pluridisciplinaire. Pour parer au risque d’une analyse monocausale, monolithique et téléologique, il apparaît nécessaire non seulement d’analyser différents types de discours « fondateurs » de l’Europe, mais également de les aborder depuis différents domaines théoriques.
12Les outils et les analyses proposés par la science politique nous permettent de comprendre le fonctionnement de l’Union européenne41, la manière dont ses institutions interagissent et l’impact de ces logiques sur les corps constitués européens – citoyens, société civile, groupes d’intérêt. « Objet politique non identifié » selon Jacques Delors42, l’unification européenne est abordée depuis plus de soixante ans par des études qualitatives et quantitatives qui poursuivent un double objectif d’identification et de perfectionnement43. Non seulement il s’agit d’analyser ce qui fait la spécificité du modèle communautaire de manière à ne pas le comparer abusivement aux modèles statonationaux ou aux organisations internationales ; mais de surcroît, cette analyse doit permettre aux politiques européennes de gagner à la fois en efficacité et en légitimité. Dans cette optique, de nombreuses contributions de politistes ont commenté la manière dont le système démocratique de l’Union pourrait se réformer afin de se rapprocher de ses citoyens. Ces travaux sont essentiels pour analyser la mécanique et la technique de la démocratie communautaire. Comment la gouvernance a progressivement remplacé le modèle du « bon gouvernement44 » dans la réforme démocratique de l’Union, comment la participation de la société civile s’est peu à peu ajoutée –voire substituée– à la représentation des peuples, comment la multiplication des contre-pouvoirs à l’échelle supranationale a contribué à résorber l’absence de contrôle démocratique dans les affaires européennes, toutes ces questions sont autant d’enjeux que seule la science politique a jusqu’à présent abordés de manière systématique, rigoureuse et distancée. Toutefois, si une majorité de ces études se focalise sur les temps présents de l’intégration européenne dans un souci d’exactitude et d’exhaustivité, nous sommes convaincue que la singularité de la démocratie communautaire ne peut s’appréhender qu’au regard d’une approche généalogique qui fait droit aux divers récits de l’unification continentale.
13C’est pourquoi il nous a paru nécessaire de compléter l’approche synchronique de la science politique par une approche diachronique à même de replacer le processus d’intégration européenne dans une dynamique généalogique contingente45. Par là, nous avons souhaité interroger le rapport de l’intégration européenne à l’idée démocratique au cours du temps long de sa construction. À la naissance du projet communautaire, trois grands courants idéologiques s’affrontent dans leur vision du « bon gouvernement » de l’Europe. Que l’on se réfère aux planistes, aux fédéralistes ou aux ordolibéraux, tous ont élaboré une définition singulière de la démocratie : communaliste pour les uns, populaire pour les autres, « de marché » pour les troisièmes. Alors que la généalogie ordolibérale semble stabiliser son hégémonie dans les années1980, les influences planistes-communalistes et fédéralistes-populaires continuent de nourrir l’image que la démocratie communautaire (se) renvoie d’elle-même. De sorte que l’intégration communautaire se trouve bientôt polarisée entre un processus de démocratisation sur lequel il n’est plus possible de revenir et une technicisation accrue des affaires communes qui rend impossible tout partage de souveraineté entre les élites et le(s) peuple(s). De cette synthèse impossible émerge, en partie, la crise politique qui agite l’UE depuis une dizaine d’années : les uns revendiquant un renforcement de la démocratie par le peuple, les autres approfondissant un modèle supposé bénéfique pour le plus grand nombre. Or, cette tension – qui fait à la fois la richesse et la complexité de la démocratie communautaire – ne se comprend qu’à l’aune d’une analyse des discours concurrentiels qui ont sédimenté le modèle politique actuel. Il s’agira donc moins ici de confronter l’invention de la démocratie communautaire à une description positiviste du processus d’intégration ou à une histoire des idées politiques qu’à une analyse des discours informée par une étude des options normatives concurrentes qui ont façonné l’histoire européenne. Pour ce faire, nous utiliserons plusieurs types d’archives – documents officiels, correspondances, mémoires, ouvrages et articles de propagande, manifestes,etc. – de manière à croiser les niveaux de discours et le type d’acteurs impliqués.
