Un bras armé dans la Manche
Le Cotentin mis en défense au début de la « seconde guerre de Cent Ans »
p. 21-76
Texte intégral
1Bien qu’ils diffèrent de par leur nature et leur portée (deux projets1 et une disposition2), et se différencient par leur date de rédaction, les trois mémoires3 que nous vous présentons ici ont en commun deux caractéristiques : tous traitent de la protection du littoral de la Basse-Normandie, et particulièrement de la défense des côtes de la presqu’île du Cotentin, à la charnière des xviie et xviiie siècles ; tous, d’autre part, sont sous-tendus par la pensée de Jacques Goyon de Matignon. La réflexion de ce dernier traverse de fait tout autant le Projet pour la deffence de 75 lieues de costes (1678) et la Disposition générale (non datée) – deux textes dont Jacques de Matignon est l’auteur avéré – que le Mémoire sur La Hougue (1702) − anonyme − qui renferme en son sein la reproduction intégrale de la Disposition générale de Monsieur de Matignon. C’est donc à trois textes bien distincts mais marqués du sceau d’une même pensée que nous allons nous intéresser ici.
2Jacques Goyon, sire de Matignon et de la Roche-Goyon, comte de T(h)origny, baron de Saint-Lô (28 mai 1644-14 janvier 1725), appartient à l’une des maisons les plus illustres de Normandie : les Goyon. De cette très ancienne famille d’origine bretonne établie en Normandie au xve siècle sont issues quelques personnalités éminentes ; certaines s’étant distinguées du vivant même de Jacques de Matignon. Ce fut le cas par exemple du frère cadet de Jacques, Charles Auguste (1647-1729), qui eut l’honneur d’être élevé au maréchalat le 18 février 17084. Quoiqu’inférieur à son frère en notoriété, Jacques Goyon de Matignon n’en demeure pas moins un personnage important. S’il n’est pas du tout certain qu’il soit fait lieutenant général des armées du roi en 1693, comme le prétend Moréri5, il est sûr en revanche qu’il entretient des liens privilégiés avec les grands commis de son temps : notamment les Colbert, qui font partie de sa parentèle (il est l’oncle par alliance du marquis de Seignelay). Dans le grand bailliage de Cotentin où se trouve son principal fief (Torigny, aujourd’hui Torigni-sur-Vire), il est amené à jouer un rôle militaire de premier plan. Nommé à la lieutenance générale de la Basse-Normandie par lettres patentes en date du 3 septembre 16776, Jacques de Matignon succède dans cette charge à son frère aîné Henri (1633-1682), démissionnaire en cette même année 16777. Il remplit cet office 36 années durant, avant de le résigner en faveur de son fils Jacques-François-Léonor (le futur Jacques Ier de Monaco), le 10 février 17138. C’est donc près de la moitié de sa vie (il mourut en 1725, à l’âge de 81 ans) et l’essentiel, pour ne pas dire la totalité de sa carrière d’officier que Jacques de Matignon consacre à la défense de la Basse-Normandie.
3Aussi, le Projet que Matignon rédige en 1678, alors qu’il vient d’être nommé lieutenant général de la Basse-Normandie, et la Disposition générale, écrite par lui une vingtaine d’années plus tard, à la veille de la guerre de Succession d’Espagne, sont-ils l’œuvre d’un expert de la guerre qui connaît « pratiquement » son métier et le territoire où il l’exerce.
4Émanés d’un officier militaire haut gradé, ces écrits témoignent qu’au tournant du xviie siècle l’exercice d’un commandement n’est pas incompatible avec la réalisation de mémoires prospectifs. Les deux activités marchent de pair. Aussi succinct que riche de propositions neuves, le Projet de Matignon s’apparente bien en effet, malgré son austérité rédactionnelle, à un mémoire promouvant l’amélioration du dispositif de défense d’une province frontière particulièrement exposée. Il en va de même d’ailleurs de la Disposition : si celle-ci consiste avant tout en l’énumération un peu sèche de mesures à prendre dans la presqu’île du Cotentin en cas d’attaque anglaise, elle n’est cependant pas dénuée du caractère réflexif propre aux mémoires. Au surplus, parce qu’elle se retrouve intégrée dans le Mémoire sur La Hougue, lequel se présente in fine comme un projet de perfectionnement défensif tirant sa substance du terreau des expériences militaires passées et présentes, la Disposition de Matignon déborde sa normativité constitutive pour participer d’une réflexion théorique plus large.
5Ainsi, l’intertextualité mise en évidence par le rapprochement de nos documents tend-elle à indiquer qu’à l’aube du xviiie siècle la défense de la généralité de Caen, et du bailliage de Cotentin en particulier, résulte au moins autant des mesures appliquées « en temps réel » par les acteurs locaux dirigés depuis Versailles que de la mise en pratique, sur le moyen ou long terme, des réflexions desdits acteurs, auxquelles les mémoires distribués dans le temps offrent un espace de maturation.
6Révélateurs de cette construction graduelle d’une stratégie défensive du littoral bas-normand, nos trois mémoires s’inscrivent dans deux contextes historiques distants d’une vingtaine d’années.
7Premier mémoire ici présenté, le Projet pour la deffence de 75 lieues de costes « envoyé par monsieur de Matignon le 12 may 1678 » voit le jour dans la conjoncture particulière d’une sortie de guerre. À cette date, la guerre de Hollande (1672-1678) est effectivement sur le point de se terminer. Voilà près de deux ans que les plénipotentiaires des États européens impliqués travaillent à la résolution du conflit, et le dénouement est maintenant proche ; de fait, dans trois mois, le 10 août 1678, les Provinces-Unies signeront à Nimègue une paix séparée avec la France. À l’époque où Jacques de Matignon le propose, le projet de mise en défense de 300 km de linéaire côtier en Basse-Normandie ne paraît donc plus vraiment d’actualité. Le Stathouder Guillaume d’Orange fragilisé (malgré son mariage avec Marie d’York en 1677 qui l’avait rapproché de l’Angleterre) et l’amiral Ruyter disparu (tué en 1676), la menace d’une descente hollandaise sur le littoral français est faible voire nulle. Les opérations navales d’importance, celles ayant opposé les alliés anglo-français à l’amiral Ruyter en mer du Nord (Sole Bay, Schooneveldt, Texel), ont pris fin il y a cinq ans déjà, en 1673… N’importe. En rédigeant ce projet tardif, Matignon jugeait sans doute nécessaire de tirer les leçons du conflit en voie d’achèvement. Peut-être aussi prévoyait-il un retour prochain des hostilités et ambitionnait-il de préparer la province à y faire face. Quelles qu’aient été ses motivations véritables, nous pouvons aujourd’hui, avec le recul qui est le nôtre, nous interroger sur la portée du plan d’action proposé par le lieutenant général de Basse-Normandie. Ce projet fut-il suivi d’effets ? Au vrai, nous ne saurions affirmer qu’il eut une incidence sur l’organisation de la défense côtière. Certes, aucun débarquement ennemi ne fut à déplorer en Normandie durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1689‑1697), mais cet état de choses tient probablement à ce que l’adversaire anglo-hollandais, au cours des campagnes navales dans la Manche – et notamment durant celle, fameuse, de 1692, qui vit s’affronter Tourville et le duo Russel / Van Almonde –, concentra son effort non sur les côtes mais près des côtes de la province maritime frontière de Normandie. Une tactique qui lui fut profitable, du reste. Car en portant un coup sévère à la Royale lors de la bataille de La Hougue du 31 mai - 2 juin 1692, il poussa Louis XIV à délaisser la trop frontale et coûteuse guerre d’escadre pour la peu décisive mais rentable navigation en course, et atteignit ipso facto l’un de ses principaux objectifs stratégiques : la suprématie militaire dans la Manche, symboliquement territorialisée en « English Channel »9…
8Contrairement au Projet, la Disposition générale de Monsieur de Matignon et le Mémoire sur La Hougue interviennent au commencement d’un conflit. Ils sont en effet écrits dans les tout premiers temps de la guerre de Succession d’Espagne.
9De cette guerre ultime du roi Soleil, les causes sont bien connues. Le 16 novembre 1700, en proclamant roi d’Espagne son petit-fils Philippe d’Anjou, Louis XIV acceptait de recueillir la totalité des États du défunt roi Charles II. Du coup, il provoquait la colère de l’Empereur Léopold Ier (dont le fils cadet, l’archiduc Charles, prétendait à la succession du roi espagnol depuis 1699) et désavouait les traités de « partage » qu’il avait signés en 1698 (La Haye) et 1699 (Londres) avec la Hollande et l’Angleterre. Ainsi le roi de France générait-il un casus belli. Pourtant, à l’annonce de la nouvelle de ce qui constituait un véritable bouleversement de l’équilibre géopolitique européen, ni le roi d’Angleterre, Guillaume III, ni le grand pensionnaire de Hollande, Heinsius, n’élevèrent la voix. Ils agréèrent même la décision de leur rival. Du moins dans un premier temps. Car Louis XIV, par l’application imprudente de deux mesures politiquement aussi provocatrices qu’inefficaces (l’occupation des places de la « Barrière » des Pays-Bas et la reconnaissance du « roi d’Angleterre » Jacques III), fit déborder le « vase de la discorde » qu’il n’avait cessé de remplir goutte après goutte depuis la fin de la guerre de Hollande10. Réactivée le 7 septembre 1701 sous l’impulsion d’un Guillaume III moribond mais vindicatif, la coalition anti-française – « Grande Alliance de La Haye » dont le noyau dur comprenait l’Angleterre, les Provinces-Unies, l’Empire et la Savoie – finit par déclarer la guerre à Louis XIV le 15 mai 1702. Immédiatement, les provinces maritimes du royaume, et plus particulièrement les côtes de Normandie, furent mises en défense pour parer l’éventualité d’une attaque de la très redoutée flotte anglo-hollandaise. C’est de ce branle-bas de combat sur le littoral bas-normand dont il est question dans nos deuxième et troisième textes.
10Trois écrits, deux contextes militaro-politiques, une figure dominante (Jacques de Matignon) et un seul objectif stratégique (la défense de l’approche maritime de la Basse-Normandie) : tel est le bilan général de la confrontation de nos mémoires. Sur ces derniers nous nous devons à présent d’apporter de plus amples détails, pour tâcher d’en faciliter la lecture. S’impose donc ici pour chacun des trois textes un résumé assorti d’une courte analyse.
11Texte 1. Les sentinelles affectées au « guet de la mer » et les milices de « l’intérieur des terres » suffisent-elles, en cette fin du xviie siècle, à assurer la couverture des 75 lieues (300 km) de côtes des bailliages de Caen et Cotentin ? Jacques de Matignon ne le pense pas. D’après lui, pour optimiser la défense côtière, il conviendrait non seulement de solliciter les forces armées traditionnelles de la Basse-Normandie (ban et arrière-ban, milices bourgeoises, maréchaussée de la connétablie), mais encore de lever dans la province trois régiments de milice qui iraient occuper les trois endroits les plus exposés du littoral et s’y entraîneraient.
12« Envoyé le 12 may 1678 », ce Projet de Jacques de Matignon anticipe d’une décennie le règlement pour la levée des milices d’infanterie (appelées aussi milices provinciales) paru le 29 novembre 168811. Précurseur de ce point de vue, le plan de mobilisation proposé par le lieutenant général de Basse-Normandie peut apparaître, sous un autre angle, relativement passéiste : il prône en effet l’équivalent d’une convocation de l’arrière-ban général de la province pour la défense des côtes de la Manche. Une mobilisation de type féodal impliquant nobles, roturiers, citadins et ruraux, dont l’efficacité militaire risque, en cette fin du xviie siècle, de ne pas être à la hauteur des efforts qu’il aura fallu déployer pour sa mise en œuvre. L’époque, semble-t-il, ne se prête plus vraiment à la mise en branle des forces auxiliaires (en témoigne par exemple l’arrêt du 1er février 1675, par lequel les gentilshommes du royaume se voient dispensés du service de l’arrière-ban moyennant le paiement d’une taxe proportionnelle à leur revenu12). Et pourtant – nous allons le voir –, ce sont bien ces militaires non professionnels qui assureront en partie la défense du littoral bas-normand en 1689 et en 1702…
13Texte 2. Poussée par des vents favorables, la flotte anglaise partie de l’île de Wight est à même d’atteindre le Cotentin en moins d’une journée. Aussi les Français, à partir du moment où ils découvrent cette manœuvre, ne disposent-ils que de quelques heures pour se préparer à recevoir l’adversaire. Il leur faut donc agir avec promptitude, de manière que, dans l’éventualité d’une attaque ennemie de grande envergure, le corps de l’armée – composé de 64 unités provenant de divers endroits de la généralité de Caen – ait le temps de se rassembler dans le village de Quinéville, à une dizaine de kilomètres au sud de Saint-Vaast-la-Hougue. Aux défenseurs du Cotentin qui peuvent se retrouver confrontés à deux cas de figure, Jacques de Matignon indique clairement le modus operandi : soit les vaisseaux anglais aperçus sont peu nombreux, et il suffit alors d’alerter les paroisses côtières situées aux abords immédiats des atterrages où l’adversaire est susceptible de faire une descente ; soit c’est l’armée ennemie au complet qui se présente au large des côtes, et il devient dès lors impératif d’avertir toute la péninsule du Cotentin au moyen d’un système combiné de signaux visuels (feux, fumées) et sonores (cloches). Ainsi prévenues de l’imminence du danger, les capitaineries doivent se mettre sur le pied de guerre : ordre est donné aux miliciens garde-côtes de gagner leurs postes et à plusieurs régiments et escadrons de se former au nord (Cherbourg), à l’est (La Hougue, Sainte-Marie-du-Mont) et au centre (Saint-Sauveur-le-Vicomte) de la presqu’île. Par ailleurs, et dans le même temps, les régiments de la plaine de Caen, du Bessin, du Coutançais, de l’Avranchin et du bocage Virois sont appelés à se diriger vers Quinéville, et tous les cavaliers en provenance de ces régions reçoivent quant à eux l’instruction de se rassembler à Carentan.
14Si, malgré toutes les dispositions prises pour l’en empêcher, l’armée ennemie réussissait à débarquer dans le Cotentin, deux troupes spécialisées recevraient l’ordre de se rendre immédiatement, l’une au nord de la péninsule pour défendre les routes de Cherbourg et de Saint-Vaast, l’autre au sud du pays pour barrer les routes de Sainte-Mère-Église et de Carentan. Ses accès une fois verrouillés, la partie centrale du clos de Cotentin servirait d’abri pour la population locale, que l’on presserait de se retrancher sur la rive droite de la Douve, du côté de Saint-Sauveur-le-Vicomte, avec son bétail et ses biens de valeur.
15Cette Disposition générale de Monsieur de Matignon n’est pas datée. Tout laisse à penser qu’elle fut rédigée peu de temps avant le déclenchement de la guerre de Succession d’Espagne : en tous les cas après 1694 puisqu’il y est question des forts de La Hougue et de Tatihou, et avant l’été 1702 puisqu’elle est intégralement recopiée dans le Mémoire sur La Hougue qui est a priori légèrement postérieur au 6 août 1702, comme nous le montrerons ci-après. La mention, en première page, du capitaine de vaisseau « Monsieur de Lesvy » pourrait nous conduire à la faire remonter à l’année 1701. Quoi qu’il en soit, cette Disposition de Jacques de Matignon s’avère d’une lecture relativement malaisée. Le texte, à l’origine peu ou mal ponctué, comporte certains passages à la syntaxe pour le moins alambiquée. En outre, comme de coutume à cette époque, nombreux sont les patronymes et les toponymes dont l’orthographe est aléatoire. Si certains sont facilement identifiables, d’autres, au contraire, le sont nettement moins, car, transcrits de manière purement phonétique, ils apparaissent parfois sous deux formes différentes au sein de la Disposition, et même – comble du luxe ! – sous une troisième ou une quatrième forme dans le Mémoire sur La Hougue de 170213. Quelques-uns enfin, en dépit d’une orthographe régulière, prêtent véritablement à confusion, puisqu’au-delà de leur caractère homonymique qui rend leur assimilation délicate, ils présentent la déconcertante caractéristique de pouvoir désigner aussi bien une localité qu’un individu (un capitaine ou un colonel en l’occurrence)14. À vrai dire, au vu des variations plus ou moins patentes qui existent d’une version de la Disposition à l’autre (texte 2 / texte 3), nous serions enclin à penser que cette difficulté des identifications ne se résume pas au simple problème du lapsus calami inhérent à la reproduction manuscrite d’un document. Les erreurs de plume sont manifestement présentes à tous les niveaux : Matignon en commet dans son texte 2, que le copiste, en relecteur consciencieux, tente de corriger dans le texte 3… tout en en commettant de nouvelles à son tour…
16Malgré une forme que nous jugerions assez approximative, la Disposition générale de Monsieur de Matignon reste intéressante à plus d’un titre. Elle nous renseigne non seulement sur la stratégie défensive qui dans les prémices de la guerre de Succession d’Espagne était envisagée pour protéger le littoral du Cotentin contre les attaques de la flotte anglaise, mais aussi sur la tactique prévue dans le cas où l’ennemi, déjouant la défense côtière, était parvenu à débarquer dans la presqu’île. Elle s’applique ainsi à décrire le mouvement et l’action coordonnée, la « synergie », des différentes forces armées présentes sur le théâtre des opérations : milice garde-côtes, régiments d’infanterie, cavalerie, dragons… Le passage de la Disposition qui traite de la méthode à employer pour mettre le Cotentin en alerte dès la découverte de l’armée navale ennemie est particulièrement évocateur : il nous rappelle qu’à l’aube du xviiie siècle, en l’absence de moyens de télécommunication modernes, l’information, aussi urgente fût-elle, était transmise de la même façon qu’au Moyen Âge.
17Texte 3. L’année 1702 marqua le commencement de la guerre de Succession d’Espagne : comme toutes les autres provinces maritimes du royaume, la Haute et la Basse Normandie furent mises en défense. Leurs lieutenants généraux respectifs – le marquis de Beuvron, François d’Harcourt (1627‑1705), et le sire de Matignon, Jacques Goyon – prirent les dispositions nécessaires à cet effet.
18Lorsqu’il apprit, au mois de mai, que la flotte anglo-hollandaise s’apprêtait à croiser dans la Manche, François d’Harcourt veilla à ce que les principales places maritimes de Haute-Normandie (Le Havre et Dieppe) fussent convenablement armées. Le roi, par ailleurs, sur une proposition de Jacques de Matignon, envoya un régiment de dragons dans la généralité de Rouen, sur les côtes de laquelle il alla se substituer peu ou prou aux miliciens employés au « guet de la mer ».
19En Basse-Normandie, les dispositions qui avaient été arrêtées quelque temps auparavant par Jacques de Matignon (cf. texte 2) furent mises en œuvre. Parallèlement, le lieutenant général de Basse-Normandie se rendit en personne dans le Cotentin où il s’attela à réformer le service du « guet de la mer », dont l’efficacité était remise en cause depuis la guerre de la Ligue d’Augsbourg. À cette fin, il forma 15 régiments composés de compagnies détachées de milice garde-côtes.
20Mise en défense de la sorte, la Normandie semblait prête à affronter l’ennemi. Mais, contrairement à ce à quoi Matignon s’attendait, la flotte anglo-hollandaise n’attaqua pas. Elle quitta la Manche et entra dans l’Atlantique au mois d’août. Ainsi prit fin la campagne de 1702 en Normandie.
21De cette « fausse alerte » l’auteur du mémoire saisit l’occasion pour s’interroger sur le dispositif de défense littorale de la côte est du Cotentin. Il lui apparaît que la côte de La Hougue, qui s’étire sur près de huit lieues entre les Veys et Barfleur, est un carrefour maritime dont l’importance n’a d’égale que la vulnérabilité. Il le souligne : à La Hougue relâchent conjointement les bâtiments caboteurs des beurriers d’Isigny et les nombreux vaisseaux marchands provenant de l’ouest et du sud (Bretagne, villes portuaires de la façade atlantique, Méditerranée) qui font voile vers la Haute-Normandie et les grands ports de la mer du Nord. Pour la prospérité du commerce maritime, l’auteur estime qu’il est essentiel d’assurer la protection de tous ces bateaux lorsqu’ils viennent jeter l’ancre à La Hougue. C’est pourquoi il recommande que l’on confie l’entretien et le commandement du système extensif de fortifications de la côte de La Hougue à un officier d’expérience qui, doté d’une compétence militaire double, à la fois maritime et terrestre, soit respecté et obéi aussi bien des marins et des pilotes conduisant les navires au mouillage que des soldats et des canonniers de la côte chargés de la défense de la rade. Et il affirme pour conclure que seul un officier supérieur tel qu’un capitaine de vaisseau possèderait toutes les aptitudes adéquates pour exercer ce commandement interarmes.
22Texte anonyme, ce Mémoire sur La Hougue est daté de 1702. Parce qu’il y est fait mention « des avis certains que la flotte ennemie étoit sortie de la Manche et qu’elle étoit le 6 août [1702] vers le Cap Finistère », on peut conjecturer qu’il a été sinon rédigé dans sa totalité (un début de rédaction au printemps 1702 est envisageable…), du moins parachevé durant l’été-automne 1702 – le terminus ante quem étant nécessairement le 31 décembre 1702 –, soit dans les tout premiers temps de la guerre de Succession d’Espagne (déclenchée le 15 mai précédent). Comme son titre l’indique, le Mémoire sur La Hougue contient des « dispositions générales pour la défense des côtes de la Basse-Normandie » : il ne s’agit ni plus ni moins que de la Disposition générale de Monsieur de Matignon dont nous avons déjà fait la présentation supra (texte 2). Recopié dans son intégralité au sein du texte 3, le texte 2 (à l’origine rédigé au présent de l’indicatif) est maintenant écrit au passé : une conversion temporelle qui nous laisse penser que les dispositions prises par Matignon furent bel et bien suivies. Mais le Mémoire sur La Hougue ne se cantonne pas à reproduire la Disposition générale, bien qu’il lui réserve, il est vrai, une place centrale. Il comporte, en amont et en aval du texte inséré, deux développements auxquels il convient de prêter attention.
23Le premier a trait notamment aux dispositions prises par le lieutenant général de Basse-Normandie pour réformer, dans les capitaineries du Cotentin, le très ancien service du « guet de la mer », à l’amélioration duquel Jean-Baptiste Colbert avait déjà consacré plusieurs titres de sa fameuse ordonnance de la marine d’août 1681. Ce faisant, Jacques de Matignon œuvrait – en étroite collaboration avec le secrétaire d’État de la Marine, Pontchartrain – à la mise sur pied de la « milice garde-côtes », une organisation militairement affirmée, mieux structurée et partant plus efficace que le guet de la mer, dont le fonctionnement, réglé d’abord entre 1701 et 1713 par une succession d’édits, sera finalement fixé dans ses grandes lignes par le « règlement pour le service de la garde-côte » du 28 janvier 1716.
24Le second développement concerne la « côte de La Hougue ». Convaincu à juste titre de l’importance stratégique de ce « poste » et de son rôle fondamental pour le commerce maritime, l’auteur du mémoire relève l’intérêt qu’il y aurait à protéger de manière permanente, et non plus simplement de façon transitoire à l’occasion des campagnes, les 30 kilomètres de grève s’étendant de Réville au grand Vey. Le souhait qu’il a de voir un « poste qui regarde la mer et la terre » entre les mains d’un seul et même commandant, s’il n’est pas nouveau (Vauban, par exemple, avait été chargé du commandement interarmes de la place de Brest entre mai et octobre 1694 pour faire pièce aux Anglo-Hollandais), n’en reste pas moins judicieux : chercher à faire l’économie des conflits d’autorité, des ralentissements voire des blocages opérationnels que génère alors presque toujours l’action combinée de la Guerre et de la Marine peut logiquement contribuer à améliorer l’efficience du système de couverture côtière. Dans cette perspective, du reste, l’auteur, en interpellant au détour d’une phrase le destinataire de son mémoire sur la nécessité de « faire faire des estacades » à l’endroit où les bateaux « viennent mouiller à La Hougue », se fait l’écho d’une préoccupation fort ancienne, que la défaite de La Hougue en 1692 avait ravivée ex abrupto et qui par la suite devait absorber nombre de ministres (Maurepas, Belle-Isle, Choiseul, Sartine…), d’officiers et d’ingénieurs (Le Vasseur de Beauplan, Vauban, Magin, de Caux, Choquet de Lindu, Dumouriez, de La Bretonnière, de Montalembert…) : l’établissement d’une base navale sur un point du rivage du Cotentin. On sait ce qu’il advint de ce projet. Longtemps présentée par les spécialistes (Vauban en tête) comme le site d’implantation idéal d’un complexe militaro-portuaire, la rade de La Hougue fut délaissée dans la seconde moitié du xviiie siècle, à l’issue de la guerre de Sept Ans, au profit de la rade foraine de Cherbourg, laquelle, transformée à compter du règne de Louis XVI, prit sous l’Empire les traits de la plus grande rade fermée artificielle du monde pour accueillir le cinquième et dernier grand port de guerre français.
