Introduction
p. 11-17
Texte intégral
1« Chaque époque invente sa Rome, son Athènes », affirme Fustel de Coulanges.
2L’étude que nous présentons se donne pour objet « Paris dans l’imaginaire national », de l’entre-deux-guerres. L’importance de Paris dans l’imaginaire français n’est pas à démontrer. Chacun peut tenter de se représenter la Capitale séculaire, la ville des Révolutions du xixe siècle, véritable aimant pour les migrants provinciaux et étrangers du xixe siècle, la fascination exercée par la Ville-Lumière, ville de l’innovation, des Expositions Internationales et de la culture. « Paris 1900 », parée de qualificatifs élogieux semblait avoir atteint une sorte de faîte.
3Notre propos est d’étudier ce que « Paris » représente, ce qu’il est, ce qui fait Paris, son rôle, ses fonctions dans un contexte précis, l’entre-deux-guerres dominé par le traumatisme de la Grande Guerre, les mutations qu’elle a entraînées, l’urbanisation de la France, les crises des années 30, les perspectives ouvertes par le Front populaire.
4Il s’agit pour nous de croiser plusieurs regards portés sur « Paris » comme capitale de la France, au rayonnement mondial, devenue une catégorie de la civilisation, un mythe auquel adhèrent les élites comme les simples gens, les provinciaux comme les étrangers. Le but de l’étude est de mettre en évidence les représentations, les images de Paris qui s’expriment, se lisent au travers des événements politiques, culturels, dans les faits sociaux, qui se révèlent dans les écrits et l’imagerie de ceux qui prennent Paris pour sujet, de tous ceux qui avancent avec beaucoup de certitudes que « Ça, c’est Paris ! » , semblant suggérer une définition, un contenu précis et global, le même pour tous.
5Pourtant nous savons la dualité politique, nous connaissons les contradictions inscrites dans la ville, celle entre Paris nationaliste et Paris républicain, entre l’est et l’ouest, entre Paris et les banlieues, entre la ville du passé et celle qui tente de naître. Il nous faut comprendre comment se disent, se représentent à la fois cette unité mise à mal et ces antinomies.
6Paris représente la France, mais aussi s’oppose à la France dans le conflit entre Paris et la province, dans l’équilibre à trouver, à inventer entre Paris et les provinces, Paris et les régions. L’instabilité de la France dans cette période se traduit dans une modification des équilibres, des poids respectifs de Paris et des provinces, de Paris et du Monde.
7Les bornes chronologiques de ce sujet sont importantes. Nous partons de la fin de la première guerre mondiale. Paris se retrouve, victorieux et endeuillé. Il aborde une décennie marquée par les années folles, années trépidantes de vie, de création, années de mutation et de reconstruction. Le monde des banlieues est aux portes de Paris. Entre les principales capitales du monde, les communications s’accélèrent, les échanges politiques, économiques, culturels se multiplient. Paris envoie ses « ambassadeurs », ses messages partout à l’étranger. L’échange et l’émulation entre les grandes villes sont intenses.
81931 marque un tournant important dans l’histoire des villes et de la France. Nous entendons Fernand Braudel : « En France comme en Europe, la ville a longtemps, très longtemps, pesé moins lourd en hommes que les campagnes. Chez nous, jusqu’en 1931. N’oubliez pas cette date tardive, surtout si elle vous surprend. C’est un utile rappel à l’ordre »1.
9A partir de 1931 la crise économique mondiale se traduit par l’arrêt du développement de l’agglomération parisienne, le chômage, les départs des étrangers sans travail alors que continuent d’arriver les exilés des dictatures.
101928-1934, ce qui domine c’est le constat d’un énorme changement. Paris était encore en 1919 une ville de vingt arrondissements, abritée par ses fortifications. Autour de 1930, Paris s’ouvre sur ses banlieues qui se disposent plus loin que l’ancien département de la Seine, dans une région parisienne qui rassemble 7 millions d’habitants. Paris était une ville que l’on traversait à pied. Elle est devenue une ville où l’on circule en auto, en métro ; on n’habite plus près de son lieu de travail. L’espace parisien marqué par la séparation entre rive droite et rive gauche, rattachées par des ponts, par l’opposition politique et sociale entre l’est et l’ouest s’unifie, se fond grâce au métropolitain.
11La ville poursuit sa croissance, elle s’étend, se déploie le long des voies ferrées, dans un « Grand Paris », un « Paris Nouveau » dont les contours suivant le dessin du réseau ferroviaire semblent tentaculaires.
