Les enjeux épistémologiques, éthiques et linguistiques d’une écriture scientifique du côté des animaux et au-dessus d’eux
p. 165-177
Texte intégral
Tout discours scientifique est aussi une littérature, une mise en scène, même en éthologie et bien sûr en histoire1.
1Ce texte interroge les différentes acceptions et les divers enjeux d’une écriture scientifique du côté des animaux. L’émergence de travaux consacrés aux animaux écrits d’un point de vue favorable à la cause animale soulève de nombreuses questions. Quelle place accorder à la subjectivité dans le travail scientifique ? Comment l’objectiviser et faire place à d’autres subjectivités que la sienne ? Comment produire une histoire ouverte à l’interdisciplinarité et qui fasse la synthèse de l’hétérogène ? Comment et jusqu’où empathiser avec les animaux, comprendre et restituer leur situation, leurs modes de perception, de ressenti, de pensée, leurs formes d’action ou de réactions, quand ces derniers ne parlent pas et que les témoignages proviennent d’êtres humains plus ou moins favorables ou hostiles aux « bêtes » ?
2Avant d’analyser d’un point de vue linguistique des traits scripturaux stylistiques zoocentrés, on ne saurait oublier qu’être du côté des animaux met aussi en branle un ensemble de dimensions scripturales épistémologiques. Certes, ces deux aspects ne sont pas radicalement dissociables, mais il est nécessaire de les distinguer, pour la clarté de l’exposition et aussi parce qu’il n’y a pas nécessairement de continuité entre les uns et les autres – comme le montre l’exemple d’Éric Baratay, qui partage nombre de considérants épistémologiques avec beaucoup d’autres chercheurs tout en étant relativement original dans ses choix « scientifico-littéraires ».
Écrire du côté des animaux : des hypothèses et des méthodologies scientifiques aux visées philosophiques, éthiques et politiques
3Premièrement, écrire du côté des animaux peut s’entendre comme visée scientifique. Cela concerne la connaissance de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, voire de l’« infiniment inférieur » à l’espèce humaine, selon la plupart des religions. En ce sens, être scientifiquement du côté des animaux, c’est ne pas hésiter à s’intéresser à des espèces que l’on pourrait assimiler à des « vies minuscules ». Cette perspective entraîne des prises de risque dans les hypothèses, les protocoles expérimentaux et les conceptualisations. Il est souvent plus difficile de faire une belle carrière académique si l’on s’intéresse aux créatures invisibles, humaines ou animales2.
4Comment penser les relations entre les espèces animales et l’espèce humaine ? Jakob von Uexküll analyse des environnements/territoires animaux sans interférences avec des espèces différentes partageant le même « milieu », comme le montre son analyse célèbre du chêne, avec le renard, la chouette, le bostryche ou l’ichneumon3. Cette approche biologique de la notion d’adaptation comme une réaction de chaque espèce à son environnement en fonction de ses capacités perceptives a été critiquée, car, si chaque espèce vivait dans un Umwelt différent, il n’y aurait pas de relations réciproques fortes entre espèces, notamment entre animaux et espèce humaine. D’où une conception plus récente de l’adaptation, héritée des psychologues et des anthropologues, selon laquelle l’environnement est commun à toutes les espèces et les invite à interagir entre elles et à évoluer4.
5Être du côté des animaux repose souvent sur des capacités de décentrement empathique, pour mieux provoquer puis analyser les interactions humains/animaux5. Il faut alors distinguer les formes d’empathie cognitive – imaginant les perceptions, émotions, affects, pensées, paroles (ou messages dans le cas des animaux), actions d’un autre – ; dissocier celles-ci des modalités de partage émotionnel et de sympathie envers ce dernier6. Ces distinctions sont cruciales dans les cas d’empathisation interspécifique en régime scientifique, afin d’éviter une posture fusionnelle ou obsessionnelle dans laquelle le chercheur risque d’oublier sa propre position7. Mais la posture empathique est tout à fait compatible avec un positionnement scientifique dans lequel le chercheur n’oublie pas ce qu’il est :
Être du côté de [des animaux], c’est se mettre avec pour mieux voir vivre, s’attacher de près aux faits et gestes, afin de bien les saisir et les rapporter. Cependant, il y a dans cet avec, plusieurs situations possibles pour l’observateur-rapporteur. La plus simple consiste à se tenir à côté pour décrypter les conditions imposées, les réactions suscitées, les actions permises, et ainsi voir évoluer les animaux ; ce sera, de loin, la plus fréquente en raison de l’état des sources, qui évoquent plutôt des groupes ou des animaux à l’état générique que des individus précis, et de la science, qui connaît mieux les gestes et les sociabilités que les intériorités. […] Mais comme il faudra aussi revenir au point de vue humain pour expliquer certaines situations, cette histoire nécessite de faire sans cesse varier les positions et les repères8.