14Cela étant, à elle seule, l’analyse des représentations et des discours ayant façonné l’histoire politique de la construction européenne ne nous semble pas suffisante pour proposer une lecture critique et problématique de la démocratie communautaire. En effet, nous ne cherchons pas ici à produire un échantillonnage précis et exhaustif de tous les discours traitant de la démocratie depuis le traité de Rome jusqu’aux récentes déclarations de Jean-Claude Juncker. Nous souhaitons plutôt comprendre la manière dont ces discours ont contribué à structurer le rapport singulier que l’Union européenne entretient avec l’opérateur peuple depuis sa fondation. Pour ce faire, nous recourrons aux outils de la philosophie politique et de la théorie critique pour mettre l’accent sur les conditions et les conséquences des schémas de représentations qui ont marqué les évolutions de la démocratie communautaire46. En particulier, nous discernerons deux types de discours selon qu’ils abordent la question du gouvernement du peuple européen par ou pour le peuple. Du point de vue des conditions dans lesquelles ces discours sont produits, il s’agira notamment d’évaluer l’importance du type de locuteur qui assume ces représentations et du type de communication mise en œuvre. Du point de vue des conséquences, il s’agira d’analyser l’effet produit par ces discours et ces représentations sur la manière dont s’élabore le gouvernement du peuple à l’échelle communautaire. Ainsi, plutôt que de donner une définition stable de la démocratie communautaire, nous nous intéresserons à la manière dont les discours contribuent à construire l’image du peuple européen et du rôle qu’il est susceptible d’assumer dans la construction de l’Union.
15L’originalité de notre travail consiste donc à articuler un objet de science politique, un traitement historique et une problématisation philosophique. Pour mener à bien ce projet, nous avons choisi de nous concentrer sur le premier âge de l’intégration démocratique européenne : celui d’une démocratisation sans peuple constituant. Nous débuterons notre recherche au cœur des années1930 – époque à laquelle une Europe politique commence à émerger sur les ruines d’une Europe culturelle et philosophique47 – et nous l’achèverons à la fin des années1970, alors que les premières élections au Parlement européen concrétisent la constitution d’un peuple d’électeurs européens. De l’entre-deux-guerres au traité de Rome (1957), puis du traité de Rome à la fin des années1970, la construction européenne est l’objet d’une importante concurrence idéologique entre trois mouvements qui développent chacun des discours et des représentations différents concernant le juste rapport entre fédéralisme et gouvernement des masses européennes. Alors que l’intégration ne repose encore sur aucun « peuple européen » constituant, une théorie de la démocratie communautaire commence à affleurer dans le discours des trois généalogies communaliste, fédéraliste et ordolibérale. La généalogie « française », planiste et communaliste, de la construction européenne sera abordée dans la première partie. À travers une réflexion sur le lien ambigu qui unit communauté et démocratie, nous aborderons l’hypothèse d’une consanguinité entre le paternalisme communaliste et l’invention d’une intégration légitimée par la défense des intérêts du plus grand nombre. Acontrario, nous verrons dans la deuxième partie que la généalogie « italienne », hamiltonienne et populaire, peut être considérée comme le premier discours défendant une intégration par le « peuple européen ». Ce groupe de penseurs et de militants semble ainsi voir dans le projet européen l’opportunité, inédite dans l’histoire continentale, de construire un système politique ascendant qui dépende exclusivement d’un pouvoir constituant populaire. La généalogie ordolibérale, qui influence durablement l’économie politique de la Communauté européenne, constituera la troisième partie de notre ouvrage. Nous verrons alors comment la traduction du constitutionnalisme politique en constitutionnalisme économique a progressivement remplacé l’idée d’une démocratie communautaire par celle d’une « économie sociale de marché ».
