Les pas d’armes et emprises d’armes dans la formation chevaleresque au xve siècle
L’exemple de Jacques de Lalaing
p. 93-116
Résumé
Au xve siècle, les formes primitives de tournoi, livrées en pleine nature, avec des règles minimalistes et le même matériel que celui utilisé à la guerre, ont laissé place à des rencontres beaucoup plus codifiées : joutes, pas d’armes et emprises d’armes. Le but de cet article est de mesurer la place de ces rencontres dans la formation et la culture des hommes d’armes de la fin du Moyen Âge. Le matériel utilisé (parfois spécifiquement conçu pour ces rencontres), la façon de combattre et l’établissement de règles précises font-ils de ces jeux chevaleresques des simulacres de combats complètement artificiels ou permettent-ils, malgré l’importance accordée au cérémoniel et au décorum, de fournir aux chevaliers qui y prennent part une véritable expérience martiale et guerrière ? Nous chercherons à répondre à cette question à partir du cas du grand champion bourguignon Jacques de Lalaing.
Texte intégral
1Il aurait été regrettable, dans ce volume dédié au combattant, d’ignorer le chevalier, figure du combattant médiéval par excellence, personnage emblématique et haut en couleurs de notre histoire. Mais plutôt que d’aborder le chevalier combattant sur le champ de bataille, cet article sera consacré à d’autres formes d’affrontement : il s’agira de voir comment les joutes et les tournois, de façon plus générale les combats normés1, codifiés, contribuent à la formation des hommes d’armes et révèlent une certaine culture de la violence.
2À leur origine, au xiie siècle, les premiers tournois sont au plus proche des conflits réels. Décrits de façon savoureuse par Georges Duby dans Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde, ils sont livrés en pleine nature, sur un terrain aux limites imprécises, avec des règles minimalistes et le même matériel que celui utilisé à la guerre. Les deux équipes qui s’affrontent ne sont pas strictement équilibrées, et toutes sortes de manœuvres y sont admises, y compris des embuscades lors desquelles des troupes se dissimulent derrière un bosquet, dans une grange, ou toute autre aspérité du terrain2. La seule différence majeure avec la guerre réside dans le but recherché, puisqu’il s’agit de capturer l’adversaire et non de le tuer (ce qui n’empêche bien sûr pas les morts accidentelles). Dès son origine, le tournoi mêle donc plusieurs aspects : un entraînement militaire, une dimension ludique et un caractère festif3.
3La question sera ici de savoir quelle est la situation au xve siècle, cet « automne du Moyen Âge » décrit par Johan Huizinga, durant lequel la chevalerie tomberait dans l’obsolescence militaire4. Philippe Contamine affirme dans l’ouvrage collectif qu’il a dirigé, Les chevaliers, que l’âge d’or de la chevalerie – c’est-à-dire la période où l’impact des chevaliers dans l’organisation de la société est le plus important, où la présence de l’idée de chevalerie est au cœur des mentalités féodales et nobiliaires – se situe entre l’An Mil et 1400. Il ajoute qu’il n’y a pas de rupture réelle avec cette période au xve siècle si, l’expression est intéressante, « on accepte de prendre au sérieux les joutes, les pas d’armes et autres fêtes de la cour de Bourgogne5 ». En effet, les aspects militaire, ludique et festif évoqués pour les premiers tournois y sont toujours présents, mais l’équilibre entre les trois a assurément évolué. Le dernier ouvrage de synthèse en français paru sur ce sujet insiste très largement sur l’évolution vers le sport et le spectacle6. Certes, la place accordée au cérémoniel et au décorum est allée croissante au fil des siècles, au point qu’il peut être difficile de discerner derrière la poudre jetée aux yeux des spectateurs, et dont les chroniqueurs se font l’écho, l’intérêt de ces rencontres dans la formation des hommes d’armes de la fin du Moyen Âge. Le but de cet article est précisément de mesurer la place de l’aspect militaire des fêtes chevaleresques, parfois occulté par le faste qui les accompagne. Le matériel utilisé (parfois spécifiquement conçu pour ces rencontres), la façon de combattre et l’établissement de règles précises font-ils de ces jeux chevaleresques des simulacres de combats complètement artificiels ou permettent-ils de fournir aux chevaliers qui y prennent part un véritable entraînement martial et guerrier ?
4Nous chercherons à répondre à ces questions à partir du cas de celui que l’histoire a retenu comme le plus grand champion bourguignon qui a brillé lors de ces fêtes d’armes : Jacques de Lalaing7. Celui-ci s’est consacré avec tellement d’ardeur et de continuité à ces rencontres que si un chevalier médiéval pouvait incarner avant l’heure la figure du sportif moderne, recherchant comme une fin en soi la performance dans le cadre d’une activité strictement codifiée, ce serait assurément lui8.
5Né en 1421, il est mentionné dans une joute dès 1442, à Dijon ou Besançon, où il remporte le prix. Sa carrière ne compte pas moins de dix-huit combats en champ clos (voir le tableau) mais il ne s’est pas limité à briller dans les lices. Il est également membre de l’ordre de la Toison d’or, le fameux ordre de chevalerie fondé par le duc de Bourgogne Philippe le Bon, et participe activement aux guerres livrées par son suzerain, jusqu’au siège du château de Poucques où il trouve la mort en 1453.
6L’étude de ses combats nécessite une clarification préalable du vocabulaire : les pas d’armes et emprises d’armes constituent deux formes de combat normé très en vogue dans la Bourgogne et plus généralement dans l’Europe du xve siècle.
7Le pas d’armes – le mot « pas » revêt le sens de « passage » – reprend une métaphore arthurienne dans laquelle un chevalier garde un lieu, par exemple un pont, empêchant quiconque de le traverser sans se livrer d’abord à un combat. Dans un pas d’armes, un ou plusieurs champions se postent à un lieu stratégique, près d’un carrefour ou d’une route fortement empruntée, pour proposer à tout chevalier ou noble homme passant par là de relever leur défi s’il le désire.
8Dans une emprise d’armes, un chevalier ou écuyer décide de porter son défi auprès de différentes cours. Il n’attend donc pas ses adversaires, mais cherche à aller à leur rencontre, en portant sur lui un objet symbolique affichant aux yeux de tous sa quête de combat.
9Dans les deux cas, les défis ont donné lieu à la rédaction de chapitres, c’est-à-dire de textes précisant les règles de l’affrontement, qui, lorsque nous les avons, nous livrent de précieuses informations.