La presqu’île du Cotentin d’après la Disposition générale de Monsieur de Matignon
Projet pour la deffence de soixante et quinze lieues de costes qui se rencontrent en Basse Normandie aux bailliages de Caen et Costentin15
25[Folio 1]i Les parroisses du bord de la mer sujettes à l’admirauté16, distinguées en 14 cappitaineries17, ont de petis corps de garde sur le haut des costes18, dans lesquels on met 4 sentinelles pour adver[tir]ii le plat pays, le jour par des fumées et la nuict par des feux19, lorsqu’il paroist une escadre en mer, et aussitost ces dites parroisses20 qui sont fort bien armées prennent les armes et donnent l’alarme21.
26Les parroisses du plat pays ont de tout temps esté armées en temps de guerre et commandées dans les bailliages de Caen, Costentin et Allençon22 par trois capitaines pour secourir les costes23. Mais l’expérience ayant fait connoistre le peu d’utilité qu’on tire de ce service – tant par la longueur qu’il y a à les24 assembler et [le] peu de discipline, que par la friponnerie des commandans des par[roisses]iii (où l’on peut remédier) qui mettent tout un pays à contribution, en obligeant les paysans à faire festes et dimanches des reveues, et les contraignants [sic], les uns à achepter des munitions, et en exemptant les autres pour des présens, et de plus par le préjudice que cela apporte au payement des tailles, leur négoce et labourage estant rompu par la dépense et le temps que le peuple seroit obligé de perdre si l’occasion se rencontroit qu’il fallut séjourner sur les costes en vue d’une flotte25 –, ces considérations font propo[ser]iv de faire dans les trois bailliages de Caen, Costentin et Allençon, trois régimens de mil hommes chacun – [en] tirant un homme de chaque parroisse payant 1000lt de taille, ou à proportion de leur imposition – commandez par des officiers et subalternes gentilshommes qui ont esté dans les trouppes du roy et à qui la nécessité ne permet pas d’avoir de chevaux, et par un homme de qualité sous la commission du roy26. Cela apporteroit un grand soulagement au peuple [parce] qui l’est [sic] [Folio 1, verso] très aysé d’habiller et armer dans chaque parroisse un soldat et de luy donner pour se tenir trois mois sur les costes de solde 4s par jour qui feroit pour trois mois 21lt 16s 27 : le service du roy s’y rencontreroit et la satisfaction du peuple, qui vacqueroit en repos à son travail et commerce28. Ces trois corps se metteroient aux trois postes le plus avantageux sur les costes, où ils feroient l’exercice et viveroient en grande discipline. Et comme le bailliage de Costentin29 est une péninsule en forme de langue de terre, n’y ayant que six lieues d’un costé à l’autre30, ils pourroient marcher aux lieux où l’on en auroit besoing.
27Oultre cela, on prétend dans toutes les villes cy dess[o]us31 tirer un détachement des bourgeois32 les plus propres à marcher au premier ordre, qui seront toujours prests et disciplinez par des revëues continuelles33, de :
Caen | 1 500 | Saint Sauveur34 | 30 | Dompfrond35 | 30 |
Bayeux | 200 | Thorigny | 30 | Allençon | 500 |
Saint Lo | 100 | Avranches | 100 | Falaise | 100 |
Carentent36 | 50 | Coustances | 200 | Argentant37 | 50 |
Valongnes38 | 150 | Vire | 100 | Seez | 30 |
Montebourg | 30 | Mortaing39 | 30 | Total : | 2 230 hommes40 |
28À l’égard de la noblesse, les gentils hommes esliront41 par vicomté42 un commandant, un lieutenant, un cornette43 et un mareschal des logis44. Les dites compagnies se pourront monter à 15045, et cela par forme d’ariereban46, par le service que les fiefs des gentils hommes doivent au roy et à l’Estat47. [Ceux-ci] n’estant pas tous riches48, et n’ayant pas de quoy subsister sur les costes peut estre un mois ou deux qu’il y faudra estre dans des quartiers en veüe de [la] flotte ennemie49, on propose de les faire subsister aux dépens des fiefs possédez par les eclesiastiques, veufves, mineurs et decrettez, qui doivent tous également par tous les anciens règlemens des roys sur l’ariereban, service personnel ou aydes, comme voitures et autres choses50. Ladite solde se pourroit est[imer à]v 20lt par jour pour chaque, et [être] avancé[e] par un homme qui le propose51, dont le recouvrement se feroit faire par Monsieur l’intendant52 sur chaque fief qui ne seroit point de service, le tout suivant les règlemens de l’ariereban de l’an 167553.
29On propose aussy de faire servir cent cinquante officiers et archez de la connestablie54 qui sont payez de leurs gages en cette province, et les mettre en corps dans un quartier55 sur les costes de la mer.
Disposition générale de Monsieur de Matignon pour la deffense des costes de Basse Normandie, du côté de La Hougue
30[Page 1] Tout ce qu’il y a d’officiers de marine et de pilotes56 sur la coste conviennent que la flotte ennemie partant de l’Isle de Vigt57 d’un vent de nord’est et d’est nord’est58 seront obligés [sic] de faire route [vers] le sud quart de sud’est pour avoir connoissance59 de la Pernelle60, et qu’il leur faudra douze heures pour prendre cette connoissance, et qu’après cette connoissance, du même vent de nord’est et d’est nord’est, ils peuvent et sont en état de venir mouiller à La Hougue61 ou d’aller mouiller à Cherbourg, et le peuvent en dix heures, et le j[usant]vi pourroit être de telle manière qu’ils leurs faudroit [sic] plus de tems pour La Hougue. Ils peuvent aussy, en prenant leurs marées62, passer par le vas [sic]63 et venir mouiller à la grande ance64, mais ils leurs faut [sic] au moins vingt quatre heures, et l’armée ennemie ne peut point pendant une nuit aller de l’Isle de Vigt aux Isles de Saint Marcou65 qu’on en aye dès le soir la descouverte66 de la Pernelle67.
31Indépendamment de ses [sic] découvertes68, on a plusieurs caravelles69 et des bâtimens pour être informé de leurs manœuvres. Et pour être préparé à tout, on a fortiffié La Hougue70 dont le fort et la tour71 sont munis aussy bien que les Isles de Tatiou72 et de l’Islette73 de vivres et de munitions ; le fort de La Hougue deffendu par cinq cent hommes de guerre sans les gens employez au service du canon, et trois cent dans Tatiou du régiment de Montaigu de huit cent hommes74 ; La Hougue sous le commandement de Monsieur de Lesvy, capitaine de vaisseau75, et Tatiou sous le commandement de Monsieur de Montaigu76 et de son lieutenant-colonel.
32Les descentes77 de La Hougue et les redoutes voisines78 sont deffendues par les milices de deux compagnies de la garde coste, [par] les régimens79 d’Homeville80 et de Vucqueville81, et quatre escadrons de cavalerie. Les retranchemens de la gorge de Sainte Marie82, dont la droite et la gauche83 sont apuyés à des marais et ont en seconde [Page 2] ligne le chasteau de Sainte Marie84 – pour lequel il faut un siège –, le ruisseau de Sainte Marie au Penesme85 et l’église de Brucheville86, [sont] deffendu[s] par les milices de la garde coste, par le régiment de Fontenet87 et deux escadrons. Le Pont Douve88 sera occupé par le régiment de Lonconay89 après avoir fait un détachement au fort de Toste90, et le régiment de Busseville91 avec la garde coste occupera depuis le moulin de Brevant92 jusques au petit Vé93 dont la garde coste de Catilly94 occupera l’autre bord.
33Le corps de l’armée – composée, ses postes garnies [sic], de dix neuf régimens à la suitte desquels il y a à chacun une compagnie de pionniers95 qui ont une hache et un sponton96, qui sont Saint Pierre97, Tolva98, Beaumont99, Dover100, Saint Malo101, Muneville102, la Ferrière103, Saint Quentin104, la Londe105, Catilly106, Maison107, Loucelle108, Duluc109, Duvesnoy110, Caen, Avranche[s], Bayeux, Vire, Daygremont111 et [de] vingt six escadrons – sera à Quineville112.
34Toutes les troupes arrivées, on sera dans cette situation pour en corps d’armée aller combattre l’ennemy s’il attaquoit le poste de La Hougue ou celuy de Sainte Marie devant lesquels il ne peut faire aucun retranchement sur les grèves. Et pour que chacun se puisse rendre diligemment au poste où il est destiné pour la deffense de la descente de La Hougue, et qu’on puisse être à portée d’être à Cherbourg avec un corps capable d’en deffendre la descente, ou à la grande ance si l’armée ennemie passoit le vas, on prend les mesures nécessaires pour avoir depuis la découverte de l’armée ennemie un tems assez considérable pour avoir d’abord un nombre de troupes suffisantes pour soutenir les postes et donner le tems à l’armée de se former.
35Il y a des gardes dans tous les endroits où il se peut faire de grandes ou petites décentes. S’il n’y a qu’un certain nombre de vaisseaux, il n’y a qu’un lieu destiné près de chaque ance où un tambour bat qui est entendu de trois ou quatre paroisses qui s’y rendent [Page 3] et sont suffisantes pour s’oposer à un petit dessein ; d’autant plus que le bruit est bientôt répandu plus loing et que dans très peu de tems, sans donner aucune allarme, il s’y rend beaucoup de monde par les ordres qui sont donnés de s’entraider les uns aux autres113. Et lorsqu’on est certain que l’armée ennemie fait routte devers ces costes, on averty tout le pays en trois sortes de manières :
36La Pernelle met un pavillon dont on est convenu114, La Hougue115 tire une quantité de canon d’une manière distinguée116, et l’une et l’autre mettent des feux ou fumée au plus haut de la tour117 et du clocher118, qui sont répetez par des clochers qui se répondent les uns aux autres.
37L’abbaye de Mondebourg119 fait sonner les cloches et en même tems que toutes les paroisses et chapelles voisines entendent le son des cloches et voyent les feux ou fumée aux clochers120, elles se mettent toutes à sonner et portent en peu de tems avis dans tout le pays de la vue de l’armée ennemie121 ; et l’on prend toutes les mesures possibles pour que cet avis qu’on peut apeller allarme ne parte que de Mondebourg.
38Pour troisième précaution, on a étably des relays d’un bout du pays à l’autre et, à chaque paroisse, il y a toujours deux hommes prest pour porter l’ordre à ses deux plus proches voisins. Et deux heures après que ces signeaux de feu ou fumée et son de cloches sont partis, on les fait répéter une seconde fois.
39Les avis ainsy reçus, toutes les capitaineries généralement prennent les armes et se rendent122 dans les lieux ordinaire [sic] qui leur ont été marqué [sic]. Et chaque officier des régimens court avec le nombre d’hommes dont il est chargé d’avoir soin à l’extrémité de la capitainerie, sur la routte que le régiment doit tenir pour se rendre à son premier rendez vous123.
40[Page 4] Le régiment d’Hommeville se forme à La Hougue et celuy de Fontenet à Sainte Marie ; les régimens de Ruqueville, celuy de Saint Pierre, à Auteil124 près l’église. Tolva et Beaumont se rendent à la lande de Saint Mor sur Tourlaville125. Les cavaliers qui partent de ses [sic] capitaineries et des paroisses de pleine terre que ces capitaineries enferment s’y rendent aussy, où ils reçoivent ordre de ce qu’ils ont affaire, soit pour Cherbourg, pour les différens postes de La Hougue ou pour la grande ance.
41Les régimens d’Over et de Saint Malo s’assemblent diligemment en la mesme manière et se rendent à Saint Sauveur126. Tous les cavaliers de ces capitaineries et des paroisses de plenne [sic] terre qu’elles enferment s’y rendent aussy où ils reçoivent leurs ordres.
42Le régiment de Catilly marche diligemment à Sainte Marie. Ceux de Maison, Loucelle, de Luc et Venoy, ceux de Bayeux, La Londe et Caen127 y marchent aussy, chacun par leurs chemins le plus court. Et à mesure que Catilly arrive, Fontenet s’advance à Quineville, lequel Catilly avance à Quineville à mesure qu’il en arrive un autre à Sainte Marie, et ils se poussent ainsy l’un l’autre en avant. Daigremont, Coutance, la Ferriere, Saint Quentin et Avranches128 s’y rendent de même. Et tous les cavaliers qui sont dans cet espace de pays, tant de plenne terre, des villes que de la garde coste, arrivent à Carentan129 où ils forment leurs compagnies et leurs régimens, de même que beaucoup de gens de bonne volonté et bien intentionné [sic] pour le service du roy et la deffense de leurs pays qui viennent des villes et de la campagne sans être commandés où les uns et les autres reçoivent ordre de ce qu’ils ont à faire130.
43[Page 5] Il n’y a point de ses [sic] régimens où il n’y ayent [sic] à la teste huit ou dix officiers qui ont du service. Et ceux qui n’en ont pas sont tous gentilshommes plein [sic] de bonne volonté auquel [sic] les soldats ont confiance et sont assez bien armés de fusils et de bayonnettes.
44Tous les escadrons sont commandés par des gentilshommes qui sont estimés et ont du service. Et il s’est tiré deux escadrons d’une belle jeunesse, bien montée et armée de carabine, à la teste desquels il y a des officiers de distinctions par leurs mérite et leurs services, qui se sont nommés mousquetaires du roy de la coste et en battent la marche.
45On n’a dans les grenadiers131 que des officiers et soldats qui ont servi ou gens qui de mesme qu’eux ont demandé avec empressement à y être.
46Et s’y [sic] avec ses grenadiers, ses mousquetaires du roy de la coste et les dragons, qu’on taschera de ne faire charger qu’à propos, on est assez heureux d’entamer132 quelque chose, je ne sçay si on pourroit avoir de meilleure [sic] troupes que tout ce qui composera cette armée, [d’autant] que nous avons indépendament prest de quarante mil hommes qui prennent les armes par compagnie de paroisse pour la deffense de la coste et qui peuvent encore nous renforcer par de bons détachemens133.
47Si après toutes ses précautions on avoit encore le malheur d’être battu134, une brigade d’infanterie, un régiment de cavalerie et un escadron de dragons ont ordre de se rallier à Mondebourg135 avec un officier général – où on n’a pas lieu de craindre de pouvoir être suivy vivement dans sa retraitte qui est aisée de faire dans un [Page 6] pays comme celui cy – lequel envoyera un gros party du costé de Montegu136 pour tenir le chemin de Cherbourg. Et sur celuy de Valogne137, une autre brigade avec un régiment de cavallerie et un escadron de dragons se raliera à Laffierre138 – avec un officier général qui fera couper la chaussée139 au delà de la seconde rivière140 et y laissera une bonne garde retranchée, occupera l’Isle Marie141 et passera à Saint Sauveur142 où l’on a fait par avance retirer tous les batteaux qui sont sur la Douve et la Fierre143 – dont ils garderont bien le passage et celuy de Pontlabbé144, auquel on laisse toujours une bonne garde, et donneront par là lieu à tout le pays de se retirer derrière la Douve145 avec tous leurs bestiaux et leurs meilleurs effets146. Et le reste a ordre de se rallier au Pont Douve, ce que le poste de Sainte Marie et le château luy donneront toujours lieu de faire ; lequel Pont Douve on espère deffendre avec assez d’opiniâtreté pour donner le loisir à toute la France d’y arriver.
Mémoire sur La Hougue contenant quelques dispositions générales pour la défense des côtesvii de la Basse Normandie. 1702147
48[Page 1] L’on prit sur les côtes des autres provinces à peu près les mêmes erremens148 que dans celle de la Guyenne, Bretagne, pays d’Aunis149, Xaintonge150 et Poitou151. Messieurs de Matignon et de Beuvron152, qui commandoient dans la Haute et Basse Normandie153, apportèrent tous leurs soins pour garantir cette province de toute irruption de la part des ennemis. Monsieur Ferrant de Fossay154 eut grande attention, de son côté, à munir d’artillerie les places qui en étoient dépourvues, particulièrement celle de Dieppe155. Il fut nécessaire d’y en mettre aussi à La Hougue, ainsi que des troupes réglées, attendu que l’expérience de la dernière guerre156 apprit qu’il ne fallait pas trop compter sur la noblesse ni sur les milices du pays sans quelques troupes à leur tête157, ayant vu quelquefois les derniers jetter leurs armes et s’enfuir à la vue d’une chaloupe158, outre que le service les empêchoit de faire leur moisson et conséquemment de pouvoir payer la taille. [Une situation qui] donna lieu à Monsieur de Matignon de représenter à Monsieur de Pontchartrain159 que le pain qu’on leur donnoit serait bien plus utilement employé à un régiment de dragons160, depuis Touques jusqu’au Tréport161 ; ce qui ayant été approuvé, le roi y fit passer le régiment de dragons d’Artois162, observant d’ailleurs qu’étant troupes de cavalerie [Page 2] et infanterie elles étoient très convenables pour les côtes, pouvant en peu de tems aller d’un poste à l’autre163. Et sans un pareil régiment il eût été aisé à l’ennemi, pour peu qu’il fût entreprenant, de piller et brûler la ville d’Eu, le Tréport, Saint Valery en Caux et Fécamp164.
49À l’arrivée de Messieurs de Matignon et de Moncauck165 à Carenton166, près La Hougue, ils prirent tous les arrangemens convenables pour se servir en cas de besoin des secours que la province pouvait fournir pour sa propre défense167. Après la visite faite de la côte et des milices, ils donnèrent une nouvelle forme aux milices de la garde de la côte en tirant de chaque capitainerie un détachement de chaque compagnie garde côtes, dont on composoit des régimens168 auxquels on donna pour colonels les capitaines de la côte, choisissant d’ailleurs des gens de service dans le pays pour lieutenans colonels, majors et aide majors169. Et l’on prit des gentilshommes qui n’avoient pas le moyen de servir à cheval pour commander ces compagnies170.
50On fit la même chose pour les subalternes171. On remplaçoit ces gens là de tout ce qu’il y avoit de personnes en état de porter les armes pour la garde de la côte qui devoit être également fournie de monde. Les gens détachés faisaient l’exercice tous les dimanches. Il y avait déjà quinze régimens de formés, et de la manière qu’ils étoient disposés il y avoit lieu d’espérer [Page 3] qu’on en aurait la plus grande partie en quelqu’endroit de cette côte que l’ennemi voudroit entreprendre et peu de tems après le reste. Il n’en coûtoit rien au roi et on ne les détournait pas un jour de leur travail ordinaire172.
51Il y avoit 600 hommes d’affectés pour occuper les postes de La Hougue et de l’isle de Thatiou. Ces postes étant de la dernière conséquence, Monsieur Duvivier173 y employa pareillement des officiers invalides174 auxquels il donna à commander à chacun une compagnie de milice. Il demanda aussi qu’on lui envoyât des trompettes de l’hôtel175 pour servir à la noblesse lorsqu’elle monterait à cheval.
52L’on apprit au mois de may176 que tous les vaisseaux anglaisviii se rassembloient à Plimouth, à la réserve de dix qui étoient encore à Portsmouth, et dix mille hommes de troupes réglées qui s’embarquoient. À l’égard de l’escadre hollandaise, elle était déjà en mer, composée de cinquante vaisseaux et de vingt quatre galiottes177 qui alloient joindre la flotte anglaise178. De sorte que dans l’incertitude où l’on étoit des mouvemens179 que paraissait faire l’armée navale des ennemis180, Monsieur Duvivier, commandant au Havre181, demanda permission de fournir des hommes aux batteries de la marine182 et même si, en cas de besoin, il pouvoit sortir de sa place pour marcher avec des détachemens de sa garnison où il serait nécessaire : il reçut ordre de ne point quitter sa place mais seulement de fournir [page 4] des canoniers &a 183.
Dispositions générales pour la défense des côtes de la basse Normandie
53Tout ce qu’il y avoit d’officiers de marine et de pilotes sur la côte convinrent que la flotte ennemie, partant de l’Isle de Wight d’un vent de nord est et d’est nord est, serait obligée de faire route [vers] le sud quart de sud est pour avoir connaissance de La Pernelle, et qu’il lui fallait douze heures pour prendre cette connoissance, et après laquelle, du même vent de nord est et d’est nord est, elle pouvoit et étoit en état de venir mouiller à La Hougue ou d’aller mouiller à Cherbourg, et le pouvoir en 10 heures, et lapezant184 pouvait être de telle manière qu’il lui fallait plus de tems pour La Hougue. Elle pouvait aussi, en prenant sa marche185, passer par le Vasset [et] venir mouiller à la grande anse, mais il lui fallait au moins 24 heures, et l’armée ennemie ne pouvait point pendant une nuit aller de l’Isle de Wight aux Isles de Saint Marcou qu’on n’en eût dès le soir la découverte de La Pernelle.
54Indépendamment de ces découvertes, on avait plusieurs caravelles et des bâtimens pour être informés de leurs manœuvres, et pour être préparé à tout, on avait fortifié La Hougue dont le fort et la tour étoient munis aussi bien que les Isles de Tatihu et de l’Islete de vivres et de munitions ; le fort de La Hougue défendu par 500 [Page 5] hommes de guerre sans les gens employés au service du canon, et 300 dans Thatiou du régiment de Montaigu de 800 hommes ; La Hougue sous le commandement de Monsieur de Levy, capitaine de vaisseau, et Thatiou sous le commandement de Monsieur de Montaigu et de son lieutenant colonel.
55Les descentes de La Hougue et les redoutes voisines étoient défendues par les milices de deux corps186 de la garde coste, [par] les régimens de d’Homeville et de Ricqueville187, et quatre escadrons de cavalerie. Les retranchemens de la gorge de Sainte Marie dont la droite et la gauche sont appuyés à des marais et ont en seconde ligne le château de Sainte Marie – pour lequel il faut un siège –, le ruisseau de Sainte Marie aupeneme188 et l’église de Brucheville, étoient défendus par les milices de la garde côte, par le régiment Fontenet189 et deux escadrons. Le Pont Douve devait être occuppé par le régiment de la Monay190 après avoir fait un détachement au fort de Toste, et le régiment de Busseville avec la garde coste devait occuper depuis le moulin de Bravant191 jusqu’au petit Vé dont la garde coste192 occupperoit l’autre bord.
56Le corps de l’armée composé193 – ses postes garnis de 19 régimens à la suite desquels il y avait à chacun une compagnie de pionniers qui avoient une hache et un sponton qui sont Saint Pierre, Tolva, [Page 6] Beaumont, Dover, Saint Malo, Maneville194, la Ferriere, Saint Quentin, Lalonde, Catilly, Maison, Loucel195, Duluc, Duvernay196, Caen, Avranches, Bayeux, Viré197, D’Aigremont198 – et 26 escadrons seraient à Quenville199.
57Toutes les troupes arrivées, on serait dans cette situation pour en corps d’armée aller combattre l’ennemi s’il attaquoit le poste de La Hougue ou celui de Sainte Marie devant lesquels il ne pouvoit faire aucuns retranchemens sur les grèves. Et pour que chacun pût se rendre diligemment au poste de sa destination pour la défense de la descente de La Hougue, et qu’on pût être à portée d’être à Cherbourg [avec] un corps200 capable d’en défendre la descente, on201 a la grande anse si l’armée ennemie passait le raz202, on prend les mesures nécessaires pour avoir depuis la découverte de l’armée ennemie un tems assez considérable pour avoir d’abord un corps de troupes suffisant203 pour soutenir les ports204 et donner le tems à l’armée de se former.
