Grotte de Lascaux : comment étudier la perception du milieu souterrain dans le cadre d’un site inaccessible
Application d’outils de simulations numériques
Lascaux Cave: How to Study the Perception of the Underground Environment in the Context of an Inaccessible Site. Application of Digital Simulation Tools
Résumés
Dans ce travail, nous avons cherché à reproduire virtuellement des phénomènes d’éclairage et d’acoustique dans la Salle des Taureaux de Lascaux (Dordogne, env. 21 000 cal BP), interdite d’accès, afin de mieux comprendre comment la perception que pouvaient en avoir les Paléolithiques a pu influencer son occupation. Pour cela, nous avons bénéficié du modèle 3D de cet espace restituant la morphologie préhistorique selon une hypothèse proposée par le projet MicroPaGO (dir. D. Lacanette), ainsi que des logiciels Phanie et Icare, permettant respectivement de simuler des éclairages et des sons dans des modèles 3D.
La présence de parois couvertes de calcite propice à la peinture a souvent été proposée comme une raison de l’investissement du site, et les simulations montrent effectivement que la réflectance des parois permet l’usage de lampes à graisse pour s’éclairer et se déplacer. Cependant, nous avons également mis en évidence une longue réverbération et de bonnes qualités musicales dans cet espace, qui auraient aussi pu contribuer à sa sélection.
Les modalités de l’élection du site semblent ainsi plus complexes que ce qui avait été envisagé jusqu’à présent.
In this work, we virtually reproduced lighting and acoustic phenomena in the Lascaux’s Hall of Bulls (Dordogne, 21.5-21 cal ky BP), which is not accessible, to better understand the influence of the palaeolithic perception on its occupation. To this end, we used a 3D model restitution of the prehistoric morphology space according to a hypothesis proposed by the MicroPaGO project (dir. D. Lacanette), as well as the Phanie and Icare software, which respectively simulate lighting and sounds in 3D models.
The presence of calcite-covered walls suitable for painting has often been proposed as a reason for the investment of the site, and the simulations indeed show that the reflectance of the walls allows the use of grease lamps for lighting and moving. However, we also found long reverberation and good musical qualities in this space, which could have contributed to its selection.
The modalities of the election of the site seem more complex than what had been envisaged so far.
Entrées d’index
Mots-clés : grotte de Lascaux, perception, acoustique, éclairage, simulations numériques
Keywords : Lascaux Cave, Perception, Acoustic, Lighting, Numerical simulations
Texte intégral
1Pour comprendre les modalités de l’occupation du milieu souterrain par les groupes préhistoriques, il est indispensable de pouvoir retrouver la perception qu’ils en avaient. Or, nos perceptions visuelles et sonores des grottes ornées sont nettement différentes de celles des Paléolithiques : l’éclairage moderne est profondément différent des éclairages préhistoriques, les modalités de l’investissement du milieu ne sont pas les mêmes (par exemple cheminements imposés, limitant de facto les points de vue disponibles), et l’environnement naturel a pu évoluer (par exemple effondrements de blocs calcaires, développement de spéléothèmes, changement de la hauteur des sols), conduisant à des changements des propriétés acoustiques et visuelles des cavités.
2Ce travail de thèse a été l’occasion d’adapter des outils de simulation numérique utilisés dans d’autres disciplines (architecture, environnements urbains) aux modèles 3D de grottes ornées afin de mieux appréhender les perceptions visuelles et sonores que les Paléolithiques pouvaient avoir du milieu souterrain et leur influence sur l’investissement de cet environnement.
3Dans cet article, nous proposons d’illustrer les étapes de cette recherche en prenant pour exemple la grotte de Lascaux, ornée au Paléolithique récent, et complètement fermée aux recherches pour des raisons conservatoires.
Description de la cavité
4La grotte de Lascaux est une grotte ornée située à Montignac, en Dordogne, dans la vallée de la Vézère (fig. 1). Il semble qu’elle n’ait été fréquentée qu’à la phase de transition entre le Badegoulien et le Magdalénien initial, il y a environ 21 500-21 000 cal BP (Ducasse et Langlais, 2019).
