« Ils avaient des yeux et ils n’ont rien vu »
La Prusse et l’émergence d’une culture militaire nationale dans la France des Lumières
p. 37-55
Résumé
De la paix d’Aix-la-Chapelle (1748) à la Révolution, l’armée française des Lumières est sous l’influence du modèle prussien. Les succès répétés de Frédéric II conduisent, en effet, à revisiter les institutions militaires nationales au prisme de celles de la Prusse. Or un tel travail de réforme n’est pas sans conséquences en matière de construction d’une culture et d’une identité militaire française à l’époque des Lumières. S’il conduit, sur le plan le plus visible, à l’apparition d’une scission entre officiers pro- et anti-prussiens, il contribue également à l’affirmation d’une culture partagée empreinte d’une double dimension, à la fois scientifique et nationale. Au-delà du débat qu’il engendre, le modèle militaire prussien devient en effet un passage obligé dans la formation des officiers désireux de s’initier à la science militaire. Il constitue, en effet, un paradigme incontournable de la culture scientifique guerrière du temps. Néanmoins, ce rôle de modèle accordé à la Prusse s’accompagne d’une lecture fréquemment stéréotypée du caractère de ses soldats et des formes de dressage mises en œuvre dans son armée, lecture qui témoigne moins d’un souci d’impartialité scientifique et d’imitation que d’une volonté de se distinguer. À travers l’analyse du système prussien s’affirme ainsi chez nombre d’auteurs l’idée d’une irréductibilité des caractères nationaux et de leurs divergences qui rend impossible tout principe d’imitation pure et simple d’un modèle voisin au nom de l’existence d’une science militaire unique et détachée des contingences nationales. La Prusse se situe ainsi au croisement de l’affirmation de deux cultures militaires, l’une scientifique et à prétention universaliste, l’autre identitaire et liéE au principe d’une différence fondamentale des caractères nationaux. C’est ce rôle complexe de ce modèle prussien dans la construction d’une culture et d’une identité militaire française que nous nous proposons d’interroger, en posant par ailleurs la question de l’instrumentalisation de son rejet ou de sa valorisation. En effet, au-delà d’un point de vue scientifique ou identitaire, la condamnation ou la promotion de l’armée de Frédéric II ne renvoient-elles pas également à de simples stratégies de carrière pour des officiers en mal d’avancement ?
Texte intégral
À son retour de ses voyages, [mon père] me dit que son intention était de me retirer du collège l’année suivante, mais que, ne voulant pas encore me livrer à moi même dans le monde ou dans une garnison, il désirait que j’allasse achever pendant deux ans mon éducation soit en Angleterre, soit en Prusse, me donnant le choix de ces deux pays, dont le premier m’offrirait les moyens de m’instruire dans l’art du raisonnement, dans la philosophie et l’économie politique, l’autre dans l’art de la guerre. Mon inclination pour la carrière des armes était trop prononcée pour que j’hésitasse ; il fut donc décidé que j’irai à Berlin1.
1Tiré des mémoires de Bouillé, ce court passage rapporte une décision prise par le narrateur en 1784, à l’âge de quinze ans, alors que s’imposait à lui la nécessité de parfaire son éducation à l’étranger, selon un modèle inspiré du Grand Tour. S’il témoigne du rôle prépondérant de l’Angleterre dans l’étude des sciences philosophiques, économiques et politiques à l’époque des Lumières, cet extrait révèle également la place incontestée occupée au même moment par la Prusse en ce qui concerne le militaire2. Reconnue par toute l’Europe, une telle prééminence constitue alors un phénomène récent. Jusqu’à la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748), l’armée du roi-sergent, Frédéric-Guillaume, n’apparaît en effet tout au plus que comme une machine bien huilée, à même de parader avec grâce sur les terrains d’exercice. Il faut attendre 1740, et l’avènement de son fils Frédéric II, pour que les troupes prussiennes soient enfin véritablement engagées dans un conflit et qu’elles attirent l’attention des nations voisines par les succès remportés dès le début des opérations contre des forces autrichiennes pourtant bien mieux aguerries qu’elles. Conforté par la guerre de Sept Ans (1756-1763), au cours de laquelle la Prusse résiste efficacement aux forces combinées de la France, de
l’Autriche et de la Russie, ce prestige nouvellement acquis érige le royaume de Frédéric II au rang de modèle militaire européen, position qu’il occupe jusqu’à la fin du xviiie siècle3.
2Source de fascination, cette élévation par les armes ne peut être ramenée à une quelconque supériorité numérique ou économique. Le pays, pauvre en ressources, n’occupe en effet que la dixième place européenne en termes de superficie et la treizième en termes de population. Pour les contemporains, l’explication de la suprématie de l’armée de Frédéric réside ainsi dans son organisation, et plus spécifiquement dans sa formation tactique. Des batailles comme Mollwitz, Rossbach et Leuthen, où la qualité de l’entraînement des troupes apparaît comme la raison première de la victoire, confortent cette hypothèse et conduisent à reconnaître à la Prusse la détention d’un savoir militaire qu’il convient d’imiter4. Cette approche, au demeurant, répond parfaitement à l’esprit des Lumières et au processus de réduction en art des savoirs qui culmine à cette époque et s’incarne en particulier dans le projet encyclopédique. Au sein de ce contexte intellectuel, les « lumières militaires » postulent la possibilité de substituer à la guerre comme savoir-faire le principe de la guerre comme art réglé, voire comme science fondée sur des vérités mathématiques certaines. L’efficacité militaire dépend dès lors moins de l’expérience empirique que des seules connaissances théoriques5. Dans cette perspective, il apparaît logiquement possible d’assimiler la prépondérance prussienne à une meilleure maîtrise d’une science militaire conçue comme universelle.
3Pourtant, cet universalisme scientifique, qui justifie notamment la politique d’imitation menée par la plupart des États européens vis-à-vis de Frédéric II, se heurte à d’indéniables résistances, en particulier en France. En effet, le principe d’un savoir militaire commun remet en question celui d’une quelconque spécificité militaire nationale. Adopter servilement un modèle étranger dans un domaine qui touche autant à la gloire du roi qu’à celle de plus en plus exacerbée de la patrie, n’est-ce pas risquer de remettre en cause la dignité du métier des armes et celle de la Nation6 ? Derrière le problème de l’imitation de la Prusse émerge ainsi une véritable tension entre affirmation d’une science de la guerre et formation d’une identité militaire nationale. Au croisement des deux se pose l’enjeu d’une culture de la guerre à l’époque des Lumières, partagée entre universalisme et nationalisme.
