Méthodologie d’analyse des cavités artificielles dans le parc archéologique des thermes de Baia (Naples, Italie)
Le projet De AquisPhlaegreorum
Methodology for the Analysis of Artificial Cavities in the Archaeological Park of the Baia Thermal Baths (Naples, Italy). The De AquisPhlaegreorum Project
Résumés
La collaboration entre archéologues et spéléologues est de plus en plus fréquente et importante, dans des contextes tant naturels qu’artificiels, tels que le complexe des thermes romains de Baia. La spécificité du sous-sol volcanique a incité les Anciens, au moins à partir du iie siècle av. J.-C., à créer un réseau souterrain étendu et complexe au service des ouvrages de surface. Cette infrastructure souterraine, au cœur du projet de recherche De AquisPhlaegreorum, pose aux chercheurs une série de problèmes méthodologiques spécifiques liés aux conditions particulières rencontrées dans le sous-sol. C’est le cas des investigations récentes menées à l’intérieur du Parc archéologique des thermes romains de Baia (Bacoli - NA) où la recherche archéologique des structures affleurantes, associée aux méthodes d’analyse de la spéléologie, a permis d’identifier une nouvelle section de l’aqueduc d’Auguste, d’environ 200 m de long, totalement inconnue.
Collaboration between archaeologists and speleologistsis more and more frequent and important, both in natural and artificial contexts, such as the complex of the Roman baths of Baia. The specificity of the volcanic subsoil prompted the ancients, at least from the 2nd century BC, to create an extensive and complex underground network to serve surface structures. This underground infrastructure, at the heart of the “De AquisPhlaegreorum” research project, poses to researchers a series of specific methodological problems linked to the particular conditions encountered in the subsoil. This is the case of the recent investigations carried out inside the Archaeological Park of the Roman Baths of Baia (Bacoli - NA) where the archaeological investigation of the outcropping structures, associated with the methods of analysis typical of speleology, made it possible to identify a new section of the aqueduct of Augustus, about 200 m long, totally unknown.
Entrées d’index
Mots-clés : spéléologues, thermes, sous-sol, aqueduc, Baia
Keywords : speleologists, basement, thermal baths, aqueduct, Baia
Texte intégral
1Dans le contexte d’une archéologie complexe, c’est la collaboration entre archéologues et spéléologues qui a permis l’avancée de certaines recherches particulières. Ce partenariat interdisciplinaire est de plus en plus fréquent et important dans l’étude tant des cavités naturelles, qui attestent la présence humaine depuis des temps très reculés, que dans celle des milieux artificiels souterrains ; un milieu qui, ces dernières années a occupé une large place dans la recherche archéologique : en témoignent les associations Sotterranei di Roma (https://www.sotterraneidiroma.it/) et Roma Sotterranea (http://www.romasotterranea.it/homepage.html) qui représentent les exemples les plus développés dans le domaine archéo-spéléologique en Italie. Dans ce contexte spécifique, le complexe des thermes romains de Baia (fig. 1) représente un lieu idéal pour expérimenter de nouvelles approches et méthodes de recherche pour l’étude des cavités artificielles, grâce aux conditions de conservation particulières de la zone qui permettent encore aujourd’hui des découvertes exceptionnelles.