12L’Exposition Coloniale de 1931 s’ouvre alors que la puissance de la France, donc de Paris semble mise en doute par la mondialisation, par la compétition internationale, par plusieurs crises dont « Paris » ressent les effets. La crise est politique en 1934 quand éclate l’affaire Stavisky : elle se manifeste dans un conflit entre la ville dominée par la droite politique incarnée par le Conseil Municipal de Paris et le Parlement dominé par la gauche modérée. La rue appartient à l’émeute. Les oppositions éclatent entre la droite et la gauche. En réaction, les quartiers de l’est, les banlieues rouges, les énergies républicaines françaises se liguent pour défendre la démocratie et la république contre les forces des manifestants du 6 février 1934.
13L’ère du Front Populaire, dominé par la question antifasciste, débouche sur d’autres problématiques. Paris retrouve, dans un contexte international difficile, à la fois sa vocation de capitale des droits de l’homme et sa capacité à entraîner la France dans la conquête des droits sociaux des travailleurs.
14La crise se traduit dans le domaine mental par la multiplication des interrogations sur ce qu’est « Paris », instrument de la puissance française, lieu vers lequel convergent les espoirs et les attentes de tous les migrants. On se demande quelle est la meilleure façon de continuer Paris, en conservant la richesse du passé tout en s’ouvrant aux exigences et aux questionnements du monde moderne. Les hommes de lettres traduisent ces préoccupations. Attachés au paysage parisien, à la ville de leur travail et de leurs plaisirs, ils sont traversés, quelquefois déchirés par ces transformations. Ils se tournent, comme l’ensemble de la société vers les urbanistes. Ceux-ci, recueillant l’héritage d’Haussmann semblent en effet avoir les moyens intellectuels et pratiques de penser l’extension de Paris, d’en faire une Capitale des Temps Modernes dans le respect du charme, des traditions et de l’esprit français. A leur tour les urbanistes cherchent l’appui des politiques et des gestionnaires pour mener une action qui contribue à créer le Paris de demain.
15L’historiographie parisienne est évidemment abondante, dominée, affirme Jean-Luc Pinol par la « prédominance de Paris dans la production publiée »2
16Notre recherche a trouvé un appui dans la synthèse de l’Histoire de la France Urbaine publiée en 1983 sous la direction de Georges Dubys3. Ce volume permettait de mettre en vis-à-vis plusieurs types d’approches de l’espace urbain, démographique, urbanistique, culturel, social, politique dans un cycle qui est celui de l’haussmannisation qui va d’environ 1840 à 1950.
17Entre 1984 et 1992 sont parus, sous la direction de Pierre Nora, les sept volumes des Lieux de mémoire qui se présentent comme une entreprise susceptible, au travers d’un inventaire des lieux matériels et immatériels qui font la France, de « cartographier notre géographie mentale », d’accéder à l’histoire de la France - et des France. Paris compte de nombreux lieux matériels, dans lesquels s’est incarnée la mémoire nationale, de l’Arc de Triomphe, aux Invalides, à Notre-Dame, à la Tour Eiffel, au Mur des Fédérés, à l’Exposition Coloniale.
18L’article « Paris », sous-titré « La traversée d’est en ouest » de Maurice Agulhon4 nous a conduit, à partir des lieux matériels dans l’analyse du marquage symbolique de l’espace parisien, espace bipolaire qui obéit à une logique d’opposition entre un ouest dont les monuments ont une signification militaire et napoléonienne (l’Arc de Triomphe, la place Vendôme, les Invalides), puis militaire et nationale (l’Arc de Triomphe, la statue de Clemenceau élevée en 1929 au Rond-Point des Champs-Elysées, les Invalides), et un est républicain et populaire marqué par les places de la Bastille, de la République, de la Nation, par les lieux du souvenir de la révolution.
19Dans ce paysage la Tour Eiffel comme « lieu de mémoire » joue un rôle particulier qu’il faut analyser. Elle est le seul monument républicain de l’ouest parisien. Construite en 1889 pour le centenaire de la Révolution, symbole du progrès, rejetée par des esthètes, elle est adoptée par le public. Elle est, au moment de sa construction le plus haut monument du monde, un monument moderne symbole du progrès. On oublie progressivement ses origines républicaines. La Tour Eiffel s’impose par son originalité, elle est devenue symbole de Paris, de la France, ambassadeur de la France à l’étranger.
20Les Lieux de mémoire de Pierre Nora nous ont donc invité à tenter un « arrêt sur images », à cartographier puis interpréter le paysage mental des Français de l’entre-deux-guerres. Nous avons essayé de faire une coupe dans la géographie de ce paysage, à une époque déterminée.
