Conduire la guerre à la fin de l’été 1793 en Picardie
Une zone grise des relations entre pouvoirs administratifs et militaires
p. 153-178
Résumé
La fin de l’été et le début de l’automne 1793 marquent le tournant militaire décisif de la Révolution française. Celui où le cours quasi ininterrompu des défaites depuis la constitution de la Grande Coalition en février 1793 s’inverse. Celui où la reprise en main de la conduite de la guerre par le pouvoir politique se fait plus prégnant, au travers des procès Custine et Houchard notamment. Cette réappropriation du militaire par le politique ne se fait pas sans la réaffirmation concomitante de son pouvoir sur l’administratif. Elle met fin en Picardie, sur l’arrière menacé du front septentrional, à une véritable zone grise du commandement militaire. Miné par les rivalités entre généraux, par l’absence de soldats équipés en nombre, le pouvoir militaire a vite perdu toute légitimité auprès des diverses autorités administratives du département de l’Aisne à conduire les opérations de défense du territoire. Les pouvoirs locaux instrumentalisent au bénéfice de leurs propres intérêts parfois divergents les dissensions entre officiers et se piquent de plus en plus d’art militaire, au point de condamner le style léger ou la guerre de siège telles qu’ils sont encore pratiqués en septembre 1793. Les hiérarchies militaires et administratives sont localement contestées, les initiatives de mise en défense de l’arrière du front en deviennent contradictoires. En pleine affaire Houchard, et afin de mettre fin à cette zone grise locale des relations de pouvoir entre administrateurs, politiques et militaires, il revient au Comité de salut public de redéfinir un nouvel ordre dont l’élaboration d’une doctrine judiciaire de la guerre et la fondation du gouvernement révolutionnaire en novembre 1793 seront l’aboutissement.
Texte intégral
11837, le peintre Jean-Baptiste Mauzaisse immortalise la bataille victorieuse de Fleurus du 26 juin 1794 : au centre de la composition, le représentant du peuple en mission, Saint-Just, fusille du regard le généralissime de l’armée du Nord, Jourdan, portant sabre au clair sur sa monture blanche cabrée. La représentation définit un modèle archétypal et a-historique des relations entre pouvoir civil et pouvoir militaire appelé à faire florès : celui d’une Révolution qui soumet les officiers généraux à son autorité absolue au point de les réduire au rôle de simples exécutants serviles du pouvoir civil. Si l’historiographie a longtemps repris ad hoc cette antienne1, des travaux récents l’ont très largement remise en question. Non seulement le commandement militaire a longtemps fait trembler le pouvoir civil, comme l’attestent à la fois les multiples trahisons et exécutions de généraux en 1792-1793, mais ce n’est que tardivement, à partir du tournant des mois de septembre-octobre 1793, lors de l’arrestation et du procès du général Houchard, que les rapports de pouvoir entre civils et militaires basculent au profit des premiers2. Enfin, la mainmise du pouvoir central de l’État en l’an II sur la stratégie et parfois la tactique ne s’est pas accomplie au prix d’une simple réduction des officiers généraux à une obéissance aveugle : les représentants en mission de l’an II auprès des armées n’ont que très exceptionnellement endossé l’habit de proconsul omnipotent et encore moins celui de généralissime, même à Fleurus3 !
2En focalisant l’analyse sur un événement sans grande portée, la défense du département picard de l’Aisne, alors situé sur un angle mort du front septentrional et exposé aux razzias dévastatrices de la cavalerie autrichienne à la fin de l’été 1793, il s’agira de saisir les relations mouvantes et complexes entre les administrations civiles locales et le commandement militaire en temps de crise. Bien au-delà de l’épisode localiste, le principal enjeu heuristique consistera à comprendre l’argumentation déployée par le pouvoir central de l’État, et en premier lieu le Comité de salut public, pour justifier au cours de l’été et de l’automne 1793 son projet politique de reprise en main des affaires militaires. Et si loin d’Hondschoote, cette semi-victoire du général Houchard, le front septentrional de la Thiérache et du Cambrésis, à l’arrière de Valenciennes et de Maubeuge, apportait lui aussi une autre justification à l’élaboration de la nouvelle doctrine de la guerre ? Effectivement, dans le département de l’Aisne, tout au long du mois de septembre 1793, une crise de légitimité protéiforme a touché toutes les autorités, autant militaires que civiles, créant une zone grise de l’exercice du pouvoir.
La crise de légitimité du pouvoir militaire
3L’absence d’une représentation du commandement militaire dans l’Aisne à la fin du mois d’août 1793, au moment où déferlent sur le territoire départemental les premières offensives de la cavalerie légère autrichienne, contraint les administrateurs civils à improviser dans l’urgence leur propre conduite des opérations de défense. Les nominations tardives de généraux pour les coordonner ne parviendront pas à restaurer la légitimité du pouvoir militaire face aux administrations civiles. La raison en est à trouver du côté des conséquences désastreuses des rivalités entre officiers généraux qui renforcent les prétentions des administrations civiles à se saisir de l’objet militaire.
Des administrateurs civils en quête de militaires
4En accord avec le ministre de la guerre et le Comité de salut public, l’état-major de l’armée du Nord n’avait pas jugé prioritaire la mise en défense du département de l’Aisne, l’essentiel des combats sur la frontière septentrionale se concentrant en cette fin du mois d’août 1793 autour de Dunkerque d’une part et du Quesnoy de l’autre.
5Conscientes de la faiblesse du dispositif militaire de leur département, les multiples autorités qui l’administrent, confrontées depuis le début du mois d’août à la peur panique qui s’était emparée des populations, multiplient les intercessions auprès des représentants du pouvoir central. Les commettants écrivent à leurs députés, les administrations de district et municipalités multiplient les adresses à la Convention nationale, tous réclament des secours4. Un administrateur départemental est même dépêché à Paris pour plaider la cause de la défense du département, faire le siège du ministère de la Guerre et du Comité de salut public, au point que Carnot finit par lui promettre l’envoi de renforts et de munitions5. De son côté, le procureur général syndic du département, Polycarpe Pottofeux, en réfère personnellement à son « ami », le conventionnel Saint-Just, pour qu’il fasse pression sur le ministre de la Guerre Bouchotte et le Comité de salut public6. En rappelant à la Convention nationale que son premier devoir est d’assurer le salut de la patrie, l’adresse envoyée par les administrateurs du district de Chauny, le 13 septembre, en dit long sur l’insuccès rencontré par l’ensemble de ces démarches de médiation entreprises depuis plus d’un mois par les pouvoirs locaux7 !
6Le département de l’Aisne, angle mort du dispositif militaire sur le front septentrional, est-il abandonné à son propre sort face aux attaques de la cavalerie légère autrichienne qui se multiplient depuis le 26 août ? Plusieurs réponses officielles l’attestent. Le général Houchard, commandant en chef de l’armée du Nord, le signifie à demi-mot aux administrateurs, le 30 août, lorsqu’il les invite à ne compter que sur les seules ressources républicaines du département pour repousser « les brigands8 ». Bouchotte, le ministre de la Guerre, est encore plus explicite auprès du général Houchard. Dans une lettre secrète datée du 5 septembre, il lui écrit :
Des nouvelles du département de l’Aisne annonçant une irruption des ennemis du côté de Vervins […] voir si en ordonnant quelques bonnes dispositions des forces qui sont sur les lieux l’on ne peut refréner ces brigandages ? L’on parle raison aux administrations et on leur dit que dans une défense aussi étendue, il n’est pas possible qu’il n’y ait quelque point de la République qui ne souffrent ; que l’essentiel c’est de garnir telle ville de première importance, de tenir telle position essentielle et qu’en maintenant ces points-là, l’on sauvera la République, pour que l’ennemi ne pourra pas tenir d’établissement solide. C’est pareille partout chacun ne voit que sa localité […] [sic]9.