2C’est dans le cadre de mon doctorat, intitulé De aquisphlaegreorum. Hydrogéologie et archéologie hydraulique dans le Parc archéologique des thermes romains de Baia : analyse et évolution d’un système d’eau intégré entre l’époque républicaine et le vie siècle apr. J.C., en cotutelle entre l’université d’Aix-Marseille (Centre Camille-Jullian-ED 355, dir. S. Bouffier) et l’université de Salerne (Directeur A. Santoriello), que la recherche consacrée aux méthodologies d’étude des cavités souterraines d’époque romaine a permis de collecter des données nouvelles sur les phases d’utilisation et d’abandon du complexe grandiose des Terme di Baia. Plus précisément, le projet a pour objet l’étude et l’analyse du vaste réseau souterrain, qui fut utilisé pour gérer et exploiter les ressources hydrogéologiques de la zone en question, et qui, pendant au moins cinq siècles, permit à ce riche quartier phlégréen de s’épanouir et de devenir l’un des endroits les plus appréciés de l’élite romaine (Pour un aperçu général de la région, voir Mingazzini, 1977 ; Borriello et D’Ambrosio, 1979 ; Amalfitano et al., 1990). Les thermes de Baia, qui font actuellement partie du parc archéologique des Champs Phlégréens, représentent l’un des exemples les plus grandioses et complexes de l’architecture et de l’ingénierie romaines et occupent, grâce à un système imposant de terrasses en pente vers la mer, le côté ouest du golfe de Pouzzoles. La zone archéologique occupe une superficie d’environ 40 000 m² (fig. 2) et est en partie submergée en raison de l’immersion d’une partie du littoral provoquée par le phénomène de brady séisme phlégréen (Amato et Gialanella, 2013, p. 137-143).
3Depuis l’Antiquité, le site a été vanté pour la présence de structures thermiques liées à l’exploitation des ressources naturelles, à travers la construction de nombreuses étuves (sudationes). En effet, grâce aux caractéristiques géologiques de la zone, il n’a pas été besoin d’utiliser un système de production de chaleur artificielle dans les centrales thermiques de Baia, mais uniquement les sources naturelles présentes dans le sous-sol. Selon des sources anciennes, leur exploitation remonte au moins au iiie-iie siècle av. J.-C. et, depuis lors, la zone est toujours exploitée pour ce type particulier d’activité.
4Dans le seul du Parc archéologique des thermes de Baia, la subdivision du complexe en quatre secteurs principaux différents, à leur tour subdivisés en d’autres secteurs « mineurs », est connue depuis longtemps et largement acceptée par les chercheurs : Auberson, 1974 ; Borriello et D’Ambrosio, 1979, p. 63-69 ; Amalfitano et al., 1990, p. 198-235 ; De Angelis D’Ossat, 1977, p. 227-274 ; Di Luca, 2009, p. 143-162 ; Giuliani, 1977, p. 369-375 ; Ling, 1979, p. 77-140 ; Maiuri, 1951, p. 359-364 ; Medri, 1990, p. 184-237 ; Medri, 2013, p. 121-125 ; Miniero, 2000, p. 12-15 ; Rakob, 1988, p. 257-301 ; Sgobbo, 1934, p. 294-309), il y a au moins six sources, dont certaines sont encore actives, comme celle du Grand Anthrum près du secteur de Vénus, largement exploité, au moins jusqu’au viiie siècle (Maiuri, 1951, p. 359-364 ; Paget, 1967, p. 42-50). Cette richesse contraste avec l’absence de sources d’eau potable, indispensables à la nutrition humaine. Pour combler ce manque, les concepteurs ont créé une série d’ouvrages souterrains particulièrement significatifs dans le cadre du développement des systèmes de gestion de l’eau du monde romain, mais surtout dans la compréhension des techniques utilisées pour créer ces grandes structures souterraines au service de bâtiments implantés au niveau supérieur.
5Les investigations sont difficiles à réaliser pour un certain nombre de raisons, essentiellement liées à la nature des données et du travail lui-même. Malgré l’intérêt scientifique précoce pour la zone en question, les études dédiées à l’analyse des ensembles immobiliers identifiés sont encore très limitées et récentes. Il n’y a pas eu d’étude spécifique dédiée à l’hydrogéologie du secteur, étude fondamentale pour la compréhension du choix du lieu comme site préférentiel d’otium, comme en témoignent les sources anciennes riches en détail (Lafon, 2001, p. 257-259, 395-405 ; D’Arms, 2003). Il n’y en a pas non plus dédiées aux systèmes de gestion des ressources en eau. Dans cette situation, l’étude des structures et des systèmes souterrains au service des grands complexes immobiliers est presque entièrement nouvelle et à construire ex nihilo. Le projet De AquisPhlaegreorum s’inscrit dans ce vide documentaire.
