Chapitre VI. Images du présent, images du futur : paris des urbanistes
p. 313-353
Texte intégral
1Face à une croissance urbaine qu'ils ne maîtrisent pas, les hommes politiques, les administrateurs, les intellectuels se tournent vers des hommes de l'art, des spécialistes de la ville à qui ils demandent de produire des lois, des plans, des schémas prévisionnels qui permettront de comprendre l'évolution urbaine, et de s'y adapter. Paris devient le champ d'application possible des théories d'urbanisme, un possible lieu d'expérimentation et de projection dans l'avenir.
2Très vite, les premiers urbanistes expriment un souci de réflexion, d'échanges d'informations, de connaissances sur les pratiques urbaines. Les urbanistes sont à l'origine de plusieurs revues, cours, associations, expositions dans lesquels il exposent leurs vues.
3Un cours d'« introduction à l'histoire de Paris » dirigé par Marcel Poëte (1866-1950) est mis en place à la Bibliothèque Historique de la ville de Paris1. Les cours de Marcel Poëte sont suivis par un public nombreux (deux-cents personnes) d'étudiants et de spécialistes2. Le programme de l'école comprend :
« quatre branches d'enseignement : le premier comportant l'histoire de la ville, son développement à travers les âges ; la seconde l'étude de ses besoins et des solutions propres à y satisfaire ; la troisième, la manière de gérer ces besoins et de réaliser ces solutions ; la quatrième, les aspects techniques que comportent les uns et les autres »3.
4Parallèlement Marcel Poëte participe avec Louis Bonnier4 aux travaux de la « Commission d'Extension de Paris », entre 1910 et 1913. En 1916, La Bibliothèque Historique (BHVP) se transforme à l'initiative de Poëte en Institut d'Histoire, de Géographie et d'Économie Urbaines. Cet Institut réunit des spécialistes de la ville, fonctionnaires, architectes, universitaires, ingénieurs. Il donne naissance en 1919 à l'École des Hautes Études Urbaines et à un enseignement à vocation professionnelle destiné à des spécialistes de la ville5.
5Une revue, La Vie Urbaine, est lancée en 1919. sous la direction de Louis Bonnier, Marcel Poëte, Auguste Bruggemann, Henri Sellier6. Son premier numéro écrit dans une optique évolutionniste se présente ainsi :
« Cette revue est consacrée à l'étude des conditions et des manifestations d'existence et de développement des villes. Elle vise l'agglomération urbaine envisagée comme un organisme vivant en constante évolution ; elle l'étudie à la fois dans le passé et dans le présent et a pour but de contribuer à dégager de l'observation et de la comparaison des faits, une méthode et une doctrine à l'usage de tous ceux qui à des titres divers ont la charge des intérêts des cités »7.
6Le dépouillement systématique de la revue montre que l'urbanisme représente 45 % des 319 articles, notes, chroniques parues entre 1919 et 1939. Le problème des espaces libres et celui des transports, celui de l'hygiène sociale sont peu traités. Sous l'impulsion d'Henri Sellier, plusieurs articles traitent du logement en France et à l'étranger. Vingt-quatre articles sont consacrés à Paris entre 1919 et 1939.
7Au fil des ans la part consacrée à la littérature administrative et juridique devient de plus en plus importante. Ceci est peut-être en relation avec le développement d'une perspective gestionnaire8. Cette revue met en œuvre une méthode comparatiste entre les différentes villes.
8A partir de mars 1932, la Société Française des Urbanistes crée la revue Urbanisme9. Celle-ci entend mener un combat en vue de « rassembler pour une même croisade tous ceux, sans distinction de formation, de profession ou d'opinion qui désirent voir se répandre les idées d'urbanisme et de progrès social »10.
9La revue est très liée aux projets officiels en matière d'aménagement, d'organisation d'expositions...
10En 1928 Raoul Dautry et Jean Giraudoux s'unissent pour créer une « Ligue Urbaine »11. La Ligue Urbaine publie un manifeste anonyme dans le journal Le Temps, le 17 mars 1928 « pour la défense de la beauté et la salubrité de Paris ». Prenant pour exemple l'action urbanistique de Lyautey au Maroc, Dautry et Giraudoux veulent créer une Ligue qui « se charge » de la « réorganisation des villes », qui en fasse des villes adaptées à une vie moderne12, à l'activité du « nombre », qui prenne en compte le rythme accéléré de l'existence moderne, la dissociation entre lieu du travail et lieu du logement. Ils en appellent, pour cela « au signal d'une autorité », qui agisse dans la « concorde et la résolution »13 : Paris est donné en exemple :
« [...] Le centre de la capitale, par exemple, attire plus de trois millions de personnes pendant le jour. Il n'en reste que quelques centaines pendant la nuit. Elles [les administrations] disposent cependant, comme d'un monopole, de la puissance publique, la soumettent à leurs intérêts particuliers. Le quartier en sommeil seul est représenté.
Admettons qu'il faille liguer les activités éveillées »14.
11Un autre pôle de regroupement des urbanistes est représenté par les urbanistes dits modernes, ou encore progressistes. Ceux-ci s'intéressent avant tout aux capitales modernes dans le monde. A partir de juin 1928, ils se rassemblent au sein des « Congrès Internationaux de l'Architecture Moderne »15 qui rassemblent des Français, des Russes, des Allemands, des Hollandais au sein d'un mouvement international. Ils sont l'expression de la rencontre entre des ingénieurs qui utilisent des matériaux modernes comme le béton armé et des architectes-urbanistes, le logis et l'urbanisme étant un binôme indissociable.
12La première déclaration des architectes modernes réunis au Congrès de la Sarraz insiste sur l'aspect global de l'action urbanistique. Tous les secteurs de la vie humaine sont concernés. L'urbanisme moderne veut, dans tous les domaines s'adapter aux perturbations du machinisme, des Temps Modernes. Il s'occupe autant des agglomérations urbaines que des agglomérations rurales16.
13Le Corbusier17 est assurément le porte-parole le plus important de ce courant de pensée. Le Corbusier est avant tout un théoricien et un propagandiste. Dans la période que nous étudions plusieurs écrits sont de véritables manifestes de l'urbanisme moderne ; en octobre 1920, il crée la Revue de l'Esprit Nouveau ; en 1923 il publie Vers une Architecture18, en 1925 Urbanisme ; en 1935 il rassemble dans la Ville Radieuse plusieurs des articles qu'il avait fait paraître dans la revue Plans19 à partir de 1931.
14Pour Le Corbusier, Paris peut devenir la « ville contemporaine » par excellence. Il présente ses idées sur Paris au Salon d'Automne de 1922, à l'Exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes de 1925, à l'Exposition des Arts et Techniques dans la Vie Moderne en 1937. Il aurait souhaité, dans une perspective didactique et pratique que les autorités publiques de la ville et de l'État l'aident à réaliser dans Paris des unités d'habitation moderne. Il avait, en particulier, projeté pour l'exposition de 1937 la réalisation d'une Unité d'habitation pour trois mille habitants au « Bastion Kellermann ». Il fut arrêté dans ses projets. Pour cette raison, il reste principalement un théoricien. Cependant on peut, à travers l'étude de plusieurs maisons qu'il a construites à Paris et dans la région parisienne se représenter la mise en forme de ses théories.
15Le Corbusier participait d'un courant large en faveur de l'architecture moderne qui partage beaucoup de ses idées, quoique certains comme Perret (architecte du Théâtre des Champs-Elysées) aient adopté parfois des points de vue plus conciliants vis-à-vis de l'architecture classique. Nous considérerons ici que les réalisations architecturales des tenants du moderne constituent des images, des projections d'une architecture du futur et qu'elles peuvent être analysées à cette lumière.
16L'ensemble des débats, des réalisations, des concours d'idées du courant moderne est présenté dans plusieurs revues. La Construction Moderne, journal hebdomadaire illustré existait depuis 188420. Plus insérée dans l'urbanisme progressiste la revue l'Architecture d'aujourd'hui rassemble à partir de 1930 l'avant-garde21. Son programme pour Paris
« consiste à lutter contre toutes les routines, contre les règlements défectueux, contre les matériaux néfastes, contre la vague de laideur qui a permis l'édification en plein Paris, dans ses plus beaux quartiers, de monstrueuses constructions élevées à coups de millions, mais au mépris de toutes considérations d'art »22.
17Les différents courants de l'urbanisme contemporain sont très bien représentés à Paris qui offre pour eux un lieu de diffusion de leur pensée à l'échelle internationale. Paris est, de plus, un exemple-type de capitale, de grande ville, d'agglomération à partir duquel s'élabore leur réflexion.
1. LES THEORIES D'URBANISME : DU PASSE, AU PRESENT, AU FUTUR DE PARIS
18Les principales théories d'urbanisme appliquées à Paris partent d'une analyse du passé, de l'évolution historique de la capitale ; elles établissent un diagnostic sur son état, pour ensuite proposer des solutions pratiques qui conduisent à des visions du Paris de demain.
1. 1. Une vision historique
19Pour le courant évolutionniste, Paris s'est développé selon une logique, un ordre urbain. Paris est en effet, dit Marcel Poëte « un être collectif vivant. Il doit être traité comme tel, c'est-à-dire en ne perdant pas de vue les liens étroits qu'il a avec le milieu où il vit et avec son long passé »23.
20Le présent, selon Marcel Poëte, conserve la trace, la marque d'un passé, avec lequel il ne faut pas rompre. Il faut conserver et respecter la structure ancienne de l'espace urbain différencié à partir de la Seine : « [...] Le cours isolateur de la Seine, qui est à la base de la différenciation organique urbaine qu'exprimaient excellemment ces mots par lesquels on désignait autrefois Paris : « Ville (rive droite), Cité (île natale) et Université (rive gauche) de Paris » »24.
21Toute pensée d'urbanisme doit, selon Poëte « respecter » cet ordre et cette évolution, si bien que le « Paris Nouveau » doit admettre et conserver l'orientation vers l'ouest du pouvoir, du luxe et de la vie mondaine, les localisations industrielles dans la banlieue nord - puisque la rive droite est le centre des affaires - le lien entre rive gauche et université, et enfin garder le souvenir de ses origines dans la Cité, avec le Palais et la Cathédrale :
« La rive droite doit rester le centre des affaires en général, avec, à l'Ouest, la tache de luxe et de vie mondaine ; elle doit rester le foyer, particulièrement en sa banlieue Nord, de l'industrie. A la rive gauche doit demeurer attaché le foyer des études. Entre ces deux rives, la Cité doit rester, avec le Palais et Notre-Dame, le point d'attache originel de Paris. Sans quoi, cette ville n'aurait plus de sens »25.
22Cependant cette analyse ne signifie pas pour Poëte un conservatisme total. Il faut en effet, analyser les localisations et leur justification dans le présent afin d'évaluer leur bien-fondé. Ainsi, les Halles Centrales de Paris sont, pour lui un « véritable anachronisme ». Leur emplacement correspond au tracé routier du xiiie siècle, aux routes suivies par les maraîchers et les poissonniers qui approvisionnaient Paris26. Il faut au contraire intégrer les localisations du moment. Ainsi, comme les urbanistes modernes il affirme que : « Les gares sont devenues les véritables portes des villes »27.
23Paris, explique Poëte est à la fois marqué par un schéma concentrique, celui des fortifications qui enserrent la ville depuis l'époque romaine, et une disposition rayonnante du système routier et ferroviaire. Cette configuration tient à ce que Paris est la capitale très centralisatrice d'un grand pays autour d'une cité vers laquelle convergent des êtres, des choses, des idées dont l'urbaniste se doit de tenir compte. Paris est aujourd'hui intégrée à un économie aux dimensions internationales. La suppression des fortifications de Paris après 1919 est donc, pour Marcel Poëte un fait d'une portée considérable. Le passé laisse une « empreinte » sur la « physionomie urbaine » ; il conditionne le « zoning naturel, produit de l'évolution »28.
24En fonction des localisations symboliques issues de cette évolution, se disposent les zones d'activité économique et les zones résidentielles. Poëte montre que le commerce de luxe, et la classe riche, la banque se placent de préférence dans la partie occidentale de la rive droite. L'ancien faubourg Saint-Germain doit sa formation à la fois à l'abbaye de Saint-Germain et à la résidence royale du Louvre. « La population en est aujourd'hui cléricale et réactionnaire »29.
25Les usines de la banlieue nord se sont implantées « en liaison avec les canaux et les grandes directions routières se rattachant aux gares du Nord et de l'Est, par le pas de la Chapelle »30.
26Il faut donc, selon Marcel Poëte, penser l'aménagement de Paris et de sa banlieue en termes d'« extension », en respectant l'évolution historique de la cité et son zoning naturel. La banlieue ouest est un prolongement des quartiers riches de l'ouest parisien, la banlieue sud se rattache au Quartier Latin et à la Cité Universitaire. Les banlieues de Paris prolongent les localisations parisiennes. Il est donc nécessaire de penser et de travailler à une meilleure « coordination » entre la ville et sa banlieue pour ensuite implanter en terrain rural, sur des emplacements libres des « cités-satellites » en fonction de ces directions.
27Marcel Poète développe ses théories sur le passé urbain de Paris dans La Vie urbaine en 1937. « Paris, son évolution créatrice »31 est une application de la pensée bergsonienne à Paris. Poëte applique la « biologie générale à la ville ». La ville est, dit-il un
« organisme multicellulaire qui naît, croît, en un mot évolue exactement comme s'il s'agissait de quelque autre être vivant. Composée de régions diverses, mais étroitement liées les unes aux autres et formant ainsi une unité fonctionnelle, elle présente une différenciation qui est le produit de la liaison des éléments de développement de l'être avec l'ambiance, au fur et à mesure qu'ils se sont dégagés du point de vue originel »32.
28Il développe le principe de l'« élan vital » par lequel l'homme progresse. Les principaux changements qui surviennent dans la ville sont une réaction de l'organisme urbain à une action extérieure. L'essentiel réside dans la « spiritualité » qui permet de rendre le « passé fécond »33. Poëte reconnaît donc le rôle des apports créateurs du présent au terme d'une évolution urbaine qui n'est pas purement linéaire.
29La théorie progressiste s'oppose en partie à la théorie évolutionniste quant aux articulations à créer entre passé, présent et futur de la capitale. Pourtant - contrairement à une opinion très répandue - Le Corbusier ne rejette pas l'ensemble de l'histoire parisienne.
