Les nouveaux martyrs des Byzantins
Pour une analyse de l’usage du terme néos dans l’hagiographie martyriale des viiie-ixe siècles
p. 215-236
Texte intégral
1Le terme de néomartyr est principalement utilisé aujourd’hui pour désigner des martyrs chrétiens du pouvoir ottoman ou plus largement des époques moderne et contemporaine. Son usage acte la création d’une nouvelle catégorie de saints, création qui établit une rupture dans la longue tradition de la sainteté martyriale ou, du moins, marque l’ouverture d’un temps nouveau dans cette tradition. La notion de néomartyr trahit une autre conception ou, plutôt, une conception spécifique de la sainteté martyriale ainsi qu’un autre rapport avec le temps, présent comme passé. Si cette notion n’est formalisée et systématisée qu’au tournant du Moyen Âge et de l’époque moderne, lorsque se mit en place un nouvel empire islamique, celui des Ottomans1, le motif du « nouveau » martyr apparaît néanmoins dès l’époque mésobyzantine, au ixe siècle, quoique de manière dispersée et fort discrète, faute d’avoir été employé systématiquement là où on l’attendrait et en raison d’une élaboration qui, à plusieurs reprises, a eu lieu hors du monde byzantin. Peut-on, dès cette époque, établir une distinction entre martyrs et néomartyrs et la considérer comme acquise2 ? Antonio Rigo, dans l’étude qu’il a consacrée aux martyrs chrétiens des musulmans des viie-xve siècles, pose comme fondement de son étude l’idée que tout néomartyr de l’époque byzantine est un martyr des autorités islamiques3. Sans mettre en cause la justesse de cette position, nous souhaitons plus particulièrement analyser la genèse de ce thème dans la littérature grecque élaborée dans et hors les frontières de l’empire. Celui-ci émerge, à défaut de s’imposer, au tournant des viiie et ixe siècles, au moment où l’Empire byzantin, tout en continuant d’être menacé et disputé par les troupes du califat, combat, au ixe siècle, à succès égal, contre les Arabes et où, à la faveur de la crise iconoclaste, la production hagiographique, puisant tant dans les modèles hérités de l’Antiquité que dans l’histoire du temps présent, valorise la dimension martyriale de la sainteté.
2Le motif du néomartyr (néomartys ou néos martys) est d’autant plus difficile à identifier que le martyre, dans son essence même, est conçu comme l’imitation et la réitération d’une passion antérieure. Dès les iie et iiie siècles, la littérature martyrologique a puisé ses modèles dans la Septante, en particulier dans les livres des Maccabées. Quant au culte chrétien des Maccabées, il s’est développé en même temps que celui des martyrs dans l’Empire du ive siècle4. Les « martyrs » juifs ont été compris et définis comme des précurseurs des martyrs chrétiens, pour reprendre les termes de Grégoire le Théologien dans son quinzième discours, un éloge des Maccabées : « Voici Eléazar, prémices de ceux qui sont morts avant le Christ, comme Étienne l’a été de ceux qui sont morts après le Christ »5. Grégoire résume son propos dans son exhortation finale :
Je souhaite en effet qu’il y ait des athlètes en toute circonstance et situation, pour les personnes de toute origine et tout âge, dans les attaques ouvertes et dans les embûches cachées. Je souhaite qu’on trouve du secours dans les récits anciens, qu’on en trouve dans les nouveaux, que partout on recueille comme les abeilles ce qui s’avère le plus utile à la fabrication d’un rayon de miel, afin que, par l’Ancien et le Nouveau Testament, Dieu soit honoré parmi nous […]6.
3Ainsi le culte des martyrs participe-t-il de l’articulation entre le temps d’avant la Révélation et celui d’après. La figure du martyr chrétien est construite dans la double référence au Christ et aux précurseurs vétérotestamentaires, dont les passions sont imitées, sinon reproduites. Comme dans tout discours hagiographique, la mise en rapport, explicite ou implicite, du martyr avec ses modèles ou précurseurs constitue l’armature du récit de la passion. Les martyrs agissent, par définition, à l’image du Christ, des « martyrs » de l’Ancien Testament, du protomartyr Étienne, voire, et simplement, de leurs prédécesseurs dans le temps7.
4Par exemple, le patriarche Méthode, dans sa Vie d’Euthyme de Sardes (BHG 2145), mort en exil en 831 des mauvais traitements qui lui furent infligés sur ordre de l’empereur Théophile, compare les martyrs des empereurs iconoclastes aux martyrs des empereurs païens, pour dénoncer le paradoxe de la persécution iconoclaste :
Dans les temps anciens (πάλαι), c’est en abusant les souverains païens par les idoles que le misérable fit périr le Christ et les martyrs du Christ, de nos jours (νῦν) c’est en égarant les insensés par le prétexte d’idolâtrie qu’il fait périr et persécute le Christ dans son image [ainsi que] ceux qui vénèrent le [Christ] en elle […]8.
5Le dispositif, comparatif et chronologique, sert d’argument contre les iconoclastes : autrefois les martyrs sont morts pour avoir refusé de vénérer les idoles, aujourd’hui ils meurent pour avoir prétendument vénéré les idoles. Lorsqu’il évoque cette fois la période qui précède le second iconoclasme, Méthode n’hésite pas à comparer le saint, exilé par l’empereur Nicéphore Ier pour avoir protégé une femme, aux apôtres Pierre et André, puis à le déclarer supérieur à Jean Chrysostome : « Mentionnerions-nous Chrysostome, notre héros ne lui cèderait en rien, encore que son disciple et son cadet par l’époque (κἂν μαθητεύῃ τούτῳ καὶ δευτερεύῃ χρονικῶς), si même à vrai dire il ne l’emportait pas quelque peu sur lui […]. »9 Ces deux comparaisons alimentent l’idée d’une continuité, ordonnée chronologiquement, comme le suggère l’emploi du verbe δευτερεύω, qui vise d’abord et avant tout à justifier le statut de confesseur d’Euthyme10.
6Ce référencement prend une autre forme dans la Vie anonyme de Michel le Syncelle, composée pendant le règne de Michel III (BHG 1296). Dédiée au syncelle du patriarche de Jérusalem, elle décrit le supplice infligé aux deux compagnons de ce dernier, deux moines palestiniens de la laure de Saint-Sabas, établis à Constantinople pendant le second iconoclasme. Si, de manière habituelle, ces confesseurs et compagnons de Michel, Théophane et Théodore, ne manquent pas d’être comparés à différentes figures de l’Ancien Testament ou de l’histoire de l’Église, ils le sont en des termes spécifiques : après que, sur ordre de l’empereur iconoclaste Théophile, des vers ont été inscrits sur leur visage, Michel les encourage, « eux qui se sont montrés comme d’authentiques habitants de la cité sainte de Jérusalem et comme des descendants (ἀπόγονοι) et des compatriotes (ὁμόχωροι) des trois saints enfants qui éteignirent la fournaise de Babylone et des sept autres enfants, je veux parler des Maccabées avec le vieillard Éléazar qui couvrirent de honte l’idolâtre Antiochos »11. La continuité entre les Maccabées et les martyrs de l’Église prend ici, entre autres, la forme d’une filiation.
De l’usage du terme néos dans l’hagiographie byzantine
7Dès lors que tout martyr est intrinsèquement et implicitement un nouveau martyr, il n’est pas sans difficulté de repérer l’introduction du motif qui nous intéresse. Aussi est-ce son explicitation, dans l’emploi du terme néos, qui sera retenue comme marqueur. Ce terme en effet commence à qualifier des martyrs à Byzance précisément au ixe siècle. Il semble que les hagiographes des martyrs des vie et viie siècles se soient abstenus de l’utiliser dans ce contexte (même si, bien sûr, il peut être employé dans un autre sens comme pour désigner un jeune homme). Il est absent, par exemple, des Passions d’Anastase le Perse12, comme du Martyre d’Aréthas et de ses compagnons (BHG 166), alors même que l’auteur de ce dernier, qui écrivit, sans doute, dans la seconde partie du règne de Justinien, établit maintes comparaisons entre les martyrs de Najran, mis à mort en 523, et leurs précurseurs vétérotestamentaires13. Dans la Vie de Golindouch, composée à l’extrême fin du vie siècle, seul Chosroès le Grand, le persécuteur de la martyre perse convertie au christianisme, est dit « nouveau Nabuchodonosor »14. Pour ancrer leur saint dans un contexte référentiel indispensable à la légitimation et à la description de la sainteté, les auteurs font usage de formules et d’une rhétorique diverses, comme le suggèrent les exemples extraits et précédemment cités de la Vie d’Euthyme de Sardes et de la Vie de Michel le Syncelle. L’importance de la synkrisis a été soulignée, ainsi que sa fonction, rattacher le saint à un type, souvent vétérotestamentaire, dont il est l’actualisation15. C’est dans ce cadre très général et banal que l’emploi du terme néos dans l’hagiographie mésobyzantine dédiée aux martyrs apparaît et doit être examiné et interprété.
8Le terme néos, traduit en français tantôt par « le jeune », tantôt par « le nouveau » (avec toutes les ambiguïtés du terme « nouveau »), qualifie des figures très diverses du sanctoral byzantin. Son usage est clair : de même que, lorsqu’il est appliqué à des empereurs, il sert à distinguer deux individus homonymes en établissant un ordre de succession (par exemple, Théodose Ier et Théodose II, dit le Jeune – ou le Petit), dans l’hagiographie, il crée un lien entre deux saints homonymes. Son emploi n’indique pas uniquement que l’un est postérieur à l’autre, il peut suggérer également que l’un se situe par rapport à l’autre, pris, sinon comme modèle, du moins comme référence. Ainsi, dès l’Antiquité, pour Mélanie la Jeune16 ou, à la période médiévale, pour Antoine le Jeune, présenté dans le prologue de sa Vie comme l’émule d’Antoine le Grand17.
9L’emploi du terme n’a pas pour seule fonction de situer, dans une relation ordonnée chronologiquement, deux individus. Comme l’a montré Paul Magdalino dans un autre contexte, lorsque Basile Ier désigne l’église qu’il a fondée au Palais comme étant la Néa, il entend marquer la supériorité de cette fondation par rapport aux autres églises qu’il a fait construire ou restaurer. L’historien souligne que le mot implique une comparaison entre deux termes, dont le second renouvelle, voire supplante le premier18. On retrouve cette même fonction de l’usage de néos dans la Vie de Basile le Jeune (BHG 263), où l’hagiographe n’hésite pas à écrire que Basile, même s’il est néos par l’ordre (taxis), a surpassé tous les saints d’autrefois par sa clairvoyance et sa prophétie :
À aucun des saints commémorés depuis des siècles et devenus célèbres par des miracles extraordinaires, notre père vraiment grand et théophore que nous commémorons, le très saint Basile, n’est inférieur, même s’il est appelé néos par [son] rang et [son] époque (εἰ καὶ τῇ τάξει καὶ τῷ χρόνῳ νέος ὠνόμασται), puisque le juste est apparu parmi nous en ces temps derniers… mais, pour parler avec audace, il a surpassé tous les saints d’antan par sa clairvoyance et sa prescience (ἐν διοράσει καὶ προγνώσει τοὺς πρώην πάντας ἁγίους ὑπερηκόντισε)19.
10L’auteur de la Vie suggère en outre que le terme néos peut mettre en relation (et en comparaison) deux individus qui ne sont pas homonymes, ce qui n’est pas sans rappeler en ce cas un autre emploi, bien connu, du mot, la désignation de Constantinople comme « nouvelle Rome »20 ou encore « nouvelle Jérusalem »21, ou celui de l’empereur byzantin comme « nouveau Constantin », une formulation privilégiée dans des moments de rupture et de restauration politique22.