6Une autre cause du manque de données et de documentation est liée aux techniques de fouille : la zone a été explorée entre les années 1920 et 1960 avec des techniques non stratigraphiques, totalement inadaptées pour permettre une analyse globale de l’ensemble du système de construction de Baia (Maiuri 1930-1931, p. 241-253 ; Maiuri, 1951, p. 359-364 ; Maiuri, 1958, p. 58-76 et 135-140 ; De Franciscis, 1963-1964, nr. 7303 ; Johannowsky, 1965, nr. 4601 ; De Franciscis, 1966, p. 173-191). Ces investigations, orientées exclusivement vers les bâtiments en surface (fig. 3), sauf pour des descriptions rares, n’ont pas pris en compte les systèmes souterrains présents dans le sous-sol (Maiuri, 1951, p. 359-364 ; Paget, 1967, p. 42-50). En effet, dans plusieurs cas, les ouvrages souterrains, mal fouillés et non documentés, ont simplement été libérés de la terre qui les obstruait afin de révéler leur fonctionnement dans l’Antiquité. Le résultat est que ce système étendu et complexe de collecte et de stockage des eaux pluviales, pour la plupart sous terre, est encore peu connu aujourd’hui et on en sait peu ou rien des structures construites.
7Le deuxième enjeu est lié aux difficultés techniques de l’exploration. Cette infrastructure souterraine pose une série de problèmes méthodologiques spécifiques qui sont liés à la difficulté d’explorer le sous-sol, dans la mesure où les structures présentent des dimensions si réduites (en général les canalisations ne dépassent pas les 50 x 50 cm) que seuls des spéléologues qualifiés et expérimentés parviennent à les parcourir (fig. 4 et 5). Il faut donc des professionnels, qui n’ont commencé à participer aux explorations et aux analyses des cavités hypogées menées par la Surintendance que dans les dernières années. Par ailleurs, dans de nombreux cas, on ignore les conditions de conservation de ces structures : certaines sont encore caractérisées par la présence de vapeurs ou sont en grande partie comblées par des effondrements et remblais qui en limitent le parcours.
8Sur la base des données connues par la bibliographie et l’analyse de la documentation graphique réalisée par les techniciens de la Surintendance de Naples (fig. 6), ainsi que par les explorations menées par les spéléologues à partir des années 2000, il a été possible de déterminer au moins deux grandes périodes d’utilisation de ce vaste complexe hypogée. À cet égard, une série de recherches consacrées au sous-sol du complexe des thermes de Baia ont été menées ces dernières années. Il s’agit de contributions partielles dédiées à des éléments ou secteurs reconnus : Ferrari et al., 2018, p. 59-75 ; Ferrari et al., 2020a, p. 145-152).
La première (fig. 7) est la phase la plus ancienne de la vie des complexes de Baia, qui peut être datée du iie-ier siècle av. J.-C., période d’installation des grandes villas patriciennes qui, à partir de l’époque républicaine, ont commencé à être construites le long de la côte phlégréeenne (Beloch, 1879, p. 168-202 ; Dubois, 1907, p. 223-225 et 361-414). Elle est constituée de citernes souterraines, alimentées par un système de canalisations qui alimente les structures en surface, similaire à ce qui a été réalisé dans la région du Latium.
La deuxième phase (fig. 8), certainement la plus complexe est de plus longue durée, de la fin du ier siècle av. J.-C. jusqu’au ive siècle apr. J.-C. au moins. À la fin du ier siècle av. J.-C., un renforcement et une réorganisation de l’ensemble du système de gestion hydraulique sont réalisés avec la création d’une série de connexions à l’aqueduc de l’Acqua Augusta, la grande infrastructure construite par Auguste qui permettait aux eaux provenant de la source de Serino, près d’Avellino, d’atteindre Misène, siège de la flotte impériale (Sgobbo, 1938, p. 77-97 ; Camodeca, 1997, p. 289-306 ; Ferrari et Lamagna, 2013, p. 387-398 ; Ferrari et al., 2018b, p. 37-94).