7Pour autant, l’allusion de Bouchotte « aux bonnes dispositions des forces qui sont sur les lieux » renvoie à quelques mesures qu’il a prises à partir du 20 août. Ainsi le 23 août, le néo-général de brigade – il a été promu le 12 avril 1793 – Charles Victor Beauregard est nommé commandant des forces armées disponibles dans l’Aisne10. Le 27, c’est au tour d’un autre général de brigade, Barthélémy Etienne Parant, de recevoir un ordre de nomination pour commander la place de Saint-Quentin11. Enfin, le même jour, Olivier est nommé commandant de la place de Laon12. Quant aux renforts promis par Carnot, notamment en cavalerie légère, la force la plus en mesure de repousser les razzias des ulhans, la plupart sont au début septembre encore en garnison dans le Pas-de-Calais ou en Champagne et ne pourront raisonnablement atteindre le nord de l’Aisne qu’une semaine plus tard13. Bref, les autorités du département et les deux généraux de brigade nommés pour l’occasion ne pouvaient compter que sur de bien faibles effectifs militaires. À Saint-Quentin, le général de brigade Parant commande la place avec 1 000 hommes d’infanterie et 200 hommes de cavalerie à sa disposition14. Quant à Charles Victor Beauregard, il ne dispose que d’une centaine de cavaliers et, même si 1 000 hussards et dragons doivent passer en principe sous son commandement, il ne peut être en mesure de constituer une solide ligne de défense sur un front étendu sur une trentaine de kilomètres. Encore faut-il préciser qu’il ne s’agit pas de troupes bien équipées et homogènes. Si l’on en croit le procureur général syndic du département, à l’origine, seules une vingtaine de fantassins et une vingtaine de cavaliers étaient véritablement en capacité de monter au front.
8Avec lucidité, l’administration départementale résumera bien la situation, un mois plus tard :
le système de défense général de la République ne permet pas d’envoyer dans la partie de notre département une portion quelconque de force nationale qui est essentielle aux succès des grandes combinaisons. Nous devons par conséquent chercher nos moyens de défense dans les ressources que nous présentent le département et la levée de la première réquisition15.
9La cause de ce quasi-abandon du département de l’Aisne à son triste sort tient en une appréciation radicalement différente de la situation militaire entre d’une part le pouvoir central, autant militaire que civil, et les autorités locales de la République de l’autre. Pour le premier, les attaques autrichiennes ne sont rien d’autre que des razzias, du « brigandage » pour reprendre le mot du ministre Bouchotte et du généralissime Houchard, rien de plus qu’une version terrestre de la course maritime contre laquelle il est inutile de mobiliser des troupes en nombre quand l’essentiel de la contre-offensive de l’armée du Nord se concentre sur Dunkerque et le Hainaut. Pour les seconds, en revanche, ces raids autrichiens ne sont que le prélude à un vaste projet d’invasion de ce grenier à blé qu’est le département de l’Aisne, une invasion que l’arrivée prochaine de l’hiver rend pressante. A posteriori, on ne peut donner tort à l’état-major, au ministre de la Guerre et au Comité de salut public. Aucun d’eux n’ignore que le risque serait trop grand pour l’ennemi de s’aventurer en profondeur dans le département de l’Aisne tant que les places fortes du Quesnoy, Cambrai et Maubeuge, sur ses arrières, ne seraient pas tombées entre ses mains.
La tentation militaire des administrateurs civils
10En théorie revient aux autorités civiles la nécessité de faire exécuter localement les lois, aux autorités militaires la conduite des opérations militaires. Dans l’Aisne, à la fin de l’été 1793, il se produit une véritable confusion des compétences et des rôles respectifs de chacun. Le pouvoir central n’est pas pour rien dans cette situation, lui qui a quasiment abandonné le département à lui-même face à l’invasion autrichienne. Par conséquent, les pouvoirs locaux prennent la responsabilité d’assumer seuls la conduite des opérations de défense, quitte à outrepasser le champ légal de leurs attributions. Le 26 août, l’administration du district de Vervins décide unilatéralement de mobiliser toutes les gardes nationales des communes de son ressort, de les regrouper à Étreux en un camp de fortune duquel partiraient des contre-offensives contre l’ennemi16. Mise devant le fait accompli, l’administration départementale n’avait plus qu’à accepter cette mesure illégale. Sous l’impulsion de l’énergique procureur général syndic Pottofeux, elle cherche à reprendre l’initiative, de manière à éviter le foisonnement anarchique des actions d’autodéfense des communes et des districts. Elle adopte toute une série de mesures de salut public, sans pour autant obtenir l’aval du pouvoir central, dans des domaines aussi différents et complémentaires que la police militaire, les réquisitions de chevaux, l’organisation de la levée en masse et la mise en ordre de marche des troupes disponibles. Police militaire d’abord : confrontée à la mutinerie du 5e régiment de dragons en garnison à Laon, qui refusait de monter au front avec l’armement disparate que lui avait fourni le département, elle mit les meneurs en état d’arrestation17. Réquisition de chevaux ensuite lorsque, le 19 août, l’administration départementale prend un arrêté ordonnant à tous les laboureurs de fournir un cheval sur neuf en huit jours de temps : plus de 500 cavaliers se retrouvent ainsi dotés d’une monture au début du mois de septembre18. Équipement et mise en ordre de marche de la levée en masse : à la date du 8 septembre, déjà 1 500 citoyens requis environ sont partis au front et 4 000 autres sont en attente d’un armement. Surtout – fait révélateur de la confusion des compétences – le pouvoir civil décide d’encadrer et de mener au combat les dernières recrues, avec l’aval du général Beauregard toutefois. Cela n’est pas sans créer des situations complexes pour les pouvoirs subalternes. Ainsi la municipalité de La Fère expose l’embarras dans lequel elle se trouve, partagée entre deux ordres contradictoires, l’un de Houchard, chef de l’état-major général de l’armée du Nord ordonnant de faire marcher sur un point les dépôts de cavalerie, l’autre de l’administration départementale de l’Aisne de les envoyer dans une autre direction19 ! Mais l’exemple le plus représentatif de cette confusion dans la ligne de partage des attributions entre administrateurs civils et militaires intervient les 11 et 12 septembre, lorsque le procureur général syndic du département se met à la tête d’une colonne républicaine composée d’éléments de la garde nationale, de requis de la levée en masse (quoique sans armes) et de toutes les bonnes volontés belliqueuses pour les conduire de Laon à Guise, de manière à protéger les arrières de la contre-offensive lancée par la cavalerie du général Beauregard contre les Autrichiens. L’administrateur s’est imposé, par la force des circonstances, comme chef de guerre, non sans gagner au passage l’estime et l’admiration du général Beauregard20.
Les effets désastreux des rivalités entre généraux
11Déjà peu représenté dans le département, le pouvoir militaire est miné par un état de conflictualité permanent. Les généraux de brigade Parant et Beauregard brillent plus par leur rivalité que par leur capacité à coordonner leurs opérations.
12Le pouvoir central, et en particulier le ministre de la Guerre Bouchotte, n’est pas étranger à cette situation confuse, lorsqu’il fait le choix de nommer le 23 août Charles Victor Beauregard, commandant des forces disponibles dans l’Aisne, et, le 27, Barthélémy Etienne Parant, commandant de la place de Saint-Quentin21. Leur égalité dans le grade de général de brigade empêchait toute subordination de l’un à l’autre. Là où la coopération était attendue, la rivalité fut de mise entre les deux généraux. Désabusés face à ce spectacle, les administrateurs du département en viennent même à écrire dans un long compte rendu sur les opérations militaires dans le département :
Nous avons remarqué d’abord une forte mésintelligence entre le général Parant et le général Beauregard. Nous avons même remarqué que cette mésintelligence alloit jusqu’aux soldats ; et nous avons trouvé que ceux du général Parant se passionnoit beaucoup [sic], nous avons vu qu’il y avoit un peu de jalousie entre deux généraux à grade égaux mais qu’il n’y avoit dans leurs plaintes respectives rien de véritablement solides [sic]22.