11Ces deux usages courants du terme néos, qui sont loin d’être spécifiques à l’hagiographie, peuvent être résumés par les formules suivantes, dans lesquelles x est le saint : « x le Jeune », en référence à x l’Ancien, et « x le nouvel Untel »23. Ce deuxième mode de comparaison a été très utilisé par plusieurs hagiographes tardo-antiques24. Ainsi, Eustratios, dans la Vie qu’il consacra à Eutychios de Constantinople, à la fin du vie siècle, le qualifie de « nouveau Jacob », « nouveau Moïse » ou « nouveau Basile » et désigne Chosroès comme « le nouveau Nabuchodonosor »25. Dans la Vie de Daniel le Stylite, l’auteur, au tournant des ve et vie siècles, a pareillement recours à cet usage, pour qualifier et le saint et le persécuteur, tout en ne manquant pas de désigner Daniel, sous une forme voisine de « x le Jeune », comme « le nouveau Daniel »26.
Les martyrs de l’iconoclasme
12Ces deux usages sont introduits dans la Vie du seul martyr de la période mésobyzantine connu comme néos dans les textes proprement hagiographiques composés dans l’Empire. Il s’agit d’Étienne le Jeune, un martyr du premier iconoclasme, mort en 765 ou 767, lynché par la foule à Constantinople.
13Dans la Vie d’Étienne le Jeune composée au tout début du ixe siècle par un diacre nommé lui aussi Étienne, le terme est employé, pour désigner le saint, suivant les deux configurations attestées dans l’écriture hagiographique dès la fin de l’Antiquité, comme on l’a vu : Étienne le Jeune ou Étienne le nouvel Untel. Dit néos dans le titre et dans le prologue de sa Vie ancienne (BHG 1666), un passage interpolé27, le saint est comparé, implicitement, à son homonyme, le protomartyr. Il est encore comparé – en ce cas toute homonymie disparaît –, à plusieurs personnages vétérotestamentaires28, de même que sa mère l’est à Anne et Sarah, et le peuple des chrétiens, au peuple d’Israël29. Néanmoins la notion de néos y est surtout utilisée pour qualifier le contexte et les protagonistes de la persécution, et en particulier le persécuteur, suivant un schéma attesté de longue date30. Ainsi l’empereur iconoclaste, Léon III ou Constantin V, est-il désigné par les locutions suivantes31 :
Vie d’Étienne le Jeune, 9, p. 98, l. 14-15 : Λέων ὁ συρογενής, ὁ νέος Δοὴκ32 καὶ Ἰδουμαῖος
Ibid., 9, p. 98, l. 23 : ὁ νέος οὗτος Βαλτάσαρ
Ibid., 14, p. 106, l. 3-4 : ὁ ἀσεβὴς καὶ νέος Βαβυλώνιος
Ibid., 38, p. 137, l. 27-28 : ὁ νέος Ἰεβουσαῖος καὶ Ἀμαληκίτης
Ibid., 65, p. 166, l. 13 : ὁ νέος Βαβυλώνιος τύραννος
Ibid., 65, p. 167, l. 4 : ὁ νέος Ἡρώδης
Ibid., 75, p. 173, l. 26 : καὶ σὲ τύραννον καὶ νέον Ἰουλιανὸν κηρύττει
14Notons encore que les auxiliaires de l’empereur iconoclaste, comme les adjuvants du saint, sont qualifiés suivant le même trope. Ainsi de l’esclave qui a dénoncé le saint et sa maîtresse33 ou, à l’inverse, de la femme du geôlier qui porte secours à Étienne34. En revanche les nombreux martyrs qui sont signalés au fil de la Vie ne le sont pas35.
15La fonction de cet usage rhétorique, qui doit être analysé avec l’ensemble des nombreuses comparaisons introduites par l’hagiographe dans son récit36, est connue : authentifier le « nouveau », en faisant de lui l’accomplissement de la figure de référence. Il est donc intéressant de noter que l’auteur de la Vie d’Étienne le Jeune multiplie cette comparaison implicite d’abord et avant tout pour qualifier les persécuteurs. On sait en effet que la Vie a pour premier objet de dénoncer les empereurs iconoclastes et, plus précisément, dans le cas des comparaisons, de « tracer des limites irréductibles entre le camp des persécuteurs et celui des orthodoxes », pour reprendre les termes de l’analyse de Marie-France Auzépy37. Cet usage, qui vise à dénigrer et non à louer, on le retrouve chez les historiens, par exemple dans la Vie de Basile dans laquelle l’émir de Tarse est qualifié de « nouveau Sennachérib »38, ou dans d’autres textes hagiographiques. Dans la Vie de Théodora, Jean le Grammairien est qualifié de « nouvel Apollonios (de Tyane) »39. Dans son œuvre chronographique du début du ixe siècle40, Théophane n’emploie jamais le terme néos pour qualifier les martyrs de l’iconoclasme ou de l’Islam qu’il évoque à titre individuel ou collectif, sauf précisément Étienne le Jeune41, mais il l’introduit pour caractériser, négativement, un souverain, byzantin ou étranger : Constantin V est un « nouveau Midas », Nicéphore Ier, « nouvel Achab », Kroum, « nouveau Sennachérib »42. La Vie d’Étienne le Jeune se caractérise néanmoins par son usage intensif du terme, employé suivant les deux formules déjà bien attestées à la fin de l’Antiquité, sans doute parce qu’elle a été conçue comme un puissant outil de propagande, pour dénoncer l’iconoclasme et affaiblir l’autorité impériale, comme l’a montré Marie-France Auzépy.
16La Vie d’Étienne le Jeune est sans doute la seule de toutes les Vies et Passions dédiées aux martyrs de l’iconoclasme à pouvoir être caractérisée ainsi. En dépit de l’influence de celle-ci sur la production hagiographique contemporaine et postérieure43, le motif du « nouveau martyr » en est quasiment absent, qu’elle traite de la première ou de la seconde période. Aucune trace n’en a été trouvée dans les Actes des martyrs de la Chalkè, ni dans la Vie du patriarche Germain ni dans les Passions de Jean le Psichaïte, de Paul de Kaïoumas ou d’André in Krisei, ni dans les œuvres dédiées aux martyrs et confesseurs ultérieurs du second iconoclasme (Théophane, Euthyme de Sardes, Michel le Syncelle, les frères Graptoi). Seule la Vie d’Eustratios des Agaures (BHG 645) offre des exemples similaires aux usages de la Vie d’Étienne le Jeune : le persécuteur, Léon V cette fois, est dit « nouveau Doèk » ou « nouvel Achab », tandis que le saint est « le nouveau Moïse » ou « ce nouvel Élie »44. Quant à la Vie du patriarche Nicéphore (BHG 1335), elle en fait un usage très parcimonieux : Nicéphore est qualifié de « nouveau Moïse », lorsqu’en 814 il est confronté aux iconoclastes (désignés comme Iannès et Iambrès, du nom des magiciens de Pharaon)45. Pour dénoncer Léon V, l’hagiographe préfère expliciter les comparaisons avec les personnages vétérotestamentaires46.
17C’est même un autre terme qui peut avoir été retenu, celui de kainos, dans l’éloge composé par Théophane de Césarée à la fin du ixe siècle en l’honneur de Théodore Graptos (BHG 1745z). L’auteur y fait un usage très abondant de la comparaison, en particulier dans son épilogue47. Le terme néos y est d’ailleurs employé une fois, pour qualifier le saint, qui vient d’être ordonné, de « nouvel Aaron » – sa position de martyr n’est pas en jeu à ce moment du récit48. Dans la suite du texte, l’auteur lui préfère celui de kainos qu’il emploie pour désigner, non le confesseur lui-même, mais les persécuteurs (ainsi que Thomas le Slave, « nouveau Jéroboam »)49 ou encore le supplice infligé aux deux Graptoi50. Un peu avant, c’est le terme kainoteros dont il a fait usage pour qualifier la situation51. Le lexique choisi, qui est d’ailleurs repris dans la Vie de Théodore Graptos composée par Syméon Métaphraste au siècle suivant (BHG 1746)52, souligne, mieux que ne l’aurait suggéré le terme néos, le caractère inédit et exceptionnel de la persécution encourue par Théodore et Théophane.
Les martyrs byzantins des « païens » ou des « infidèles »
18Même dans la Vie d’Étienne le Jeune, l’usage du terme néos est limité aux deux formules précédemment notées (x le Jeune, par rapport à x l’Ancien, et x le nouvel Untel). Un troisième usage apparaît dans le cas d’un autre type de martyrs du Moyen Âge byzantin que les confesseurs de l’iconoclasme : les martyrs prisonniers et victimes des « païens » ou « des infidèles », pour avoir refusé d’apostasier. Dans deux dossiers, celui des martyrs de Bulgarie de 813 et celui des XLII martyrs d’Amorion, le terme de néos est employé seul, sans aucune référence (implicite ou explicite) à un homonyme. Il est en outre systématiquement antéposé par rapport au terme de martys53.
19Théodore Stoudite a célébré, au moins à deux reprises, la mémoire des martyrs de Bulgarie décédés en 813. Dans une acolouthie et dans l’une de ses petites catéchèses, il glorifie quatorze prisonniers byzantins qui, pour avoir refusé de consommer de la viande pendant le Carême, ont été mis à mort par les Bulgares54. Si, dans la catéchèse, intitulée « Récit sur les chrétiens tués en Bulgarie durant le saint carême à cause de la consommation de viande » (BHG 2264), l’higoumène se contente de signaler à ses frères en monachisme que Dieu, « dans cette génération (γενεά) aussi, fait connaître des martyrs »55, dans l’acolouthie qu’il leur consacre, il les désigne, dans la première ode, comme des « astres qui brillent nouvellement » (νεολαμπεῖς ἀστέρας) et, dans la neuvième et dernière, comme des « nouveaux martyrs du Christ » (νέοι χριστομάρτυρες γενόμενοι)56. Dans chacune de ces occurrences, il justifie l’emploi de ces termes par la comparaison avec les Maccabées, qu’il introduit explicitement. Il précise ainsi que, face aux Bulgares, ces martyrs ont combattu vaillamment à la manière des Maccabées57. La référence aux « martyrs » vétérotestamentaires58 s’imposait dans le contexte décrit par Théodore. Le thème est d’ailleurs développé dans la petite catéchèse : « Ils ont donc écouté les préceptes évangéliques, ils se sont ceint la tête de la couronne du martyre à l’imitation des saints Maccabées dont ils ont doublé le nombre, les Maccabées étant sept et ces derniers quatorze […] ». Par-delà le prétexte même du martyre (le respect d’un interdit alimentaire), Théodore ne fait donc que rappeler le schéma premier de la sainteté martyriale : ces prisonniers byzantins, qui acceptent la mort au nom du Christ, ne sont « nouveaux » que par référence aux Maccabées et aux trois Hébreux dans la fournaise, également évoqués dans les odes 7 et 8 du canon de Théodore Stoudite.