9La création de ce réseau est l’un des facteurs qui, combiné à l’agrément des lieux, à la richesse agricole de la région et à la proximité de la capitale, ont déterminé la grande fortune de Baia et les villas de ce secteur territorial entre les ier et ive siècles apr. J.-C. Baia est ainsi au centre des intérêts de l’élite romaine et des empereurs eux-mêmes, ce qui en fait encore aujourd’hui un des centres les plus importants de la culture et du monde romains.
10Malgré les difficultés énumérées ci-dessus, auxquelles s’ajoute l’urgence liée à la pandémie de Covid 19, le parc archéologique des Champs Phlégréens et l’Association Cocceius, constituée de spéléologues et de techniciens souterrains, ont conclu un accord de collaboration pour réaliser des explorations spéléo-archéologiques à l’intérieur du parc lui-même. Le premier site où cette activité a eu lieu a été le parc archéologique des thermes romains de Baia (Bacoli-NA). Ici l’analyse des structures affleurantes, associée aux méthodes d’investigation caractéristiques de la spéléologie, avait pour objectif l’identification géographique et typologique de l’hypogée, l’analyse des techniques de conception et des outils utilisés, la compréhension des finalités qui ont motivé la réalisation de ces travaux dans l’Antiquité. Les investigations ont permis d’identifier une nouvelle section de l’aqueduc d’Auguste, d’environ 200 m de long, totalement inconnue. Cette découverte s’est avérée extrêmement utile à la fois pour comprendre l’évolution des systèmes souterrains de la zone examinée et pour commencer à comprendre les phases de développement et d’abandon ultérieur de l’ensemble du complexe des thermes impériaux de Baia.
La découverte du tunnel
11L’enquête a commencé à la suite de l’identification et à l’exploration partielle d’un tunnel (défini comme C.A.0001) qui alimentait la grande citerne S.2, située sous la terrasse B, de la Villa dell’Ambulatio (fig. 8). La reconnaissance de la terrasse B, déjà commencée en 2017, a permis d’identifier un compartiment, immédiatement identifié comme le puits d’accès au tunnel en contrebas. Ce compartiment de forme quadrangulaire (0,70 m) est incliné à 45° et a été créé par l’ouverture du mur du fond d’une des terrasses de la villa, réalisé en opus reticulatum (Di Luca, 2009, p. 143-162) au milieu du ier siècle av. J.-C. Nous avons pu réaliser la documentation graphique et photographique de la zone, mais les activités ont été interrompues et, même si les données récupérées étaient préliminaires, cette première « exploration superficielle » a permis de confirmer les hypothèses initiales qui ont vu dans le tunnel C.A.0001 une dérivation possible de la conduite de l’aqueduc augustéen, dont le cheminement, avant cette exploration, n’était qu’hypothétique (fig. 9).
12En juillet 2020, grâce à l’accord triennal signé entre l’association Cocceius et le parc archéologique des Champs Phlégréens, il a été possible de reprendre l’analyse du tunnel identifié en 2017. L’objectif était de comprendre la continuation du tunnel C.A.0001 puis d’identifier l’insertion de ce dernier dans la canalisation principale de l’aqueduc d’Auguste. Afin de pouvoir pénétrer à l’intérieur de ce système pour saisir ses évolutions planimétriques et structurelles, une excavation partielle, d’environ 40 cm, du remplissage qui obstruait le tunnel a été réalisée. Puis l’excavation de celui-ci s’est déroulée sur environ 1,5 m de longueur.