13Faut-il invoquer pour comprendre cette rivalité, une culture militaire différente entre ces deux généraux ? Autrement dit, l’un serait un volontaire « cul bleu » quand l’autre serait un ancien de l’armée royale « cul blanc » ? La consultation de leur dossier militaire ne permet pas de soutenir une telle hypothèse23. L’un et l’autre sont des Lorrains roturiers (Parant est fils de laboureur, Beauregard d’un ancien soldat), tous deux engagés comme simples soldats dans l’armée royale. Avec la Révolution, leur parcours diverge à peine : patriote, Parant est promu officier (lieutenant en 1791) alors que Beauregard, qui avait pris son congé de l’armée royale en 1788 dans le grade de sous-officier, renoue avec les armes et entre dans la carrière d’officier comme lieutenant du 1er bataillon des volontaires nationaux de la Seine-Inférieure en 1792. L’un et l’autre se distinguent pendant les campagnes de 1792 et 1793 pour accéder au grade de général de brigade, en avril pour Beauregard et en août pour Parant. La seule différence qui permette de les distinguer tient à l’ancienneté dans le service : une génération sépare Parant, né en 1742, de Beauregard, né en 1764. Parant a derrière lui tout un passé de combattant, notamment lors de la guerre d’indépendance américaine, que Beauregard, engagé en 1782, ne peut justifier. Aussi peut-on comprendre que l’expérimenté Parant supporte mal l’autorité de Beauregard, son égal en grade. Convenons toutefois à ramener cette inimité à une incompatibilité de caractère bien plus qu’à des enjeux socio-politiques ou une opposition entre ethos militaires différents.
14Cette rivalité entre les généraux de brigade Beauregard et Parant ne prêterait pas à conséquence si elle n’avait pas dépassé le stade de l’invective épistolaire. Or elle aboutit à l’échec dramatique de la contre-
offensive conduite et planifiée par Beauregard, le 12 septembre, depuis le camp de Guise. Cette opération répondait à un double objectif militaire : repousser les Autrichiens hors des limites départementales d’une part, faire diversion pour soulager Maubeuge assiégée de l’autre. Comme prévu, Beauregard attaqua au petit matin à la tête de ses hommes et réussit à libérer la ville du Cateau. Mais, à la fin de la journée du 12 septembre, non seulement il dut renoncer à porter l’attaque sur le camp autrichien de Solesmes, mais en plus il fut dans l’incapacité de conserver son avantage. Trop avancé en territoire ennemi, trop exposé à une facile contre-attaque impossible à contenir du fait du retard des renforts conduits par Parant, le général Beauregard, prudemment, décide de se replier. Les succès du matin font place à une retraite en bon ordre en soirée24.
15À la défaite sur le terrain succède dès le lendemain, dans les milieux administratifs et militaires, une vive polémique sur l’établissement des responsabilités de ce qui est devenu « l’affaire du 12 septembre ». L’arrivée avec une journée de retard à Guise des renforts partis de Laon du fait des lenteurs administratives est pointée comme l’une des causes de la déroute. Mais la principale reste la mésentente entre les généraux Beauregard et Parant. Ce dernier est accusé par Beauregard de n’avoir pas fait assez tôt sa jonction avec sa troupe, le laissant en infériorité numérique face aux Autrichiens. Beauregard soutient que la jonction aurait dû se faire en matinée et non en fin d’après-midi, comme cela se produisit, et laisse entendre par conséquent que Parant aurait sciemment décidé de saboter son plan d’offensive25. Parant proteste de sa bonne foi et accuse Beauregard d’imprécision et même d’irréalisme dans les ordres qu’il lui a donnés26. Une vive polémique s’ensuit, qui déborde largement le champ du militaire pour s’étendre à celui du politique et de l’administratif. La controverse est portée successivement devant le général Bélair, le nouveau commandant des forces dans l’Aisne et la Somme, l’administration départementale et le ministre de la Guerre. En plus de se donner en spectacle, la division entre les généraux est instrumentalisée par les pouvoirs locaux. L’administration départementale de l’Aisne et le procureur général syndic Pottofeux prennent fait et cause pour Beauregard contre Parant27. En revanche, la municipalité et le district de Saint-Quentin louent ardemment la prudence du général Parant, qui a refusé de s’engager dans l’entreprise hasardeuse de Beauregard. Même si elle avait été parfaitement concertée et exécutée, l’action de Beauregard et Parant aurait pu échouer, et par conséquent livrer aux Autrichiens la ville de Saint-Quentin, la plus exposée. En ne joignant pas ses forces à l’heure à celles de Beauregard, Parant a pu maintenir intact un dispositif de protection militaire de la ville, ce dont ses édiles lui sont profondément redevables.
16Bien que pris à partie par les deux généraux en conflit, acculés par les pouvoirs civils à se prononcer sur la détermination des responsabilités dans la débâcle du 12 septembre, Bouchotte, le ministre de la Guerre, et Bélair, le nouveau commandant en chef des forces militaires dans l’Aisne, tergiversent28. Ils ne prennent dans l’immédiat aucune sanction à l’encontre des deux généraux de brigade.
L’échec d’une entreprise de relégitimation du pouvoir militaire
17Les dissensions entre généraux, à l’origine de l’échec de la contre-offensive du 12 septembre qui devait libérer le département de la menace autrichienne, ont ruiné la légitimité du pouvoir militaire. La reconstruction d’un leadership militaire sur la conduite des opérations est quelque peu entravée par l’affirmation de la nouvelle stature d’un administrateur civil, le procureur général syndic, dont l’autorité a été confortée par la crise de légitimité du militaire. La conflictualité permanente entre les officiers généraux, incapables de tirer des enseignements durables de l’échec de la contre-offensive du 12 septembre, ne peut que renforcer, en pleine « affaire Houchard », la suspicion des pouvoirs civils locaux envers le pouvoir militaire.
Portrait d’un administrateur en homme de guerre : le procureur général syndic Pottofeux
18Si parmi les patriotes, il y eut bien un bénéficiaire de l’échec de la contre-offensive du 12 septembre, c’est incontestablement le procureur général syndic du département de l’Aisne, Polycarpe Pottofeux. Son intervention énergique à la tête d’une colonne républicaine, composée de requis, de quelques soldats et gardes-nationaux et partie de Laon vers le front pour protéger la retraite du général Beauregard, a conféré à sa fonction une nouvelle aura. Non seulement son autorité s’est affirmée sur l’ensemble de la pyramide administrative du département – ce qui n’allait pas de soi au regard des textes législatifs –, mais en plus il bénéficie d’une véritable reconnaissance de la part du général Beauregard.
19Il est vrai que Polycarpe Pottofeux, par maints aspects, pourrait apparaître comme l’alter ego administratif de Charles Victor Beauregard. De même âge que lui (il est né en 1763, Beauregard en 1764), roturier de petite extraction lui aussi – son père était menuisier à Saint-Quentin –, la Révolution, pour laquelle il s’engage publiquement dès 1789, le propulse à une position politique dominante que l’Ancien Régime lui aurait probablement interdit d’atteindre. De procureur au bailliage et siège présidial de Laon à la fin de l’Ancien Régime, il accède en décembre 1790 à la municipalité de Laon puis au district en octobre 1791. Membre fondateur du club des jacobins de Laon, il est en première ligne dans le combat mené de l’été 1791 à l’été 1792 contre le directoire du département aux sympathies feuillantines avérées. Reconnaissant la fermeté de ses convictions révolutionnaires et son courage politique, l’assemblée électorale de l’Aisne l’élit procureur général syndic du département le 6 septembre 179229.
20L’exercice de la fonction de procureur général syndic n’implique pas de par sa définition institutionnelle un pouvoir fort. L’historiographie en a, jusqu’à une date récente, véhiculé une image négative, la palme du jugement définitif revenant à Albert Soboul pour qui, « si le procureur général syndic représentait l’intérêt général, il fut le secrétaire des services administratifs ». À l’origine d’une telle dépréciation se trouve l’idée d’une impuissance inscrite dans la loi de fondation de cette institution administrative d’une part, et l’exercice pratique d’un rôle essentiellement protocolaire et modérateur auprès de l’administration locale de l’autre. Effectivement, la loi du 10 décembre 1789 qui institue la fonction crée un négatif de l’intendant honni. Certes le procureur général syndic devient le représentant du pouvoir central et de l’exécutif auprès du pouvoir départemental, mais son pouvoir n’en demeure pas moins fortement borné. Comme le souligne avec pertinence Gaïd Andro, il est « une incarnation de l’exécutif au cœur de l’administration du département et non au sein du département », à la différence de ce que fut l’intendant et de ce que sera le préfet. Accolé au directoire du département, qu’il surveille sans véritablement le contrôler, il assiste à toutes ses assemblées, rappelle la loi, amorce les discussions par son réquisitoire et donne ses conclusions, mais jamais il ne dispose d’une voix délibérative, jamais il ne peut voter. Cet « entre-deux administratif », pour reprendre l’expression de Gaïd Andro, a laissé de lui l’image d’une personnalité protocolaire, « c’est-à-dire un des éléments multiples d’un règlement administratif nouveau, une composante du décor et de la mise en scène dans la décision collégiale ». Enfin, si l’on prend en considération le fait que le procureur général syndic est élu au suffrage censitaire, y compris en septembre 1792, on comprend aisément que bon nombre d’entre eux assument des positions modérées et consensuelles : « consensus entre les ministres et l’administration du département, consensus entre les populations du département et les assemblées parisiennes, consensus entre provincialisme et loi nationale ». De ce statut ambigu découlerait la légende de son impuissance administrative et politique, qui vaudra à cette institution originale d’être doublement condamnée, par le gouvernement révolutionnaire avec la loi du 14 frimaire an II qui la supprime (4 décembre 1793) et par l’historiographie qui la dénigre30.