La carrière dans les lices de Jacques de Lalaing
Date | Lieu | Adversaire | Type de combat | Contexte |
Novembre ou décembre 1445 | Gand | Jean de Boniface | combat à la hache d’armes à pied | emprise d’armes de Jean de Boniface |
Novembre ou décembre 1445 | Gand | Jean de Boniface | combat à la lance à cheval | emprise d’armes de Jean de Boniface |
Février 1447 | Valladolid (Espagne) | Diego de Guzmán | combat à la hache d’armes à pied | emprise d’armes du Bracelet d’or |
1448 | Stirling (Écosse) | James Douglas (dans le cadre d’un affrontement de 3 seigneurs bourguignons contre 3 seigneurs écossais) | combat à la hache d’armes à pied | emprise d’armes du Bracelet d’or |
1449 | Bruges | Thomas Keith | combat à la hache d’armes à pied | emprise d’armes du Bracelet d’or |
1450 | Chalon-sur-Saône | Pierre de Chandio | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Jean de Boniface | combat à la lance à cheval | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Jean de Boniface | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Gérard de Roussillon | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Claude Pitois, seigneur de Saint-Bonnet | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Amé Rabutin, seigneur d’Espiry | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Jehan de Villeneuve, dit Pasquoy | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Gaspart de Dourtain | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Jacques d’Avanchies | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Jacques d’Avanchies | combat à l’épée d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Jacques d’Avanchies | combat à la lance à cheval | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Guillaume d’Amange ou Guillaume Bassam | combat à la lance à cheval | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
1450 | Chalon-sur-Saône | Jean Pitois | combat à la hache d’armes à pied | pas d’armes de la Fontaine des Pleurs |
Le matériel
Les armes
10Les chapitres du pas d’armes de la Fontaine des Pleurs rassemblent les trois types majeurs de combat pratiqués par Jacques de Lalaing et plus généralement par les gentilshommes de son époque : le combat à cheval à la lance (la joute), le combat à pied à la hache d’armes, le combat à pied à l’épée d’armes (voir figure 1).
11On trouve selon les rencontres deux grandes possibilités pour les dispositions touchant aux armes : soit il incombe à chaque combattant d’amener ses propres armes, soit l’entrepreneur du pas ou de l’emprise se charge de fournir des armes pour les deux combattants (auquel cas c’est toujours son adversaire qui choisit en premier parmi les armes qui lui sont proposées9).
12Quand chacun doit venir avec son arme, il n’est pas rare que les chapitres précisent que seront utilisées des haches « accoustumées à faire armes en champ clos », « accoutumées à combattre à pied », ou interdisent que soient utilisées des armes avec crocs ou « malengin ». En effet, si le problème d’une arme non conforme est apparemment rare avec l’épée d’armes ou la lance, il semble assez courant avec la hache d’armes. Cette préoccupation de conformité peut recouvrir plusieurs aspects : une question de sécurité, mais aussi une question d’égalité et de réalisme, poussant les combattants à avoir des armes semblables à celles utilisées à la guerre, leur interdisant d’avoir une arme optimisée pour le contexte particulier du combat normé.
13Un tel problème se pose lors du combat de Lalaing contre l’écuyer anglais Thomas Keith. La hache de ce dernier est munie à l’avant d’une pointe particulièrement longue. Face au refus de son adversaire de changer d’arme, Lalaing accepte de livrer le combat dans ces conditions et se fait blesser au poignet en s’empalant sur la fameuse pointe10. Pour le pas d’armes de la Fontaine des Pleurs, qu’il entreprend après ce combat, il décide de fournir lui-même les haches : après sa mauvaise expérience, il prend sûrement une précaution particulière pour ne pas se retrouver à nouveau face à une arme trop dangereuse.
14Les lances utilisées à cheval peuvent être, elles, équipées de pointes de guerre ou de rochets, une triple pointe difficilement capable de percer une armure (voir figure 2). Malgré l’intérêt d’un équipement sécurisé pour atténuer les risques d’une activité dangereuse par nature, centrée sur un impact qui additionne la puissance de deux montures lancées au galop, la pointe de guerre est la plus couramment utilisée dans les combats auxquels Jacques de Lalaing prend part. Le faible nombre d’accidents en dépit de l’utilisation d’une arme si dangereuse a de quoi surprendre, et nous laisse même dans une certaine perplexité. Surtout, si le nombre de blessures est faible, comment expliquer que l’on puisse considérer cette arme comme efficace à la guerre ? On imagine aisément une lance munie d’une pointe affûtée glisser sur l’armure sans grand effet, ou au contraire accrocher et percer l’armure, mais difficilement se briser sans dommage pour l’adversaire11. On trouve probablement une réponse dans l’œuvre d’Olivier de La Marche. Décrivant une hache d’armes, il indique qu’elle est munie de « trois testes de clouds gros et courts, en façon de diamants, et assez à la maniere que l’on ferre lances pour jouster en armes de guerre, sans roquet12 ». Ainsi, l’expression « jouster en armes de guerre » serait trompeuse et les combats normés dans les lices, même avec des armes dites de guerre, se feraient en réalité avec des armes adaptées, mais plus proches des pointes utilisées à la guerre que les « courtois roquets ». Ces pointes dites de guerre sont probablement semblables à celles utilisées en Allemagne à partir de la deuxième moitié du xve siècle pour le Rennen, les joutes dites « à outrance » (terme lui aussi trompeur), à savoir des pointes uniques mais assez peu aiguës (voir figure 2). Les lances « de guerre » utilisées par Lalaing dans les lices n’étaient donc probablement pas si affûtées que l’on pourrait le croire de prime abord.
Les armures
15Comme pour les armes, on relève concernant les armures une certaine tension entre une volonté de rester relativement proche du matériel de guerre et une adaptation selon le type de combat. Ainsi, on sait que certaines joutes se font en harnois de guerre, d’autres en harnois de joute, mais les chroniqueurs explicitent rarement les différences exactes entre les différents types de protection.
16Lorsque Lalaing affronte deux fois le même jour Jacques d’Avanchies, les deux hommes vont se désarmer et se réarmer entre leur combat à pied à l’épée et le second, à la lance à cheval13. Même si nous ne connaissons pas la nature du changement d’équipement (qui pourrait concerner toute l’armure ou se limiter à certaines pièces), nous voyons ici que l’exigence n’est pas la même pour les différentes formes d’affrontement et conduit à des adaptations.
17De la même manière, les chapitres de l’emprise de Jean de Boniface (lors de laquelle il affronte Jacques de Lalaing à Gand en 1445) évoquent pour le combat à pied des « harnas à combattre en lices » et pour le combat à cheval des harnois « à faire armes à cheval, doubles ou singles »14. Cette dernière précision montre que le combat à cheval peut nécessiter une protection de corps plus importante. Lorsque Boniface vient affronter Lalaing pour la deuxième fois de sa vie à la Fontaine des Pleurs, il joute en armure de guerre, légère, qui se retrouve percée assez vite et l’empêche de finir le nombre de courses initialement prévu15. Cette mésaventure était en réalité prévisible, puisqu’une armure de guerre doit à tout prix laisser une mobilité importante, alors que la joute expose l’armure à une série de chocs violents et frontaux, dans un contexte où la réduction de la mobilité par l’alourdissement n’est pas un réel problème.
