Avant-propos
p. 7-10
Texte intégral
1En 2018 le congrès de la SHMESP avait choisi pour thème « Contester au Moyen Âge », et il se déroula dans un contexte général de grèves dans les transports et à l’université qui paralysa toute la France, en particulier l’université de Rennes 2 qui nous accueillait. En 2020 c’est la question des frontières qui avait été proposée par Claude Denjean et ses collègues de Perpignan, mais la diffusion de la pandémie de la Covid-19, se jouant des frontières, imposa partout dans le monde un confinement qui ferma les frontières nationales et en recréa d’autres, qui se limitaient bien souvent au quartier, quand ce n’était pas à l’espace domestique. Les médiévistes auraient-ils un mystérieux pouvoir sur le cours des événements ? Les difficultés qu’ils ont depuis longtemps à se faire entendre de ceux qui nous gouvernent, sur des questions fondamentales liées à l’enseignement supérieur et la recherche, laissent cependant planer le doute sur le bien-fondé de cette hypothèse audacieuse.
2Tenir le congrès à Perpignan et à Gérone entre le 21 et le 24 mai, comme cela était initialement prévu, était devenu impossible, compte tenu de l’incertitude liée à la situation sanitaire – le premier confinement s’est finalement poursuivi jusqu’au 11 mai, et les circulations sont restées ensuite limitées. Alors que la SHMESP venait de célébrer en 2019 son jubilé et que nos congrès s’étaient jusque-là tenus tous les ans, il nous est apparu essentiel, compte tenu également de l’investissement de l’équipe de Perpignan et des participants, de maintenir un moment d’échanges entre nous.
3Ce congrès est donc le reflet de cette année très particulière qui nous a tous éprouvés, et il faut évoquer ici la mémoire de deux grands médiévistes emportés par la pandémie quelques semaines avant sa tenue, Francis Rapp et Michel Parisse. Il résonne aussi de mots devenus depuis familiers comme distanciel, Zoom, virtuel, mais aussi résilience. Car c’est bien de cela qu’il s’est agi : après deux mois épuisants d’isolement, de difficultés personnelles et professionnelles, deux longs mois passés pour bon nombre d’entre nous à assurer la nécessaire continuité pédagogique que nous devions à nos étudiants et à nos élèves, dans des conditions qui tenaient souvent de l’improvisation, deux mois marqués par l’annulation de la plupart des rencontres scientifiques du printemps, le maintien de ce congrès aurait pu paraître futile. Mais avec nos collègues de Perpignan, nous avons considéré au contraire que nous avions plus que jamais besoin de retisser ce lien essentiel, fût-ce à distance, qui nourrit nos travaux scientifiques et construit notre communauté de médiévistes. Il a fallu pour cela s’adapter, inventer de nouvelles modalités, pour conserver l’essentiel – un autre mot qui s’est imposé depuis que le gouvernement a considéré que l’accueil des étudiants dans les universités n’était pas « essentiel », au même titre que l’ouverture des musées ou des salles de spectacle. Pour rendre supportables les journées passées devant l’écran, il a été demandé aux participants d’envoyer à l’avance leurs contributions, écrites ou enregistrées, et de limiter les séances en ligne aux seules discussions, après le rapport introductif présenté en direct par Lucie Malbos et Stéphane Boissellier, et avant les conclusions enregistrées par Philippe Sénac. Pour remplacer les visites prévues, Aymat Catafau nous a proposé une superbe visite virtuelle du Palais des rois de Majorque, qui a sans doute donné à beaucoup d’entre nous l’envie de venir sur place en des temps meilleurs, et deux expositions virtuelles nous ont été offertes, notamment par les archives départementales. Il a fallu, hélas, renoncer à ces moments essentiels de la convivialité de nos congrès que sont les repas pris en commun, et notamment le banquet final, les discussions en marge des sessions avec des collègues que l’on a toujours plaisir à retrouver, ou encore l’excursion du dimanche, qui devait nous conduire sur les sites de châteaux de la frontière roussillonnaise.