58Il y avait des gardes dans tous les endroits où il se pouvait faire de grandes et de205 petites descentes. Si l’on ne voit206 qu’un certain nombre de vaisseaux, il y a un lieu207 destiné près de chaque anse, où un tambour bat qui est entendu de trois ou quatre paroisses qui s’y rendent et sont suffisans208 pour s’opposer à un petit dessein ; d’autant [Page 7] plus que le bruit est bientôt répandu plus loin et que dans très peu de tems, sans donner aucune alarme, il s’y rend beaucoup de monde par les ordres qui furent données de s’entraider les uns les autres. Et lorsque l’on est certain que l’armée ennemie fait route vers ces côtes on avertit le pays209 en trois sortes de manières :
59La Pernelle met un pavillon dont on convient210, La Hougue tire une quantité de canons d’une manière distinguée, et l’une et l’autre mettent des feux en211 fumée au plus haut de la tour et du clocher, qui sont répétés par des clochers qui se répondent les uns aux autres.
60L’abbaye de Mondebourg fait sonner les cloches et en même tems que toutes les paroisses et chapelles voisines entendent le son des cloches et voyent les feux ou fumée aux clochers elles se mettent toutes à sonner et portent en peu de tems avis dans tout le pays de la vue de l’armée ennemie. Et l’on prend toutes les mesures possibles pour que cet avis que l’on peut appeler allarme ne parte que de Mondebourg.
61Pour troisième précaution, on avait établi des relais d’un bout à l’autre du pays212 et, à chaque paroisse, il y avait toujours deux hommes prêts pour porter l’ordre à ses deux plus proches voisins. Et deux heures après que ces signes213 de feux ou fumées, ou214 son de cloches, sont partis, on les fait répéter [Page 8] une seconde fois.
62Ces avis une fois215 reçus, toutes les capitaineries généralement prennent les armes et se rendent dans les lieux ordinaires qui leur ont été marqués. Et chaque officier des régimens court avec le nombre d’hommes dont il est chargé d’avoir soin à l’extrémité de la capitainerie sur la route que le régiment doit tenir pour se rendre à son premier rendez vous.
63Le régiment d’Hommeville se formait à La Hougue et celui de Fontenay216 à Sainte Marie ; les régimens de Ricqueville217 et de Saint Pierre, à Auteil près l’église. Tolva et Beaumont se rendroient à la lande de Saint Maure sur Tourlaville. Les cavaliers qui partaient de ces capitaineries et des paroisses de pleine terre que ces capitaineries enfermaient sy rendoient aussi et y recevoient218 ordre de ce qu’ils avoient à faire, fût-ce219 pour Cherbourg, pour les différens postes de La Hougue, ou pour la grande anse.
64Les régimens d’Over et de Saint Malo s’assemblèrent diligemment en la même manière et se rendirent à Saint Sauveur. Tous les cavaliers de ces capitaineries et des paroisses de pleine terre qu’elles enfermoient s’y rendirent aussi où ils reçurent leurs ordres.
65Le régiment de Catilly marcha diligemment [Page 9] à Sainte Marie. Ceux de Maison, Loucelle, Luc et Venoy, ceux de Bayeux, Lalonde et Caen y marchèrent aussi, chacun par le chemin le plus court. Et à mesure que Catilly arrivoit, Fontenet s’avançait à Quineville, lequel Catilly avançait à Quineville à mesure qu’il en arrivait un autre à Sainte Marie, et ils se poussaient ainsi l’un l’autre en avant. D’Aigremont, Coutances, La Ferriere, Saint Quentin et Avranches s’y rendirent de même. Et tous les cavaliers qui étoient dans cet espace de pays, tant de pleine terre, des villes que de la garde côte, arrivaient à Carentan où ils formaient leurs compagnies et leurs régimens, de même que beaucoup de gens de bonne volonté et bien intentionnés pour le service du roi et la défense de leur pays qui venaient des villes et de la campagne sans être commandés, où220 les uns et les autres recevoient ordre de ce qu’ils avoient à faire.
66Il n’y avait point de régiment qui n’eut à sa tête221 huit ou dix officiers qui avoient du service Et ceux qui n’en n’avoient pas étoient tous gentilshommes plein de bonne volonté auxquels les soldats avoient confiance et étoient assez bien armés de fusils et de bayonnêtes.
67Tous les escadrons étoient commandés par des gentilshommes qui avoient du service222. Et l’on avait tiré223 deux escadrons d’une belle jeunesse bien montée [Page 10] et armée de carabines à la tête desquels il y avoit des officiers de distinction par leur mérite et leur service qui s’étoient nommés mousquetaires du roi de la côte et en battaient la marche.
68On n’avait dans les grenadiers que des officiers et soldats qui avaient servi ou gens qui de même qu’eux avaient demandé avec empressement à y être.
69Et si avec les grenadiers, les mousquetaires du roi de la côte et les dragons, qu’on tâcheroit de ne faire charger qu’à propos, on fût assez heureux d’entamer quelque chose, on doutoit si224 l’on pouvait avoir de meilleures troupes que tout ce qui composait cette armée, indépendament de laquelle nous avions près225 de 40 000 hommes qui prenoient les armes par compagnies de paroisse pour la défense de la côte et qui pouvaient encore nous renforcer par de bons détachemens.
70Si après toutes ces précautions on avait eu encore le malheur d’être battu, une brigade d’infanterie, un régiment de cavalerie et un escadron de dragons eurent ordre de se rallier à Mondebourg avec un officier général – où on n’avoit pas lieu de craindre de pouvoir être suivi dans la226 retraite qu’il étoit aisé de faire dans un pays comme celui là –, lequel enverrait un gros parti du côté de Montaigu pour tenir le chemin de Cherbourg. Et [sur] celui227 de Valogne, une autre brigade avec un régiment de [Page 11] cavalerie et un escadron de dragons se rallieroient à l’afierre228 – avec un officier général qui ferait couper la chaussée au delà de la seconde rivière et y laisserait une bonne garde retranchée, occupperait l’Isle Marie et passerait à Saint Sauveur où on avait fait par avance arriver229 les batteaux qui étoient sur la Douve et la Fierre – dont ils garderoient bien le passage et celui du pont l’Abbé230 auxquelles ils avaient laissé231 une bonne garde, ce qui donnerait par là lieu à tout le pays de se retirer derrière la Douve avec tous leurs bestiaux et leurs meilleurs effets. Et le reste avait ordre de se rallier au Pont Douve et que232 le poste de Sainte Marie et le château lui donneraient toujours lieu de faire ; le guet pour Douve233 on espéroit défendre avec assez d’opiniâtreté pour donner le loisir à toute la France d’y arriver.
71Toutes les mesures étaient si bien prises par Messieurs de Matignon et de Moncault sur les côtes de Normandie qu’il sembloit que l’un et l’autre désirassent que la flotte ennemie restée à l’Isle de Wighy234 parût, en vue de la bien recevoir. Mais la saison étant avancée, il n’y avait point d’apparence d’aucune entreprise sur ces côtes, cette flotte ne pouvant sortir de la Manche ni passer à Torbay235 faute de vent. Monsieur Decombe236 revint à Caen après avoir resté à La Hougue tant qu’il crut y avoir à craindre pour les descentes. Et par les connoisances qu’il avait de la mer, il assura que l’on devait regarder la campagne [Page 12] comme finie. L’on attendit cependant que la flotte fût sortie de la Manche pour congédier la noblesse qui, dans une revue générale que Monsieur de Matignon en fit à Monbrun237, prétendit avoir la droite238 sur les mousquetaires du roi qui assistèrent à cette revue239. Il décida en faveur de ces derniers, laquelle décision fut approuvée par Sa Majesté, quoique la noblesse eût représenté que Henry le Grand, qui se nommoit lui-même par une agréable habitude le premier gentilhomme de son royaume, augmenta la réputation de sa noblesse lorsqu’il répondit à l’ambassadeur d’Espagne240, surpris de voir la noblesse française autour de sa personne, qu’elle la pressoit bien autrement dans un jour de bataille, ainsi qu’il arriva à celle d’Ivry241 où le roi vint se mettre à la tête de sa noblesse normande commandée par Monsieur Delongaunay, tué à ses côtés à l’âge de 80 ans242.
72Ayant eu des avis certains que la flotte ennemie étoit sortie de la Manche et qu’elle étoit le 6 août vers le cap Finistère, faisant route sur les côtes d’Espagne et de Portugal243, il y eut ordre de la cour de congédier la noblesse, aux conditions de se tenir toujours prête en cas de besoin. Monsieur de Combes confirmant les mêmes avis, toutes les troupes furent renvoyées chez elles ainsi que le détachement des mousquetaires du roi244. On laissa seulement à La Hougue [Page 13] un régiment de dragons et les canoniers de la marine.
La Hougue
73Le poste de La Hougue étant très considérable245 et d’une étendue de près de huit lieues246 depuis Barfleur jusqu’au Grand Way247, il serait nécessaire d’une personne de service qui entendit la mer et la terre pour en remplir le commandement et y demeurer sédentaire hiver et été248, avoir soin des forts, tours et redoutes, tant de La Hougue, isle et illetes de Tathiou que celles qui sont le long de cette côte249, prendre soin de l’artillerie, des batteries, plates formes et généralement ce qui en dépend, comme aussi de faire faire exactement le service si le roi y destinoit quelques troupes pour la garde, et tenir la main à tout ce qui est nécessaire pour la terre.
74À l’égard de la mer, comme le commerce y attire un grand nombre de vaisseaux marchands250 – et même des flottes nombreuses chargées de vin, eau de vie, sel et autres marchandises qui partent des ports de La Rochelle, Bordeaux, Bayonne, Nantes, Brest, Saint Malo, pour aller au Havre et à Honfleur pour Rouen, et à Dieppe, Calais, Dunkerque, Nieuport et Ostende, et même les vaisseaux qui viennent de la Méditerranée et les retours [Page 14] et la flotte des beuriers d’Isigny − qui [à elle] seule est un commerce de 180 000lt par an251 –, [qui] viennent mouiller à La Hougue tant pour se mettre à l’abri du mauvais tems qu’à cause des ennemis, comme aussi pour attendre la marée propre pour entrer dans les ports, et particulièrement dans celui du Havre où ils ne peuvent aller de mauvais tems non plus que de morte eau −, il est donc nécessaire de les mettre hors d’insulte252, [d’]envoyer des pilotes pour les mettre dans le bon mouillage − comme aussi en cas que des vaisseaux ennemis voulussent entreprendre de les venir brûler –, [de] les faire mettre sous le canon des forts, [de] faire faire des estacades253 ou autre chose nécessaireix pour leur sûreté, [de] faire mettre les équipages à terre pour employer au canon ou mousqueterie selon qu’il conviendra, et [d’]armer des chaloupes pour repousser celles des ennemis si elles venoient dans le port les insulter.
75Voilà ce qui regarde la marine et où il est nécessaire d’une personne expérimentée dont la capacité et le caractère imposent et [qui] soit en droit de commander. D’autant plus que souvent les vaisseaux marchands et flottes sont escortés par des frégates254 du roi dont les capitaines feroient difficulté d’obéir à une personne qui ne serait pas en droit de cela255.
76Ainsi ce doit être un capitaine de vaisseau256 [page 15] préposé pour cet emploi qui est une espèce de gouvernement qui n’est pas incompatible avec la marine, puisque ce poste regarde la mer et la terre et que ce sont les officiers de vaisseaux qui ont le soin et le commandement des batteries257.
Sources cartographiques
Cartes diverses
Carte de Cassini : feuille n° 93 « Saint-Vaast-La Hougue » (plan levé en 1757 ; feuille publiée en 1758) ; feuille n° 94 « Bayeux-Caen » (plan levé en 1756, 1758-1759 ; feuille publiée vers 1768).
BNF, cartes et plans, Ge SH 18 E : PF 38 DIV 02 P 02D (plan de la rade de La Hougue, par G. Le Vasseur de Beauplan, 1675), PF 38 DIV 01 P 07D (carte des environs de La Hougue, par G. Le Vasseur de Beauplan, 1675).
AN, série NN (cartes et plans) : NN 21/78, 83, 84, 85, 86 (cartes des capitaineries garde-côtes de Normandie, fin xviie siècle. Collection incomplète).
Cartes de Nicolas (1663-1742) et Jean (1669-1741) Magin258
SHD, GR, Vincennes, J. 10. C. 345/1 (Plan de Carenten), 345/2 (Carte de Carenten avec les environs).
BNF, cartes et plans, fonds Jean-Baptiste Bourguignon d’Anville, Ge DD 2987, 1070 (Carte du Grand et Petit Vay), 1071 (Environs d’Isigny), 1073 (Environs de Carenten), 1076 (Carte de la Hougue), 1077 (Environs de la Hougue), 1078 (Plan de Saint Vaast et Tatihou), 1079 (Environs de Barfleur), 1082 (Carte de Cherbourg), 1083 (Environs de Cherbourg).
BNF, cartes et plans, fonds hydrographique de la Marine, Ge SH 18 E, PF 38 DIV 01 P (11 et 11/1) : Carte géométrique de la coste du Cotentin, de Quinéville au Cap de Rosel, 1708 ; PF 38 DIV 02 P (13 et 13/1) : Plan géométrique de la Hougue et des environs, 1699 ; PF 38 DIV 02 P (16 et 16/1) : Plan géométrique de la Hougue et de la coste depuis Réville jusqu’à Quinéville, 1708 ; PF 39 DIV 01 P 3 : Carte de Cherbourg et des environs.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 C’est-à-dire l’exposé d’un plan d’action dont la réalisation, souhaitée par son initiateur, est incertaine ou soumise à conditions (textes 1 et 3).
2 Soit la description d’un dispositif militaire effectif (texte 2).
3 SHD, GR 1 M 1085, Matignon, Projet pour la deffence de 75 lieues de costes qui se rencontrent en Basse Normandie au bailliage de Caen et Cotentin, envoyé par Monsieur de Matignon le 12 may 1678, 1678, 1 ; SHD, GR 1 M 1085, Matignon, Disposition générale de Monsieur de Matignon pour la deffense des costes de Basse Normandie, du côté de La Hougue, s.d., 29 ; SHD, GR 1 M 1085, Mémoire sur La Hougue contenant quelques dispositions générales pour la défense des côtes de la Basse Normandie, s.d., 28.
4 M. Pinart : Chronologie historique-militaire, t. iii, Paris, Herissant, 1761, p. 180-185.
5 L. Moréri : Le grand dictionnaire historique, t. iv, Paris, Jacques Vincent, 1732, p. 951. Une information non confirmée par M. Pinart : op. cit. t. iv, 1761 et t. v, 1762.
6 AN, AB xix 3171 (104 mi 66), p. 305-309 [ms. Dom Le Noir, vol. 66].
7 Henri de Matignon, comte de T(h)origny, avait lui-même succédé à son père, François de Matignon (1607-1675), lieutenant général de Basse-Normandie de 1643 à 1651 : Père Anselme, Histoire généalogique et chronologique de la Maison royale de France, t. v, Paris, 1730, p. 387‑389. « La maison de Matignon est alliée à la maison royale de si près, affirme Jean Regnault de Segrais, que feu Monsieur de Matignon [Henri] n’aurait pu épouser une fille de France sans dispense » : Œuvres diverses de Monsieur de Segrais. Première partie, Amsterdam, F. Changuion, 1723, p. 138.
8 AN, AB xix 3172 (104 mi 67), p. 393 [ms. Dom Le Noir, vol. 67].
9 Voir : R. Morieux, Une mer pour deux royaumes. La Manche, frontière franco-anglaise (xviie‑xviiie siècles), Presses universitaires de Rennes, 2008.
10 Politique des « réunions », bombardement de Gênes, révocation de l’édit de Nantes, affaires de la succession des électorats du Palatin et de Cologne, opposition à la « Glorieuse Révolution » anglaise et soutien au roi Jacques II, dévastation du Palatinat…
11 Règlemens et ordonnances du roy pour les gens de guerre, t. v, Paris, Frédéric Léonard, 1689, p. 118-133.
12 Ibid., t. iii, 1678, p. 181-182.
13 Par exemple « Vucqueville », également écrit « Rucqueville » ou encore « Ricqueville » ; « Laffierre » encore orthographié « la fierre », « l’afierre » ou « La Fière », etc.
14 Par exemple « Saint Pierre », « La Londe », « Duluc », « La Ferrière », « Saint-Quentin », etc.
15 Ce mémoire peut être rapproché d’un mémoire anonyme, daté de 1678, relatif aux « descentes possibles sur les côtes maritimes de Normandie depuis le Tréport jusqu’à Cherbourg » : SHD, GR 1 V, article 4, section 2, § 2, carton 1, n° 5. Si le second de ces mémoires, en effet, pose le problème de la défense du littoral en 1678, le premier – celui présenté ici – tente d’y apporter une solution.
16 Une manière de raccourci qu’il faut certainement comprendre comme : les paroisses du bord de la mer relevant des sièges particuliers d’amirauté du Cotentin, qui ressortissent au siège général de l’amirauté de Normandie (l’amirauté étant une juridiction qui connaît des contestations en matière de marine et de commerce de mer, tant au civil qu’au criminel). Créés pour la plupart par un édit d’Henri II du mois d’avril 1554, les sièges particuliers d’amirauté ressortissant à la Table de Marbre du Palais de Rouen (nom donné au siège général de l’amirauté de Normandie) étaient au nombre de 20 à la fin du xviie siècle : [Eu-Le Tréport : relevait du Parlement de Paris], Saint-Valéry-en-Caux, Fécamp, Le Havre-Harfleur, Caudebec-Quillebeuf, Rouen, Touques, Dives-sur-Mer, Honfleur, Ouistreham, Caen, Bayeux, Grandcamp, Carentan, Isigny, Saint-Vaast-La-Hougue, Barfleur, Cherbourg, Port-Bail-Carteret, Coutances, Granville-Genêts. Voir : J. Darsel, « L’Amirauté en Normandie », étude en 16 parties, numérotées i à xvi, publiées dans les Annales de Normandie entre 1969 et 1986 ; et Id., « Amirauté de la Hougue », Revue de la Manche, 9/fasc. 36 (1967), p. 316-328, ainsi que Id., « Amirauté de Barfleur », Revue de la Manche, 10/fasc. 38 (1968), p. 102-109.
17 En cette fin du xviie siècle, le nombre de capitaineries du Cotentin n’est pas encore stabilisé. C’est par le règlement du 15 juillet 1721 que le littoral du Cotentin (75 lieues − 300 km – de linéaire côtier, de la Vire, à l’est, au Couesnon, à l’ouest) est définitivement divisé en 13 capitaineries, lesquelles sont, d’est en ouest : Beuzeville les Vez (regroupant 7 paroisses), Cotentin ou Sainte-Marie-du-Mont (35 paroisses), La Hougue (23), Barfleur (13), Val-de-Saire (21), Cherbourg (26), La Hague (23), Portbail ou Carteret (29), Créances ou Couttenville (22), Regneville (30), Granville (28), Avranches (28), et Pontorson (14). Un état des 19 capitaineries (13 dans le Cotentin + 6 depuis la Touques jusqu’à la Vire) de la généralité de Caen datant de 1756 ainsi qu’un tableau complet desdites capitaineries dressé en 1757 sont consultables aux archives départementales du Calvados (C1816, 1829). Voir aussi : E. Lemonchois, « Capitaineries et gardes-côtes du Cotentin et de l’Avranchin (1716-1778) », Revue du département de la Manche, 16/fasc. 62 (avril 1974), p. 87-112, et 16/fasc. 63 (juillet 1974), p. 113-142. Notons par ailleurs qu’au xviie siècle le littoral de la généralité de Rouen (depuis la Bresle jusqu’à la Touques) était divisé en 17 capitaineries. Voir : Voysin de la Noiraye, Mémoire sur la généralité de Rouen (1665), analyse et extraits, avec notes et appendices publiés par E. Esmonin, Paris, Hachette, 1913, p. 200-204. À cette époque, la Normandie comportait donc 36 capitaineries. Le nombre de capitaineries sera ramené à 34 en 1756 : 11 de la Bresles à la Dives + 10 de la Dives à la Vire + 13 de la Vire au Couesnon. Voir : T. Chardon, « Du guet de mer aux milices garde-côtes : la défense du littoral en Normandie à l’époque de la guerre de Sept Ans (1756-1763) », Annales de Normandie, 56/3 (septembre 2006), p. 358.
18 Corps de garde d’ « observation » ou de « découverte ». Construits en dur (pierre, brique…) par les habitants des capitaineries astreints à la corvée et entretenus aux frais des paroisses côtières, ces petits édifices robustes généralement haut perchés servent de postes d’observation aux personnes assujetties au guet de la mer. Ils sont tous équipés d’une cheminée.
19 Des méprises se produisent parfois : « le 11 octobre [1688], ceux qui estoient en sentinelle à Grandcamp mirent le feu à leur corps de garde et le feu prist à une maison à Marigny, tout proche, pendant la nuit. On crut que c’estoit le prince d’Orange, et 15 lieues aux environs on sonnoit le tocsin » : « Journal d’un bourgeois de Caen » (1661-1706), dans G. Vanel, Recueil de journaux caennais, 1661-1777, Rouen, Paris, 1904, p. 16. « L’on sonna le tocsain partout, ce qui obligea de faire aller plus de 70 000 personnes sur la coste de la mer devers Cherbourg et Vallongnes pour empêcher que les Anglois et Hollandois ne missent pied à terre…» : Journal des choses mémorables arrivées à Caen, publié d’après des notes manuscrites du xviie et du xviiie siècle par M. E. de Beaurepaire, Caen, H. Delesques, 1890, p. 50.
20 Les paroisses du bord de la mer (par opposition aux paroisses du plat pays).
21 Le problème de la défense des côtes en général, de la frontière maritime de la Normandie en particulier, et plus spécifiquement du littoral du Cotentin, ne date pas du xviie siècle. Il se pose dès les premiers siècles de l’ère chrétienne et donne lieu à des solutions diverses (création du Litus Saxonicum sous le Bas-Empire ; mise au point d’un système de « guet et garde du rivage » par Charlemagne au début du ixe siècle pour faire face aux attaques scandinaves : É. Barré, « La défense du Cotentin au Bas-Empire », Revue de la Manche, fasc. 131 (1991), p. 16-18) jusqu’à la mise en place, en Normandie, à la veille de la guerre de Cent Ans, « d’une organisation fondée sur des gardes soldés répartis le long du rivage, chargés de prévenir la garnison la plus proche qui repousserait l’assaillant tandis qu’une flotte quadrillerait la Manche » : le guet de la mer (É. Barré, « La Normandie médiévale et la mer, essai d’état des connaissances », dans Des galères méditerranéennes aux rivages normands. Recueil d’études en hommage à André Zysberg, Cahier des Annales de Normandie, 36 (2011), p. 331). D’abord confié à des vassaux du roi, le guet de la mer incombe aux populations côtières du Cotentin à dater de 1406. Apparemment maintenue – ou mise en sommeil ? – durant l’occupation anglaise, l’institution est ravivée et pérennisée dès 1450-1458 (Voir É. Barré, « Le droit maritime médiéval en Normandie », Annales de Normandie, 47/5 (1997), p. 511-536). Elle se précise ensuite sous François Ier (règlements de juillet 1517 et février 1543) et ses successeurs Valois (ainsi, par son édit sur « la juridiction de l’amiral » de mars 1584, Henri III ordonne « que les habitans sur la coste de la mer, jusques à demi lieue (2,5 km) loing d’icelle, seront tenus faire le guet sur la dite coste ensemble » [art. 19]), avant d’être entièrement remaniée en 1681 par le secrétaire d’État de la Marine, Jean-Baptiste Colbert. Il est en effet question des personnes sujettes au guet de la mer dans la célèbre ordonnance de la marine publiée à Fontainebleau au mois d’août 1681 (Livre iv, titre vi, 7 articles). Les paroisses côtières où vivent les personnes sujettes au guet de la mer sont regroupées en circonscriptions appelées capitaineries garde-côtes, dont le commandement est assuré par des capitaines garde-côtes aux compétences définies, là encore, par l’ordonnance de la marine d’août 1681 (Livre iv, titre v, 6 articles). À propos des populations des paroisses maritimes en charge de la défense du littoral, André Corvisier notait : « la valeur défensive de ces troupes improvisées est faible, mais leur rôle dissuasif n’est pas toujours négligeable » : A. Corvisier, La France de Louis xiv, 1643-1715. Ordre intérieur et place en Europe, Paris, SEDES, 1979, p. 65. Au dire des officiers du temps, elles pèchent en effet par leur manque de réactivité, de discipline et d’ardeur au combat ; étant dénuées de tout « professionnalisme », elles n’ont certes pas l’efficacité des troupes régulières. Transformé en 1716 en un service de milice garde-côtes, le guet de la mer ne cesse d’évoluer au cours du xviiie siècle, notamment sous l’aiguillon vivace que représente la crainte des « descentes anglaises ». La guerre de Sept Ans (1756-1763) est du reste un moment clé dans l’histoire de l’institution : à compter de l’ordonnance royale du 26 mars 1756 qui procède au regroupement en trois « inspections » (Haute, Moyenne et Basse Normandie) des capitaineries garde-côtes de Normandie, dispense les miliciens de s’armer à leurs frais et autorise le remplacement à prix d’argent, la milice garde-côtes tend à devenir un « instrument défensif à part entière » : T. Chardon, op. cit., p. 357. Fragile instrument toutefois, et assez peu convaincant. Le 26 mars 1761, l’inspecteur de la garde-côte de la Basse-Normandie, Monsieur de Brébeuf, ne se récriait-il pas : « l’établissement des garde-côtes n’est pas encore bien solide et personne ne voit de plus près que moi le dégoût général qui règne dans ce corps » (cité par A. Corvisier, « La défense des côtes de Normandie contre les descentes anglaises pendant la guerre de Sept Ans », dans Les hommes, la guerre et la mort, Paris, Economica, 1985, p. 271) ? Le fait est qu’en 1778 toutes les compagnies de miliciens garde-côtes sont remplacées par des compagnies de canonniers garde-côtes… lesquelles se révèlent tout aussi impopulaires. Ainsi, depuis sa mise sur pied au début du xviiie siècle, et en dépit des réformes successives, « la garde-côte reste une institution détestée, qui pèse de façon dramatique sur la vie quotidienne des habitants des paroisses littorales » : R. Morieux, Une mer pour deux royaumes. La Manche, frontière franco-anglaise (xviie-xviiie siècles), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 143.