18Certains jouteurs portent ainsi un « placart », une plaque de renfort recouvrant le plastron, précaution qui pouvait encore s’avérer insuffisante face à la violence des chocs. Ainsi, Guillaume Bassam finit par avoir le placart percé sous les coups de Lalaing16. À l’inverse, le poids et la mobilité sont des facteurs déterminants lors d’un combat à pied ; les harnois de Lalaing et Diego de Guzmán à Valladolid sont ainsi dits « fins et acérés17 ».
19La pièce d’équipement la plus souvent mentionnée est le casque, qui revêt une importance particulière. Les jouteurs portent généralement des armets ou heaumets18, des casques à la vue étroite, pour certains fixés au plastron19. Le casque le plus protecteur pour les combats à pied est le bacinet. Lalaing ne se résout qu’une seule fois à combattre avec un tel casque en fermant la visière, lors de son unique combat à l’épée d’armes, car « les armes de l’estoc, ferus sans rabat, desiroyent seureté de harnois20 ». Cette exception mise à part, Lalaing combat systématiquement à visage découvert. Il porte lors de son premier combat à pied contre Jean de Boniface un bacinet avec une sorte de demi-visière qui couvre seulement le bas de son visage jusqu’au nez ; par la suite, il opte généralement pour une salade sans bavière, avec seulement un « haussecol » de mailles, ce qui lui permet de profiter d’une meilleure vue et d’une meilleure respiration, tout en témoignant d’une certaine audace21. De cette manière, Lalaing affiche aux yeux de tous qu’il est un combattant expérimenté, habitué à entrer dans les lices.
Les lices
20Le terrain sur lequel s’affrontent les champions est délimité par des barrières (voir figure 2). Généralement, la lice préparée pour les combats à cheval se distingue de celle des combats à pied par ses dimensions nettement supérieures mais aussi par la présence d’une barrière centrale pour séparer les chevaux lors de leur course et éviter les collisions. Sans chercher à estimer les dimensions des lices, nous nous contenterons ici d’une simple remarque : il n’est jamais fait mention dans un combat de Jacques de Lalaing d’un combattant acculé contre une barrière, preuve qu’une place suffisante devait être laissée pour combattre librement.
21Le frein éventuel à l’ardeur des champions est assuré par la présence de gardes, parfois nombreux22, prêts à les séparer au signal du juge (voir figure 2 : les gardes sont les hommes en armes équipés de longs bâtons). Malgré son caractère festif, le combat dans les lices demeure une affaire sérieuse ou veut du moins s’en donner l’aspect. L’analyse de la façon de combattre permet justement de mesurer l’intensité de ces affrontements.
La façon de combattre
La recherche de l’efficacité
22L’on pourrait penser que le choix de Jacques de Lalaing de ne pas se protéger le visage entraîne une certaine retenue de la part de ses concurrents, soucieux d’éviter de le blesser, mais il n’en est rien. Ainsi, quand Claude Gaier souligne que les combattants visent délibérément les parties non protégées du corps de leurs adversaires, il se dit surpris par leur manque de fair play23. Néanmoins, on ne saurait être surpris si l’on considère l’état d’esprit des chevaliers du xve siècle. En effet, les champions, conformément à leur culture de combattants, recherchent les coups efficaces, potentiellement dangereux, sans considération pour les blessures qu’ils pourraient infliger. Quand un champion décide comme Lalaing de ne pas porter un élément de protection, que ce soit dans une recherche d’efficacité ou une pure démonstration d’audace, non seulement son opposant cherche à atteindre cette faille, mais de plus les observateurs jugent cette attitude parfaitement normale.
23La tête est ainsi une cible privilégiée des jouteurs, qui visent même plus précisément la vue du casque, c’est-à-dire l’ouverture pour les yeux24. Dans le combat où Jean de Boniface porte une armure de guerre légère, Lalaing commence à endommager l’armure du chevalier espagnol de façon probablement fortuite ; mais dans les courses qui s’ensuivent, il vise la zone déjà fragilisée, jusqu’à ce que les compagnons de Boniface l’exhortent à interrompre son combat car les risques de blessure deviennent trop grands. Si cette journée n’a pas connu d’incident, c’est parce que Boniface a su accepter d’arrêter, ayant encore un autre combat à accomplir, mais pas parce que Lalaing se serait abstenu de poursuivre, ce que de toute façon personne ne lui aurait demandé.
24Dans les combats à la hache, les tentatives d’atteindre les points les plus vulnérables sont nombreuses et manifestes. À Valladolid, Lalaing porte trois coups au niveau du visage de Diego de Guzmán ; son adversaire ayant la visière fermée, il doit viser la lumière, c’est-à-dire l’ouverture, et ainsi « il luy fit plaie en trois lieux au visage25 ». Face à Jean Pitois, Lalaing parvient à saisir la hache de son adversaire et vise son visage à plusieurs reprises. L’écuyer se protégeant de son bras d’armure, Lalaing persiste jusqu’à réussir à le blesser au sang avec la pointe de sa hache26. Contre Thomas Keith, c’est Lalaing qui est blessé, quand dans un coup de hache il vient lui-même se transpercer le poignet sur la pointe de son adversaire. Malgré l’incident, alors que la blessure de Lalaing l’empêche de tenir son arme de sa main gauche, le combat continue jusqu’à ce que l’un des combattants morde la poussière27. En conséquence, non seulement la blessure peut être délibérément recherchée, mais une blessure qui survient n’interrompt pas toujours le déroulement normal d’un combat.
Jouer avec les règles ?
25Les règles peuvent préciser des conditions de victoire et de défaite et on pourrait s’attendre à ce que les champions adaptent leur façon de combattre à celles-ci. Les combats à la hache se font souvent sur un nombre de coups prédéterminé, mais les règles accordent une place importante au désarmement et à la chute, qui interrompent prématurément le combat et qui sont des formes de défaites « guerrières », dans le sens où elles sont transposables à une situation de combat réel. Le comptage des points, par des coups portés, des lances brisées, semble revêtir une importance limitée. Il serait même vain de compter des points dans les rencontres où le nombre de courses n’est pas réglementé. Dans ces rencontres, où chaque jouteur reste sur les rangs aussi longtemps qu’il le souhaite28, la désignation du vainqueur ne semble pas répondre à des critères fermement établis : on remet le prix à celui qui a su se faire remarquer et qui emporte « l’honneur et le bruit » de la journée.
26Assez nettement, Lalaing ne souhaite pas gagner ou perdre uniquement selon les règles. Quand il affronte à cheval Jacques d’Avanchies, qui a un problème avec son armet, il rechigne à arrêter le combat avant la fin car son opposant a rompu plus de lances que lui29. Par ailleurs, il ne se contenterait pas de dominer son adversaire par une subtile utilisation des règles. C’est pourquoi il souhaite montrer sa prouesse en utilisant de grosses lances, puissantes mais difficiles à casser30. Il vise volontiers la tête, cible plus petite et plus glissante, sur laquelle il est donc plus hasardeux de chercher à rompre son bois31. Le décompte des points, et même d’une certaine manière l’issue du combat, ne sont donc pas l’unique manière d’apprécier la valeur d’un combattant.