20Le terme de néos est également présent dans plusieurs textes composés en l’honneur des XLII martyrs d’Amorion, martyrs faits prisonniers par les Arabes en 838 dans la capitale de Phrygie et exécutés en 845 à Samarra, en Iraq, sur l’ordre des autorités islamiques. Son emploi est cependant cantonné à la littérature hymnographique consacrée à ces saints, les textes en prose ayant d’autres usages. Ont été conservés deux canons de Joseph l’Hymnographe, un canon, inédit, de Théophane Graptos, enfin un canon d’Ignace et deux idiomèles, réunis dans une même acolouthie. Dans l’un de ses deux canons, qu’il composa dans le troisième quart du ixe siècle, Joseph l’Hymnographe emploie de manière répétée le terme de néos59. En voici les occurrences :
Acrostiche, p. 99 : Νέοις ἀθληταῖς προσφέρω νέον κρότον. Ὁ Ἰωσήφ.
Ode 1, p. 99, l. 1 : Νέον προσοίσωμεν μέλος.
Ode 6, p. 103, l. 116 : Νέοι τε καὶ πρεσβῦται ἐκ διαφόρων ὁρμώμενοι πόλεων οἱ τεσσαράκοντα δύο μίαν γνώμην ἐσχήκασιν.
Ode 7, p. 106, l. 191-193 : Νέους μάρτυρας ὁ Χριστὸς ἔδειξεν ἡμῖν τοῖς ταπεινοῖς.
21Joseph ne fait, dans cette œuvre, aucune référence aux Maccabées ni aux trois Hébreux dans la fournaise, contrairement à Théodore Stoudite dans son canon dédié aux martyrs de Bulgarie et à l’inverse du deuxième canon qu’il composa en mémoire des XLII60. Dans ce dernier, en effet, Joseph n’emploie pas le terme de néos ; en revanche il y compare, dans la septième ode, les XLII aux trois Hébreux61.
22Enfin on retrouve le terme dans l’un des deux idiomèles tout juste mentionnés, un idiomèle dont on ignore la date de composition et mis sous le nom de Méthode :
Ἡ ἐκκλησία σήμερον
πανηγυρίζει, μυστικῶς
νέαν στολὴν ἐνδυσαμένη,
ὡς πορφύραν καὶ βύσσον,
τὰ αἵματα τῶν νέων ἀθλοφόρων.62
L’Église aujourd’hui
célèbre, ayant mystiquement
revêtu un nouvel habit,
comme de pourpre et de lin,
le sang des nouveaux athlètes.
23Notons encore que, dans les stichères qui précèdent, il est précisé que « les martyrs sont apparus dans les tout derniers temps » (Οἱ ἐν ἐσχάτοις καιροῖς ἀνα-φανέντες…), enfin que l’acolouthie est intitulée : « Les quarante-deux saints nouveaux martyrs d’Amorion, Théophile, Kallistos, Basoès et leurs compagnons » (τῶν ἁγίων μβ´ νέων μαρτύρων τῶν ἐν τῷ Ἀμορίῳ, Θεοφίλου, Καλλίστου, Βασόη καὶ τῶν σὺν αὐτοῖς)63.
24L’emploi du terme néos implique, par lui-même, une dimension comparative ou, du moins, référentielle, conformément à son usage, préalablement analysé, dans la titulature des saints. De la lecture des deux canons de Joseph, on pourrait conclure que le deuxième terme de la comparaison est vétérotestamentaire, en ce cas les trois jeunes Hébreux (et non les Maccabées comme dans le canon et la catéchèse de Théodore Stoudite), si ce n’est que Joseph, en omettant de préciser et d’identifier sa référence, modifie et altère ce schéma64. Remarquons enfin que son usage ne constitue pas un cas singulier dans la production hymnographique, si l’on en croit l’idiomèle de Méthode et l’acolouthie où ce dernier prend place.
25L’usage du terme néos peut être multiple. On peut le dire relatif, quand il renvoie à un prédécesseur ou, plutôt, à un antécédent, que ce dernier soit homonyme (le cas évident), ou non. Il peut aussi être absolu, dépourvu de tout référent. L’emploi absolu, et non relatif, qui est fait ici du terme néos fait écho, dans d’autres pièces du dossier hagiographique des XLII martyrs d’Amorion, à un usage similaire du terme néophanès, immédiatement antéposé par rapport au terme martys. Les Passions BHG 1209 et 1213 des XLII martyrs d’Amorion, également composées dans la seconde moitié du ixe siècle, présentent en effet les commandants militaires faits prisonniers à Amorion en 838 par les armées du calife, déportés et emprisonnés dans la capitale du califat abbasside, comme des « martyrs nouvellement apparus ». Le terme de néophanès est employé dans cette configuration à trois reprises dans la Passion composée par le syncelle Michel (BHG 1213), dans un premier temps pour désigner le martyr Kallistos, puis, une fois que celui-ci, livré aux Arabes indépendamment de la prise de la ville par ces derniers, eut rejoint les autres martyrs, l’ensemble du groupe65. Ainsi, l’exhortation finale célèbre les « athlètes du Christ nouvellement apparus »66. C’est encore ce terme qu’emploie une fois un autre des hagiographes des XLII, Sôphronios (dans BHG 1209), tout en lui préférant, à un autre moment, celui de néolampès (νεολαμπεῖς ἀγωνισταί)67. S’il ne semble pas que dans les autres Passions des XLII martyrs d’Amorion le thème soit présent (il est notamment absent de la Passion composée par Euodios, laquelle accorde une large place à la controverse islamo-chrétienne, et des textes qui peuvent lui être rattachés68), il est en revanche introduit dans deux autres compositions qui évoquent à l’occasion les martyrs en question. La Vie de l’impératrice Théodora (BHG 1731) mentionne en quelques mots la prise de la ville d’Amorion par les troupes du calife et signale la déportation en Syrie d’une « foule de captifs, avec les saints et glorieux XLII récents martyrs » (ἄλλο δὲ πλήθος αἰχμαλώτων ἅμα τῶν ἀγίων καὶ ἐνδόξων τοῦ Χριστοῦ μβʹ νεοφανῶν μαρτύρων ἀπηνέχθη ἐν Συρίᾳ)69. L’auteur de la Vie de Basile évoque brièvement « l’église des XLII récents martyrs » (ὁ [ναός] τῶν νεοφανῶν μαρτύρων τῶν δύο καὶ τεσσαράκοντα)70.
26L’usage du terme néophanès, dont c’est la seule occurrence dans la Vie de Basile, fait fonction de marqueur temporel ; il permet de signaler qu’il s’agit de martyrs de fraîche date. C’est d’ailleurs ainsi que l’adjectif est compris par Ihor Ševčenko dans sa traduction de la mention de la dédicace de l’église et c’est l’acception que Sôphronios, l’un des hagiographes des XLII, tend à souligner en écrivant à propos des mêmes : « les martyrs nouvellement apparus qui sont tout juste apparus » (ἐκ τῶν νεοφανῶν ἀρτίως ἀναφανέντων μαρτύρων, l’adverbe ἀρτίως doublant et amplifiant le terme de νεοφανῶν)71. Synonyme de néos72, néophanès a toutefois une valeur de marqueur temporel plus affirmée73.
27Le motif du néos martys dans l’hagiographie byzantine des viiie-ixe siècles n’est encore introduit que dans peu de cas, voire exclusivement dans celui des XLII martyrs d’Amorion, si l’on admet que la formulation retenue par Théodore Stoudite pour les martyrs de Bulgarie est, au moins pour partie, une conséquence de sa comparaison avec les Maccabées. Précurseurs des néomartyrs des époques paléologue et moderne, caractérisés par leur refus de l’apostasie face aux autorités islamiques, les XLII martyrs d’Amorion font exception et nouveauté.
28Encore au xie siècle, le Synaxaire de Constantinople préfère la formule « le martyr Untel le Jeune » (une formule commune à l’ensemble des saints) à celle qui sera en usage dans l’hagiographie grecque des trois derniers siècles de l’Empire, « le nouveau martyr Untel »74. Ainsi, dans le Synaxaire de Sirmond, il est fait mention, au 28 novembre, de « notre saint père, Étienne le Jeune » (τοῦ ὁσίου πατρὸς ἡμῶν Στεφάνου τοῦ νέου), au 30 janvier du « saint martyr Théophile le Jeune » (τοῦ ἁγίου μάρτυρος Θεοφίλου τοῦ νέου)75. Ce dernier correspond au stratège de l’armée byzantine, Théophile, qui, ayant été fait prisonnier par les Arabes à la fin du viiie siècle et ayant refusé d’abjurer, est exécuté sur ordre du souverain musulman. Son dossier hagiographique, sauf la notice du Synaxaire, est perdu. Dans la mise en ordre du sanctoral de l’Église de Constantinople, opérée à l’époque des Macédoniens, il n’y a pas encore de place pour la catégorie des néomartyrs. Le terme de néomartys est absent du Synaxaire de Sirmond comme, semble-t-il, des versions antérieures du Synaxaire de Constantinople, au contraire d’autres termes, employés dans plusieurs cas, comme ceux de hiéromartys, d’hosiomartys ou de mégalomartys76. Aussi peut-on suggérer que les synaxaristes byzantins des ixe-xie siècles n’entendent pas considérer le martyre dans une perspective nouvelle et inclure les martyrs médiévaux, notamment les martyrs des autorités islamiques, dans une catégorie singulière.
Les nouveaux martyrs de l’Islam
29À la même époque, entre le viiie et le xe siècle, dans les territoires conquis par les armées arabes où s’est installé le califat omeyyade, puis abbasside, une part importante de la production hagiographique est consacrée aux chrétiens martyrs de l’Islam77. Les motifs de la mise à mort sont divers mais ils concernent toujours, sous une forme ou une autre, une confrontation avec la foi islamique des nouveaux souverains : ce sont des chrétiens qui refusent de se convertir à l’islam, comme le moine Michel le Sabaïte ou les LX soldats byzantins faits prisonniers lors de la prise de Gaza, ou des chrétiens accusés d’avoir prêché trop ouvertement leur foi jusqu’à entrer en confrontation avec le pouvoir musulman, comme le prêtre Pierre de Capitolias, ou encore des musulmans convertis au christianisme et condamnés à mort pour apostasie, comme Bacchos de Maïouma ; d’autres comme Élie d’Hélioupolis peuvent avoir été accusés d’apostasie, sans qu’il soit avéré qu’ils se soient jamais convertis à l’islam.