21Néanmoins, ce portrait d’un administrateur protocolaire, impuissant et consensuel cadre mal avec la personnalité de Pottofeux, que le personnel thermidorien axonais n’hésitera pas en l’an III à qualifier de « Robespierre de l’Aisne ». Incontestablement, il relève de ces exceptions de procureur généraux syndics relevées par Michel Biard qui compensaient les carences du pouvoir délibératif des administrations départementales par leur charisme et leur autorité morale31. À la faveur du péril autrichien et d’une certaine vacuité du pouvoir central, Pottofeux s’impose comme la personnalité, à la fois homme politique et premier administrateur du département, capable d’alterner initiatives individuelles et médiation entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux. Face à l’urgence, le procureur général syndic se mue en force de proposition et d’exécution : il impose à l’administration départementale toute une série de mesures qui relèvent du registre de l’exception, qu’il fait ensuite systématiquement régulariser par le Comité de salut public. Son long rapport du 8 septembre sur les opérations militaires et administratives en cours peut être tenu pour un modèle du genre : il y expose toutes les actions conduites par l’administration départementale en conformité avec les instructions des agents du pouvoir central que sont les représentants du peuple en mission auprès de l’armée du Nord et de concert avec le général Beauregard. Surtout il y définit un paradigme des relations de pouvoir : à l’administratif revient, sous la férule du procureur général syndic, de répondre avec inventivité aux exigences du pouvoir militaire et du pouvoir central32. L’idéal du consensus et de l’intermédiation n’est pas aboli, il est seulement reconfiguré par un accroissement du pouvoir exécutif que s’octroie le procureur général syndic au détriment des administrations locales, à commencer par celles du département et des districts. Il n’est que de se référer à la préparation de la contre-offensive du 12 septembre pour s’en convaincre. Il semblerait que Pottofeux ait été associé par le général Beauregard à son élaboration tactique et opérationnelle, au point que l’administrateur en vient à donner des ordres à des officiers supérieurs militaires, une attitude que ces derniers supportent très mal33. C’est encore le procureur général syndic qui ordonne de faire monter tel ou tel détachement au front, c’est encore lui qui réquisitionne les munitions dans les dépôts, à l’insu des officiers qui les dirigent, mais toujours avec l’aval du général de brigade Beauregard.
22Avec les administrations civiles, il en va de même : Pottofeux force la décision. La priorité n’est-elle pas d’envoyer le plus d’hommes au général Beauregard pour appuyer sa contre-offensive secrètement planifiée au 12 septembre ? La fin justifie les moyens : l’Exception est aussi une politique locale. La suite, laissons au général Beauregard le soin de la narrer :
Le département [...] donna l’ordre de faire partir de Laon 400 hommes avec des canons pour venir à mon secours, les moments étoient pressants, mais le peuple de Laon s’amusa à délibérer [...] Le procureur général syndic voyant que le temps s’écoulait en vaines discussions donna le premier l’exemple et offrit de conduire au combat tout ceux qui voudroient le suivre. L’impulsion fut si forte que tous les citoyens de la ville de Laon s’armèrent et marchèrent, le procureur général dans les rangs. Aussitôt que cette nouvelle fut répandue, toutes les communes s’armèrent de piques et de faux et suivirent la colonne partie de la ville de Laon. Je dois dire que si cette colonne fut arrivée à temps [...] le camp de Solesmes auroit été enlevé et j’aurois repoussé l’ennemi jusque dans Valenciennes34.
23Au moment où toute une réflexion chez les conventionnels sur l’efficacité des institutions locales héritées de la monarchie constitutionnelle à garantir le salut public se développe, au moment où de vives critiques sont formulées contre elles – qui aboutiront à leur suppression le 14 frimaire an II (4 décembre 1793) –, le procureur général syndic Pottofeux s’invite indirectement dans le débat. Sa conduite illustre combien l’administrateur consensuel et protocolaire peut librement se muer en personnalité politique incontournable, à la faveur d’une certaine latitude d’action légitimée par la volonté de faire exécuter les décisions nationales ou les circonstances. Elle témoigne aussi que les institutions locales posées par les constituants sont loin d’être aussi inefficientes et inadaptées que les hommes de l’an II ont bien voulu le croire. D’ailleurs, la mise en place des nouvelles institutions locales du gouvernement révolutionnaire à partir du 14 frimaire an II se traduira, contre toute attente, par une déprise du pouvoir central sur le local, soit l’exact contraire du résultat recherché35.
L’impossible émergence d’un leadership militaire
24Pour autant, l’échec de la contre-offensive du 12 septembre ne met pas fin aux dissensions entre généraux. Au contraire, elles perdurent, tout en changeant de protagonistes et de nature entre la mi-septembre et le début du mois d’octobre 1793.
25Parfaitement informé des tensions entre les deux généraux de brigade Beauregard et Parant, le ministre de la guerre Bouchotte avait pris la décision de nommer un supérieur hiérarchique pour coordonner les opérations militaires dans l’Aisne et la Somme à la fin du mois d’août 1793. Arrivé tardivement à Laon, le 11 septembre, le général de division Bélair n’eut guère le temps d’infléchir le plan de contre-attaque préparé par le général Beauregard et mis à exécution le lendemain36. Néanmoins l’échec de cette contre-offensive et la dissension publique entre Beauregard et Parant aboutit à la légitimation accrue de son autorité. Si Beauregard et Parant ne contestèrent pas le nouvel ordre hiérarchique qui leur était imposé, le premier dénonça rapidement les choix tactiques de son supérieur, le général Bélair. À l’origine du différend se trouve pour l’essentiel une divergence de vues sur la place que doit occuper le camp de Guise-Bohéries dans le dispositif de défense mis en place par la nouvelle armée intermédiaire.
26Après l’échec de la contre-offensive du 12 septembre, le général Beauregard et le procureur général syndic n’ont pas souhaité renvoyer dans leurs foyers tous les requis qui convergeaient vers la ligne de front, et plus particulièrement vers la ville de La Réunion-sur-Oise (Guise). Ils ont alors sciemment décidé de les équiper, de les organiser en bataillons et de les instruire au maniement des armes dans un camp provisoire, établi à proximité de la ville. Ce camp retranché, installé dans le hameau de Bohéries, sur un site « formidable », aux dires du général Beauregard, en raison de ses défenses naturelles, notamment le double lit de la rivière l’Oise et un bois assez dense, couvre la ville de Guise et constitue un obstacle majeur à la progression des ulhans37. Le général Beauregard entreprend de fortifier ce camp provisoire en faisant construire par les requis tout un système défensif appuyé sur une ceinture de redoutes. Or établir le plan de défense à l’arrière du front septentrional est une mission qui doit revenir en premier lieu au supérieur hiérarchique du général Beauregard, à savoir le général de division Bélair. Outre sa position hiérarchique, celui-ci est d’autant plus légitime à exercer cette autorité qu’il jouit dans les milieux militaires d’une réputation flatte use d’expert en fortification. N’est-il pas l’auteur de trois traités depuis 1787 sur le sujet38 ? N’avait-il pas été chargé dès le 4 août de déterminer et de former l’emplacement d’un camp intermédiaire entre Saint-Quentin et Péronne39 ?