6La posture empathique se conjugue souvent avec une grande capacité d’observation et d’écoute. « On ne connaît jamais si bien ceux qu’on interroge que lorsqu’on accepte d’apprendre avec eux, non sur eux, voire contre eux9. » Cette ouverture favorise l’étude de nouveaux objets, en ne priorisant plus seulement le visible et en s’intéressant par exemple à des données kinétiques, vibratoires10. Elle invite à interpréter un certain nombre de comportements peu réactifs, non en termes de faibles capacités animales, mais comme le symptôme de situations ou de protocoles dénués d’intérêt pour les animaux11. « À la routine de protocoles répétitifs », les scientifiques gagnent à substituer des épreuves inventives par lesquelles les animaux pourraient montrer de quoi ils peuvent être capables, comment ils peuvent évoluer, voire comment les relations entre observateur et observé sont elles-mêmes susceptibles de co-évolution12. Les effets positifs de la relation horizontale êtres humains/animaux ne sont plus à démontrer et il n’est pas sans intérêt de remarquer que de telles innovations ont été largement dues à la féminisation des éthologues ou des primatologues et à leur attention à des démarches collaboratives13. Les conséquences qui en découlent mettent en relief, au-delà du biologique, la part de l’histoire et de la culture dans la définition des espèces animales, dans le rythme de leur évolution, dans les modalités de transmission des savoirs, susceptibles d’influer sur l’individualisation des animaux.
7Deuxièmement, écrire du côté des animaux s’entend comme intérêt philosophique, anthropologique, pour dégager les caractéristiques de l’espèce humaine et celles des animaux dans leur diversité14. C’est ainsi que Frans de Waal considère qu’il existe des « primitives » universelles, du ressenti aux pensées et à l’action, qui concernent toutes les espèces, à des degrés divers15. De même, il considère qu’il y a des leçons à tirer pour l’espèce humaine de l’observation des primates : « Je vois encore, alors qu’une équipe de cinéma filmait une séance de partage [entre chimpanzés], l’opérateur se tourner vers moi pour me dire : “Je devrais montrer ça à mes enfants. Ils pourraient en tirer une leçon16”. » Il souligne aussi l’existence de telles capacités empathiques et altruistes17 chez des espèces dites « inférieures », pour assurer leur survie (subsistance et descendance) par l’intermédiaire de comportements coopératifs de groupe contre des prédateurs.
8Mais la question porte plus loin, avec la problématique du « propre de l’homme18 ». La formule a mauvaise presse, mais c’est le concept qui compte : si « nous » partageons beaucoup avec « les autres animaux », nous sommes aussi par certains aspects différents d’eux, une spécificité d’espèce qui n’a pas nécessairement à voir avec la quête d’une exceptionnalité humaine. Beaucoup de critères – bipédie, développement du cerveau, regard éloigné, moindre consommation énergétique, fabrication des outils, langage, évocation de l’absent, stylisation, réflexivité, prohibition de l’inceste, échange (des biens, des femmes, des paroles) – ont pu être discutés. Il n’en reste pas moins que, cumulés, ils produisent un saut qualitatif, du processus d’hominisation, à partir de la donnée initiale de la bipédie, vers celui d’humanisation19 .
9Les facultés animales de sentience ou de communication ont peu à voir avec les systèmes symboliques que sont les langues, associées au pouvoir de la rationalité et du dialogue20. Cette articulation, fondamentale, permet aux êtres humains d’envisager l’absent, de critiquer ce qui est, d’imaginer et de discuter de ce qui n’est pas encore, comme le rappelle judicieusement Élisabeth de Fontenay :
J’aime beaucoup la réponse de l’anthropologue Maurice Godelier à Frans de Waal. […] les chimpanzés sont peut-être capables de réconciliation et d’empathie mais […] ils ne sont pas capables de se représenter leurs relations sociales de façon telles qu’ils puissent les changer. Il n’y aura jamais une nuit du 4 août, dit-il, chez les chimpanzés21.
10Il existe certes des coalitions de chimpanzés pour renverser des mâles dominants, mais celles-ci n’ont rien à voir avec une délibération collective visant à se débarrasser définitivement de cette domination. Il n’y a donc pas de « langue » animale, mais des messages « qui ne se laissent pas décomposer en unités sémantiques élémentaires22 », réduits aux fonctions référentielle, conative ou expressive (sous la réserve précédente), tandis que les fonctions poétique et métalinguistique sont inaccessibles, tout comme la conceptualisation des abstractions, de l’hypothétique, du futur23.
11Peut-on, à défaut de langue, invoquer le terme « langage » ? Ce dernier est d’une polysémie embarrassante en contexte scientifique. Sur internet, le dictionnaire Le Robert distingue une « fonction d’expression de la pensée et de communication entre les humains, mise en œuvre par la parole ou par l’écriture d’une part », d’autre part « tout système de signes permettant la communication ». De même le dictionnaire Larousse dissocie la « capacité, observée chez tous les hommes, d’exprimer leur pensée et de communiquer au moyen d’un système de signes vocaux et éventuellement graphiques (la langue) » de « tout système structuré de signes non verbaux remplissant une fonction de communication ». Cette distinction fondamentale se retrouve partout, notamment dans les dictionnaires de linguistique24. Or beaucoup d’auteurs travaillant sur les animaux utilisent l’expression « langage animal » – sans doute au titre d’une approche continuiste des relations entre l’être humain et les autres espèces animales – sans toujours préciser le sens dans lequel ils l’emploient, ce qui est source de confusions entre le premier sens (faculté de communiquer qui s’exprime dans des langues diverses résultant de communautés linguistiques diverses appartenant toutes à une seule et même espèce, l’espèce humaine) et un ensemble de significations variées (codes, instructions conventionnelles dans certaines sciences, telles l’informatique ou les mathématiques, les langages secrets, le langage des animaux, etc.25) qui n’ont pas les mêmes signifiés ni les mêmes référents que dans le premier cas. Ces diverses acceptions sont bien évidemment légitimes ; ce qui l’est moins, c’est le passage subreptice de l’une à l’autre. En l’état de nos connaissances, la dénomination « communication animale », plus englobante et moins technique, évite ces ambiguïtés ou ces amalgames26. Ce que reconnaît Frans de Waal : « En dehors de notre espèce, pour être honnête, il n’y a aucune preuve de communication symbolique aussi riche et multifonctionnelle que la nôtre27. » Certes, les animaux sont la preuve vivante que le langage n’est pas indispensable pour penser. Mais le reconnaître ne suffit pas, il faut aussi reconnaître que grâce à lui, nous avons la possibilité de penser autrement28. Et il faut ajouter que cette possibilité/capacité de penser autrement s’est trouvée profondément enrichie par l’écriture et le développement de ses supports.