30Paris est, en effet, pour Le Corbusier la ville par excellence. En 1922, au Salon d'Automne, son « Plan pour une ville de trois millions d'habitants » est un plan pour Paris, sans que Paris soit nommé. Il en appelle à plusieurs reprises à poursuivre la « tradition de Paris », une ville qu'il aime, qu'il veut préserver, parce qu'il la trouve « téméraire ». Le Corbusier veut concevoir une ville des temps modernes adaptée aux grands nombres, à la circulation automobile, à l'avion, au machinisme.
31Cette ville ne peut se réaliser selon lui que dans la lignée des gestes créateurs qui ont fait Paris.
« Le passé, inépuisablement, nous donne des leçons de force. Prévoir et gouverner : médecine et chirurgie. En tout état de cause, de la clarté d'esprit et de la fermeté [...].
Haussmann est venu après Louis XIV, Louis XV, Louis XVI, Napoléon Ier et il a taillé impitoyablement dans le centre de Paris, d'un Paris insupportable, du reste, à tout homme susceptible de boucler un raisonnement »34.
32Le Corbusier retrouve ces gestes téméraires qu'il préconise dans la construction de Notre-Dame35, dans la pureté des lignes qui se dessinent la nuit de l'obélisque de la Concorde à L'Arc de Triomphe de l'Étoile, dans les grands tracés de Louis XIV, puis de Haussmann, dans l'érection de la Tour Eiffel36.
33Le Corbusier dit son « respect et son admiration pour Haussmann » et veut poursuivre dans sa lignée.
1. 2. Une ville malade
34Dans l'ensemble, les urbanistes des deux courants s'accordent à reconnaître que la ville est malade. Comme le précise Le Corbusier, la différence porte sur les solutions à adopter. Certains optent pour la médecine, d'autres pour la chirurgie.
35Les urbanistes estiment que Paris souffre de problèmes de « congestion », de surpeuplement, de manque d'hygiène. La ville est encombrée, embouteillée, elle manque de soleil, d'espaces verts. Les problèmes de la banlieue prolongent ceux rencontrés dans Paris « intra-muros ». Les réseaux sont peu ou mal développés. L'ensemble est désordonné, désorganisé.
36Louis Dausset, président du « Comité Supérieur d'aménagement de la Région parisienne » créé en 1928, dénonce la « crise du logement qui sévit » à Paris et en banlieue, « le développement anormal des usines tout près de l'enceinte fortifiée », la « misère des mal-lotis », la « mortalité effroyable qui règne sur certains points de la grande ville trop congestionnés et particulièrement malsains », les embouteillages dans la capitale. Il s'interroge sur les solutions et en appelle à l'urbanisme afin de « dégager Paris »37. En 1932, Louis Dausset dénonce toujours l'« engorgement »38 de Paris, l'absence de règles de zonage urbain. Il évoque les « taudis infâmes » auxquels la revue Urbanisme accorde un grand intérêt.
37La « laideur, la misère, la saleté, la maladie, la mortalité élevée » sévissent dans les 17 îlots insalubres repérés par le Casier Sanitaire de Paris depuis sa création en 1894, dans lesquels sévissent les épidémies, où pullulent les rats39. Louis Lacroix explique les nombreux problèmes engendrés par la spéculation40qui font obstacle à la démolition de ces îlots.
38Statuant sur les quatre fonctions urbaines qu'il juge fondamentales dans l'urbanisme : « habiter, travailler, se recréer, circuler », Le Corbusier dresse un bilan tout aussi négatif. qui dénonce l'inadaptation de Paris au monde moderne. Il insiste en particulier sur le rôle que jouent les centres des grandes villes qui sont les « lieux de contact des éléments agissant du monde »41. Le Corbusier définit le rôle des capitales et de leur centre qu'il est, selon lui, nécessaire de renforcer et de traiter :
« La grande ville a une raison d'être. Elle est dans la biologie du pays, l'organe capital ; d'elle dépend l'organisation nationale et les organisations nationales font l'organisation internationale. La grande ville c'est le cœur, centre agissant du système cardiaque ; c'est le cerveau, centre dirigeant du système nerveux, et l'activité des pays, les événements internationaux, naissent et proviennent de la grande ville »42.
39Le Corbusier n'est donc pas favorable à une décentralisation, mais il dénonce la « congestion » urbaine43.
40A Berlin, en mai 1931, il publie un « Manifeste de la Nouvelle génération pour continuer la tradition de Paris » :
« La maladie règne
Le bruit nous écrase
Le soleil n'entre pas dans les logis
L'atmosphère est empestée
Les distances sont devenues critiques
La désespérance est sur des millions d'êtres
La vitalité même de la ville est ruinée
Le monde machiniste est sans demeure
sans ville
sans outillage
sans équipement
Plus gravement le développement de l'époque machiniste est étouffé
Paris n'est plus la cité des Temps Modernes ! »44.
41Le manifeste réunit les signatures de la revue Plans, de Philippe Lamour, Fernand Léger, Robert Delaunay, Biaise Cendrars, Brancusi, Jean Wiener, Maurice Raynal, Le Corbusier, Charlotte Perriand...
42Les villes sont donc malades, inadaptées, pathologiques. Les solutions préconisées diffèrent entre les principaux courants de l'urbanisme. Les urbanistes s'interrogent sur le contraste entre l'ouest et l'est de Paris, sur les liens entre Paris et sa banlieue, sur la place de Paris en France, sur le modèle de développement urbain à adopter, sur l'articulation qui doit exister entre la ville d'hier et celle de demain.
1. 3. La représentation de l'avenir
La centralité
43Marcel Poëte préconise, compte tenu de l'extrême centralisation de la France, de penser l'« extension » future de Paris en favorisant l'implantation de cités satellites dans la région. Ainsi Paris, au lieu de « grossir » démesurément sera « décongestionné »45. Le zoning sera respecté. Des servitudes seront imposées aux acquéreurs de lots.
44Au contraire, Le Corbusier se refuse à dissoudre la centralité parisienne. Il affirme qu'il a pris conscience en 1935 que Paris n'était plus le « nombril du Monde »46, mais aussi que vis-à-vis des « deux grandes machines nouvelles et dont le produit est révolutionnaire » que sont les U.S.A. et l'U.R.S.S., Paris, malgré ses apparences médiocres et boutiquières, possède la grâce de la proportion et le soin du vrai plaisir :
« Quand je suis place de l'Opéra, à Paris, nombril du Monde ? Non, fini ; je me sens loin, parti et le Monde aussi a quitté ce centre qui n'est plus que le spectre d'une civilisation révolue [...].
Je suis revenu à Paris et y ai trouvé les bistrots médiocres, mais le ciel partout sur la ville et la grâce de la proportion et le soin apporté en tous détails à se donner du vrai plaisir [...] »47.
45Contre ceux qui affirment qu'il faut « transporter ailleurs le centre, aller bâtir une nouvelle ville, un nouveau centre loin au-delà des banlieues » (on reconnaît là des opinions comme celle de Poëte), Le Corbusier soutient que le « centre est fixé de très loin », qu'il doit demeurer car il est conditionné « de très loin » par des convergences innombrables. Quatre points sont pour lui essentiels et indissociables. Il veut :
« 1°Décongestionner le centre des villes pour faire face aux exigences de la circulation.
2°Accroître la densité du centre des villes pour réaliser le contact exigé par les affaires.
3° Accroître les moyens de circulation, c'est-à-dire modifier complètement la conception actuelle de la rue qui se trouve être sans effet devant le phénomène nouveau des moyens de transport modernes : métros ou autos, tramways, avions.
4°Accroître les surfaces plantées, seul moyen d'assurer l'hygiène suffisante et le calme utile au travail attentif exigé par le rythme nouveau des affaires »48.
46Pour la première fois Le Corbusier explique ses idées sur le centre des villes et en particulier celui de Paris dans le « Plan pour une Ville contemporaine de trois millions d'habitants » présenté au Salon d'Automne en 1922 sous la forme d'un diorama49. Dans l'avertissement d'Urbanisme, en décembre 1924, il précise que son projet n'est pas un pur objet d'utopie, mais qu'il correspond aux questions contemporaines :
« [...] Partout, les journalistes écrivirent : « la cité future ». Pourtant j'avais nommé ce travail « Une Ville Contemporaine », contemporaine, car demain n'appartient à personne [...].
Le problème d'architecture de la vieille Europe [...] c'est la grande ville moderne. Ce sera le Oui ou le Non, la vie ou l'extinction lente [...] »50.
47Le Corbusier expose le « Plan Voisin » présenté à l'Exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes en 1925. Il faut remarquer ici l'idée de « Plan organisateur ». Le « Plan Voisin de Paris » « reprend possession du centre de la ville »51. Il affirme qu'il faut oser démolir le centre des grandes villes et en rebâtir un autre composé d'une cité d'affaires et d'une cité de résidence52. Ce nouveau centre est densément peuplé (autour de 800 habitants à l'hectare) grâce aux immeubles en hauteur. Il sera donc possible de loger jusqu'à huit millions d'habitants dans Paris53. La ville se dispose selon deux axes nord-sud, est-ouest, l'axe principal allant de l'est à l'ouest, de Vincennes à Levallois-Perret.
48Quant aux banlieues, elles sont maintenant repoussées ; elles disparaissent et laissent la place à une zone de protection libre, espace de liberté et de revalorisation54. Plus loin, se disposent des cités-satellites.
49Après 1931, Le Corbusier abandonne l'idée des gratte-ciel au centre et imagine une juxtaposition de zones spécialisées traversées par un axe nord-sud. Du sud au nord, on trouve l'industrie lourde, les entrepôts, les manufactures, une zone verte, les quartiers d'habitation traversés d'est en ouest par une autoroute, la gare centrale, et en tête du plan la cité des affaires au milieu d'une zone verte55.
50Ces deux projets, celui de Marcel Poëte, et celui de Le Corbusier font ressortir la corrélation dans la pensée entre la place donnée à Paris en France et dans le monde, et la pensée développée sur l'agglomération parisienne, le lien spécifique entre Paris et sa banlieue.
51Les projets et la pensée des urbanistes culturalistes et progressistes s'attachent à résoudre la question du logement du plus grand nombre, la dissociation entre lieu de travail et lieu de logement, donc la question de la circulation urbaine, les inégalités sociales dans la ville. L'ensemble fait partie d'une conception du plan d'aménagement de la région parisienne et intègre des conditions divergentes sur l'équilibre entre l'ouest et l'est de la ville, sur la façon d'organiser l'ensemble de l'espace urbain, le « Paris nouveau ».
52La pensée évolutionniste aboutit à une conception réformiste de Paris et du Grand Paris. Elle travaille sur un tissu urbain qu'elle veut assainir, dans le respect d'un patrimoine qu'elle souhaite conserver ; elle estime que le développement urbain a une logique interne, qu'il convient de respecter tout en éliminant les illogismes, les anachronismes, et en introduisant une meilleure organisation de l'habitat et des transports, un zonage de l'espace urbain.
Le patrimoine
53André Morizet explique le développement de l'action pour la protection du patrimoine historique de Paris auquel, lui semble-t-il l'opinion publique est de plus en plus attachée ; dans ce but, ont été créées, afin d'empêcher « les attentats contre la beauté de la ville »56, une « Commission des Perspectives Monumentales parisiennes » rattachée au Sous-Secrétariat d'État aux Beaux-Arts, une Commission départementale des Sites réorganisée par la loi du 2 mai 1930. Cette commission a obtenu le classement de l'Esplanade des Invalides, des Champs-Elysées de la Concorde au Rond-Point, de l'île de la Folie au Bois de Boulogne dans Paris ; pour la banlieue, quelques sites seulement comme le bord de Marne à Champigny, l'île de Bonneuil, l'entrée du Bois au Pont de Suresnes...
54Contrairement à ce que répandaient ses détracteurs, Le Corbusier n'entendait pas détruire les monuments de Paris mais les mettre en valeur :
« Le passé historique, patrimoine universel, est respecté. Plus que cela, il est sauvé. La persistance de l'état actuel de crise conduirait à la destruction rapide de ce passé [...]. Je rêve de voir la place de la Concorde vide, solitaire, silencieuse et les Champs-Elysées une promenade. Le « Plan Voisin » dégage toute l'ancienne ville, de Saint-Gervais à l'Étoile, et lui restitue le calme.
Les quartiers du « Marais », des « Archives », du « Temple », etc..., seraient détruits. Mais les églises anciennes seraient sauvegardées »57.
55Ses schémas de Paris représentent les principaux monuments : l'Arc de Triomphe de l'Étoile, le Panthéon, Notre-Dame, le Sacré-Cœur, la Tour Eiffel, les Invalides qu'il entend protéger. Il place souvent la Tour Eiffel à l'est de ses schémas, probablement pour signifier une mise en perspective différente de Paris qui « se transforme sur lui-même ». L'image de Paris selon Le Corbusier intègre donc cette vision du patrimoine que nous avons trouvée dans d'autres sources. Il existe une représentation collective des monuments qui font Paris58.
La ville moderne
56Les pensées sur l'avenir de Paris étaient tenues de se confronter aux réalisations américaines.
571930 est l'année de parution de Scènes de la vie future de Georges Duhamel. Paul Morand publie New-York. Les urbanistes vont révéler leur réception de l'américanisation à partir du concours pour l'aménagement de la Porte Maillot, en 193059. Plusieurs d'entre eux ont fait le voyage à New-York.
58En 1930, le négociant Léonard Rosenthal, négociant en perles fines et promoteur des galeries marchandes aux Champs-Elysées, s'efforce d'obtenir la concession des terrains du Luna-Park, parc de loisirs situé sur la zone non aedificandi, Porte Maillot. Il organise sur ses fonds propres une consultation pour « l'étude architecturale de la place de la Victoire », étude qui englobe la porte Maillot et les terrains du Luna-Park. Les maquettes des projets sont présentées au Salon d'Automne de 1931. Les auteurs sont connus : on trouve parmi eux Maurice Boutterin, Henri Defrasse, André Granet, Le Corbusier, Mallet-Stevens, Auguste Perret, Henri Sauvage. Il s'agit de penser, dit-on la jonction entre le « Paris d'hier et le Paris de demain »60. Les projets sont empreints d'un américanisme tempéré61.