13À la grande surprise du groupe de travail, après avoir retiré cette première masse de sédiment, nous avons pu identifier la suite du tunnel C.A.0001, qui se terminait par une petite ouverture quadrangulaire (0,58 m de côté), complètement libre et ouverte directement dans le conduit de l’aqueduc d’Auguste. La galerie-canalisation est en bon état et il a été possible de la parcourir sur une longueur d’environ 100 m au nord et d’environ 40 m au sud. Le chemin dans les deux sens est bloqué par l’accumulation de matériel archéologique et de terre, ce qui ne permet pas la poursuite de l’exploration (fig. 10).
14Du point de vue morphologique, la canalisation, qui a un tracé irrégulier, est équipée d’une couverture à arc surbaissé réalisée en coulée de béton, qui repose sur deux piédroits réalisés en opus incertum (fig. 11). La partie basse du tunnel est imperméabilisée sur une hauteur d’environ 60 cm par un revêtement épais (environ 6 cm) en cocciopesto. Au-dessus, on peut apercevoir d’épaisses concrétions calcaires – signe de la présence d’eau très carbonatée, identifiée comme provenant des sources de Serino (AV) (fig. 12). À la base du mur se trouvent les renforts d’angles typiques, dans ce cas de forme arrondie, d’environ 5 cm de hauteur. Les stalles sont également recouvertes d’un enduit hydraulique en cocciopesto. Le tunnel de cette section mesure environ 1,50 m de haut et 0,80 m de large. Avant l’accès à l’aqueduc augustéen, il est flanqué d’une chambre quadrangulaire (1,40 m x 1 m), qui s’est révélée être un bassin de décantation (piscinalimaria) à travers lequel l’eau était décantée avant d’entrer dans les réservoirs les plus extérieurs (désignés comme S.2, fig. 13).
15Cette seconde intervention avait pour objectif principal le relevé complet du secteur de l’aqueduc identifié et l’excavation du tunnel d’accès (C.A.0001, fig. 14). La fouille concernait la zone obstruée avec toutes les difficultés objectives de fouille, réalisée dans un environnement très particulier, un tunnel, qui ne permettait pas de procéder à l’investigation de manière « canonique ». Cela nous a obligés à nous adapter au contexte de travail. Il a donc été décidé de procéder, tout d’abord, à une section du remblai entier qui obstruait le tunnel. Nous avons ainsi tenté de comprendre de manière préliminaire la formation de la strate (dépôt volontaire ? Ou événement occasionnel dû à un effondrement ?) et de vérifier la présence d’autres actions qui n’auraient pas pu être identifiées autrement. Après avoir vérifié que la couche était globalement homogène et remplissait complètement le tunnel, l’excavation proprement dite s’est poursuivie. Pour éviter les erreurs, à intervalles réguliers, tous les 50 cm, un contrôle a été effectué en analysant la section d’excavation. L’homogénéité du matériau récupéré (céramiques, éléments en marbre et enduits de parement, pierres de différentes tailles et briques) nous permet de faire l’hypothèse de la formation de l’unité stratigraphique VA.0006 en une période de temps assez limitée. Il s’agit d’un remplissage délibéré, que l’analyse des matériaux récupérés (éléments de revêtement en marbre polychrome typiques du iie-iiie siècle apr. J.-C.) et enduits de revêtement mural de troisième style, pierres de différentes tailles et a permis de dater à la fin du ive siècle apr. J.-C. période à laquelle cette branche de l’aqueduc fut donc oblitérée (l’analyse des matériaux est toujours en cours et nous espérons terminer l’étude et la publication dès que possible (fig. 14 et 15).
16En conclusion, ces données préliminaires, acquises en recourant aux techniques d’investigation de la spéléologie (de l’identification géographique et typologique de l’hypogée, à l’analyse des techniques de conception) associées à l’analyse archéologique, malgré les difficultés opérationnelles liées avant tout aux dimensions et aux conditions du contexte, permettent d’ajouter une pièce supplémentaire au puzzle de la restitution des différentes phases caractérisant la vie du complexe des thermes impériaux et en particulier de la Villa dell’Ambulatio (De Simone et al., 2021, p. 137-154). Concrètement, l’identification et l’excavation ultérieure du tunnel de liaison entre la citerne de la terrasse B et l’aqueduc permettent de mieux comprendre les méthodes adoptées par les ingénieurs romains pour adapter et moderniser un système de gestion des eaux usées en permettant l’arrivée des eaux provenant des sources de Serino à l’intérieur de la Villa dell’Ambulatio.