30Malgré la disparité du corpus dont seule une partie est conservée en grec et qui rend difficile une analyse terminologique comparée, on y rencontre, de manière fréquente mais non systématique, l’emploi du terme néos (ou son équivalent dans une autre langue) associé au terme de martys, selon une formulation légèrement différente de celle qu’on trouve à la même époque à Byzance. Aucun de ces martyrs n’est d’emblée mis en regard d’un illustre homonyme, figure de référence dont le nouveau saint serait le successeur ; il est même difficile dans certains cas de savoir à quel homonyme il faudrait se référer. C’est le cas d’Élie d’Hélioupolis, charpentier laïc soupçonné d’avoir embrassé l’islam au cours d’une fête et mis à mort pour apostasie à Damas en 779, dont la Vie grecque (BHG 578-579) est une production syrienne du ixe siècle78. Le héros n’y est jamais mis en regard du prophète. La qualité de néos est appliquée ici directement au terme martys et l’hagiographe crée le néologisme néomartys (νεομάρτυς), calqué sur d’autres termes similaires – hosiomartys, hiéromartys, mégalomartys – qui constituent autant de catégories de la sainteté martyriale79. Bien plus, l’auteur semble vouloir associer pour son héros les qualités de néomartys et de mégalomartys – ce dernier terme étant généralement utilisé depuis l’Antiquité, mais sans que son usage soit fixé de manière canonique, pour désigner certains grands martyrs militaires, comme Georges ou Théodore, qui ne sont ni prêtre (hiéromartys) ni moine (hosiomartys). En effet, l’hagiographe emploie presque indifféremment les deux termes (quatre fois pour le premier et douze fois pour le second), voire en les associant ; on trouve ainsi deux occurrences de l’expression néos mégalomartys (§ 22, 24) et une fois en sens inverse mégas néomartys (§ 3) :
§ 22 (p. 56, 5) : τὸ ἅγιον σῶμα ἐκρεμάσθη τοῦ νέου μεγαλομάρτυρος
§ 24 (p. 57, 10) : δοξάζων τὸν ἅγιον αὐτοῦ νέον μεγαλομάρτυρα
§ 3 (p. 44, 1) : ὁ προκείμενος ἡμῖν μέγας νεομάρτυς
31L’intention de l’hagiographe est clairement de situer ce nouveau venu dans la lignée des mégalomartyrs tardo-antiques, sans qu’il soit clair pour autant si l’usage qu’il fait de ce terme correspond réellement à une distinction dans le rang du martyr, ou s’il cherche seulement à le distinguer d’autres catégories non laïques de la sainteté martyriale. Dans le prologue, il revendique ce terme et tente une justification de la sainteté des « néomartyrs » en arguant du fait que, même s’ils ne sont pas exemplaires en tous points, ils ont été rachetés par le sang qu’ils ont versé. Le prologue commence en effet par une longue citation de l’épisode de la femme pécheresse rachetée par ses larmes (Lc 7, 36-50), avant de faire le parallèle avec les néomartyrs :
Si donc cette femme, bien qu’elle fût pécheresse, comme tu l’as entendu, à cause de ces larmes et de la myrrhe qu’elle a versée, le Christ philanthrope lui a remis ses nombreux péchés, ces néomartyrs, à cause de leurs nombreux tourments et de leur propre sang versé, ne penses-tu pas que leurs péchés grands ou petits leur seront remis ?80
Et plus loin :
Ces nouveaux martyrs se sont essuyé de leurs larmes et de flots de sang à la fois les pieds et toute la chair81.
32On s’étonne que l’hagiographe éprouve ainsi le besoin de justifier le martyre de ce chrétien tombé aux mains des Arabes en invoquant un parallèle exégétique avec un modèle néotestamentaire. L’ouverture du prologue, où l’hagiographe explique qu’il a « déjà réfuté ailleurs [dans deux autres histoires] les arguments contradictoires et le manque de foi du grand nombre au sujet des saints mégalomartyrs »82, laisse à penser que la reconnaissance des néomartyrs à son époque n’allait pas de soi ; ceux-ci étaient en effet coupables d’avoir renié la foi chrétienne et de s’être convertis à l’islam, avant de professer leur retour au Christ. Il fallait justifier aux yeux des contemporains que ces hommes, coupables d’un tel péché, pussent être considérés comme des martyrs à l’égal de ceux de l’Antiquité.
33L’expression « nouveau martyr » (néos martys, mais non le terme de néomartys) était apparue pour la première fois, un siècle plus tôt, à la fin du viie siècle, sous la plume d’Anastase le Sinaïte dans ses Narrationes, un recueil de récits édifiants à valeur apologétique, sans la prétention hagiographique de promouvoir le culte des saints83. Il y raconte cependant deux histoires concernant des chrétiens mis à mort ou maltraités par les Arabes, qui ont acquis le statut de martyrs. Le premier, Georges le Noir, était un esclave chrétien qui s’était converti à l’islam et était ensuite revenu à la foi chrétienne, ce pour quoi il fut mis à mort par les Arabes ; s’il est bien un martyr (ὁ τοῦ Χριστοῦ δοῦλος καὶ μάρτυς Γεώργιος) et qu’il est enterré dans un martyrion près de Damas, il ne reçoit pourtant pas l’épithète de néomartyr84. La seconde, Euphémie, elle aussi esclave d’une femme musulmane de Damas, recevait des coups de fouets de sa maîtresse à chaque fois qu’elle se rendait à la messe ; miraculeusement, ceux-ci ne laissaient aucune trace sur son corps. Plutôt confesseur que martyre, c’est pourtant elle qu’Anastase nomme « notre sainte nouvelle martyre Euphémie » (τὴν ἁγίαν ἡμῶν νέαν μάρτυρα Εὐφημίαν)85. Anastase reste, en effet, très prudent face à la question de la mort en martyr. Dans les Erôtapokriseis, à la question : « Est-ce qu’il commet une faute ou non, celui qui fuit en temps de persécution ? »86, il semble considérer qu’endurer la mort en professant sa foi est une épreuve que la plupart des chrétiens ne sont pas en mesure d’affronter. De même lorsqu’il aborde la question du martyre volontaire, en évoquant le cas de certains de ses contemporains, qui « se livrent avec empressement à la mort pour (la défense de) la foi orthodoxe »87, il se montre circonspect quant à leur statut de martyr.
34Les réserves exprimées par Anastase face aux « nouveaux martyrs » à la fin du viie siècle n’ont pas encore toutes été levées au siècle suivant ; on en retrouve l’écho dans le prologue de la Passion d’Élie d’Hélioupolis, mais aussi dans celui de la Passion de Pierre de Capitolias. L’hagiographe situe le martyre de Pierre dans une longue histoire du salut et de la rédemption du péché inhérent à la nature humaine par le martyre du Christ, et ce pour justifier à la fin le martyre volontaire de Pierre de Capitolias qui avait défié les autorités musulmanes jusqu’à être mis à mort. Dans la suite de la Passion, Pierre « le Nouveau » – il ne reçoit pas l’épithète de « nouveau martyr » – est mis en regard de ses illustres prédécesseurs, Pierre le chef des apôtres et Pierre le prêtre martyr d’Alexandrie, selon un schéma désormais bien établi88. Le statut de martyr ne va pas tout à fait de soi pour cette nouvelle génération de martyrs et les hagiographes s’emploient à établir la continuité avec les générations précédentes.
35Dans les autres Passions de cette époque l’usage de l’expression de « nouveau martyr » n’est pas non plus systématique. Elle est complètement absente des Passions écrites directement en arabe, qu’il s’agisse de celles de ʿAbd al-Masīḥ ou d’Antoine Rawḥ89. On la trouve cependant reprise dans le titre de la Passion grecque des LX martyrs de Jérusalem (BHG 1217), « Passion des soixante nouveaux martyrs qui ont été martyrisés dans notre sainte ville du Christ Dieu sous la tyrannie des Arabes » (Μαρτύριον τῶν ἁγίων ἑξήκοντα νέων μαρτύρων τῶν ἐν τῇ ἁγίᾳ Χριστοῦ τοῦ Θεοῦ ἡμῶν πόλει ἐπὶ τῆς τυραννίδος τῶν Ἀράβων μαρτυρησάντων)90, ou encore dans celui de la Passion de Romanos le néomartyr, conservée seulement en géorgien, mais traduite, par l’intermédiaire de l’arabe, d’un original grec attribué à Étienne Manṣūr91 ; c’est cependant la seule occurrence du terme dans chacun des textes, et la thématique n’est ensuite plus développée. Le même Étienne Manṣūr ne l’emploie d’ailleurs pas pour les XX moines martyrs de Mar Saba, massacrés durant un raid bédouin en 797, probablement parce que leur mort n’est pas liée à un contexte de confrontation à l’islam ; l’hagiographe, s’il écarte toute idée de persécution dans leur cas, ne les inscrit pas moins dans la succession des martyrs antiques :
Vous êtes bienheureux, saints pères, car vous êtes devenus pour le Christ une addition glorieuse et un sceau aimable des martyrs du passé, en gagnant la couronne du martyre parfait en un temps sans persécution92.
36On voit ainsi se dessiner un usage spécifique de l’expression « nouveau martyr » dans l’hagiographie syro-palestinienne des viiie-ixe siècles ; elle s’applique de manière exclusive, mais non systématique, aux chrétiens morts pour défendre la foi chrétienne face à l’islam dans les terres conquises par les Arabes. Faut-il voir dans l’emploi de ce terme la volonté de faire de ces chrétiens martyrisés par les Arabes une nouvelle génération de martyrs, après celle des premiers siècles aux mains des empereurs païens ? C’est probable, et ce d’autant plus si l’on met en regard la promotion de ces nouveaux martyrs dans l’hagiographie des viiie-xe siècles avec la prudence adoptée, un siècle plus tôt, par les autorités de l’Église – Jacques d’Édesse ou Anastase le Sinaïte – face aux chrétiens qui recherchaient délibérément le martyre à travers la confrontation avec l’islam.
37Les calendriers liturgiques en usage dans l’Église de Jérusalem à cette époque témoignent du même effort de promouvoir cette nouvelle génération de martyrs, par l’introduction en nombre de ces néomartyrs et l’usage récurrent du terme « nouveau martyr ». On le trouve aussi bien dans un calendrier syriaque hiérosolymitain du ixe-xe siècle pour Bacchos et Christophore, sous la forme « nouveau martyr » (ܣܗܕܐ ܚܕܬܐ)93, que dans le Calendrier palestino-géorgien de Jean Zosime de la fin du xe siècle, pour Bacchos, Romanos, et un Épiphane par ailleurs inconnu94. On notera cependant que cet usage n’a rien de systématique, comme dans l’hagiographie, puisque plusieurs autres martyrs évoqués ici, qu’il s’agisse d’Élie de Damas95, de Pierre de Capitolias96, d’Antoine Rawḥ97, ou des LX martyrs de Jérusalem98, ne reçoivent pas l’épithète de « nouveau martyr ».
38La Vie et Passion de Bacchos (BHG 209) offre une perspective intéressante sur le traitement que reçoivent ces néomartyrs aux mains des Arabes lorsque leur dossier hagiographique est réélaboré à Byzance – puisque nous avons montré que la composition de ce texte est à replacer dans un contexte constantinopolitain et à attribuer à Étienne le diacre, auteur de la Vie d’Étienne le Jeune99. Dans le titre (Βίος καὶ ἄθλησις τοῦ ὁσίου καὶ νέου μάρτυρος Βάκχου), le terme néos est explicitement associé à celui de martys, selon l’usage palestinien attesté par les calendriers liturgiques hiérosolymitains ; cette terminologie ne sera toutefois pas conservée dans les autres pièces du dossier hagiographique constantinopolitain, en particulier dans le Synaxaire de Constantinople qui reprend la formule plus usuelle le « saint martyr Bacchos le Jeune » (τοῦ ἁγίου μάρτυρος Βάκχου τοῦ νέου)100. Dans la suite de la Vie, on retrouve le thème de la réactualisation des modèles bibliques, suivant le schéma déjà mis en évidence pour la Vie d’Étienne le Jeune du même auteur101, que ce soit en mauvaise part pour désigner ici non pas directement le persécuteur, mais le dénonciateur apostat, coupable de traîtrise envers un congénère chrétien, « nouveau Judas et Doèk le Syrien et Iduméen » (§ 14 : δεύτερον Ἰούδαν καὶ Δωὴκ τὸν Σῦρον καὶ Ἰδουμαῖον), ou en bonne part pour désigner le saint, comme « nouveau Samuel » (§ 12 : ἡ σώφρων Ἄννα ἡ τὸν Σαμουὴλ προσενηνοχυῖα τὸν δεύτερον), même si la préférence va ici au terme « deuxième » (δεύτερος), plutôt que « nouveau » (νέος). Importé de Palestine à Byzance, le nouveau martyr Bacchos se conforme à l’usage byzantin et devient Bacchos le Jeune.