Notes de bas de page
1Pour une comparaison entre l’Union européenne et les États-Unis, je renvoie à Justine Lacroix et Paul Magnette, « Pourquoi nous ne sommes pas américains », Raison publique, 4, mai 2006, p.39-56.
2Traité établissant une Constitution pour l’Europe, signé à Rome le 29 octobre 2004, Journal officiel de l’Union européenne, 16 décembre 2004, noC 310, https://eur-lex.europa.eu/ (consulté le 21 septembre 2017).
3Cet enjeu est d’autant plus important qu’il inscrit les débats sur la Constitution européenne dans le contexte plus général d’une crise de la représentation et de la démocratie représentative. Voir Pippa Norris (dir.), Critical Citizen, Global Support for Democratic Governance, Oxford, Oxford University Press, 1999 ; Pascal Perrineau (dir.), Le désenchantement démocratique, LaTour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 2003 ; Myriam Revault d’Allonnes, Le miroir et la scène : ce que peut la représentation politique, Paris, Seuil, 2016 ; PierreRosanvallon, Le peuple introuvable. Histoire de la représentation démocratique en France, Paris, Gallimard, 1998 ;Samuel Hayat et YvesSintomer, « Repenser la représentation politique », Raisons politiques, 50/2, 2013, p.5-11 ; Simon Tormey, The End of Representative Politics, Malden, Polity Press, 2015.
4Paul Magnette, Au nom des peuples. Le malentendu constitutionnel européen, Paris, Éditions du Cerf, 2006.
5Thucydide, La guerre du Péloponnèse, II, 37, 1, trad. par J. de Romilly, Paris, Les Belles Lettres, 1973, p.27.
6Nicole Loraux, L’invention d’Athènes. Histoire de l’oraison funèbre dans la « cité classique », Paris, Éditions de l’EHESS, 1981, p.185.
7Ibid.
8Gregory Vlastos, « Isonomia politikè », dans Jurgen Mau et Ernst Günther Schmidt (dir.), Isonomia. Studien zur Gleichheitvorstellung im griechen Denken, Berlin, 1964, p.1-35; ici p. 29.
9Yves Mény et Yves Surel, Par le peuple, pour le peuple : le populisme et les démocraties, Paris, Fayard, 2000.
10À ce sujet, voir notamment le Manifeste de Ventotene, rédigé par Altiero Spinelli et Ernesto Rossi en juin 1941 (publié pour la première fois par la Società Anonima Poligrafica Italiana en 1944) et le « Projet de déclaration des résistances européennes (20 mai 1944) » (L’Europe de demain, Neuchâtel, La Baconnière, 1945, p.70-75).
11Altiero Spinelli et Ernesto Rossi, Manifeste de Ventotene. Voir également les positions d’Alexandre Marc dans À hauteur d’homme. La révolution fédéraliste, Paris, « Je sers », 1948, et dans Europe, terre décisive, Paris, Éditions du Vieux-Colombier, 1959.
12Paul Reuter, « Techniciens et politiques », dans Gaston Berger et al., Politique et technique, Paris, PUF, 1958, p.181-196.
13Sur la distinction conceptuelle entre légitimation subjective/légitimation objective, je renvoie à Richard Bellamy et Dario Castiglione, « Beyond Community and Rights : European Citizenship and the Virtues of Participation », dans Per Mouritsen, Knud Erik Jørgensen (dir.), Constituting Communities : Political Solutions to Cultural Conflict, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2008, p.162-186 ; et Richard Bellamy, « Between Past and Future : The Democratic Limits of EU Citizenship », dans Richard Bellamy, Dario Castiglione, Jo Shaw (dir.), Making the European Citizens. Civic Inclusion in a Transnational Context, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2006, p.238-265.