12Être du côté des animaux implique-t-il qu’il faille être antispéciste ? Beaucoup récusent les termes du débat biaisé posés par Peter Singer29. La dimension continuiste est fondamentale30 et le spécisme n’implique aucun mépris envers les animaux :
Je m’affirme comme radicalement spéciste. Je suis continuiste, évidemment, avec Lucrèce et avec Diderot. ET je suis darwinienne, acquise à la théorie synthétique de l’évolution. La matérialiste que je suis n’a aucun problème avec ce savoir, et je n’ai pas de honte à reconnaître que nous sommes des Homo sapiens, espèce de la famille des hominidés appartenant à l’ordre des primates. […] L’homme fait partie des espèces animales ; c’est une évidence, mais en tant que législateur il appartient au monde de la culture, et il appartient à une histoire qui n’est plus seulement de l’histoire naturelle. Il y a eu une mutation, un saut qualitatif, une émergence, une déviation – c’est un mot que j’aime à cause de Lucrèce – qui attestent de l’autonomie de l’histoire humaine, et qui interdisent de faire un parallèle entre le prétendu spécisme, le racisme et le sexisme31.
13Au-delà des prises de position, l’enjeu est de faire émerger « un nouvel humanisme où l’être humain prend conscience de ses responsabilités à l’égard des autres êtres, dont la vie lui a été confiée et qui sont à sa merci32 ».
14Troisièmement, écrire du côté des animaux signifie être sensible aux souffrances qui leur sont infligées. Prendre en compte la faculté de sentience animale débouche sur des considérations éthiques, politiques ou juridiques. On n’en sera pas étonné, si l’on se souvient que les émotions sont des ressorts pour se mouvoir, pour agir.
15Quatrièmement, donc, écrire du côté des animaux signifie souvent être engagé dans la défense du monde animal – bien qu’il soit possible par ailleurs d’écrire du côté des animaux sans ressentir le besoin de s’engager pour la cause animale. Par-delà les comportements individuels sanitaires et/ou éthiques émerge la sphère des actions collectives visant à faire évoluer les pratiques et les mentalités concernant notre rapport aux espèces et aux milieux naturels, les traitements à apporter aux animaux dans nos modèles économiques, qu’il s’agisse des animaux domestiques ou des espèces sauvages dont les territoires se réduisent en raison de la course aux profits humains capitalistes. De même encore, pour faire évoluer le droit, question non réductible à celle des droits des animaux. Selon Élisabeth de Fontenay, il est plus conforme à la réalité de parler d’obligations envers les bêtes33 ; c’est aussi, d’une façon générale, la position de Simone Weil : la notion de devoir et d’obligation prime celle de droit, d’abord parce que c’est elle qui nous permet de comprendre que nous devons accorder des droits aux autres, et d’abord aux plus faibles, aux invisibles, aux sans parole 34. En fin de compte, « faut-il, comme le dit Alain Finkielkraut, politiser la cause animale35 » ? C’est assurément une question politique, les rapports de force se jouant dans les institutions nationales ou supranationales comme dans la société, à travers la capacité des forces militantes et aussi des savants à nourrir la bataille des idées et à faire évoluer les sensibilités. On n’aura cependant garde de considérer que les dimensions épistémologiques se limitent aux choix scientifiques et à leurs retombées philosophiques, éthiques ou politiques tant elles ont aussi à voir avec un certain nombre de choix scripturaux.
Écrire du côté des animaux du point de vue des procédés scripturaux mis à contribution
16Écrire du côté de s’entend d’abord au plan énonciatif. Comme on l’a vu dans les extraits précédents, la démarche repose sur l’emploi de la troisième personne. Dans les fictions animales36, l’écrivain parle de l’animal, tout en se projetant empathiquement avec lui pour faire partager aux lecteurs la manière dont un animal perçoit, ressent, réagit à une situation et adapte son comportement ou communique avec un autre ou avec d’autres espèces37. Cet usage empathique de la troisième personne est différent de ses usages objectivants, dans la littérature scientifique. Ainsi Jakob von Uexküll décrit la taupe38 à la troisième personne avec une profonde connaissance de l’animal, résultant de ses observations et expériences, sans chercher à faire comprendre de l’intérieur les capacités sensorielles de la taupe, comme le confirme notamment l’activité néologique importante pour objectiver les différents environnements des espèces observés. À partir d’un certain nombre de racines, à l’instar de Bild (« image »), il invente Merkbild : « image-perception » ; Suchbild : « image-prospection » ; Wirkbild : « image-action ». Il forge de même neuf néologismes à partir de Merk (« signe »), deux d’après Richtung (« direction »), onze spécifiant Ton (« tonalité »), sept d’après Tönung (« coloration »), six pour Wirk (« action ») et Zeichen (« signe »)39.
