Laboratoire de l’épistémologie
p. 101-102
Texte intégral
1Michel Foucault est souvent très directement associé à une épistémologie française dont les figures tutélaires seraient Gaston Bachelard et Georges Canguilhem1. Les parentés sont évidentes : une approche par les concepts, une attention soutenue à l’histoire et des tentatives de structuration des grandes cohérences épochales. Mais il y a bien plus. Le sixième chapitre propose de suivre la relation entre Foucault et Canguilhem. Le second a été le directeur de thèse du premier ; mais il a surtout été l’inspirateur d’un certain rapport aux savoirs, à leur ordonnancement et à leur solidification. L’intérêt des regards croisés entre Foucault et Canguilhem, c’est que leurs approches se sont complétées et séparées. Ce double mouvement est une épreuve au plein sens du terme : il s’agit de faire fléchir les concepts jusqu’à leur point de rupture et de montrer, par là même, leur solidité.
2Le laboratoire épistémologique de Foucault s’est étendu aux questions de géographie, objet du septième chapitre. De nombreux auteurs inscrits dans le champ des science and technology studies (STS) ont puisé dans le répertoire foucaldien pour étudier la structuration des espaces savants, les circulations épistémiques, les points de pression exercés par le pouvoir par l’entremise de l’architecture ou encore les contraintes matérielles pesant sur l’organisation du travail scientifique. Mais tous les usages des propositions de Foucault sont-ils heuristiquement féconds ? Toutes les tentatives d’analyse à partir des conceptualisations spatiales du philosophe sont-elles pertinentes ? Des écarts jouent ici entre l’étayement des concepts et la relative indifférence aux contraintes théoriques que supposerait pourtant leur emploi.
3Le procès en relativisme souvent fait à Michel Foucault repose sur des lectures approximatives et une volonté de classer hâtivement le philosophe dans la catégorie attrape-tout des postmodernes. Pourtant, Foucault avait patiemment entrepris une histoire générale de la vérité. Il n’a pas pu ou pas souhaité lui donner l’ampleur qu’elle aurait méritée. L’ultime chapitre de l’ouvrage propose donc une reconstitution de cette formation des régimes de vérité. Ce faisant, ce n’est pas seulement le processus de subjectivation que visait Foucault, mais également les spécificités de la vérité scientifique, comme force de contrainte sur les discours prenant le réel pour appui.
4L’épistémologie foucaldienne est faite de strates successives, d’apprentissages patients, de fidélités renouvelées, mais aussi de lignes de fuites esquissées, de plans d’ensemble envisagés sans être réalisés. Dans les interstices des textes qui nous restent, il est encore possible de relancer les concepts, de renouer les fils d’un argumentaire, de déployer des raisonnements inédits.
Notes de bas de page
1 Jean-François Braunstein, « Bachelard, Canguilhem, Foucault : Le “style français” en épistémologie », dans Pierre Wagner (dir.), Les philosophes et la science, Paris, Gallimard, 2002, p. 920-963.
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