27Entre le cavalier Beauregard, à la réputation de sabreur intrépide, et Bélair, l’officier de cabinet, le différend relève déjà de la culture militaire. La réflexion sur la place que doit occuper le camp de Bohéries-Guise dans le dispositif de défense à l’arrière du front septentrional ne fera que l’accentuer. Et l’immixtion des pouvoirs administratifs locaux dans cette question ne fera que le rendre irrémédiable.
28Effectivement, Beauregard souhaiterait que le camp de Bohéries devienne la clef de voûte de cette ligne de défense. Bélair, même s’il l’intègre à son dispositif, s’y refuse, ne serait-ce que parce qu’il n’est pas situé entre Saint-Quentin et Péronne, là où le Comité de salut public lui a explicitement demandé de placer son principal verrou défensif. Pour le convaincre du bien-fondé de ses vues, le général Beauregard le presse – en vain -– de visiter le camp de Bohéries, d’autant que sur place la situation logistique et militaire ne cesse de se dégrader quotidiennement avec l’afflux de nouvelles recrues. Le 28 septembre, Beauregard se plaint au Comité de salut public que son supérieur ne daigne pas visiter le camp, ne lui communique aucun ordre « ni pour le service, ni pour les travaux de défense qu’on exécute ici » et ne répond à aucune de ses sollicitations multiples40 ! Une campagne de dénigrement du général Bélair et de son leadership sur l’armée intermédiaire débute et se déploie vers le pouvoir central. Là encore les pouvoirs administratifs locaux, et tout particulièrement l’administration départementale et le procureur général syndic, jouent un rôle influent dans la déstabilisation de l’autorité du général de division Bélair.
29Entre un procureur général syndic sorti renforcé de la crise militaire et politique et un général de division contesté, la question du leadership sur la conduite des opérations militaires dans le nord du département de l’Aisne reste ouverte. De surcroît, le début de l’affaire Houchard encourage indirectement les administrations civiles à se défier du pouvoir militaire.
Des militaires sous surveillance civile
30La suspicion des politiques pour les généraux n’est pas nouvelle, elle est presque la règle depuis le début de la Révolution et redouble avec la proclamation de la République. L’émigration de la plupart des officiers nobles depuis 1789 la nourrit ; l’échec de la tentative de La Fayette de porter son armée au secours de Louis XVI après la journée du 10 août 1792, ou encore le passage à l’ennemi du vainqueur de Valmy, Dumouriez, le 5 avril 1793, la confirment. Elle engendre des réactions émotionnelles féroces comme le lynchage, le 29 avril 1792, par ses soldats du général Théobald de Dillon, suspecté à tort de trahir la nation.
31À la fois pour surveiller les généraux, mais aussi pour appuyer politiquement leurs actions et rassurer l’opinion publique, la Convention nationale réagit en instituant par son décret du 9 mars 1793 l’envoi de représentants du peuple en mission auprès des armées. À l’échelon local, les pouvoirs administratifs ne sont pas en reste et partagent largement cette défiance envers les officiers. Rappelons que même à son arrivée dans le département vers le 24 août, le général de brigade Beauregard est loin de faire l’unanimité. Quelques administrateurs, certes en position minoritaire, ne se privent pas de demander au Comité de salut public le rappel « sans délai du général Beauregard » puisqu’« il est peu propre à remplir les fonctions auxquelles il était destiné dans l’Aisne41 » ! Une quinzaine de jours plus tard, même si les relations se sont nettement améliorées entre les deux parties, cette culture de la défiance à l’égard des officiers généraux persiste. Lorsque Beauregard et le procureur général syndic Pottofeux forment un grand camp à Bohéries près de Guise, l’administration départementale, de son propre chef, décide de créer une commission officiellement chargée de sa gestion et de sa comptabilité42. Mais dans les faits, le travail des deux administrateurs départementaux qui la composent répond à trois objectifs : d’abord trouver des solutions administratives aux besoins des militaires, en particulier à leurs problèmes de logistique et d’intendance, informer au moyen de rapports quotidiens l’administration départementale de la situation du camp et de son évolution, enfin surveiller les officiers et le civisme des populations civiles43.
32Le contexte de « l’affaire Houchard » n’est pas étranger à cette volonté persistante des administrateurs de surveiller les généraux en activité sur le territoire axonais. Le 20 septembre 1793, le général Houchard, chef d’état-major de l’armée du Nord depuis le 1er août 1793, le vainqueur de la bataille d’Hondschoote (8 septembre) dont la levée du siège de Dunkerque par les armées de la coalition, première victoire militaire française après six mois de défaites continues, fut la conséquence, est mis en état d’arrestation avec ses plus proches collaborateurs sur ordre du Comité de salut public de la Convention nationale. Il lui est reproché de ne pas avoir poursuivi ses ennemis jusqu’à l’anéantissement ; en quelque sorte de ne pas avoir transformé la bataille d’Hondschoote en bataille décisive44. Le 22 septembre, le général Jourdan lui succède comme général en chef de l’armée du Nord.
33C’est dans ce contexte de « l’affaire Houchard » que l’administration départementale lance sa campagne de dénigrement à l’encontre du général de division Julienne Bélair, coupable de se désintéresser du camp de Bohéries. Deux de ses membres l’accusent d’inertie auprès de la Société des jacobins de Paris45. Quelques jours plus tôt, depuis Laon, elle adopte un arrêté dans lequel « le général Bélair est invité et même enjoint au nom du Comité de salut public de se transporter à l’armée de la Réunion-sur-Oise pour y remplir ses fonctions de général en chef, y donner les ordres nécessaires et faire pourvoir à ses besoins46». On ne pouvait pas mieux faire pour insinuer publiquement l’impéritie du général Bélair. Enfin, dans une longue lettre adressée à Isoré, représentant du peuple en mission près de l’armée du Nord, elle renouvelle ses accusations et les justifie pleinement par le contexte politico-militaire et les conclusions politiques qu’elle en tire. « La commission, écrit-elle, que nous avons établie près l’armée de la Réunion [Guise] en est une suite nécessaire ; nous voulions arrêter l’ennemi, le combattre avec succès, tout en ménageant le sang de nos frères, et pour cela nous avons pensé qu’il était de notre devoir de surveiller sans cesse les généraux non pour entraver ni diriger leur marche mais pour nous assurer qu’ils ne négligeaient rien pour empêcher l’ennemi d’entrer dans le pays qu’ils étaient chargés de défendre », et de persévérer « si la levée du siège de Dunkerque est avantageuse à la République, on ne peut disconvenir que notre levée en masse, sans qu’il y ait une goutte de sang versé lui a été plus avantageuse encore, puisque déjà l’ennemi menace, dit-on, de nouveau Dunkerque47. »
L’impossible construction de la légitimité militaire des administrations civiles
34Le climat de suspicion envers les officiers généraux, relancé dès le 20 septembre par l’arrestation du général Houchard puis les démêlés permanents entre les généraux en garnison dans l’Aisne, favorisent l’investissement des affaires militaires par les pouvoirs civils. En réaction aux stratégies et tactiques des militaires, les administrateurs départementaux en viennent même à élaborer un discours alternatif dans lequel est posée la question de leur légitimité à s’immiscer dans la conduite de la guerre. Néanmoins, cette prétention s’avère irréalisable du fait de l’absence de consensus entre les pouvoirs administratifs sur cet objet, et surtout de leur rivalité.