14Historiquement, on retrouve ce positionnement théorique chez plusieurs intellectuels planistes français, parmi lesquels Jean Monnet (« Je ne pensais pas que l’on dût commencer par consulter les peuples sur les formes d’une Communauté dont ils n’avaient pas l’expérience concrète », Mémoires, Paris, Fayard, 1976, p.536) et Paul Reuter (« La conception du pouvoir politique dans le Plan Schuman », Revue française de science politique, 1/3, 1951, p.256-276).
15Mario Albertini, Le fédéralisme, Paris, PUF, Paris, 1956 ; Altiero Spinelli, « Les raisons de notre lutte », dans Le congrès du peuple européen. Documents, Fonds d’archives André Darteil, Historical Archives of the European Union, Florence, 1956, p.3-10 ; Id., « Il popolo europeo », Europa Federata, 8/7, 1955 ; Id., « Nuovo corso », Europe Federata, 7/10, 1954, p.221-227.
16Catherine Colliot-Thélène, La démocratie sans « demos », Paris, PUF, 2011.
17Sur la fin du « consensus permissif » qui semblait lier les populations d’Europe au processus d’intégration communautaire, voir Sabine Saurugger et Fabien Terpan, « Analyser les résistances nationales à la mise en œuvre des normes européennes : une étude des instruments d’action publique », Quaderni, 80, 2013, p.5-24. Pour une étude approfondie sur le phénomène de « consensus permissif », je renvoie à LeonN. Lindberg et StuartA. Scheingold,Europe’s Would-Be Polity : Patterns of Change in the European Community, Prentice-Hall, Englewood Cliffs, 1970.
18Erik Oddvar Eriksen et John Erik Fossum (dir.), Democracy in the European Union – Integration through Deliberation ?, Londres, Routledge, 2000 ; Andreas Føllesdal et Simon Hix, « Why there is a Democratic Deficit in the EU : A Response to Majone and Moravcsik », Journal of Common Market Studies, 44/3, 2006, p.533-562 ; John Erik Fossum, « Democracy and Legitimacy in the EU : Challenges and Options », IAI Working Papers, 16, février 2016, p.1-19 ; Andrew Moravcsik, « In Defence of the “Democratic Deficit” : Reassessing Legitimacy in the European Union », Journal of Common Market Studies, 40/4, 2002, p.603-624.
19Voir par exemple les déclarations d’Alain Minc, qui compare le processus référendaire à une « “vérole” antidémocratiqueque la France aurait propagée dans l’ensemble de l’Europe » (propos rapportés par Serge Halimi dans Le Monde diplomatique, mai 2005, p.1), et d’Antonio Negri, pour qui une partie de la population électorale française « a révélé son égoïsme, son incapacité à comprendre que le développement social ne peut se passer que dans un cadre élargi » (« Un retour en arrière de vingt ans », Télérama, 11 juin 2005, p.23).
20À ce propos, voir la manière dont Renaud Dehousse (« Référendum grec : une irresponsabilité choquante », Telos, 2 novembre 2011) oppose les revendications spécifiques de quelques-uns aux intérêts du plus grand nombre dans le cas du projet de référendum grec de 2011.
21Jean-Louis Missika, « Les faux-semblants de la politisation », Le Débat, 68/1, 1992, p.12-16.
22Yves Surel, « L’Union européenne face aux populismes », Les brefs de notre Europe, 7, 2011 ; Aleks Szczerbiak et Paul Taggart (dir.), Opposing Europe ? The Comparative Party Politics of Euroscepticism. Case Studies and Country Survey, Oxford, Oxford University Press, 2008, p.7 et suiv.
23Comme le résume Andrew Moravcsik (« Le mythe du déficit démocratique européen », Raisons politiques, 10/2, 2003, p.87-105) : « Si au lieu de mesurer l’Union européenne à l’aune d’un modèle utopique de démocratie, nous adoptons des critères raisonnables et réalistes d’évaluation de la gouvernance moderne, alors l’affirmation selon laquelle l’UE manque de légitimité démocratique n’est pas confirmée par les faits » (p. 88, je souligne).
