Le médiateur du cinéma
La régulation de la concurrence et de l’offre culturelle dans le secteur de la diffusion des films
p. 63-90
Texte intégral
1Parmi les nombreux travaux que Pierre-Laurent Frier a consacrés au droit public et en particulier au droit de la culture, son attention s’était portée il y a peu sur l’une de ces « autorités indépendantes de régulation », d’un modèle nouveau, différentes des autorités administratives indépendantes, le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, créé en 20011. Pour lui, ce Conseil s’inscrivait dans une catégorie d’autorités de régulation d’un type nouveau parce que dotées de la personnalité morale (comme l’Autorité des marchés financiers), parce que largement liées au secteur qu’elles contrôlent, parce que réalisant une « corégulation2 » d’un secteur par l’État et les opérateurs du marché, dès lors « autorités de régulation hybrides », et, en particulier dans le cas du Conseil des ventes volontaires, par leur intervention dans le domaine économique et celui de la culture.
2L’existence d’autorités de régulation sectorielles intervenant dans le domaine économique et dans le secteur de la culture n’est pas nouvelle. Le médiateur du cinéma, créé, lui, en 1982, est une autorité indépendante, mais de type très classique, assurant la régulation de la concurrence dans la diffusion des films en salle et la régulation de l’offre culturelle cinématographique. L’on peut observer que, avec le Centre national de la cinématographie, le médiateur assure une « corégulation » des activités cinématographiques, mais une « corégulation » d’un type différent car réalisée par deux instances publiques distinctes.
3Le médiateur du cinéma est une autorité administrative indépendante naguère peu connue, qui apparaît davantage sur le devant de la scène depuis quelques années. Des études lui ont été consacrées3, mais avec l’apparition de questions et de compétences nouvelles, il paraît intéressant, tout particulièrement dans le cadre d’études dédiées à Pierre-Laurent Frier, de se pencher à nouveau sur cette institution. Son activité est connue par ses rapports annuels dont la diffusion, qui était limitée, est, depuis le milieu de 2007, assurée sur le site Internet du médiateur du cinéma qui a été notablement enrichi.
4Le médiateur du cinéma a pour mission d’assurer la régulation dans les deux grands domaines dans lesquels les autorités administratives indépendantes sont créées, les libertés publiques et les activités économiques. Il a pour mission d’une part de garantir certains aspects de la liberté de communication audiovisuelle en permettant la plus large et la meilleure diffusion des œuvres cinématographiques, d’autre part de mettre un terme aux situations de monopole de fait et à celles qui ont pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence dans la diffusion des films4.
5Le cinéma est à la fois une activité artistique, donc de création, et aussi une industrie, donc soumise aux règles des activités économiques. À ce titre, les activités de sa production et de sa distribution, pourtant très réglementées, sont soumises aux règles de la concurrence. Toutefois ces règles ne s’y appliquent pas complètement et font l’objet d’aménagements. S’agissant de la production, l’on sait que la politique d’exception culturelle, ou de diversité culturelle, a conduit à mettre en place un système de soutien très original qui a permis, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, de maintenir une production française d’importance face à l’énorme production américaine. Ce soutien, qui déroge aux règles de la concurrence, notamment internationale, est mis en cause de façon endémique. Il est néanmoins maintenu, non sans peine, dans le cadre de la Communauté européenne, en marge des règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). S’agissant plus singulièrement de la distribution et de la projection des œuvres en salle, le libre jeu de la concurrence est susceptible de faire disparaître les salles indépendantes faute de films à projeter ou d’entraîner l’absence d’écran pour certains films. De plus, les œuvres cinématographiques ne sont pas des produits ordinaires et interchangeables, et la concurrence ne peut jouer de façon brutale. Il s’impose de concilier les règles de la concurrence avec des exigences d’équilibre dans la diffusion des œuvres, entre films « porteurs » et films d’art et essai, d’équilibre entre films français et européens et films américains..., d’équilibre sur le territoire et dans les territoires et agglomérations constituant des zones de chalandise ou « zones d’attraction », et d’équilibre entre les différents types de salles. Il est apparu nécessaire de réguler spécifiquement le marché de la diffusion des films par une intervention publique correctrice destinée à assurer le jeu de la concurrence ainsi que la meilleure offre culturelle.