39Cet examen des emplois du terme néos et de certains de ses dérivés a permis de faire apparaître de nouveaux usages. Le terme est associé, sous des formes variées, à plusieurs des saints qui commencent à être vénérés comme martyrs à partir de la fin du viiie et du début du ixe siècle. Cette introduction doit être mise en correspondance avec le développement de la sainteté martyriale qui survient en effet à l’issue du premier iconoclasme et se poursuit jusque dans la seconde moitié du ixe siècle. L’emploi du motif et de la notion de néomartyr, encore exceptionnel, au sein même de l’Empire byzantin, aux viiie-ixe siècles, acquiert d’ores et déjà une signification spécifique, dont les attestations se multiplient aux xiiie, xive et xve siècles dans différentes Vies consacrées à des martyrs contemporains, comme Nicétas le Jeune, Michel le Jeune ou encore Théodore le Jeune, tous martyrs des musulmans102. Cet usage lexical, tout aussi exceptionnel qu’il fût à la période mésobyzantine, dessine les contours d’une nouvelle catégorie de martyrs qui, même si elle n’est pas encore formalisée dans le Synaxaire de Constantinople aux xe et xie siècles, prend acte de l’entrée des Byzantins dans l’âge de la compétition et de la polémique avec l’islam, et même de la victoire contre l’islam, comme Antonio Rigo l’a suggéré103. Et ce, alors même que le terme de martyr ne manque pas d’ambiguïté, ni son usage, de plasticité, aussi bien de la part d’un Théodore Stoudite qui assimile le moine au martyr dans les Petites catéchèses (10, p. 35-39), que de Syméon le Nouveau Théologien. Dans l’hymne XLI, faisant des ascètes des « martyrs de chaque instant », ce dernier écrit :
ceux qui aiment Dieu de tout leur cœur, qui persévèrent dans son amour, son seul amour, et à chaque instant meurent à leur propre volonté, ceux-ci sont mes véritables amis, ceux-ci mes cohéritiers, ceux-ci enfin sont martyrs, du seul fait de leur liberté, sans étrilles ni chevalets, sans brasiers ni chaudrons, sans feu pour les brûler ni glaives pour les amputer104.
40Cette polysémie, régulièrement illustrée, est apparue avec le développement du culte des martyrs dès le ive siècle105 : tous ceux que distinguent les souffrances ou les miracles peuvent être vénérés à l’égal des martyrs ou comme martyrs106. Aussi, la notion de néomartyr (dans le cas des XLII martyrs d’Amorion), voire l’idée de nouveau martyr (dans celui d’Étienne le Jeune), aussi générale et floue que soit cette dernière, en faisant implicitement référence aux martyrs des temps anciens, renvoient à l’acception étroite que le mot de martyr recouvre, parmi d’autres, et qu’il a pour partie perdue, le fait de souffrir et mourir pour avoir refusé d’abjurer sa foi. Elles confinent dans un passé lointain et désormais clos les martyrs des empereurs païens.
Notes de bas de page
1 Dans ce volume, voir M. Fanelli, La memoria e l’immagine dei neomartiri di età paleologa. Sur les spécificités de ces martyrs, liées au contexte de l’islamisation des populations conquises, voir E. A. Zachariadou, The neomartyr’s message, dans Ead., Studies in pre-Ottoman Turkey and the Ottomans, Aldershot 2007 (Variorum Collected Studies 882), no XXI.
2 Voir M. Detoraki, Greek Passions of the Martyrs in Byzantium, dans ARCBH, t. 2, p. 61-101. L’auteur, dont le propos porte sur les saints tardo-antiques et mésobyzantins, présente en continu l’ensemble des Passions. Si catégorisation il y a, elle dépend de la cause du martyre (opposition à un empereur chrétien hétérodoxe ou à un souverain païen ou musulman).
3 A. Rigo, ‘O Martiri gloriosi di Cristo apparsi di recente…’, dans Oriente cristiano e santità. Figure e storie di santi tra Bisanzio e l’Occidente, éd. S. Gentile, Rome 1998, p. 15-34, ici p. 15 : « In tutta l’epoca bizantina l’appellativo “neomartire” sembra sempre indicare (con unica eccezione) colui che è stato messo a morte dai Musulmani per la sua fede cristiana, mentre per I martiri uccisi dai pagani (in Bulgaria, in Lituania) o dai latini non viene usato questo termine. » Hippolyte Delehaye avait posé une définition très large du terme : « the name given by the Greeks to the martyrs following the Iconoclast persecutions » (dans H. Delehaye, Greek Neomartyrs, The Constructive Quartely. A Journal of the Faith, Work and Thought of Christendom 9, 1921, p. 701-712, ici p. 701). C’est précisément cette définition qu’Antonio Rigo resserre. Son article est par ailleurs, comme l’écrit l’auteur lui-même (‘O Martiri gloriosi di Cristo apparsi di recente…’, p. 15), « una panoramica su questi santi dal VII secolo, momento della nascita dell’Islâm e delle grandi conquiste arabe, sino alla caduta di Constantinopoli nel 1453. »
4 Voir H. Delehaye, Les Passions des martyrs et les genres littéraires, Bruxelles 1966 (Subs. Hag. 13B), p. 134-135.
5 PG 35, col. 913C. Traduction de Raphaëlle Ziadé dans Ead., Les martyrs Maccabées : de l’histoire juive aux martyrs chrétiens. Les homélies de Grégoire de Nazianze et de Jean Chrysostome, Leyde / Boston 2007 (Supplements to Vigiliae Christianae 80), p. 301.
6 PG 35, col. 933A. Traduction de Raphaëlle Ziadé dans Ead., Les martyrs Maccabées (cité n. 5), p. 311.
7 Voir aussi, sur ce point, Detoraki, Greek Passions of the Martyrs (cité n. 2), p. 62-66.
8 J. Gouillard, La Vie d’Euthyme de Sardes († 831), une œuvre du patriarche Méthode, TM 10, 1987, p. 1-101, ici p. 74-75.
9 Ibid., p. 28-29.
10 Ibid., p. 26-27 : « Le bienheureux, en effet, marchait sur les pas des Anciens et méritait d’être comparé à eux (Ἀκόλουθον μὲν γὰρ ἦν τοῖς παλαιοῖς καὶ συνέγκριτον) lorsque, à cause d’une femme cherchant refuge auprès du Christ, il obtint, en guise de mort, l’exil qui l’amena de l’Orient aux portes de l’Occident […] ».
11 The Life of Michael the Synkellos, éd. / trad. angl. M. B. Cunningham, Belfast 1991 (Belfast Byzantine Texts and Translations 1), p. 96, l. 27-98, l. 1.
12 B. Flusin, Saint Anastase le Perse et l’histoire de la Palestine au début du viie siècle, t. 1 : Les textes, t. 2 : Commentaire : Les moines de Jérusalem et l’invasion perse, Paris 1992 (Le monde byzantin). En revanche, le terme néôtéros est employé dans l’Éloge composé par Georges Pisidès (BHG 86), poète à la cour d’Héraclius, pour qualifier notamment le persécuteur, « nouveau Pharaon » (2, l. 1, dans Flusin, Saint Anastase le Perse, t. 1, p. 203) ou « nouveau Nabuchodonosor » (5, l. 8, ibid., t. 1, p. 209). Il l’est aussi pour désigner l’exemple que constitue le martyr Anastase : « l’homme que guide un exemple plus récent (νεωτέρῳ … παραδείγματι) » (1, l. 6-7, ibid., t. 1, p. 203).
13 Le martyre de saint Aréthas et de ses compagnons (BHG 166), éd. et annotation M. Detoraki, trad. J. Beaucamp, Paris 2007 (Monographies 27). Voir ibid., 5, p. 194-195 (« que nous aussi nous te fassions entendre le cri des trois enfants, Ananias, Azarias et Misaël »), 15, p. 226-227 (le martyr Aréthas prend exemple sur Gédéon), 20, p. 238-239 (le roi persécuteur est comparé à « Pharaon, Amalêk, Sion et Og »), 24, p. 248-249 (Najran est comparé à la Jérusalem terrestre), 25, p. 252-253, et 28, p. 260-261 (le persécuteur est qualifié de « second Pharaon »). Voir le commentaire de Marina Détoraki, ibid., p. 64-77.
14 Eustratios de Constantinople, Vie de Golindouch, éd. A. Papadopoulos-Kérameus, Ἀνάλεκτα Ἱεροσολυμιτικῆς σταχυολογίας, t. 4, Saint-Pétersbourg 1897, p. 149-174, ici p. 156, l. 14-15. Aucun usage n’a été relevé en revanche dans la Passion de Sirin, martyrisée au milieu du vie siècle : voir P. Devos, Sainte Sirin, martyre sous Khosrau Ier Anosarvan, An. Boll. 64, 1946, p. 87-132, texte p. 112-131.
15 Voir, par exemple, O. Delouis, Topos et typos, ou les dessous vétérotestamentaires de la rhétorique hagiographique à Byzance aux viiie et ixe siècles, Hypothèses 2002. Travaux de l’École doctorale d’histoire, Paris 2003, p. 235-248, en particulier p. 240, où l’auteur évoque l’usage récurrent des « comparaisons entre personnages contemporains et saints de l’Ancien Testament, selon la figure du “nouvel Untel” : le saint est un nouveau patriarche, un nouveau prophète, Nouvel Abraham ou Nouveau Moïse ».
16 Pallade, Histoire lausiaque, 61, éd. G. J. M. Bartelink, Palladio. La storia Lausiaca, Vérone 1974, p. 264 (dans le titre et à la fin du deuxième paragraphe où elle déclare à son époux « être l’héritière du zèle de la grand-mère dont [elle] tient aussi le nom »).
17 Prologue de la Vie d’Antoine le Jeune (BHG 142), 1, éd. A. Papadopoulos-Kérameus, Συλλογὴ Παλαιστινῆς καὶ Συριακῆς Ἁγιολογίας, t. 1, Saint-Pétersbourg 1907, p. 186 : Ἀντώνιος ὁ μέγας, ὁ τῆς ἐρήμου πεφηνῶς διὰ θεοῦ πολίτης… Γεγνώρισται δὲ καὶ ἐν τοῖς ἡμετέροις χρόνοις ὁ τούτῳ φιλαλήθως εἰπεῖν συνωνυμήσας καὶ τοὺς πόνους τῶν ἀρετῶν αὐτοῦ ἀξίως ἐκμιμησάμενος, ὁ μακαρίτης τῷ ὄντι καὶ ἄλλος Ἀντώνιος… Son usage n’est pas systématique, loin s’en faut. Par exemple, dans la Vie d’Euthyme le Jeune, dans laquelle le saint, moine athonite, fondateur du monastère de Péristérai, n’est pas qualifié de néos, la référence au grand fondateur palestinien homonyme du ve siècle est explicite : le saint se sépare définitivement de ses frères après avoir célébré la translation des reliques d’Euthyme le Grand. Voir Vie d’Euthyme le Jeune, éd. A. Alexakis, dans Holy Men of Mount Athos, 37, 3, éd. R. P. H. Greenfield et A.-M. Talbot, Cambridge MA 2016 (Dumbarton Oaks Medieval Library 40), p. 116-118.
18 P. Magdalino, Observations on the Nea Ekklesia of Basil I, JÖB 37, 1987, p. 51-64, ici p. 53, repris dans Id., Studies on the History and Topography of Byzantine Constantinople, Aldershot 2007 (Variorum Collected Studies 855), no V: « … while the epithet neos did not imply novelty, it might well imply superiority, and was often, in fact, a shorthand form of rhetorical synkrisis… ».