59En 1931, la Ville de Paris et le département de la Seine organisent à leur tour, sans attendre la présentation des projets de Rosenthal, un concours pour l'aménagement de la « voie Triomphale », « première formulation de la stratégie d'extension verticale de l'ouest parisien qui se matérialisera dans les années 50 »62.
60La revue L'Architecture d'Aujourd'hui présente ainsi le projet :
M. Le Corbusier a un projet des plus intéressants et des mieux étudiés. Un envoi est dessiné d'une main de maître. Deux gratte-ciel bordent l'avenue. Il a étudié un système très complexe de circulation à différents étages. Les parties inférieures sont réservées aux véhicules, tandis que la plate-forme supérieure formant terrasse servira aux piétons et serait un agréable tranquille lieu de promenade. Les surfaces en jardin sont considérables. Il a étudié la hauteur et l'écartement des bâtiments en fonction de l'Arc de Triomphe [...] »63.
61Le Corbusier a expliqué dans Quand les cathédrales étaient blanches, publié en 1937, son double mouvement de fascination et de rejet pour les gratte-ciel américains : « [...] New-York est [dit-il] une ville de l'univers, la première ville construite à l'échelle des temps modernes »64.
62Mais il exprime sa déception devant Manhattan :
« Les gratte-ciel n'étaient pas de verre, contrairement à nos espoirs, mais de pierre avec des tiares dessus. Ils sont hauts de trois-cents mètres, événement architectural prodigieux dans le ciel et complètement nouveau ; l'Europe est repoussée d'un coup, avec ses dimensions sophistiquement validées par le propos des édiles et « la vertu de nos traditions » »65.
63Il s'élève contre les « entrées funèbres de l'Empire State Building », l'absence d'arbres dans la ville, l'atmosphère joviale mais parquée par le pouvoir de l'argent. Malgré les constructions en toc des expositions internationales, malgré ses déceptions devant les obstacles rencontrés en France du côté des autorités, il revient vers Paris et continue à proposer ses plans.
64Les architectes et urbanistes modernes durent, dans la majeure partie du temps abandonner leurs projets à l'échelle parisienne et se contenter le plus souvent de dénoncer les réalisations de l'urbanisme contemporain. Ils purent, dans le meilleur des cas, réaliser quelques maisons, ou édifices le plus souvent privés à l'intention de familles de mécènes amateurs d'art. Cependant ces constructions nous permettent de mieux comprendre leur point de vue et ses limites.
65Parmi ces constructions nous signalerons les édifices réalisés par Le Corbusier : la construction de la maison pour Ozenfant en 1922 à Paris, la villa La Roche66 entre 1923 et 1925, la villa Savoye67 à Poissy entre 1928 et 1931, des logements rue Nungesser-et-Coli68 (Paris, 16e) en 1932.
66Le Pavillon suisse de la Cité Universitaire est édifié entre 1929 et 193169. Le Refuge de l'Armée du Salut se présentait comme « une usine du Bien où l'on révise les rouages de la machine humanisée par la vie »70.
67D'autres architectes modernes s'inspirèrent des mêmes principes71. Parmi eux, Pierre Chareau réalisa une maison de verre72 particulièrement étonnante. L'ensemble de ces constructions suscitèrent l'intérêt et les critiques de l'opinion publique et elles jouèrent un rôle important dans la formation des architectes pour qui elles constituaient des éléments de réflexion : elles eurent donc un certain rayonnement et représentent un début de mise en pratique des conceptions des modernes sur l'habitat par l'utilisation des matériaux, l'ensoleillement, les murs-rideaux, les toits-terrasses, les circulations intérieures.
Un plan pour Paris
68Ces théories, ces pensées, ces images de Paris se fondent sur une vision de l'histoire de Paris, de son rôle, de ses fonctions dans le monde. Devant une croissance, une extension, des transformations profondes postérieures à la Grande Guerre et aux modes de production, les urbanistes, comme beaucoup de leurs contemporains constatent qu'une époque est révolue. Cependant, les travaux d'Haussmann ont établi la preuve qu'une transformation radicale de l'espace urbain est possible. Les urbanistes recueillent l'héritage et entendent les nombreux appels à intervenir qui leur sont adressés.
69Le courant évolutionniste ne remet pas en question l'héritage d'Haussmann, l'orientation à l'ouest de l'espace parisien. Il souhaite établir de l'ordre dans un espace urbain désorganisé. Le plus grand problème se trouve à ses yeux dans l'extension désordonnée de la banlieue, dans l'absence de lois d'urbanisme, d'instruments de gestion, de politique des transports, de coordination entre Paris et la banlieue. Pour cela, il se tourne vers les politiques afin qu'ils créent les organes et les lois qui permettent d'intervenir à l'échelle de l'agglomération.
70La pensée des architectes modernes s'appuie sur une tradition plus interventionniste. Elle réclame l'intervention politique des autorités, l'ossature d'un véritable plan. Le Corbusier ne craint pas de réclamer l'intervention d'un pouvoir fort73. Il écrit dans Vers un Paris nouveau un texte au titre provocateur : « On demande un Colbert »74 dans lequel il explique sa conception du plan et de l'autorité :
« [...] Ce programme de prévisions, d'organisation, de réalisation, d'une envergure impressionnante, ne peut être que le fait d'un organisme central commandé par une haute personnalité compétente et responsable agissant dans le temps »75.
71En 1939, face à ses détracteurs il précise que sa conception du plan n'est pas incompatible avec une idée de la liberté individuelle :
« [...] Ma ligne de conduite est de rester sur le terrain du plan† [...]. Les plans démontrent que pour assurer les bienfaits indispensables de la liberté individuelle, que pour nous alimenter des puissances collectives, que pour faire cesser le gaspillage frénétique des actuelles agglomérations urbaines, il faut préparer la réalisation des entreprises communautaires [...]. Bâtir des logis, réformer l'état cellulaire des villes, équiper les pays, voici la tâche. C'est le programme même de la société de la nouvelle ère de civilisation machiniste »76.
72Son admiration pour Haussmann ne le conduit pas à une vision calquée sur son modèle. En particulier, il réfléchit une ville dans laquelle n'existe plus la séparation Paris-Banlieue, ni l'opposition entre l'ouest et l'est. Nous reprendrons à notre compte la présentation synthétique de la pensée de Le Corbusier par Maurice Besset :
« Les propositions de Le Corbusier pour Paris sont marquées par un double et constant refus : refus de toute « décentralisation », de tout transfert vers la banlieue, de tout fractionnement de la « cité des affaires » d'une part ; de l'autre, refus du trop fameux « axe triomphal » prolongeant vers l'ouest les Champs-Elysées et venant buter, à l'est dans le « cul-de-sac » de la Concorde. Pour la cité des affaires, les plans Voisin de 1922 et 1925 prévoient de l'établir à la place des quartiers lépreux et engorgés qui s'étalent au sud des hauteurs de Montmartre et des Buttes-Chaumont. Un dernier projet réduit à quatre le nombre des super-gratte-ciel : « Dans cette plaine, vidée de bâtisses sans signification, qui s'étend vers Saint-Denis, loin des témoins du passé rassemblés au bord du fleuve, quatre grands événements architecturaux occuperont un large espace, à la gloire d'une civilisation qui, loin d'abdiquer s'est redonné une ligne de conduite ». Quant aux circulations, Le Corbusier les articule sur une croisée d'axes, dont le plus important est à ses yeux l'axe est-ouest, qui permettrait de restaurer l'unité d'une ville que l'urbanisme ségrégationniste d'Haussmann a divisée en deux moitiés étrangères l'une à l'autre. Cet axe passe au nord de la zone historique, qu'il serait possible de valoriser pleinement en détournant la circulation de transit. C'est au long de cet axe que, selon le projet présenté dès 1932 par Le Corbusier en vue de l'Exposition Internationale de 1937, doit se faire par étapes, en partant de l'est, le passage à la « Ville Radieuse », d'après le modèle élaboré pour la rénovation de l'îlot insalubre n° 6 »77.
73Les urbanistes sont au cœur d'un débat de société, « politique » au sens étymologique. Ils ont le pouvoir d'inscrire dans l'espace une articulation entre histoire et modernité, Paris et banlieue, est et ouest. Ils sont de possibles vecteurs d'unité. A leur tour, nous les voyons se tourner, en quête d'appui vers les hommes politiques.
74Les pensées des urbanistes trouvent un formidable terrain d'application dans l'espace libéré par la destruction des fortifications de Paris.
2. CEINTURES NOIRE, VERTE ET ROUGE... : LES FORTIFICATIONS SONT-ELLES TOMBEES ?
75Les fortifications représentaient une limite administrative, mais surtout elles matérialisaient le fait que la capitale était un espace à protéger des envahisseurs. Elles pouvaient aussi, comme en 1871 se retourner contre le peuple de Paris. Aujourd'hui, nous avons conservé la trace de ces fortifications dans le vocabulaire. On parle clairement et fréquemment de Paris intra-muros et le territoire occupé par le boulevard périphérique de Paris est là pour nous rappeler la fracture du tissu urbain qui va de Paris à la banlieue.
76Dès leur construction, les fortifications de Paris ont alimenté un important débat sur le rôle que devait jouer Paris. Construire une ligne défensive conduit en effet inévitablement à s'interroger sur ce que l'on défend78et donc sur le rôle de la capitale. Dès 1841, Lamartine, dans un célèbre discours, soutenait que « Paris, cerné par 2 400 canons servis par 10 à 12 000 canonniers d'une milice quelconque... serait le dernier asile que la liberté voudrait habiter ».
77En 1860, à la suite de la loi du 16 juin 1859, tous les territoires compris entre les barrières de l'ancien octroi et l'enceinte de Thiers sont annexés à la ville qui est partagée en 20 arrondissements au lieu de 12. Les travaux entrepris par Haussmann dans le centre de Paris ont contribué à refouler hors des murs une population qui ne trouvait plus à se loger à l'intérieur. Dès après la défaite de 1871, la question de la démolition des fortifications se pose. Entre ses fortifications militaires devenues obsolètes et la banlieue s'interposent la « zone », terme qui désigne la portion de territoire large de 250 m. sur laquelle pèse la servitude non aedificandi et la population des zoniers qui s'est installée au fil des ans sur ces territoires, qui très rapidement va « s'installer », construire des baraquements, ouvrir des commerces, cultiver des jardins maraîchers, « planter des droits », s'organiser en ligue de défense des zoniers... Ces zoniers représentent de plus en plus un anneau de population, baptisé « ceinture noire », inquiétante pour beaucoup, qui dans l'imaginaire se substitue au danger des envahisseurs étrangers. Pourtant cette population zonière, n'est pas très différente sociologiquement de la population banlieusarde. On la présente souvent comme une population marginalisée, au sein de laquelle vivent les fameux « apaches »... La réalité est différente : la zone n'est pas homogène. Si elle est peuplée de chiffonniers porte de Saint-Ouen, elle est beaucoup plus ordonnée à Passy où viennent se promener les intellectuels, les couples d'amoureux...79
2. 1. Ceinture verte contre ceinture noire
78Le 20 novembre 1882, le conseil municipal de Paris tient une séance sur la désaffectation des fortifications, devenues inutiles pour la défense militaire de Paris. Les arguments hygiénistes insistent sur le fait que les fortifications de Paris sont devenues un véritable corset qui empêche la ville de respirer ; la ville est considérée comme un organisme vivant, qui a des « poumons », qui a besoin de respirer. Nous pouvons penser à la suite de l'historien de l'architecture, François Loyer, que
« l'utilisation de la verdure comme élément d'organisation de l'espace urbain ne se conçoit que lorsque le rapport ville/campagne est définitivement rompu, c'est-à-dire quand la dimension de l'agglomération urbaine est telle que le paysage rural n'est plus perceptible ni directement accessible depuis la ville »80.
79A la fin du xixe et au début du xxe siècles les discours municipaux, les prises de position des médecins se multiplient sur la ceinture noire ; on insiste sur la nécessité d'assainir un espace qui échappe au contrôle de l'hygiène comme au contrôle policier. Le rapport du conseiller municipal d'Andigné, en 1906 explique : « La question des espaces libres s'impose ; elle est capitale ; c'est une question de vie ou de mort pour les grandes villes ; elle mérite donc qu'on s'y arrête plus qu'un instant »81.
80On élabore des projets autour de la démolition des fortifications et du type de constructions, du type d'espace qui doit remplacer les fortifications et la zone. Deux projets concurrents voient le jour, le projet du conseiller municipal Louis Dausset82 et celui de l'architecte hygiéniste Eugène Hénard.
81Le projet Dausset, qui va l'emporter se compose de deux anneaux concentriques : la Ville de Paris achètera la totalité des terrains des fortifications et de la zone ; elle fera construire des habitations sur le premier anneau de pierres, large de 125m, et celui-ci sera entouré par un deuxième anneau, de verdure, large de 200m sur l'emplacement de la zone. Le projet Dausset sera soutenu par la « Ligue pour les espaces libres, l'assainissement et les sports »83.
2. 2. Une pensée du centre urbain
82Le projet de Dausset est donc un projet entièrement concentrique, alors que le projet Hénard, ne recrée pas une ceinture continue autour de la ville ; il permettrait à des « faubourgs futurs de venir se souder avec la ville »84. En fait le projet Dausset s'inscrivait dans la continuité de la croissance parisienne par cercles concentriques. Il est intéressant d'expliquer cette vision de Dausset à l'aide du texte que Jules Romains consacre à la « forme de la ville », qui pour lui est une question fondamentale. De plus, le texte de Jules Romains, publié en 1933, concerne l'année 1908, qui ouvre l'« onde d'événements » 1908-1933. 1908 est selon lui l'année où « s'ouvre la crise présente de notre civilisation »85. Il faut savoir de quel point l'on considère Paris et quelle est sa forme globale :
« Ainsi l'enceinte de 1846, après lui avoir servi de protection avancée était devenue la forme même de la ville. Et voilà qu'à son tour elle pesait sur Paris, l'empêchait de se développer naturellement. Une fois de plus il devait renoncer à trouver sa forme par lui-même. Le rempart émoussait l'élan des quartiers neufs, arrêtait les avenues, les coupait de leurs prolongements, maintenait beaucoup de rues de l'extrême périphérie à l'état de culs-de-sac ou de coupe-gorge, y laissait fermenter les voyous et les ordures. De proche en proche, la pression se communiquait jusqu'au centre »86.