La fabrication d’un discours administratif de la guerre
35Pour autant, les véritables enjeux de « l’affaire Houchard » ne semblent pas bien compris des administrateurs – ce qui ne semble pas surprenant puisqu’ils ne l’auraient pas été non plus de l’historiographie, si l’on en croit l’importante thèse récente de Renaud Faget48. Ce qui se jouerait principalement lors de l’arrestation, du procès et de l’exécution du général Houchard, ce général pourtant victorieux et réputé proche des sans-culottes, c’est une révolution du commandement militaire, autrement dit, pour reprendre l’auteur, « l’affirmation abrupte d’une doctrine révolutionnaire du commandement, doctrine qui apporte des transformations radicales dans la direction de la guerre à l’époque moderne49 ». En somme, depuis la mort de la figure du roi de guerre lors de l’exécution de Louis XVI le 21 janvier 1793, la question de la conduite de la guerre, de son partage entre le pouvoir de la nation sis dans le législatif et l’exécutif d’une part et l’état-major de l’autre, restait en suspens. La tentation d’un généralissime, à qui reviendrait le pouvoir de diriger seul les armées et de fixer les objectifs militaires, s’est un temps incarnée dans le général Custine à l’été 1793, chef des armées réunies du Rhin, du Nord, de la Moselle et des Ardennes. Mais son arrestation suivie de son exécution le 28 août 1793 sonnent le glas de cette tentation pour quelques courtes années encore. Surtout, le Comité de salut public impose progressivement depuis février 1793 sa mainmise sur la direction de la guerre. À lui, et en particulier à Carnot, reviennent l’élaboration de la stratégie ; aux généraux, les moyens de l’appliquer avec efficacité grâce à la maîtrise de l’opératique et de la tactique50. Le procès du général Houchard, qui se tient du 3 au 23 brumaire an II (24 octobre-13 novembre 1793) au tribunal révolutionnaire, sera l’occasion pour le procureur Fouquier-Tinville de définir clairement, en s’appuyant sur les décrets de la Convention et ceux des représentants en mission, cette « doctrine judiciaire de la guerre » que Renaud Faget caractérise par la promotion de trois idées majeures : le commandement général est exclusivement en charge de l’opératique, l’application d’un plan de campagne dissipe l’incertitude sur le sort des armes, enfin la finalité de la guerre vise à la mise hors combat de l’adversaire51. C’était donc en finir avec les guerres réglées du xviiie siècle.
36En ce début d’automne 1793, où le pouvoir civil enlève le contrôle de la direction de la guerre au pouvoir militaire, quelques administrateurs départementaux se piquent d’art martial et s’invitent dans le débat stratégique. Ceux de l’Aisne se posent en contradicteurs de « ces généraux qui toujours conquérants et abusants du courage des François, ou le font hacher en pièces, ou le détruise en multipliant ses victoires [...]52 ». Ce qu’ils condamnent, c’est à la fois les batailles comme Hondschoote et les retranchements dans les places fortes assiégées par l’ennemi, comme c’est toujours le cas en cette fin septembre 1793 à Maubeuge et Le Quesnoy. Ne pas être économe de la vie des soldats, poser d’insolubles difficultés de logistique aux administrations civiles tenues de ravitailler les troupes assiégées sont les principaux griefs formulés à l’encontre de ces deux tactiques, accusées d’être au final peu efficaces comme l’atteste la chute de Valenciennes en juillet 1793. L’alternative tactique proposée par ces néo-stratèges administrateurs réside en l’établissement d’une nouvelle ceinture de fer, non pas sur la ligne de front, mais sur ses arrières53 ; une ligne de front, facile à ravitailler, sur laquelle évidemment le camp de Bohéries serait un verrou, et dont la seule présence condamnerait l’ennemi à une guerre d’usure. Ne s’agit-il pas en quelque sorte de plaider la cause d’un retour à la guerre de position telle qu’elle se pratiquait sous Louis XIV ? N’est-ce pas là un refus de la guerre de mouvement et de la recherche de la bataille décisive telles que les prône le Comité de salut public54 ? Certainement ; encore que l’on puisse douter que la doctrine judiciaire de la guerre et que les idées militaires de Carnot et de Saint-Just soient en ce mois de septembre 1793 connues de l’intégralité des administrateurs. Il n’est pas impossible d’y lire non plus une condamnation par ces administrateurs modérés du discours sur la guerre du mouvement populaire parisien. Rappelons que cet « art sans-culotte de la guerre » ou « style léger », fait du refus de la manœuvre, « jugée aristocratique », de l’exaltation de l’impétuosité française révélée par ses charges massives et frontales avec l’adversaire, de l’apologie idéologique de l’arme blanche et en particulier de l’usage des piques – pourtant si inadaptées face à la mitraille ennemie –, devient la nouvelle norme dominante depuis que le cordelier Bouchotte a été nommé en avril 1793 à la fonction de ministre de la Guerre et sa « créature » Houchard à celle de général en chef de l’armée du Nord le 1er août 179355.
37Néanmoins, convenons que leurs critiques contre « le style léger » dominant à l’été 1793, ou celles contre la nouvelle doctrine de la guerre alors en cours d’élaboration pendant le procès Houchard, témoignent chez les administrateurs locaux de conceptions stratégiques et tactiques rétrogrades. Mais au-delà de la portée théorique rétrograde de leur discours militaire, ce qui anime véritablement les membres de l’administration départementale, c’est encore et toujours de plaider la cause de l’installation d’un grand camp militaire à Bohéries/Guise, un camp qui puisse protéger définitivement le département d’une invasion autrichienne. Derrière l’intérêt général de la définition de la stratégie militaire se dissimule la simple défense des intérêts locaux. Enfin, comment ne pas lire dans cette condamnation du « style léger » par les administrateurs une contestation de l’emprise politique et militaire croissante du procureur général syndic sur la conduite des opérations, lui qui s’était fait chef de guerre pour appuyer l’offensive ratée du 12 septembre, lui le chantre du pouvoir des piques, de l’énergie républicaine et de l’offensive ?
L’absence d’un consensus entre pouvoirs civils sur la conduite des opérations militaires
38La substitution de l’administrateur civil au militaire ne s’est pas produite. D’une part, parce que les administrateurs n’en ont pas eu l’intention réelle, au-delà de leur suspicion à l’égard des généraux et leur désaccord sur la stratégie et la tactique à adopter ; de l’autre, parce que ces mêmes administrateurs civils étaient loin de former un corps cohérent et idéologiquement homogène. Effectivement, l’affirmation du nouveau pouvoir administrativo-militaire du procureur général syndic avait de quoi irriter les administrateurs du département. Quant aux libertés prises par l’administration départementale avec la loi, elles ne pouvaient qu’indisposer le pouvoir central de l’État.
39La plus emblématique de cette marge d’autonomie que s’était octroyée extraordinairement le pouvoir administratif départemental consiste en la gestion de la levée en masse de l’été 1793. Face à l’imminence d’une invasion autrichienne, l’administration départementale, unilatéralement, organise les 6 et 16 août sa propre levée en masse, anticipant de quelques jours le grand décret national du 23 août ! Dans son arrêté du 16 août, elle impose à tous les hommes axonais, de plus de 16 ans et de moins de 50 ans, mariés ou pas, mais sans charge d’enfants, de se ranger en armes sous les drapeaux. Or, sept jours plus tard, le décret officiel de la Convention nationale restreindra cette levée aux seuls citoyens français de 18 à 25 ans et non mariés de surcroît56 ! On comprend aisément comment cette initiative unilatérale des administrateurs locaux devint le ferment d’une véritable désorganisation de l’armée à l’automne. Une fois informés des dispositions plus restrictives du décret national, bon nombre de requis axonais protestèrent contre l’illégalité de leur incorporation. Comment les faire retourner dans leurs foyers en évitant une désertion massive ou simplement que le murmure de la contestation dans les bataillons ne se fasse trop assourdissant ? Fallait-il annuler la levée décidée par l’administration départementale de l’Aisne pour faire respecter le droit au risque de désorganiser l’armée ? Consulté, le Comité de salut public tergiversa57. Il revint au général Beauregard de trancher en faveur de l’application des dispositions du seul décret de la levée en masse de la Convention nationale. Dès lors, l’administration départementale en vint à constater que « tous les hommes de la première réquisition ordonnée par le département ont compris qu’ils étaient libérés58 ». À partir de la fin du mois de septembre, lutter contre la désertion occupe une grande partie de l’énergie des autorités administratives et militaires59.