La France à l’heure prussienne7
4De la guerre de Succession d’Autriche à la Révolution, l’intérêt des militaires français pour le modèle prussien est indéniable. Le voyage à Berlin s’impose ainsi très tôt comme une obligation pour tout gentilhomme soucieux de parfaire son éducation militaire. Il est à ce titre entrepris par des officiers aussi célèbres que le maréchal de Saxe, le comte de Gisors, le comte de Guibert ou encore le marquis de Toulongeon. Ces quelques exemples ne représentent cependant que l’écume des pèlerins qui affluent chaque année dans la ville. Lors de sa venue en mai 1784, ce n’est ainsi pas moins de seize Français que le baron Des Cars retrouve à la cour de Frédéric II, dont les princes de Lambesc et de Vaudemont, deux maréchaux de camp, deux colonels et divers officiers de grades inférieurs8. Pour tous l’objectif est le même : assister aux manœuvres de printemps qui se déroulent sur trois jours à Potsdam. Véritable mise en scène destinée à impressionner l’Europe, ces exercices en grand réunissent plusieurs dizaines de milliers d’hommes et constituent un spectacle qui ne manque pas d’impressionner tout visiteur. Leur importance militaire est cependant bien moindre que les manœuvres d’automne, effectuées pour leur part en Silésie et environnées d’un bien plus grand mystère. En effet, si les premières tiennent de la parade, les secondes relèvent d’une réelle préparation au combat, d’autant plus courue qu’il est plus difficile d’y assister9. Lors du camp de 1753, Frédéric ordonne ainsi à ses hussards de piller tout visiteur non autorisé, et c’est avec une fierté manifeste que Guibert se voit autoriser vingt ans plus tard à observer de tels exercices10.
5De ces séjours, les officiers tirent des notes et des observations personnelles, qu’elles soient saisies sur le vif et laconiques, à la manière de celles conservées dans le Journal d’un voyage en Allemagne de Guibert, ou qu’elles prennent la forme de synthèses plus abouties. Témoins d’un effort réalisé pour s’instruire, ces écrits servent par ailleurs à la reproduction expérimentale des principes prussiens. De retour de son second voyage, Des Cars s’empresse ainsi de mettre de l’ordre dans ses papiers afin d’établir dans son régiment d’Artois-cavalerie les méthodes d’instruction et les procédés tactiques qu’il a eu l’occasion d’observer11. Véritables laboratoires, les unités des « faiseurs » --- notion alors usitée pour dénoncer les zélateurs du renouveau de l’instruction et de la discipline – servent de la sorte à la diffusion en France des principes prussiens.
6Mais c’est également par l’imprimé que les officiers ayant séjourné en Prusse contribuent à la propagation dans le public des usages en vigueur dans l’armée de Frédéric. C’est involontairement le cas du comte de Gisors, dont les observations sur les manœuvres prussiennes sont éditées à titre posthume en 176712. C’est délibérément celui de Guibert, qui publie cinq ans après son propre voyage ses Observations sur la constitution militaire et politique des armées de Sa Majesté prussienne. De tels écrits viennent grossir une production de plus en plus abondante, destinée à offrir aux militaires français l’accès aux principes adoptés outre-Rhin. Dès 1757 paraissent ainsi les Règlemens pour l’infanterie prussienne, traduits de l’allemand par Gourlay de Keralio13. Accueilli favorablement14, l’ouvrage connaît un réel succès, attesté par l’édition de La Haye de 1770 d’après laquelle les multiples exemplaires tirés n’ont pu suffire à répondre à la demande15. Il existe un véritable marché éditorial des livres militaires concernant la Prusse, au sein duquel se rencontrent les traductions d’imprimés allemands, les publications des écrits de Frédéric et les observations effectuées par des officiers au service de France.
7Si le rôle de ces derniers comme médiateurs culturels entre l’armée française et son homologue prussien est essentiel, il n’est cependant pas isolé. Il se double en effet de celui du département de la Guerre, qui s’efforce au même moment de mieux connaître le nouveau système militaire dominant de l’Europe. Dès le ministère du comte d’Argenson (1743-1757), des essais sont de fait réalisés pour confronter l’exercice traditionnel à la française et celui à la prussienne16. De cet instant jusqu’à la Révolution, l’armée de Frédéric II se maintient au cœur des préoccupations des ministres qui s’efforcent d’en percer les secrets.
8Pour ce faire, les secrétaires d’État de la Guerre recourent à leurs propres informateurs investis de missions de reconnaissance. À l’été 1774, Le Filleul de La Chapelle et La Rocque de Serquigny, respectivement aide-major et sous-aide-major aux Gardes françaises, sont ainsi envoyés à Wesel pour observer l’exercice des troupes de Frédéric II17. À leur retour, ils participent aux différentes réunions du comité de manœuvres, chargé de mettre au point une nouvelle ordonnance finalement promulguée le 30 mai 1775. Par la suite, les deux hommes jouent un rôle essentiel dans une opération d’envergure alors sans précédent. Les villes de Lille, Metz et Strasbourg accueillent, en effet, des officiers majors tirés de quarante-trois régiments d’infanterie afin de leur enseigner collectivement le nouveau règlement sur l’exercice. Au sein de cette opération, dont le but premier est d’assurer l’uniformité en matière d’instruction, La Chapelle et Serquigny sont chargés respectivement de la place de Metz et de Lille18.
9Le département de la Guerre dispose ainsi de ses intermédiaires dont les observations sont mises à profit tant sur le plan de la réflexion théorique que de la formation pratique. La césure entre les voyages d’initiative privée et ceux effectués pour le compte du ministère ne doit pourtant pas être surévaluée. De fait, les secrétaires d’État sollicitent également des officiers ayant séjourné en Prusse pour des motifs personnels. C’est notamment le cas du baron Des Cars, auquel Ségur demande au retour de son second périple de consigner par écrit l’ensemble de ses observations, avant de lui proposer de contribuer à une refonte de l’ordonnance sur l’exercice19. Initiatives privées et voyages commandés se recoupent d’ailleurs parfois, comme l’atteste l’exemple de Diesbach. Lieutenant-colonel dans le régiment suisse du même nom, ce dernier entreprend au début des années 1780 un séjour en Allemagne au cours duquel il s’intéresse en particulier aux principes du général von Saldern, auteur d’un traité sur la tactique paru en allemand en 1781 et qui fait alors autorité. Rassemblées dans un mémoire manuscrit, ses observations retiennent l’attention de Ségur, qui décide néanmoins d’en vérifier les fondements. Le mémoire est ainsi adressé pour vérification à un secrétaire d’ambassade en Prusse, qui s’empresse de qualifier Diesbach d’enthousiaste, ce qui n’empêche d’ailleurs pas bon nombre d’officiers de se passionner pour les principes de Saldern, publiés en français en 1783 par les soins du lieutenant-colonel, ni le conseil de la Guerre de recourir à ce dernier quelques années plus tard pour la rédaction d’une énième ordonnance sur l’exercice20.
10Apparaît ainsi une volonté de croiser les sources attestant d’une certaine méfiance à l’égard des observations individuelles. Cette quête de l’information la plus exacte possible explique du reste l’attention accordée aux officiers dont la connaissance du système prussien dépasse les simples leçons tirées d’un séjour de quelques mois. En 1762, le sieur Héron, Français ayant acquis au service de la Prusse « des connaissances particulières sur les manœuvres des troupes et le maniement des armes », est ainsi invité à transmettre son expérience aux régiments de recrues21. Mais ce sont surtout les officiers d’origine prussienne qui sont recherchés. Le cas le plus célèbre est celui du baron de Pirch, ancien aide de camp de Frédéric accueilli en 1772 comme capitaine de la légion de Corse et vulgarisateur en France de la méthode prussienne des points de vue, reprise par l’ordonnance de 1774 pour l’exercice de l’infanterie22. L’exemple n’est cependant pas isolé, comme le démontre notamment celui de Woedtke. Ancien aide de camp du général Seydlitz, ce dernier arrive en France en 1774 où il est accueilli par le marquis de Castries. Institué capitaine par la suite et pourvu de 1 200 livres d’appointements, il est chargé de faire la tournée des garnisons pour comparer le service prussien au français. Que ses idées n’emportent pas l’adhésion, qu’il estime sa promotion trop lente ou que ses dettes l’y incitent, il quitte cependant le service de France pour l’Amérique dès 177523.