83L'urbaniste Marcel Poëte a montré l'inscription dans l'espace urbain parisien de ce schéma concentrique originel. Aux données naturelles s'ajoute une pensée de l'espace urbain. Marcel Roncayolo explique comment
« [...] Une fois posées et réparties, les « pierres » de la ville constituent une sorte de matrice. Elles fixent les intérêts et les enjeux sociaux. La « vitalité » ou la « résistance » des tracés vient donc moins d'une seconde nature que de la force sociale qui sous-tend leur dessin [...] ».87
84Roland Barthes au travers d'une comparaison de Tokyo et des villes occidentales met en évidence la conception de la centralité qui prévaut en occident. Tokyo, dit-il,
« possède bien un centre, mais ce centre est vide. Toute la ville tourne autour d'un lieu à la fois interdit et indifférent, demeure masquée sous la verdure, défendue par des fossés d'eau, habitée par un empereur qu'on ne voit jamais, c'est-à-dire à la lettre par on ne sait qui »88.
85En occident, (nous) avons, dit Roland Barthes
« un sentiment cénesthésique de la ville, qui exige que tout espace urbain ait un centre où aller, d'où revenir, un lieu complet dont rêver, et par rapport à quoi se diriger ou se retirer, en un mot s'inventer. Pour de multiples raisons (historiques, économiques, religieuses, militaires), l'Occident n'a que trop bien compris cette loi : toutes ses villes sont concentriques ; mais aussi conformément au mouvement même de la métaphysique occidentale pour laquelle tout centre est le lieu de la vérité, le centre de nos villes est toujours plein : lieu marqué c'est en lui que se rassemblent et se condensent les valeurs de la civilisation : la spiritualité (avec les églises), le pouvoir (avec les bureaux), l'argent (avec les banques), la marchandise (avec les grands magasins), la parole (avec les agoras : cafés et promenades) : aller dans le centre, c'est rencontrer la « vérité » sociale, c'est participer à la plénitude superbe de la « réalité » »89.
86C'est un tel centre que les fortifications protègent ; pour nous, Roland Barthes fait ressortir le schéma mental qui empêche une autre conception de l'espace urbain autour de Paris, une autre articulation entre la ville et sa banlieue.
87La pensée des ceintures qui entourent la ville pose de façon répétée et répétitive la question de savoir contre qui et quoi la ville doit se protéger. Nous pouvons souligner, à ce sujet que les stratèges des guerres du xxe siècle, quand ils s'intéressent aux villes, cherchent davantage à les occuper, à les neutraliser qu'à les détruire. La ville semble devenue une « forteresse des temps modernes »90.
2. 3. Quel contact entre Paris et sa banlieue ?
88Dès 1911, le préfet de la Seine M. de Selves avait constitué une commission de l'extension de Paris. Deux conventions, établies en 1913 entre la Ville et l'État avaient mis sur pied les principales dispositions de l'opération, qui seront approuvées par la loi du 14 avril 1919 ; la première prévoit la cession par l'État à la Ville de l'enceinte fortifiée91, l'expropriation de la zone et l'aménagement des sols. La deuxième envisage la réservation par l'État de terrains destinés à la construction de casernes. La zone est annexée au territoire parisien. La servitude de non aedificandi est maintenue sur la zone qui doit être aménagée en espaces libres à l'exception de quelques espaces publics ; une proportion de 25 % des terrains de l'enceinte à aliéner seront réservés à la construction de H.B.M. Le 23 avril 1919 le nouveau préfet de la Seine, M. Autrant crée une direction de l'extension de Paris afin de mettre en œuvre la loi du 14 mars 1919 relative au plan d'extension et d'aménagement des villes et celle du 14 avril 1919 sur le déclassement de l'enceinte. Les fortifications sont démolies entre 1919 et 1930.
89Par la suite, la loi du 14 août 1926 déclassera, contre l'avis du Conseil Général de la Seine, les terrains de la zone et les rendra constructibles. Enfin, à la suite des difficultés rencontrées devant l'opposition des zoniers qui refusaient de quitter les lieux, des mesures d'indemnisation à leur avantage furent prises par la loi du 10 avril 1930. Cette loi, fixe au 1er janvier 1946 le terme des expropriations, et crée un régime d'allocations compensatoires pour les propriétaires de constructions antérieures à la loi de 1919. Le décret pris le 11 octobre 1940 décidera de la réquisition des territoires zoniers92.
90Sur l'emplacement des fortifications, et sans véritable plan d'ensemble, des constructions voient le jour, donnant à cet espace un caractère qui n'est ni urbain, ni campagnard, ni verdoyant. L'Office public des Habitations à Bon Marché de la Ville de Paris et la Régie Immobilière de la Ville de Paris font construire principalement sur la bordure est, au-delà des boulevards des maréchaux maintenant élargis, une « ceinture rose » de H.B.M (Habitations à bon marché) et d'I.L.M. (Immeubles à loyers moyens). Dès 1919, la ville avait lancé un concours pour un plan d'aménagement et d'extension de Paris autour de trois sections, Paris, la ceinture des fortifications désaffectées, et le grand Paris comme entité régionale. On évoquait à ce sujet la « communauté de relations et d'intérêts entre Paris et sa banlieue ».
91Les réalisations de l'entre-deux-guerres n'ont pas contribué à améliorer les liens entre Paris et la banlieue. Outre les logements, les réalisations les plus importantes sont le Parc des Expositions, porte de Versailles, où se déroule la Foire de Paris, à partir du 9 mai 1925 et la Cité Universitaire de Paris qui sera inaugurée officiellement le 14 novembre 1936. Sur les anciens bastions 81, 82, 83 des fortifications. Pourtant l'ensemble de ces projets trouvent peu de laudateurs en dehors des représentants officiels, Président du Conseil Municipal, Préfet de la Seine... La ceinture verte n'a pas vu le jour. Les H.L.M. construits durent se plier à une logique de rendement, de densification de l'espace, de standardisation des constructions qui aboutirent peu à peu à l'abandon des velléités esthétiques et écologiques du départ93. Des milliers de demandes de logements affluent à la Cité Universitaire mais celle-ci souffre néanmoins de son éloignement du Quartier Latin94.
92Le projet de créer une ceinture verte pour Paris semble échouer sans avoir véritablement vu le jour. Jean Giraudoux exprime sa déception en 1939 dans Pleins Pouvoirs :
« Paris, pouvait compter au lendemain de la guerre sur deux zones de défense pour se donner l'aération nécessaire à son hygiène, à son trafic, à l'aisance de sa vie et même à sa protection proprement dite contre l'avion et contre les gaz...
Aujourd'hui, en 1939, la plupart des espaces libres ont disparu. La zone ayant été détachée récemment de la banlieue et rattachée à Paris est devenue le paradis des spéculateurs et du chantage »95.
93Jean Giraudoux estime que le citoyen doit se défendre et être défendu d'un danger. Ce point de vue éclaire la notion de la « ceinture ». Quant à Le Corbusier, il s'insurge contre les constructions nouvelles de la ceinture de Paris qu'il nomme des « poils sur la ceinture » avec ironie. Il dénonce les Habitations à Bon Marché construites par la Ville de Paris qui, dit-il, sont des « taudis officiels ». Il s'insurge contre le boulevard de maréchaux qui ceinture Paris : « Ce boulevard dessert les zones nouvelles d'habitation.
94Les camions y roulent en bolides, les autos le hachent de leur tir. Le vacarme et le danger sont au pied de cette muraille de logis »96.
95Comme l'a dit François Loyer, on peut se demander si le rempart des HBM n'est pas le plus fort symbole monumental de cette césure Paris-banlieue qui s'installe, remplaçant le rempart de terre par des muraille de brique polychrome qui ne sont pas moins hostiles.
2. 4. Un lieu de mémoire
96Dans l'entre-deux-guerres l'ancien périmètre des fortifications reste un lieu de promenade favori des Parisiens, mais surtout se révèle un véritable « lieu de mémoire » au sens que lui a donné Pierre Nora97. Les œuvres littéraires dont Paris est l'objet, ou qui ont Paris pour sujet, d'Eugène Dabit, à Aragon, à Léon Daudet et Robert Brasillach évoquent de façon récurrente et nostalgique cet espace poétique, appelé à disparaître, qui n'est ni de la ville, ni de la banlieue. Pour Léon Daudet, « [...] il émanait, des fortifs de Paris, une atmosphère spéciale et d'un grand charme, qui n'était ni celle de la ville, ni celle de la banlieue. Je ne sais trop ce qui la remplacera »98.
97Eugène Dabit évoque dans Atmosphère de Paris l'enfance de Petit-Louis qui s'était déroulée dans la zone près de Clignancourt
« Sur les fortifications, Petit-Louis jouait avec des camarades, roulait dans l'herbe des fossés, regardait sur la zone des hommes cultiver leur jardin ou construire une bicoque de planches et de carton bitumé.
C'est en bordure de ce pays, où se mêlaient les odeurs de Paris et celles de la campagne, que l'enfance de Petit-Louis s'écoula »99.
98Plusieurs murs séparent Paris de la banlieue. Outre la zone, la nouvelle ceinture rose des H.B.M., les barrières d'octroi, le boulevard militaire, Paris et sa banlieue ne sont pas reliés par les moyens de transport.
99Albert Guérard parle à ce sujet du « mur fiscal et du mur moral entre Paris et sa banlieue... plus formidables encore que les fortifications de Thiers »100. Jusqu'en 1943 on pénètre dans Paris par des barrières d'octroi. Tout automobiliste qui entre dans Paris est tenu de payer un impôt sur l'essence. Le conseil municipal de Paris souhaite le maintien de l'octroi101 qui lui procure des ressources non négligeables, alors que la gauche hostile au système des impôts indirects veut l'abolir car il pénalise les pauvres.
100Le Conseil Municipal de Paris est resté très attaché au maintien des privilèges étroitement parisiens. Dès la construction du métro parisien, face à l'État il avait défendu ses prérogatives, avait soutenu le principe d'un métro étanche au chemin de fer et s'était opposé au prolongement des lignes en dehors de Paris de peur de faciliter le départ des Parisiens de la ville. Ce n'est qu'après 1930 que le métro parisien se prolonge en banlieue vers Pont de Sèvres, Mairie d'Issy, Fort de Vincennes, Pont de Levallois. La Compagnie du Métro Parisien reprend la ligne de Sceaux en 1931. La ligne est modernisée, électrifïée, remise en service en 1938. Après 1930 les transports parisiens effectuent une mutation, un changement d'échelle qui transforme Paris, une ville de piétons en une ville d'automobilistes et d'utilisateurs des transports en commun. L'octroi, survivance du passé est un obstacle à cette évolution.
101De multiples aspects différencient, opposent Paris et sa banlieue. Les différences portent sur le travail, les modes de sociabilité, la composition sociale... Elles vont se traduire dans un vote politique, celui des banlieues qui progressivement, entre 1924 et 1936 dotent Paris d'une ceinture rouge.
102La question de la ceinture rouge de Paris, de son analyse et de sa perception va devenir un motif central des pensées sur le Paris nouveau. Paris s'était senti menacé par une ceinture noire, qu'il a voulu contrôler et assainir, transformer en ceinture verte. Certains vont maintenant vouloir transformer la ceinture rouge en ceinture verte, résoudre les problèmes sociaux de la banlieue pour dissoudre la ceinture rouge. Le Parti communiste veut l'utiliser dans une stratégie politique de reconquête de Paris. D'autres encore considèrent, comme André Morizet, qu'il s'agit d'un faux problème vis-à-vis de l'ensemble des problèmes d'aménagement de la région parisienne.
103On ne peut qu'être frappé par une continuité qui souligne qu'en dépit de la destruction des fortifications de Paris, l'espace parisien semble toujours un espace qu'il faut protéger des classes dangereuses. Le xixe siècle a développé l'hygiénisme comme pensée du contrôle social, le xxe va mettre sur pied des politiques d'aménagement, en appeler à une intervention rationnelle de l'État, à une amélioration de l'administration.
3. LE DÉBAT AUTOUR DU PARIS NOUVEAU
104Le débat autour du Paris nouveau est véritablement un grand débat intellectuel des années 30 qui réunit et fait se confronter différentes approches de la ville, littéraires, philosophiques, urbanistiques, administratives et politiques. Il met en jeu une série de questionnements sur la ville, dans le contexte des années 30, hantées par les questions que posent l'essor du capitalisme, de la modernisation, l'avènement des systèmes fasciste et communiste. Il faut, nous semble-t-il, mettre en vis-à-vis les questions que soulèvent les penseurs « non-conformistes » des années 30, et celles que posent les congrès, publications, suscités par le Paris Nouveau. La problématique nouvelle induite par le thème de la ceinture rouge que les droites et les gauches du moment ne perçoivent pas dans les mêmes termes, structure ce débat. Il débouche sur une intervention de l'État dans le domaine urbain au travers de plusieurs lois qui définissent la région parisienne pour la première fois, et d'un plan d'aménagement de cette région.
105Partant du constat d'une mutation très profonde et très large qui touche Paris et son agglomération, mutation vécue comme une crise, les réflexions aboutissent à un appel à l'intervention de l'État venant de tous les courants politiques, à l'exception du Parti communiste. Incontestablement les craintes s'expriment devant une évolution non maîtrisée, dans la comparaison avec les voies de développement soviétique, américaine...
3. 1. Ceinture et société
106La droite redoute au premier chef les progrès du communisme en banlieue. Elle estime que le communisme progresse en raison d'un essor désordonné de la banlieue. Le mécontentement social des mal-logés, des mal-lotis, alimente selon sa pensée les mécontentements politiques. On ne peut résoudre « le problème » que par l'intervention de l'État, par des lois, par des mesures d'aménagement à l'échelle de l'agglomération parisienne, par une unification de l'action et de l'administration à ses différents niveaux.
107Le Parti communiste, quant à lui s'appuie sur les revendications des mal-lotis, des zoniers, du prolétariat des banlieues et souhaite au contraire l'extension d'une ceinture rouge, contre-société, politique, économique et culturelle autour de Paris. Les positions de la droite et celles de l'extrême-gauche communiste présentent, comme nous avons déjà pu le souligner dans notre premier chapitre des aspects symétriques et opposés.