27L’idée est certes de tout mettre en œuvre pour surpasser son adversaire, y compris en cherchant à le blesser en visant des points faibles de son harnois. Mais à côté de cette volonté apparemment absolue de dominer l’autre pendant le combat, on s’accommode parfaitement d’une issue où aucun des deux ne remporte la victoire. Nombre de rencontres se terminent dans une situation où aucun vainqueur n’émerge. Le cas n’est pas rare où un chroniqueur précise que le combat s’achève à l’honneur de chaque partie32. Parfois, le juge n’attend même pas la fin du nombre déterminé de coups. Si certaines de ces interruptions sont motivées par une situation dangereuse, on relève aussi que le combat qui oppose Lalaing au seigneur d’Espiry est arrêté avant d’avoir atteint le nombre de coups fixé, bien qu’aucun des deux adversaires n’ait pris l’avantage33. Ici, les combattants apparaissent même particulièrement joyeux d’avoir trouvé un adversaire contre lequel ils ont donné le meilleur d’eux-mêmes, alors que le combat ne désigne aucun vainqueur. Olivier de La Marche rapporte qu’après leur affrontement, les deux hommes se retrouvent dans les lices, une fois désarmés, pour se remercier de l’honneur fait et se donner des accolades, au grand plaisir des Bourguignons qui espéraient qu’aucun n’ait à subir de dommage ou de déshonneur34. Il en va de même après le combat contre Jean de Villeneuve35.
28Le but du passage dans les lices est donc de montrer sa prouesse de façon absolue plus que relative : même si chacun doit faire de son mieux pour surclasser l’autre, l’essentiel est que le champion se montre preux, et pas nécessairement plus preux que son adversaire.
29À ce titre, le chevalier espagnol Jean de Boniface est une figure particulièrement digne d’intérêt. Il est l’un des meilleurs concurrents que Lalaing rencontre. Excellent cavalier, excellent jouteur, hardi combattant à pied, il est réputé pour être un champion de rencontres chevaleresques et un grand homme de guerre, et sa conduite semble à plusieurs reprises guidée par un référentiel guerrier. C’est lui qui, rappelons-le, joute avec une armure de guerre au pas de la Fontaine des Pleurs. Les chapitres de son emprise en 1445 comportent un système de récompenses édifiant, où toute forme de victoire transposable dans le domaine militaire est récompensée par une pièce d’équipement alors qu’une victoire de type sportif (acquise dans le cadre des règles mais sans correspondance avec un avantage qui serait obtenu dans une situation de combat réel) est récompensée par le don d’une pierre précieuse36.
30Son rapport aux règles est lui aussi notable, alternant de façon apparemment paradoxale entre le mépris et le respect scrupuleux. Ainsi, les chapitres du pas de la Fontaine aux Pleurs n’autorisent qu’un seul type de combat par concurrent, mais notre valeureux champion veut montrer qu’il est un homme d’armes complet et concourt à pied (à la hache) et à cheval37. Dans ce même pas d’armes, chaque homme est censé courir avec sa lance jusqu’à ce qu’elle soit rompue. Se référant à cette règle, ses hommes insistent pour que Lalaing continue à courir avec une lance qui, bien que non brisée, soit complètement fendue. Pour couper court aux débats, le maréchal de lice vient voir Boniface pour lui montrer la lance de son adversaire et lui demande s’il désire qu’on coure contre lui avec une lance qui ne peut rien lui faire ; le chevalier espagnol ordonne alors qu’on change cette lance qui ne vaut rien38.
31Ces deux exemples montrent que Boniface se place parfois au-dessus des règles, mais d’autres témoignent qu’il sait aussi s’y plier et jouer le jeu imposé par le scénario du pas d’armes. Quand il vient relever le défi de Lalaing au pas de la Fontaine aux Pleurs, il prétend passer à Chalon-sur-Saône de façon fortuite et demande au héraut qui garde le pavillon ce qu’il fait ici, feignant même d’ignorer l’identité du gardien du pas jusqu’à la fin de leur dernier combat (alors qu’il a rencontré Lalaing quelques années plus tôt lors de leur combat à Gand). Par ailleurs, quand il est porté à terre lors du combat à la hache, il se plie de bon gré à l’obligation qui lui est imposée par les chapitres de porter pendant un an un signe rappelant sa défaite, alors que d’autres adversaires de Lalaing contestent cette obligation39. En tant que guerrier expérimenté et chevalier accompli, Boniface a probablement un certain recul face à ce type de combat et accepte sans sourciller de jouer le jeu auquel les chapitres le contraignent. Il semble ne pas se sentir déshonoré par une défaite dans les lices et refuse de s’abaisser comme d’autres à débattre des points de règles.
32En définitive se dégage de Jean de Boniface l’impression d’un bon joueur, magnanime face aux règles. Son honneur l’amène à bousculer celles qui gênent l’expression de sa prouesse, tout en respectant scrupuleusement les autres. Peut-être considérait-il son honneur suffisamment incontestable pour ne pas être terni par le port d’une marque de défaite, que certains jugent infamante ; en tant qu’homme de guerre, il devait être bien conscient que les revers de fortune étaient inévitables et ne remettaient pas en cause sa renommée. Le biographe de Guillaume le Maréchal ne disait-il pas déjà au xiiie siècle que « c’est entre les pieds des chevaux qu’il faut chercher les preux40 » ? En combattant vaillamment un adversaire honorable, la défaite n’apparaît pas honteuse41.
Le rôle du juge
33Dans une rencontre normée, où l’honneur des combattants est réellement en jeu, le rôle du juge est central. Lors de leur joute à Gand, Boniface et Lalaing s’affrontent jusqu’à la nuit sans atteindre l’objectif fixé par les chapitres. Quand le duc, voyant la lumière décliner, leur demande de se satisfaire de ce qu’ils ont accompli, les deux champions lui retournent une réponse extrêmement révélatrice : « [...] Le duc ne devoit prier, ni requerre, mais comme leur juge, leur pouvoit et devoit commander42. » Leur réponse peut être interprétée comme une demande implicite au duc de leur ordonner l’arrêt du combat pour leur éviter d’avoir à le demander d’eux-mêmes et les garantir ainsi de tout éventuel déshonneur.
34De façon cohérente avec cet état d’esprit, on n’attend pas des combattants à la hache de s’arrêter d’eux-mêmes à la fin du combat : c’est le juge qui ordonne aux gardes de les séparer. Le combat terminé, il revient au juge de déclarer les armes accomplies. Face à lui, il n’est pas rare de voir les combattants offrir de poursuivre leur affrontement s’il considère qu’ils n’ont pas fait leur devoir43. Si certains champions souhaitent sincèrement continuer le combat, d’autres expriment sûrement cette volonté par convention.