21Les travaux de Maurice Agulhon sur la représentation de Marianne, la République au combats5 puis au pouvoir6nous ont communiqué une volonté de travailler sur « Paris » comme espace, comme personne, homme ou femme, à la fois personnage physique, et catégorie abstraite.
22Il apparaît que l’image de Paris est porteuse de contradictions et de questions. Paris vote à droite depuis 1900 mais figure toujours la ville des Droits de l’Homme, la ville de l’Égalité, de l’accueil ce qui se traduit par l’opposition entre l’ouest et l’est, entre Paris et sa banlieue. Paris est la capitale très centralisatrice d’une France unie. Ce modèle est mis à mal par l’afflux d’une population étrangère à la ville, qui met en cause l’identité nationale des Parisiens. Paris unifie la France, pourtant c’est une ville bigarrée qui quelquefois s’oppose à la province, aux étrangers. Paris, personnifié, tour à tour au masculin ou au féminin, est paré d’attributs qui se complètent et s’opposent dans un mouvement dialectique.
23Il y a, d’autre part une dimension affective de « Paris dans l’imaginaire national ». Paris inspire des sentiments contradictoires qui vont de l’amour pour le pays, pour la femme, à l’attachement, au rejet d’une ville tentaculaire et destructrice. Là aussi s’exprime la dualité.
24Notre recherche relève d’un pari ambitieux : retrouver des images de Paris et des Parisiens dans un ensemble de corpus, comprendre comment elles se renvoient les unes aux autres, s’agrègent, se sédimentent, se reflètent mutuellement dans un contexte particulier qui est celui de l’entre-deux-guerres. Elle pose les problèmes spécifiques de toute étude des représentations, de sa corrélation spécifique aux autres dimensions politiques, économiques, sociales et culturelles. Elle oblige à s’interroger sur la place qui doit être faite aux discours et images véhiculés par les élites d’une société donnée. La période relativement courte couverte par cette étude encourage à retrouver dans cette combinaison d’images celles qui viendront s’ajouter à celles qui s’étaient créées dans la période précédente et dont Balzac, Hugo, Zola s’étaient faits les interprètes.
25Une des difficultés que nous avons rencontrées a été d’établir l’ensemble des sources à partir duquel se construirait notre travail. L’objet même, « Paris » renvoie à une telle abondance que la nécessité du tri s’impose. Nous avons donc travaillé à créer des sous-ensembles homogènes. Parmi ceux-ci on trouvera la collection aussi exhaustive que possible des guides de tourisme de l’entre-deux-guerres parus et consultables. Nous avons réuni, pour la période 1916-1939, les séries des guides de grandes collections (Guides Bleus, Guides Bœdeker, Guides Michelin, Guides Larousse, Guides Dent) ainsi que d’autres guides consacrés à des aspects spécifiques du tourisme parisien dans le « Vieux Paris », dans le Paris des Plaisirs, dans le Paris gastronome, dans le Tout-Paris... A travers ces guides nous avons pu accéder à une représentation des transformations de l’espace parisien, de la façon dont « Paris » se présente et est représenté à ses visiteurs français et étrangers, qui nous a permis d’établir une cartographie physique et spirituelle de Paris.
26L’étude des guides de tourisme et des sources imprimées consacrées aux Expositions Internationales de 1925, 1931, 1937 allait dans le même sens. Elle nous a de plus permis de rattacher l’image que Paris voulait donner de lui-même dans un contexte différent à chaque fois. Les Expositions sont des événements culturels fortement marqués par leur contexte politique. Elles apparaissent comme des événements de type international. Elles permettent donc de saisir à un moment particulier l’image dominante que Paris et la France entendent révéler. Leur caractère utopique permet de pénétrer dans le domaine de l’imaginaire de façon quasi physique puisque les Expositions construisent de toutes pièces des villes éphémères dont seulement certains éléments sont destinés à durer.
27Nous avons également réuni un ensemble d’écrits littéraires, d’essais dont Paris a été l’objet. Ici nous ne pouvons certainement pas viser l’exhaustivité. Cependant, nous avons travaillé à constituer un ensemble d’œuvres qui étaient déjà des ouvrages de référence dans l’époque étudiée. Nous avons voulu les classer en fonction des réseaux intellectuels, des groupes d’affinité qu’elles représentaient.
28La pensée des urbanistes a été étudiée à partir d’articles consacrés à Paris dans les revues d’urbanisme de la période, La Vie Urbaine, Urbanisme, L’Architecture d’Aujourd’hui, La Construction Moderne, la revue Plans. Nous avons travaillé sur l’œuvre de Le Corbusier. La visite des principaux sites réalisés dans Paris en fonction des principes évolutionnistes ou progressistes a été un utile complément.