11Cette importance accordée aux officiers prussiens se retrouve au demeurant dans le rôle clé joué par les régiments étrangers, en particulier allemands et suisses, au service de la diffusion des principes en vigueur de l’autre côté du Rhin. Si le recrutement des hommes composant ces derniers s’effectue en bonne partie en France, les officiers de ces corps sont en revanche souvent étrangers et proches par leur origine des méthodes employées en Prusse. En 1750, lors des démonstrations des Invalides où sont confrontés exercices français et prussiens, le second est ainsi effectué par le régiment allemand d’Alsace, au sein duquel il était déjà en vigueur. Si la volonté d’uniformiser la préparation au combat pour l’ensemble des troupes au service du roi de France conduit à dénoncer de tels particularismes, l’affinité qui relie les régiments étrangers aux modalités du service prussien perdure néanmoins. À la veille de la Révolution, le baron de Bachmann, major des Gardes suisses et maréchal de camp, n’hésite ainsi pas à se proclamer disciple de Saldern et des principes prussiens, et prêt à vivre et à mourir dans cette religion24. Soulignons au demeurant que Diesbach, introducteur de ces mêmes principes, est lui-même officier dans un régiment suisse. Indéniablement, les corps étrangers jouent ainsi un rôle essentiel comme médiateur culturel entre la Prusse d’une part et le département de la Guerre et l’opinion française de l’autre.
12De multiples canaux, à la fois humains et matériels, contribuent donc à la diffusion des principes militaires prussiens dans la France des Lumières, avec un même objectif : découvrir et reproduire les éléments qui fondent la supériorité des troupes de Frédréric II. Si une telle approche semble valider l’idée que la guerre est une science dont les axiomes sont valables pour tous, elle se heurte néanmoins à la diversité des jugements portés sur le principe d’une imitation de la Prusse.
« An Gallia Borussorum disciplina conveniat25 ? »
13Source de fascination, les préceptes militaires prussiens font en effet également l’objet d’un véritable rejet dont la querelle de l’ordre mince et de l’ordre profond, qui agite la communauté militaire française dans les années 1770, constitue l’expression la plus visible26. Dès le début du siècle, le blocage tactique induit par la disposition des armées en de minces lignes de fusiliers étendues sur plusieurs kilomètres de long a conduit le chevalier de Folard à promouvoir un ordonnancement des troupes en colonne, afin de leur conférer plus de mobilité et de leur permettre de renverser le fragile dispositif adverse grâce à l’efficacité de leur choc. Conçu comme une réponse inspirée des Anciens à un problème tactique, ce nouvel agencement a également été présenté par son auteur comme plus conforme au caractère de la nation, fait d’allant et d’enthousiasme, là où les peuples du Nord se caractérisaient plus par leur flegme. Cette dimension reste pourtant secondaire dans ses écrits et ne prend toute son importance qu’un demi-siècle plus tard, lors de la reprise de son système par un officier appelé à devenir le champion de l’ordre français, le baron de Mesnil-Durand27. Reproduisant les idées de Folard, ce dernier valorise l’organisation des troupes en colonne, dénommées « plésions », par opposition à leur disposition sur trois rangs, désormais qualifiée de méthode prussienne. Son dispositif promeut par ailleurs le recours à l’arme blanche et à l’élan, contrairement au système en vigueur où dominent l’arme à feu et la primauté de l’ordre sur la vitesse. Profondeur, impulsion et arme blanche forment ainsi le triptyque fondamental d’un ordre avant tout revendiqué, dès la parution du premier ouvrage de Mesnil-Durand en 1755, comme un ordre français plus que comme un héritage des Grecs, à la différence de Folard28.
14L’attention accrue portée à l’organisation militaire prussienne au lendemain de la guerre de Sept Ans conduit par contrecoup à renforcer la popularité des idées de Mesnil-Durand, présentées dans un nouvel ouvrage en 177429. Quatre ans plus tard, lors du camp de Vaussieux, la disposition officielle des troupes sur trois rangs est confrontée au système du baron, au détriment du second. L’expérience ne marque pourtant pas la fin de l’ordre français qui continue, sous une forme ou sous une autre, à bénéficier du soutien de nombre d’officiers. Si la persistance d’un tel attachement s’explique en partie par une démarche scientifique, soucieuse de comparer et d’évaluer à l’aune de notions mathématiques et physiques, comme celle de choc, l’efficacité des différents systèmes tactiques, elle, tient cependant surtout à la conviction sous-jacente d’une irréductibilité des caractères nationaux, auxquels tout dispositif ne saurait convenir indifféremment. L’ordre mince, désormais assimilé à la Prusse, ne saurait à ce titre s’adapter au Français, car il n’est pas conforme à son tempérament.
15Une telle conviction ne se cantonne au demeurant pas à la sphère tactique. Elle se retrouve aussi bien pour l’instruction quotidienne des troupes que pour la discipline en général. Dans ce dernier domaine, la question des coups de plat de sabre apparaît à ce titre emblématique. Introduite en 1776 par le comte de Saint-Germain, alors secrétaire d’État de la Guerre, cette punition inspirée des pratiques prussiennes doit se substituer pour les menues fautes à la prison, source d’oisiveté et de maladie. Elle suscite cependant une vive indignation de la part de nombre d’officiers, qui mènent contre elle une véritable campagne d’opinion30. Dès 1776 circule ainsi un poème, intitulé Requête des soldats français à la Reine, où s’affirme avec force l’opposition radicale qui sépare le tempérament national et celui des Prussiens :
Ouvre nos cœurs sanglants, tu trouveras l’honneur.
Qu’aux habitants du Nord la discipline austère
Inflige un châtiment qu’elle a cru nécessaire,
Esclaves plus longtemps et plus tard policés,
Courbés dessous le joug, leurs cœurs sont affaissés :
Des fers de l’esclavage ils ont encore l’empreinte.
Des serfs peuvent sans doute obéir à la crainte :
Mais nous le sentiment est notre unique loi ;
Librement un soldat se consacre à son roi31.
16Au cœur de ce poème, comme des divers écrits qui l’accompagnent, s’impose un discours qui emprunte à la fois à la théorie des climats et à la différence des régimes politiques en vigueur des deux côtés du Rhin. Il alimente la construction d’une image stéréotypée du soldat prussien, à la fois brute, en raison du froid rigoureux du Nord qui anesthésie en lui toute forme d’émotion, et esclave, de par la pérennité en Prusse du servage comme mode de domination32. La crainte et les coups sont le seul moyen de conduire un tel homme, tandis que le Français, soumis à un climat et à une monarchie tempérés, ne saurait être mené autrement que par les sentiments, en particulier l’honneur33.