5La découverte de la grotte en 1940 fut un choc, comme en témoignent les surnoms qui ont pu lui être attribués, tels que « chapelle Sixtine de l’art pariétal », ou « Versailles de la Préhistoire » (Delluc et Delluc, 2008). En effet, les éléments figuratifs impressionnent par le choix de la peinture polychrome, générant un contraste fort avec le support blanc (fig. 2), leurs dimensions, parmi les plus grandes de l’art pariétal (jusqu’à près de 5,6 m de long pour le quatrième taureau de la Salle des Taureaux), ou encore le nombre et la densité des entités graphiques : plus de 1 760 motifs ont été découverts à ce jour, dont près de 1 000 dans l’Abside (Aujoulat, 2002).
6Accessible au public dès sa découverte (outre les spécialistes de l’époque, de nombreux curieux et habitants des environs ont visité la grotte dès 1940), elle est rapidement aménagée pour être officiellement ouverte au public en 1948 : l’entrée est dégagée et aménagée et des tranchées de circulation sont creusées. Bientôt, une intense activité touristique engendre la détérioration des lieux. Des travaux ont été menés en 1957-1958 afin d’installer un système de circulation de l’air (les sols sont creusés pour y insérer des gaines électriques et l’éboulis d’entrée est évacué pour installer une machinerie de ventilation). Malgré tout, il apparut que l’équilibre ne pouvait être maintenu qu’en interdisant des visites de masse et la grotte fut ainsi fermée à l’initiative d’André Malraux en 1963 (Sarradet, 1979 ; Delluc et Delluc, 1979).
Historique des recherches
7Faisant suite à la découverte et aux premières observations, la titanesque tâche de relever l’ensemble des gravures de la grotte (plus d’un millier, fréquemment présentes sous la forme de palimpsestes, fig. 3) fut dévolue à l’abbé Glory, qui s’y attacha de 1952 à 1963 (Glory, 1965 et 2008). Il est ainsi présent lors des travaux de terrassement de 1957-1958 et, s’il resta impuissant face à la destruction de nombreux sols archéologiques, il réussit tout de même à sauver quelques vestiges et pu profiter des tranchées pour relever 15 coupes stratigraphiques. Ces travaux ne furent cependant que partiellement étudiés et publiés à cause du décès prématuré de l’abbé en 1966 (Delluc et Delluc, 2003).
8Une seconde phase d’étude eut pour objectif de clarifier les données accumulées depuis la découverte du site et de dresser un bilan des connaissances. Ces travaux menèrent à la constitution de l’ouvrage collectif Lascaux inconnu en 1979 (Leroi-Gourhan et Allain, 1979). Suite à cet ouvrage, les recherches sur Lascaux ralentirent, l’accès très limité à la cavité étant une contrainte forte. Seul Norbert Aujoulat put mener une étude approfondie sur plusieurs années du dispositif pariétal tout en se pliant à une forte limitation du temps de présence dans la cavité (Aujoulat, 2002 et 2004).
9Le début des années 2000 est marqué par de nouvelles crises bioclimatiques. L’accès à la cavité devient alors extrêmement contraint et la grotte est depuis complètement fermée aux recherches d’ordre archéologique.
10C’est ainsi que les années 2010 voient se profiler un renouveau méthodologique avec l’exploitation du modèle 3D (Perazio Engineering 2012/MC) à des fins de recherche. Par exemple, les importants travaux destinés à l’accueil du public ont fortement modifié l’aspect interne de la cavité, mais une restitution 3D de son état à différents moments de son histoire est en cours à travers le projet MicroPaGO dirigé par Delphine Lacanette.
Outils
Les modèles 3D
11La grotte de Lascaux, qui est non seulement interdite d’accès mais dont la morphologie actuelle est nettement différente de la morphologie connue par les préhistoriques, tant à cause de l’évolution naturelle de la cavité que des travaux menés à l’intérieur destinés à l’accueil du public, se prête particulièrement bien à l’étude à travers son modèle 3D.
12Bien qu’initialement conçu pour des raisons conservatoires, le modèle 3D de Lascaux est depuis quelques années utilisé par des équipes scientifiques pour travailler sur cette cavité : le projet MicroPaGO (dir. D. Lacanette) travaille sur le maillage du modèle afin de virtuellement restituer l’état des sols lors de la découverte du site en 1940 et lors du passage des Préhistoriques, il y a environ 21,5-21 ka cal BP, et le PCR LAsCO (dir. M. Langlais et S. Ducasse) a pour ambition de relocaliser les vestiges archéologiques sur les sols restitués de la grotte.