17Ensuite, écrire du côté des animaux relève du niveau macrostructural, textuel. Ce dernier correspond à l’organisation du texte, à sa planification, qui disent toujours quelque chose du point de vue de l’auteur sur son sujet. Relève de ce plan la structuration très particulière et spectaculaire adoptée par Éric Baratay dans son dernier ouvrage, selon une structuration quadripartite organisant l’ordonnancement dans l’espace paginal pour chacun des chapitres, de manière à rendre immédiatement vi-lisible cette quadripartition. Cette pratique originale n’est cependant pas rarissime dans l’écriture académique, même si elle est plutôt cantonnée à un certain nombre de travaux sociologiques, à l’instar de Pierre Bourdieu40.
18La première strate, en caractères romains, exprime, par décentrement empathique, le point de vue de l’animal, ses affects et réactions – donc ses pensées41. Elle est première dans l’ordonnancement des chapitres, bien que sa reconstitution soit secondaire, en appui sur la deuxième strate des témoignages humains et sur la troisième, celle des documents historiques :
-… alors s’-é--l--a--n--c-e oreilles aGiTéesS levéES PUIS RAbattues poils dreSSÉS queue FoueTTanTE PUIS Abaissée TÊte rentréee… intriguée inquiète APEURÉE… bruiTS crIS
croiSSANT aprroCHANT… humains connus… odeurs gestes bruits menaÇANTS… s’-é-c-a-r-t-e… criiEEE DOULEUR… ÉCrasée b.l.o.q.u.é.e… effort, panique SOUFFRANCE… EXPLOSE42…
19Cette strate, projective, imaginative, est ici particulièrement dysphorique, en raison d’un environnement hostile. Dans des contextes plus favorables, comme avec les « chatchiens » choyés par leurs maîtres43, l’atmosphère est euphorique. La volonté de dépaysement est patente, dans la mesure où Éric Baratay ne donne la légende des quatre différentes typographies qu’au terme d’une première succession des strates44, alors que le livre commence page 7 par l’extrait ci-dessus.
20La deuxième strate, en italique, comprend des témoignages humains. Ainsi du fragment qui suit immédiatement le passage précédent :
Jérôme a donné le coup de barre final sur le crâne. Léveillé, qui a brisé la fuite « tout court d’un coup » sur les reins, ramasse aussitôt la Grise et la jette « dans la première gouttière ». Ces deux apprentis typographes d’une imprimerie parisienne des années 1740 vivent mal leur condition. [Suit une évocation de leurs conditions de vie] Cette situation est alors fréquente pour les apprentis mais les caractères critiques, revendicatifs de ces deux-là les conduisent au ressentiment et à la violence : « Les maîtres aiment les chats, ils [= nous devons] doivent par conséquent les haïr. » Néanmoins ils n’entendent pas subir les conséquences de ce « meurtre qu’il faut cacher45 ».
21Ce fragment explique la scène imaginée dans la strate 1, en s’appuyant sur le témoignage autobiographique de Nicolas Contat et un document plus général sur la vie des typographes au xviiie siècle – qui pourrait tout aussi bien figurer dans la troisième strate des documents historiques.
22La strate 3 (comme la précédente) est une reconstruction à partir de ces témoignages46, comme le montre le pseudo-discours direct censé exprimer les motivations des deux apprentis, dans un discours direct avec un pronom personnel de troisième personne (gras), et non, comme attendu, à la première personne. Il n’est pas sûr non plus que les fautifs prennent en charge la qualification finale de « meurtre », la note de l’auteur n’étant pas claire sur l’attribution de la citation, puisqu’elle cite deux sources différentes. Autrement dit le point de vue (PDV)47 humain des auteurs du crime se laisse mal distinguer de la voix de l’auteur ou de celle des auteurs cités48. Ces confusions de PDV sont redoublées lorsque les strates s’entremêlent au risque d’opacifier les alternances entre caractères romains et italiques :
En effet la Grise est la chatte de la maîtresse de maison, mais le texte de Nicolas Contat, qui révèle son acte vingt ans plus tard en se cachant derrière le personnage de Jérôme, laisse voir qu’elle n’est pas seule, qu’il y a d’autres chats, tolérés sur les toits ou souhaités dans l’atelier pour chasser les rongeurs49.
23Pourquoi les fragments initial et final sont-ils en caractères romains, réservés au PDV du chat ? Peut-être parce qu’ils correspondent dans l’esprit d’Éric Baratay à des données objectives, distinctes du point de vue subjectif d’un des auteurs des mauvais traitements infligés à la Grise. Mais on ne comprend pas pourquoi segmenter d’un côté le nom, « la chatte », et de l’autre, son complémenteur, « de la maîtresse de maison », indispensable pour trouver le bon référent, vu leur complétude syntaxique et leur continuité sémantico-énonciative avec le PDV des apprentis, qui occupe toute la phrase. De surcroît, l’inférence, annoncée par « laisse voir », renvoie de façon ambiguë à une intention manifeste de Nicolas Contat et/ou à une hypothèse d’Éric Baratay. De même, la modalité appréciative des chats « tolérés » ou « souhaités » correspond au PDV des maîtres – et possiblement, en sus, à celui d’Éric Baratay. Il y a là deux risques, à vrai dire inévitables : la multiplication des découpages entraîne des choix discutables en dissociant des segments comme s’ils provenaient de sources de PDV différents ; le montage de sources diverses peut semer le doute sur les instances de prise en charge des informations. Le fragment en gras le confirme : il est certain que les italiques s’expliquent par la source des informations, mais celle-ci est présentée par le PDV surplombant d’Éric Baratay, au plan cognitif/interprétatif. Ces risques croissent lorsque l’alternance des enrichissements typographiques prend une dimension plus importante que ci-dessus, tantôt selon une proportion dans laquelle la strate 1 domine la strate 250, ou inversement51, à moins qu’elles ne soient équilibrées sur de longs développements52. Indépendamment de ces difficultés, le statut des sources peut se discuter, l’ouvrage sur la vie des typographes au xviiie siècle pouvant tout aussi bien figurer dans la strate suivante.