29Dans l’imagerie parisienne nous avons fait un choix et nous avons privilégié la Tour Eiffel et les images de la Tour. Nous avons constitué des ensembles de peintures et de photographies. D’une part leur étude permet de mieux comprendre la signification symbolique de la Tour ; d’autre part les photographies sont souvent l’œuvre de photographes étrangers immigrés à Paris. Nous pouvons donc étudier leur regard sur cet objet et à travers lui sur Paris.
30Le dépouillement des procès-verbaux du Conseil Municipal de Paris, celui de l’abondante littérature administrative consacrée à Paris s’est révélé en partie décevant. Cependant nous avons pu percevoir au travers de cette production, l’émergence d’une pensée gestionnaire préoccupée de l’administration du Grand Paris.
31Notre étude s’organise en quatre parties :
32La première partie : « Paris et la France » se décompose en trois sous-parties, « Tableaux de Paris entre-deux-guerres », « La ville de la droite », « Le grand Paris ». Nous avons choisi des événements internationaux, politiques et culturels comme le défilé de la Victoire le 14 juillet 1919, la panthéonisation de Jean Jaurès (novembre 1924), les funérailles des maréchaux de la Grande Guerre (1929-1931), l’Exposition Coloniale Internationale de 1931 (mai à novembre 1931), les événements du 6 février 1934, qui nous ont permis d’étudier la corrélation entre l’image de Paris, de son peuple et l’image de la France. Nous avons pu remarquer comment les manifestations politiques et culturelles s’inscrivaient dans l’espace parisien qui est un espace à forte charge symbolique. A partir de là, nous nous sommes interrogés sur la perception politique de Paris en France et sur la place de Paris et de la France dans le monde, sur le vacillement de la puissance française et sur ses ressorts.
33La troisième sous-partie de « Paris et la France » nous a permis de mesurer le poids en France de l’agglomération parisienne qui draine vers elle une majorité de provinciaux et d’étrangers. Six millions d’habitants vivent dans l’agglomération parisienne en 1931 quand la France en compte 41,8 millions. Cette population est bigarrée. Il s’agit de comprendre quelles sont les raisons qui les ont conduit vers Paris, quelle est leur image de la capitale au départ, à l’arrivée et peut-être au retour. Cette partie reprend les questions posées en leur temps par Louis Chevalier qui affirmait que dans cette ville « l’unité de la personnalité parisienne » l’emportait sur la diversité7. Elle montre comment on passe d’une représentation de Paris face à la province à une représentation de Paris et des provinces. La présence des étrangers dans Paris confère à la ville une image qui prend tour à tour les formes de Babel, de Cosmopolis. Elle est à l’origine d’une vision de Paris que la droite française présente comme une ville menacée par l’immigration.
34La deuxième partie « Paris et le Monde » montre sous quelle apparence, sous quel visage Paris s’expose aux regards du monde. Cette partie de notre étude montre les outils par lesquels « Paris » propage son image dans le monde. C’est une approche des relations culturelles internationales.
35L’étude détaillée des guides de tourisme donne une vision « pratique » de l’espace Parisien, de sa croissance historique et des marques laissées par cette croissance dans l’espace. Elle montre comment se disposent le centre historique, le centre politique, l’est, l’ouest, la rive droite, la rive gauche, Paris, le grand Paris. Elle montre Paris, ville-femme, aux attributs, à la personnalité bien établie : ville du patrimoine, ville de la culture, ville de l’art, ville des plaisirs, ville du travail des métiers. L’étude fait apparaître des zones aveugles de l’espace parisien.
36Dans les Expositions internationales et universelles les autorités exposent autant Paris que l’exposition elle-même. L’Exposition des Arts Décoratifs et Industriels Modernes en 1925 est une exposition qui marque la fin des années folles, du luxe français, du bon goût. D’exposition en exposition, s’affirme le débat régionaliste qui met en évidence les questions nouvelles que pose la place de Paris en France et dans le monde. Les Expositions sont aussi le lieu d’expression des avant-gardes artistiques et de leur vision des Temps Nouveaux et de Paris, comme ville des avant-gardes et de l’art moderne.
37L’image que Paris donne de lui-même est une composante du sentiment national français. Dans la période que nous étudions, on rentre dans une civilisation qui est autant celle de l’écrit que de l’image. Paris semble narcissique, comme l’on dit des Français qu’ils sont un peuple narcissique. L’expansion du mythe parisien s’exprime dans les nombreux portraits de villes, représentations photographiques, images qui circulent sur Paris et que l’on ne se lasse pas de contempler et de voir. Les images de la Tour Eiffel sont innombrables et révélatrices. Ces images se répandent dans le monde.