13Pour cette étude, nous avons eu accès au modèle 3D actuel complet (Perazio Engineering 2012/MC), au modèle restituant la morphologie de 1940 sur l’ensemble de la cavité, et à un modèle présentant une hypothèse de restitution de la morphologie pléistocène de la Salle des Taureaux (Perazio Engineering 2012 retravaillée par Archéovision Production – P. Mora ; fig. 4).
Les outils de simulation
14Le projet a été mené en collaboration avec le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), où les ingénieurs Nicolas Noé et Samuel Carré développent respectivement un outil de simulation du son, appelé Icare, et une simulation de l’éclairage, appelé Phanie, dont le fonctionnement permettait de répondre à nos besoins :
ces logiciels s’appuient entièrement sur des calculs et des données physiques ;
ils prennent en compte des morphologies 3D complexes ouvertes ou fermées de grandes dimensions ;
ils permettent des paramétrages poussés (par exemple localisation précise des émetteurs et récepteurs, personnalisation des sources) ;
les données d’entrée et de sortie sont quantifiables.
15Ces outils sont des logiciels en développement dont le fonctionnement est décrit plus précisément dans des articles dédiés (Noé et al., 2009 ; Noé et al., 2012 ; Omidivar et al., 2014 ; Jouteau et al., 2020 ; Jouteau et al., en cours). Pour fonctionner, ils nécessitent, outre le modèle 3D, plusieurs données d’entrée. Pour les simulations d’éclairage (logiciel Phanie), il est nécessaire d’intégrer la puissance et le spectre de la source (ces données ont été mesurées à la suite de la reproduction de lampes à graisse et de torches paléolithiques expérimentales), la texture du modèle 3D (disponible avec le modèle), et le facteur de réflectance (c’est-à-dire la proportion de lumière réfléchie par la surface) des matériaux de la grotte. Les données d’entrées nécessaires pour l’acoustique (logiciel Icare) sont : des sources anéchoïques (préenregistrées dans le logiciel), la température et le taux d’humidité dans l’environnement (ces informations ont été recueillies grâce au suivi climatique mis en place à Lascaux) et l’absorption acoustique des matériaux.
16Ainsi, seuls deux jeux de données nécessitent d’entrer dans la cavité pour y faire des mesures : le facteur de réflectance des parois et l’absorption acoustique des matériaux présents.
Méthode
17La possibilité de travailler sur un modèle 3D reproduisant la morphologie supposée de la cavité (en particulier de la Salle des Taureaux) au Pléistocène a fait de Lascaux un site idéal pour développer des simulations numériques. Cependant, devant l’impossibilité d’accéder au site pour y faire des mesures de réflectance des parois et de réverbération acoustique, des alternatives ont dû être trouvées afin d’obtenir les données nécessaires au bon fonctionnement des logiciels. En particulier, une stratégie à deux volets a été mise en place, combinant des mesures sur des échantillons de calcaire issus du site, et une comparaison avec des mesures in situ réalisées dans d’autres sites.
Mesures sur échantillons
18Dans un premier temps, des échantillons des mêmes bancs calcaires que ceux présents dans la grotte ont été récoltés sur la colline de Lascaux, mis à jour lors de la mise en place d’une réserve incendie. Le coefficient d’absorption acoustique et le facteur de réflectance de ces échantillons ont ainsi pu être mesurés, respectivement à l’aide d’un tube de Kundt (mesures T. Blinet, CSTB Marne-la-Vallée ; fig. 5) et d’un spectroradiomètre Konica Minolta CL-500A (mesures S. Carré, CSTB Nantes ; fig. 5). Cependant, la variabilité des matériaux d’une grotte, constituée de différents calcaires mais aussi d’argiles et de calcite, ne permet pas d’appliquer un coefficient uniquement issu de la mesure de quelques échantillons d’un seul type de calcaire.
Mesures sur sites
19Dans un second temps, il a été nécessaire d’évaluer la fiabilité de ces mesures sur échantillons et de les affiner si nécessaire, grâce à de nouvelles mesures, réalisées à la fois sur des échantillons et dans leurs sites d’origine (fig. 6). Trois autres lieux ont donc été intégrés à l’étude : la grotte ornée de Cussac (Dordogne), la grotte de Leye (Dordogne) et la carrière de Lugasson (Gironde). Ils ont été sélectionnés pour leur diversité de matériaux et de morphologie des galeries. Ainsi, Cussac dispose d’un calcaire irrégulier et poreux et d’espaces larges mais encombré par de nombreux spéléothèmes, Leye a été sélectionnée pour sa proximité avec Lascaux (Lacanette et al., 2013) : ses galeries sont plus hautes que larges, avec peu de spéléothèmes mais des dépôts de calcite sur les parois, et ses calcaires sont durs. Quant à la carrière de Lugasson, elle dispose de calcaires encore plus durs et très clairs, et de galeries très régulières, environ aussi hautes que larges.