6La création du médiateur du cinéma par la loi du 29 juillet 1982 a été préconisée par le rapport de la mission Bredin remis au ministre de la Culture en novembre 1981. À cette époque, la distribution et l’exploitation des films apparaissaient en France soumises à des bouleversements résultant notamment de la désaffection des spectateurs et de mouvements de concentration des grands circuits de distribution (Gaumont, Pathé, UGC) menaçant le maintien d’un secteur indépendant. Beaucoup de salles ont d’ailleurs disparu et le nombre de spectateurs, en déclin depuis 1960, s’est encore réduit jusqu’au milieu des années 1990. Les problèmes de concurrence entre distributeurs, les conflits entre distributeurs et exploitants notamment s’amplifiaient.
7Il existait déjà une régulation du secteur assurée par la puissance publique et par les opérateurs, notamment au moyen de diverses procédures d’arbitrage et de conciliation, établies avant et après la Seconde Guerre mondiale par les professionnels, destinées à régler les conflits entre les distributeurs et les exploitants de salles. D’une part, un protocole entre la Fédération nationale des distributeurs de films et celle des cinémas réglait les conditions de location de films ; il comportait des commissions de conciliation et une commission d’arbitrage. D’autre part, l’association d’Arbitrage et de conciliation pour le cinéma et l’audiovisuel (ACPCA), créée en 1955, assure successivement la conciliation et l’arbitrage pour tous les litiges relatifs à la production, la distribution et l’exploitation. En outre, le Centre national de la cinématographie (CNC), qui assure de façon générale un fort contrôle de ce secteur, dispose aussi de multiples procédures de règlement des conflits. Ces modes de règlement des litiges ne paraissaient pas suffisants pour assurer correctement le respect de la concurrence dans le secteur de la diffusion et l’optimum de l’offre culturelle.
8Le rapport Bredin a constaté l’inadaptation, la lourdeur et le caractère insuffisant de ces procédures ainsi que le mauvais fonctionnement des règles de la concurrence en matière de diffusion des films. Il a en conséquence considéré qu’« une instance d’arbitrage spécialisée est indispensable s’agissant d’une activité où ni les œuvres ni les salles ne sont comparables les unes aux autres » et proposé la création d’un médiateur du cinéma indépendant dont la mission serait d’assurer le respect du libre jeu de la concurrence et la résolution, par la conciliation, des litiges entre les distributeurs et les exploitants de salles. Il s’agissait en particulier de doter les exploitants indépendants de salles de moyens de défense plus efficaces face aux « circuits » de salles en leur permettant de ne pas être privés des films « porteurs ». Il a en outre proposé le statut, les compétences et les moyens d’action de la nouvelle institution.
9C’est ainsi que la loi du 29 juillet 1982 relative à la communication audiovisuelle a, dans son article 92, largement repris ces propositions et créé le médiateur du cinéma :
Sans préjudice de l’action publique, et à l’exception des conflits relevant des procédures de conciliation et d’arbitrage professionnelles, sont soumis à une conciliation préalable les litiges relatifs à la diffusion en salle des oeuvres cinématographiques et qui ont pour origine une situation de monopole de fait, une position dominante ou tout autre position ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence et révélant l’existence d’obstacles à la plus large diffusion des œuvres cinématographiques conformes à l’intérêt général.
Cette conciliation est mise en œuvre par le médiateur du cinéma. Celui-ci peut être saisi par toute personne physique ou morale concernée, par toute organisation professionnelle ou syndicale intéressée ou par le directeur du Centre national de la cinématographie. Il peut également se saisir d’office de toute affaire entrant dans sa compétence. Sous réserve du droit pour l’autorité judiciaire de saisir la commission [conseil] de la concurrence aux fins d’avis, l’engagement de la procédure de conciliation entraîne, à l’égard de l’affaire et des parties concernées, suspension de toute procédure devant la commission [conseil] de la concurrence pendant une période maximale de trois mois.
Le médiateur du cinéma favorise ou suscite toute solution de conciliation. Le procès-verbal de conciliation qu’il dresse a force exécutoire du seul fait de son dépôt au greffe du tribunal d’instance. Il peut rendre public ce procès-verbal. À défaut de conciliation, le médiateur du cinéma émet, dans un délai maximum de deux mois à compter de sa saisine, une injonction qui peut être rendue publique.