24La troisième strate, dans une section avec un corps plus petit et en retrait de la marge de droite par rapport aux précédentes, est celle des documents des historiens :
Bien que la Bible et les Pères de l’Église aient ignoré le chat, une liaison avec le démon a été créée aux xiie-xiiie siècles, lors des combats contre les vaudois et surtout les cathares, un mot qu’on a aussitôt prétendu dérivé de catus (« chat » en latin), apparu au ive siècle mais d’origine inconnue. […]
La liaison avec le mal assure la diffusion d’un portait peu élogieux (le chat est sauvage, méchant, rusé, hypocrite, ingrat) dont l’expression culmine sous la plume de Buffon en 1756, en la crédibilisant un peu plus du fait de la célébrité du naturaliste et de son Histoire naturelle53.
25La quatrième strate – avec un corps analogue à la troisième, mais centré – comprend des commentaires méta-réflexifs de nature épistémologique imputables directement à l’auteur. Ainsi du commentaire sur Buffon en écho à la référence ci-dessus :
Buffon ne livre pas un portait du Chat [éternel] ou de nos chats [actuels] ; mais de chats du xviiie siècle. Toute la philosophie du présent livre tient dans ce constat d’une variation historique des discours humains et des comportements félins54.
26Cette alternance de strates et de PDV correspond à une forme de mobilité empathique55, c’est-à-dire à la capacité de varier les points de vue dans une optique interdisciplinaire, pour penser le complexe. La diversification des PDV repose sur la démultiplication des niveaux d’empathie. Il est ainsi possible de multiplier les observateurs provenant d’origines et de statuts divers ou relevant de paradigmes différents : c’est le cas du passage des strates 1 à 3 ; ou encore de diversifier les PDV à observateur constant, si ce dernier change de focale en adoptant un regard proche ou éloigné, analytique ou synthétique, empathique ou non, s’il analyse son objet en s’intéressant à telle ou telle thématique, comme le fait Éric Baratay dans la quatrième strate de Cultures félines. Il est également possible que la mobilité empathique porte sur des sujets différents, singuliers ou collectifs, en l’occurrence, des individus, des groupes ou des espèces. Au total, le croisement de ces instances (observateurs variés ou observateur constant, observé unique ou pluriels) et de ces modalités (choix de focale, d’objet scientifique, etc.) explique la complexité de toute posture scientifique, en général, et, plus encore, quand le savant entend écrire du côté des animaux : car la multiplication des niveaux d’empathisation et les PDV qui en résultent pose la question de leur articulation. Bien qu’Éric Baratay récuse l’analyse par niveaux, avec le risque d’induire des hiérarchisations théoriques parfois discutables56, l’objectivation des quatre strates présente une indéniable hiérarchisation scripturale et épistémique, car, plus on avance, des strates 1 à 3, plus le système des preuves s’accumule et gagne en autorité comme en force explicative. Et c’est dans la strate 4 que l’auteur explicite le sens de sa démarche ainsi que ses thèses essentielles sur les interactions biologiques et historico-culturelles, leurs influences sur l’individualisation des membres d’une espèce57. On peut même dire que, sans cette dernière strate, le sens de la démarche resterait plus inaccessible – surtout à un lecteur non familier de la question animale. C’est particulièrement net pour la dimension épistémologique sous-jacente aux procédés stylistiques mis en œuvre sur le plan microstructural.
27Enfin, à ce niveau, écrire du coté des animaux passe aussi par le lexique, la syntaxe, les figures. Catherine Kerbrat-Orecchioni a souligné certains aspects découlant de la reconstitution du PDV du taureau Islero lors de son combat contre le matador Manolette, avec un style télégraphique, la surfréquence des noms et des verbes à l’infinitif, l’emploi de la voix pronominale, permettant de ne pas utiliser un « je trop artificiel » ou un « il trop extérieur58 ». L’auteure de Nous et les autres animaux commente le tout en ces termes :
Ces stratagèmes d’écriture ne prétendent pas être des restitutions fidèles ni fournir un décalque du vécu animal (l’entreprise est, comme on l’a vu, condamnée d’avance). Mais par leur étrangeté même ces formulations opèrent un « décentrement » et un dépaysement59.