17À une logique d’imitation de la Prusse justifiée par la supériorité militaire de cet État s’oppose ainsi la mise en exergue d’un caractère national présenté comme intangible34. Il ne saurait être pourtant question d’une confrontation simple entre tenants d’une reproduction des principes prussiens et partisans d’une constitution militaire nationale. En effet, même chez les premiers se retrouve couramment le souci de reconnaître aux troupes françaises une identité distincte de celle de Frédéric. Le cas de Guibert est éclairant à cet égard. L’habitude de voir dans le préambule de son Essai général de tactique l’annonce prophétique des guerres nationales à venir conduit parfois à oublier que ce dernier était en son temps un adepte de la tactique prussienne. Pour le comte, la guerre est en effet une science dont le roi de Prusse a le mieux mis au jour les fondements et dont les résultats ne sauraient être contestés au nom d’un quelconque tempérament national, ce qui l’amène en particulier à s’opposer radicalement aux théories de Mesnil-Durand. Tous les peuples, souligne-t-il, sont tour à tour braves et lâches, et les qualités attribuées aux Français ont été maintes fois observées chez leurs adversaires35. Pourtant, malgré cette approche résolument hostile au caractère des nations, Guibert conserve une indéniable fascination à l’égard de l’idée d’une discipline nationale et d’une constitution militaire ancrée dans le patriotisme. Si cet attrait, particulièrement présent dans l’introduction de l’Essai, apparaît par bien des aspects plus nostalgique que programmatique, il n’en contribue pas moins à susciter dans la pensée de l’officier-écrivain une tension entre une conception scientifique et universaliste de la guerre et la volonté de mettre sur pied, si ce n’est une nation en armes, du moins une armée nationalisée36.
18La même tension apparaît du reste chez les partisans d’un ordre français, à commencer par Mesnil-Durand. De fait, aussi hostile qu’il soit à l’ordre mince, ce dernier n’hésite pas à emprunter aux Prussiens certains point en matière d’instruction du soldat. Concernant les premiers éléments de la formation -– maniement de l’arme, marche, etc. –, le projet qu’il propose à l’occasion du camp de Vaussieux de 1778 reprend ainsi intégralement l’ordonnance de 1776, elle-même largement inspirée de la Prusse37. Si la colonne et la ligne s’opposent radicalement, elles s’appuient par conséquent sur un matériau humain identiquement préparé selon des procédés importés de l’étranger. Dès lors, il apparaît erroné de s’arrêter à une opposition entre pro- et anti prussien, la véritable question étant celle du degré et des modalités d’imitation acceptables. Que reproduire et de quelle manière afin de permettre la préservation d’une forme d’identité nationale ?
19À cette question, les réponses apportées par les officiers varient à l’infini, sans manquer parfois d’un certain machiavélisme. Ainsi un mémoire anonyme souligne-t-il la nécessité d’importer l’exercice prussien, seule méthode efficace pour former les troupes, tout en prônant de cacher aux soldats l’origine de cet emprunt, afin de ne pas blesser leur fierté38. Plus généralement, deux approches peuvent être distinguées, l’une privilégiant la distanciation par le recours à des agencements tactiques spécifiques, en particulier la colonne, l’autre s’attachant plutôt à l’idée d’un ressort distinct pour mouvoir le soldat, l’honneur pour le Français contre la crainte pour le Prussien. Au-delà de ces variations, les différents officiers se rejoignent néanmoins dans l’affirmation, par opposition à la Prusse, d’une communauté militaire imaginée dont les contours ne sont plus simplement dessinés par le service d’un même monarque, mais par le partage d’une même identité française39. À la veille de la Révolution, la possibilité de se proclamer « disciple des principes prussiens » et prêt « à mourir dans cette religion » n’est ainsi envisageable que pour un officier suisse au service du roi de France mais extérieur à une communauté militaire nationale qui, en s’affirmant, se détache des autres armées européennes comme des régiments étrangers au service du royaume.
20Véhiculée par l’imprimé, dans le cadre de la querelle littéraire à laquelle le débat sur l’imitation de la Prusse donne lieu, cette idée d’une communauté militaire nationale conduit en dernier lieu à une esquisse de transfert de souveraineté du monarque vers la nation. Si le premier n’est pas critiqué directement, le despotisme ministériel fait, en effet, l’objet d’une contestation accrue à la fin du xviiie siècle. Triomphe de fait l’idée que le législateur, dont on souhaite de plus en plus qu’il prenne la forme d’un comité et non d’un simple individu40, doit se soumettre aux exigences de l’esprit d’une nation, non plus considérée comme un assemblage de corps constitués définis par leurs privilèges, mais comme une communauté composée d’individus partageant le même caractère et surtout le même statut politique41. À ce titre la confrontation avec l’armée de Frédéric II sert autant la formation d’une science de la guerre que la cristallisation d’une identité nationale en passe de devenir quelques années plus tard un véritable nationalisme42.
Une affaire de carrière ?
21Imité au nom d’une approche scientifique du militaire, le modèle prussien sert donc tout autant l’affirmation d’une conception patriotique de la guerre. Si une telle tension tient en partie à la volonté de concilier progrès et fierté nationale, elle ne saurait être entièrement comprise en dehors des enjeux de pouvoir qui caractérisent alors l’armée française. À l’exception notable de la guerre de Sept Ans, l’intervalle séparant le traité d’Aix-la-Chapelle de la Révolution est une période de paix relative pour la France. Favorable à l’allongement de l’espérance de vie des officiers, une telle situation réduit cependant d’autant leurs perspectives de promotion, les vacances par mort se faisant moins nombreuses. Dans le même temps, les possibilités de se distinguer par un fait d’armes s’amenuisent, ce qui conforte l’essor d’une conception du mérite liée aux connaissances théoriques. Pour un officier, la capacité à rédiger un projet de réforme innovant devient dès lors aussi essentielle, et surtout plus aisée à mettre en œuvre, que la prouesse accomplie sur le champ de bataille43. Dans ce contexte, la volonté de percer les secrets de Frédéric II ne relève pas de la seule curiosité scientifique, elle est aussi affaire de carrière.
22La rivalité opposant le baron Des Cars au marquis d’Autichamp dans les années 1780 mérite à ce titre d’être analysée en détail. Issu de la noblesse de cour et ambitieux, Jean-François Des Cars obtient dès l’âge de vingt-sept ans, et par l’entremise du comte d’Artois, le commandement d’un régiment44. Une dizaine d’années plus tard, à l’issue de la guerre d’Indépendance américaine, il entreprend un premier voyage en Prusse afin de parfaire son instruction. De retour en France à l’été 1784, il procède à une série de changements afin de mettre en usage dans son régiment les préceptes qu’il a pu observer. Ces libertés prises à l’égard des ordonnances ne tardent pas à être dénoncées par le marquis d’Autichamp, alors en charge de l’inspection du régiment d’Artois commandé par Des Cars. Dès novembre 1784, celui-ci avertit le marquis de Ségur des initiatives du baron45. Quelques mois plus tard, Des Cars n’en effectue pas moins un second voyage en Prusse, à l’issue duquel il poursuit ses expériences, avec l’accord tacite de Ségur auquel il a adressé un mémoire d’observations tirées de ses voyages. Le 23 juin, le marquis d’Autichamp revient ainsi à la charge auprès du ministre afin de dénoncer une nouvelle fois les innovations introduites dans le régiment d’Artois. Devant l’absence de réponse, il réitère son courrier un mois plus tard, le 26 juillet. Deux semaines plus tard, ordre lui est finalement donné d’indiquer à Des Cars de cesser ses expériences46.