22 Les bailliages de Caen, de Cotentin (ou de Coutances) et d’Alençon : c’est-à-dire trois des sept bailliages (les quatre autres étant : Caux, Évreux, Gisors et Rouen) qui composaient alors toute l’étendue du ressort du Parlement de Rouen. La Basse-Normandie contemporaine en est plus ou moins l’équivalent géographique.
23 Sans doute Jacques de Matignon fait-il allusion aux milices locales ou gardes provinciales destinées à renforcer le cas échéant les milices garde-côtes. Voir : G. Girard, Le service militaire en France à la fin du règne de Louis xiv. Racolage et milice (1701-1715), Paris, Plon, 1921, p. 195.
24 « Les » : les miliciens.
25 La mise en défense du littoral nuit au bon fonctionnement économique et fiscal de la province, et réciproquement… Il convient donc d’enrôler judicieusement les miliciens en charge de cette défense. C’est exactement ce qu’un siècle plus tard le duc d’Aiguillon écrit à propos des milices garde-côtes dans ses Instruction et notice historique sur les garde-côtes (16 mars 1774) : « autant cette milice est utile à la tranquillité des côtes, autant elle mérite des ménagements. En effet, un garde-côte ne peut être soldat et cultivateur, et tout ce qui tend à lui inspirer qu’il est homme de guerre doit être rejeté, parce que, dès ce moment, il abandonne la culture des terres. Perdre de vue ces principes, c’est s’exposer à faire périr de misère un nombre considérables de sujets, c’est les mettre dans l’impossibilité de payer les impositions auxquelles ils sont assujettis » : C. Hippeau, Le gouvernement de Normandie au xviie et au xviiie siècle, d’après la correspondance des marquis de Beuvron et des ducs d’Harcourt, lieutenants généraux et gouverneurs de la province, t. i, Caen, 1863, p. 142.
26 L’organisation ici décrite préfigure celle des milices royales (également appelées milices provinciales) constituées en 1688, sur l’initiative de Louvois, pour servir de forces auxiliaires et de réserve de recrues aux troupes réglées, à un moment où la France se trouve menacée par la Ligue d’Augsbourg. Par le règlement donné à Versailles le 29 novembre 1688, les paroisses rurales des généralités de plusieurs provinces du royaume sont appelées à fournir dans les plus brefs délais, sous la supervision des intendants et gouverneurs desdites généralités et provinces, des miliciens d’infanterie, au prorata du montant de leur imposition (soit un milicien pour 2000 livres de taille environ : les « villages les moins forts », comme il est écrit dans le règlement – c’est-à-dire les villages les moins imposés – se voient ainsi dispensés de fournir des hommes pour la milice). Chapeautés, habillés (justaucorps, culottes et bas de drap), chaussés et armés d’une épée et « d’un mousquet ou d’un fusil », le tout aux frais des paroisses, ces soldats-paysans choisis parmi les miliciables (avant d’être tirés au sort à partir de l’ordonnance de Barbezieux du 23 décembre 1691), « non mariés, au moins de l’âge de 20 ans, et point plus vieux que 40 », ont l’obligation, pendant les deux années que dure leur service, de s’assembler pour l’exercice tous les huit jours (généralement le dimanche). Ils doivent être soldés par leur paroisse d’origine « sur le pied de 2 sols par jour, de 6 jours en 6 jours par avance ». 50 miliciens rassemblés forment une compagnie, laquelle est commandée par des officiers subalternes : un capitaine (choisi parmi les officiers ayant servi soit dans les troupes du roi, soit dans les compagnies de sa maison) qui a sous ses ordres un lieutenant (un homme âgé d’au moins 22 ans pris parmi la noblesse ou « gens vivant noblement », « faisant [sa] demeure à portée des villages qui d[oiven]t fournir la compagnie », et ayant déjà servi si possible). 16 ou 17 compagnies rassemblées forment un régiment, lequel est commandé par des officiers supérieurs : un colonel ayant sous lui un lieutenant-colonel, un major et un aide-major. Le règlement pour la levée des milices, en introduisant une forme de conscription, bouscule l’organisation traditionnelle du service militaire : « la nouveauté, comme l’écrit Georges Girard, c’est de faire participer régulièrement le peuple à la défense du royaume, de n’en plus laisser le soin aux seuls professionnels » : G. Girard, op. cit., p. 163. En 1688, ce règlement donne lieu à la levée, dans 19 généralités et la Bretagne, de 25 050 miliciens articulés en 30 régiments de 835 hommes en moyenne. La Normandie (généralités de Rouen, Caen et Alençon) fournit à elle seule quatre régiments, soit un effectif de 3 300 hommes. Voir : Règlemens et ordonnances du roy pour les gens de guerre, t. v, Paris, Frédéric Léonard, 1689, p. 134-138. Alors qu’elle n’est mobilisée que temporairement à l’occasion des deux dernières guerres de Louis xiv, la milice devient, sous Louis xv, une force militaire de réserve permanente (ordonnance du 25 février 1726) : C. Sturgill, La formation de la milice permanente en France, 1726-1730, Paris, SHD, 1977.
27 Erreur de calcul : en fait 18lt pour trois mois. À moins que le total de 21 livres 16 sols ne tienne compte des frais d’habillement et d’équipement du milicien ?
28 Contrairement à ce que Jacques de Matignon suppose, la levée des milices en Basse-Normandie ne sera pas toujours « aisée ». Largement impopulaire parmi les populations rurales, elle s’avérera même parfois très épineuse. Nicolas-Joseph Foucault, l’intendant de la généralité de Caen (1689-1706), en témoigne dans ses Mémoires. Au printemps 1689, alors qu’il vient d’entrer en fonctions dans la généralité, il se heurte au problème de plein fouet : « suivant les ordres que Monsieur de Gourgues [son prédécesseur : Amand-Jacques Gourgues, intendant de la généralité de Caen de 1686 à 1689] avoit reçus de lever un régiment de milices, j’ai repris ses erremens [dispositions] et y ai trouvé beaucoup de difficultés, chacun cherchant les moyens de s’exempter de ce service, au point qu’une femme m’ayant donné plusieurs raisons toutes mauvaises pour empêcher son fils d’être enrôlé, et voyant que je n’y avois point d’égard, elle se récria : “eh bien, Monsieur, puisque ces raisons ne vous persuadent point, je vous déclare que mon fils est bâtard, et, le roi ne voulant point de bâtards dans ses troupes, vous devez me le rendre”. Elle prit en même temps plusieurs paysans de son village à témoin de la vérité du fait qu’elle avançoit »… Chargé, dans les limites de sa généralité, de la levée et de l’administration des milices, l’intendant Foucault s’exécute… non sans peine : « j’ai passé quinze jours à Vire [en avril 1689] pour y faire habiller, armer et discipliner le régiment de milices de la généralité, et y juger tous les différens que la plus fine chicane peut inventer entre les paysans des paroisses au sujet de ces enrôlemens » : Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, publiés et annotés par F. Baudry, Paris, Imprimerie Impériale, 1862, p. 248-249 et 251.
29 Le « bailliage de Cotentin » (chef-lieu : Coutances) était formé d’un ensemble de tribunaux royaux de second et troisième degré (présidial et bailliages) qui seront officiellement regroupés, en 1788, en un « grand bailliage » dont les limites géographiques étaient à peu près celles du futur département de la Manche (chef-lieu : Saint-Lô). Sous l’Ancien Régime, les limites de cette circonscription judiciaire à l’organisation extrêmement compliquée étaient particulièrement imprécises. Constitué au xiiie siècle, sous Saint Louis, par l’incorporation de l’Avranchin et du Val de Mortain, et partagé en cinq vicomtés (Coutances, Valognes, Carentan, Avranches, Mortain), le « bailliage de Cotentin » s’étendait géographiquement, note André Dupont, « à l’ensemble des deux diocèses de Coutances […] et d’Avranches, moins un certain nombre de localités qui appartiendront à celui [au bailliage] de Caen ». Amené à évoluer au cours du temps, il finira par englober également « Tinchebray et sa sergenterie, les enclaves de celle-ci vers l’est et d’autres enclaves dépendant du comté de Mortain ou de la vicomté de Saint-Sauveur-le-Vicomte » : A. Dupont, Histoire du département de la Manche, vol. iii, Le grand bailliage de 1204 à 1360, OCEP, 1977, p. 22. C’est dire si le dessin qu’il formait à la fin du xviie siècle était complexe ! On ne peut plus parlante à cet égard est la carte intitulée « Présidial du Cotentin », contenue dans le second tome de l’Atlas historique de Normandie (P. Gouhier, Atlas historique de Normandie, fascicule ii : Institutions, économie, comportements, Caen, 1972) : les 10 tribunaux de bailliages formant le « présidial » n’ayant pas pour ressort des territoires nécessairement homogènes et/ou précisément circonscrits (nombreuses enclaves), leur cartographie faite au moyen de 10 couleurs identificatrices distinctes donne lieu à un véritable feu d’artifice ! La péninsule transformée en un gigantesque patchwork multicolore… De fait, le « bailliage de Cotentin » était démultiplié en sièges et tribunaux dont l’étendue du ressort était très inégale : le bailliage et siège présidial de Coutances, duquel dépendaient sept bailliages secondaires (Avranches, Carentan, Mortain, Saint-Lô, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Saint-Sauveur-Lendelin, Valognes… sans compter Cérences qui ne devint bailliage secondaire ressortissant au bailliage de Coutances qu’en 1787), le siège royal de Tinchebray et ses extensions dans les bailliages de Caen, Falaise, Torigny, Vire, le bailliage de Périers (duquel relevaient deux paroisses : Périers et Beauficel), le bailliage d’Alençon (-en-Cotentin) dont le siège était situé à Valognes (ainsi certains justiciables valognais relevaient-ils du bailliage d’Alençon !), etc. Un flou, une indétermination des ressorts judiciaires que les gens de justice, en acquéreurs de charges coûteuses soucieux de rentrer dans leurs frais, entretenaient sciemment pour des raisons avant tout financières, d’après Antoine Follain : leur revenu étant directement conditionné par leur ressort ordinaire, les officiers de la plupart des juridictions subalternes n’avaient en effet aucun intérêt à figer et définir clairement celui-ci : A. Follain, « Les juridictions subalternes, sièges et ressorts des bailliages et vicomtés en Normandie sous l’Ancien Régime », Annales de Normandie, 47/3 (1997), p. 220. Ainsi, la circonscription du bailliage de Cotentin « correspondait assez à celle [du département de la Manche] ; sa limite est s’avançait moins cependant que la même limite actuelle ; elle ne dépassait la Vire que sur une longueur de quelques kilomètres en amont de Saint-Lô, puis redescendait tout près de Villedieu. La partie la plus excentrique qui a disparu dans la division moderne était constitué par le siège royal de Tinchebray dont la mouvance se composait d’une trentaine de paroisses éparses, égrenées jusqu’aux portes de Caen » : A. Lebaindre et M. Boivin, La formation du département de la Manche en 1789… et deux siècles plus tard, Marigny, Eurocibles, 2002, p. 18. En résumé, nous pouvons dire, avec Olivier Tréhet, qu’au xviie siècle « le bailliage de Cotentin couvre […] un espace plus vaste que le Cotentin au sens purement géographique, mais plus petit que l’actuel département de la Manche » : O. Tréhet, « La noblesse de Cotentin aux armées au xviie siècle », dans A. Boltanski et A. Hugon (dir.), Les noblesses normandes (xvie‑xixe siècle), Actes du colloque international de Cerisy-la-Salle, 10-14 septembre 2008, Rennes, Presses universitaires de Rennes, p. 172.
30 Cette distance (6 lieues ≈ 25 km) est sous-estimée. La largeur de la péninsule est plus proche des 50 kilomètres.
31 C’est-à-dire dans les principales villes des bailliages de « Caen, Cotentin et Alençon » : Caen, Bayeux, Falaise, Thorigny, Vire (bailliage de Caen) ; Coutances, Avranches, Carentan, Montebourg, Mortain, Saint-Lô, Saint-Sauveur, Valognes (bailliage de Cotentin) ; Alençon, Argentan, Domfront, Séez (bailliage d’Alençon).
32 « Un détachement des bourgeois » : l’auteur fait-il simplement allusion à un contingent de citadins ou songe-t-il plus précisément aux milices bourgeoises qui procèdent du groupement, par quartiers ou par corps de métier, de tous les habitants en état de porter les armes? Sans doute pense-t-il à ces dernières, qui sont « avec l’arrière-ban des nobles, les milices locales et les milices garde-côtes un des éléments des forces armées traditionnelles du royaume » : A. Corvisier, Les Français et l’armée sous Louis xiv d’après les mémoires des intendants, 1697-1698, Vincennes, État-major de l’armée de terre, Service historique, 1975, p. 140.
33 À noter que le souhait de Jacques de Matignon de voir les bourgeois « toujours prests et disciplinez » se concrétisera avec l’édit du 24 mars 1694, par lequel Louis xiv créera, en titre d’office, des colonels, majors, capitaines et lieutenants des bourgeois dans toutes les villes et bourgs fermés du royaume. Chargés de « discipliner » les milices bourgeoises, ces officiers devront, entre autres, « lorsqu’il en sera besoin et au moins quatre fois l’année, assembler les bourgeois habitans dans leurs quartiers et compagnies qui se trouveront en état de porter les armes, depuis l’âge de dix-huit ans jusqu’à soixante, leur faire faire les exercices du mousquet, fusil et autres armes, et les mener, conduire et commander, chacun selon son rang aux guet, gardes [des] villes et bourgs […] » : Jourdan, Isambert, Decrusy, Recueil général des anciennes lois françaises depuis l’an 420 jusqu’à la Révolution de 1789, t. xx, Paris, 1830, p. 220.
34 Saint-Sauveur-le-Vicomte.
35 Domfront.
36 Carentan.
37 Argentan.
38 Valognes.
39 Mortain.
40 Confusion dans les chiffres. Le total donne 3230 hommes.
41 Depuis le règlement sur la convocation du ban et arrière ban promulgué par Louis xiii le 18 janvier 1639, seul le choix du cornette et du maréchal des logis de la compagnie de chevaux-légers formée dans chaque bailliage (ou sénéchaussée) incombait aux gentilshommes dudit bailliage (ou sénéchaussée). Responsable de l’arrière-ban, le bailli (ou sénéchal) était automatiquement désigné comme le capitaine de la compagnie. Voir : Règlemens et ordonnances du roy…, t. iii, op. cit., p. 99-100.
42 Le « bailliage de Cotentin », par exemple, recouvrait les vicomtés (tribunaux de quatrième degré) de Granville, Gavray, Tollevast (siège : Cherbourg), Val-de-Saire (siège : Barfleur), Lithaire (siège : Lessay), Saint-Sauveur-Lendelin (siège : Périers), Beaumont (siège : Saint-Sauveur-le-Vicomte), Cérences, Saint-James, Pontorson, Saint-Hilaire-du-Harcouët, Tinchebray et Torigni (dépendant du bailliage de Caen). Voir : J. Drouault, Les vicomtés de Normandie au xviiie siècle, Caen, 1924, et Joyau, Notice historique et topographique sur les anciennes vicomtés du département de la Manche, en 1588 et 1697 ; et sur le ressort de chacune, à ces deux époques. Pour servir à l’intelligence et à la défense de beaucoup de contestations d’entre la Maison d’Orléans, ou ses concessionnaires, et les communes ou les débiteurs prétendus de rentes domaniales dans ce département. Par Monsieur Joyau, avocat à Caen, Caen, s.d.
43 Officier de cavalerie qui porte l’étendard de la compagnie et qui la commande en l’absence du capitaine ou du lieutenant.
44 Officier de cavalerie qui est chargé du logement des troupes : « il recevait du maréchal général des logis de l’armée le terrain de campement ou l’emplacement du logement des troupes et le distribuait aux fourriers » : Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990, p. 965.
45 Ce que l’on doit comprendre non comme : le nombre de compagnies se pourra monter à 150, mais comme : le nombre d’assujettis au ban et arrière-ban se pourra monter à 150 par compagnie. C’était plus que ce que les deux derniers règlements du xviie siècle sur le ban et l’arrière-ban (ceux des 30 juillet 1635 et 18 janvier 1639) avaient recommandé (« chaque compagnie dudit ban et arrière-ban sera composée de cent maîtres [le maître désignant un cavalier] » : Règlemens et ordonnances du roy…, t. iii, op. cit., p. 83-84). Du reste, Furetière indique dans son Dictionnaire qu’un escadron « est d’ordinaire de cent maîtres, quelquefois de 150 ou de deux cens. On les compte ordinairement à cent cavaliers effectifs » : A. Furetière, Dictionnaire universel, t. ii, La Haye, 1727, « escadron ».
46 Au xviie siècle, « arrière-ban », « ban » et « ban et arrière-ban » sont quasiment synonymes. En Basse-Normandie, au xviie siècle, la convocation du ban et de l’arrière-ban eut lieu au moins à huit reprises : d’abord en 1635, puis en 1674, 1689, 1690, 1691, 1692, 1695 et 1697 (Voir : « Remarques de Jacques Le Marchant, conseiller garde scel au bailliage et siège présidial de Caen (1674-1738) », publiées et annotées par G. Vanel, B.S.A.N., xxv (1906), p. 321, 329, 351, 390, 422, et xxvi (1909), p. 3 ; Les mémoires de Pierre Mangon, vicomte de Valognes, par M. Léopold Delisle, Saint-Lô, F. Le Tual, 1891, p. 30 ; Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 250-251 et 272). Le Père Daniel se trompe par conséquent lorsqu’il écrit : « on n’a point assemblé l’ar rière-ban sous le règne de Louis le Grand depuis 1674 parce qu’on ne fut nullement content de cette milice » : Père G. Daniel, Histoire de la milice françoise et des changements qui s’y sont faits depuis l’établissement de la monarchie dans les Gaules jusqu’à la fin du règne de Louis le Grand, t. 2, Paris, 1721, p. 495-496. Force est de constater néanmoins que « l’organisation du ban et l’arrière-ban, dont la base était la hiérarchie féodale, disloquée déjà par la création des armées permanentes, reçut le dernier coup quand la royauté française, grâce à Richelieu et à Louis xiv, eut réduit la féodalité à un souvenir du passé » (J. Finot cité par C. Sturgill, op. cit., p. 115). De fait, après 1695, la couronne renonça à lever l’arrière-ban des possesseurs de fiefs, sauf nécessité locale, « tant les résultats étaient désastreux » : A. Corvisier, Histoire militaire de la France, t. i, « Des origines à 1715 », Paris, PUF, 1997, p. 397.
47 C’est-à-dire : en convoquant l’arrière-ban qui est le service que les gentilshommes, en raison de leurs fiefs (en tant que concessionnaires des fiefs, ou eu égard à la valeur de leurs fiefs), doivent au roi.
48 L’intendant de la généralité de Caen, Nicolas-Joseph Foucault, nous confirme que les gentilshommes bas-normands (ceux du bailliage de Caen en l’occurrence) n’étaient « pas tous riches ». Convoqués pour le service de l’arrière-ban, nombre d’entre eux semblent s’être présentés dans un piètre équipage de guerre : « le 26 avril [1689], nous avons assemblé à Caen la noblesse. Le seul bailliage de Caen a fourni plus de mille cinq cents gentilshommes, les uns bien, les autres mal montés, plus de cinq cents à pied [nous soulignons]. On en a fait un détachement de trois cents qui, avec trois cents qu’on tirera des deux autres bailliages de Basse Normandie, feront un corps de six cents gentilshommes destinés pour la garde des côtes, avec les deux régiments de milice qui doivent venir de Poitou et de Champagne, et un régiment de troupes réglées » : Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 250-251.
49 Par le règlement du 30 juillet 1635, la durée du service du ban et arrière-ban avait été fixée à « trois mois dans le royaume » et à « quarante jours hors d’icelui » : Règlemens et ordonnances du roy…, t. iii, op. cit. p. 76-92. En 1674, la durée du service du ban et arrière-ban dans le royaume fut ramenée à deux mois. Voir : Père G. Daniel, op. cit. p. 496.
50 Les non combattants tenant fiefs doivent contribuer à l’effort de guerre, comme le stipulaient déjà les règlements sur le ban et l’arrière-ban des 30 juillet 1635 et 18 janvier 1639. Voir : Règlemens et ordonnances du roy…, t. iii, op. cit. p. 80-81 et 85.
51 L’équivalent d’un traitant.
52 S’agirait-il en définitive d’un système de perception sans bail à ferme ? Ou doit-on comprendre que c’est à l’intendant que reviendra la charge de rembourser au traitant sa créance ?
53 Nous n’avons pas trouvé de règlement « de l’arrière-ban de l’an 1675 » relatif au recouvrement des sommes destinées à solder les gentilshommes sujets à l’arrière-ban ; année 1675 au cours de laquelle, du reste, Louis xiv remplaça la levée des vassaux par une taxe (arrêt du 1er février 1675), comme l’indique F. Léonard : « le roy ayant estimé à propos pour le plus grand soulagement des gentils-hommes, et autres sujets au ban et arrière-ban […] de convertir le service dudit ban et arrière-ban en une levée de compagnie de cavalerie, et obliger pour cette fin sa noblesse, et autres sujets audit ban et arrière-ban, à contribuer une somme modique chacun à proportion des fiefs qu’il possède, pour la levée desdites compagnies » : Règlemens et ordonnances du roy…, t. iii, op. cit., p. 179-180.
54 Bien que l’office de connétable ait été supprimé par Richelieu en 1627, la connétablie (juridiction du connétable) continue d’exister et garde son nom (« connétablie et maréchaussée »). Ce tribunal, qui vit son rôle s’amenuiser au xviie siècle à mesure que s’affirmait celui des intendants d’armée et des conseils de guerre, avait compétence pour juger, au civil et au criminel, toutes les causes où des gens de guerre étaient intéressés (abus et malversations des officiers, crimes et délits commis par les soldats…). Composé principalement d’un lieutenant général, d’un lieutenant particulier et d’un procureur du roi nommés par le connétable (puis, à compter de 1626, par les maréchaux), il disposait de sa propre force armée (non professionnelle jusqu’en 1720) : la maréchaussée de la connétablie. Voir : A. Corvisier, Les Français et l’armée sous Louis xiv…, op. cit., p. 151.