Calibration des mesures pour Lascaux
20Concernant la réflectance, il a pu être observé (fig. 7), que les spectres sont centrés autour de la moyenne des mesures (sur échantillons ou sur site). Attribuer une réflectance moyenne permet donc d’obtenir un résultat proche de la réalité1. Il a ainsi été décidé d’appliquer le spectre moyen des mesures obtenues sur les échantillons de Lascaux.
21L’absorption acoustique, très sensible aux formes des galeries, a nécessité d’être recalibrée pour chaque site. À Lascaux, trois hypothèses ont pu être proposées : conserver les mesures au tube de Kundt, appliquer la calibration utilisée à Leye, ou la calibration mise en place pour Cussac (fig. 8). La grotte de Leye présentant le plus de similarités avec Lascaux, tant par la nature de ses calcaires que par la forme de ses galeries, nous avons fait le choix d’appliquer la calibration de Leye sur le site de Lascaux.
Envisager l’humain dans son contexte, l’apport des simulations
22Les outils ainsi développés ont par la suite été appliqués aux modèles 3D de la Salle des Taureaux car cet espace était alors le seul à bénéficier de trois reproductions : la morphologie actuelle, une restitution de son état lors de la découverte du site en 1940 et une hypothèse de reconstitution de l’aspect pléistocène des lieux (projet MicroPaGO, dir. D. Lacanette).
23Ce secteur, et en particulier ses sols, a été considérablement modifié entre le dernier passage des Préhistoriques et son invention, puis entre les premières incursions modernes et aujourd’hui. Au moment de la découverte du site, en 1940, les sols archéologiques étaient recouverts par quelques centimètres, voire décimètres, de sédiments et de dépôts de calcite sous la forme de gours, où à leur extrémité était situé un entonnoir (fig. 4, fig. 9). Lors de travaux de 1957-1958 pour installer des gaines d’extraction de l’air, le sol a été creusé jusqu’à atteindre et détruire une grande partie des niveaux archéologiques avant d’être remblayés, et même bétonnés, y compris au niveau de l’entonnoir qui n’existe plus. Ces considérations nous ont amenée, à l’aide des simulations numériques, à proposer une première étude pour évaluer l’influence de l’évolution de la morphologie et de la hauteur des sols sur l’acoustique des lieux.
24Les deux autres problèmes soumis à l’investigation concernent les choix de l’élection du site, et en particulier de ce secteur, pour y apposer les plus grandes figures polychromes de l’art préhistorique : quelles étaient les propriétés acoustiques de l’espace pléistocène, et quel éclairage semble le plus adapté à l’observation des figures peintes ?
Quelle est l’influence des changements de morphologie des lieux sur leur acoustique ?
25Pour répondre à cette première question, des simulations acoustiques ont été réalisées en plaçant les émetteurs et les récepteurs virtuels aux mêmes localisations dans l’espace dans les trois modèles 3D (fig. 9), soit à l’extrémité distale de la salle près du Diverticule Axial, sous le dôme central, et à l’extrémité proximale près du Panneau de la Licorne.
26Icare a permis d’obtenir la réponse impulsionnelle dont trois critères ont été extraits : le TR (temps de réverbération) qui indique la durée de réverbération du son dans l’espace, le C80 (coefficient de clarté), utilisé dans le cadre de l’analyse d’espaces dédiés à l’écoute musicale, et le D50 (coefficient de définition du son), qui est un critère qui permet de décrire l’intelligibilité des sons dans les espaces où des performances sonores ont lieu.
27Les résultats du TR (fig. 10) montrent dans ce secteur une évolution vers un espace moins réverbérant, ce qui semble en accord avec l’augmentation de la hauteur du sol (et donc avec la diminution du volume de l’espace) entre le Paléolithique et 1940 puis entre 1940 et aujourd’hui.