4La lourdeur des tâches d’enseignement en distanciel, les difficultés de la vie quotidienne en ces temps de confinement, notamment pour ceux qui avaient la charge d’enfants ou de parents âgés, mais aussi l’impossibilité de se rendre dans les bibliothèques ou les archives, tout cela a par ailleurs considérablement compliqué la préparation des communications, puis de la publication. Tous les intervenants prévus initialement n’ont pas été en mesure de rendre un texte, malgré leurs efforts, et ce volume plus réduit que d’habitude témoignera là encore de cette année singulière. Malgré ce contexte, ou peut-être à cause de lui, le congrès a cependant réuni de très nombreux participants – plus de quatre-vingts inscrits, et au gré des sessions une cinquantaine de personnes connectées simultanément. Le distanciel a même permis à des collègues de toute l’Europe, et jusqu’au Brésil, de participer à ces échanges qui, après un court temps d’adaptation, furent nourris. Cela a été rendu possible par l’investissement total des services informatiques de l’université de Perpignan, notamment Christopher Rius, mais aussi de la responsable administrative Stéphanie Fernandez et des doctorants qui ont aidé à cette organisation, Bernard Desclaux et Chloé Bonnet. Enfin ce congrès en ligne n’aurait pas pu être mené à bien sans l’engagement et l’enthousiasme de Claude Denjean, qui a été depuis le début de cette aventure sur tous les fronts et que je tiens ici à remercier chaleureusement.
5La pandémie, on le sait, ne s’est pas arrêtée avec l’été et, de rebonds en souches mutantes, elle a continué et continue aujourd’hui à compliquer nos vies et nos activités d’enseignement et de recherche. Malgré ces difficultés, ce volume paraîtra dans les temps, grâce à l’investissement des contributeurs, du comité scientifique et surtout des deux responsables des publications de la SHMESP, Élisabeth Lusset et Lucie Malbos, à qui ce volume aura demandé un travail considérable mais qu’elles ont su mener à bien avec une grande efficacité.
6Cette expérience était inédite et elle fut, malgré tous les obstacles, malgré aussi la grande frustration de ne pouvoir nous retrouver à Perpignan et à Gérone, une réussite. Mais ce qu’elle a montré surtout est que, contre les rêves de certains de voir les nouvelles technologies se substituer à moindres frais aux contacts humains, ces derniers sont irremplaçables et demeurent le cœur de notre engagement d’enseignants et de chercheurs. Un monde virtuel totalement décloisonné reste largement un leurre et, si les espaces de frontières considérés au cours de ce congrès sont si passionnants à étudier, c’est bien parce qu’ils permettent à nos sociétés de se construire, par les franchissements et par les contacts et les échanges qui en résultent.
7De ce congrès il ne restera que quelques images de mosaïques d’écrans, et surtout ce beau volume qui, comme les cinquante précédents, montre la vitalité et la qualité des recherches menées en France sur le Moyen Âge. Faisons donc le vœu que nous puissions retrouver le plus vite possible les conditions de rencontres scientifiques en présentiel (encore une expression devenue courante…), qui font le sel de notre métier d’enseignants et de chercheurs.

8Versailles, le 27 février 2021
Auteur
Président de la SHMESP
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Marquer la ville
Signes, traces, empreintes du pouvoir (xiiie-xvie siècle)
Patrick Boucheron et Jean-Philippe Genet (dir.)
2013
Église et État, Église ou État ?
Les clercs et la genèse de l’État moderne
Christine Barralis, Jean-Patrice Boudet, Fabrice Delivré et al. (dir.)
2014
La vérité
Vérité et crédibilité : construire la vérité dans le système de communication de l’Occident (XIIIe-XVIIe siècle)
Jean-Philippe Genet (dir.)
2015
La cité et l’Empereur
Les Éduens dans l’Empire romain d’après les Panégyriques latins
Antony Hostein
2012
La délinquance matrimoniale
Couples en conflit et justice en Aragon (XVe-XVIe siècle)
Martine Charageat
2011
Des sociétés en mouvement. Migrations et mobilité au Moyen Âge
XLe Congrès de la SHMESP (Nice, 4-7 juin 2009)
Société des historiens médiévistes de l’Enseignement supérieur public (dir.)
2010
Une histoire provinciale
La Gaule narbonnaise de la fin du IIe siècle av. J.-C. au IIIe siècle ap. J.-C.
Michel Christol
2010