55 Lieu assigné à la troupe pour vivre, loger et camper.
56 Pilote : « officier d’un équipage qui à l’œil sur la route du vaisseau, et qui la commande. Il y a deux sortes de pilotes ; l’un costier, qui connoist les costes, les ports et les rades, et qui sçait gouverner à leur veuë ; l’autre hauturier, qui prend les hauteurs, qui sçait se servir de l’arbaleste et de l’astrolabe, qui sçait déterminer la latitude du parage. Il y a aussi des pilotes lamaneurs, ou locmans, qui sont pilotes de havres ou de rivières, qui ont la conduite des vaisseaux entrans et sortans » : A. Furetière, Dictionnaire universel, t. iii, La Haye et Rotterdam, 1690, p. 129.
57 Ile de Wight.
58 Vents favorables pour « descendre » de l’Angleterre (car c’est normalement le vent d’ouest qui prédomine dans la Manche).
59 Terme de marine : « on a sur la mer connoissance des costes par les divers signes qui s’y rencontrent, qui font juger du lieu où on est, tant par la description qu’on en trouve dans les routiers, que par la couleur et hauteur des terres, caps et montagne qu’on découvre, et par la nature du fond et du sable, les herbes, poissons et oiseaux qu’on y voit, et autres indices » : A. Furetière, Dictionnaire universel, t. i, La Haye et Rotterdam, 1690, « connoissance ».
60 La Pernelle. Point haut (120 m) dominant le Val-de-Saire, situé à cinq kilomètres au nord-ouest de Saint-Vaast-la-Hougue.
61 Saint-Vaast-la-Hougue. Village portuaire situé sur la côte est du Cotentin, au nord de la baie de Morsalines, à une dizaine de kilomètres au sud de Barfleur.
62 Prendre la marée : prendre le temps où la marée est favorable, pour entrer dans un port ou pour en sortir.
63 Confusion, sans doute, entre le mot « vast » ou « vaast » (du bas-latin « vastum » : clairière) et le mot « ras » ou « raz » (du norrois « rás » : courant, chenal). En l’occurrence : le « raz de Barfleur ».
64 S’agit-il de l’anse délimitée au nord par la pointe de Saire et par la pointe de Saint-Vaast-la-Hougue au sud (nommée « grande anse » par l’abbé Expilly : Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, t. iii, Paris, 1764, p. 769) ? Ou est-il question de la baie de Morsalines (ou baie de La Hougue), terminée au nord par l’anse dite « du cul de loup » (toponyme probablement dérivé du vieux mot composé scandinave « keyta laut » désignant un endroit propice à un débarquement), que limite la corne granitique de Barfleur ? Voir : R. Lepelley, « Sur un lieu-dit de la Manche : le cul de loup », Annales de Normandie, 48/1 (1998), p. 3-22.
65 Iles Saint-Marcouf : archipel (deux îles) de la côte est du Cotentin, situé à sept kilomètres au large de la paroisse de Saint-Marcouf. Fortifié au xixe siècle suivant les principes du marquis de Montalembert.
66 « Découverte » au sens de « vue » : sans que, dès le soir, on les aperçoive depuis la Pernelle.
67 Allusion au corps de garde de la Pernelle. Construit au pied de l’église de la Pernelle, sur une colline de l’arrière pays, du sommet de laquelle on embrasse toute la baie de Saint-Vaast et la rade de La Hougue, ce corps de garde (toujours visible aujourd’hui) perché à 120 m d’altitude constituait un poste d’observation et de surveillance idéal.
68 « Découvertes » au sens d’ « observations ».
69 Navires de petit ou moyen tonnage.
70 Le vicomte de Valognes, Pierre Mangon (vers 1632-1705), en témoigne dans ses Mémoires : « en l’année 1688, Cherbourg et Vallognes ayant esté démolis [fortifications démantelées sur ordre de Louvois], le roy trouva à propos de faire des fortifications à La Hogue, à l’isle de Tatihou, à Lisel [sic : Ilet] et à l’église de Saint-Vaast : on y travailla soubs la direction de Benjamin de Combes. […] On y a fait pendant toute la guerre, jusques en 1697, la garde fort exactement par soldats de troupes réglées » : Les mémoires de Pierre Mangon, vicomte de Valognes, op. cit., p. 23. Vauban signale le fait dans sa Visite des costes de Normandie en 1699 : « cette presqu’île a esté retranchée pendant la dernière guerre et l’est encore, et depuis peu on y a basty une belle et grande tour de guerre sur la plus haute de ses buttes qui est fort bien faite et commande à toute l’île » : SHD, GR 1 V, article 4, section 2, § 2, carton 1, n° 17 bis.
71 Fort de La Hougue : fort construit à partir de 1694, sur la presqu’île de La Hougue (qui délimite la rade de La Hougue), d’après les plans donnés par le directeur des fortifications de Normandie, Benjamin de Combes (né vers 1649, mort à Caen le 13 juillet 1710), sous le contrôle de Le Peletier / Vauban et de l’intendant de la généralité de Caen, Foucault. 1. Description du fort : le site, commandé par la tour de La Hougue qui se dresse sur un tertre rocheux, est clos de murs sur toute sa périphérie (une enceinte qui s’étire sur près de deux kilomètres) et relié à la terre ferme par la digue artificielle dite du « Sillon », large de cinq mètres et longue d’un kilomètre. Le fort se termine au sud-est, vers la mer, par la batterie basse dite « de la pointe » où, à l’origine, 24 bouches à feu pointaient leur gueule en direction du large. Côté terre, vers Saint-Vaast, la cour du fort, autour de laquelle étaient disposés un corps de garde, des magasins à poudre et des casernes sans doute dès l’origine, se trouve à l’abri derrière un front bastionné (du type 1er système à la Vauban). On accède à cette cour par un pont (protégé par un ouvrage avancé dont il reste quelques vestiges) qui enjambe un fossé inondable et aboutit à une poterne située au centre d’une courtine dont le flanquement est assuré par deux bastions aux pointes surmontées d’échauguettes. 2. Caractéristiques architecturales de la tour : la tour d’observation et d’artillerie, tronconique, comporte quatre niveaux extérieurement soulignés par trois ressauts : un rez-de-chaussée voûté abritant quatre magasins à vivres et à poudre séparés par deux murs de refend, sous lequel une citerne est creusée dans le socle rocheux ; des deuxième et troisième étages séparés par un plancher (chaque étage est chauffé et peut accueillir une trentaine de soldats, mais pas d’officiers) ; enfin, aménagée sur l’épaisse voûte du troisième niveau : une plate-forme d’artillerie circonscrite par un parapet à six embrasures, adaptée à des pièces de petit calibre. À noter que, contrairement à la tour de Tatihou, les voûtes et le plancher ne reposent pas sur un noyau central. La circulation dans la tour s’effectue par l’intermédiaire d’un escalier en vis aménagé dans une tourelle demi-hors-œuvre tronconique terminée par une guérite couverte d’un toit à l’impériale. L’ensemble mesure 20 m de haut pour un diamètre de 16 m. Les murs à l’épreuve de la bombe ont une épaisseur de trois mètres en moyenne. La tour de La Hougue croisait ses feux avec ceux de la tour de Tatihou, pour assurer le contrôle de l’anse de Saint-Vaast.
72 L’île de Tatihou, située à un kilomètre et demi au large de Saint-Vaast-la-Hougue, protège l’anse formée par la pointe de La Hougue au sud et celle de Saire au nord. À la fin du xviie siècle, cette île de 28 hectares était « fermée par un assez gros retranchement de terre gazonnée et cy devant palissadée qui l’environn[ait] tout autour avec des redoutes détachées sur les angles, gazonnées, fraisées [c’est-à-dire garnies d’une palissade hérissée en position horizontale formant comme une collerette de pieux pointus] et palissadées » : Vauban, Visite des costes de Normandie, op. cit. Un fort y avait été en effet construit – comme sur la presqu’île de La Hougue – à dater de 1694, d’après les plans donnés par le directeur des fortifications de Normandie, Benjamin de Combes, sous le contrôle de Le Peletier / Vauban et de l’intendant de la généralité de Caen, Foucault. Principal élément de ce complexe fortifié, la tour d’observation et d’artillerie de Tatihou se dressait, et se dresse encore, à l’extrémité sud-est de l’île. Quoique plus trapue que la tour du fort de La Hougue (un diamètre de 26 m – au lieu de 16 m – pour une hauteur de 21 m) dont elle n’est séparée que par environ 2 500 m à vol d’oiseau, cette massive tour à canons aux murs particulièrement épais (3,60 m au pied de la tour ; 2,10 m à son sommet) présente une structure presque identique à celle de sa proche voisine : citerne enterrée ; quatre magasins à vivres et à poudre ; deux étages de logement, chauffés, séparés par un plafond en bois (la salle du premier niveau conçue pour accueillir 200 soldats et celle du second niveau, voûtée, réservée aux officiers) ; voûte sommitale en berceau tournant à l’épreuve de la bombe, sur laquelle prend place une plate-forme d’artillerie (pouvant accueillir 10 canons de gros calibre) dotée d’un parapet en maçonnerie de brique couverte d’un appareil de revêtement en pierre de taille conçu pour amortir l’impact des boulets ennemis ; niveaux communiquant par l’intermédiaire d’un escalier en vis aménagé dans une tourelle tronconique demi-hors-œuvre terminée par une guérite couverte d’un toit à l’impériale… On note en revanche qu’à la différence de la tour de La Hougue le plancher et les voûtes sont soutenus par une large pile centrale montant de fond. Une autre particularité de la tour de Tatihou est la présence, à sa base, d’une douve annulaire de protection qui se remplit d’eau au gré des marées. Un pont coudé bipartite (mi pont-dormant mi pont-levis) enjambe cette douve et conduit à la porte d’entrée de la tour, que surplombe un curieux – mais peut-être efficace ? – balcon machicolé (encore appelé « moucharabieh », par analogie avec le balcon grillagé de l’architecture arabe). Vraisemblablement dérivées des tours de défense côtière construites par Richelieu sur le littoral provençal dans les années 1630 [tour de Balaguier à la Seyne-sur-Mer, tours de Porquerolles et de Port-Cros…], les tours d’observation et d’artillerie de Tatihou et de La Hougue apparurent comme des modèles du genre à la fin du xviie siècle : en 1695, par exemple, l’ingénieur en chef de Haute-Bretagne, Jean-Siméon Garangeau (vers 1647-1741), s’en inspira très exactement pour construire la tour de l’île des Hébihens, dans l’anse de Saint-Jacut, près de Saint-Malo.
73 Toute proche de l’île de Tatihou et comme « échappée aux rongeries de la mer », l’ « Islette » (ou « Ilet » : îlot) de Tatihou avait été « convertie en redoute à canon, fermée tout autour, capable de 20 pièces de canon » : Vauban, Visite des costes de Normandie, op. cit.
74 Il s’agit d’un régiment de milice désigné par le nom de son colonel, en l’occurrence le seigneur de Montaigu-la-Brisette, François Hyacinte Le Febvre.
75 Il est question de ce « Monsieur de Lévy » dans les Mémoires de Pierre Mangon : « 1701. La guerre ayant recommencé en l’année 1701…, on recommença à fortifier et réparer à La Hogue, Monsieur de Levy y commandant la marine sans troupes » : Les mémoires de Pierre Mangon, vicomte de Valognes, op. cit., p. 30. Il s’agit selon toute vraisemblance de l’officier de marine d’origine normande Louis de Lévy (v. 1650- mort à La Hougue en 1703) : enseigne de vaisseau puis capitaine de brûlot en 1673, aide-major à Toulon en 1676, capitaine de frégate à Toulon en 1686, capitaine de vaisseau à Brest en 1689, officier du département du Havre. Voir : P. de Villette-Mursay, Mes campagnes de mer sous Louis xiv, éd. par M. Vergé-Franceschi, Paris, Tallandier, 1991, p. 362.
76 Certainement s’agit-il de François Hyacinte Le Febvre, écuyer, seigneur de Montaigu-la-Brisette. « Homme de mérite et fort riche », il exerce à Valognes « les charges de lieutenant des mareschaux de France et de collonel de la milice du plat pays » : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », dans P. Gouhier, L’intendance de Caen en 1700, Paris, CTHS, 1998, p. 339.
77 Il faut entendre : les points de la côte où l’ennemi est susceptible de faire une descente (de débarquer pour attaquer le pays).
78 Peu avant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, à partir de 1687 environ (Voir : Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 258), un ensemble de 24 redoutes légères avait été édifié à la hâte, le long de la côte est du Cotentin, sous la direction de l’ingénieur des fortifications − et bientôt (1693) directeur des fortifications de Normandie – Benjamin de Combes. Faits en terre, bois, sable et gazon, ces fortins de plan carré, encadrés pour certains par deux ailes de retranchement (derrière lesquelles on aménageait des plates-formes d’artillerie) que terminaient des bastions ouverts à la gorge, étaient en réalité de simples fortifications passagères de campagne. La paix revenue, ils se désagrégèrent aussi rapidement qu’ils avaient été construits, sous l’action conjuguée de la pluie et du vent. Dès 1694, l’intendant Foucault avait suggéré à « Monsieur Le Pelletier [Michel Le Peletier de Souzy (1640-1725), directeur général du département des fortifications des places de terre et de mer depuis 1692] de faire construire une douzaine de tours [à la manière des tours de La Hougue et de Tatihou, voire du fort d’Ambleteuse (Nord-Pas-de-Calais)] depuis la Pintrerie jusqu’à Quinéville, qui seroient d’une bien meilleure défense et des ouvrages bien plus solides que les redoutes qui y ont été construites » : Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 308. Ce conseil était resté lettre morte : nul doute que le directeur des fortifications avait jugé le projet de l’intendant trop dispendieux. Mais à l’aube du xviiie siècle, le retour de la guerre se profilant, le département des fortifications estima utile, en définitive, de remettre en service les redoutes côtières abandonnées. Bâties cette fois-ci en dur, une quinzaine de redoutes (et non des tours d’artillerie, comme l’avait préconisé Foucault), dont certaines abritaient un corps de garde et un magasin à poudre, vinrent ainsi ponctuer le littoral, sur une distance de près de 30 km, depuis la pointe de Saire au nord (à la hauteur de Réville) jusqu’à la baie des Veys au sud (à la hauteur de Sainte-Marie-du-Mont). Ce système extensif de fortifications côtières appuyait le dispositif défensif à deux tours de Tatihou / La Hougue. Le fait est qu’une fois encore il n’eut à subir que les injures du temps : car si les Anglais, après l’épisode de la bataille de La Hougue (1692), continuèrent à s’attaquer aux côtes de la Manche (Dieppe, Le Havre en juillet 1694 ; Granville, Dunkerque en juillet-août 1695…), ils ne tentèrent en revanche aucune descente réellement sérieuse dans le Cotentin (hormis une en août 1708, sous la conduite de l’amiral George Byng : C. Folliot de Fierville, « Défense des forts et du littoral de La Hougue. 1708 », Mémoires de la Société archéologique, artistique, littéraire et scientifique de l’arrondissement de Valognes, 2 (1882), p. 37-49) jusqu’en juillet-août 1758, date à laquelle ils débarquèrent à Cherbourg pour y détruire les installations portuaires (Voir : J.-P. Rihouey, 1758. La dernière occupation de Cherbourg par les Anglais, s.l., s.n., 1994).
79 Les dernières pages de la Disposition mentionnent un certain nombre de régiments dont la nature et le mode de désignation sont malaisés à définir. En effet, lorsqu’il évoque un « régiment », Matignon ne précise nullement s’il s’agit d’un régiment réglé ou d’un régiment de milice. Il n’indique pas non plus si le nom du régiment est celui de son colonel ou celui de son lieu de garnison, de sa localité de rassemblement/stationnement. Sur cette première difficulté s’en greffe une autre qu’il nous faut signaler ici. Nous lisons en effet dans le Mémoire sur La Hougue (texte 3) qu’en l’an 1702 Messieurs de Matignon et de Montcault « donnèrent une nouvelle forme aux milices de la garde de la côte en tirant de chaque capitainerie un détachement de chaque compagnie garde côtes, dont on composoit des régimens auxquels on donna pour colonels les capitaines de la côte [nous soulignons] ». En 1702, coexistent donc en Basse-Normandie des régiments réguliers, des régiments de milice provinciale et des régiments de milice garde-côtes ; ces deux derniers types de régiment pouvant être désignés aussi bien par le nom de leur localité de rattachement que par celui de leur commandant, que ce dernier soit colonel ou capitaine garde-côtes… L’embrouillamini se révèle donc assez complet, et nous avons été bien en peine, et souvent bien incapable, de le démêler. C’est pourquoi les notes qui vont suivre relatives aux noms des régiments n’ont aucune prétention à l’exactitude et ne sont qu’hypothétiques ou, au mieux, indicatives.
80 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, en l’occurrence Aumeville (paroisse située à huit kilomètres au sud de Saint-Vaast-la-Hougue), soit par le nom de son colonel, ici le seigneur d’Aumeville, Guillaume Vautier, « homme de mérite, riche, et capitaine garde-côte » : cité par A. Corvisier, Les Français et l’armée sous Louis xiv…, op. cit., p. 145. Voir aussi : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 355.
81 Écrit « Ruqueville » un peu plus loin… et « Ricqueville » dans le mémoire de 1702 (texte 3)… Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, en l’occurrence Rucqueville (paroisse située à une dizaine de kilomètres à l’est de Bayeux), soit par le nom de son colonel, ici le seigneur de Ruqueville, Jacques de Thioult, mort « à Ruqueville, le 6 février 1703, âgé de 66 ans » : M. Béziers, Mémoires pour servir à l’état historique et géographique du diocèse de Bayeux, t. iii, Rouen/Paris, A. Lestringant/A. Picard, 1894-1896, p. 373. Il pourrait même éventuellement s’agir d’un régiment de milice garde-côtes ayant pour colonel le capitaine de la capitainerie de Barfleur, en l’occurrence « de Riqueville » : « État des capitaineries des garde-côtes de Normandie. Nom des capitaines » dans Voysin de la Noiraye, Mémoire sur la généralité de Rouen, analyse et extraits, avec notes et appendices, publié par E. Esmonin, Paris, Hachette, 1913, p. 71.
82 Sainte-Marie-du-Mont, paroisse située à une dizaine de kilomètres au nord-est de Carentan.
83 Le sud et le nord.
84 Château « l’Ilet » de Sainte-Marie-du-Mont (xvie siècle).
85 Penesme : « on appelle de ce nom un canton du Cotentin, qui s’étend entre Carentan et le Grand Vay, sur les paroisses de Saint Cosme, d’Angoville, de Viriville et de Brucheville, dans la Basse-Normandie. Cette contrée est très abondante en pâturages de la meilleure qualité. La ville de Carentan en est le chef-lieu » : abbé Expilly, op. cit., t. v, 1768, p. 616.
86 L’église Saint-Hilaire de Brucheville (paroisse située à un kilomètre au sud-est de Sainte-Marie-du-Mont), dotée d’un massif clocher roman susceptible d’accueillir des soldats.
87 Il s’agit selon toute vraisemblance d’un régiment désigné par le nom de son colonel, en l’occurrence le marquis de Fontenay. Mais, suivant la date à laquelle la Disposition a été rédigée (entre 1694 et 1702), le marquis de Fontenay dont il est question peut être soit Hervé Le Berceur, gouverneur de Cherbourg, mort en 1696 à l’âge de 55 ans, soit son fils, Hervé Le Berceur, grand bailli du Cotentin, mort en 1731 à l’âge de 54 ans. Voir : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 233 et 337.
88 « Pont de Douve » (indiqué ainsi sur la carte de Cassini), sur la rivière d’Ouve (ou de la Douve), à un kilomètre au nord-ouest de Carentan : « ce pont s’appelle le pont Douve, sur lequel il y avoit anciennem[ent] un chasteau dont on voit encore quelques vestiges […] » : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 320. « On appelle de ce nom un fameux passage du Cotentin, auprès de Carentan. C’est une chaussée d’une demi-lieue de longueur, qui traverse un marais, arrosé par les rivières d’Ouve et de la Magdelaine, que l’on y passe sur des ponts » : abbé Expilly, op. cit., t. v, 1768, p. 786. « On y avait fait quelques retranchements en 1692 pour assurer la communication du Cotentin avec le reste de la Normandie », abbé Expilly, op. cit., t. ii, 1764, p. 786.
89 Il s’agit probablement d’un régiment désigné par le nom de son colonel, en l’occurrence le marquis de Longaulnay, François-Antoine de Longaulnay (1664- ?), gouverneur des ville et château de Carentan et du pont d’Ouve (ou Douve) : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 225 et 320-321.
90 « Four de Taute » (ainsi désigné sur la carte de Cassini), sur la rivière de Taute, à un kilomètre au nord-est de Carentan.
91 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, en l’occurrence Beuzeville-sur-le-Vey (paroisse située à mi-chemin de Carentan et Isigny), soit par le nom de son colonel, ici le marquis de Beuzeville, Guy-César de La Luzerne (v. 1661‑1736) : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 228 et 322.
92 Brévands, paroisse située à cinq kilomètres au nord-est de Carentan.
93 « Passage du Petit Vay » (signalé sur la carte de Cassini) : passage à gué sur la Vire, à la hauteur d’Isigny. La Vire est « gayable deux ou trois lieues au dessous [de son embouchure] par un passage qu’on appelle le petit Vey où l’on passe comme au grand Vey quand la marée est basse, et en batteau quand elle est hautte » : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 319.
94 Castilly, paroisse située à sept kilomètres au sud-est d’Isigny.
95 Soldats employés aux travaux de terrassement, à l’édification des retranchements.
96 Sponton ou esponton : « terme de marine. Espèce de demi-pique dont on se sert avantageusement dans les abordages » : A. Furetière, Dictionnaire universel, t. iii, La Haye et Rotterdam, 1690, p. 591.
97 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, ici Saint‑Pierre-Église (paroisse située à 15 km à l’est de Cherbourg), soit par le nom de son colonel, en l’occurrence le marquis de Saint-Pierre, Bon-Thomas Castel (1646-1721) : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 241 et 382. Il pourrait s’agir aussi éventuellement d’un régiment de milice garde-côtes ayant pour colonel le capitaine de la capitainerie du Val-de-Saire, en l’occurrence « de Saint-Pierre » : « État des capitaineries des garde-côtes de Normandie. Nom des capitaines » dans op. cit., p. 71.
98 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, ici Tollevast (paroisse située à six kilomètres au sud de Cherbourg), soit par le nom de son colonel, en l’occurrence le seigneur de Tollevast Sainte Marie, « homme très riche, capitaine garde coste » : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 407.
99 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, ici Beaumont-Hague (village situé à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Cherbourg) ou Beaumont-le-Richard (paroisse située à une douzaine de kilomètres à l’est d’Isigny), soit par le nom de son colonel, en l’occurrence le sieur Jallo de Beaumont, seigneur de Beaumont-Hague, « homme riche, de mérite et qui a longtemps servy » : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 400.
100 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, ici Auvers (paroisse située à cinq kilomètres à l’ouest de Carentan), soit par le nom de son colonel, en l’occurrence le seigneur d’Auvers (Auvers étant alors le siège d’une importante seigneurie). Il pourrait s’agir aussi éventuellement d’un régiment de milice garde-côtes ayant pour colonel le capitaine de la capitainerie de Carteret, en l’occurrence « d’Auver » : « État des capitaineries des garde-côtes de Normandie. Nom des capitaines » dans op. cit., p. 71.
101 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné par le nom de son lieu de rattachement, ici la ville portuaire de Saint-Malo, en Bretagne, ou Saint-Malo-de-la-Lande (paroisse située à sept kilomètres à l’ouest de Coutances).
102 Écrit « Manneville » dans le mémoire de 1702 (texte 3) : il pourrait s’agir d’un régiment désigné par le nom de son lieu de rattachement, ici Magneville (paroisse située à six kilomètres au sud-est de Bricquebec) ou Manneville (paroisse située à dix kilomètres à l’est de Caen).