23L’affaire n’est pour autant pas close. Le ministre reste en effet intéressé par les idées du baron, auquel il demande de procéder à une refonte de l’ordonnance sur l’exercice de la cavalerie. Désireux de réitérer en grand ses essais, ce dernier obtient par ailleurs en 1787 d’entraîner à nouveau deux régiments selon ses principes. Outre Artois, les dragons de Schomberg lui sont ainsi confiés. Ce soutien officiel ne désarme cependant pas l’hostilité de d’Autichamp, nommé pour sa part au conseil de la Guerre à l’automne 1787. Au sein de cette nouvelle instance, créée par l’ordonnance du 9 octobre, ce dernier travaille en collaboration avec le marquis Dumesnil, à son propre projet d’ordonnance qui est finalement adopté le 20 mai 1788 sous la forme d’un règlement provisoire sur l’instruction de la cavalerie47. Ce succès ne marque cependant pas l’échec des idées de Des Cars, qui a poursuivi durant ce temps ses propres expériences. En septembre 1788, un camp est ainsi tenu à Montigny, près de Metz, afin de confronter l’instruction provisoire du 20 mai et la méthode suivie par Artois et Schomberg depuis plus d’un an. L’expérience tourne au désavantage de Des Cars, dont les mouvements d’ensemble sont jugés trop lents, malgré la qualité reconnue à l’instruction individuelle de ses cavaliers48. Un an plus tard, les modifications apportées au règlement de 1788 restent ainsi le fait de d’Autichamp et Du Mesnil49.
24Poursuivie durant cinq années, la rivalité entre Des Cars et d’Autichamp témoigne du rôle essentiel joué par l’imitation de la Prusse dans la carrière des officiers. S’affirmer à même d’importer en France les principes en vigueur outre-Rhin s’avérait un moyen essentiel pour se distinguer, comme l’atteste notamment l’intérêt suscité par Des Cars auprès de Ségur, puis de Brienne à partir de 178750. Le baron en avait d’ailleurs bien conscience, lui qui impute à la jalousie d’officiers plus anciens que lui, en particulier à d’Autichamp, l’échec final de ses propositions. À l’opposé, la dénonciation des principes importés de Prusse n’était pas toujours le fait d’une position scientifique ou du patriotisme, elle répondait également à des intérêts de carrière. En témoigne l’attitude de d’Autichamp. Loin d’être hostile aux préceptes prussiens, qu’il avait lui-même expérimentés à l’occasion51, ce dernier s’avère initialement intéressé par les observations de Des Cars. En juillet 1784, avant que le baron n’entame ses essais personnels dans son régiment, il écrit ainsi à Ségur que plusieurs idées rapportées par Des Cars lui semblent bonnes et qu’elles mériteraient d’être expérimentées. Dans le même temps, il propose de superviser cet essai en tant qu’inspecteur et de rendre compte au ministre des résultats obtenus52. Ce n’est que quelques mois plus tard, après avoir constaté que Des Cars s’est lancé seul dans l’expérience, que d’Autichamp change de position et dénonce, non pas tant le principe de mettre en œuvre les préceptes prussiens, que de confier cette opération à un colonel sans en avertir son inspecteur. La même position se retrouve au demeurant dans sa lettre du 23 juin 1785, où il propose, tout en dénonçant les innovations pratiquées dans Artois, de confronter sous sa direction un régiment formé selon les principes de Des Cars et un autre instruit d’après les ordonnances. L’hostilité de d’Autichamp à l’égard du baron n’est donc pas liée à la défense d’un modèle national ou à un désaccord théorique. Elle tient essentiellement à la volonté de l’inspecteur de préserver son autorité sur les régiments qui lui sont affectés, et plus encore à son désir de s’approprier le bénéfice éventuel des expériences menées dans celui d’Artois.
25Derrière la prétention à faire de la guerre une véritable science, à l’origine de l’intérêt porté à la Prusse, apparaissent ainsi des enjeux de pouvoir qui rappellent la dimension socialement construite de tout savoir53. Dans cette perspective, la conformité avec les principes prussiens des procédés importés en France par les officiers français ou étrangers importe moins que la capacité de ces derniers à faire recevoir ces mêmes procédés comme supérieurs aux préceptes en vigueur. C’est dans ce sens que la citation du baron de Bachmann – « Ils avaient des yeux et ils n’ont rien vu » – peut être interprétée54. Prononcée à l’encontre des prédécesseurs de Diesbach en Allemagne, cette dernière vise à blâmer l’incapacité de ces officiers à saisir les véritables principes prussiens. Elle ne témoigne cependant pas tant d’une réelle cécité de la part de ces hommes que de la pluralité des interprétations données du modèle prussien et de la lutte essentielle opposant leurs auteurs afin de faire recevoir la leur.
26Au cœur de la construction d’une science de la guerre et du rôle qu’y joue l’imitation du modèle prussien, ces enjeux de carrière interfèrent au demeurant aussi dans l’affirmation simultanée d’une communauté militaire nationale imaginée. De fait, ils influent en particulier sur l’utilisation négative du stéréotype prussien. Loin de témoigner uniquement d’un patriotisme exacerbé, celle-ci sert également d’instrument de disqualification. En témoignent à nouveau les critiques exprimées par d’Autichamp à l’encontre de Des Cars. Dans sa note de novembre 1784, le marquis souligne que les cavaliers du régiment d’Artois, soumis aux innovations de leur colonel, sont repris avec une « dureté extraordinaire », qu’ils subissent des punitions sévères et essuient des injures, tandis que les officiers ont perdu toute liberté et ne servent plus que par contrainte. Tous subissent en fin de compte la volonté despotique de leur chef55. Apparaît ici en creux l’image négative du service prussien, qui réduit le soldat en esclavage et est à ce titre incompatible avec le tempérament national. Ainsi, alors même qu’il se prononce en faveur de l’étude et de la reproduction, au moins partielle, des préceptes à l’œuvre dans l’armée de Frédéric II, d’Autichamp recourt également au stéréotype négatif du soldat prussien pour disqualifier l’action de son rival. Derrière la répugnance à imiter servilement une puissance étrangère s’esquissent de la sorte, dans l’opposition affirmée entre caractères français et allemand, des actions de dénigrement qui relèvent moins du patriotisme que des stratégies de carrière.