108Un groupe de réformateurs sociaux se dessine qui pense l'aménagement depuis la banlieue. La gauche réformatrice des maires de banlieue, conseillers de la Seine, comme Henri Sellier, André Morizet, André Bachelet considère que la ceinture rouge est un faux problème. Elle s'est formée « à l'ombre du Parti communiste », dans les banlieues. Plaçant la gestion en tête de ses préoccupations, elle siège dans de grandes commissions d'union nationale autour des problèmes du logement, des transports..., en banlieue. Elle met l'accent sur les problèmes d'hygiène sociale et de justice, considère que l'on doit résoudre en priorité les problèmes de la banlieue, concilier gestion locale et gestion départementale, introduire une égalité politique, économique, financière entre Paris et sa banlieue. Cette pensée réformatrice est plus technicienne que politique. Il faut souligner l'émergence d'une conception de l'aménagement rationnel technocratique et gestionnaire qui unit droite et gauche au sein d'un certain nombre d'instances comme le « Comité supérieur d'aménagement de la région parisienne », le « Congrès du Paris Nouveau »... En fonction de la conception du rapport Paris-banlieue, Ville-campagne, France-reste du monde, s'organise une pensée de l'aménagement de la région parisienne. Nous analyserons successivement les positions de la droite, de la gauche communiste et des aménageurs gestionnaires de ce nouvel espace. Puis nous exposerons l'ensemble des mesures d'aménagement adoptées.
109Le thème de la ceinture rouge se décompose en deux volets : l'un social, l'autre politique.
110André Siegfried, professeur à l'École des Sciences Politiques et au Collège de France analyse dans son Tableau des partis en France publié en 1930, la constitution de la ceinture rouge par la rencontre qui s'est opérée entre le communisme et les mécontents. Il y voit une certaine tradition de l'électorat parisien et établit une corrélation avec le communisme mondial :
« Faut-il classer avec la gauche, ce conglomérat disparate, le Parti communiste (11 députés, 106 400 voix, 11 % des votants) ? Dans la « ceinture rouge » de Paris, sa citadelle, il se compose de révolutionnaires authentiques, estampillés par Moscou ; mais il contient aussi la troupe permanente des irréconciliables et celle - exceptionnellement nombreuse aujourd'hui - des mécontents : locataires expulsés, anciens combattants aigris, propriétaires de banlieues mal lotis. Tous votent « communiste » mais ne retrouve-t-on pas ici les électeurs qui, après 1871, votaient par protestation pour Henri Rochefort, en prison et inéligible ? Il y a là un vieil état d'esprit parisien. La différence toutefois, qui est énorme, c'est que la protestation s'appuie aujourd'hui sur la propagande révolutionnaire, systématiquement organisée, d'un État étranger »103.
111Daniel Halévy s'adresse à ses « amis provinciaux », leur parle des « pays parisiens » et de cette ceinture rouge qui, dit-il, ne sera jamais une ville mais « une agglomération de logements et d'êtres » :
« Clignancourt, les Épinettes, Saint-Denis, et autres lieux, cela ne compose pas une ville, moins encore une cité, ce n'est, ce ne sera jamais qu'une agglomération de logements et d'êtres. La ceinture rouge, dit-on aujourd'hui, l'appellation est bonne, elle nous manquait »104.
112Le Parti communiste quant à lui considère la banlieue parisienne comme la terre d'élection du capitalisme moderne. L'historienne Annie Fourcaut a analysé dans sa thèse Bobigny, banlieue rouge la constitution du mythe de la ceinture rouge en relation avec cette vision du développement du capitalisme par le Parti communiste105. La région parisienne est au centre de l'état centralisé français qui lui-même se situe au cœur du camp impérialiste. La constitution de la banlieue rouge n'est pas automatique, elle résultera dans la pensée communiste du développement de l'action politique en banlieue.
113Les réformateurs adoptent un point de vue opposé et décryptent la ceinture rouge comme une véritable création mythique, une vue de l'esprit.
114André Morizet106, maire de Boulogne-Billancourt et sénateur SFIO de la Seine refuse de voir dans la population d'ouvriers et de petits rentiers qui entourent Paris une « ceinture rouge » ; selon lui, la ceinture rouge n'existe pas : « C'est un lieu commun électoral. Paris est séparé des agglomérations ouvrières par les deux trouées du Bois de Boulogne et du Bois de Vincennes. De larges tranches de sa banlieue, dans le Sud notamment, sont peuplées de petits rentiers ».
115La Seine, dit-il, souffre d'un « accroissement trop rapide de la population de la région » ; la Seine est une « victime de la guerre » : « Les événements, en entraînant un accroissement trop rapide de la population, avaient déclenché dans notre région un désastre social en face duquel les pouvoirs locaux, réduits à leur propre force, restaient impuissants... »107.
116Il faut donc selon lui travailler à résoudre les questions sociales.
3. 2. Un problème national
117A droite on s'enflamme devant le mythe, et on considère que la ceinture rouge représente une menace politique qui peut même déboucher sur la mort de Paris : on imagine, dès la panthéonisation de Jaurès en novembre 1924 la ceinture rouge comme un danger comparable à celui que l'on présentait en 1919 dans la campagne des élections législatives : le bolchevik au couteau entre les dents :
« Deux millions de prolétaires agglomérés en un large anneau compact autour de Paris et prêts, le grand soir venu à resserrer sur lui leur masse inexorable, à envahir brusquement, débordant de tous les points de sa circonférence, la vieille cité bourgeoise... »108.
118Dans les milieux gouvernementaux depuis 1924 on adopte également le concept de ceinture rouge que l'on attribue essentiellement à des causes sociales. Ainsi Albert Sarraut, ministre de l'intérieur radical-socialiste, créateur du Comité supérieur d'aménagement de la Région parisienne en appelle à développer le mieux-être pour mieux lutter contre « L'Hydre rouge » ; Henry Puget, rapporteur du Comité supérieur d'Aménagement de la Région Parisienne a une « vision d'horreur » : « Des multitudes communistes mettent autour de Paris la fameuse ceinture rouge, et plus redoutables que des Français égarés, des bandes de prolétaires étrangers forment dans les bas-fonds de la banlieue une armée prête à l'émeute »109.
119Il estime qu'« en dehors de quelques poignées de fanatiques, le parti des soviets jouit surtout de l'appui des mécontents »110. La ceinture rouge est dit-il l'expression d'électeurs mécontents qui protestent « contre de mauvaises conditions d'existence, contre les logis étroits et insalubres, les lotissements défectueux, les services publics désorganisés, débordés ou absents »... Des inquiétudes se font jour, pas uniquement dans les milieux de la droite extrémiste.
120La gauche socialiste insiste davantage sur les problèmes d'hygiène sociale et d'égalité de traitement ; elle souhaite favoriser « des relations équitables » entre Paris et la banlieue. Dès 1920, Albert Thomas en appelle à la fin du protectionnisme parisien et à une ouverture aux intérêts de la banlieue, à une lutte contre les vieux préjugés :
« Lorsque, au début même de notre action, dans notre Parti socialiste français, je parlais à des élus parisiens, législatifs ou municipaux, de venir avec nous en banlieue soutenir ces idées, tous les vieux préjugés de Paris qui paye 85 % des finances départementales, le préjugé de Paris qui reçoit les étrangers, le préjugé de Paris qui doit d'abord subvenir aux besoins de la population ouvrière restée dans ses murs, tout cela obsédait encore l'esprit de nos camarades. Il y a à Paris, un esprit de quartier, un esprit d'arrondissement, un particularisme de rue, plus vivace qu'on ne suppose »111.
121Il souhaite en finir avec la peur de la grande cité révolutionnaire. Albert Thomas, comme Henri Sellier entendent développer la solidarité des communes dans la même agglomération. La gauche revendique, avec un certain succès une représentation électorale plus équitable au sein du conseil général de la Seine, entre représentants de Paris et représentants de la banlieue, comme entre représentants de l'ouest et de l'est parisiens112.
122De ces analyses découle une vision de l'action politique à développer en banlieue. De la droite à la gauche socialiste se dégage une sorte de consensus autour de la nécessité d'une politique de l'aménagement, d'un renforcement de l'action de l'État, d'une meilleure gestion, d'une réforme administrative du grand Paris. André Morizet remarque, à ce sujet qu'« au-dessus des partis, une politique de l'aménagement rassemble à certaines heures aux mêmes carrefours des hommes qui, le reste du temps vivent très éloignés »113.
123On retrouve l'écho de ce consensus dans les publications comme le Cahier de la république des Lettres, des Sciences et des Arts dans lesquels s'expriment un ensemble de spécialistes de la Ville et de l'action urbaine ou dans le Congrès du Paris Nouveau organisé par Le Journal en 1930 ; seul le Parti communiste se maintient en dehors et même développe ses critiques.
3. 3. Le tournant de 1928
1241928 marque un tournant dans la réflexion et l'action. Plusieurs lois concernent l'aménagement de la région parisienne. Le 15 Mars 1928, la loi Sarraut sur l'aménagement des lotissements défectueux montre que l'État, comme l'affirme Sarraut lui-même, « reconnaît ses responsabilités »114.
« J'ai tellement reconnu moi-même la carence des pouvoirs publics et les fautes d'imprévoyance qui ont été commises que, de mon propre mouvement j'ai demandé l'application d'une sorte de pénalité pour l'État, et j'ai proposé sa participation jusqu'à 50 % des dépenses à engager »115.
125Le problème des lotissements est vécu comme une question très parisienne, particulièrement scandaleuse, car on a laissé se développer un environnement misérable, aux alentours d'une des capitales les plus somptueuses du monde :
« C'est un mal qu'il faut abolir sans délai, si l'on songe que pendant une partie de l'année, du seuil de leur pauvre maison environnée de cloaques, des dizaines de milliers de familles peuvent apercevoir à l'horizon la silhouette d'une des villes les plus somptueuses du monde. Il y a là un contraste antisocial, un sujet d'amères méditations, d'autres pourraient peut-être dire, un péril »
126entend-on dans les débats parlementaires autour de la loi Sarraut, le 9 mars 1928116. Il s'agit d'accéder à un niveau de vie correspondant à ce que l'on attend d'une agglomération urbaine... La loi Sarraut doit résoudre un des éléments de la contradiction entre Paris et sa banlieue.
127Louis Loucheur met sur pied un comité technique du Logement dans son ministère ; on y retrouve Henri Sellier, secrétaire général de la Fédération nationale des offices publics d'H.B.M., Raoul Dautry, vice-président de la commission consacré à l'étude des plans types des logements. La loi Loucheur du 13 juillet 1928 prévoit une aide de l'État sur un programme de 200 000 logements H.B.M. et 60 000 I.B.M. en 5 ans.
128Le 24 mars 1928, Albert Sarraut, Ministre de l'Intérieur, institue le « Comité supérieur de l'aménagement et de l'organisation générale de la Région Parisienne ». Ce comité signale en premier lieu la prise de conscience d'une réalité économique et administrative régionale. Ses pouvoirs, malgré certaines opinions contraires seront limités mais le comité sera à l'origine d'une première définition juridique de la région parisienne et d'un premier plan régional qui démontre une prise de conscience de l'unité nécessaire entre Paris et sa banlieue au sein d'une agglomération.
129Le Comité supérieur d'aménagement de la région parisienne117 est un organisme consultatif rattaché à la Présidence du Conseil. Son président (Louis Dausset fut le premier nommé) est désigné par décret. Le Comité comprend 84 membres. Il est dominé par le pouvoir central118 ; son travail est organisé autour de 5 sections :
L'aménagement. Le responsable en est Henri Chardon. Près de lui, on trouve Henri Prost.
La législation. Responsable : Heibronner.
Les finances. Responsable : Fournier.
Les services publics. Responsable : F. Latour.
L'habitation. Responsable : Henri Sellier.
130Il effectue et coordonne des études, fait des propositions au Ministère de l'Intérieur sur l'aménagement et l'organisation de la région parisienne. Il est chargé de rédiger un projet de loi qui tend à autoriser l'établissement d'un plan d'aménagement de la région parisienne (celui-ci sera discuté le 20 juin 1930 par la Chambre des Députés).
131La philosophie du Comité d'aménagement de la Région parisienne exprime dès le départ une volonté de réduire le communisme, de prendre la mesure d'un problème qui, parce qu'il concerne la capitale, est un problème national. Puisqu'une partie des problèmes vient, pense-t-on, d'un accroissement trop rapide de l'agglomération, on va en déduire qu'il faut limiter l'essor de la population119. Cette pensée malthusienne du développement de la région parisienne s'avérera durable, et à certains égards, on en trouve des traces jusqu'à aujourd'hui120.
132Plusieurs publications, entre 1928 et 1930, rendent comptent du contenu du débat sur l'aménagement de la capitale et de sa région :
Albert Guérard, professeur à la faculté des lettres de l'Université Stanford, chargé de cours de civilisation française, publie L'Avenir de Paris121 en 1929. Ce livre part d'une réflexion sur l'urbanisme, sur l'évolution de Paris et de la législation, et il propose une « Charte du plus grand Paris ».
Les Cahiers de la République des Lettres, des Sciences et des Arts publient en 1929, « Vers un Paris nouveau »122 où l'on trouve des articles pluridisciplinaires de Louis Béraud, Jean-Jacques Brousson, Le Corbusier, Louis Dausset, Georges Delavenne, Lucien Dubech, Pierre d'Espezel, Maurice de Fleury, Georges Hilaire, Fernand Léger, Henri Lucas, André Morizet, Henry Puget, Gil Robin, Léandre Vaillat, Lucien Zimmer. Il faut remarquer que dans cette publication l'urbanisme occupe une place centrale.
François Latour, président du Conseil municipal, publie en 1931 : Le plus grand Paris, problème d'autorité. Il s'interroge sur les attributions du pouvoir exécutif dans la région parisienne et il rappelle l'historique du régime d'exception parisien.
En 1932, André Morizet fait paraître Du vieux Paris au Paris moderne - Haussmann et ses prédécesseur123. Il faut signaler l'importance numérique d'une littérature administrative dans la période.
133Les actes du « Congrès du Paris Nouveau » organisé par le Journal entre le 16 et le 20 juin 1930 dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne rendent compte de ces discussions. Ce congrès est le fruit de plusieurs mois d'études de plus de cent personnes. Il rassemble, en présence des responsables politiques, les experts urbains, de la Ligue Urbaine, du Musée Social, du Comité Supérieur d'Aménagement de la région parisienne.