103 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné par le nom de son lieu de rattachement, ici La Ferrière-au-Doyen, La Ferrière-du-Val, ou La Ferrière-Harang. Peut-être s’agit-il de La Ferrière-Harang (paroisse située à dix kilomètres au sud-est de Torigni-sur-Vire) puisque cette importante seigneurie appartenait aux d’Harcourt ou à la famille de Monaco (apparentée aux Matignon) : M. Béziers, op. cit., t. ii, p. 282.
104 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné par le nom de son lieu de rattachement, ici Saint‑Quentin-sur-le-Homme ou Saint-Quentin-d’Elle. Certaines indications disséminées à travers le texte nous amènent à penser qu’il s’agirait de Saint-Quentin-sur-le-Homme (paroisse située à cinq kilomètres au sud d’Avranches), et non de Saint-Quentin-d’Elle (paroisse située à une douzaine de kilomètres au nord-est de Saint-Lô, et fusionnée en 1812 avec Bérigny).
105 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement (La Londe : toponyme rare sinon absent dans la Manche mais au contraire très répandu dans le Calvados [18 occurrences]), soit par le nom de son colonel, ici le marquis de La Londe, François le Cordier, « devenu en 1697 seigneur de Saint-Laurent [-sur-Mer] et Veret (commune réunie à Formigny en 1823), par son mariage avec Marie Voisin » : E. de Laheudrie, Histoire du Bessin, t. ii, Du xviie siècle à la Révolution, Paris, Res Universis, 1991, p. 143.
106 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné par le nom de son lieu de rattachement, en l’occurrence Castilly (paroisse située à sept kilomètres au sud-est d’Isigny).
107 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné par le nom de son lieu de rattachement, ici Maisons (paroisse située à quatre kilomètres au nord-ouest de Bayeux).
108 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, en l’occurrence Loucelles (village situé à mi-chemin de Bayeux et Caen), soit par le nom de son colonel, ici un membre de la famille des de Loucelles, seigneurs de Longueville : E. de Laheudrie, op. cit., p. 141.
109 Écrit « Luc » un peu plus loin. Il pourrait s’agir d’un régiment désigné soit par le nom de son lieu de rattachement, en l’occurrence Luc (paroisse située à une quinzaine de kilomètres au nord de Caen), soit par le nom de son colonel, ici Jean-Antenor Hue, seigneur de Luc, « brigadier des armées du roi sous Louis xiv » : M. Béziers, op. cit., p. 302.
110 Écrit « Venoy » un peu plus loin. Sans doute s’agit-il de Venoix (paroisse proche de Caen).
111 Il pourrait s’agir d’un régiment désigné par le nom de son colonel, en l’occurrence François d’Aigremont, écuyer, de Banneville : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 330. « Monsieur d’Aigremont, écrit A. Legrelle, avait reçu de Monsieur de Matignon la tâche de former au rude métier de la guerre deux compagnies de jeunes gentilshommes levés dans la Généralité de Caen » : A. Legrelle, La Normandie sous la monarchie absolue, Rouen, A. Lestringant, 1903, p. 207.
112 Quinéville, paroisse située sur le littoral de la côte est du Cotentin, à une dizaine de kilomètres au sud de Saint-Vaast-la-Hougue.
113 Une mesure conforme à celle déjà prise en 1694. Voir la lettre adressée depuis Versailles, le 1er décembre 1694, par Louis Phélypeaux, comte de Pontchartrain (1643-1727), contrôleur général des finances et secrétaire d’État de la Marine et de la Maison du roi, à François III d’Harcourt, marquis de Beuvron (1627-1705), lieutenant général de Haute-Normandie : « Sa Majesté m’a ordonné de vous faire savoir qu’elle désire [que la garde de la côte de votre département] se fasse de la même manière que Monsieur le maréchal de Choiseul l’a réglée en Basse-Normandie ; savoir : qu’il y ait un homme en sentinelle dans chacun des clochers qui sont sur le bord de la mer d’où on découvre ce qui s’y passe, et qu’il y ait dans chacun de ces villages trois hommes qui ne feront aucune garde, commandés pour aller au premier signal se faire voir dans les ports avec leurs fusils, afin d’ôter l’envie aux corsaires de mettre pied à terre pour brûler des maisons ou enlever quelques bestiaux, s’ils voulaient l’entreprendre » : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 7.
114 Le corps de garde construit au pied de l’église de La Pernelle jouait un rôle clef dans le dispositif de défense du littoral du clos de Cotentin. C’était en effet depuis ce bâtiment modeste perché sur une colline dominant la baie de Saint-Vaast que l’alarme devait être donnée, que des signaux sonores et visuels devaient être transmis dans toute la presqu’île du Cotentin, depuis La Hougue au nord, jusqu’à Sainte-Marie-du-Mont au sud.
115 Le fort de La Hougue.
116 C’est-à-dire : d’une manière particulière qui signale l’imminence du danger.
117 Sous entendu : du fort de La Hougue.
118 Sous entendu : de l’église de La Pernelle.
119 Abbaye bénédictine Notre-Dame de Montebourg (village situé à six kilomètres au sud-est de Valognes). « Ce bourg [Montebourg] est sur une hauteur, d’où l’on voit la mer, qui n’en est qu’à une lieue et demie » : abbé Expilly, op. cit., t. iv, 1766, p. 825.
120 Ce passage du mémoire peut être rapproché d’un extrait de la lettre adressée depuis Versailles, le 2 mai 1693, par le comte de Pontchartrain à François d’Harcourt : « Il me paraît que l’on pourrait établir sur les côtes du Ponant la même chose qui se pratique dans la Méditerranée, où on avertit d’un lieu à l’autre de ce qui paraît à la mer, par des signaux qui se font par des feux ou par des pavillons. Je crois pour cela qu’il faudrait que d’un lieu à l’autre les habitants eussent ordre, par exemple, de jeter une fusée pour dix vaisseaux, d’en jeter deux pour vingt, trois pour trente. Et comme il ne peut y en avoir au-delà sans que ce soit une armée, quatre suffiraient pour quelque nombre de vaisseaux qu’il y eût ; au défaut de fusée, on pourrait allumer des feux dans le même nombre, et si l’on trouvait de l’embarras ou de l’inconvénient, on pourrait élever autant de fois un pavillon que l’on mettrait sur les clochers des lieux le long de la côte, et si ces lieux étaient trop éloignés, dans les corps-de-garde qui se trouvent entre deux ; par ce moyen, toute la côte pourrait être avertie en très-peu de temps de la vue ou de l’approche des ennemis, et prendre ses mesures…» : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 6.
121 Le procédé n’est pas nouveau. Déjà aux xive et xve siècles, pour alerter les populations côtières de l’approche de l’ennemi, le littoral du Cotentin s’était hérissé de « soniers » (postes dotés de cloches) et de clochers fortifiés, dont nous conservons de très beaux spécimens : églises de Quettehou, Barneville-Carteret, Portbail, Saint-Nicolas-de-Pierrepont, Surville, Saint-Germain-sur-Ay, Créances, Agon, etc. Ces clochers massifs d’allure guerrière, auxquels un parapet mâchicolé en couronnement confère une silhouette tout à fait spécifique, permettaient « l’observation de la mer et du littoral du haut de leur terrasse supérieure, soit de par leur position directement au bord de l’eau, soit par leur situation en retrait mais sur une hauteur (Saint-Germain-d’Ay, Surville ou Barneville), soit simplement par la hauteur de l’édifice à Créances et Saint-Nicolas-de-Pierrepont » : M. Russon, Les côtes guerrières. Mer, guerre et pouvoirs au Moyen Âge. France. Façade océanique (xiiie-xve siècle), Rennes, PUR, 2004, p. 164. Voir aussi : T. Hourlier, « Les fortifications des églises sur le littoral du Cotentin pendant la guerre de Cent Ans », Études et documents de la Société d’archéologie et d’histoire de la Manche, 13 (2000), p. 187-195.
122 C’est-à-dire : les miliciens levés dans les capitaineries se rendent…
123 Procédure que le duc d’Aiguillon, dans ses Instruction et notice historique sur les garde-côtes […] données à Monsieur le Maréchal duc de Richelieu (16 mars 1774), résumera ainsi d’une manière claire : « il fut fait des dispositions pour établir des gardes d’avis dans les lieux d’où l’on pouvait découvrir ce qui se passait à la mer, et au moyen des avis qui étaient donnés de l’apparition des escadres ou flottes ennemies, Messieurs les gouverneurs ou commandants des provinces devaient faire marcher les troupes réglées et les milices de l’intérieur des terres pour venir à la défense du pays menacé » : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 142.
124 Très probablement s’agit-il de la paroisse du Theil située à une dizaine de kilomètres au sud-ouest de Cherbourg.
125 Chapelle de Saint Maur, près de Tourlaville, au sud-est de Cherbourg.
126 Saint-Sauveur-le-Vicomte. Bourg central du Cotentin, situé à 20 km au nord-ouest de Carentan et à 15 km au sud-ouest de Valognes.
127 Régiments de « Maison, Loucelle, Luc, Venoy, Bayeux, La Londe et Caen » : en provenance a priori du Bessin et de la région de Caen.
128 Régiments de « Daigremont, Coutance, la Ferriere, Saint Quentin, et Avranches » : en provenance a priori du Coutançais, de l’Avranchin et du bocage Virois.
129 « Quoique la ville de Carentan ne soit fortifiée que de quelques tours ruinées et d’un vieux château, néanmoins on ne laisse pas que de la regarder comme une place capable d’arrêter les ennemis, qui, ayant fait une descente dans le Cotentin, voudroient pénétrer plus avant dans la province de Normandie, du côté de Bayeux et Caen. Mais la principale et presque l’unique force de cette place, consiste en ce qu’elle est située dans des marais qu’il seroit très difficile de franchir impunément » : abbé Expilly, op. cit., t. ii, 1764, p. 79.
130 Tâchons de résumer ce passage quelque peu confus : le régiment de Castilly (proche d’Isigny) et les régiments venant a priori de l’est (« Maison, Loucelle, Luc, Venoy, Bayeux, La Londe et Caen ») et du sud (« Daigremont, Coutance, la Ferriere, Saint Quentin et Avranches ») se dirigent vers Sainte-Marie-du-Mont. Tous doivent se rendre à Quinéville (sur le littoral, à une dizaine de kilomètres au sud de Saint-Vaast-la-Hougue), que le régiment de Fontenay – qui s’était formé à Sainte-Marie-du-Mont – est le premier à atteindre. Le régiment de Castilly, en provenance de la région d’Isigny, parvient à Quinéville peu après le régiment de Fontenay. Les régiments venant a priori de l’est et du sud arrivent ensuite les uns après les autres en se « poussant ». Leur ordre d’arrivée est fonction de la distance qui les séparait de Quinéville.
131 Grenadier : « un soldat qui a une gibbecière [sic] pleine de grenades qui se jettent à la main. Il y a des compagnies de grenadiers à pied et à cheval. Chaque compagnie des gardes a dix grenadiers, celles des autres régiments en ont cinq » : A. Furetière, Dictionnaire universel, t. ii, La Haye et Rotterdam, 1690, p. 200.
132 Dans le sens usuel de « commencer quelque chose », ou dans celui, plus spécifique, de « commencer à faire fléchir un corps de troupe » (terme de guerre répertorié dans le Dictionnaire de Furetière).
133 Probablement est-il fait allusion dans cette dernière phrase aux régiments territoriaux de milice (la garde provinciale) qui, dans les provinces côtières, sont destinés à appuyer la milice garde-côtes. Voir : G. Girard, op. cit., p. 195-196.
134 C’est-à-dire si les Anglais avaient réussi, par exemple, à débarquer à proximité des Veys (sur l’actuelle plage d’Utah Beach…) et à s’emparer de Carentan, place clef à la charnière du Cotentin et du Bessin… Un « scénario catastrophe » décrit par Vauban en 1686 (Voir : J. Ménant, « Mémoire de Vauban sur les fortifications de Cherbourg (1686) », Mémoires de la Société Nationale Académique de Cherbourg, 1852, p. 26), que redoutait l’intendant Foucault en 1702 (« ils pourroient aisément faire une descente sur nos côtes et se saisir de Carentan, par le moyen de quoi ils seroient maîtres de la presqu’île du Cotentin » : Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 345) et qu’en dépit des précautions prises le long du littoral du Cotentin, l’ingénieur en chef à Cherbourg, Pierre De Caux († 1763), continuait à craindre en 1731 : « l’endroit le plus favorable pour débarquer est entre Le Vay et La Hougue où l’on trouve une grève spacieuse, ferme et unie qui n’est deffendue que par de mauvaises redoutes presqu’effacées [un triste état des lieux confirmé par Louis-Rolland Hue de Caligny (vers 1677-1748), directeur des fortifications de Normandie, dans son rapport d’inspection des côtes de mars 1734 : SHD, GR 1 v, article 4, section 2, § 2, carton 1, n° 42] ; les Anglois n’auroient rien à craindre de ses ouvrages, encore moins des troupes garde côtes, qui ne sont composées que de paysans, peu propres au maniment [sic] des armes, et qui n’ont eu la plupart aucune discipline militaire. N’ayant nul obstacle dans un commencement de guerre, ils pourroient pénétrer jusqu’à Carentan, et s’en étant rendus les maîtres, y retenir les eaux des rivières qui environnent cette place, en séparer le Cotentin d’avec le reste de la Normandie. Deux mille hommes suffiroient à garder ce poste, et pour peu qu’ils y fussent retranchés, une armée formidable ne les en chasseroit qu’avec bien de la peine… » : SHD, GR 1 M 1085, De Caux, Mémoire où l’on connoitra l’avantage des Anglois dans la Manche par la scituation des isles qu’ils habitent…, 27 mai 1731, 35.
135 Montebourg, village situé à six kilomètres au sud-est de Valognes.
136 Montaigu-la-Brisette, paroisse située sur la route reliant Saint-Vaast-la-Hougue à Valognes.
137 Valognes : la ville la plus importante du nord Cotentin après Cherbourg. Elle est située à 20 km au sud-est de Cherbourg et à 17 km au sud-ouest de Saint-Vaast-la-Hougue.
138 À la fin du xviie siècle, « La Fière » était le nom donné à une chaussée passant par la paroisse de Cauquigny (située à mi-chemin de Sainte-Mère-Église et Pont l’Abbé). « Il y a une chaussée ruinée appellée la Fière, pour passer un maresq [sic] qui la sépare [Cauquigny] de Sainte Mèreglise [sic] » : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 337.
139 La chaussée de La Fière.
140 Le Merderet.
141 « Le Homme, dit l’Isle Marie » (ainsi désigné sur la carte de Cassini), forteresse située au milieu des marais, entre Chef-du-Pont et Beuzeville-la-Bastille, à six kilomètres au sud-ouest de Sainte-Mère-Église.
142 Saint-Sauveur-le-Vicomte.
143 A priori, il ne peut s’agir de la chaussée de « La Fière » mentionnée précédemment (que feraient des bateaux sur une chaussée ?). Par ailleurs, aucun affluent de la Douve ne porte ce nom ou un nom approchant. On relève cependant l’existence d’une « rivière de Gloire ». La Fière, La Gloire… Y aurait-il eu confusion entre les deux noms ?
144 Pont-l’Abbé : situé à neuf kilomètres à l’est de Saint-Sauveur-le-Vicomte, ce village occupait un emplacement jadis stratégique : le gué sur la rivière d’Ouve (ou de la Douve). Établi sur la « chaussée ruinée d’antiquité » (d’origine gallo-romaine) reliant Valognes à Coutances, Pont-l’Abbé est aujourd’hui rattaché à Picauville : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 324.
145 En comptant ainsi sur la ligne de défense naturelle que constituaient les marais du bassin de Carentan (aujourd’hui « parc naturel régional des marais du Cotentin et du Bessin »). Dans son Mémoire sur les fortifications de Cherbourg réalisé consécutivement à son inspection des côtes normandes en 1686, Vauban notait : « l’isthme [formé par le Cotentin] se peut prendre depuis Carentan [à l’est de la presqu’île] jusqu’à Créances [à l’ouest de la presqu’île, près de Lessay] par un espace de cinq lieues seulement ; parce que la mer monte jusqu’à Carentan, dont la rivière [la Taute] est si profonde qu’elle porte des bâtiments de mer de 30 à 40 tonneaux, et celle de Créances [l’Ay] a quelques deux lieues et demie de cours dans les terres où la mer remonte à toutes les marées. L’espace entre ces deux rivières est composé de collines, marécages et petits bois taillis, entrecoupés de chemins creux étroits et d’herbages fermés de grosses haies et fossés. D’ailleurs le cours des rivières Douves [l’Ouve ou la Douve] qui portent bateau depuis Saint-Sauveur en bas [vers le sud], et celle de Carentan [la rivière de Taute], et de Plessis [la rivière de Sèves], sont toujours accompagnées de marais extrêmement fangeux quand il a plu, et tout le pays gras est presque impraticable pour les charrois et la cavalerie » : J. Ménant, op. cit., p. 12. « Meilleur canton pour les anguilles », Carentan est aussi, d’après René Toustain de Billy (1643-1709), « un fameux passage pour aller du Cotentin au reste de la province et du royaume ». Un passage, précise ce contemporain de Vauban, « très dangereux en hiver à cause des eaux [qui] inondent tout le chemin et les marais depuis la dernière maison du faubourg qui est vers le nord-ouest, jusqu’au pont d’Ouve, c’est-à-dire trois quarts de lieue : elles ont trois ou quatre pieds de hauteur » : R. Toustain de Billy, Mémoires sur l’histoire du Cotentin : villes de Saint-Lô et de Carentan, Bruxelles, Éditions culture et civilisation, 1976, p. 158 et 160 [1re édition : 1864]. Ainsi, toute circulation cessait-elle aux environs de Carentan durant un tiers de l’année au minimum. « Seuls les animaux bâtés pouvaient s’arracher à cette boue gluante d’argiles détrempées. Les charrettes n’étaient le plus souvent tirées que par des bœufs, seul animal de trait capable de fournir cet effort continu. Le cheval, au pas plus rapide, s’enlise en s’énervant » : M. Duval, « L’élection de Carentan du milieu du xviie au milieu du xviiie », À travers la Normandie des xviie et xviiie siècles, Cahier des Annales de Normandie, n° 3, Caen, 1963, p. 185.
146 A priori, la mesure visait non seulement à mettre à l’abri la population locale, mais à priver l’armée ennemie des subsistances indispensables à son maintien. C’est ce que suggère ce passage du Mémoire sur les fortifications de Cherbourg rédigé par Vauban en 1686 : « s’il [l’ennemi] le faisoit [débarquait dans le Cotentin], il en tireroit peu d’avantage, quand même il mettroit pied à terre, parce que si l’on avoit la précaution de faire retirer tout ce qu’il y a de meilleur dans le dedans du pays, avec les bestiaux, n’y trouvant pas de quoi subsister, et les mauvais temps pouvant contraindre les navires à s’éloigner, il seroit obligé de se rembarquer assez vite, ou de s’exposer à mourir de faim, ou du moins à manquer de toutes choses » : J. Ménant, op. cit., p. 27.
147 Ce mémoire peut être mis en rapport avec quelques-unes des 232 pièces du volume SHD, GR A1 1610 (mesures prises ou proposées pour la défense des côtes de Normandie en 1702) et des 424 pièces du volume A1 1704 (mesures prises ou proposées pour la défense des côtes de Normandie en 1703), ainsi qu’avec les f° 99-100 du volume A1 1616 (« Mémoire pour le service de la noblesse et des troupes d’infanterie formées dans l’étendue de la charge de Monsieur de Matignon pour la campagne de 1703 »).
148 Errements : dispositions.
149 Aunis : ancienne province bornée au nord par le Poitou, à l’est et au sud par la Saintonge, et à l’ouest par l’océan Atlantique.
150 Saintonge : ancienne province située entre la Guyenne, l’océan Atlantique, l’Aunis, le Poitou, l’Angoumois et le Périgord.
151 En cette année 1702, les provinces maritimes sont toutes sur le qui-vive ; la phobie du complot des Protestants régnicoles est réactivée. Une phrase de notre texte à mettre en relation avec un extrait du mémoire adressé depuis Marly, le 9 juillet 1702, par Jean-Baptiste Colbert, marquis de Torcy (1665-1746), secrétaire d’État des Affaires étrangères (1696-1715), à François d’Harcourt : « On [l’ennemi] doit faire descente en deux endroits en France, l’une à Cherbourg en Normandie, et l’autre dans l’île de Noirmoutiers en Bas-Poitou, parce que, de toutes les côtes, c’est celle que les Anglais et Hollandais ont jugé la plus commode pour mettre leurs canons et leur artillerie à terre, parce que cette île étant environnée d’eau lorsque la marée monte, ils sont à couvert de toutes insultes, n’y ayant qu’un couvent qui ne peut pas leur résister, et que, quand la mer se retire, elle laisse un libre passage aux troupes pour entrer en terre ferme, auxquels les huguenots de Poitou, de Saintonge, du pays d’Aunis et de la Rochelle se doivent joindre avec beaucoup de faux catholiques et de véritables, qui sont du complot. Les huguenots connus n’ont point d’armes, à la vérité, mais ils les ont données à garder aux catholiques qui sont de leurs amis, et qui les leur doivent rendre dans l’occasion. Si l’on remonte dans le Poitou avant dans les terres, environ trente lieues, on trouvera un magasin d’armes et de munitions de guerre dans les deux châteaux de la Fosselière et de la Seminière, dont la dame demeure toujours à Paris pour mieux jouer le jeu et pour ôter tout soupçon… Entre Coutances et Saint-Lô, chez le marquis ou sieur de Sisery, il faudra y faire chercher et on y trouvera un gros magasin de toutes sortes d’armes et de munitions ; il faut faire examiner les écuries des seigneurs et particuliers de la Basse-Normandie, du Poitou, de l’Aunis, de Saintonge et de la Rochelle, et on trouvera que celui qui ne doit avoir qu’un cheval ou deux, en a le triple… » : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 11-12.
152 François III d’Harcourt, marquis de Beuvron (1627-1705), gouverneur du Vieux-Palais de Rouen, lieutenant général au gouvernement de Haute-Normandie. Fils de François d’Harcourt (1598-1658) et de Renée d’Espinay de Saint-Luc († 1639). « Allié de la maison de Matignon et de Thorigny, […] et par là allié de la maison de Longueville », François III d’Harcourt « a crédit parmy la noblesse et les peuples de la Haute et Basse-Normandie » : Voysin de la Noiraye, op. cit., p. 66. Nommé lieutenant général de Haute-Normandie le 12 juillet 1651, il obtient la survivance de sa lieutenance pour son fils Henri (1654-1718), par lettres patentes en date du 10 mai 1678. Voir : Père Anselme, op. cit., t. v, Paris, 1730, p. 152-153, et J. Yver, Le gouvernement de Normandie du xve siècle à la Révolution. i – Le cadre et les titulaires, s.l., s.n., 1943, p. 39.
153 « Monsieur le marquis de Beuvron de la maison d’Harcourt est lieutenant général de la Haute Normandie, et commande aux quatre bailliages de Rouen, de Caux, Gizors [sic] et Évreux ; Monsieur de Matignon commande dans les trois autres de Caen, de Cotentin et d’Alençon. […] Chacun commande dans toute la province en l’absence de l’autre » : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 129‑131. De fait, ce fut un édit du mois d’août 1692 qui fixa à deux le nombre de lieutenants généraux dans le gouvernement de Normandie : un lieutenant général en Haute-Normandie (Maison d’Harcourt, branche des Harcourt-Beuvron) et un lieutenant général en Basse-Normandie (famille de Matignon) : J. Yver, op. cit., p. 39. On doit garder à l’esprit qu’il existait, en droit tout au moins, un gouverneur de toute la Normandie (Haute et Basse) : ainsi Charles de Sainte-Maure, duc de Montausier, et Charles-François-Frédéric Ier de Montmorency, duc de Piney-Luxembourg, furent-il les premiers chefs militaires de la province, respectivement de 1663 au 17 mai 1690 et du 9 mai 1691 à 1718 : M. Veyrat, « Les gouverneurs de Normandie du xve siècle à la Révolution », Études normandes (4e trimestre 1953), p. 557-558, note 27.