27Ce rôle des luttes d’influence dans l’exacerbation d’une identité nationale se retrouve par ailleurs dans la défense même de systèmes présentés comme français. À cet égard, l’exemple du maréchal de Broglie s’avère révélateur. Favorable aux idées de Mesnil-Durand dès la fin de la guerre de Sept Ans, ce dernier soutient indéfectiblement l’ordre français durant les années qui suivent le conflit, y compris après les essais de Vaussieux, qui se révèlent pourtant défavorables aux plésions. Si un tel appui n’est pas extraordinaire en soi, il prend une autre tournure au regard des positions exprimées par le duc au début des années 1750. Au moment du camp des Invalides et de la confrontation des exercices français et prussiens, de Broglie s’était en effet résolument prononcé en faveur des seconds, affirmant par la même occasion que les Gaulois n’avaient été autrefois vaincus que par leur refus de prendre les armes de leurs adversaires56. Si l’adhésion nouvelle du maréchal à un ordre français dans les années 1760 tient sans aucun doute à un intérêt réel pour les idées de Mesnil-Durand, il n’est néanmoins pas impossible de voir aussi dans ce subit revirement une décision politique. Ce nouvel engouement intervient, en effet, au moment de la promotion de Choiseul comme secrétaire d’État de la Guerre, suivie deux ans plus tard de la disgrâce de Broglie à laquelle prend part le ministre. Par la suite, le duc n’a de cesse de s’opposer à Choiseul dont il dénonce les réformes menées au lendemain de la paix de Paris et inspirées notamment du modèle prussien57. Dans le soutien inconditionnel que Broglie accorde à Mesnil-Durand, il est ainsi possible de déceler, au-delà d’une quelconque préférence tactique, une forme d’opposition à l’égard d’une politique ministérielle menée sans son appui, ce que ne manque d’ailleurs pas d’affirmer le comte de Rochambeau, pour qui les faveurs du maréchal envers le baron de Mesnil-Durand furent en premier lieu la conséquence de son inimitié à l’égard de Choiseul58.
28À travers l’analyse du rapport entretenu par les officiers français avec la Prusse s’éclaire ainsi un pan de la culture militaire des Lumières caractérisée par une indéniable tension entre l’aspiration à un universalisme scientifique et la tentation d’une lecture nationale de la guerre. La prussomanie qui gagne l’Europe dans la seconde moitié du xviiie siècle contribua de fait à l’exacerbation par contrecoup d’une spécificité nationale de la part d’officiers soucieux de restaurer le prestige des armes françaises. Pour autant, il ne saurait être question d’opposer simplement zélateurs de la Prusse, partisans de la guerre comme science, et patriotes, tenants d’un modèle national. Outre qu’elles sont fréquemment imbriquées sous la plume des officiers, ces deux lectures s’inscrivent, en effet, à l’intérieur d’enjeux de carrière qui en rappellent la dimension également instrumentale. La prétention à dévoiler les secrets de Frédéric II, la dénonciation de l’autre comme prussien ou l’exacerbation du caractère national de son propre projet de réforme s’inscrivent en partie à l’intérieur de stratégies de promotion ou de disqualification. L’affirmation d’une communauté militaire nationale imaginée doit ainsi être également envisagée comme la résultante d’une mutation de la notion de mérite et des tensions internes à l’armée, et non comme le seul produit d’un patriotisme renouvelé que l’imitation servile de la Prusse vient attiser. Au final, l’identité des militaires français n’en demeure cependant pas moins fortement modifiée à la veille de la Révolution. Après presque un demi-siècle de confrontation intellectuelle avec le modèle prussien, s’est en effet imposé, non pas tant un modèle militaire français intemporel qui n’a pas plus de réalité qu’un quelconque modèle occidental de la guerre59, que l’obligation de donner à toute nouvelle constitution militaire une dimension nationale qui la rattache non seulement au souverain mais à la patrie.
Notes de bas de page
1 Bouillé (marquis de), Souvenirs et fragments pour servir aux mémoires de ma vie et de mon temps, Paris, A. Picard et fils, 1906, t. i, p. 16.
2 Pour un panorama général sur cette influence : Isabelle Deflers, « Faszination oder Abstoßung ? Bilder des preußischen Militärs im Ausland », dans Bernd Sösemann, Gregor Vogt-Spira (éd.), Friedrich der Große in Europa. Geschichte einer wechselvollen Beziehung, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2012, t. ii, p. 256-270. Sur l’influence de la Prusse en dehors du militaire : Id., « L’image ambiguë de la Prusse façonnée par Mirabeau : Prusse des Lumières ou Prusse militaire ? », Lumières, 17/18, 2011, p. 227-240.
3 Christopher Duffy, Frederick the Great: A Military Life, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1985 ; Id., The Army of Frederick the Great, Newton Abbot, Londres/Vancouver, David & Charles, 1974 et André Corvisier, Armées et sociétés en Europe de 1494 à 1789, Paris, PUF, 1976, notamment p. 124-131.
4 Pour Mollwitz : Robert B. Asprey, Frédéric le Grand, 1712‑1786, Paris, Hachette, 1989 [1re éd. angl. 1986], p. 186-194. Pour Rossbach : Hervé Drévillon, Batailles. Scènes de guerre de la Table Ronde aux Tranchées, Paris, Seuil, 2007 et Arnaud Guinier, « “La malheureuse affaire du cinq.” Rossbach ou la France à l’épreuve de la tactique prussienne », dans Ariane Boltanski, Yann Lagadec, Franck Mercier (éd.), La bataille. Du fait d’armes au combat idéologique (xie-xixe siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 231-244. Pour Leuthen : Dennis E. Showalter, The Wars of Frederick the Great, Londres/New York, Longman, 1996, p. 192-206.
5 Azar Gat, A History of Military Thought: From the Enlightenment to the Cold War, Oxford, Oxford University Press, 2001 ; John Lynn, De la guerre : une histoire du combat des origines à nos jours, Paris, Tallandier, 2006 [1re éd. angl. 2003] ; Armstrong Starkey, War in the Age of Enlightenment, 1700‑1789, Westport/Londres, Praeger, 2003.
6 Sur la place de la guerre dans l’imaginaire monarchique voir notamment : Joël Cornette, Le roi de guerre : essai sur la souveraineté dans la France du Grand siècle, Paris, Payot, 2000. Sur le renouveau du patriotisme au milieu du siècle : Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme français, 1750-1770. La France face à la puissance anglaise à l’époque de la guerre de Sept Ans, Oxford, Voltaire Foundation, 1998 ; David A. Bell, The Cult of the Nation in France: Inventing Nationalism, 1680-1800, Cambridge/Londres, Harvard University Press, 2001.
7 Nous pastichons ici Philippe Burin, La France à l’heure allemande (1940-1944), Paris, Seuil, 1995.
8 Jean‑François -Des Cars, Mémoires du duc Des Cars, colonel du régiment de dragons-Artois, Paris, Plon, 1890, p. 369.
9 Sur le rôle et le rayonnement des revues prussiennes, voir notamment : Robert B. Asprey, Frédéric…, op. cit., p. 346 et 551‑557 ; Christopher Duffy, The Army of Frederick…, op. cit., p. 147‑149 ; Jürgen Luh, Kriegskunst in Europa, 1650‑1800, Cologne/Weimar/Vienne, Böhlau Verlag, 2004, p. 200‑208 ; Isabelle Guillaume, « Guerre et paix en Europe sous le regard de deux voyageurs anglais (1776‑1780) », dans Françoise Knopper, Alain Ruiz, Les voyageurs européens sur les chemins de la guerre et de la paix du temps des Lumières au début du xixe siècle, Bordeaux, PUB, 2006, p. 125‑140 et Adrien Sarthou, Les revues militaires dans la Prusse de Frédéric II (1740‑1786) : réalités et représentations, mémoire de master, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2008, ici p. 39‑41.