40Pour remédier au mieux à cette situation confuse, Jacques Isoré, représentant du peuple en mission auprès de l’armée du Nord depuis le 9 septembre – et à ce titre incarnation du pouvoir central de l’État –, est sommé d’intervenir directement au camp de Bohéries, là où sont rassemblés les requis du département sous le commandement du général Beauregard60. Le 24 septembre, indigné, il envoie un rapport au Comité de salut public dans lequel il fustige l’administration départementale « qu’on dit patriote et qui ne fait que de la fumée ». Il lui reproche évidemment sa mauvaise organisation de la levée en masse et plus encore sa gestion : « Les contingents du département [...] n’arrivent pas, les districts de Laon et Vervins ont fait partir des masses indistinctes de tous les hommes jusqu’à l’âge de 50 ans, et tous ont déserté de manière que le département de l’Aisne qui devoit avoir fourni au camp 12 à 15 000 hommes n’en a environ que 1 200...61 ». Sa colère se traduit illico par un arrêté dans lequel il intime aux administrations départementale, de district et municipales, sous peine de destitution, de mettre sous trois jours à exécution la loi du 23 août et d’envoyer les hommes en réquisition habillés et armés « de toute arme propre à tuer un esclave ou un tyran » au camp de Bohéries62. Face au risque d’un nouveau conflit entre le Politique du pouvoir central et l’Administratif des pouvoirs locaux, les membres du directoire départemental optent rapidement pour l’apaisement63. Les marges d’initiative que s’étaient octroyées, sous la pression de la menace autrichienne, les pouvoirs administratifs locaux, anticipant et maximalisant en toute illégalité le décret sur la levée en masse, ont tôt fait de susciter, une fois le danger de l’invasion éloigné, l’intervention du pouvoir central de l’État pour restaurer le bon ordre administratif, fait notamment de subordination des agents administratifs locaux aux représentants du pouvoir central.
41Confortés par ce brutal rappel de la norme légale, les membres du directoire départemental en profitent pour briser la dynamique du renforcement et de l’élargissement des pouvoirs administratifs du procureur général syndic, dynamique qui remet en cause l’équilibre des pouvoirs locaux. Ils lui demandent instamment de renoncer à sa co-direction du camp de Bohéries avec le général Beauregard et lui intiment de reprendre sa place au chef-lieu de département. Face au refus du procureur général syndic Pottofeux, il le tance en lui rappelant l’ordre institutionnel : « Notre devoir est d’administrer et non de combattre. C’est au gouvernement à défendre notre département [...] Remettez au ministre le soin d’une armée qu’il ne nous appartient pas de diriger64. » Une plainte à laquelle fait écho le général Bélair, ravi de pouvoir briser la complicité entre le procureur général syndic Pottofeux et le général Beauregard, lorsqu’il écrit au ministre de la Guerre : « Parmi les administrateurs du département de l’Aisne, il y en a qui prennent beaucoup trop sur eux, et qui paroissent se croire plus puissants que le pouvoir exécutif et le Comité de salut public ensemble65. »
42Face aux razzias dévastatrices de la cavalerie légère autrichienne, la résistance des patriotes, aussi réelle soit-elle, est apparue désunie. Une véritable crise de légitimité à conduire les opérations militaires a frappé successivement les principaux acteurs des pouvoirs militaires et civils : les généraux se sont divisés sur les objectifs à définir et la tactique à adopter, les pouvoirs locaux ont instrumentalisé ces rivalités au mieux de leurs intérêts campanilistes, et même au sein du système administratif départemental des tensions ont fini par dégénérer en conflits, à leur tour manipulés par les généraux. Effectivement, la situation de crise à laquelle est confrontée le département de l’Aisne a modifié bien des équilibres longuement établis au sein des pouvoirs locaux. Il n’en est pas résulté une vacance du pouvoir, mais plutôt l’installation d’une zone grise, où il fut parfois bien difficile de déterminer à qui revenait la conduite des opérations militaires. Toujours est-il qu’en octobre 1793, après un mois de crise, l’ennemi était toujours aux portes du département et le resta jusqu’à ce que Jourdan, le nouveau généralissime de l’armée du Nord, remporte la victoire de Wattignies le 17 octobre.
43Une telle situation n’a pu que conforter le pouvoir central de l’État dans son entreprise politique de contrôle du militaire. En pleine affaire Houchard, la zone grise des pouvoirs dans le département de l’Aisne – pour laquelle ce même pouvoir central de l’État n’est pas exempt de toute responsabilité – la justifie pleinement. Entre le moment où le général en chef de l’armée du Nord, Houchard, est arrêté (20 septembre) et mis en accusation par la Convention nationale (20 octobre), le Comité de salut public et le ministre de la Guerre décident dans l’Aisne de destituer le général Beauregard le 11 octobre, de conforter le commandement du général Bélair et d’envoyer, le 26 septembre, les représentants du peuple en mission Roux et Lejeune pour restaurer et encadrer l’efficacité du système administratif local mis à mal. En quelque sorte, il revenait au pouvoir central de l’État de clore la confusion des pouvoirs qu’il avait instillée un mois plus tôt.
44Incontestablement, l’automne 1793 constitue bien le tournant majeur de l’histoire militaire de la Révolution, celui où le pouvoir civil reprend le contrôle de la guerre, celui où se définit progressivement une doctrine de la guerre que fera fructifier a posteriori, avec le succès que l’on connaît, Bonaparte au moins jusqu’en 1809.
Notes de bas de page
1 Récemment Pierre Barral, Pouvoir civil et commandement militaire, Paris, Presses de Sciences Po, 2005.
2 Cf. Renaud Faget, « L’affaire Houchard ou la doctrine judiciaire de la guerre », Annales historiques de la Révolution française, 360, 2010, p. 49-77.
3 Michel Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Éditions du CTHS, 2002.
4 J. Mavidal, E. Laurent, Archives parlementaires (AP), t. lxxii (72), Paris, 1907, p. 97-98. Lors de la séance du 12 août 1793 de la Convention nationale sont lues et applaudies deux lettres, l’une des administrateurs du département, l’autre du maire de Saint-Quentin, sollicitant toutes deux des moyens de défense.
5 Archives départementales de l’Aisne (ADA), L 1087, extrait du registre des arrêtés du Comité de salut public de la Convention nationale (20-25 août 1793).
6 Ibid., lettre de Pottofeux au citoyen Saint-Just, député de l’Aisne à la Convention nationale, 2 septembre 1793.
7 AP, t. lxxxiv (74), Paris, 1909, p. 20.
8 ADA, L 1088, dossier Houchard.
9 Service historique de la Défense, fonds de l’armée de terre (SHD/GR), B1.18, lettre du ministre de la Guerre au général Houchard, 5 septembre 1793.
10 SHD/GR, 8 Yd 110, dossier Beauregard.
11 SHD/GR, 7 Yd 146, dossier Parant.
12 ADA, L 1087, 27 août, lettre du Comité de salut public au procureur général syndic de l’Aisne.
13 SHD/GR, B1.18, lettre du ministre de la Guerre au général Beauregard du 2 septembre 1793 et lettre de Lourdeuil, adjoint au ministre de la Guerre, aux administrateurs du département de l’Aisne.
14 ADA, L 1090.
15 SHD/GR, B1.19, journal des administrateurs du département de l’Aisne, 24 septembre.
16 Claudine Vidal, « Les civils et la guerre dans le district de Vervins : la crise de l’été 1793 », dans Monique Cubbels (dir.), La Révolution française : la guerre et la frontière, 119e et 121e congrès du CTHS, Paris, Éditions du CTHS, 2000, p. 9-21.
17 ADA, L 1088, lettre du procureur général syndic au général Beauregard, 28 août 1793.
18 ADA, L 1087, rapport des opérations par le procureur général syndic en date du 8 septembre 1793.
19 SHD/GR, B1.18, lettre de la commune de La Fère au ministre de la Guerre, 4 septembre.
20 ADA, L 1088, lettre du général Beauregard du 16 septembre 1793.
21 SHD/GR, 7 Yd 146, dossier Parant et 8 Yd 110, dossier Beauregard.
22 ADA, L 1090, compte rendu aux représentants du peuple Lejeune et Roux sur les moyens de défense employés contre l’ennemi dans le département de l’Aisne, le 5 octobre 1793.
23 SHD/GR, 7 Yd 146, dossier Parant et 8 Yd 110, dossier Beauregard.
24 ADA, L 1090, compte rendu..., op. cit.
25 ADA, L 1088, lettre du général Beauregard au général Bélair, le 20 septembre 1793.
26 Ibid., lettre du général Parant au général Beauregard, le 16 septembre 1793.
27 Ibid., compte rendu des commissaires du département au général Bélair, le 20 septembre 1793.
28 SHD/GR, B1.19, 17 septembre, réponse de Bouchotte au général Parant et 18 septembre, lettre du général Bélair au ministre Bouchotte dans laquelle on peut lire : « Les généraux Parant et Beauregard se sont un peu divisés depuis l’expédition du 12. Je n’ai pu voir de quel côté sont les torts, qui d’ailleurs sont des malentendus. »
29 Sur Pottofeux : Laurent Brassart, Gouverner le local en Révolution, Paris, Société des études robespierristes, 2013, p. 394-396.