154 Il s’agit sans doute de Monsieur « Ferrand d’Escossay », auquel il est fait allusion en 1701 dans le cadre de l’armement du port de Dieppe (Voir : SHD, GR A1 1524) et en 1702 (Voir : SHD, GR A1 1610).
155 Voir à ce propos la lettre adressée depuis Versailles, le 31 mai 1702, par le comte de Pontchartrain, secrétaire d’État de la Marine, à François d’Harcourt : « J’ai prié Monsieur Chamillart de pourvoir à la poudre qui pourrait manquer aux batteries de Dieppe ; en cas d’occasions cependant, si celle que j’ai mandée aux traitants arrive assez à temps, le sieur de Silly y en fera passer…» : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 9. Dieppe, principal port de course haut-normand, fit l’objet de soins particuliers, car on craignait que les Anglo-Hollandais ne l’attaquassent, comme ils l’avaient déjà fait durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg. En effet, Dieppe, ville portuaire aux maisons de bois, avait été détruite à 90% le 22 juillet 1694 par une « grande bombarderie » de la flotte coalisée. Voir : J. Darsel, « Le port de Dieppe et la guerre de course (fin du xviie-xviiie siècle) », BSAN, 56 (1961-1962), p. 691-710.
156 Guerre de la Ligue d’Augsbourg (1689-1697).
157 Ce passage du mémoire est à mettre en relation avec la lettre adressée depuis Versailles, en décembre 1701, par le comte de Pontchartrain à François d’Harcourt : « Le peu de service que le roi a tiré des milices garde-côtes pendant la dernière guerre, a engagé Sa Majesté à rendre le règlement [règlement sur le service des milices de garde-côtes, Versailles, 23 novembre 1701] dont je vous envoie copie pour mettre le service de ces milices sur un meilleur pied et les rendre capables d’être utiles au royaume si la guerre se déclare. J’en envoie, par ordre de Sa Majesté, aux capitaines garde-côtes et aux officiers de l’amirauté, afin que les uns et les autres s’y conforment pour ce qui les regarde, et vous aurez agréable de leur donner les ordres que vous estimerez nécessaires pour l’exécution de ce qui y est contenu…» : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 7-8. Plus nuancé, l’intendant de la généralité de Caen, Foucault, écrit, le 18 février 1702 : « j’ai fait part à Monsieur de Chamillart [le secrétaire d’État de la Guerre] de l’avis que j’ai eu que les Anglois et les Hollandois armoient et seroient en état dans peu de temps de mettre soixante vaisseaux en mer ; qu’ils pourroient aisément faire une descente sur nos côtes et se saisir de Carentan, par le moyen de quoi ils seroient maîtres de la presqu’île du Cotentin ; que la noblesse et les milices du pays n’étoient pas en état de s’opposer à une descente, mais qu’un régiment de cavalerie, un de dragons et un d’infanterie pourroient les ameuter et faire croire aux ennemis qu’il y auroit sur nos côtes un plus grand nombre de troupes réglées » : Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 345-346.
158 Allusion à la couardise dont auraient fait preuve les miliciens au cours de la bataille de La Hougue et du « brûlement » des vaisseaux français (31 mai-2 juin 1692). On ne se lasse pas en haut lieu de rejeter la responsabilité de ses échecs sur ces soldats improvisés qui, privés du droit de réponse, ont toujours bon dos. Il faut lire les Mémoires de l’intendant Foucault pour découvrir les coulisses de la défaite de La Hougue et s’apercevoir que l’incompétence n’était pas le lot des seuls miliciens garde-côtes : « Personne ne donna ordre à rien, et ce fut une confusion à faire pitié et qui jeta l’épouvante parmi nos soldats, qui à peine vouloient tirer derrière les parapets de la Hougue et de l’île de Tatihou, et tiroient à deux portées de mousquet sur les ennemis, qui crioient « Vive le roi » [Guillaume d’Orange][…]. Tout cela se passa à la vue du roi d’Angleterre [Jacques II] et de Monsieur le maréchal de Bellefonds [Bernardin Gigault, marquis de Bellefonds (1630-1694), maréchal de France], qui y assistèrent comme à un feu d’artifice pour une conquête du roi, et il n’y a personne qui n’ait vu leur indolence avec indignation. […] Monsieur de Bonrepaux [François d’Usson, marquis de Bonrepaus (v. 1650-1719), créature de Colbert, intime de Seignelay, protégé du marquis de Croissy et ennemi de Louvois et des Pontchartrain père et fils] a demeuré dans sa chambre pendant tout ce désordre, dans une fort grande quiétude. Les marins, petits et grands, ne le ménagent pas et le publient très incapable du métier qu’il fait. […] En vérité, le roi est bien à plaindre d’avoir été si mal servi. […] Je ne sais si le roi sera informé sans déguisement de tout ce qui s’est passé, mais je souhaiterois, pour l’amour que j’ai pour sa personne et l’attachement que j’ai à ses intérêts, qu’il en fût bien informé » : Rapport de l’intendant Foucault au secrétaire d’État de la Marine Pontchartrain (7 juin 1692), Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 291-292. Le secrétaire général de la Marine et historiographe de Louis xiv, Jean-Baptiste de Valincour, eut ce bon mot : « la bataille de La Hougue sera un monument éternel du danger qu’il y a de confier les affaires de la guerre à des gens qui n’y entendent rien » (cité par A. de Boislisle, Monsieur de Bonrepaus, la marine et le désastre de La Hougue, Renouard, 1877, p. 15). Voir aussi : J.-P. Cénat, Le roi stratège. Louis xiv et la direction de la guerre, 1661-1715, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 201-205.
159 En fonction de la date de cette « représentation » de Matignon à Pontchartrain à laquelle le mémoire fait allusion, il peut s’agir ou de Jérôme Phélypeaux, comte de Pontchartrain (1674-1747), secrétaire d’État de la Marine (1699-1715), ou de son père, Louis Phélypeaux, comte de Pontchartrain (1643-1727), contrôleur général des finances (1689-1699), secrétaire d’État de la Marine et de la Maison du roi (1690-1699), chancelier de France (5 sept. 1699). Probablement s’agit-il de Pontchartrain fils.
160 « En l’année 1701, lorsque la guerre pour la couronne d’Espagne commença, le roy fit donner des commissions pour lever soixante et douze compagnies de dragons, dont il forma six régimens qu’il donna à des mestres de camp réformez. En l’année 1702, le roy permit à plusieurs officiers de lever des régimens de dragons à leur dépens ; & il y en eut dix de levez. Ainsi au mois de may 1704, Sa Majesté eut trente régimens de dragons sur pied de douze compagnies chacun, & de trente-cinq maîtres par chaque compagnie » : Père Daniel, op. cit., t. 2, p. 504.
161 C’est-à-dire sur les côtes de la généralité de Rouen dont les limites géographiques sont : la Touques à l’ouest (la ville de Touques est située à l’embouchure de la Touques), et la Bresles à l’est (Le Tréport, avant-port de la ville d’Eu, est situé sur l’embouchure de la Bresles) : que le lieutenant général de Basse-Normandie, Jacques de Matignon, ait conseillé au secrétaire d’État de la Marine de faire envoyer un régiment de dragons sur les côtes de Haute-Normandie paraît assez curieux… Même si l’initiative n’est pas fondamentalement illogique (car les lieutenants de Haute et Basse Normandie interagissaient). L’auteur du mémoire n’aurait-il pas confondu Matignon (Basse-Normandie) avec Beuvron (Haute-Normandie) ?
162 Des dragons furent également envoyés dans le Cotentin, comme en témoigne le « bourgeois de Caen » dans son journal : « il a passé [à Caen] un régiment d’environ 450 dragons, le … may 1702, pour aller à La Hogue », et un peu plus loin : « le régiment de dragons est revenu le 19 novembre 1702 et il a fait séjour » : « Journal d’un bourgeois de Caen » dans G. Vanel, op. cit., p. 46.
163 Dès le xvie siècle, on fit en effet appel à ces fantassins montés combattant « tantôt à pied tantôt à cheval » lorsqu’il était nécessaire d’ « occuper promptement un poste où l’infanterie ne pouvoit se transporter assez tôt » : Père G. Daniel, op. cit., t. 2, p. 512.
164 C’était, de la part de l’auteur, ne compter pour rien la présence, sur ces mêmes côtes, des milices bourgeoises convoquées au début de l’année 1702 : « Remarques de Jacques Le Marchant, conseiller garde scel au bailliage et siège présidial de Caen (1674-1738) », Bulletin de la Société des Antiquaires de Normandie, t. xxvi, p. 23 : « aujourd’huy [janvier-février 1702], la milice bourgeoise, c’est-à-dire les miliciens que les bourgeois ont esté obligés de fournir par chaque mestier, dans toute la généralité de Caen, est partye pour Le Havre de Grâce et autres lieux ».
165 Mention du « comte de Moncault » en 1702 : SHD, GR A1 1610, « Mémoire – par Monsieur de Moncault – sur la manière de faire des levées », pièce 160. Appelé « Montcault » par l’intendant Foucault : « Toute l’année 1703 s’est passée en Basse Normandie à lever des milices et à les équiper. Monsieur de Montcault a été chargé de les dresser, et y a très bien réussi » ; « Monsieur de Montcault a fait imprimer à Caen [en 1703] un règlement pour l’infanterie de Basse Normandie, qui regarde les évolutions et la discipline des régimens » (SHD, GR A1 1610 : « Règlement pour former et discipliner les régiments de milices »). Voir : Mémoires de Nicolas-Joseph Foucault, op. cit., p. 352 et 354. Très certainement s’agit-il de Louis de Fabry, comte de Moncault (1637-1717), qui fut employé « en Normandie, par lettres du 29 mars 1702 ». « Maréchal de camp, par brevet du 23 décembre [1702], il continua d’être employé en Normandie. Lieutenant général des armées du roi, par pouvoir du 26 octobre, il servit en Normandie jusqu’à la paix » : M. Pinart : op. cit., t. iv, 1761, p. 603.
166 Carentan.
167 Le vicomte de Valognes, Pierre Mangon, en témoigne dans ses Mémoires : « en 1702, Monsieur de Matignon vint commander sur la coste avec quelques officiers généraux. Son quartier à Montbourg [sic]. Le régiment Dragons S. Hermine aux environs ; les régiments de plat pays, Montaigu et d’Aigremont, aux environs de La Hogue, avec quantité de noblesse, bourgeoisie des villes et milices de toute la Basse Normandie, crainte de descente des ennemis. Monsieur de Levy restant pour la marine ; et le sieur de Montigny, ingénieur, logé dans ma ferme. Les mousquetaires, c’est-à-dire la moitié des deux compagnies, sous le commandement de Messieurs d’Artagnan et de Rigauville, vinrent en quartier à Vallognes le 26 juillet, et en partirent le 17 [le mois a été omis par Mangon], les gris et les noirs le 19. Le roy fist une compagnie de cadets gentilshommes » : Les mémoires de Pierre Mangon, op. cit., p. 30. À propos de la mobilisation en Basse-Normandie pour la campagne de 1702, Jacques Le Marchant et le « bourgeois de Caen » donnent tous les deux quelques renseignements précieux qui nous permettent de préciser la chronologie de l’événement : « le 8 juillet 1702, la noblesse de la généralité de Caen est partie pour aller à La Hougue, pour empescher la descente que pourroient faire les Anglois ou Hollandois. La noblesse d’Alençon y est et d’autres troupes, tant milices que troupes réglées ». « Il a passé [par Caen] une compagnie de gentilshommes des environs de Caen, pour aller à La Hogue » [juillet 1702]. « Il a passé une compagnie de gentilshommes des environs de Fallaize, pour aller à La Hogue » [19 ? juillet 1702]. « Aujourd’huy, 20 juillet 1702, un détachement de 300 bourgeois de Caen est parti pour aller à La Hougue, pour le mesme sujet que les mousquetaires et autres troupes ». « Le 20 [juillet 1702], il est venu 200 mousquetaires de la maison du roy, pour aller à La Hogue ». « Le 24 juillet [1702], sont partys de Caen, les miliciens, fils de bourgeois de Caen, conduits par les capitaines qui avoient esté obligez de lever leurs offices et par leurs lieutenants, pour aller à la Hogue et sont revenus le 7 aout ensuyvant ». « Depuis trois mois [depuis mai 1702], il part, tous les 15 jours, des compagnies de destachements des parroisses de la campagne, commandées par des gentilshommes, lesquels seront relevés les uns les autres, et ce pour le même sujet que cy-dessus ». « Il a passé quatre compagnies de miliciens composés de 200 hommes, que l’on a levées sur les villages des environs de Caen, qui ont couché chez les bourgeois et ont esté à La Hogue pour relever ceux qui y estoient depuis l’an ; c’estoit le 26 de juillet 1702 ». Voir : « Remarques de Jacques Le Marchant », op. cit., t. xxvi, p. 25, et « Journal d’un bourgeois de Caen », op. cit., p. 45-46.
168 Sans doute faut-il comprendre que ces régiments étaient formés de compagnies détachées de milice garde-côtes (et non pas, comme l’écrit l’auteur, à partir de détachements des compagnies de milice garde-côtes), lesquelles compagnies étaient composées de miliciens garde-côtes tirés du rang du « guet de la mer ». C’est en tout cas à la lumière des trois notes qui font suite à la présente que nous avons interprété cette phrase équivoque du mémoire.
169 Cette disposition est celle qu’avait approuvée le roi au mois de juillet 1702, comme en témoigne la lettre adressée depuis Versailles, le 23 juillet 1702, par le comte de Pontchartrain à François d’Harcourt : « J’ai […] rendu compte à Sa Majesté de la proposition que fait Monsieur d’Ingulville [Nicolas de Lesdo de la Rivierre d’Ingulville, nommé inspecteur général de l’infanterie pour la Normandie par commission du 15 juin 1702], de former dans des capitaineries des compagnies franches [ou détachées] des habitants le mieux en état de servir, avec des capitaines à leur tête, capables de les conduire et leur apprendre ce qu’elles doivent savoir pour servir utilement. Sa Majesté a approuvé cette proposition. Son intention est qu’on en fasse dans chaque capitainerie, autant que la qualité des habitants dont elles sont composées le pourra permettre, et dans le besoin on pourra en former des bataillons qui seront sous le commandement des capitaines garde-côtes » : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 12-13.
170 Préfiguration du projet d’édit relatif à la restructuration des capitaineries mentionné par le comte de Pontchartrain, dans la lettre qu’il adresse, depuis Versailles, le 3 novembre 1704, à François d’Harcourt : « Le roi ayant dessein de donner au service de la garde des côtes de son royaume toute la perfection qu’il peut avoir, Sa Majesté a résolu de composer, à l’avenir, chaque capitainerie d’environ mille hommes portant les armes, non pas de toute sorte de gens sujets à la garde des côtes, mais de ceux qui ont été choisis et détachés, pour composer les compagnies qui ont été formées dans chaque département, et de donner à ceux que Sa Majesté choisira pour les commander, le titre de capitaine général, avec pouvoir de commander tous les colonels, au lieu de celui de capitaine garde-côte… » : C. Hippeau, op. cit., p. 17-18.
171 Les officiers subalternes sont chargés de l’encadrement des compagnies détachées. Ils ont pour supérieurs hiérarchiques les officiers qui dirigent les régiments de milice garde-côtes (colonel, lieutenant-colonel, major).
172 Jacques de Matignon et Monsieur de Montcault œuvraient ainsi à la mise sur pied d’une organisation plus performante que le guet de la mer : la milice garde-côtes. Un service dont les modalités de fonctionnement seront fixées dans leurs grandes lignes par le règlement du 28 janvier 1716. Synthèse des règlements relatifs à la milice garde-côtes de décembre 1701, février 1705, juillet 1707, septembre 1709 et avril 1713 (Voir : abbé Expilly, op. cit., t. ii, 1764, p. 72), et base de toutes les ordonnances qui seront rendues par la suite sur le sujet (comme par exemple celle, en date du 15 mars 1748, concernant les bataillons de campagne tirés des milices garde-côtes de Normandie), le règlement « pour le service de la garde-côte » de 1716 comporte les principales innovations suivantes : 1. l’assujettissement au guet et garde de la mer de paroisses de l’arrière-pays jusqu’ici théoriquement non astreintes à ce service : à savoir « toutes les paroisses situées sur le bord de la mer, ou à la distance de deux lieues [≈ 8 km] dans les terres » (titre v, art. 1) ; 2. la distinction, au sein des « paroisses sujettes au guet et garde », entre les hommes simplement destinés au service du guet et garde de la côte (compagnies des paroisses destinées au guet, encore appelées compagnies du guet, commandées par des capitaines) et ceux – les hommes les plus valides âgés de 18 à 45 ans – tirés au sort pour être incorporés dans des compagnies détachées [ou franches] de milice garde-côtes qui, placées sous le commandement des capitaines des compagnies détachées, ont pour rôle de s’opposer aux tentatives de descentes de l’ennemi sur les côtes (du fait de leur incorporation dans les compagnies détachées, ces miliciens garde-côtes tirés du rang du guet de la mer se voient exemptés du service du « guet et garde ordinaire sur la côte » : titre v, art. 2) ; 3. l’extension du service du guet et garde de la côte à tous les hommes des paroisses non incorporés – hormis les gens de mer (les « enclassés »), les hommes mariés ou physiquement inaptes, et certains roturiers privilégiés – âgés de 18 à 60 ans (titre ii, art. 2) ; 4. l’obligation pour le capitaine garde-côtes (capitaine général) de faire non plus une mais deux revues annuelles en temps de paix (en mai et novembre) « tant des compagnies détachées, que de tous les hommes des paroisses qui composent sa capitainerie » (titre ix, art. 4), et, en temps de guerre, d’en faire une troisième, à l’ouverture de la campagne (titre viii, art. 6,7,8) : Recueil des édits, déclarations, etc. registrés en la Cour du Parlement de Normandie, depuis l’année 1712, jusqu’en 1718, Rouen, 1774, p. 497-509. À la question : durant les guerres auxquelles la France prit part au xviiie siècle (guerre de Succession d’Espagne, de Succession de Pologne, de Succession d’Autriche, de Sept Ans), la milice garde-côtes remplit-elle en définitive le rôle que les autorités souhaitaient lui voir jouer ?, l’historien T. Chardon croit pouvoir répondre que ces « forces supplétives relativement bien encadrées […] ont surtout permis aux troupes réglées de porter l’essentiel de l’effort de guerre sur le continent, où, paradoxalement, la France avait assez peu d’intérêts » : T. Chardon, op. cit., p. 378.
173 S’agirait-il de « Monsieur Duvivier, commandant au Havre » dont il est question dans le paragraphe suivant, ou de ce « sieur du Vivier » possédant un fief à La Pernelle ? : « Mémoire sur la généralité de Caen par Nicolas-Joseph Foucault », op. cit., p. 355.
174 Officiers retraités les plus « valides » détachés de l’Hôtel des Invalides.
175 Trompettes de l’Hôtel des Invalides. Ce n’est qu’en 1731 qu’est établie dans l’Hôtel des Invalides une école de trompette « où l’on instruit les cavaliers destinés à être trompettes ou timbaliers dans les régiments de cavalerie et la maison du roi » : abbé Expilly, op. cit., t. iii, 1764, p. 265.
176 Voir à ce propos la lettre adressée depuis Versailles, le 31 mai 1702, par le comte de Pontchartrain à François d’Harcourt : « Comme toutes les apparences sont que l’armée navale qui est à l’île de Wight prendra la route de l’ouest, le roi a jugé à propos de faire porter des frégates d’avis sur cette route. Cependant j’écris au sieur Chauvel d’envoyer une de ces chaloupes à la découverte, et elle pourra servir en même temps à vous avertir de l’approche des ennemis, s’ils venaient du côté de Dieppe… » : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 8.
177 « Vaisseau de nouvelle invention, qui est très fort de bois, à platte varangue, qui n’a que des coursives [sic], sans ponts, et qui sert à porter des mortiers que l’on met en batterie sur un faux tillac que l’on fait à fond de cale. On l’appelle galiotte à bombes » : « Galiotte » dans A. Furetière, Dictionnaire universel, t. ii, La Haye, 1727, « galiotte ».
178 13 juin 1702 : « La flotte hollandoise a joint à l’île de Wight celle d’Angleterre, qu’on croit qui n’est pas encore prête » : Journal du marquis de Dangeau, publié par M. Feuillet de Conches, t. viii, 1701-1702, Paris, Firmin Didot, 1856, p. 433.
179 24 juin 1702 : « elle [la flotte anglo-hollandaise] est toujours à l’île de Wight » ; 7 juillet : « on a nouvelle que la flotte ennemie étoit encore le 4 à l’île de Wight, mais qu’elle étoit toute prête à mettre à la voile » ; 12 juillet : « on a des nouvelles de la flotte ennemie ; toutes les troupes sont embarquées, mais elles n’étoient pas encore à la voile le 7 » ; 17 juillet : « on a nouvelle que la flotte des ennemis est prête à se mettre à la voile et qu’on croyoit qu’elle partiroit le lendemain de l’île de Wight » ; 21 juillet : « [la flotte ennemie] est encore à la rade de Torbay, et le vent continue à être contraire » ; 27 juillet : « de la flotte ennemie qui est à Torbay il y a eu quelques vaisseaux détachés […] qu’on croit qui sont hors de la Manche » ; 6 août : « quoique le vent ait été favorable depuis le commencement de ce mois à la grande flotte des ennemis pour sortir de la Manche, on a eu avis qu’elle étoit encore le 4 au matin à Torbay » : Journal du marquis de Dangeau, op. cit., p. 442, 451, 454, 457, 459, 462 et 472.
180 La composition de cette armée navale est évoquée par Dangeau dans son journal, à la date du 7 juillet 1702 : « il y a dessus cette flotte seize mille hommes de troupes de débarquement, savoir dix mille Anglois, cinq mille Hollandois et mille volontaires » : Journal du marquis de Dangeau, op. cit., p. 451. Le 19 juillet, Dangeau précise qu’en dépit d’une menace d’attaque française du littoral hollandais la flotte ennemie ne se dispersa point : « on croit que Monsieur de Pointis [Jean-Bernard-Louis Desjean, baron de Pointis, chef d’escadre] avoit dessein, avec les neuf vaisseaux qu’il a à Dunkerque et les six galères que le chevalier de la Pailletrie a amenées d’Ostende, d’aller sur les côtes de Zélande et tâcher d’y rompre quelques digues. Les Hollandois, qui ne craignent rien tant que cela et avec grande raison, ont envoyé vingt-sept vaisseaux à la hauteur de Dunkerque pour empêcher Pointis d’en sortir ; ces vaisseaux-là ne sont pas du nombre de ceux qui doivent agir avec la flotte d’Angleterre » : ibid., p. 458.
181 Duvivier : lieutenant de roi au Havre (gouverneur de la place du Havre). Voir la lettre de Michel Chamillart à François d’Harcourt (Versailles, 28 juin 1702) : « Monsieur, vous verrez par l’extrait ci-joint de la lettre que j’écris à Monsieur Duvivier, lieutenant du roi au Havre, ce que je lui mande des intentions de Sa Majesté, en cas que les ennemis fissent quelque mouvement qui donnât lieu d’appréhender une descente dans la partie de la Normandie qui est du gouvernement du Havre [nota : le « gouvernement général du Havre et citadelle et lieux dépendants » était indépendant de celui de Normandie depuis 1665] ; c’est une précaution que j’ai cru devoir prendre d’avance avec ledit sieur Duvivier, afin qu’il n’arrive point d’incident, en cas que le service du roi vous oblige à lui donner des ordres pour se défendre contre l’entreprise des ennemis » : ibid., p. 10-11.