10 Christopher Duffy, Frederick…, op. cit., p. 77‑81 et Guibert, Journal d’un voyage en Allemagne fait en 1773, Paris, Treuttel et Würtz, 1803, t. i, p. 216.
11 Sur ses expériences, voir infra.
12 Tactique et manœuvres des Prussiens, pièce posthume par M. le D. de G., s. é., 1767.
13 Gourlay de Keralio, Règlemens pour l’infanterie prussienne, Berlin et Paris, Estienne, 1757. Les versions postérieures sont généralement attribuées à M. de G***, qui a pu être interprété comme le comte de Gisors. Voir par exemple : M. d*** G***, La tactique ou discipline suivant les nouveaux règlements prussiens, Francfort et Leipzig, aux dépens de la Compagnie, 1770. Il est par ailleurs loisible de se demander si Louis-Guynement de Keralio, désigné ici comme Gourlay de Keralio, n’a pas obtenu accès à ces règlements par le biais de son frère, Auguste, qui a pour sa part accompagné ce même duc de Gisors dans son tour d’Europe, et notamment de Prusse, entre 1754 et 1755. Sur les Keralio : Annie Geffroy, « Les cinq frères Keralio », Dix-huitième siècle, 40, 2008, p. 69‑77 et Jean Sgar, « Louis Félix Guynement de Keralio traducteur, académicien, journaliste, intermédiaire », Dix-huitième siècle, 40, 2008, p. 43-52.
14 Journal des sçavans pour l’année 1757, Paris, M. Lambert, 1757, p. 731‑732.
15 Voir l’avis placé à la fin du volume : M. d*** G***, La tactique…, op. cit.
16 Jean-Pierre Bois, « L’exercice du détachement du camp des Invalides en 1750 », dans « Camps et grandes manœuvres de Louis xiv à Louis-Philippe, Actes du colloque de Compiègne, 3-4 octobre 1998 », Bulletin de la société historique de Compiègne, t. xxxvi, 1999, p. 71-87.
17 Jean Chagniot, « La formation des officiers à la fin de l’Ancien Régime », Revue historique des armées, 228, 2002, p. 3‑10.
18 Sur l’expérience, voir notamment : Service historique de la Défense, fonds de l’armée de terre (SHD/GR), 1M 1713, « L’objet de l’instruction provisoire de 1775… », s. d., 68 ; SHD/GR, 1M 1713, Dispositions faites pour régler l’instruction de la garnison de Lille, 1er juillet 1775, 70 ; SHD/GR, 1M 1719, pièces 31 et 34-38 ; SHD/GR, Ya 166, État des officiers majors qui ont été détachés de leur régiment pour se rendre à Lille, Metz et Strasbourg, 1776 et SHD/GR, A4 40, Copie d’une lettre de M. le maréchal du Muy à M. le marquis de Castries, 1775, 34. Le baron de Pirch est chargé pour sa part de la ville de Metz.
19 Jean‑François -Des Cars, Mémoires…, op. cit., t. ii, p. 304.
20 Pour le traité de Saldern : Saldern, Taktische Grundsätze und Anweisung zu militairischen Evolutionen, Francfort et Leipzig, 1781. Pour la traduction française et les écrits de Diesbach : Saldern, Éléments de la tactique de l’infanterie, ou Instructions d’un lieutenant-général prussien pour les troupes de son inspection, s. l., 1783 et Diesbach, Mémoire sur l’armée prussienne fait en 1783 ou Journal d’un voyage en Prusse, s. l., s. n., s. d. Sur l’opération de vérification : SHD/GR, Ya 167, Bachmann, Extrait d’une lettre que j’ai écrite en octobre 1787 à Reynold relativement aux changements qu’on pourroit faire dans l’armée.
21 Jean Chagniot, « La formation… », art. cité.
22 Jean Colin, L’infanterie au xviiie siècle, la tactique, s. l., 1907, p. 68‑70 et Robert S. Quimby, The Background of Napoleonic Warfare: The Theory of Military Tactics in Eighteenth‑Century France, New York, Columbia University Press, 1957, p. 201.
23 SHD/GR, 1Ye 25789, Woedtke et A1 3688, Lettre du comte du Muy au maréchal de Soubise du 6 mars 1775, 8.
24 SHD/GR, Ya 167, Bachmann, Extrait de ma lettre écrite en décembre 1787 au chevalier de Zoll.
25 « La discipline prussienne convient-elle au peuple français ? » : SHD/GR, 1M 1703, Projet de mémoire général, 1749, 38.
26 Pour un résumé de la querelle : Matti Lauerma, Jacques‑Antoine‑Hippolyte de Guibert (1743‑1790), Annales Academiae Scientiarum Fennicae, série B, 229, 1989, p. 133‑174 et Robert S. Quimby, The Background of Napoleonic Warfare..., op. cit., 1957, p. 210‑290.
27 Jean Chagniot, Le Chevalier de Folard, Paris, le Rocher, 1997 ; Id., « Le mépris du feu, ou le facteur national dans la pensée de Folard et de ses disciples », dans Le soldat, la stratégie, la mort. Mélanges André Corvisier, Paris, Economica, 1989, p. 118-127.
28 Mesnil‑Durand, Projet d’un ordre français de tactique, Paris, A. Boudet, 1755.
29 Mesnil‑Durand, Fragments de tactique, Paris, Jombert, 1774.
30 Sur le débat qui gagne alors non seulement l’armée, mais également la société civile : Ségur (comte de), Mémoires ou souvenirs et anecdotes, Paris, A. Eymery, 1824, p. 142-147 ; Albert Babeau, La vie militaire sous l’Ancien Régime, t. i, Le soldat, Paris, Firmin‑Didot, 1890, p. 163-165 et Naoko Seriu, « Du féminin dans les discours militaires au xviiie siècle », Genre & Histoire [En ligne], 1, 2007, mis en ligne le 19 novembre 2007, consulté le 12 juin 2013 [URL : http://genrehistoire.revues.org/index103.html].
31 Émile Raunié (éd.), Chansonnier historique du xviiie siècle, Paris, Quantin, 1884, p. 106-110.
32 Pour le détail de ces critiques : Arnaud Guinier, L’honneur du soldat. La discipline militaire en débat dans la France des Lumières (1748-1789), Ceyzerieux, Champ Vallon, 2014, p. 217-224.
33 L’influence de Montesquieu, tant sur le plan de la théorie des climats que des différents régimes politiques, est ici indéniable : Montesquieu, De l’Esprit des Lois. Œuvres complètes de Montesquieu, Paris, Firmin Didot, 1838. Pour une présentation des idées politiques du philosophe : Céline Spector, Montesquieu. Pouvoirs, richesses et sociétés, Paris, PUF, 2004, p. 37-143. Sur le renouveau de la théorie des climats au xviiie siècle, voir par ailleurs entre autres : Barbara Piqué, « Les caractères des nations dans l’œuvre de Montesquieu », dans Alain Montandon (dir.), Le même et l’autre. Regards européens, Clermont-Ferrand, Publications de la faculté des lettres et sciences humaines de Clermont-Ferrand, 1997, p. 131-142 ; David A. Bell, The Cult of the Nation…, op. cit., p. 140-168 ou encore : Gonthier‑Louis Fink, « De Bouhours à Herder. La théorie française des climats et sa réception outre-Rhin », Recherches germaniques, 15, 1985, p. 3-62.