En cas d’échec de la conciliation, le médiateur du cinéma pourra décider de saisir la commission [conseil] de la concurrence si le litige relève de la compétence de celle-ci [celui-ci] et en informer le ministère public si les faits sont susceptibles de recevoir une qualification pénale.
10Fort laconique au sujet du médiateur, la loi a été complétée par le décret n° 83-86 du 6 février 1983, modifié par le décret n° 91 -1129 du 25 octobre 1991.
11Le décret prévoit qu’il est nommé, après avis de la Commission de la concurrence (désormais le Conseil, ordonnance n° 86-1243 du 1er déc. 1986), par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l’Économie et des Finances et du ministre chargé du Cinéma, pour une durée de quatre ans renouvelable, parmi les membres du Conseil d’État, de la Cour de cassation ou de la Cour des comptes. C’est donc en principe un juriste, ce qui indique l’importance du droit et de la cohérence juridique dans l’exécution de sa mission5. L’exigence de l’avis du Conseil de la concurrence et du rapport du ministre de l’Économie et des Finances montre aussi que le médiateur du cinéma s’inscrit fortement dans le cadre de la régulation de la concurrence. Le rapport Bredin avait d’ailleurs même proposé une nomination par le président de la Commission de la concurrence et pour dix ans.
12Pour assurer ses missions, il est doté de deux types de moyens d’action. En premier lieu, la conciliation des litiges relatifs à la diffusion des films en salle. Conciliateur, il s’efforce de favoriser ou de susciter un accord lors de litiges entre distributeurs de films et exploitants de salles par la meilleure application du droit de la concurrence et de la plus large offre culturelle. En second lieu, en cas d’échec de la conciliation, il dresse un procès-verbal de conciliation qui a force obligatoire du seul fait de son dépôt au greffe du tribunal d’instance. De plus, à défaut de conciliation, il peut émettre une injonction. Ainsi dispose-t-il d’un pouvoir de décision qu’il peut exercer pour imposer des solutions aux parties.
13Le médiateur est une autorité administrative indépendante (AAI), comme l’a relevé le Conseil d’État dans son rapport 1983-1984 (annexe XVI, EDCE, n° 35, p. 73) et dans celui de 2001 (EDCE, n° 52, p. 303), eu égard à son pouvoir de décision, c’est-à-dire son pouvoir d’émettre des injonctions et de décider de la publication de procès-verbaux de médiations effectuées. Cette qualification est reprise par le rapport de l’Office parlementaire d’évaluation de la législation du 15 juin 2006 établi par le sénateur P. Gélard (Assemblée nationale, n° 3166, et Sénat, n° 404, p. 39). Elle est confirmée au regard des autres critères de qualification d’une AAI retenus par la doctrine6. Il entretient des liens étroits avec le Conseil de la concurrence, notamment par l’avis émis sur sa nomination, par la suspension des procédures devant le Conseil de la concurrence en cas de procédure de conciliation devant lui ; de plus, le Conseil de la concurrence lui communique les saisines relevant de son domaine de compétence (décret du 30 avr. 2002, art. 35) et prend en compte ses observations.
14Sur le plan administratif, le médiateur est doté d’une structure très légère constituée d’une chargée de mission et d’une secrétaire. Les bureaux se trouvent dans les locaux du CNC. Le coût total des services du médiateur, rémunérations et loyer compris, s’élève à environ 125 000 € par an (rapport 2005-2006)7.
15Avant d’examiner l’exercice de ses missions, ses interventions et leur évolution, il importe de préciser quels sont les opérateurs intéressés.
16Les acteurs principalement concernés par la diffusion en salle des oeuvres, par conséquent par le recours au médiateur, sont les exploitants de salles et les distributeurs de films. Afin de mieux cerner les enjeux au centre desquels est placé le médiateur, il paraît nécessaire de préciser la succession des opérateurs intervenant dans la vie et la diffusion d’un film. L’ensemble de ce secteur et des opérateurs est d’ailleurs très réglementé.