182 « Batteries de la marine » : canons appartenant à la marine. Un passage à mettre en relation avec la lettre adressée depuis Versailles, le 31 mai 1702, par le comte de Pontchartrain à François d’Harcourt : « Sa Majesté a été bien aise de voir que vous soyez satisfait des batteries de la marine, et j’espère que vous le serez encore davantage des officiers qui y doivent servir, s’il y a lieu de les employer. À l’égard des bombardiers que vous demandez, il y a longtemps que j’ai donné ordre à Brest qu’on vous les envoyât, et je suis surpris qu’ils ne soient pas encore arrivés ; cependant j’écris au sieur Silly au Havre de vous envoyer, en cas de besoin, tout ce qu’il y a en ce port d’officiers et de gens entendus à ce service. Si les ennemis paraissent devant Dieppe, ayez agréable de lui envoyer un exprès, afin qu’il y satisfasse ; il vous enverra cependant ce qu’il pourra de gens entendus au maniement des mortiers…» : ibid., p. 8.
183 Comme Dieppe, mais de manière moins dramatique, le port du Havre avait été bombardé par la flotte anglo-hollandaise en juillet 1694 (25-28 juillet). C’est pourquoi des mesures sont prises en 1702 pour assurer sa défense en cas de nouvelle attaque. Voir : Jean Laignel, Antiquitez du Havre de Grâce. Une histoire inédite écrite en 1711, texte établi, présenté et commenté par H. Chabannes et D. Rouet, Mont-Saint-Aignan, Publications des universités de Rouen et du Havre, 2010, p. 178-187.
184 Disposition Matignon (texte 2) : « le jusant ».
185 Disposition Matignon : « leurs marées ».
186 Disposition Matignon : « compagnies ».
187 Disposition Matignon : « Vucqueville ».
188 Disposition Matignon : « au Penesme ».
189 Disposition Matignon : « de Fontenet ».
190 Disposition Matignon : « de Lonconay ».
191 Disposition Matignon : « de Brevant ».
192 Disposition Matignon : « garde coste de Catilly ».
193 Disposition Matignon : « le corps de l’armée – composée [de] ses postes garnies [sic] de dix neuf régimens […] – sera à Quinéville ». Le copiste (comme nous aujourd’hui du reste…) n’a pas su comment interpréter cette phrase particulièrement mal tournée de la Disposition.
194 Disposition Matignon : « Muneville ».
195 Disposition Matignon : « Loucelle ».
196 Disposition Matignon : « Duvesnoy ».
197 Disposition Matignon : « Viré ».
198 Disposition Matignon : « Daygremont ».
199 Disposition Matignon : « Quineville ». Voilà un bon exemple de problème d’interprétation généré par une erreur de transcription. « Sera à Quinéville » (texte 2) est ici devenu « seraient à Quenville » : une légère variation due sans doute à une simple erreur de déchiffrage du texte originel, mais le fait est qu’en dépit du glissement habile du futur de l’indicatif au conditionnel opéré par le copiste, le village de Canville existe bel et bien et qu’il est situé sur la côte ouest du Cotentin, tandis que Quinéville se trouve sur la côte est.
200 Disposition Matignon : « avec un corps ».
201 Disposition Matignon : « ou ».
202 Disposition Matignon : « vas ».
203 Disposition Matignon : « un nombre de troupes suffisantes ».
204 Disposition Matignon : « postes ». Encore un exemple de lapsus calami aux fâcheuses conséquences. La phrase correspondante dans la Disposition (deuxième texte) est en effet la suivante : « on prend les mesures nécessaires pour avoir depuis la découverte de l’armée ennemie un tems assez considérable pour avoir d’abord un nombre de troupes suffisantes pour soutenir les postes et donner le tems à l’armée de se former [nous soulignons] ». S’agit-il en définitive de soutenir les « postes » ou les « ports » ? Car si les ports sont bien des postes en l’occurrence (c’est-à-dire des places occupées en vue d’une opération militaire), en revanche les postes ne se résument pas simplement aux ports… ou comment l’interversion de deux consones et l’omission d’une voyelle peuvent avoir des conséquences majeures sur l’organisation de la défense côtière !
205 Disposition Matignon : « ou ».
206 Disposition Matignon : « s’il n’y a ».
207 Disposition Matignon : « il n’y a qu’un lieu ».
208 Disposition Matignon : « suffisantes ».
209 Disposition Matignon : « tout le pays ».
210 Disposition Matignon : « dont on est convenu ».
211 Disposition Matignon : « ou ».
212 Disposition Matignon : « d’un bout du pays à l’autre ».
213 Disposition Matignon : « signeaux ».
214 Disposition Matignon : « et ».
215 Disposition Matignon : « ainsy ».
216 Disposition Matignon : « Fontenet ».
217 Disposition Matignon : « Ruqueville ».
218 Disposition Matignon : « où ils reçoivent ».
219 Disposition Matignon : « soit ».
220 Disposition Matignon : « ou ».
221 Disposition Matignon : « de ses régimens où ils n’y ayent à la teste ».
222 Disposition Matignon : « qui sont estimés et ont du service ».
223 Disposition Matignon : « il s’est tiré ».
224 Disposition Matignon : « je ne scay si ».
225 Disposition Matignon : « cette armée que nous avons indépendamment prest de ».
226 Disposition Matignon : « vivement dans sa ».
227 Disposition Matignon : « et sur celuy ».
228 Disposition Matignon : « Laffierre ».
229 Disposition Matignon : « rétirer ».
230 Disposition Matignon : « de Pontlabbé ».
231 Disposition Matignon : « on laisse toujours ».
232 Disposition Matignon : « ce que ».
233 Disposition Matignon : « lequel Pont Douve ».
234 Île de Wight.
235 Sous entendu : atteindre le port de Torbay (Devonshire) pour, de là, rallier éventuellement les îles anglo-normandes et attaquer la côte ouest du Cotentin. Dangeau, dans son journal, indique que la flotte ennemie quitta l’île de Wight peu après le 17 juillet et qu’elle se trouvait « à la rade de Torbay » le 21 : Journal du marquis de Dangeau, op. cit., p. 457 et 459.
236 Benjamin de Combes (ou Des Combes) : ingénieur militaire né en 1649 et mort à Caen le 13 juillet 1710, à l’âge de 61 ans. Issu d’une famille d’officiers de marine dont on ignore l’origine provinciale, Benjamin de Combes a la chance, grâce à l’appui de son père, de pouvoir faire son apprentissage avec l’amiral hollandais Ruyter, qui lui inculque des notions d’art maritime et de fortifications. En 1667, à l’âge de 18 ans, il est lieutenant de vaisseau à Brest. En 1669, le duc de Beaufort, son protecteur, le fait participer à ses côtés à la campagne de Méditerranée. En 1674, il est capitaine au régiment de Navarre infanterie. À compter de la fin des années 1670, il travaille aux fortifications de Dunkerque sous la direction de Vauban. Après avoir participé à la campagne de Gênes au printemps 1684, il est nommé capitaine au régiment Royal des Vaisseaux. En 1685, il reçoit des lettres d’anoblissement. Il fortifie Abbeville vers 1688-1692 et devient Directeur des fortifications de Normandie en 1693. Il œuvre à Rouen, Fécamp, Saint-Valéry, Honfleur, le Tréport, Dieppe, Caen, Port-en-Bessin, La Hougue… Il est fait chevalier de l’ordre de Saint-Louis en 1694. Voir : A. Blanchard, Dictionnaire des ingénieurs militaires : 1691-1791, Montpellier, centre d’histoire militaire de l’Université Paul Valéry, 1981, p. 176-177, et, Id., Les ingénieurs du « roy » de Louis xiv à Louis xvi, Montpellier, centre d’histoire militaire de l’Université Paul Valéry, 1979, p. 231 (note 11), 245-246, 284 et 375.
237 Il s’agit peut-être de Montbray, paroisse située à une dizaine de kilomètres à l’est de Villedieu-les-Poêles et à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Torigni-sur-Vire.
238 « Avoir la droite » : avoir la préséance.
239 Les mousquetaires de la Maison militaire du roi : deux compagnies de 250 hommes (1re compagnie de mousquetaires « gris » ; 2de compagnie de mousquetaires « noirs »).
240 Sans doute s’agit-il de Lorenzo iv Suarez de Figueroa y Cordoba (1559-1607), second duc de Feria, ambassadeur extraordinaire en France de 1593 à 1595.
241 Bataille d’Ivry, 14 mars 1590.
242 Hervé de Longaunay, sieur de Franqueville, chevalier de l’Ordre, gouverneur et lieutenant général du roi en Basse-Normandie de 1575 à 1589. Capitaine en chef de cinquante hommes d’armes en 1588, il eut commission, le 17 mars 1589, pour lever une compagnie de vingt arquebusiers à cheval : BNF, NAF 6646. À la bataille d’Ivry, le 14 mars 1590, « il y eut environ cinq cens hommes de tués du côté du roi, du nombre desquels furent vingt gentilshommes, & entre autres Clermont d’Entragues, capitaine de ses gardes, qui fut tué tout proche de lui, Théodoric de Schomberg allemand, Longaunai, gentilhomme de Normandie âgé de soixante & douze ans [sic], de Crenai, cornette du duc de Montpensier, & Feuquières » : Père G. Daniel, op. cit., t. ix, p. 472.
243 14 août 1702 : « on a nouvelle que la flotte ennemie étoit partie de Torbay le 6 de ce mois ; elle s’est séparée ; une partie retourne en Hollande et y ramène les troupes hollandoises destinées au débarquement ; une autre partie a pris la route d’Espagne ou de Portugal et est sortie de la Manche » : Journal du marquis de Dangeau, op. cit., p. 478. Le comte de Pontchartrain en avait informé François d’Harcourt dès le 9 août : « Je reçus hier une lettre de Monsieur le duc d’Aumont, qui me marque que la chaloupe la Découverte, de Boulogne, ayant été à la côte d’Angleterre, celui qui la commande avait appris que cette armée avait été divisée en trois escadres, dont une, qui est vraisemblablement devant Dunkerque, devait prendre la route de l’est, et les deux autres de l’ouest » : C. Hippeau, op. cit., t. i, p. 14-15.
244 « Vers la fin de septembre, écrit A. Legrelle, les mousquetaires eurent la satisfaction de traverser de nouveau Caen pour retourner à Paris, et les milices locales rentrèrent pareillement dans leurs foyers après une campagne utile, quoiqu’en apparence négative » : A. Legrelle, op. cit., p. 206.
245 À l’issue de sa seconde inspection des côtes de la Manche en 1694, Vauban avait déclaré : « la frontière de terre [du royaume] estant bien bornée partout, elle n’a plus besoin que de quelques coups de peigne, de [sic] d’estre bien gardée pour faire perdre tout espoir à l’ennemy de la pouvoir pénétrer, mais la frontière maritime n’est pas de même et il y a des endroits forts ouverts et très dangereux, notamment à La Hougue qui est bien sûrement l’accès le plus tentant de tous » : Mémoire de Vauban adressé à Le Peletier de Souzy en 1694 : SHD, GR 1 V, article 4, section 2, § 2, carton 1, n° 11.
246 Environ 32 kilomètres.
247 Grand Vey : passage à gué sur les embouchures de la Taute et de la Vire, reliant la paroisse de Saint Clément à l’est à celle de Brucheville à l’ouest. « On le passe à cheval ou en voiture, aux heures de la marée. Ce vay a deux grandes lieues [8 km] de trajet » : abbé Expilly, op. cit., t. ii, 1764, p. 78.
248 De fait, la défense de cette frontière mi-terre mi-eau qu’est le littoral nécessite, de la part des officiers qui y sont commis, une compétence militaire double, à la fois maritime et terrestre. Il est d’ailleurs significatif à cet égard – et bien révélateur de « l’ambiguïté » du service de la garde-côtes – de constater que la milice garde-côtes releva tout d’abord du département de la Marine avant de passer dans le giron du département de la Guerre en 1759 : Ordonnance royale en date du 24 février 1759 « pour réunir au département de la Guerre tous les détails concernant les milices garde-côtes, le service, l’établissement et l’entretien des batteries servant à la défense des côtes » : P. de Briquet, op. cit., t. vii, p. 103‑111. Voir aussi T. Chardon, op. cit., p. 372 ; H. T. Adams, « Les enjeux de pouvoir entre la marine et l’armée pour la défense du littoral », dans G. Le Bouëdec, F. Chappé (dir.), Pouvoirs et littoraux du xve au xxe siècle, Rennes, P.U.R., 2000, p. 303.
249 Ce passage peu détaillé peut être mis en relation avec la description de la « côte de la Hougue » donnée en 1734 par l’ingénieur en chef à Cherbourg, Pierre De Caux, dans son État de la côte de Basse Normandie… (SHD, GR 1 M 1085, pièce n° 40) : « au bord du Vay commence la coste de La Hougue, jusqu’au fort de ce nom ; elle fait face à l’orient ; il y a cinq à six lieues de l’un à l’autre, sur l’étendue desquelles sont les isles de Saint Marcouf à deux lieues de terre, quatorze redoutes, et les quatre écluses d’Audouville, de Ravenoville, de Quinéville et d’Aumeville ; les deux premières sont à la charge du pays ; il y a plusieurs de ces redoutes ruinées, n’étans faites que de sable et gazon ; et il y a beaucoup à réparer aux écluses, qui sont d’autant plus utiles et nécessaires que dans le cas d’une descente, elles servent à inonder le bas pays, sur l’étendue de plus de quatre lieues, le long du rivage de la mer ; en sorte qu’il n’y auroit gueres [sic] que Quinéville par où l’ennemy après une descente faite, pourroit pénétrer dans le pays. […] À deux lieues de là, en suivant le tour de la côte, est le fort de La Hougue, situé sur une péninsule qui forme avec le rivage de Morsalinnes [sic] une baye où se mettent à l’abry les bâtimens marchands. Au nord du fort de La Hougue sont les batteries de Saint Vaast et de la pointe de Réville, et entr’elles se trouvent le fort de l’isle de Tatihou au milieu d’une anse qui s’est faite en cet endroit, et qu’on nomme l’anse de Saint Vaast. À cent pas de ce fort est la batterie de l’Islette. Tous ces forts et batteries protègent la rade par leurs feux croisés, en même temps qu’ils défendent avec les feux des deux redoutes de Morsalinne et de la pointe de Réville ; les uns, les passages qui se trouvent des deux côtés de l’Isle Tatihou pour entrer dans l’anse de Saint Vaast, et les autres l’entrée de la baye de la Hougue ». Voici, dans son état du premier tiers du xviiie siècle, la composition du système extensif de fortifications côtières de la « côte de La Hougue », décrite du nord au sud (se reporter à la carte de Cassini, feuille n° 93) : redoute de Réville (32 m x 32 m, fossoyée) ; forts de Tatihou et de La Hougue, redoute de l’Ilet et batterie de Saint-Vaast (57 bouches à feu au total) ; grande redoute de Morsalines (41 m x 31 m, fossoyée) ; petite redoute de Morsalines (25 m x 25 m) ; redoutes des Aulnais, de la Rougeterie et du Lanié de Greneville (31 m x 31 m, fossoyées) ; petite redoute d’Aumeville (31 m x 31 m, fossoyée) ; grande redoute d’Aumeville (46,6 m x 46,6 m, fossoyée) et écluse associée ; première redoute de Lestre (38 m x 38 m, fossoyée) ; deuxième redoute de Lestre (30 m x 30 m, fossoyée) ; redoute de Quinéville (33 m x 33 m, fossoyée) et écluse associée ; redoute de Saint-Marcouf (33 m x 33 m, fossoyée) ; redoute de Ravenoville (46,6 m x 46,6 m, fossoyée) et écluse associée ; redoute d’Audouville / Sainte-Marie-du-Mont (46,6 m x 46,6 m, fossoyée) et écluse associée. Déployé sur pas moins de 25 km, ce dispositif est impressionnant… sans être réellement efficace, car, comme le fait très justement remarquer Edmond Thin, « le trop grand nombre d’hommes nécessaires pour la défense de chaque redoute limite considérablement la résistance potentielle de l’ensemble » : E. Thin, Quand l’ennemi venait de la mer, chronique de deux cents ans de défense côtière en Normandie. Tatihou et la côte de la Hougue, xviie-xixe siècles. Inventaire des fortifications maritimes de la Manche, Saint-Lô, Les Cahiers de l’ODAC, n° 6, p. 84. Gageons toutefois que ce système de couverture côtière, consistant en la combinaison et la répartition rationnelle sur les points névralgiques du littoral de redoutes et de tours d’observation et/ou d’artillerie, devait avoir une certaine valeur dissuasive à l’époque, car comment expliquer sinon que le marquis d’Asfeld (directeur général des fortifications) et l’ingénieur Jacques-Philippe Mareschal (directeur des fortifications du Languedoc à dater de 1739) aient employé tous leurs efforts – et énormément d’argent – pour le mettre en œuvre sur la côte languedocienne, entre 1735 et 1758 ? (Voir : A. Blanchard, Les ingénieurs du « roy » de Louis xiv à Louis xvi, op. cit., p. 390-394).
250 Vauban souligne le fait dans sa Description de Cherbourg et de sa presqu’île datée du 15 juillet 1686 : « l’espace de mer qu’il y a d’ici [Cherbourg] en Angleterre forme un détroit par où il faut que tout le commerce du nord passe à moins que de faire tout le tour de l’Écosse qui est long et fort périlleux » : SHD, GR 1 M 1085, f° 39-40.
251 Ce qui correspondrait aux deux dixièmes d’un trafic beurrier total estimé, à la fin du xviie siècle, à « prez d’un million » par le premier président du Parlement de Normandie, Claude Pellot : Notes du premier président Pellot sur la Normandie (1670-1683). Clergé. Gentilshommes et terres principales. Officiers de justice, (1670-1683), éd. par G.A. Prevost, Rouen-Paris, SHN, 1915, p. 279. Encouragé par Colbert (voir la lettre de Colbert à l’intendant de la généralité de Caen, Chamillart, en date du 25 novembre 1672 : Lettres, instructions et mémoires de Colbert, éd. par P. Clément, Paris, 1863, t. ii, 2e partie, p. 668), le commerce du beurre salé fondu (printemps-été) / beurre frais (automne-hiver) produit à Isigny ne cesse de se développer par la suite : « en 1740, le trafic par mer monte, année commune, en beurre salé et fondu à 3 millions 250 000 livres, sans y comprendre 65 000 livres de beurre frais qu’on fait transporter sur chevaux à Paris » : J. Darsel, « L’Amirauté en Normandie. xiii : amirautés de Grandcamp, Carentan et Isigny », Annales de Normandie, 3/3 (1981), p. 228. Voir aussi : F. Poncet, « Éleveurs et marchands de beurre à Isigny de la fin du xviie siècle à 1840 », Annales de Normandie, 50/2 (2000), p. 267-296.
252 Pouvoir mettre à couvert navires marchands et vaisseaux du roi dans un port normand qui fût réellement digne de ce nom, tel était déjà le souhait de Jean-Baptiste Colbert au moment de la guerre de Dévolution (« il n’y a rien que le roy ayt tant à cœur que d’avoir et de disposer […] des retraites seures pour les vaisseaux de ses armées navales dans la Manche » : « Mémoire sur le voyage que Monsieur du Quesne doit faire par ordre du roi (février 1668) », dans Lettres, instructions et mémoires de Colbert, op. cit., t. iii, 1re partie, p. 96) ; tel était encore, durant la guerre de Hollande, l’objet d’étude de l’ingénieur militaire Guillaume Le Vasseur de Beauplan (« Je me suis résous au commencement de septembre [1674] de faire un voiage en Basse Normandie, pour me rafreschir la mémoire des lieux que j’avois veus autrefois, qui sont propres à construire des havres » : lettre de Le Vasseur de Beauplan au ministre de la Marine Jean-Baptiste Colbert, en date du 1er janvier 1675 : AN, Mar 3JJ 95, n° 28) ; telle était toujours, durant la guerre de la Ligue d’Augsbourg, la préoccupation de l’intendant de la marine au Havre, Pierre de Louvigny : « si l’armée du roi remportait la victoire [en Manche], écrivait-il en 1690 au secrétaire d’État de la Marine Colbert de Seignelay (1683-1690), elle n’en pourrait profiter parce qu’il ne faut qu’un flot aux ennemis pour rentrer dans leurs ports. Que si au contraire l’armée de Sa Majesté avait du désavantage, ils pourraient conduire dans leurs ports les vaisseaux du roi, dont ils seraient très proches. […] Il faut donc, auparavant que d’entrer dans la Manche, ou être extrêmement supérieurs aux ennemis ou bien y avoir des ports. Celui qu’on propose de faire à La Hougue est d’une trop grande dépense et demande trop de temps. On pourrait aussi faire au Havre un bassin qui contiendrait trente vaisseaux de 60 à 70 pièces de canon, mais il y aurait aussi beaucoup d’inconvénients. Premièrement en ce que la rade y est très peu sûre et qu’il y a trois ou quatre jours de mort d’eau [sic] que les vaisseaux ne pourraient pas entrer dans le bassin. D’ailleurs, il faudrait avant de s’engager dans cette dépense faire approfondir à main d’homme le chenal du port pour voir si on le pourroit creuser de trois pieds plus bas qu’il n’est » : AN, Mar B3 60, f° 141-141 v°. Cette dernière remarque prend une consonance particulière lorsqu’on réalise qu’elle a été formulée deux ans avant le « désastre » de La Hougue (31 mai-2 juin 1692) : une défaite de la Royale imputable, justement, à l’absence de base navale dans le Cotentin.
253 Estacade : « palissade, pieux fichez en terre, et particulièrement dans des eaux, pour empescher le passage » : A. Furetière, Dictionnaire universel, t. i, La Haye et Rotterdam, 1690, « estacade ».
254 Frégate : « c’est un vaisseau de guerre un peu plus bas et plus long que les autres, qui est léger à la voile et peu chargé de bois, qui n’a d’ordinaire que deux ponts. La frégate légère est un petit vaisseau de guerre, bon voilier, qui n’a qu’un pont, et est monté depuis 16 pièces de canon, jusqu’à 25 » : A. Furetière, Dictionnaire universel, t. ii, La Haye et Rotterdam, 1690, p. 113.
255 « Par une ordonnance du roi les capitaines de frégates légères commandent aux lieutenans de vaisseaux et aux capitaines de brûlots », A. Furetière, Dictionnaire universel, t. ii, La Haye, 1727, « frégate ».
256 « Par bien des côtés, le capitaine de vaisseau représente l’archétype de l’officier de marine louis-quatorzien. Comme commandant de vaisseau, comme futur officier général potentiel, puisque c’est parmi le corps que le roi choisit la quasi-totalité de ses généraux pour ses escadres, il est l’un des piliers de la marine royale » : D. Dessert, La Royale : vaisseaux et marins du Roi-Soleil, Paris, Fayard, 1996, p. 221.
257 Les officiers de marine continueront à avoir la haute main sur les batteries côtières jusqu’en 1759. Voir l’ordonnance du 24 février 1759, article v : « l’entretien et les établissements de toutes les batteries servant à la défense des côtes, qui jusqu’à présent ont été du département de la Marine, seront à l’avenir du département de la Guerre, à l’exception des batteries et autres ouvrages pour la défense des rades de Brest et de Toulon, lesquelles continueront à être du département de la Marine » : P. de Briquet, op. cit., t. vii, p. 105.
258 Voir : M. Roupsard, « Nicolas et Jean Magin, cartographes des côtes de la Manche au début du xviiie siècle. Essai d’inventaire de leur production », Annales de Normandie, 3/4 (2008), p. 81-129.
Notes de fin
i En marge : « Projet pour la deffence de 75 lieues de costes qui se rencontrent en Basse Normandie au bailliage de Caen et Cotentin, envoyé par Monsieur de Matignon le 12 may 1678 ».
ii Fragment déchiré.
iii Partiellement déchiré.
iv Effacé.
v Partiellement déchiré.
vi Lettres presque effacées. Jusant (ou reflux) : marée descendante (s’oppose au flux ou flot : marée montante).
vii « des côtes » : en interligne au-dessus du texte.
viii « Anglais » : dans la marge.
ix « Nécessaire » : dans la marge.
Auteur
Nicolas Homshaw a suivi une formation scientifique. Il se consacre maintenant depuis plusieurs années à l’étude de l’architecture et de l’urbanisme en Basse-Normandie, du Moyen Âge à l’époque moderne. Actuellement, il termine, dans le cadre du Centre de recherche d’histoire moderne (CRHM) de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et sous la direction du professeur Hervé Drévillon, une thèse d’histoire portant sur les enceintes de la ville de Caen et leurs effets de paroi (xie-xviie siècle).
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