24David Beetham et Christopher Lord, Legitimacy and the EU, Londres, Longman, 1998 ; Christian Joerges, Michelle Everson, « Challenging the Bureaucratic Challenge », dans Erik Oddvar Eriksen, John Erik Fossum (dir.), Democracy in the European Union. Integration through Deliberation ?, Londres, Routledge, 2000 ; Christian Joerges, Yves Mény, Joseph H.H. Weiler (dir.), What Kind of Constitution for What Kind of Polity. Responses to Joschka Fischer, Robert Schuman Centre of Advanced Studies European University Institute. The Jean Monnet Chair. Harvard Law School, 2000 ; Giandomenico Majone, Regulating Europe, Londres, Routledge, 1996, et Id., « The Rise of the Regulatory State in Europe », West European Politics, 17/3, 1994, p.77-101 ; Andrew Moravcsik, « Despotism in Brussels ? Misreading the European Union », Foreign Affairs, may-juin 2001, p.603-624 ; Fritz W. Scharpf, Gouverner l’Europe, trad. par R.Dehousse et Y. Surel, Paris, Presses de Sciences Po, 2000.
25Sur ce point Andrew Moravcsik s’oppose notamment à Larry Siedentop pour qui les limites de la légitimité démocratique s’exercent principalement au sein du « despotisme bureaucratique » de Bruxelles. Voir Larry Siedentop, La démocratie en Europe, Paris, Buchet-Chastel, 2003.
26Giandomenico Majone, Regulating Europe, op.cit.
27Fritz W. Scharpf, Gouverner l’Europe, op.cit.
28Richard Bellamy, Dario Castiglione, « Legitimising the “Euro-polity” and its “regime” : The Normative Turn in European studies », European Journal of Political Theory, 2/1, 2003, p.7-34 ; Jean-Marc Ferry, Europe. La voie kantienne. Essai sur l’identité postnationale, Paris, Cerf, 2005 ; Id., « Face à la question européenne, quelle intégration postnationale ? », Critique internationale, 23, avril 2004, p.81-96 ; Id., La question de l’État européen, Paris, Gallimard, 2000 ; Jürgen Habermas, La constitution de l’Europe, trad. par C.Bouchindhomme, Paris, Gallimard, 2012 ; Id., « Conférence de Jürgen Habermas : pourquoi l’Europe a-t-elle besoin d’un cadre constitutionnel ? », Cahiers de l’Urmis, 7 juin 2001 ; Kalypso Nicolaïdis, « European Democracy and its Crisis », Journal of Common Market Studies, 51/2, 2013, p.351-369 ; Id., « The Idea of European Democracy », dans Julie Dickson, Pavlos Eleftheriadis (dir.), Philosophical Foundations of European Union Law, Oxford, Oxford University Press, 2012, p.247-274.
29Francis Cheneval, « The People in Deliberative Democracy », dans Samantha Besson, José Luis Martí (dir.), Deliberative Democracy and its Discontents, Aldershot, Ashgate, 2006, p.159-179 ; Id., The Government of the Peoples. On the Idea and Principles of Multilateral Democracy, Basingstoke, Palgrave MacMillan, 2011.
30Jonathan White, « Politicizing Europe : The Challenge of Executive Discretion », LEQS Discussion Papers, 72, Londres, The London School of Economics and Political Science, 2014. Voir également Richard Bellamy et Dario Castiglione, « Beyond Community and Rights : European Citizenship and the Virtues of Participation », art.cité.
31Kalypso Nicolaïdis, « European Democracy and its Crisis », art.cité ; Id., « The Idea of European Democracy », art.cité ; Id., « The New Constitution as European “Demoi-cracy” ? », Critical Review of International Social and Political Philosophy, 7/1, printemps 2004, p.76-93 ; Id., « We, the Peoples of Europe… », Foreign Affairs, 83/6, 2004, p.97-110.