17En premier lieu intervient le producteur cinématographique, entreprise qui doit avoir obtenu du directeur du CNC une autorisation d’exercer. S’il existe un grand nombre de sociétés de production, la plupart sont de petite taille et seule une vingtaine d’entre elles produisent de façon régulière. Le producteur est la personne physique ou morale qui prend l’initiative et la responsabilité de la réalisation de l’œuvre (art. L. 132-23, code de la propriété intellectuelle). Il assume ou partage avec les coproducteurs les risques, notamment financiers, artistiques, humains et est investi des droits d’auteur (cédés par l’auteur). Une fois l’œuvre cinématographique achevée, il lui faut avoir obtenu le visa d’exploitation pour qu’elle soit exploitée en salle.
18En deuxième lieu intervient le distributeur qui, lui aussi, doit être titulaire d’une autorisation d’exercice délivrée par le directeur du CNC. Le secteur de la distribution comprend lui aussi un grand nombre d’entreprises, mais seules quelques-unes exercent des activités importantes. Cinq grands distributeurs, parmi lesquels Pathé, Gaumont et UGC, intégrés à des groupes internationaux, dominent en assurant plus de 62 % des entrées. À côté, cinq distributeurs indépendants assurent aussi une part notable des entrées, mais sont fortement soumis aux aléas de la concurrence. Le distributeur dispose des droits d’exploitation économique d’un film en vue de sa diffusion commerciale sur un marché déterminé et de la cession, à titre temporaire, des droits de représentations publiques à tous ceux qui organisent directement ces représentations (exploitants de salles). La distribution s’opère par contrats de distribution et par location de films pour leur représentation.
19Les contrats de distribution sont de deux grands types : le contrat de cession, par lequel un producteur cède à un distributeur les droits d’exploitation d’une œuvre cinématographique. Celui-ci agit alors en son nom et pour son propre compte. Ce système joue le plus souvent pour les films importés et pour l’exploitation des films à l’étranger.
20Avec le contrat de mandat, le distributeur se voit confier par le producteur l’exploitation commerciale d’un film. Il agit pour le compte du producteur qui conserve les droits d’exploitation. Ce contrat est le plus usité en France. Le contrat de mandat au distributeur précise le ou les films concernés, l’espace géographique sur lequel le distributeur bénéficie de l’exclusivité et la durée, en général cinq ans, du contrat. Le distributeur mandataire est rémunéré par une commission calculée sur la recette brute du film (entre 25 % et 40 %) qu’il retient sur la recette qu’il verse au producteur mandant. Le producteur remet le négatif du film au distributeur qui en fait réaliser des copies. Le nombre de copies pose d’ailleurs souvent des problèmes. Le distributeur assure la publicité ainsi que la « remontée » des recettes, par film, pour assurer la rémunération des ayants droit.
21 En troisième lieu interviennent les exploitants de salles de spectacle. Il s’agit des personnes physiques ou morales, organisatrices de spectacles cinématographiques, qui exploitent les salles de cinéma. L’exercice de cette activité est, lui aussi, soumis à autorisation du directeur du CNC. Chaque établissement doit être exploité de façon autonome. Les installations d’un établissement de spectacles cinématographiques comprennent une ou plusieurs salles ; chaque salle fait l’objet d’une autorisation et doit se voir délivrer un certificat de conformité. La construction d’une nouvelle salle de spectacle ou la transformation de tout local en salle de spectacle cinématographique est soumise à autorisation préalable du CNC. Comme de nombreuses municipalités mènent des politiques d’action culturelle, il existe des « salles municipales », qui bénéficient donc d’aides communales, et peuvent projeter des films, à la condition, classique en droit public, de carence de l’initiative privée. Si d’autres salles existent dans la même zone de chalandise, les salles municipales ne peuvent projeter des films commerciaux. Les exploitants de salles peuvent confier la programmation de leurs écrans à des « programmateurs » ou des groupements de programmateurs, eux aussi soumis à autorisation du CNC. L’autorisation délivrée impose le respect d’« engagements de programmation ». Certaines salles bénéficient du classement « art et essai » attribué par le directeur du CNC. Leurs programmes doivent être constitués d’œuvres ayant un caractère de recherche ou de nouveauté, d’œuvres de qualité n’ayant pas obtenu la diffusion qu’elles méritaient, d’œuvres considérées comme des « classiques »... Ces salles sont classées en quatre catégories en fonction de la population de la commune et du pourcentage d’œuvres d’art et essai projetées.