17Dans le même temps, l’identification avérée du l’aqueduc d’Auguste nous permet de comprendre quelles difficultés il a fallu surmonter pour assurer le bon fonctionnement de la conduite elle-même. Les continuels changements de direction sont probablement liés à de petites erreurs de réalisation habilement résolues en reliant efficacement les différents secteurs de l’aqueduc, mais aussi à des conditions particulières de la zone de fouille qui ne garantissent pas l’étanchéité due. Des conditions qui ont poussé les anciens techniciens à créer un tunnel bordé et renforcé de parement en opus incertum. La fouille nous a également permis de faire l’hypothèse de la date d’arrêt de ces travaux. L’analyse des matériaux, en effet, nous indique un abandon brutal de la zone aboutissant à un remblayage, avec des matériaux provenant du démantèlement des structures voisines, du tunnel d’accès interne, qui peut certainement être daté du ve siècle apr. J.-C., quand Baia connaît un déclin irréversible.
18D’un point de vue méthodologique, les recherches en cours ont l’avantage incontestable d’expérimenter les techniques classiques de fouille archéologique dans des contextes très complexes comme ceux de la spéléologie ; d’un point de vue opérationnel, on travaille dans des espaces et des structures hypogées souvent très étroits, ce qui oblige aussi à aborder le gisement archéologique d’une tout autre manière car les conditions taphonomiques sont différentes de celles des monuments traditionnels. Nous sommes évidemment dans une phase initiale des activités mais la structuration d’une méthodologie de fouille fiable appliquée à ces contextes nous permettra de procéder de manière plus sûre dans l’analyse de ces contextes archéologiques très particuliers.
Bibliographie
Amalfitano P., Camodeca G., Medri M. (dir.), I Campi Flegrei. Un itinerarioarcheologico, Venise, Marsilio, 1990.
Amato L., Gialanella C., « New Evidences on the Phlegraean bradyseism in the Area of Puteolisharbour », dans E. Bilotta, A. Flora, S. Lirer, C. Viggiani (dir.), Geotechnical Engineering for the Preservation of Monuments and Historic Sites, Londres, Taylor &Francis, 2013 p. 137-143.
Auberson E. P., « Études sur les thermes de Venus », Rendiconti dell'Accademia di Archeologia lettere e belle arti di Napoli, 39, 1964, p. 167-178.
Baia 1970 in EAA (Enciclopedia dell'Arte Antica e Orientale, Roma, Istituto Enciclopedia Treccani, 1985-1986), Suppl., 1970, p. 133-134 .
Beloch J., Campanien. Geschichteund Topographie des antiken Neapelund seiner Umgebung, Rome, Breslau, 1890, rééd. 1964.
Borriello M. R., D’Ambrosio A., Baiae-Misenum. Forma Italiae I, 14, Florence, 1979.
Camodeca G., « Una ignorata galleria stradale d’età augustea fra Lucrinum e Baiae e la più antica iscrizione di un curator aquae augustae », dans Atti del Convegno in omaggio a Raimondo Annecchino (Pozzuoli, 17 gennaio 1997), Pouzzoles, 1997, p. 289-306.
Coll., Civiltà dei Campi Flegrei, Atti del convengno internazionale, Naples, Giannini, 1992.
D’Arms J. H. , Romans on the Bay of Naples and Other Essays on Roman Campania, éd. F. Zevi, Bari, Edipuglia, 2003.
De Angelis D’Ossat G., « L’architettura delle terme di Baia », dans I Campi Flegrei nell’archeologia e nella storia (Roma 4-7 maggio 1976), Rome, Accademianazionale dei Lincei, 1977.