28D’où sa conclusion : « Le point de vue de l’animal, ce n’est jamais que le point de vue de l’humain sur le point de vue de l’animal ; et s’il peut y avoir des “biographies animales”, il n’y aura jamais d’autobiographies animales60. »
29Or, Éric Baratay va plus loin dans ses efforts de restitution du PDV félin, comme on l’a vu avec la strate 1 qui correspond à l’incipit de l’ouvrage61, avec la mise à mort de la Grise. Les variations typographiques, alternant minuscules, petites et grandes capitales, expriment de façon iconique, en compensant l’arbitraire des signes, l’intensité de la charge émotionnelle et de la douleur. Cette problématique de la sentience est nette dans « DOULEUR… », « SOUFFRANCE… », « EXPLOSE ». D’autres éléments jouent un rôle iconique, notamment les tirets (de un à deux, entre les lettres), pour motiver des mouvements d’étirement (« s’-é--l--a--n--c-e », « s’-é-c-a-r-t-e ») ; des points entre les lettres évoquent l’immobilité (« b.l.o.q.u.é.e »). Le jeu sur la grandeur croissante (« levéES ») ou décroissante (« ÉCrasée », « PUIS RAbattues », « TÊte rentréee ») des lettres imite les mouvements de déploiement ou de repli. D’autres notations, telle l’alternance de minuscules et de majuscules, sont censées donner à voir, d’un point de vue surplombant, les ondulations du corps du chat, avec « FauFiLanT62 ». Ailleurs encore, la duplication du i et la triplication du e miment la longueur et l’intensité croissante du cri (« criiEEE »).
30Les lettres jouent un rôle de signifiant graphique, déconnecté de leur valeur phonétique. En général, cette dernière prime sur les signifiants graphiques, dans la mesure où les phonèmes sont au fondement des assonances, des allitérations et du principe de la rime. Or les fragments en capitales (grandes et petites) correspondent souvent à des lettres muettes et non à des graphèmes transcrivant des phonèmes, comme dans « bruiTS crIS », dans lesquels ni le TS ni le S ne s’entendent. De même pour « levéES » pour les morphèmes du féminin pluriel qui n’ont aucune consistance phonétique – sauf, éventuellement, pour le s en cas de liaison, mais ce n’est pas le cas ici. De même encore pour les trois E majuscules, dans « criiEEE », dont la valeur morphologique de la troisième personne des verbes du premier groupe ne s’entend pas. Le problème existe également au niveau de la mise en valeur de graphèmes/phonèmes consonantiques, pour lesquels l’auteur utilise des capitales, sans mettre également en capitales la voyelle d’appui (ou interconsonantique, selon le découpage des syllabes d’« aGiTéesS » (/A + GI + TEES/ ou /A + GIT + EES/). Le linguiste trouvera à redire aux transcriptions, notamment du point de vue de leur incohérence phonétique.
31Des mots-valises néologiques (« “tournoreiLLE” », « “paLpiNariNE”, “écarpuPILLE”63 » déstabilisent d’autant plus le regard que c’est environ soixante-dix pages après les avoir employés que l’auteur donne dans la strate 4 leur équivalent en langue ordinaire, telles « tournoreiller » (= écouter), « palpinariner » (= sentir), « palpatter » (= toucher)64. De même :
Écrire « lancer » ou « poser ses pattes » plutôt que « bondir » ou « s’arrêter » […] ne suppose pas une absence d’intellect ou une capacité rudimentaire. Cela permet de souligner limbrication profonde entre le ressentir, le penser et le faire, les sens, la cognition et les gestes […]65.
32Certes, l’essentiel est de rendre compte des PDV des chats, notamment de leurs réactions physiques et émotionnelles, de leurs capacités à ressentir et à agir, autrement dit à penser, indépendamment de leur incapacité à verbaliser tous les mouvements qui les agitent. Il n’est au demeurant pas absurde de s’appuyer sur les signifiants graphiques66, comme il est fréquent dans certains usages poétiques (tels les calligrammes) ou en publicité, dans le but de provoquer un trouble pour faire voir autrement une réalité inaperçue. Mais autant ne pas perturber la visée par des choix discutables, en combinant le travail sur les signifiants graphiques et phoniques ou en limitant les perturbations liées aux découpages internes des strates.
33En définitive, s’il est bon de se décentrer lorsqu’on écrit du côté des animaux, pour comprendre et faire comprendre les spécificités des formes de vie animale, il est difficile, dans le cadre d’un projet scientifique, d’en donner une approche sensible, linguistiquement convaincante, par des procédés stylistiques fondés sur leur motivation iconique et par une architecture de preuves et de commentaires méta-réflexifs. En effet, ces procédés soulèvent des difficultés inédites parce qu’ils jouent sur des contrats de lecture différents – on n’a pas les mêmes attentes ni les mêmes modalités de lecture pour des fictions ou des textes scientifiques ; parce que, tels des écrans, ils montrent et masquent, c’est-à-dire qu’ils en arrivent à faire écran, opacifier. Cela ne saurait disqualifier par avance les tentatives stylistiques et leur visée épistémologique profondément estimable, même si l’on peut trouver que les œuvres littéraires mettent en œuvre d’autres procédés empathiques, tout aussi suggestifs mais moins discutables, à la troisième personne voire, à un degré moindre, à la première personne. Au demeurant, écrire du côté des animaux, pour les animaux n’est pas séparable d’écrire au-dessus d’eux, compte tenu de la médiation incontournable du langage humain, de la dimension surplombante et réflexive d’une écriture scientifique à forte teneur épistémologique. Compte tenu aussi de la grandeur éthique à ne pas abdiquer ce que les êtres humains ont de meilleur, quand ils pensent avoir des devoirs envers plus faibles qu’eux.
Notes de bas de page
1 Éric Baratay, Cultures félines (xviie-xxie siècle). Les chats créent leur histoire, Paris, Seuil, 2021, p. 45.