35Le juge est donc le garant du bon déroulement du combat, du respect des règles et surtout de l’esprit général de ces rencontres, veillant à la sécurité des combattants et, plus important, à la sauvegarde de leur honneur. Les champions, quant à eux, doivent montrer leur prouesse, sans trop de considération pour les règles, pour la façon de compter les points, ou même pour la sécurité, celle de leur adversaire comme la leur.
36Dans une situation où les combattants doivent donner le meilleur d’eux-mêmes, sans jamais refréner leur ardeur, c’est au juge d’assurer une limitation de la violence, qui distingue le combat normé de la guerre véritable.
La portée des pas d’armes et emprises d’armes
L’autorisation du prince
37Les combats sont toujours censés se faire avec l’autorisation du prince44. Ils sont pour lui une façon de soumettre la noblesse de ses terres et de tisser des liens avec les gentilshommes d’autres contrées. Ainsi, Jean de Boniface est invité au banquet de l’ordre de la Toison d’or avant son premier combat avec Lalaing45. Le chevalier castillan Pedro Vásquez de Saavedra obtient un poste dans l’hôtel ducal après le pas de l’Arbre Charlemagne à la demande du seigneur de Charny, qui l’a affronté46. Il devient par la suite un ami proche de Lalaing, l’accompagnant lors du pas de la Fontaine des Pleurs47. Quand Lalaing porte son emprise à travers différents royaumes, ceux qui le reçoivent dignement veulent par ce biais entretenir leurs bonnes relations avec le duc de Bourgogne48. À voir les entreprises chevaleresques si propices au rapprochement diplomatique, on pourrait croire que leur aspect ludique l’emporte très nettement sur l’aspect militaire.
38Cependant la situation n’est pas aussi simple. Si l’autorisation du prince est théoriquement indispensable, nous pouvons aussi relever quelques exceptions de champions plus ou moins insoumis. De retour d’Espagne, Lalaing reçoit une interdiction de la reine d’Aragon de porter son emprise sur ses terres. Or il continue à le faire pour ne pas être vu comme un couard et fait savoir que ceux qui voudraient l’affronter pourront le rejoindre dans le Dauphiné où il poursuit son voyage et qui n’appartient pas à la reine49. Quelques mois plus tard, quand il s’apprête à rentrer d’Angleterre, où l’on n’a guère apprécié qu’il n’ait pas demandé l’autorisation préalable du roi pour porter son emprise, il est rejoint à son navire par Thomas Keith, navré de voir qu’on laisse un chevalier si réputé partir du royaume sans l’avoir combattu. Il décide donc de le retrouver sur le continent pour contourner l’interdiction de son roi50.
39Si les champions en viennent parfois à contourner ou même transgresser des consignes données par les princes, c’est parce que ces derniers refusent en de nombreux cas à leurs hommes de prendre part aux combats. Cela nous conduit à nous questionner sur leur portée, leur enjeu et leur signification.
Une activité ambiguë, entre fête et guerre
40Ces interdictions princières permettent de mettre en lumière une forte ambiguïté : ces fêtes chevaleresques sont censées soumettre les champions aux princes (leur propre seigneur qui leur donne l’autorisation de combattre mais aussi le seigneur de leur adversaire) et rapprocher les hommes nobles entre eux51. À côté de cela, certains seigneurs refusent que leurs hommes combattent des hommes de princes alliés pour ne pas ternir les bonnes relations entre les cours52. Que devons-nous comprendre ? Ces combats sont-ils propices à créer des rivalités, des tensions suffisamment importantes pour compromettre une alliance ? Ainsi, avant que Galiot de Baltasin ne vienne en territoire bourguignon, il a reçu du duc de Milan le droit de combattre un chevalier bourguignon si le combat lui est proposé, mais il n’a pas le droit de porter lui-même une emprise en signe de défi53. Malgré un aspect festif et ludique, ces combats chevaleresques ne sont donc pas anodins.
41C’est en jouant sur une limite périlleuse, entre considération mutuelle et agressivité, que s’instaure parfois entre les adversaires une profonde fraternité d’armes. Contrairement à des sportifs modernes, les combattants se saluent, « touchent ensemble », après leur combat, mais jamais avant. D’après Olivier de La Marche, quand des chevaliers doivent combattre plusieurs fois, ils ne se saluent qu’après leur dernier combat54. Dans de telles situations, le chroniqueur précise bien qu’à la fin du premier combat, les deux champions ne se saluent pas car ils doivent encore faire armes ensemble. D’une certaine manière, ils doivent se considérer comme des ennemis jusqu’à l’accomplissement total de leurs armes.
42Le combat en lui-même est une activité très violente, nous l’avons déjà dit. Lalaing et Diego de Guzmán se portent des coups « crueux » (cruels)55 ; Lalaing et Claude Pitois se combattent comme de « mortels ennemis56 ». Pourtant les adversaires sont désignés le plus souvent comme compagnons, même lors de la description du plus fort du combat. Il peut sembler incroyable de lire qu’un chevalier vise le défaut d’armure, le visage découvert de son « compagnon57 ». Une fois le combat achevé, le juge invite systématiquement les combattants à demeurer frères et bons amis. L’affrontement est fini mais l’estime réciproque ainsi gagnée doit perdurer.
43En revanche, cette déclaration peut s’avérer très formelle et ne pas être suivie d’effet. Malgré l’injonction du roi de Castille à Lalaing et à Diego de Guzmán de n’avoir nulle rancune ni malveillance l’un contre l’autre après leur combat, le chevalier espagnol, probablement déçu, fait « le malcontent » et ne salue même pas Lalaing le soir à la fin du souper. Il faut l’intervention du roi pour normaliser les relations entre les deux combattants58. De même, après le combat contre Jean Pitois, auquel Lalaing a reproché de combattre comme une femme, on devine bien que l’embrassade n’est pas des plus chaleureuses59.
44Mais dans d’autres cas, le combat semble bien rapprocher les adversaires. Pierre de Chandio, après son combat contre Lalaing, fait partie de ceux qui l’accompagnent lors de la fin du pas de la Fontaine des Pleurs60. On relève même des exemples plus forts où les anciens adversaires combattent côte à côte. Claude Pitois, un chevalier bourguignon qui a participé au pas de la Fontaine des Pleurs, accompagne Lalaing lorsqu’il porte une emprise au royaume de Naples et aurait combattu à ses côtés s’il en avait eu besoin61. Dans la guerre contre les Gantois, Lalaing se félicite de pouvoir compter sur l’aide précieuse de quelques chevaliers parmi lesquels Gaspard de Dourtain, qu’il a aussi affronté au pas de la Fontaine des Pleurs62. On voit bien à ce dernier exemple que le monde des combats chevaleresques et celui de la guerre véritable ne sont pas cloisonnés : les liens tissés dans les lices se ressentent sur les champs de bataille.