De Franciscis A., « Baia », Fasti Archeologici, 18-19, Rome, 1963-1964, nr. 7303.
De Franciscis A., « L’attività archeologica nelle provincie di Napoli e Caserta », dans Filosofia e scienze in Magna Grecia. Attidel quinto Convegno di studisulla Magna Grecia (Taranto, 10-14 ottobre 1965), Naples, 1966, p. 173-191.
De Simone D., « Baia: evoluzione dei sistemi di raccolta e gestione delle acque tra epoca repubblicana e epoca imperiale », dans Atti del Convegno “L’acqua e la città in età romana” (Feltre, 3-4/11/2017), a cura di E. tamburrino, Seren del Grappa, 2023, p. 213-226.
De Simone D., Ferrari G., Lamagna R., Rognoni E., « Baia. Villa dell’Ambulatio: prime analisi sulla gestione e conservazione dell’acqua tra epoca repubblicana ed età imperiale », dans Pagano F., Puteoli, Cumae, Misenum 1, Rivista di studi e Notiziario del Parco Archeologico del Campi Flegrei, vol. 1, Naples,2021, p.137-154.
Di Luca G., « Nullus in orbe sinus Bais praelucetamoenis. Riflessioni sull’architettura dei complessic d. ‘dell’Ambulatio’, ‘dellaSosandra’ e delle ‘Piccole Terme’ a Baia », Babesch, 84, Maastricht, 2009, p. 143-162.
Dubois C., Pouzzoles antique. Histoire e topographie, Paris, Albert Fontemoing, 1907.
Ferrari G., Lamagna R., Il bimillenario dell’acque dotto augusteo di Serino. Atti del 21° Congresso Nazionale di Speleologia (Trieste, 2-5 giugno 2011), Trieste, 2013, p. 387-398.
Ferrari G., Lamagna R., Aqua Augusta Campaniae: considerazioni sulle morfologie degli spechi in area flegrea, Atti del 22° Congresso Nazionale di Speleologia (Pertosa-Auletta), Salerne, 2015, p. 435-440.
Ferrari G., Lamagna R., Rognoni E., « Il Parco Archeologico di Baia (Bacoli): note preliminari sulle operei drauliche di età romana nel Settore dell’Ambulatio », Opera Ipogea, 1, 2018a, p. 59-75.
Ferrari G., Lamagna R., Rognoni E., « Aqua Augusta, nuove evidenze dai Campi Flegrei », dans F. Galgano, P. Romanello, Atti delle Giornate di Studio “Evidenze archeologiche e profili giuridici della rete idrica in Campania” (Napoli, 17-18 maggio 2018), Naples, 2018b, p. 37-94.
Ferrari G., De Simone D., Lamagna R., Rognoni E., « Parco delle terme di Baia (Bacoli, Napoli) : le cisterne del settore dell’Ambulatio », Opera Ipogea, 1/2, 2020a, p. 145-152. URL : https://www.academia.edu/44725788/OPERA_IPOGEA_1_2_2020_Rivista_della_Società_Speleologica_Italiana_Commissione_Nazionale_Cavità_Artificiali_Journal_of_Speleology_in_Artificial_Cavities_Estratto_da
Ferrari G., Lamagna R., Rognoni E., « Aqua Augusta Campaniae: il doppio speco di via O livetti (Pozzuoli, Napoli) », Opera Ipogea, 1/2, 2020b, p. 137-145. URL : https://www.academia.edu/31819292/Aqua_Augusta_della_Campania_lo_speco_di_Macrinus
Johannowsky W., « Baia », Fasti Archeologici, 20, Rome, 1965, nr. 4601.
Lafon X., Villa Maritima. Recherches sur les villas littorales de l’Italie romaine, Rome, École française de Rome, 2001.
Ling R., The Stanze di venere at Baia in Archaeologia, 106, 1979, p. 77-140
Maiuri A., « Il restauro d’una sala termale a Baia », Bollettino d’Arte, 1930-1931, p. 241-253.