30 Andro Gaïd, « Pistes de recherche pour une étude sur les procureurs généraux syndics », Annales historiques de la Révolution française, 360, 2010, p. 3-25. Id., Une génération au service de l’État. Les procureurs généraux syndics de la Révolution française (1780-1830), Paris, Société des études robespierristes, 2015.
31 Michel Biard, Les lilliputiens de la centralisation. Des intendants aux préfets, les hésitations d’un « modèle français », Seyssel, Champ Vallon, 2007, p. 179-182.
32 ADA, L 1087, 8 septembre 1793.
33 SHD/GR, B1. 18, lettre d’Olivier, commandant de la place de Laon, au ministre de la Guerre, 9 septembre 1793.
34 SHD/GR, B1.19, lettre de Beauregard au Comité de salut public, 16 septembre 1793.
35 Laurent Brassart, « L’échec local du gouvernement révolutionnaire : les faux-semblants de la centralité révolutionnaire en l’an II », dans Cyril Triolaire (dir.), La Révolution française au miroir des recherches actuelles, Paris, Société des études robespierristes (collection des Études révolutionnaires, 12), 2011, p. 139-150.
36 ADA, L 1090. « Le général Bélair se rendit au Département le 11 au soir. Nous lui fîmes part de l’attaque qui devoit avoir lieu le 12. Il en est déjà instruit par le général Beauregard. Il fut d’avis qu’il falloit voler au secours de Beauregard et lui envoyer en diligence des hommes et des canons. ».
37 SHD/GR, B1.19, lettre du général Beauregard au Comité de salut public, 25 septembre 1793.
38 Alexandre-Pierre-Julienne de Bélair est déjà en 1793 l’auteur de Nouvelle science des ingénieurs..., dédié à sa Majesté le Roi de Prusse, Berlin et Saint-Pétersbourg, Société du Pôle arctique, 1787 ; Dictionnaire encyclopédique et militaire faisant suite aux dix volumes de l’art défensif contenant des observations importantes sur toutes les parties de cet art, Paris, 1792 ; Éléments de fortification suivis d’un dictionnaire militaire et d’une explication raisonnée..., Paris, Didot, 1792.
39 SHD/GR, 7 Yd 94, dossier Julienne dit Bélair Alexandre-Pierre.
40 SHD/GR, B1.19, lettres du général Beauregard au Comité de salut public et au ministre de la Guerre, 28 septembre 1793.
41 ADA, L 1087, 3 septembre 1793.
42 ADA, L 1089, 17 septembre 1793.
43 ADA, L 1090, compte rendu aux représentants du peuple Lejeune et Roux sur les moyens de défense employés contre l’ennemi dans le département de l’Aisne [...] par l’administration départementale, 5 octobre 1793. On peut y lire : « Nous allons dire deux mots sur les occupations des commissaires du département à Guise. Ils s’occupèrent à lever toutes les difficultés qui se présentaient à l’occasion de l’armée de nouvelle levée. Ils surveillèrent l’administration du pain et s’assurèrent de la bonne qualité de la viande. Ils tirèrent un journal de toutes les opérations du général et des travaux qu’il fit exécuter. Ils prirent des renseignements sur toutes les parties afin d’établir de la régularité et de l’ordre, ce qui assurent le succès des opérations. Ils s’occupèrent aussi à réveiller l’esprit public. Un club fut établi à Guise. La municipalité fut renouvelée, les gens suspects furent arrêtés ».
44 « Le général est condamné non pour ce qu’il a fait mais pour ce qu’il n’a pas fait – à savoir obtenir une victoire décisive. » Cf. Renaud Faget, « L’affaire Houchard ou la doctrine judiciaire de la guerre », art. cité.
45 SHD/GR, B1.19, lettre des commissaires du département de l’Aisne près de l’armée à Guise à la Société des jacobins de Paris, 28 septembre 1793.
46 Ibid., 21 septembre, délibération du conseil permanent du département de l’Aisne.
47 SHD/GR, B1.20, lettre des administrateurs du département de l’Aisne à Isoré, 27 septembre 1793.
48 Renaud Faget, Commander en 1792-1793 : le cas Houchard, thèse de doctorat dactylographiée, sous la direction de Bernard Gainot, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2011.
49 Id., « L’affaire Houchard ou la doctrine judiciaire de la guerre », art. cité.
50 Le concept d’opératique a été forgé dans les années vingt par l’Armée rouge. L’opératique désigne le cadre des manœuvres de campagne, en complémentarité avec la tactique qui désigne l’art du combat. L’opératique détermine donc la tactique, car elle consiste à mettre son armée dans les meilleures conditions pour l’affrontement tactique. Cf. Renaud Faget, Commander en 1792-1793..., op. cit., p. 29-30.
51 Renaud Faget, « L’affaire Houchard… », art. cité.
52 SHD/GR, B1.19, lettre des administrateurs de l’Aisne à Isoré, représentant en mission à l’armée du Nord, 27 septembre 1793.
53 « N’essayons plus du courage du François qui ne peut être équivoque, car il n’y a déjà que trop de leur sang de versé, mais établissons sur nos autres frontières un pareil cordon à celui que l’armée de la Réunion forme dans toute la partie de notre département et nous opposons alors une barrière impénétrable à nos ennemis [...] Telle est, citoyen, la manière dont nous concevons que des hommes libres doivent combattre des esclaves... », dans SHD/GR, B1.19, lettre des administrateurs du département de l’Aisne au citoyen Isoré, représentant du peuple près de l’armée du Nord, 27 septembre 1793.
54 Jean-Philippe Cénat, « De la guerre de siège à la guerre de mouvement : une révolution logistique à l’époque de la Révolution et de l’Empire », Annales historiques de la Révolution française, 348, 2007, p. 101-115.
55 David. A. Bell, La première guerre totale. L’Europe de Napoléon et la naissance de la guerre moderne, Seyssel, Champ Vallon, 2010, p. 156-159. Jean-Paul Bertaud, La Révolution armée. Les soldats-citoyens et la Révolution française, Paris, Robert Laffont, 1979, p. 160-163.
56 ADA, L 201, arrêté du 16 août 1793.
57 ADA, L 1087, lettre de Prieur, Carnot et Thuriot, membres du Comité de salut public.
58 SHD/GR, B1.19, arrêté de l’administration départementale, 23 septembre 1793.
59 Ibid., lettre du général Beauregard au comité de salut public ; B.1.20., 4 octobre, lettre du général Parant au ministre de la Guerre, 25 septembre 1793.
60 Isoré, conventionnel élu dans l’Oise, a été envoyé en mission à l’armée du Nord par le décret « fondateur » de l’institutionnalisation des représentants du peuple en mission du 9 mars 1793. Cf. Michel Biard, Missionnaires de la République. Les représentants du peuple en mission (1793-1795), Paris, Éditions du CTHS, 2002, p. 527.
61 SHD/GR, B1.19., lettre d’Isoré au Comité de salut public, 24 septembre 1793.
62 Ibid., arrêté d’Isoré, 24 septembre 1793.
63 Ibid., journal des administrateurs du département de l’Aisne, 24 septembre 1793.
64 ADA, L 1087, lettre de l’administration départementale à Pottofeux.
65 SHD/GR, B1.20, lettre du général Bélair au ministre de la Guerre, 8 octobre 1793.
Auteur
Université Lille SHS/IHRIS (UMR - CNRS 8529)
Laurent Brassart : agrégé et docteur en histoire moderne, Laurent Brassart est maître de conférences à l’université de Lille 3 et membre de l’IRHiS (UMR 8529). Ses travaux portent principalement sur la régulation politique et sociale des populations, les transformations agricoles et le pouvoir administratif sous la Révolution et l’Empire. Il est l’auteur de Gouverner le local en Révolution (Paris, Société des études robespierristes, [Prix Mathiez], 2013) ; et avec Jean-Pierre Jessenne et Nadine Vivier, Clochemerle ou république villageoise ? La conduite municipale des affaires villageoises en Europe (xviiie-xxe siècle) (Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2012).
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