134Tardieu, président du Conseil, introduit le congrès dans des termes qui soulignent le délabrement de la banlieue. Le xxe siècle se caractérise par ses épaves : « Paris est une ville du xviie siècle, entourée de faubourgs et d'une banlieue industrielle du xixe siècle, enfermés à leur tour en une zone extérieure constituée de ses épaves »124.
135Pendant le Congrès on dénonce le désordre de la ville, son déclin, l'absence de direction dans l'organisation régionale, mais on souligne aussi que Paris représente un « exemple pour le monde ». C'est un appel à l'aménagement rationnel, une tentative de trouver les meilleurs formes pour l'organisation administrative de la Région. Le Corbusier « demande un Colbert » et Puget invoque Minerve, déesse de l'Ordre et de la Raison125.
3. 4. La région
136Finalement la loi du 14 mai 1932 reconnaît pour la première fois l'existence de la « région parisienne ». Celle-ci comprend : le département de la Seine ; les communes de la Seine-et-Oise et de la Seine-et-Marne situées dans un rayon maximum de 35 km autour de Paris ; les communes du département de l'Oise des cantons de Creil, Neuilly-en-Thelle, Pont-Saint-Maxence, Senlis et Nanteuil-le-Haudouin.
137Mais selon cette loi, la région parisienne n'est pas une circonscription administrative distincte des départements sur lesquels elle s'étend. Elle ne forme pas une personne morale se superposant aux circonscriptions départementales et communales existantes et pourvue d'organes d'exécution et de ressources propres. C'est une simple « entité juridique » n'empiétant en aucune manière sur les pouvoirs des Conseils généraux et des Conseils municipaux, mais qui doit permettre de mieux coordonner l'activité des différents organismes publics ou privés concernant l'exécution des opérations d'aménagement. Ses pouvoirs sont donc limités.
138Cependant, cette loi représente de l'avis général une avancée. Elle institue un véritable « zonage » dans l'agglomération. Ainsi, André Morizet explique :
« La création de lotissements, le défrichement des bois ou des parcs nécessitent une autorisation du Ministre de l'Intérieur délivrée après avis du Comité supérieur. La construction d'usines appartenant aux catégories visées par la loi sur les établissements dangereux incommodes ou insalubres, est interdite dans les zones réservées à l'habitation par les plans d'aménagement communaux »126.
139Elle sera critiquée de toutes parts, à droite dans les milieux patronaux du « Redressement Français » parce qu'elle ne va pas assez loin dans la régionalisation économique. A gauche on aurait souhaité édifier une gestion de l'ensemble Paris-Banlieue sur le plan financier, administratif, urbanistique (en matière de logements et de transports en particulier). A droite comme à gauche on souhaite une action unifiée dans le Paris Nouveau, et on met en cause les intérêts locaux, le « topazisme » de l'administration municipale parisienne qui empêche cette plus grande unification. Le débat sur l'unité est fondamental. La droite insiste davantage sur l'ordre et l'autorité, alors que la gauche socialiste préfère parler de méthode et récuse les hommes providentiels.
140Le « Redressement Français », dirigé par Ernest Mercier, est un regroupement patronal assez favorable à l'action de Tardieu. Son bulletin place dès janvier 1929 au premier rang de ses préoccupations, les problèmes de la région parisienne qu'il situe comme un enjeu mondial dans la lutte contre le communisme mondial. Très préoccupé d'« ordre »127, il en appelle aux urbanistes et en particulier à Le Corbusier128 pour proposer ses solutions129. Il possède plusieurs publications, une brochure Le Redressement français, un Bulletin, une revue anti-bolchevique La vague rouge, et enfin un périodique La Région parisienne, dont le rédacteur en chef est Ludovic Barthélémy. Le Redressement Français sera un lieu formateur pour les politiques de Vichy. Il se dit préoccupé par l'exode rural, la disparition d'une certaine « mystique de la terre » et souhaite que le gouvernement mette sur pied les grandes régions économiques, crée la « région parisienne », « parce que sans elle, il n'y aura pas de grand Paris, et il n'y aura bientôt plus de Paris du tout »130. Le Redressement français trouve insuffisante la loi sur l'agglomération parisienne. Lui-même rédige, sous la plume de Raphaël Alibert,131 un projet complet de loi sur la région parisienne qu'il souhaite plus étendue, plus compétente en matière d'administration régionale, d'expropriation, d'urbanisme :
« Nous proposons [écrit-il] de faire centraliser les opérations d'aménagement par une région parisienne investie de la personnalité civile et composée de quatre départements intéressés : la Seine, la Seine-et-Oise, la Seine-et-Marne et l'Oise... Régionaliser les intérêts, c'est déjà diminuer la virulence des particularismes ; c'est aussi donner à l'autorité supérieure le moyen de concevoir et d'arbitrer »132.
141André Morizet propose de transformer le régime d'exception de la région parisienne. Comme Henri Sellier et les réformateurs de gauche, il est partisan d'une décentralisation de la gestion locale ; il souscrit à l'ensemble de l'opération mais aurait souhaité que la création de la région soit assortie de mesures financières. Il distingue deux niveaux de gestion, la gestion locale et la gestion départementale. Il propose d'en finir avec le modèle centralisé français, de faire rentrer Paris et le département de la Seine dans le droit commun :
« Pourquoi nous obstinerions-nous à conserver, nous seuls un type de capitale centralisée dont nous reconnaissons les défauts... 20 villes sous le régime de la loi de 1884, comme leurs voisines ; 20 conseils occupés des affaires locales, travaillant fructueusement comme les conseils d'à côté... Cent communes, un conseil général, qu'est-ce donc ? C'est un département français ni plus ni moins. La Seine, cessant d'être anormale ressemblerait au reste du pays. Et Paris par le seul procédé qui le lui permette rentrerait dans le droit commun »133.
142André Morizet souhaite décentraliser au maximum la gestion locale, « rapprocher l'administration de l'administré »134, et renforcer le département, les pouvoirs du préfet pour ce qui est d'intérêt général comme l'habitation, les transports (il critique le système des concessions capitalistes), les réseaux. Pour André Morizet « la région devrait instituer des servitudes sur les propriétés immobilières comprises dans son périmètre, ce que la droite représentée par Tardieu a refusé, devant l'hostilité des représentants de la grande propriété foncière »135.
143Enfin il préconise un système de péréquation financière entre communes plus et moins riches.
144Une « majorité municipale » selon sa propre expression qui va de François Latour à lui-même souligne la nécessité d'un financement du projet régional par une taxe sur la plus-value des immeubles qui bénéficient de l'extension136 ; cette proposition unit Le Redressement français, François Latour, Henri Sellier, André Morizet ; elle préconise une action dirigeante unifiée et met en cause le Conseil Municipal de Paris pour son action émiettée, protectionniste, ne tenant compte ni des intérêts d'ensemble de Paris ni a fortiori de ceux du « Grand Paris ».
145Entre droite et gauche cependant si l'on trouve des points de rencontre sur cette question de l'unité nécessaire de gestion et de décision régionale, mise en cause par l'action particulariste du conseiller municipal qui travaille pour son intérêt, son quartier et non pour le bien public, il faut cependant faire ressortir que l'unification appelée par les vœux de la droite est bien plus autoritaire, dirigiste...
146Derrière la question de l'unité souhaitée pour la région parisienne on peut retrouver les débats des années 1930, les préoccupations devant la diversité, la multiplicité induite par les grands nombres, les grandes masses ; dans un monde dominé par les U.S.A. et l'U.R.S.S., on recherche des solutions, on tente de penser une voie de réformes qui permettent de maintenir Paris, la France à un niveau d'égalité.
147Dans les milieux de l'aménagement de Paris deux groupes de réformateurs se révèlent particulièrement intéressants : l'un est le groupe qui va mettre sur pied le premier plan d'aménagement régional. On y trouve Raoul Dautry, Henri Prost, Louis Dausset... Ce groupe est d'inspiration Lyauteysienne. Il applique à Paris des méthodes d'organisation acquises dans l'aménagement rationnel du réseau ferré, dans l'entreprise coloniale, dans un certain esprit missionnaire. Nous l'avons déjà vu œuvrer pour l'Exposition Coloniale de 1931, présent, sans être au centre dans les journées de février 1934.
148Un autre groupe de réformateurs sociaux, proches de la gauche travaille quelquefois en collaboration avec le premier groupe, mais s'en distingue par son souci d'égalité et de justice sociale, par une volonté affirmée de démocratie dans la gestion.
149Le Parti communiste se maintient à l'écart de ces deux groupes. Il est en partie à l'origine des propositions de loi sur l'aménagement des lotissements défectueux par la campagne qu'il a lancée dès 1924. Mais il est aussi très actif dans la dénonciation du réformisme bourgeois où il renvoie dos à dos réformateurs de droite et réformateurs de gauche.
150Une nouvelle étape de l'aménagement de la région parisienne est représentée par le tracé du Plan général, auquel les plans communaux devront être subordonnés137. Ce Plan dit « Plan Prost-Dausset » couvre un rayon de 35 km autour de Notre-Dame, sera terminé le 14 mai 1934 et approuvé par un décret-loi du 22 juin 1939. Afin de lutter contre l'extension des lotissements, il prévoit des périmètres d'agglomération non affectés, où il est, sauf dérogation, interdit de construire. Il crée des réserves d'espaces libres publics et privés, un réseau d'autoroutes (privilégiées vis-à-vis des transports en commun138. Mais par une « anomalie inexplicable » (selon l'expression de Henri Lavedan) ce plan ne s'applique pas à la ville de Paris.
« Les auteurs du plan n'avaient pas à s'occuper de la ville, seulement de ses alentours.
L'erreur a été corrigée par les lois de 1941 et de 1943 qui ont réintégré Paris dans sa région en même temps qu'elles modifiaient les limites de celle-ci pour y englober toutes les localités d'où l'on vient chaque jour travailler à Paris ou à ses abords immédiats. La ville région parisienne comprend la totalité des départements de Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, plus quelques cantons de l'Oise, soit 1 300 communes au lieu de 600 et quelques 13 000 km2 »139.
151J. Bastié fournit l'explication suivante à cette exclusion :
« Celle-ci entièrement urbanisée et équipée, à part quelques îlots insalubres, ne paraissait plus poser de problèmes à l'époque. Par ailleurs, la représentation de chacun des 80 quartiers par un conseiller municipal jouissant d'une sorte de droit de veto sur les problèmes de son quartier a pu être un facteur paralysant »140.
152Notre étude a souligné l'importance de la césure entre Paris et sa banlieue. Il semble particulièrement significatif que le premier plan d'aménagement régional du « Grand Paris » maintienne Paris dans une position à l'écart. Doit-on y voir une victoire des partisans du repli vis-à-vis de l'ouverture ? C'est probable...
153La force du modèle centralisé mis à mal par l'afflux des provinces, des étrangers à Paris qui change littéralement d'échelle apparaît au travers des différents aspects analysés dans ce chapitre. L'espace urbain privilégie la disposition concentrique, les aménagements urbains de l'entre-deux-guerres sont modelés par les « ceintures ». L'ouverture de l'espace s'associe à la modernité. Mais cette ouverture débouche sur l'inconnu. Les intellectuels se tournent vers les urbanistes qui eux-mêmes s'adressent aux politiques.
154L'ensemble des points nodaux de la politique de Vichy sont au cœur de ce débat sur Paris dans les années 30 : il y est question de tradition et de modernité, d'équilibre entre ville et campagne, de retour à la terre, de renaissance des provinces, des régions. Mais les liens ne sont pas mécanistes. Vichy choisit la tradition mais peut s'entourer un temps de modernistes comme Le Corbusier.
155Il serait certainement intéressant d'étudier les trajectoires d'hommes comme René Bousquet, Raphaël Alibert qui ont joué un rôle dans la constitution du « Comité Supérieur d'Aménagement de la Région Parisienne » et qui sont appelés à des tâches importantes sous le régime de Vichy.
156La question centrale posée par cette partie de notre travail sur « l'avenir de Paris » semble bien être la question de l'équilibre entre la tradition de Paris telle qu'elle s'inscrit dans l'espace (avec un centre géographique, une disposition concentrique, une extension) et les grandes initiatives d'urbanisme qui marquent à chaque étape l'orientation spatiale de la ville. Ces gestes d'urbanisme sont forcément politiques puisqu'ils arbitrent un conflit toujours présent entre l'ouest et l'est de la ville. La nature du pouvoir susceptible d'animer le plan nécessaire est un enjeu des années 1930 qui posent le problème du rôle de l'État en termes d'autorité, de maîtrise des technologies...
Notes de bas de page
1 Voir Histoire de la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, Dossiers Actualités, n° 63. La première Bibliothèque Publique de la capitale a été créée le 13 avril 1763, dans l'Hôtel de Lamoignon, rue Pavée. Transférée à l'Hôtel de Ville en 1817, elle fut incendiée sous la Commune. En 1872, l'érudit Jules Cousin met à la disposition de la ville ses collections personnelles sur l'Histoire de Paris. Ces collections sont installées en 1898 à l'Hôtel Le Pelletier de Saint-Fargeau, 29 rue de Sévigné à Paris.
Depuis 1865, Haussmann avait créé un Service des Travaux Historiques de la Ville de Paris.
2 Voir Henri Sellier, « La création de l'enseignement de l'urbanisme en France », in La Vie Urbaine, Paris, 1920, n° 5, p. 9.
3 Henri Sellier, « La création de l'enseignement de l'urbanisme en France », La Vie Urbaine, 1920, n° 5, p. 9.
4 Louis Bonnier est inspecteur général des services techniques d'Architecture et d'Esthétique de la Préfecture de la Seine.
5 Les enseignants sont Poète, Bonnier, membres de la Commission d'Extension de Paris, les architectes urbanistes Jaussely et Gréber, Bechmann et Fuster (de la section d'hygiène urbaine et rurale du Musée social), le juriste G. Jèze.
6 Henri Sellier (1883-1943) est maire de Suresnes. En 1921, il fait commencer la construction de la cité-jardin de Suresnes. En 1927 il devient président du Conseil Général de la Seine. Il est ministre de la Santé en 1936. Il refuse les pleins pouvoirs à Pétain en 1940 et est révoqué en 1941.