19 Vie de Basile le Jeune, III 42, l. 13-21, éd. / trad. F. Sullivan, A.-M. Talbot et S. McGrath, The Life of Saint Basil the Younger, Washington DC 2014 (Dumbarton Oaks Studies 45), p. 342 : Τῶν γὰρ ἀπὸ αἰώνων μνημονευομένων ἁγίων καὶ ἐν ἐξαισίοις θαύμασι διαβοητών γεγενημένων οὐδὲ ἐνός ἐστι καταδεέστερος ὁ παρ’ ἡμῶν μνημονευόμενος μέγας τῷ ὄντι καὶ θεοφόρος πατὴρ ἡμῶν ὁ ὁσιώτατος Βασίλειος, εἰ καὶ τῇ τάξει καὶ τῷ χρόνῳ νέος ὠνόμασται διὰ τὸ καθ’ ἡμᾶς ἐν ἐσχάτοις καιροῖς δίκαιον ἀναφανῆναι… ἀλλὰ τολμηρόν τι εἰπεῖν, ἐν διοράσει καὶ προγνώσει τοὺς πρώην πάντας ἁγίους ὑπερηκόντισε…
20 Voir G. Dagron, Naissance d’une capitale. Constantinople et ses institutions, Paris 1974 (Bibliothèque byzantine. Études 7), p. 454-461.
21 Eustratios, Vie d’Eutychios, éd. C. Laga, Eustratii presbyteri Vita Eutychii patriarchae Constantinopoli, Turnhout 1992 (CCSG 25), p. 27, l. 762, p. 67, l. 2078-2079. Voir B. Flusin, Construire une nouvelle Jérusalem. Constantinople et les reliques, dans L’Orient dans l’histoire religieuse de l’Europe : l’invention des origines, éd. M. Amir-Moezzi et J. Scheid, Turnhout 2000 (Bibliothèque de l’École des hautes études. Sciences religieuses 10), p. 51-70.
22 Sur cette rhétorique, voir P. Magdalino, Introduction, dans New Constantines: the Rhythm of Imperial Renewal in Byzantium, 4th-13th Centuries, éd. P. Magdalino, Aldershot 1994, p. 1-9.
23 Matthieu Cassin – qu’il en soit remercié – nous signale l’usage de cette formule dans
le Contre Eunome de Grégoire de Nysse (en III 10, 54, p. 310, l. 25-28), un usage qui vise là encore à dénigrer, ici ridiculiser, l’adversaire.
24 Par exemple, dans le cas de Syméon Stylite le Jeune, son hagiographe le décrit comme étant un « nouveau David » (dans La Vie ancienne de S. Syméon Stylite le Jeune, 28, l. 3, éd. P. van den Ven, Bruxelles 1962 [Subs. Hag. 32], t. 1, p. 29). La formule n’est cependant que peu utilisée. En revanche il ne le désigne pas comme étant Syméon le Jeune.
25 Eustratios, Vie d’Eutychios (cité n. 21), p. 12, l. 281 (« le nouveau Jacob », la comparaison étant explicitée dans les lignes précédentes), p. 21, l. 566-567 (« ce nouveau Moïse », précédé là encore d’une comparaison explicite), p. 30, l. 864-685 (« ce nouveau Jacob »), p. 56, l. 1720-1721 (« Chosroès le nouveau Nabuchodonosor »), p. 74, l. 2318 (« le nouvel Athanase »), p. 84, l. 2632 (« le nouveau Jacob », avec emploi du même procédé), p. 87, l. 2744 (« le nouveau Basile »).
26 Vie de Daniel le Stylite, 22, éd. H. Delehaye, Les saints stylites, Bruxelles 1923 (Subs. Hag. 14), p. 23, l. 12 (« le nouvel Élisée »), 71, p. 68, l. 22-23 (« le nouveau Daniel »), 73, p. 71, l. 11 (« un nouveau Dioclétien »).
27 Étienne le Diacre, Vie d’Étienne le Jeune, intr., éd. / trad. M.-F. Auzépy, Aldershot / Brookfield VT 1997 (Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs 3), p. 87 : Βίος… τοῦ ὁσίου πατρὸς ἡμῶν Στεφάνου τοῦ νέου τοῦ μαρτυρήσαντος ἐν τοῖς χρόνοις τοῦ ἀσεβοῦς Κωνσταντίνου τοῦ Κοπρωνύμου. Ibid., p. 87, l. 6 (prologue). Sur le remaniement du prologue, voir ibid., p. 179, n. 1.
28 Ibid., 6, p. 94, l. 24 (« le nouveau Samuel ») ; 17, p. 108, l. 20 (« le nouvel Iared ») et l. 24 (« un nouvel Énoch ») ; 20, p. 113, l. 12, trad. M.-F. Auzépy, p. 206 (« Et que personne ne fasse la même objection que les dénigreurs hérétiques, à savoir qu’[Étienne] aurait eu la présomption de surpasser les pères qui l’avaient précédé : il y a en effet un passage dans
la Vie agréable à Dieu de l’ancêtre Auxence, où il est rapporté que le réduit de son ascèse était au sommet même, à l’endroit où ce nouvel Élisée de l’antique Élie, comme au mont Carmel, planta sa tente plus exiguë qu’une mélote ; et lui, de la même façon, voulait égaler Auxence le théophore en surpassant les autres pères qui avaient vécu dans l’intervalle, puis-qu’il les surpassait déjà par une plus grande jeunesse […]. »). Nous comprenons qu’Étienne est le « nouvel Élisée ».
29 Ibid., 6, p. 94, l. 23 : « la nouvelle Anne » ; 53, p. 153, l. 12-13, trad. M.-F. Auzépy, p. 251 : « nouvelle Sarah, de bien peu inférieure à la part d’Abraham (οὐ πρὸς πολὺ δευτερεύουσα νέα Σάρα) ». Ibid., 22, p. 117, l. 24-26, trad. M.-F. Auzépy, p. 210 : « l’Israël nouvel élu de Dieu, celui qui voit réellement Dieu et regarde la gloire du Seigneur à visage découvert – je veux dire le nouveau peuple, le troupeau racheté par le Christ dont le modèle est Jacob ».
30 Voir, supra, l’exemple du martyr Anastase le Perse.
31 L’ensemble des références est commenté dans M.-F. Auzépy, L’hagiographie et l’iconoclasme byzantin. Le cas de la Vie d’Étienne le Jeune, Aldershot / Brookfield VT 1999 (Birmingham Byzantine and Ottoman Monographs 5), p. 73-77.
32 Un autre usage est signalé par Paul Devos dans la Vie d’Eustratios des Agaures pour qualifier cette fois Léon V : voir An. Boll. 111, 1993, p. 258. Voir infra.
33 Étienne le Diacre, Vie d’Étienne le Jeune (cité n. 27), 76, p. 175, l. 9, trad. M.-F. Auzépy, p. 275 : « cette nouvelle vipère met au monde deux enfants ». Pour qualifier plusieurs évêques partisans de Constantin V, Étienne cite les propos de Jean Damascène : ibid., 28, p. 126, l. 9-10 : « les nouveaux Oreb et Zeb et Zébée, Salmonas et Dathan ».
34 Ibid., 57, p. 158, l. 21 : « cette honorable femme, nouvelle Saraptéenne, nouvelle Soumanite » ; ibid., 61, p. 163, l. 14, « la nouvelle Isdandoul ». Voir également ibid., 11, p. 102, l. 23 : Jean, le cinquième successeur d’Auxence et le prédécesseur immédiat d’Étienne dans la grotte du mont Saint-Auxence, est présenté comme le « nouvel Abraham ».
35 Ibid., 58-60, p. 160-162, notamment 60, p. 162, l. 9-10, trad. M.-F. Auzépy, p. 260 : « imitons les saints pères qui, de notre temps, ont fini leur vie en martyrs » (μιμησώμεθα τοὺς καθ᾽ ἡ ? ? ?μᾶς τὸν βίον μαρτυρικῶς ἐκτελέσαντας ὁσίους πατέρας).
36 Auzépy, L’hagiographie et l’iconoclasme byzantin (cité n. 31) p. 61 : « Le trait le plus marquant de la Vie d’Étienne le Jeune est l’abondance des adjectifs et des comparaisons. […] Les comparaisons sont également nombreuses, que ce soit de façon explicite au moyen d’une proposition comparative, ou de façon implicite, grâce à la formule « nouveau Untel », par exemple nouvel Isaac, qui actualise le modèle biblique et l’applique au temps présent. »
37 Ibid., p. 61-80, citation p. 71.
38 Vie de Basile, éd. / trad. I. Ševčenko, Theophanis Continuati liber V, Vita Basilii imperatoris, Berlin / Boston 2011 (CFHB 42), p. 180, l. 23.
39 Vie de Théodora, 5, l. 11-12, éd. A. Markopoulos, Βίος τῆς αὑτοκράτειρας Θεοδώρας (BHG 1731), Symmeikta 5, 1983, p. 261.
40 Sur Théophane, voir les hypothèses de C. Zuckerman, Theophanes the Confessor and Theophanes the Chronicler, or, A Story of Square Brackets, TM 19 2015 (= Studies in Theophanes, éd. M. Jankowiak et F. Montinaro), p. 31-52.
41 Théophane, Chronographie, éd. C. de Boor, Leipzig 1883, AM 6210 (AD 717/718), p. 399 : les martyrs faits par Umar II ; AM 6221 (AD 728/729), p. 408-409 : les martyrs du silention ; AM 6232 (AD 739/740), p. 414 : le prisonnier byzantin Eustathios, martyr à Harran ; AM 6234 (AD 741/742), p. 416-417 : Pierre de Damas et Pierre de Maïouma ; AM 6257 (AD 764/765), p. 436-437 : Étienne le nouveau protomartyr ; AM 6262 (AD 769/ 770), p. 445 : des martyrs du stratège des Thracésiens, Michel Lachanodrakôn ; AM 6272 (AD 779/780), p. 453 : un cubiculaire nommé Théophane sous Léon IV ; AM 6282 (AD 789/790), p. 465 : Théophile, stratège des Cibyrrhéotes, martyr sous Harun ; AM 6295 (AD 802/803), p. 476 : Irène ; AM 6305 (AD 812/813), p. 499 : des martyrs anonymes de Palestine. Sur la désignation d’Étienne le Jeune, comme tel, dans les œuvres du ixe siècle, voir Auzépy, L’hagiographie et l’iconoclasme byzantin (cité n. 31), p. 197-198 : dans la Vie de Nicétas de Médikion (29, l. 7-9), composée dans la première moitié du siècle, il est présenté comme ὁ νέος χριστομάρτυς, ὁ τοῦ πρωτομάρτυρος συνώνυμος καὶ ὁμότροπος. Voir n. 27.
42 Théophane, Chronographie (cité n. 41), p. 443, 489, 503.
43 Auzépy, L’hagiographie et l’iconoclasme byzantin (cité n. 31), p. 187-206. Ce constat s’accorde avec la conclusion de l’auteur, ibid., p. 190 : « c’est donc l’histoire de “l’iconoclasme”, dans la Vie d’Étienne le Jeune, qui a surtout attiré les auteurs postérieurs ».
44 Éd. A. Papadopoulos-Kérameus, Ἀνάλεκτα Ἱεροσολυμιτικῆς Σταχυολογίας, t. 4, Saint-Pétersbourg 1897, 2, p. 368, l. 24-25 ; 9, p. 374, l. 1-3 ; 12, p. 376, l. 7 ; 37, p. 392, l. 10. Voir Auzépy, L’hagiographie et l’iconoclasme byzantin (cité n. 31), p. 195-196.