2 Ibid., p. 52-53.
3 Jakob von Uexküll, Milieu animal et milieu humain [1934], trad. de l’allemand par C. Martin-Fréville, Paris, Bibliothèque Rivages, 2010, p. 158-160.
4 Voir Vinciane Despret, Habiter en oiseau, Arles, Actes Sud, 2019.
5 É. Baratay, Cultures félines, op. cit., p. 43.
6 Alain Rabatel, « Du “point de vue” animal », Le discours et la langue, 9/2, 2017, p. 145-157.
7 Charles Foster, Dans la peau d’une bête. Quand un homme tente l’extraordinaire expérience de la vie animale, Paris, Jean-Claude Lattès, 2017 [2016].
8 Éric Baratay, Le point de vue animal. Une autre version de l’histoire, Paris, Seuil, 2012, p. 105.
9 Vinciane Despret, Que diraient les animaux, si… on leur posait les bonnes questions ?, Paris, Les empêcheurs de penser en rond/La Découverte, 2012, p. 201.
10 Id., Autobiographie d’un poulpe et autres récits d’anticipation, Arles, Actes Sud, 2021.
11 Id., Que diraient les animaux, op. cit., p. 215.
12 Ibid., p. 55.
13 Catherine Kerbrat-Orecchioni, Nous et les autres animaux, Limoges, Lambert-Lucas, 2021, p. 62-63.
14 Élisabeth de Fontenay, Le silence des bêtes. La philosophie à l’épreuve de l’animalité, Paris, Fayard, 1998.
15 Frans de Waal, L’âge de l’empathie. Leçons de la nature pour une société solidaire, trad. de l’anglais par M.-F. de Palomera, Paris, Les liens qui libèrent, 2010, p. 241-245 et 305.
16 Ibid., p. 18-19.
17 Charles Darwin (The Descent of Man, and Selection in Relation to Sex, Londres, John Murray, 1871, notamment dans les chapitres 3 et 4) cite de nombreux exemples de comportements animaux altruistes, qui contredisent la lecture biaisée de On the Origin of Species, by Means of Natural Selection or The Preservation of Favoured Races in the Struggle for Life (Londres, John Murray, 1859) en faveur d’un prétendu « darwinisme social ».
18 Selon les époques et les sociétés, il existe une grande diversité dans les représentations des continuités et des discontinuités entre êtres humains et animaux, que Philippe Descola (Les formes du visible, Paris, Seuil, 2021, p. 12-15) pense sous les catégories d’animisme, de totémisme, d’analogisme et de naturalisme. Ces réponses, sans annuler la pertinence de l’interrogation sur le « propre de l’homme », invitent à une distance critique envers le naturalisme (discontinuité morale et intellectuelle et continuité physique entre humains et non-humains), hérité de la pensée des Lumières ; ce dont font preuve les travaux ci-dessus.
19 Voir Francis Wolff, Plaidoyer pour l’universel, Paris, Fayard, 2019, p. 120-127, et, infra, Élisabeth de Fontenay rappelant que la notion de saut qualitatif n’est pas contradictoire avec la thèse continuiste.
20 Francis Wolff (ibid., p. 147) souligne que « [c]e qui distingue l’être humain, ce n’est ni la conscience (animale) ni l’esprit (des machines), c’est une certaine conscience et un certain esprit, l’un et l’autre inséparables du langage. L’esprit artificiel des machines calcule et raisonne logiquement ; seul l’être humain raisonne (aussi) dialogiquement. La conscience animale est limitée à son milieu ; grâce au langage, la conscience humaine est en relation avec elle-même ; Avec le monde et avec toute autre conscience ».
21 Élisabeth de Fontenay, « Culture humaine et cause animale », dans Alain Finkielkraut (dir.), Des animaux et des hommes, Paris, Stock/France Culture, 2018, p. 40-67 et 59-60.
22 C. Kerbrat-Orecchioni, Nous et les autres animaux, op. cit., p. 93 ; le point de vue théorique sur les unités est celui d’Émile Benveniste.
23 Ibid., p. 94-95.
24 Voir par exemple Jean Dubois et al., Linguistique et sciences du langage, Paris, Larousse, 2007 [1994], p. 264-265, ou Catherine Détrie et al., Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique, Paris, Champion, 2001, p. 167.
25 Ces significations sont particulièrement développées dans le Trésor de la langue française informatisé (TLFi).
26 D’où les réticences envers le dernier ouvrage de Vinciane Despret, Autobiographie d’un poulpe (op. cit., p. 11, 18, 38 et 43). C’est aller vite en besogne que d’imaginer, fût-ce depuis un futur hypothétique, l’existence d’une « géolinguistique » fondée sur « des langues dotées de structures originales, qui évoluent avec le temps et qui permettent aux locuteurs de différents règnes de communiquer », d’une « thérolinguistique », « branche de la linguistique qui s’est attachée à étudier et à traduire les productions écrites par des animaux (et ultérieurement par des plantes), que ce soit sous la forme littéraire du roman, celle de la poésie, de l’épopée, du pamphlet ou encore de l’archive… », voire de « sciences cosmophoniques et paralinguistiques » et d’une « théroarchitecture », notamment autour des constructions avec les fèces cubiques des wombats. Plaider pour l’analyse de modes de communication inédits, c’est une chose. Les catégoriser comme des langues, sans définir le concept, c’est épistémologiquement discutable. Certes, il s’agit d’un jeu, d’une fiction et même, à bien des égards, d’un pastiche parodique des certitudes des savants, à l’instar de Perec dans Cantatrix Sopranica L et autres écrits scientifiques (Paris, Seuil, 1991). Un tel mélange des genres et des registres – entre ce qui relève de la fiction et de la science, entre l’hypothétique déconnecté des savoirs actuels sur lesquels il y a consensus et un hypothétique fictif débridé, entre le jeu initial et les émotions finales – mériterait une étude particulière, analogue à celle qui est menée plus loin autour des travaux d’Éric Baratay.