7 La Vie Urbaine, n° 1, 1919, page de couverture.
8 Yankel Fijalkow, Recueil exhaustif des articles, notes et chroniques, École d'Architecture de Nantes, février 1995.
9 La revue Urbanisme est patronnée par Lyautey, Calmette, Chardon, Risler, le général Bourgeois. Les membres du Comité Directeur sont Henri Prost et J. Royer.
10 Cité par J.-P. Gaudin, op. cit., p. 101.
11 Celle-ci succède à la « Ligue nationale contre le taudis » lancée en 1925 par Madame Georges Leygues et à laquelle appartenait Raoul Dautry.
12 Jean Giraudoux et Raoul Dautry, « Projets pour un manifeste », in Jean Giraudoux, Pleins pouvoirs, p. 14 :
« Mesuré par le temps qu'on met à le traverser, le territoire national est à peine plus grand que celui d'un canton d'autrefois ».
13 Ibid., p. 16.
14 Jean Giraudoux et Raoul Dautry, op. cit., p. 14-15.
15 La première réunion des C.I.A.M. se tient en 1928 en Suisse, au château de la Sarraz, canton de Vaud, d'après un programme élaboré à Paris.
16 « Déclaration de la Sarraz », 1928, cité par Le Corbusier, La Charte d'Athènes, 1941/1971, p. 119.
17 Le Corbusier (son nom était Charles-Edouard Jeanneret, 1887-1965) était originaire de la Chaux-de-Fonds (Suisse). Fils d'horloger-dessinateur de la Chaux-de-Fonds, il suit les cours de l'Ecole des Arts Décoratifs. Il vient à Paris pendant la première guerre mondiale, publie la revue L'Élan avec Apollinaire, Max Jacob, Picasso, crée le purisme. Le Corbusier devient français en 1930.
18 Œuvres de Le Corbusier publiées dans la période : Vers une architecture ; Urbanisme ; Précisions sur un état présent de l'architecture et de l'urbanisme ; La Ville Radieuse ; Quand les cathédrales étaient blanches ; Des canons, des munitions, Merci ! Des logis...
19 La revue Plans paraît entre janvier 1931 et 1933.
Le comité de rédaction de Plans comprend Jeanne Walter, Philippe Lamour, Henri Lagardelle, Le Corbusier, F. de Pierrefeu, le docteur Winter. La revue se compose de trois parties : doctrinale, artistique (avec F. Léger, Claude Autant-Lara, René Clair), politique (elle publie des articles sur le communisme et le fascisme). Elle repose sur la conviction de la naissance d'un monde nouveau dans lequel l'urbanisation joue un rôle essentiel. Elle se démarque très nettement du nazisme en 1933.
20 Son directeur est Eugène Rumler. Elle rend compte des événements architecturaux contemporains de façon assez institutionnelle.
21 Son comité de patronage comprend : Frantz Jourdain, A. Perret, H. Sauvage, Mallet-Stevens, C. Siclis, Roux-Spitz, Temporal, P. Chareau, Agache, A. Lurçat, Fischer, Hennequet, Pingusson, Guerekian, F. Jourdain.
22 L'Architecture d'Aujourd'hui, préface d'André Bloch, novembre 1930.
23 Marcel Poëte, « Les fonctions diverses des quartiers de Paris », in Congrès du Paris Nouveau organisé par Le Journal, sous la présidence de André Tardieu, président du conseil des ministres, ministère de l'Intérieur, Paris, 1930, p. 159.
24 Marcel Poëte, op. cit., p. 159.
25 Ibid., p. 159. M. Poëte intègre le rôle du milieu naturel, conditionné par le fleuve. L'orientation à l'ouest à l'origine vient selon lui de la situation du palais du souverain au Louvre.
26 Elles se trouvaient au « point d'aboutissement, à Paris, de la grande voie septentrionale de la croisée routière de cette ville et lorsque la rue Montmartre était le chemin des maraîchers approvisionnant les Halles de légumes, et la rue Montorgueil le chemin par lequel arrivait, à ces dernières le poisson de mer [...] » (ibid., p. 160).
27 Ibid.
28 Marcel Poëte, op. cit., p. 161.
29 Ibid., p. 161.
30 Ibid., p. 161.
31 Marcel Poëte, « Paris, son évolution créatrice », La Vie Urbaine, 1937, p. 195-220.
32 Marcel Poëte, « Paris... », op. cit., p. 204.
33 Marcel Poëte applique son analyse à l'évolution des Boulevards à Paris. Ceux-ci ont d'abord été un rempart, objet matériel exprimant une donnée psychologique : l'instinct guerrier inné chez l'homme. Puis leur transformation en promenade paisible en 1670 répond à un besoin immatériel, le goût de la promenade publique. Au xviiie siècle le boulevard du Temple est un lieu mondain propice aux amours charnelles. La première moitié du xixe siècle voit les boulevards se séparer en deux parties, le pôle populaire au boulevard du Temple, le pôle mondain au boulevard des Italiens. « L'ancien rempart est toujours la lice où le physique et le moral semblent s'opposer un instant, pour se mêler ensuite dans la confusion des sentiments de l'être humain [...] » (Marcel Poëte, op. cit., p. 214). Les remparts conservent donc une mémoire instinctuelle. Les barrières, les fortifications sont toujours des lieux de la guerre et du plaisir.
34 Le Corbusier, Urbanisme, 1925, p. 254-255.
35 Le Corbusier, La Ville Radieuse, p. 101-102.
Ces textes intitulés « Menace sur Paris » étaient déjà publiés dans Plans, n° 2, février 1931. Il désigne :
« Notre Dame : « Force dans l'acuité d'un équilibre audacieux » (La Ville Radieuse, p. 101).
36 « Sous le ciel noir de la nuit, du Palais-Bourbon, à ceux de Gabriel et à la Madeleine, des balustrades des Tuileries à l'Arc de l'Étoile, et au centre, l'Obélisque, les droites les plus pures, les plus raides, les plus tendues, se mettaient entre elles en harmonie. [...] », ibid.
« [...] ces coups de canons droits portés par Napoléon-Haussmann dans un résidu séculaire de ville vermoulue [...] », ibid.
« La Tour Eiffel, signe de Paris cher symbole au cœur de ceux qui pensent amoureusement à la métropole, du fond des pampas ou des steppes, ou du bled ou du Far-West [...] », ibid.
37 Louis Dausset, « Le Congrès du Paris Nouveau », in Les Cahiers de la République des Lettres, des Sciences et des Arts, Vers un Paris Nouveau, p. 55-56.
38 Louis Dausset, « A propos de l'aménagement de la Région Parisienne », Urbanisme n° hors-série, 1932, p. XIX.
39 Louis Lacroix, directeur de l'Union des Villes et Communes de France, « Les îlots insalubres de Paris », Urbanisme, 1932, p. 175-180.
40 La loi du 17 juin 1915 sur l'expropriation pour cause d'insalubrité publique n'empêche pas les indemnités d'expropriation d'être très élevées et bloque donc les procédures pour des raisons financières. On finit par déclarer salubres des immeubles insalubres afin de ne pas payer les montants d'expropriation.
Dans le quartier Clignancourt, cependant les problèmes ont été résolus : on a démoli l'îlot n° 9 et construit des « Habitations à Bon Marché de la Ville de Paris ».
41 Le Corbusier, « Le centre des grandes villes et le modernisme » (1923), in « Où en est l'urbanisme en France et à l'étranger », cité par M. Roncayolo et T. Paquot, Villes et civilisation urbaine, xviiie-xxe siècles, p. 256.
42 v. Ibid., p. 256.
43 Sur le discours de la « congestion » qui unit tous les courants de l'urbanisme, voir Thierry Bonzon, « La renaissance des cités : La première guerre mondiale et le discours sur la ville à Paris », in Les Cahiers de Fontenay, Idées de villes, villes idéales, E.N.S. Fontenay/Saint-Cloud, mars 1993, p. 158-159.
44 Le Corbusier, La Ville Radieuse, p. 212.
45 Marcel Poëte, « Les fonctions diverses des quartiers de Paris », op. cit., p. 162.
46 Le Corbusier, « Nécessités des plans et des entreprises », in Quand les cathédrales étaient blanches, p. 239-240.
47 Ibid., p. 240. Nous remarquerons ici que Le Corbusier place en 1934-1935 les dates de la perte de puissance parisienne selon une opinion comparable à celles des autres intellectuels évoqués dans le chapitre précédent.
48 Le Corbusier, « le centre des grandes villes et le modernisme », p. 257-258.
49 Voir Pierre Joly, Le Corbusier à Paris. Pierre Joly souligne l'importance des « images » des rendus ou des esquisses chez Le Corbusier. Celles-ci permettent toujours de suggérer un espace habité dans lequel domine la liberté de mouvement. Au contraire les photographies aériennes du centre de Paris réalisées par la Compagnie Française Aérienne révélaient une image congestionnée de Paris. Pierre Joly explique que les publications sur l'architecture du xixe siècle négligeaient de produire des images de l'habitation et Maurice Besset, Le Corbusier.
50 Le Corbusier, Urbanisme, op. cit., p. IV.
51 Ibid., p. 266.
52 La cité d'affaires comprend vingt gratte-ciel situés dans le vieux centre de Paris, de la Seine, à la gare de l'Est et de la place de la République à la rue du Louvre. Au-delà vers l'ouest s'étend la cité de résidence faite de lotissements à redents.
53 Cette idée sera développée dans le « Pavillon des Temps Nouveaux » de l'Exposition des Arts et Techniques de 1937. Il y explique (Le Corbusier, Des canons, des munitions, des logis S.V.P., p. 58) qu'on pourra dans un type de « Ville Radieuse » loger jusqu'à huit millions d'habitants, avec 12% de bâti et 88% de parcs. Il affirme qu'il « faut rentrer en ville », qu'« il est fou d'aller en banlieue d'équiper la banlieue, de consentir l'effroyable gaspillage des banlieues, d'imposer le martyre des banlieusards à deux millions d'habitants. IL FAUT RENTRER EN VILLE. Telle est la tendance et non pas celle de l'exode ».
54 Le Corbusier, Urbanisme, 1925, p. 88 : « [...] Je pense [...] bien froidement qu'il faut arriver à cette idée de démolir le centre des grandes villes et le rebâtir, et qu'il faut abolir la ceinture pouilleuse des banlieues, reporter celles-ci plus loin, et, à leur emplacement, constituer petit à petit, une zone de protection libre qui, au jour utile, donnera la liberté parfaite des mouvements et d'ici là permettra de constituer à prix bas un capital dont la valeur décuplera et même centuplera ».
55 Je reprends ici très largement Pierre Joly, op. cit., p. 124.
56 André Morizet, Du vieux Paris au Paris Moderne, p. 349.
57 Le Corbusier, Urbanisme, p. 272.
58 Selon Françoise Choay (F. Choay, L'allégorie du patrimoine, p. 150.), les C.I.A.M. refusent la notion de ville historique ou muséale. Ils proposent de raser le tissu des vieux quartiers urbains et conservent quelques monuments hétérogènes selon, dit F. Choay, un inventaire qui annonce la conception médiatique des monuments-signaux.
59 Voir Jean-Louis Cohen, Scènes de la vie future. L'architecture européenne et la tentation de l'Amérique, 1893-1960.
60 Léonard Rosenthal, « La transformation de la Porte Maillot » in Société du Salon d'Automne, Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, gravure, Paris, 1931, cité par Jean-Louis Cohen, op. cit., p. 136.
61 La description précise est donnée par Jean-Louis Cohen, op. cit., p. 136.
62 bid., p. 136.
63 « Concours pour l'aménagement de la Porte Maillot », in L'Architecture d'Aujourd'hui, n° 9, décembre 1931-janvier 1932.
64 Le Corbusier, Quand les cathédrales étaient blanches, p. 106.
65 Ibid., p. 125.
66 La villa la Roche, 10 square du Docteur Blanche (Paris, 16e) est le siège de la Fondation Le Corbusier. La villa qui est une maison pour un collectionneur, permet une promenade architecturale. Elle comprend une galerie de peinture, une bibliothèque, un garage, une chambre, un toit-terrasse. Les meubles sont en bois et en métal.
67 La villa Savoye, 82 chemin de Villiers (78300 Poissy (, a été réalisée entre 1929 et 1931 à la demande d'une famille riche, mécène, qui souhaitait une résidence d'été. Elle a une forme de carré, est bâtie sur pilotis. On y accède par l'automobile que l'on range ensuite dans son garage. La circulation intérieure y est aisée et se fait par des rampes. Le soleil pénètre la maison qui dispose d'une terrasse abritée et d'un toit-terrasse. Le souci d'hygiène et de fonctionnalité est manifeste dans les nombreux éléments ergonomiques de salle de bains, les nombreux placards, les portes coulissantes. La maison permet d'illustrer cinq points de l'architecture nouvelle : les pilotis, le plan libre, le toit-terrase, la façade libre, les fenêtres en bandeau.
La maison souffrit cependant de nombreuses défaillances techniques qui empêchèrent son occupation quotidienne.
68 Les logements du 24 rue Nungesser et Coli (Paris, 16e) ont une « façade en pan de verre qui donne une paroi d'isolation totale ». Les appartements sont en plan libre : ils sont livrés sans cloisons intérieures, hormis les blocs cuisine et salles de bains.
69 Le pavillon suisse, 7 boulevard Jourdan, est réalisé à la demande du Comité des universités helvétiques. Le bâtiment donne sur le terrain encore libre des anciennes fortifications. Le bâtiment du logement présente ses quatre niveaux face au soleil. Les logements sont des «cellules» vitrées et standardisés. La boîte métallique porteuse repose sur un plateau de béton armé qui la détache du sol grâce à ses pilotis. La structure métallique reçoit les cellules puis est close par les murs-rideaux de métal et de verre qui sont la principale innovation.
70 Le Refuge de l'Armée du Salut, 12 rue Cantagrel, est pour Le Corbusier, le « premier bâtiment d'habitation entièrement hermétiques. Il dispose d'un système de ventilation intérieure assuré », système de ventilation qui se révéla défectueux.