32Jürgen Habermas, La Constitution de l’Europe, op.cit.
33Céline Spector, « Pourquoi l’Europe a-t-elle besoin d’une généalogie ? », Noesis, 30-31, 2018, p.357-373.
34Étienne Balibar, Europe, crise et fin ?, Lormont, Le Bord de l’eau, 2016 ; Id., « Comment résoudre l’aporie du peuple européen ? », dans Alain Badiou et al., Le symptôma grec, Paris, Lignes, 2014, p.17-30 ; Id., Nous, citoyens d’Europe ?, Paris, LaDécouverte, 2001.
35Étienne Balibar, « Avant-propos. Son nom est légion », Tumultes, 40/1, 2013, p.7-11.
36Marie-Louise Mallet (dir.), La démocratie à venir. Autour de Jacques Derrida, Paris, Galilée, 2004.
37Alain Badiou, « L’impuissance contemporaine », dans Alain Badiou et al., Le symptôma grec, op.cit., p.209-220 ; Id., « L’emblème démocratique », dans Giorgio Agamben et al., Démocratie, dans quel état ?, Paris, LaFabrique, 2009, p.15-26.
38Pierre Dardot et Christian Laval, Ce cauchemar qui n’en finit pas. Comment le néolibéralisme défait la démocratie, Paris, LaDécouverte, 2016 ; Id., La nouvelle raison du monde. Essai sur la société néolibérale, Paris, LaDécouverte, 2009.
39Colin Crouch, Post-Democracy, Malden, Polity, 2004 ; Yves Sintomer, « La fin de la démocratie des Modernes ? », Mouvements, 89/1, 2017, p.90-98.
40Crawford Brough MacPherson, Principes et limites de la démocratie libérale, trad. par A.D’Allemagne, Montréal/Paris, Boréal-Express/LaDécouverte, 1985.
41Céline Belot, Paul Magnette et Sabine Saurugger (dir.), Science politique de l’Union européenne, Paris, Economica, 2008.
42Intervention de Jacques Delors (Luxembourg, 9 septembre 1985), Bulletin des communautés européennes, 9, septembre 1985, Luxembourg, Office des publications officielles des Communautés européennes, https://www.cvce.eu (consulté le 10 octobre 2017).
43Pierre Favre, Comprendre le monde pour le changer. Épistémologie du politique, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
44Pierre Rosanvallon, Le bon gouvernement, Paris, Seuil, 2015.
45Pour un développement de cette démarche, je renvoie à l’important ouvrage de Luuk VanMiddelaar, Le passage à l’Europe. Histoire d’un commencement, trad. par D. Cunin et O.Vanwersch-Cot, Paris, Gallimard, 2012.
46Heidrun Friese et Peter Wagner, « Survey Article : The Nascent Political Philosophy of the European Polity », The Journal of Political Philosophy, 10/3, 2002, p.342-364.
47Étienne Tassin, « De l’Europe philosophique à l’Europe politique », dans Nicolas Weill (dir.), Existe-t-il une Europe philosophique ? 16e Forum Le Monde (Le Mans, 22 au 24 octobre 2004), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
L’Europe des Français, 1943-1959
La IVe République aux sources de l’Europe communautaire
Gérard Bossuat
1997
Les identités européennes au XXe siècle
Diversités, convergences et solidarités
Robert Frank (dir.)
2004
Autour des morts de guerre
Maghreb - Moyen-Orient
Raphaëlle Branche, Nadine Picaudou et Pierre Vermeren (dir.)
2013
Capitales culturelles, capitales symboliques
Paris et les expériences européennes (XVIIIe-XXe siècles)
Christophe Charle et Daniel Roche (dir.)
2002
Au service de l’Europe
Crises et transformations sociopolitiques de la fonction publique européenne
Didier Georgakakis
2019
Diplomatie et religion
Au cœur de l’action culturelle de la France au XXe siècle
Gilles Ferragu et Florian Michel (dir.)
2016