28Les résultats du C80 et du D50 (fig. 11, fig. 12) montrent à l’inverse des paramètres qui ont peu varié au cours du temps. Or, la définition et la clarté sont des critères qui dépendent davantage de la position du couple émetteur/récepteur que du volume de l’espace, et, si la hauteur du sol a beaucoup évolué, la morphologie générale de la salle elle, est restée stable, ce qui est concordant avec ces observations.
29Ainsi, l’évolution naturelle de la cavité puis les travaux récents, qui ont particulièrement affecté la hauteur des sols, semblent avoir eu une influence notable sur la réverbération de la Salle des Taureaux, mais pas sur la clarté ou la définition des sons.
Quelles étaient les propriétés acoustiques de l’espace pléistocène ?
30Il est possible de noter (fig. 13) que le temps de réverbération de la reconstitution paléolithique est élevé, toujours au-dessus d’une seconde et demie, et même de deux secondes, mesures que l’on pourrait par exemple observer aujourd’hui dans des salles de concert.
31Selon des critères modernes, ce type d’espace est mieux adapté à la diffusion de la musique que de la parole, avec un C80 compris entre – 2 et + 0,5 (mesures que l’on retrouve notamment dans des salles adaptées aux concerts symphoniques), et un D50 moyen toujours inférieur à 40 % alors qu’on estime qu’une bonne intelligibilité des voix nécessite un D50 d’au moins 50 %.
Quel éclairage semble le plus adapté à l’observation des figures peintes ?
32Des simulations d’éclairages à la lampe à graisse et à la torche (fig. 14) indiquent que, quelle que soit la source utilisée, les figures sont visibles et les couleurs, perceptibles. Cependant, les simulations montrent que les torches puissantes produisent une surexposition tandis que les lampes à graisse les plus faibles ont une portée plus restreinte, et qu’il devient alors difficile d’éclairer des panneaux entiers, voire des figures.
Conclusion et perspectives
33Bien que toujours en cours, la mise en relation du contexte archéologique avec les simulations acoustiques et d’éclairage a permis d’aller plus loin en ce qui concerne les modalités d’élection et d’occupation de la grotte.
34À Lascaux, la présence de parois couvertes de calcite propices à la peinture a souvent été mise en avant comme la raison de la sélection du site par les Préhistoriques. Cependant, les qualités acoustiques, tout aussi particulières, auraient aussi pu être un argument en faveur de son investissement. D’autre part, les installations longues, nécessaires à la construction du dispositif pariétal, ou lors d’occupations pour d’autres motifs (Leroi-Gourhan et Allain, 1979), ont été rendues possibles par l’efficience des lampes à graisse dans ce site, ce qui a également pu être un argument en faveur de son élection (Jouteau, 2021). En effet, les lampes à graisse, bien que de durée de fonctionnement illimitée, produisent parfois un éclairage trop faible pour être fonctionnelles, et l’utilisation de torches, un moyen d’éclairage plus puissant mais limité dans le temps, est alors nécessaire, ce qui n’est pas le cas ici.
35Les modalités de l’élection du site semblent donc plus complexes et/ou plus variées que l’unique possibilité de réaliser de grandes fresques peintes.
36Parmi les perspectives qu’ouvre ce travail, l’utilisation d’un casque de réalité virtuelle et d’une méthode de calcul permettant d’obtenir l’éclairage du modèle 3D par une flamme vacillante permettraient une meilleure immersion et une analyse plus fine de l’ambiance visuelle, tandis que simuler des sons produits par des instruments paléolithiques permettrait de mieux comprendre comment l’espace sonore pouvait être investi.
37Enfin, il sera également nécessaire de poursuivre ce travail en étendant les simulations numériques à l’ensemble de la restitution 3D de Lascaux au Paléolithique lorsque celle-ci sera disponible, par exemple à travers la simulation de l’éclairage extérieur depuis l’entrée, ou de l’extension des simulations acoustiques à l’ensemble de la cavité.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Plusieurs simulations, réalisées à partir de spectres différents, ont été effectuées afin de vérifier cette affirmation.
Auteur
Docteure collaboratrice, Laboratoire PACEA, UMR 5199
Université de Bordeaux, ED 304
Thèse sous la direction de Jacques Jaubert et Delphine Lacanette, Grottes ornées paléolithiques. Espaces naturels, espaces culturels, art et déterminisme. L’apport des modélisations, l’exemple de Lascaux et de Cussac
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