Entraînement ou aboutissement ?
45Les combats normés occupent une place à part entière dans une carrière chevaleresque, mais la nature de celle-ci reste à définir. Quel sens est donné à ces rencontres ? Jouent-elles un rôle dans la formation militaire du chevalier ou constituent-elles un but en soi ? Autrement dit, un combat en champ clos doit-il être considéré comme un entraînement ou un aboutissement ?
46Le fait que Jacques de Lalaing se fasse armer chevalier avant son combat à pied contre Jean de Boniface pourrait laisser penser à une évolution profonde par rapport aux siècles antérieurs63. Le combat normé serait alors devenu un temps aussi fort que la guerre pour pouvoir justifier un adoubement. Si tel était le cas, la chevalerie prêterait le flanc aux critiques sur son éloignement de la réalité des champs de bataille et sa dispersion dans le faste des fêtes de cour. Cependant, l’adoubement avant un combat normé apparaît comme une relative exception, d’autant plus compréhensible que cet événement survient dans une longue période de paix. Dans ces conditions, se faire armer chevalier sur un champ clos revêt assurément une connotation plus guerrière que dans une église. D’ailleurs, à la reprise de la guerre contre les Gantois quelques années plus tard, on relève de très nombreux adoubements avant les combats.
47Outre la portée symbolique de l’adoubement, ce sont surtout les aspects pratiques du combat qui doivent mener notre réflexion. Dans les chroniques bourguignonnes, certaines rencontres sont explicitement dédiées à la formation des jeunes gens. Olivier de La Marche relate ainsi une joute donnée à Dijon en 1443 pour que les novices apprennent le métier des armes. Celle-ci prévoit l’utilisation d’un matériel plutôt sécurisé : « unes joustes à selles plattes, et en harnois de jouste64. » Ici, l’absence de troussequins sur les selles facilite les désarçonnements mais limite la puissance des coups et donc les dangers de pénétration des lances. Cette journée a pour but de former de jeunes hommes à la joute et pourrait donc être considérée comme un entraînement. Cependant, cette rencontre se fait en public ; en outre, Olivier de La Marche présente ce premier passage dans les lices de Corneille, le bâtard de Bourgogne qui deviendra plus tard un grand homme de guerre et un grand capitaine, comme le début de sa carrière militaire. Cette joute est donc en même temps un moment de formation et un fait d’armes à part entière. On peut penser que les joutes qui se faisaient presque quotidiennement à la cour de Bourgogne à l’époque de la jeunesse de Jacques de Lalaing65 étaient similaires : de petits faits d’armes, fort utiles pour la formation martiale des jeunes hommes, suffisamment sérieux pour compter dans leur expérience militaire sans pour autant mériter une description détaillée par les chroniqueurs.
48Les affrontements dans le cadre de purs entraînements, sans public, sont très difficiles à cerner. L’une des rares mentions concerne le futur Charles le Téméraire. En 1451, à Bruxelles, celui-ci, portant une armure pour la première fois « pour exécution », s’exerce avec Jacques de Lalaing, à peine trois jours avant sa participation à sa première joute ; de surcroît, les deux hommes ne courent alors que deux lances. Ainsi, on ne peut guère considérer que le comte de Charolais se soit habitué à la joute avant sa première apparition en public. Ce temps avec Lalaing peut au mieux permettre quelques réglages, quelques mises au point, le don de quelques conseils efficaces, mais la véritable épreuve du feu se fait directement dans la lice. Elle sera une étape dans la formation et la carrière martiale du prince, autant qu’un moment de communication politique. Dès cette première mise en situation, le comte de Charolais Charles est désigné de façon significative comme « nouvel homme d’armes66 ».
49Outre des entraînements probablement standard sur cibles, comme la quintaine ou la bague, la formation du jeune noble aux armes semble donc se faire par une accumulation de combats, normés ou réels, plus que par des affrontements réguliers et sans enjeu ainsi qu’on pourrait le concevoir actuellement. Un tel fonctionnement pourrait expliquer la piètre performance de Josse de Sainct-Jore, un écuyer qui vient au pas de l’Arbre Charlemagne pour faire ses premières armes (face à des combattants expérimentés) : le fait que le jeune homme ne touche aucune fois son adversaire se comprend aisément en l’absence d’une véritable expérience préalable de la joute67.
50Le manque de préparation est un élément intéressant à prendre en compte. Ainsi, lorsque Lalaing part en Écosse affronter James Douglas, le projet de duel évolue en un combat opposant trois seigneurs bourguignons à trois seigneurs écossais. Détail surprenant : on apprend que l’oncle de Lalaing n’est guère habitué à manier la hache. Cette mention n’est pas isolée et certains chevaliers, qui sont assurément de bons combattants, ne sont pas entraînés à cette arme spécifique68. Que devons-nous en conclure ? Que la réussite du combat ne dépend pas que de la maîtrise technique de l’arme. Elle est aussi – peut-être même davantage – une maîtrise de l’adrénaline, du bousculement des émotions inhérent à un combat, même normé, lors duquel la pression sociale du noble devant agir selon son rang se combine au réel danger de blessure. Ainsi, Simon de Lalaing, s’il n’est pas spécialement doué avec la hache, sait parfaitement jouer sur les rythmes du combat pour prendre l’ascendant sur son adversaire : il combat « froidement » jusqu’à ce que son adversaire montre les premiers signes de fatigue. De façon tout à fait similaire, son neveu, à Valladolid, attend que Diego de Guzmán commence à s’essouffler pour augmenter l’intensité de ses assauts et le frapper au visage. Avant sa prestation lors du pas de la Fontaine aux Pleurs, on a vivement recommandé au jeune Gérard de Roussillon de ne pas aller trop vite, « de non estre chaud », comme le sont souvent les jeunes hommes non habitués au combat ; fort de ce conseil, il marche moult froidement vers l’entrepreneur du pas. Face à lui, Lalaing marche « moult ordonnément, comme celuy qui estoit duict, acoustumé et apris du fier et redouté mestier et passage de camp clos69 ».
51En définitive, les combats normés ne sont pas de simples entraînements destinés à des jeunes en formation ; la participation de combattants expérimentés n’aurait sinon aucun sens. Ils ne constituent pas non plus un véritable aboutissement, sans quoi les combattants se prépareraient davantage, à l’instar de sportifs contemporains. Ils ont un rôle important dans la carrière d’un guerrier : prendre part à ces combats permet d’acquérir une maîtrise technique, mais surtout une expérience guerrière, encadrée sans être édulcorée. La préparation imparfaite de certains combattants s’explique par une priorité accordée à l’épreuve sur la victoire. Cependant, on aurait tort de croire que cet état d’esprit se cantonne aux lices : à la guerre, nombre d’hommes d’armes désirent avant tout faire leur devoir, montrer leur prouesse et leur chevalerie, plus que remporter la victoire à n’importe quel prix.