27 Frans de Waal, Sommes-nous trop « bêtes » pour comprendre les animaux ?, Paris, Les liens qui libèrent, 2016, p. 142.
28 Ibid., p. 96.
29 Peter Singer, La libération animale [1975], trad. de l’anglais par Louise Rousselle, Paris, Petite bibliothèque Payot, 2012, p. 73. Sur le débat, voir notamment la présentation de Jean-Baptiste Jeangène-Vilmer, p. 9-39.
30 Patrick Tort, « Darwinisme social : la méprise », dans Boris Cyrulnik (dir.), Si les lions pouvaient parler. Essais sur la condition animale, Paris, Gallimard (Quarto), 1998, p. 603 ; Patrick Tort, Qu’est-ce que le matérialisme ?, Paris, Belin, 2007, p. 859.
31 É. de Fontenay, « Culture humaine et cause animale », art. cité, p. 59-60.
32 Corinne Pelluchon, « Faut-il politiser la cause animale ? », dans A. Finkielkraut (dir.), Des animaux et des hommes, op. cit., p. 198-233.
33 É. de Fontenay, « Culture humaine et cause animale », art. cité.
34 Simone Weil, L’enracinement. Prélude à une déclaration des devoirs envers l’être humain, dans Œuvres, Paris, Gallimard (Quarto), 1999 [1943], p. 1027.
35 A. Finkielkraut (dir.), Des animaux et des hommes, op. cit., p. 198.
36 A. Rabatel, « Du “point de vue” animal », art. cité, p. 145-157 ; Sophie Milcent-Lawson, Stylistique de la zoofiction française moderne et contemporaine. Représentations d’un point de vue animal dans la fiction française des xxe et xxie siècles, HDR, université Paris Sorbonne nouvelle, 2020.
37 La première personne se rencontre plus rarement, parce qu’elle contrevient aux conventions réalistes de leur représentation. Elle n’est pas impossible pour autant, en tant que procédé figural des capacités d’animaux d’exception entretenant des relations exceptionnelles avec des êtres humains d’exception : voir ibid.
38 J. von Uexküll, Milieu animal et milieu humain, op. cit., p. 123-124.
39 Ibid., p. 167-169.
40 Pierre Bourdieu, La distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de Minuit, 1979.
41 É. Baratay, Cultures félines, op. cit., p. 44-46.
42 Ibid., p. 7.
43 Ibid., p. 263-266.
44 Ibid., p. 23.
45 Ibid., p. 7-8, citant Nicolas Contat, Anecdotes typographiques [1762], dans Philippe Minard, Typographes des Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 1989, p. 234. C’est nous qui soulignons en caractères romains.
46 Ibid., p. 44.
47 A. Rabatel, « Du «“point de vue” animal », art. cité, p. 147 : « Je réserve le sigle PDV pour le PDV linguistique, le plus souvent exprimé dans une prédication, à travers les choix de référenciation et d’organisation de la prédication qui dénotent les référents tout en renseignant sur le PDV de l’énonciateur à leur propos. »
48 Une autre difficulté surgit avec la multiplicité des sources et un référencement global qui ne facilitent pas leur repérage, comme on le voit notamment dans le chapitre consacré à la mule de Stevenson, Modestine, dans Éric Baratay, Biographies animales, Paris, Seuil, 2017, p. 86-87.
49 É. Baratay, Cultures félines, op. cit., p. 8. Nous soulignons en gras.
50 Ibid., p. 109-110.
51 Ibid., p. 114.
52 Ibid., p. 115.
53 Ibid., p. 12.
54 Ibid., p. 13.
55 Alain Rabatel, Pour une lecture linguistique et critique des médias. Éthique, empathie, point(s) de vue, Limoges, Éditions Lambert-Lucas, 2017, p. 60-72.
56 É. Baratay, Cultures félines, op. cit., p. 59.
57 Ibid., p. 21-22 et 52-53.
58 C. Kerbrat-Orecchioni, Nous et les autres animaux, op. cit., p. 192. Selon Alain Rabatel (« Du “point de vue” animal », art. cité, p. 149-152), le « il » n’est pas toujours « extérieur » s’il est le support d’un PDV par déplacement empathique et donc de modalités afférentes.
59 C. Kerbrat-Orecchioni, Nous et les autres animaux, op. cit., p.192.
60 Ibid., p. 195, nous soulignons ; A. Rabatel, « Du “point de vue” animal », art. cité.
61 É. Baratay, Cultures félines, op. cit., p. 7.
62 Ibid., p. 108.
63 Ibid., p. 10 et 16.
64 Ibid., p. 82.
65 Ibid., p. 56.
66 Sur cette question des signifiants graphiques, voir notamment Francis Édeline, Entre la lettre et l’image, Louvain-la-Neuve, Académia/L’Harmattan, 2020.
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Écrire du côté des animaux
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