22Les relations entre distributeurs et exploitants sont déterminées par des contrats de représentation cinématographiques, de « location de films ». Les contrats de « location de films » sont codifiés souplement dans un document établi par la profession. Ces contrats autorisent les exploitants à projeter un film pendant une durée fixée. Ils comportent la remise d’une copie de film sur un support (pellicule, vidéocassette ou vidéodisque, copie numérisée...). En fonction de la politique commerciale menée par les distributeurs, ces contrats peuvent être assortis, au bénéfice des exploitants, de privilèges d’« exclusivité », de « priorité » (par rapport à leurs concurrents), d’« égalité » (avec leurs concurrents), de « première vision », de « protection » (à l’encontre de leurs concurrents) dans la zone de chalandise considérée. À l’heure présente, ces « privilèges » ont perdu de leur intérêt en raison de l’accélération de la carrière d’un film dès la ou les premières semaines d’exploitation (90 % des films réalisent 50 % de leurs entrées en une, deux ou trois semaines). L’exploitant s’engage à projeter le film conformément aux conditions prévues au contrat. Il doit s’acquitter du prix de location convenu, prix en principe libre en vertu de l’ordonnance du 1er décembre 1986 (code de commerce, art L. 410-1 s.).
23 Dès avant la sortie nationale d’un film, le distributeur achète les droits d’exploitation de l’œuvre au producteur. Son objectif n’est pas de vendre le maximum de copies mais d’assurer la meilleure qualité de diffusion du film ainsi que la recette maximale. L’objectif recherché n’est pas tant quantitatif que qualitatif. En conséquence, il conduit une stratégie qui consiste d’abord à choisir la date de sortie du film la plus appropriée, puis à déterminer le type de public visé selon les caractères du film, enfin, à réaliser le placement optimal du film en termes de type et de nombre de salles. Dès lors, il lui faudra faire établir le nombre de copies nécessaires et répartir celles-ci entre versions originales et versions françaises.
24Les distributeurs cherchent à assurer pour chaque film le meilleur nombre d’entrées possible. Pour cela, de préférence, ils s’efforcent de parvenir à une diffusion dans l’un des trois grands circuits de salles.
25De leur côté, les exploitants ainsi que les programmateurs recherchent le plus grand nombre d’entrées pour leurs salles en fonction de la connaissance qu’ils ont de leur public propre.
26La rencontre entre distributeurs et exploitants ne s’effectue pas comme entre vendeurs et acheteurs de produits et services courants. Chaque œuvre cinématographique a sa spécificité et chaque salle a sa spécificité. Certains films sont « porteurs », d’autres le sont moins, d’autres sont appréciés par un public particulier. Les salles ne sont pas comparables ; certaines sont en centre des villes, d’autres sont en périphérie ; certains exploitants ont une salle, d’autres en ont plusieurs, certaines salles sont classées « art et essai », de plus le phénomène des multisalles et « multiplexes », comprenant un grand nombre de salles (quinze ou vingt...), s’est largement développé. S’agissant des distributeurs, à côté des petits distributeurs, cinq grands groupes dominent. S’agissant des exploitants, il en va de même : à côté des indépendants plus ou moins importants, les grands circuits intégrés pèsent très lourdement. Dans le jeu de la concurrence, les acteurs sont très inégaux. Dès lors, d’une part, il importe de réguler la concurrence afin d’en assurer le jeu correct tant entre distributeurs qu’entre exploitants et d’éviter la constitution de monopoles ou d’oligopoles et la disparition des indépendants. D’autre part, du point de vue de l’offre culturelle, l’œuvre artistique qu’est le film, quel qu’il soit, doit pouvoir bénéficier de la meilleure et la plus large diffusion.
27Certes il aurait été possible de concevoir une politique de diffusion des films plus dirigée mais, dans une économie de marché, joue la concurrence entre les opérateurs, notamment entre les exploitants de salles, concurrence qui doit être régulée pour exister.
28C’est ce qu’a prévu l’article 92 de la loi du 29 juillet 1982 : à côté des autres procédures existantes établies par les professionnels, sont soumis à la conciliation du médiateur les litiges relatifs à la diffusion en salle. Ceux-ci trouvent leur origine dans des situations d’une part restreignant ou faussant le jeu de la concurrence, d’autre part révélant l’existence d’obstacles à la plus large diffusion des œuvres cinématographiques conforme à l’intérêt général. Il est remarquable que la loi qualifie de conforme à l’intérêt général la plus large diffusion des œuvres cinématographiques et l’on ne peut qu’insister sur le caractère d’intérêt général que revêt cette plus large diffusion des films.