34 Soulignons que la France est loin d’être la seule à voir se développer cette tension. Elle se retrouve dans les autres pays européens influencés par la discipline germanique, comme l’Angleterre ou le Piémont : Sabina Loriga, Soldats. Un laboratoire disciplinaire : l’armée piémontaise au xviiie siècle, Paris, Mentha, 1991, p. 156 ; Alan Guy, Oeconomy and Discipline: Officership and Administration in the British Army, 1714-63, Manchester, Manchester University Press, 1985, p. 37-42 ; Armstrong Starkey, War in the Age of Enlightenment…, op. cit., p. 60.
35 Voir en particulier : Guibert, Défense du système de guerre moderne, Neuchâtel, 1779, t. i, p. 211-220.
36 Guibert, Essai général de tactique, Liège, chez Plonteux, 1773, voir le discours préliminaire et l’introduction. Sur la tension chez Guibert entre la guerre comme science et sa dimension morale, voir par ailleurs : Azar Gat, A History…, op. cit., p. 45-55.
37 SHD/GR, 1X 56, Extrait du projet d’instruction pour l’exercice et la manœuvre de l’infanterie selon les principes de l’ordre français, Paris, 1778, ici l’avertissement. Au-delà de l’attention portée au tempérament national, soulignons que la pensée de Mesnil-Durand est par ailleurs également saturée par une lecture scientifique, en particulier géométrique et mécanique, de la guerre. Voir notamment : Hervé Coutau‑Bégarie, « Un tacticien à la suite : le baron de Mesnil‑Durand », dans Combattre, gouverner, écrire : études réunies en l’honneur de Jean Chagniot, Paris, Economica, 2003, p. 289‑298.
38 SHD/GR, 1M 1705, « Avant-propos. Quoi que j’ai voulu… », s. d., 7.
39 Sur la notion de communauté imaginée : Benedict Anderson, L’imaginaire national. Réflexion sur l’origine et l’essor du nationalisme, Paris, La Découverte, 2002 [1re éd. angl. 1983].
40 Voir par exemple : Bohan, Examen critique du militaire français, Genève, 1781, t. i, p. 252 et Leissac, De l’esprit militaire, Bruxelles, 1789 [1783], p. 8-20.
41 Même statut politique puisqu’ils se voient reconnaître un rapport identique à l’État, fondé sur l’honneur par opposition au statut de serf attribué au soldat prussien.
42 Ce rapport à la Prusse double à ce titre le rôle joué par l’Angleterre dans l’émergence d’une conscience nationale française, rôle plus couramment analysé : Edmond Dziembowski, Un nouveau patriotisme…, op. cit. ; David A. Bell, The Cult of the Nation…, op. cit., p. 78-106 et Arnault Skornicki, « England, England. La référence britannique dans le patriotisme français au 18e siècle », Revue française de science politique, 59, 2009, p. 681-700.
43 Sur l’évolution de la notion de mérite : Jay M. Smith, The Culture of Merit: Nobility, Royal Service, and the Making of Absolute Monarchy in France, 1600‑1789, Ann Arbor, Michigan University Press, 1996 et Rafe Blaufarb, The French Army, 1750‑1820: Careers, Talent, Merit, Manchester, Manchester University Press, 2002.
44 Sur ce point et ce qui suit : Jean‑François -Des Cars, Mémoires…, op. cit., en particulier : t. ii, p. 303-385.
45 SHD/GR, 1M 1786, Mémoire sur différents abus des troupes, 1784, 28.
46 SHD/GR, 1M 1733, Copie d’une lettre écrite par M. le marquis d’Autichamp à M. le maréchal de Ségur du 23 juin 1785, 62 et SHD/GR, A4 77, Correspondance du marquis d’Autichamp avec le ministre, années 1784-1786, voir au 26 juillet et au 14 août 1785.
47 Instruction provisoire arrêtée par le roi concernant l’exercice et les manœuvres des troupes à cheval du 20 mai 1788, Paris, Imprimerie royale, 1788.
48 SHD/GR, 1M 1735, Castries, Observations sur les manœuvres de M. le baron Des Cars, 126 et SHD/GR, 1M 1803, Gain Montaignac, Journal et observations du camp de Montigny, voir le détail du journal du camp aux dates des 18 et 21 septembre.
49 Edouard Desbrière, Maurice Sautai, La cavalerie de 1740 à 1789, Paris/Nancy, Berger‑Levrault, 1906, p. 99.
50 Le cas plus connu de Guibert pourrait évidemment être cité, comme celui de nombreux autres officiers qui durent une partie de leur carrière à l’importation des préceptes prussiens.
51 En 1774, il procède notamment à l’essai des manœuvres proposées par Woedtke, sans doute à la demande de Castries.
52 SHD/GR, A4 77, Correspondance du marquis d’Autichamp…, ici à la date du 21 juillet.
53 Voir entre autres : Ken Alder, Engineering the Revolution: Arms and Enlightenment in France, 1763‑1815, Princeton, Princeton University Press, 1997 ; Simon Schaffer, Steven Shapin, Léviathan et la pompe à air : Hobbes et Boyle entre science et politique, Paris, La Découverte, 1993 [1re éd. angl. 1985].
54 SHD/GR, Ya 167, Bachmann, Extrait d’une lettre que j’ai écrit [sic] à Reynold au sujet de Diesbach et mon frère…, 1787.
55 SHD/GR, 1M 1786, Mémoire sur différents abus…, op. cit.
56 SHD/GR, 1M 1706, Réponse au mémoire qui a pour titre remarques sur les différents exercices, s. d., 114. Le mémoire est anonyme mais il répond à celui de Clare, qui est lui-même une critique explicite de l’exercice de Broglie. Il peut donc être attribué à ce dernier.
57 Par exemple : SHD/GR, 1M 1711, Broglie, « Il n’est point de militaire… », s. d., 64.
58 Mémoires militaires, historiques et politiques de Rochambeau, Paris, Pillet, 1824, t. i, p. 226. Soulignons néanmoins que le témoignage de Rochambeau, partisan de l’ordonnance, peut être suspect d’une certaine partialité.
59 Victor D. Hanson, Carnage et culture. Les grandes batailles qui ont fait l’Occident, Paris, Flammarion, 2002 [1re éd. angl. 2001].
Auteur
Institut d’histoire moderne et contemporaine (ENS-Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne)
Arnaud Guinier : ancien élève de l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, agrégé d’histoire et ancien pensionnaire de la fondation Thiers, Arnaud Guinier est chercheur affilié à l’Institut d’histoire moderne et contemporaine. Il est l’auteur de L’honneur du soldat. Éthique martiale et discipline guerrière dans la France des Lumières (Ceyzérieux, Champ Vallon, 2014) et le codirecteur avec Hervé Drévillon de Les Lumières de la guerre, mémoires et reconnaissances tirés de la sous-série 1M du Service Historique de la Défense (Paris, Publications de la Sorbonne, 2014).
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