52La distinction entre les combats normés lors des pas d’armes et emprises d’armes d’une part, et la guerre véritable d’autre part, est loin d’être absolue. De nombreux liens peuvent être relevés entre ces deux cadres de pratique. Le matériel de l’homme d’armes au xve siècle est certes adapté au contexte des combats normés : les armes y sont généralement moins vulnérantes que les armes de guerre, les armures sont plus protectrices que les armures de guerre. Cela étant, ces précautions s’avèrent nécessaires quand on voit les champions combattre sans concession. Sans supprimer tout risque, les adaptations sont en adéquation avec la conscience que se tuer en combat courtois serait une déconvenue regrettable, pour ne pas dire une absurde futilité.
53De toute évidence, ces défis chevaleresques nécessitent une préparation, mais l’entraînement en-dehors de ces rencontres est difficile à percevoir, et il semble bien que ces rencontres constituent des temps forts de la formation du combattant.
54Si certains aspects semblent précurseurs du sport moderne, les limites sont importantes au parallèle entre combats chevaleresques et sport. Les champions sont très clairement des hommes de guerre, ce qui explique qu’ils considèrent souvent les règles comme secondaires et qu’ils ignorent les risques de blessure lorsqu’ils combattent, en portant des coups réellement dangereux. Les combats normés font partie intégrante du métier des armes : un combat dans les lices est vécu comme une affaire sérieuse, et même si certains ne s’y préparent pas pleinement, c’est peut-être pour qu’il constitue justement une sorte d’épreuve du feu.
55Par ailleurs, on constate que le comportement des chevaliers à la guerre et en champ clos n’est pas complètement différent, et parfois même très semblable. Pour Jacques de Lalaing comme pour les autres hommes d’armes de son époque, la guerre est elle aussi l’occasion de montrer sa prouesse, une prouesse individuelle certes, mais non sans considération pour le bien commun de l’armée. Peu de temps après le pas de la Fontaine aux Pleurs, véritable apogée de sa carrière dans les lices, Jacques de Lalaing, qui a accumulé les faits d’armes individuels, prend part à la guerre contre les Gantois. Durant ce conflit, il est toujours parmi les premiers au combat et risque sa vie pour se porter au secours de ses compagnons. La figure de Jacques de Lalaing ne saurait donc se limiter à celle du sportif. Sa participation aux pas d’armes et aux emprises d’armes a véritablement contribué à forger son identité de combattant.
Notes de bas de page
1 L’expression est utilisée dans Daniel Jaquet, Combattre en armure au Moyen Âge et au début de la Renaissance d’après les livres de combat, thèse de doctorat dirigée par Franco Morenzoni, université de Genève, 2013.
2 Georges Duby, Guillaume le Maréchal ou le meilleur chevalier du monde, Paris, Fayard, 1984, p. 111-136.
3 Jean Flori, Chevaliers et chevalerie au Moyen Âge, Paris, Hachette littératures, 1998, p. 131-132.
4 Johan Huizinga, L’automne du Moyen Âge, trad. du néerlandais par Jean Bastins, Paris, Payot, 1975 [1919].
5 Philippe Contamine, « Préface », dans Id. (dir.), Les chevaliers, Paris, Tallandier, 2006, p. 16-18.
6 Nous nous contenterons ici de citer le dernier ouvrage de synthèse paru sur le sujet, dont le titre est révélateur : Sébastien Nadot, Le spectacle des joutes : sport et courtoisie à la fin du Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012.
7 Nous nous appuierons pour cet article sur la biographie anonyme de Jacques de Lalaing et les Mémoires d’Olivier de La Marche : Le livre des faits du bon chevalier messire Jacques de Lalaing, dans Œuvres de Georges Chastellain, éd. Joseph Kervyn de Lettenhove, t. 8, Bruxelles, 1866, p. 1-259 ; Les Mémoires de messire Olivier de La Marche, Claude-Bernard Petitot (éd.), Paris, Foucault, 1825, 2 vol. Pour l’analyse de la littérature spécifique à laquelle appartient la première de ces deux œuvres, voir Élisabeth Gaucher, La biographie chevaleresque. Typologie d’un genre (xiiie-xve siècle), Paris, Honoré Champion, 1994.
8 Voir justement le passage qui lui est consacré dans Bernard Merdrignac, Le sport au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002, p. 186-189. À noter que l’image renvoyée par ce passage d’un chevalier coupé des réalités de la guerre semble assez injustifiée au regard des récits qui nous sont parvenus de ses exploits militaires.
9 Dans ces conditions, le chroniqueur précise fréquemment que le combattant choisit rapidement, laissant entendre qu’il ne s’abaisse pas à chercher la meilleure arme pour son combat. Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 34.
10 Le livre des faits..., op. cit., p. 183-185.
11 C’est probablement pour permettre à la lance d’accrocher et de se briser sans trop risquer de blessure que les joutes de Saint-Inglevert se font avec des écus en bois seulement. Le livre des fais du bon messire Jehan le Maingre, dit Bouciquaut, mareschal de France et gouverneur de Jennes, Denis Lalande (éd.), Paris/Genève, Droz, 1985, p. 68.
12 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 9-10.
13 Ibid., t. 2, p. 41.
14 Le livre des faits..., op. cit., p. 80-81.
15 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 14-16.
16 Ibid., t. 2, p. 43.
17 Le livre des faits..., op. cit., p. 138.
18 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 468.
19 Déjà dans les années 1430, Dom Duarte donne des conseils à propos de la fixation du casque à la cuirasse. Antonio Franco Preto, The Royal Book of Horsemanship, Jousting and Knightly Combat. A Translation into English of King Dom Duarte’s 1438 Treatise : Livro Da Ensinança De Bem Cavalgar Toda Sela, “The Art of Riding in Every Saddle”, Highland Village, Chivalry Bookshelf, 2006, p. 83.
20 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 40.
21 Ibid., t. 1, p. 440, t. 2, p. 10.
22 Ils sont dix présents dans les lices lors du combat contre Diego de Guzmán, mais encore une centaine d’autres présents autour pour empêcher toute intervention extérieure.
Le livre des faits..., op. cit., p. 134-136.
23 Claude Gaier, « Technique des combats singuliers d’après les auteurs “bourguignons” du xve siècle », Le Moyen Âge, 92, 1986, p. 26.
24 Certains bons coureurs de lances se font remarquer en faisant jaillir des étincelles au niveau des yeux de leurs adversaires ou même en réussissant à les désheaumer, c’est-à-dire à leur enlever le casque de la tête d’un coup de lance. Le livre des faits..., op. cit., p. 55-62.
25 Le livre des faits..., op. cit., p. 139.
26 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 48.