38La troisième partie analyse le regard porté sur Paris par les hommes de lettres rassemblés en réseaux, en galaxies, en groupes d’affinité. Paris est pour eux une ville de travail, de recherches, de plaisir envers laquelle ils expriment des sentiments d’amour, de rejet. Ils appartiennent à la ville dont ils sont les citoyens et la décrivent au fil de leurs déplacements, de leurs marches. Les hommes de lettres créent des pôles culturels qui se déplacent dans la capitale en fonction des nécessités de l’époque. Le fait le plus notable est l’entrée de la banlieue dans le paysage intellectuel parisien symbolisé par l’écriture de Voyage au bout de la nuit de Céline8 en 1932. A côté de cette vision perturbatrice et violente, Le piéton de Paris de Léon-Paul Fargue9 révèle une approche marquée par une vision passéiste d’une ville de piétons.
39Les hommes de lettres viennent vers Paris, ville qui permet de prendre conscience de son identité, d’exprimer une quête profonde sur l’avenir du xxe siècle. Ils nous communiquent des lectures de la ville, des questionnements sur l’articulation dans Paris de l’entre-deux-guerres entre la ville de l’histoire et la ville de la modernité. Nous retrouvons les grands attributs de Paris tels qu’ils sont perçus dans le contexte des années folles puis des années de crise.
40Dans notre quatrième partie, « L’avenir de Paris », nous suivons les urbanistes à qui l’on demande de penser le Paris de demain, tout en tenant compte de l’héritage d’hier. Leurs théories représentent une projection dans le futur de Paris qui devient pour eux un exemple-type, un cas d’école. Les urbanistes articulent les différents temps de la ville, le passé, le présent, le futur dont ils savent repérer les strates historiques. Ils établissent un diagnostic sur l’état de la capitale. Confrontés à une demande sociale et politique, ils mettent en évidence la nécessité d’un plan organisateur du Grand Paris. La chute des fortifications libère un espace matériel et moral entre Paris et sa banlieue et confronte chacun à sa perception de l’ensemble Paris-banlieue. La question de l’unité nécessaire entre Paris et sa banlieue met en évidence l’émiettement de l’action menée par le Conseil Municipal de Paris attaché à d’étroits privilèges alors que la tâche qui se profile à l’horizon est la construction d’un ensemble régional adapté aux besoins de demain.
Notes de bas de page
1 Fernand Braudel, L’identité de la France. Les hommes et les choses, p. 185.
2 Jean-Luc Pinol, « L’histoire urbaine contemporaine en France », in Panoramas urbains, Situation de l’Histoire des Villes, Jean-Louis Biget, Jean-Claude Hervé coordonnateurs, pp. 209-235 : « comme au xixe siècle, des ouvrages qui se présentent comme des approches générales du phénomène urbain en France ne fondent leurs analyses que sur une documentation et sur une enquête qui ne prend en compte que la réalité de Paris ou de sa banlieue », p. 215.
3 Georges Duby, Histoire de la France Urbaine, vol. 4, La ville de l’âge industriel, dirigé par Maurice Agulhon. Les différentes parties sont rédigées par Maurice Agulhon, Françoise Choay, Maurice Crubellier, Yves Lequin, Marcel Roncayolo.
4 Maurice Agulhon, « Paris, la traversée d’est en ouest », in Lieux de Mémoire - III Les France. 3. De l’archive à l’emblème, pp. 869-909.
5 Maurice Agulhon, Marianne au Combat, L’imagerie et la symbolique républicaines de 1789 à 1880.
6 Maurice Agulhon, Marianne au pouvoir, L’imagerie et la symboliques républicaines de 1880 à 1914.
7 Louis Chevalier, Les Parisiens, p. 70-71 : « [...] Ramené à sa plus simple expression, mon propos sera que l’unité et la continuité de la personnalité parisienne, considérée dans la plupart de ses aspects, résultent beaucoup moins de l’influence des groupes sociaux entre lesquels la population se partage que de l’intensité de la vie collective, par l’intermédiaire de ces groupes ou, plus souvent encore, indépendamment d’eux. L’appartenance à un groupe social importe moins en cette ville que la participation de chaque individu et en tant qu’individu - dans les limites de son être et comme de plein fouet - à une existence globale qui le submerge, le bouleverse et l’entraîne au gré de ses déchaînements... L’unité de la personnalité parisienne est le caractère le plus important [...] ».
8 Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit.
9 Léon-Paul Fargue, Le piéton de Paris.
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