45 Ignace le Diacre, Vie du patriarche Nicéphore, éd. C. de Boor, Nicephorus, Opuscula historica, Leipzig 1880 (Teubner), p. 166, l. 13. Le terme néos est aussi employé, suivant son autre sens, pour dénoncer la foi des iconoclastes, « la nouvelle foi » : ibid., p. 165, l. 24.
46 Ibid., p. 162, l. 28-30.
47 Éd. J. M. Featherstone, The praise of Theodore Graptos by Theophanes of Caesarea, An. Boll. 98, 1980 (texte aux pages 148-149 et commentaire de l’éditeur à la page 103, qui parle de « synkrisis de grand style »).
48 Ibid., 8, p. 113 : ὁ ἐν ἱερεῦσι τοῦ θεοῦ νέος Ἀαρών.
49 Ibid., 24, p. 130 : ἡ τοῦ καινοῦ Ἰεροβοάμ τοῦ δούλου καὶ ἀποστάτου Θωμᾶ τυραννίς. Ibid., p. 131 : πάλιν οἱ καινοὶ τῆς ἀσεβείας δογματισταί, καὶ πάλιν ὁ ἐμὸς ἀριστεύων Θεόδωρος.
50 Ibid., 36, p. 144 : ὁ δὲ βασιλεύς, καινόν τι πρᾶγμα καὶ τῶν πώποτε τυράννων, ξένην ἐπινοεῖ κατὰ τῶν ἀριστέων τὴν μηχανήν.
51 Ibid., 35, p. 142 : ὁ παραδοξοποιὸς κἀνταῦθα θεὸς ἐργάζεταί τι καινότερον, ὁ ἐν λάκκῳ τὸν Δανιὴλ λεοντίων ῥυσάμενος στομάτων καὶ Βαβυλωνίαν δροσίσας κάμινον παισὶν εὐσεβοῦσιν αἰχμαλώτοις καὶ ξένοις.
52 La Vie métaphrastique puise, pour une bonne part, dans l’Éloge écrit par Théophane de Césarée. Voir PG 116, col. 677 : μόνοις γὰρ ἀπ᾽ αἰῶνος ἡμῖν πέπρακται τοῦτο, καὶ καινὸν ἐπιτήδευμα εὕρηται. Ibid., col. 680A : μετὰ τὴν … καινὴν τιμωρίαν. Syméon Métaphraste n’en commence pas moins par rappeler que ceux qui ont combattu pour la « foi orthodoxe » contre des chrétiens ne sont pas inférieurs à ceux qui l’ont fait contre des païens : ibid., col. 653-656.
53 Dans son article, Antonio Rigo, qui ne consacre que quelques lignes à la question, distingue plus spécifiquement deux expressions, « apparu récemment » (soit néophanès) et « nouveau martyr » (soit néomartys). Voir Rigo, ‘O Martiri gloriosi di Cristo apparsi di recente…’ (cité n. 3), p. 15 : « In effetti da quel momento [dall’epoca dell’Iconoclasmo] sono ricorrenti gli aggettivi e gli epiteti, come “nuovo”, “giovane”, “rivelato di recente”, “apparso di recente”, ecc., che accompagnano il nome del santo (spesso per distinguerlo da un omonimo antico) o il suo ruolo di confessore dinanzi agli imperatori iconoclasti. Muovendoci all’interno di questa categoria di “nuovi” santi, vediamo allora che diversi testi agiografici parlano
di “martiri apparsi di recente” (e. g. le Passioni dei Quarantadue martiri di Amorio), di “neomartiri” e di “neomartire” (Passione di Elia il Giovane). »
54 E. Tomadakis, Ἡ ἀκολουθία τῶν ἐν Βουλγαρίᾳ ΙΔʹ Νεομαρτύρων (814-815 μ.Χ.) καὶ Θεόδωρος ὁ Στουδίτης, Athena 72, 1971, p. 333-351. Théodore Stoudite, Petites Catéchèses, 63, éd. E. Auvray, Sancti patris nostri et confessoris Theodori Studitis Praepositi Parva catechesis, Paris 1891, p. 220-224 ; trad. A.-M. Mohr, intro., notes, biblio. M.-H. Congourdeau, Paris 1993 (Les Pères dans la foi 52), p. 145-147.
55 Théodore Stoudite, Petites Catéchèses, 63 (cité n. 54), éd. p. 223, l. 55-56, trad. p. 147.
56 Théodore Stoudite, Canon, ode 1, éd. Tomadakis, Ἡ ἀκολουθία (cité n. 54), p. 346, l. 1. Ibid., ode 9, p. 351, l. 121.
57 Ibid., ode 1, p. 346, l. 7-9 (νεανικῶς κατὰ τοὺς Μακκαβαίους ἐνηθληκότες).
58 L’emploi du terme est jugé comme étant inapproprié par H. Delehaye, en raison de son absence dans le texte biblique. Voir Ziadé, Les martyrs Maccabées (cité n. 5), p. 68.
59 Analecta hymnica graeca e codicibus eruta Italiae inferioris, éd. J. Schiro, t. 7 : Canones martii, éd. E. Tomadakis, Rome 1971 (Istituto di studi bizantini e neoellenici), 6 mars, p. 99-107. Sur Joseph l’Hymnographe, voir PmbZ 3454 ; sur ses œuvres, E. Tomadakis, Ἰωσὴφ ὁ ὑμνογράγος, Athènes 1971, p. 147-148, nos 196-197.
60 Μηναῖα τοῦ ὅλου ἐνιαυτοῦ, t. IV, Rome 1898, p. 30-35.
61 Ibid., p. 34 : « vous avez imité les trois divins enfants emprisonnés à Babylone… ».
62 Éd. P. Nikitin et V. Vasilievskij, Skazanija o 42 amorijskich mucenikach, Saint-Pétersbourg 1906, p. 80.
63 L’ensemble de ces textes a été publié, ibid., p. 79-87 (dossier H), ici p. 79. Les noms de Méthode et d’Ignace qui y figurent en tant qu’auteurs de l’une ou l’autre pièce ont servi à dater la mise en place du culte des XLII martyrs, sans pour autant que l’on ait une quelconque assurance qu’il se soit agi d’Ignace le Diacre ou du patriarche Méthode.
64 En revanche l’un de leurs hagiographes ne manque pas de mettre en relation les XLII d’Amorion avec les XL martyrs de Sébaste, les soldats condamnés par l’empereur païen Licinius à mourir de froid. Voir Michel, Passion des XLII martyrs d’Amorion (BHG 1213), éd. Vasilievskij et Nikitin, Skazanija o 42 amorijskih mučenikah (cité n. 62), p. 34.
65 Ibid., p. 26, l. 24 (ὡς ὁ περιβόητος οὗτος λάτρης καὶ νεοφανὴς μάρτυς τῆς πανυμνήτου καὶ ζωαρχικῆς τριάδος), p. 30, l. 15, p. 36, l. 3-4.
66 Ibid., p. 36, l. 3-4 : « ô athlètes du Christ nouvellement apparus (νεοφανείς) du Christ et astres toujours brillants de notre génération (γενεά) ». Ce dernier terme est également utilisé par Théodore Stoudite (voir supra).
67 Sôphronios, Passion des XLII martyrs d’Amorion (BHG 1209), éd. Vasilievskij et Nikitin, Skazanija o 42 amorijskih mučenikah (cité n. 62), p. 39, l. 3 : « Que maintenant nous qui aimons les martyrs tendions l’oreille aux exploits de martyrs, afin que nous portions la grâce des récents martyrs tout juste apparus (ἐκ τῶν νεοφανῶν ἀρτίως ἀναφανέντων μαρτύρων) ; p. 44, l. 10 (τοὺς νεολαμπεῖς ἀγωνιστάς).
68 Il est notamment absent du récit des événements que livre la Continuation de Théophane. Celle-ci, d’après l’introduction de la nouvelle édition, aurait pour source, entre autres,
la Passion d’Euodios.
69 Vie de Théodora (cité n. 39), 7, l. 8-9, p. 263.
70 Vie de Basile (cité n. 38), 91, p. 298, l. 16-17.
71 Voir n. 67. Cette acception purement temporelle est confirmée en un autre cas, dans les notices du Synaxaire de Constantinople, dédiées aux martyrs André in Krisei et ses compagnons. Dans les deux plus anciennes qui sont conservées, celle du présynaxaire (datée du tournant des ixe et xe siècles) et celle du Synaxaire du manuscrit Sainte-Croix 40, les martyrs sont qualifiés de νεοφανείς. En revanche ils ne le sont plus, du moins dans le Synaxaire de Sirmond, comme si la mention, à plus d’un siècle de la consignation du martyre supposé, eût été inappropriée : Syn. CP, 20 octobre, Synaxaria selecta, col. 151. Elle est en revanche introduite dans la notice de Georges du Dihippion : Syn. CP, 11 mars, 4, col. 530 ; Synaxaria selecta, col. 527-528 (dans ces deux dernières notices, il est précisé, dans l’une, que Georges aurait vécu sous Jean Tzimiskès, dans l’autre, sous Romain Ier et Constantin VII).
72 Joseph l’Hymnographe introduit d’ailleurs néophanès une fois, dans le premier de ses canons qui a été mentionné. Voir Analecta hymnica graeca (cité n. 59), t. 7, p. 105, l. 147 : il y est question des « astres récents » (νεοφανεῖς ἀστέρες).
73 Comme indiqué n. 71, si le terme a sans doute une acception purement temporelle dans la notice du Synaxaire de Constantinople concernant le martyr André in Krisei et ses compagnons (Syn. CP, 20 octobre, Synaxaria selecta, col. 151-152), c’est moins clair dans le cas de Georges du Dihippion (11 mars, 4, col. 530 et Synaxaria selecta, col. 527-528).
74 Il existe une possible exception : dans le Présynaxaire, dans la recension la plus ancienne du Synaxaire de Constantinople comme dans le Synaxaire de Sirmond est commémoré, le 19 juillet, « notre saint père Grégoire, évêque de Panèdos, le nouveau confesseur ». On ignore tout de l’évêque en question. Voir A. Dmitrievskij, Opisanie liturgiceskih rukopisej hranjascihsja v bibliothekah pravoslavnogo vostoka, t. 1.1 : Tupika, Kiev 1895, p. 1-152, ici
p. 94 ; J. Mateos, Le Typicon de la Grande Église, t. 1 : Le cycle des douze mois, Rome 1962 (OCA 165), p. 346 (le siège de Grégoire n’est pas mentionné) ; Syn. CP, 19 juillet, 3, col. 830 (même remarque).
75 Syn. CP., 28 novembre, 1, col. 261 (Étienne le Jeune). Ibid., 15 décembre, 2, col. 310 (Bacchos le Jeune). Ibid., 30 janvier, 3, col. 434 (Théophile le Jeune).
76 Hiéromartys : Lucien, prêtre d’Antioche, Basile d’Ancyre… ; hosiomartys : Paphnoutios, André in Krisei… ; mégalomartys : Georges, Théodore, Eustathe Plakidas. Le peu que nous connaissons du dossier hagiographique du martyr des Turcs de l’extrême fin du xie siècle, Théodore Gabras, n’est pas en contradiction avec cette conclusion : voir A. Rigo, Il martirio di Teodoro Gabras (BHG 1745), An. Boll. 116, 1998, p. 147-156. Le synaxaire (BHG 1745), édité par A. Papadopoulos-Kérameus, le qualifie de mégalomartys, dans VV 12, 1905, p. 132-147, ici p. 135-136.