27 Ibid., t. 1, p. 461-463.
28 Il est dit que certains jouteurs ne s’arrêtent qu’à la tombée de la nuit et s’en retournent à la lumière des torches, Le livre des faits..., op. cit., p. 35. La pratique courante semblait tout autre : Diego Gutierre de Gamez est surpris de voir que nombre de chevaliers français vont se désarmer dès qu’ils ont couru trois ou quatre lances. Richard Barber et Juliet Barker, Les tournois, Jean-Robert Gérard (trad.), Paris, Cie 12, 1989, p. 211.
29 Le livre des faits..., op. cit., p. 233-234.
30 Ibid., p. 84-85.
31 Rien ne permet de penser qu’existait un système de décompte des points privilégiant certaines cibles, contrairement aux règles édictées en 1466 par John Tiptoft en Angleterre. Richard Barber et Juliet Barker, Les tournois, op. cit., p. 206-207.
32 C’est par exemple le cas contre Pierre de Chandio. Le livre des faits..., op. cit., p. 207.
33 Ibid., p. 226 ; à noter néanmoins que selon Olivier de La Marche, les deux champions accomplissent bien le nombre de coups prédéterminé. Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 36.
34 Ibid.
35 Le livre des faits..., op. cit., p. 228.
36 Il est prévu que le combat à cheval s’arrête lorsque l’un des deux adversaires parvient à briser six lances, auquel cas le perdant devra lui donner un joyau. En revanche, celui qui se ferait désarçonner devra offrir son casque « en guise de rançon » (là aussi, la précision est révélatrice d’un état d’esprit particulier). De façon similaire, celui qui tombe ou se rend lors du combat à la hache devra donner son arme au vainqueur. Le livre des faits..., op. cit., p. 79-81.
37 Ibid., p. 208.
38 Ibid., p. 210-211 ; Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 14-15.
39 Le livre des faits..., op. cit., p. 208-214 ; Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 11-18. Thomas Keith soutient après son combat qu’il n’est pas vraiment tombé sur son corps, mais seulement sur les bras et les jambes. Le livre des faits..., op. cit., p. 186-187 ; Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 463. Claude Pitois, jeté sur le dos, attrape Lalaing, qui est tombé sur lui, pour l’empêcher de se relever et refuse par la suite de porter le bracelet rappelant sa chute. Le livre des faits..., op. cit., p. 221-222 ; Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 32-33.
40 Georges Duby, Guillaume le Maréchal..., op. cit., p. 131.
41 L’idée est clairement énoncée dans le roman d’Antoine de La Sale Jehan de Saintré que la participation à un combat est honorable même en cas de défaite, surtout face à un homme renommé et redoutable. Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, Joël Blanchard (éd.), Michel Quereuil (trad.), Paris, Le livre de poche, 1995, p. 164 et 274.
42 Le livre des faits..., op. cit., p. 84-85.
43 Un exemple parmi d’autres avec Lalaing contre Gaspard de Dourtain. Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 46.
44 Les deux oncles de Jacques de Lalaing lui enjoignent vivement de ne jamais faire une emprise sans le congé du duc, son seigneur, conseil qu’il suivra scrupuleusement. Le livre des faits..., op. cit., p. 90 et 164. On relève à l’inverse le mécontentement du roi de France quand il apprend que Jehan de Saintré a commencé à organiser une emprise sans l’en avoir informé. Antoine de La Sale, Jehan de Saintré, op. cit., p. 401.
45 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 436.
46 Ibid., t. 1, p. 335.
47 Ibid., t. 2, p. 4 et 31.
48 Le livre des faits..., op. cit., p. 125, 129-130, 159-162.
49 Ibid., p. 154-158.
50 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 450-451.
51 Lalaing affirme entre autres motivations du pas de la Fontaine aux Pleurs vouloir connaître et gagner l’« accointance » de gentilshommes étrangers. Le livre des faits..., op. cit., p. 196.
52 Ibid., p. 102, 107, 125, 152, 154 et 247.
53 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 409.
54 C’est le cas contre Jean de Boniface et Jacques d’Avanchies. Ibid., t. 1, p. 441 ; t. 2, p. 38 et 42.
55 Le livre des faits..., op. cit., p. 138.
56 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 31. La même expression se retrouve pour le combat de Lalaing contre Gaspard de Dourtain à la page 46.
57 Ibid., t. 2, p. 48.
58 Le livre des faits..., op. cit., p. 142.
59 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 48 ; Le livre des faits..., op. cit., p. 237.
60 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 13.
61 Ibid., t. 2, p. 33.
62 Ibid., t. 2, p. 47 et 89.
63 Le livre des faits..., op. cit., p. 86-87 ; Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 439.
64 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 1, p. 319.
65 Le livre des faits..., op. cit., p. 29-30 et 40-42.
66 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 59-60.
67 Ibid., t. 1, p. 343.
68 Ibid., t. 1, p. 448 et 458. Le maniement de la hache d’armes, particulier et riche, est l’objet du seul traité de combat médiéval français actuellement conservé : La doctrine et l’industrie du noble jeu de la hache et la maniere de battaillier, BnF, mss fr. 1996.
69 Olivier de La Marche, Mémoires, op. cit., t. 2, p. 20-21.
Auteur
Université Lille 3/IRHIS UMR-CNRS 8529
Loïs Forster : doctorant en histoire médiévale à l’université Charles de Gaulle Lille 3 (laboratoire IRHiS UMR CNRS 8529), Loïs Forster prépare une thèse portant sur les chevaliers et les hommes d’armes pendant le principat des ducs de Bourgogne Valois, sous la direction de Bertrand Schnerb. Il est doctorant allocataire du ministère de la Défense. Ses recherches académiques bénéficient de l’éclairage riche offert par l’expérimentation physique qu’il mène dans les domaines de l’équitation, du combat et de la joute.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
La construction du militaire, Volume 3
Les mots du militaire : dire et se dire militaire en Occident (XVe-XIXe siècle) de la guerre de Cent ans à l’entre-deux-guerres
Benjamin Deruelle, Hervé Drévillon et Bernard Gainot (dir.)
2020
La construction du militaire, Volume 2
Cultures et identités combattantes en Europe de la guerre de Cent Ans à l’entre-deux guerres
Benjamin Deruelle et Arnaud Guinier (dir.)
2017
Les lumières de la guerre, Volume 2
Mémoires militaires du XVIIIe siècle conservés au service historique de la Défense (Sous-série 1 - Reconnaissances)
Hervé Drévillon et Arnaud Guinier (dir.)
2015
Les lumières de la guerre, Volume 1
Mémoires militaires du XVIIIe siècle conservés au service historique de la Défense (Sous-série 1 - Mémoires techniques)
Arnaud Guinier et Hervé Drévillon (dir.)
2015
La construction du militaire, Volume 1
Savoirs et savoir-faire militaires à l’époque moderne
Benjamin Deruelle et Bernard Gainot (dir.)
2013
L’historien-citoyen
Révolution, guerre, empires. Mélanges en l’honneur de Bernard Gainot
Benjamin Deruelle, Émilie Dosquet et Paul Vo-Ha (dir.)
2022