71 Voir Hervé Martin, Guide de l'architecture moderne, 1900-1990, préfacé par Christian de Portzamparc.
72 La maison de verre se situe 31 rue Saint-Guillaume, (Paris, 7e). Nous avons pu la visiter grâce à l'Association des Amis de la maison de verre. La maison a été réalisée par l'architecte-décorateur Pierre Chareau, à la demande du Docteur Dalsace, mécène, promoteur du Planning Familial. Elle n'utilise que des matériaux standardisés. Sa façade est en pavés de verre, ce qui permet un éclairage nocturne par l'extérieur de la maison. L'espace est organisé sur trois niveaux entre lesquels on circule : le rez-de-chaussée est le niveau public, avec le cabinet du gynécologue. Le premier est semi-public : on y trouve le salon où se tenaient des réunions du Tout-Paris artistique, la bibliothèque. Le deuxième est totalement privé, et comporte même des escaliers escamotables. L'ensemble permet une circulation intérieure, une grande fonctionnalité (grâce à de nombreux placards aux cloisons pivotantes). Plusieurs salles de bain démontrent un souci hygiéniste. La maison est décorée avec des meubles conçus par Pierre Chareau.
73 Ceci permet d'expliquer son travail dans la revue Plans et sa participation aux séances du Redressement Français.
74 Le Corbusier, « On demande un Colbert », in Vers un Paris Nouveau, p. 79-89.
75 Le Corbusier, op. cit., p. 82.
76 Le Corbusier, « Nécessité des plans et des entreprises », in Quand les cathédrales étaient blanches, p. 238.
77 Maurice Besset, Qui était Le Corbusier ?, p. 164.
78 L'étude la plus complète est celle de Madeleine Fernandez-Leveau, La dernière enceinte de Paris. 1870-1940, Thèse de 3ème cycle sous la direction de Michelle Perrot, Université Paris 7, 1983. Elle est poursuivie par Jean-Louis Cohen et André Lortie, Des fortifs au perif. Paris, les seuils de la ville.
79 Jean-Jacques Brousson, « La mort des « fortifs » », in Vers un Paris nouveau, p. 90- 101.
80 François Loyer, Paris xix siècle, l'immeuble et la rue, p. 313.
81 Madeleine Fernandez-Leveau, op. cit., p. 283.
82 Louis Dausset (1866-1940) est conseiller municipal de Paris depuis le 8 mai 1900. Président du conseil municipal en 1901, rapporteur général du Budget de la ville de Paris en 1908, Président du conseil général de la Seine en 1919. il est en 1928 le premier président du Comité supérieur d'Aménagement de la Région Parisienne.
83 La « Ligue pour les espaces libres, l'assainissement et les sports » est présidée par Paul Doumer. Elle rassemble 146 membres, médecins, avocats, présidents de fédérations sportives... Son siège se trouve 7 rue Scribe, (Paris, 9e). Hénard affirmera que la Ligue soutient le projet Dausset car sa principale qualité est d'empêcher les zoniers de construire.
84 Eugène Hénard écrit dans Les espaces libres et les fortifications. Le projet Dausset et le projet du musée social : « Quel est donc le rôle hygiénique d'un jardin ou d'un parc à l'intérieur d'une ville ? C'est une surface libre de toute construction, où le sol naturel est couvert de gazons, de fleurs et d'arbres. C'est un morceau de terrain aménagé comme un morceau de campagne, plus aéré, plus ensoleillé qu'une place publique, dans lequel la végétation épure et bonifie l'air qu'on y respire où les vents et les brises renouvellent cet air plus rapidement et plus complètement que dans une enceinte entourée de bâtisses, où les massifs de feuillages arrêtent et filtrent les poussières malsaines et les germes contagieux. Mais il n'y a rien là de comparable à une sorte de gazomètre où l'on viendrait puiser l'air comme on puise le gaz d'éclairage », cité par Madeleine Fernandez-Leveau, op. cit., p. 299.
85 Jules Romains, op. cit., vol. I, p. XXV.
86 Ibid., vol. I, Le 6 octobre, p. 111.
87 Marcel Roncayolo, « Durée et morphologie dans l'explication du paysage urbain », in Augustin Berque, La qualité de la ville, Urbanité française, urbanité nippone, p. 83.
88 Roland Barthes, L'empire des signes, p. 43-46, cité par Pierre Ansay et René Schoonbrodt, Penser la ville.
89 Roland Barthes, op. cit.
90 Je suis ici les travaux de Jean-Louis Dufour et Maurice Vaïsse, La guerre au xxe siècle, p. 125.
91 La Ville paiera à l'État une somme de 100 millions de francs qu'elle acquittera en partie avec le montant de la vente des terrains de l'enceinte dans sa partie occidentale qu'elle nomme dans les publicités de vente : « les perles de sa ceinture ».
92 En 1926, on compte encore dans la zone 40 000 habitants et 13 000 constructions. En 1939, il y a encore 25 000 habitants et 10 000 constructions.
93 Marie-Jeanne Dumont, op. cit., p. 129.
94 Robert Brasillach, Notre avant-guerre. Il note dans ses Mémoires qui couvrent la période 1925-1939, « Le grand tort de ceux qui l'ont imaginée sur le modèle évident des Universités américaines est de n'avoir pas compris qu'une ville universitaire ne se conçoit point sans la proximité du travail. L'animation, la fiévreuse joie, qui emplit depuis des siècles le Quartier Latin, ne vient pas du confort plus ou moins grand des salles de cours, des restaurants et des chambres. Elle vient de la présence continue des étudiants. Ils peuvent descendre dans la paille de la rue du Fouarre, pour écouter Abélard ou Albert-le-Grand, ils peuvent quitter les pentes de la rue Tournefort et la mansarde de Rastignac dans la pension Vauquer, ils n'ont que quelques pas à faire pour écouter leurs maîtres, leurs amies, leurs travaux et leurs plaisirs ». Brasillach nous fait un tableau tout à fait synthétique des vertus de la centralité.
95 Jean Giraudoux, Pleins Pouvoirs, p. 190.
96 Le Corbusier, Des canons, des munitions, Merci ! des logis, p. 51.
97 Pierre Nora, Les lieux de mémoire, préface.
98 Léon Daudet, op. cit., p. 1172.
99 Eugène Dabit, « Atmosphère de Paris », in Ville Lumière, Paris La Dilettante, p. 20.
100 Albert Guérard, op. cit., p. 116-117.
101 Voir Administration de l'Octroi. Manuel de l'employé, Paris, 1933. Les taxes sont délibérées par le conseil municipal. L'octroi est administré sous l'autorité immédiate du Préfet de la Seine. En 1931, François Latour, président du Conseil Municipal estime que l'octroi représente 17% des recettes du conseil municipal (Procès verbal du Conseil municipal, 21 décembre 1931).
102 Jacques Girault, Sur l'implantation du Parti communiste français dans l'entre-deux-guerres, p. 62.
103 André Siegfried, Tableau des partis en France, p. 168-169.
104 Daniel Halévy, Pays parisiens, p. 153.
105 Annie Fourcaut, Bobigny, banlieue rouge, p. 45 : « Les analyses insistent sur la concentration des entreprises, accélérée depuis les lendemains de la guerre, et particulièrement nette dans la métallurgie, l'automobile, la chimie, le textile, l'alimentation. L'afflux des ouvriers dans les grandes usines crée la « banlieue rouge », analysée d'abord comme une conséquence de l'industrialisation du pays ».
106 « Paris et sa banlieue, entretien avec André Morizet », in « Vers un Paris Nouveau », Cahiers de la République des lettres, des sciences et des Arts, p. 61.
André Morizet a été membre du Parti Communiste, il le quitte en 1923, devient membre de l'Union socialiste-communiste, est élu sénateur socialiste-communiste de la Seine en 1927 et rejoint la SFIO en 1928.
107 André Morizet, Du Paris ancien au Paris moderne..., p. 356.
108 « Paris et sa banlieue, entretien avec André Morizet », op. cit.
109 Henry Puget, Vers un Paris Nouveau, p. 20.
110 Ibid., p. 20.
111 Henri Sellier, conseiller général de la Seine, Les banlieues urbaines et la réorganisation administrative du département de la Seine, préface d'Albert Thomas.
112 Sur ces problèmes du régime légal du département de la Seine, voir M. Félix, Le régime administratif du département de la Seine et de la Ville de Paris.
La loi du 29 mai 1925 porte à 120 membres le nombre des élus du Conseil général de la Seine, 80 élus du Conseil municipal de Paris et 40 représentants des cantons suburbains. La loi du 10 avril 1935 passe à 140 membres pour le conseil général de la Seine, dont 90 membres pour le conseil municipal de Paris et 50 membres pour les représentants des cantons suburbains.
« Peut-on indéfiniment admettre que les 3 332 habitants de Gaillon ou les 5 003 de Saint-Germain l'Auxerrois nomment un conseiller au même titre que les 106 000 des Grandes-Carrières ou les 112 000 de Clignancourt » demande André Morizet (op. cit., p. 376).
113 André Morizet, op. cit., p. 392.
114 La Loi Sarraut prévoit qu'il sera institué dans chaque département une Caisse départementale d'aménagement des lotissements dont la création a été entreprise avant juillet 1924. Cette caisse consentira aux associations syndicales autorisées des avances destinées à assurer l'exécution des travaux nécessaires pour placer ces lotissements dans les mêmes conditions de viabilité, d'assainissement et d'hygiène que les agglomérations voisines de même importance. L'État, dit Sarraut, reconnaît ses responsabilités.
La Loi Loucheur (13 juillet 1928) prévoit un programme de 200 000 logements ou maisons individuelles entre 1929 et 1933 et 60 000 logements à loyers moyens. L'idée maîtresse de la Loi Loucheur est de favoriser l'accession à la propriété par des facilités ou avantages nouveaux accordés soit aux organismes constructeurs, soit aux particuliers emprunteurs. L'État consent des avances et des prêts à un taux très réduit - 2 % pour les H.B.M., 4 % pour les H.L.M. - et à concurrence de 80 % ou même 90 % du prix de revient des immeubles.
Le premier objectif de la loi est l'encouragement à l'accession à la petite propriété et l'encouragement à la rénovation, l'assainissement et la construction de l'habitat rural.
115 Chambre des députés, 2 février 1928.
116 Cité par Martine Morel, « Des lois pour une agglomération en crise », in Cahiers de l'IHTP, n° 12, octobre 1989.
117 Voir Fonds Félix, D61Z, carton n° 3 ; études sur l'aménagement de l'agglomération parisienne.
118 En 1933, René Bousquet sera secrétaire général adjoint puis secrétaire général du Comité supérieur de l'Aménagement et de l'Organisation...
J.-P. Husson, p. 297, in J.-P. Azéma, F. Bedarida, Vichy et les Français.
119 Louis Dausset explique dans Le Journal, le 4 décembre 1929 : « Le plus Grand Paris ne veut pas dire du tout Paris de plus en plus grand ».
120 Raymond Poincaré, Président du Conseil, écrit dans une lettre au Ministre de l'Intérieur accompagnant l'envoi du projet de décret du 24 mars 1928 : « L'aménagement de la région parisienne exige plus que jamais un plan d'ensemble qui devait être limité à la population actuelle car si la population parisienne augmente encore il en résulterait un grand danger social et la situation pourrait devenir irréparable ».
121 A. Guérard, op. cit.
122 Vers un Paris nouveau, voir précédemment.
123 Ce livre distingue trois parties :
lère partie - Les embellissements de Paris de 1800 à 1853.
2ème partie - Haussmann et la transformation de Paris (1853-1870).
3ème partie -Vers le Grand Paris qui se divise en deux chapitres : 1. Depuis... la liquidation d'Haussmann (1870-1929). 2. Maintenant... La région parisienne. Morizet analyse en praticien les problèmes de l'agglomération des sept millions d'habitants, les difficultés à résoudre en matière d'habitation, de transports, de finances, d'administration.
124 Congrès du Paris Nouveau, organisé par Le Journal, sous la présidence de Tardieu, président du Conseil des Ministres, 16-20 juin 1930.
125 Vers un Paris Nouveau, op. cit., p. 36.
126 André Morizet, op. cit., p. 258.
127 Ernest Mercier déclare, le 15 janvier 1929 à l'Assemblée Générale du « Redressement Français » : « Il faut...noter qu'aujourd'hui dans le monde entier, se joue une partie suprême entre les forces de folie et celles de la raison, et que suivant son issue, l'évolution démocratique fatale des sociétés s'effectuera dans l'ordre et le progrès, ou, au contraire s'achèvera dans l'anarchie et la barbarie ».
128 Ce dernier ne doit pas pour autant être assimilé à la droite extrême. En 1931, il est membre du comité de la rédaction de la revue Plans qui après avoir regardé du côté du socialisme national, se démarque clairement des régimes fascistes. Mais le personnage de Le Corbusier est complexe.
129 Le Corbusier, Tony Garnier, Auguste Perret, Henri Sauvage... exposent leurs théories dans le Supplément au Bulletin du Redressement français du 15 Janvier 1929.
130 Ernest Mercier, in La Région Parisienne, 1-15 novembre 1929.
131 Le Redressement français, 1er avril 1930. Au même moment la Chambre examine le projet de loi d'aménagement qu'elle vote le 20 juin 1930.
132 Raphaël Alibert, Le Redressement Français, 1er avril 1930.
133 André Morizet, op. cit., p. 375.
134 Il se rapproche ici des positions des non-conformistes.
135 André Morizet, op. cit., p. 358.
136 Ibid., p. 387.
137 Ceci entraînera l'opposition de certaines communes de banlieue qui craignent la mainmise parisienne sur leur gestion.
138 Jean Bastié, Géographie du Grand Paris, p. 180.
139 Pierre Lavedan, « Paris et l'urbanisme », in Portrait de Paris par Jules Romains de l'Académie Française.
140 J. Bastié, op. cit., p. 180. Voir aussi Jean Bastié, La croissance de la banlieue parisienne, p. 327.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Métro, dépôts, réseaux
Territoires et personnels des transports parisiens au XXe siècle
Noëlle Gérôme et Michel Margairaz (dir.)
2002
Policiers dans la ville
La construction d’un ordre public à Paris (1854-1914)
Quentin Deluermoz
2012
Maurice Agulhon
Aux carrefours de l’histoire vagabonde
Christophe Charle et Jacqueline Lalouette (dir.)
2017
Autonomie, autonomies
René Rémond et la politique universitaire en France aux lendemains de Mai 68
Charles Mercier
2015