77 Sur cette production hagiographique, voir par exemple S. H. Griffith, Christians, Muslims, and Neo-Martyrs. Saints’ Lives and Holy Land History, dans Sharing the Sacred : Religious Contacts and Conflicts in the Holy Land : First-Fifteenth Centuries CE, éd. A. Kofsky et G. G. Stroumsa, Jérusalem 1998, p. 163-207, C. S. Sahner, Christian Martyrs under Islam. Religious Violence and the Making of the Muslim World, Princeton NJ 2018 et, dans ce volume, le chapitre consacré à cette littérature, dans A. Binggeli et S. Efthymiadis, La Vie et Passion de Bacchos par Étienne le Diacre, p. 18-27. C. S. Sahner a consacré un article qui porte plus spécifiquement sur la question de la réactualisation de la figure du martyr dans le califat omeyyade et abbasside, qu’il inscrit dans une démarche de construction identitaire des chrétiens vivant sous domination islamique : Old Martyrs, New Martyrs and the Coming of Islam : Writing Hagiography after the Conquests, dans Cultures in Motion : Studies in the Medieval and Early Modern Periods, éd. A. Izdebski et D. Jasiñski, Cracovie 2014, p. 89-112, en particulier p. 94-97, sur l’apparition du terme néomartyr.
78 Vie d’Élie d’Hélioupolis, éd. A. Papadopoulos-Kérameus, Συλλογὴ Παλαιστινῆς καὶ Συριακῆς Ἁγιολογίας, t. 1, Saint-Pétersbourg 1897, réimpr. Thessalonique 2001, p. 42-59.
79 Dans le titre, qui n’est pas forcément d’origine et qui est conservé dans le ms. Paris, BnF, Coislin 303, témoin unique de la Vie, le saint est désigné selon une terminologie plus conforme à l’usage byzantin : Ὑπόμνημα καθ’ ἱστορίαν τῆς ἀθλήσεως τοῦ ἁγίου μεγαλομάρτυρος Ἠλία τοῦ νέου (éd. A. Papadopoulos-Kérameus, p. 42, l. 1-5).
80 Passion d’Élie d’Hélioupolis, 2 (p. 43, l. 21-26) : εἰ γοῦν ἁμαρτωλὸς ἦν ἡ γυνή, ὡς ἤκουσας, διὰ δὲ τὰ δάκρυα ἐκεῖνα καὶ τὸ βαλεῖν τὸ μύρον ἀφῆκεν αὐτῇ ὁ φιλάνθρωπος Ἰησοῦς τὰς ἁμαρτίας αὐτῆς τὰς πολλάς, τούτοις τοῖς νεομάρτυσι διὰ τὰς πολλὰς θλίψεις αὐτῶν καὶ τὴν ἔκχυσιν τοῦ ἰδίου αἵματος οὐ δοκεῖς ἀφεθῆναι τὰς τυχὸν μεγάλας ἢ μικρὰς ἁμαρτίας αὐτῶν ;
81 Ibid., 3 (p. 44, l. 15-16) : οὗτοι δὲ <οἱ> νεομάρτυρες τοῖς δάκρυσι καὶ κρουνοῖς τῶν αἱμάτων ἅμα τε τοὺς πόδας καὶ ὅλην τὴν σάρκα ἐξέμαξαν.
82 Ibid., 1 (p. 42, l. 6-7) : τὴν τῶν πολλῶν ἀντιλογίαν ἢ δυσπιστίαν περὶ τῶν ἁγίων μεγαλομαρτύρων ἤδη προανεσκευασάμεθα.
83 Anastase le Sinaïte, Narrationes, éd. A. Binggeli, Anastase le Sinaïte. Récits sur le Sinaï et Récits utiles à l’âme. Édition, traduction et commentaire, Thèse de doctorat, Université Paris IV, Paris 2001.
84 Ibid., II 22, éd. p. 252, trad. p. 567.
85 Ibid., II 21, éd. p. 251, trad. p. 566.
86 Anastase le Sinaïte, Questions et réponses, 75, éd. M. Richard et A. Munitiz, Anastasii Sinaitae Quaestiones et responsiones, Turnhout 2006 (CCSG 59), p. 126-127.
87 Ibid., 89, p. 143.
88 Passion de Pierre de Capitolias, 9, éd. / trad. S. J. Shoemaker, Three Christian Martyrdoms from Early Islamic Palestine, Provo 2016 (Eastern Christian Texts 6), p. 43.
89 Passion de ʿAbd al-Masīḥ, éd. / trad. S. H. Griffith, The Arabic Account of ʿAbd al-Masīḥ an-Nağrānī al-Ghassānī, Le Muséon 98, 1985, p. 331-374 ; Passion d’Antoine Rawḥ, éd. /trad. I. Dick, La Passion arabe de S. Antoine Ruwaḥ, néo-martyr de Damas († 25 déc. 799), Le Muséon 74, 1961, p. 109-133 : éd. p. 119-127, trad. p. 127-133.
90 Passion des LX martyrs de Jérusalem, éd. A. Papadopoulos-Kerameus, Pravoslavnyi Palestinkij Sbornik 34, XII.1, 1892, p. 1-7.
91 Passion de Romanos le néomartyr, éd. / trad. S. J. Shoemaker, Three Christian Martyrdoms (cité n. 88), p. 151.
92 Passion des XX martyrs de Mar Saba, § 48, éd. S. J. Shoemaker, Three Christian Martyrdoms (cité n. 88), p. 140 : Μακάριοί ἐστε, πατέρες πανίεροι, ὅτι προσθήκη καὶ ἐκσφράγισμα εὐκλεὲς καὶ ἐπέραστον τῶν ἀπ’ αἰῶνος μαρτύρων τῷ Χριστῷ γεγόνατε ἐν οὐ καιρῷ διωγμοῦ τὸν τοῦ μαρτυρίου τέλειον ἀπενεγκαμένοι στέφανον.
93 Voir A. Binggeli, Un ancien calendrier melkite de Jérusalem, dans Sur les pas des Araméens chrétiens. Mélanges offerts à Alain Desreumaux, sous la direction de F. Briquel Chatonnet et M. Debié, Paris 2010 (Cahiers d’études syriaques 1), p. 181-194, ici p. 190-192.
94 Calendrier palestino-géorgien, éd. G. Garitte, Le calendrier palestino-géorgien du Sinaiticus 34 (xe siècle), Bruxelles 1958 (Subs. Hag. 30), p. 64, 213-214 (Romain le néomartyr au 1er mai), p. 59, 196 (Épiphane le néomartyr au 9 avril) et p. 410 (Bacchos le néomartyr au 15 décembre ; voir aussi p. 197 au 11 avril). Sur l’introduction de la commémoraison des néomartyrs dans le calendrier liturgique de l’Église de Jérusalem, voir aussi D. Galadza, Liturgy and Byzantinization in Jerusalem, Oxford 2018 (Oxford Early Christian Studies), p. 282-285.
95 Calendrier palestino-géorgien (cité n. 94), p. 48, 151 (4 février).
96 Ibid., p. 105, 393 (23 novembre).
97 Ibid., p. 45, 136 (19 janvier) et dans le calendrier syriaque melkite (30 décembre), voir Binggeli, Un ancien calendrier melkite (cité n. 93), p. 192.
98 Ibid., p. 98, 363-364 (21 octobre).
99 Étienne le diacre, Vie et passion de Bacchos, éd. A. Binggeli et S. Efthymiadis, dans ce volume, supra p. 104-139 ; sur les questions d’attribution, voir p. 46-53.
100 Voir supra, p. 228-229.
101 Voir supra, p. 221-222.
102 Voir, en dernier lieu, B. Kitapci Bayri, Warriors, Martyrs, and Dervishes. Moving Frontiers, Shifting Identities in the Land of Rome (13th-15th Centuries), Leyde 2019 (The Medieval Mediterranean 119) : nous n’avons pas pu prendre connaissance du livre avant l’achèvement du présent ouvrage. Voir aussi M. Fanelli, La memoria e l’immagine dei neomartiri di età paleologa, dans ce volume, p. 363-398.
103 Rigo, ‘O Martiri gloriosi di Cristo apparsi di recente…’ (cité n. 3), p. 16-17.
104 Syméon le Nouveau Théologien, Hymnes, 41-58, éd. J. Koder, trad. J. Paramelle et L. Neyrand, Paris 1973 (SC 196), p. 33. Voir aussi ibid., p. 261, v. 9, 5 ; id., Hymnes, 16-40, éd. J. Koder, trad. L. Neyrand, Paris 1971 (SC 174), p. 489, v. 46 ; id., Traités théologiques et éthiques, t. 2 : Eth. IV-XV, éd. / trad. J. Darrouzès, Paris 1967 (SC 129), p. 301. Le motif est repris par Nicétas Stéthatos, dans la Vie qu’il consacre à Syméon : « (l)e bienheureux Syméon, martyr volontaire même sans persécution, et par le martyre de la conscience et par la patience à supporter les épreuves tombées sur lui pour la cause du commandement de Dieu […] ». Voir Un grand mystique byzantin. Vie de Syméon le Nouveau Théologien (949-1022) par Nicétas Stéthatos, éd. I. Hausherr et trad. fr. en collab. avec G. Horn, Rome 1928 (Orientalia christiana 12), 109, p. 151.
105 Voir, par exemple, comme Grégoire de Nazianze loue Basile de Césarée en martyr : « C’est avec peine que le corps, échappant aux ravisseurs et triomphant des gens du cortège, est remis dans ces conditions au tombeau de ses pères, que le grand-prêtre est ajouté aux prêtres, la grande voix qui résonne encore à mes oreilles aux prédicateurs et le martyr aux martyrs » (Or. 43, 80, éd. / trad. fr. J. Bernardi, Paris 1992 [SC 384]). Ou encore Jean Chrysostome, Éloge de Barlaam, saint martyr, dans Panégyriques de martyrs, t. 1, éd. / trad. N. Rambault, avec la collaboration de P. Allen, Paris 2018 (SC 595), p. 296-301. Id., Sur la providence de Dieu, XIX 3, éd. / trad. A.-M. Malingrey, Paris 1961 (SC 79), p. 235-237. Sur ce thème, voir M. Alexandre, Les nouveaux martyrs. Motifs martyro-logiques dans la vie des saints et thèmes hagiographiques dans l’éloge des martyrs chez Grégoire de Nysse, dans The Biographical Works of Gregory of Nyssa, éd. A. Spira, Philadelphie 1984, p. 33-70.
106 Voici le propos que Sophrone de Jérusalem oppose, au début du viie siècle, à une fidèle pleine de scepticisme, Athanasia, qui doute du statut de martyrs de Cyr et Jean : J. Gascou, Sophrone de Jérusalem, Miracles de Cyr et Jean (BHG I 477-479), Paris 2006, p. 98 : « Même si nous n’avons aucun acte authentique […] proclamant les combats des saints et montrant leur procès, la masse des miracles qu’ils opèrent continuellement devrait faire présumer qu’ils sont des martyrs. En effet s’ils n’accomplissent pas d’œuvre de martyrs et n’ont pas reçu la grâce des actions surnaturelles leur permettant de guérir les malades, encore que cela ne nous plaise pas (nous ne sommes pas de cet avis), refusons-leur le titre de martyrs, du moins auprès des autres, mais, s’ils accomplissent plus de prodiges que des martyrs, pour quelle raison ne les appellerait-on pas martyrs ? ».
Auteurs
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
UMR 8167 Orient et Méditerranée
IRHT - CNRS
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