Maiuri A., « Terme di Baia, scavi, restauri e lavori di sistemazione », Bollettino d’Arte, Rome, 1951, p. 359-364.
Maiuri A., I Campi Flegrei, Rome, 1958.
Medri M., « Baia » dans P. Amalfitano, G. Camodeca, M. Medri (dir.), I Campi Flegrei. Un itinerario archeologico, Venise, Marsilio, 1990, p. 184-237.
Medri M., « In Baiano Sinu: il Vapor, le Aquae e le Piccole Terme di Baia », dans M. Bassani, M. Bressan, F. Ghedini (dir.), Aquae Saluti farae, il Termalismo tra antico e contemporaneo, Atti del Convegno internazionale (Montegrotto Terme, 6-8 settembre 2012), Rome, 2013, p. 121-144.
Mingazzini P., « Le Terme di Baia », dans I Campi Flegrei nell’archeologia e nellastoria, Atti dei Convegni Lincei, Accademia Nazionale dei Lincei, Convegno internazionale (Roma 4-7 maggio 1976), Padoue, Padova University Press, 1977, p. 275-281.
Miniero P., Baia. Il castello, il museo, l’area archeologica, Napoli, 2000.
Napoli M., « Architettura di Baia », dans F. Franco, F. Reggiani (dir.), Le Meraviglie del Passato, Milan/Vérone, Mondadori, p. 519-534.
Paget. R.F, In the Footsteps of Orpheus: The Story of the Finding and Identification of the Lost Entrance to Hades, the Oracle of the Dead, the River Styx, and the Infernal Regions of the Greeks, London 1967.
Rakob H., Romische Kuppelbauten in Baiae, in Mitteilungen des Deutchen Archaeologischen Instituts Roemiche Abteilung, Band 95, 1988, p.257-301.
Sgobbo I., « I nuclei monumentali delle terme romane di Baia per la prima volta riconosciuti », dans Attidel III Congresso Nazionale di Studi Romani, Rome, 1934, p. 294-309.
Sgobbo I., L'acquedotto romano della Campania: Fontis Augustei Aquaeductus, Notizie degli Scavi di Antichità, 1938, p. 75-97.
Auteur
Université d’Aix-Marseille, ED 355
Centre Camille-Jullian-Histoire et archéologie de la Méditerranée et de l’Afrique du Nord de la protohistoire à la fin de l’Antiquité, CNRS
Thèse sous la direction de Sophie Bouffier et Alfonso Santoriello, De aquisphlaegreorum. Hydrogéologie et archéologie hydraulique dans le Parc archéologique des thermes romains de Baia : analyse et évolution d’un système d’eau intégré entre l’époque républicaine et le vie siècle apr. J.C.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Appréhension et qualification des espaces au sein du site archéologique
Antoine Bourrouilh, Paris Pierre-Emmanuel et Nairusz Haidar Vela (dir.)
2016
Des vestiges aux sociétés
Regards croisés sur le passage des données archéologiques à la société sous-jacente
Jeanne Brancier, Caroline Rémeaud et Thibault Vallette (dir.)
2015
Matières premières et gestion des ressources
Sarra Ferjani, Amélie Le Bihan, Marylise Onfray et al. (dir.)
2014
Les images : regards sur les sociétés
Théophane Nicolas, Aurélie Salavert et Charlotte Leduc (dir.)
2011
Objets et symboles
De la culture matérielle à l’espace culturel
Laurent Dhennequin, Guillaume Gernez et Jessica Giraud (dir.)
2009
Révolutions
L’archéologie face aux renouvellements des sociétés
Clara Filet, Svenja Höltkemeier, Capucine Perriot et al. (dir.)
2017
Biais, hiatus et absences en archéologie
Elisa Caron-Laviolette, Nanouchka Matomou-Adzo, Clara Millot-Richard et al. (dir.)
2019