29L’intervention du médiateur est engagée lorsqu’il est saisi, ou qu’il s’autosaisit, de litiges ou de situations de restriction de la concurrence ou d’obstacle à la plus large diffusion des films. Une fois saisi, il dispose d’une gamme de moyens d’action souples ou contraignants pour favoriser, susciter ou imposer une issue aux litiges ou, de façon plus générale, mettre en lumière des situations insatisfaisantes et proposer des solutions.
LES CONDITIONS D’INTERVENTION DU MÉDIATEUR ET LA DIVERSITÉ DES MODES DE SAISINE
30L’intervention du médiateur trouve son origine dans l’existence de litiges portant sur la diffusion des œuvres en salle. Les litiges sont portés à sa connaissance au moyen d’une diversité de modalités de saisine par les intéressés ou par autosaisine.
Les situations de litiges relatifs à la diffusion en salle des films
31Elles s’inscrivent dans un cadre géographique local, c’est-à-dire une ville ou une agglomération qui constitue une zone de chalandise dans laquelle s’apprécient le jeu de la concurrence et les caractéristiques de l’offre culturelle. Si, dans une zone, une salle ou un circuit obtient davantage de films porteurs que d’autres, la qualité de l’offre culturelle pourra être affectée par une moindre durée de projection des films, par un nombre de séances réduit... voire par l’arrivée d’un film nouveau ou plus porteur qui éclipsera d’autres films. En outre, les autres salles pourront en être privées.
32Si la répartition entre les salles est très inégale, notamment au profit des salles de circuit, les indépendants risquent de disparaître. De plus, le phénomène des salles « multiplexes » (quinze, voire vingt salles) peut attirer un nouveau public, mais il est aussi susceptible de déplacer une partie du public des salles des centres de ville au risque d’entraîner leur désaffection au moins partielle et leur disparition. Il en résultera une réduction de l’offre culturelle dans le centre-ville. Si la pression d’un grand distributeur ou d’un programmateur est trop forte au profit de ses films, d’autres films risquent d’être négligés et de ne pas trouver d’écran ; l’offre culturelle et l’équilibre de la concurrence en seront affectés.
33À l’inverse, des exploitants de salles en situation dominante dans une zone de chalandise peuvent concentrer la diffusion de films au détriment d’autres salles, notamment indépendantes. Ils peuvent aussi refuser à tel distributeur leurs meilleures salles, imposer des tarifs de location faibles ou exiger des conditions de location particulières ou liées. Il en résultera des atteintes à la concurrence et à la qualité de l’offre culturelle.
34Il peut aussi arriver que des distributeurs ou des programmateurs ne trouvent pas, ou trouvent difficilement, dans une zone, une salle pour des films considérés comme peu porteurs tels que des films d’« auteur », ou art et essai... L’offre culturelle se trouve alors affectée devant la difficulté ou l’impossibilité pour un film d’obtenir un écran. Il est alors possible pour le distributeur de saisir le médiateur du refus ou de la carence des exploitants.
35Dans de telles situations, les opérateurs ont la possibilité de saisir le médiateur par une demande.
Les modalités de la saisine du médiateur
36Le médiateur peut être saisi par une large variété de requérants ; le formalisme des demandes et de la procédure est réduit, quels que soient les différents types de saisine.
Les auteurs et les caractères de la saisine
37Aux termes du décret du 9 février 1983, le médiateur est saisi pour conciliation par les parties à un litige, par toute organisation professionnelle ou syndicale ou par le directeur du CNC, ou peut se saisir d’office. La requête, qui expose les points sur lesquels porte le litige, lui est présentée par écrit ou oralement. Il dispose d’un délai de quinze jours pour tenter de concilier les parties. Les principes fondamentaux de procédure sont applicables. Il entend toutes les parties et toute personne dont l’audition lui paraît utile. Il doit respecter le principe du contradictoire. En cas de conciliation, il établit un procès-verbal signé par lui et les parties qui précise les mesures à prendre pour mettre fin à la situation litigieuse et fixant un délai pour leur exécution. En cas d’inexécution des mesures figurant au procès-verbal de conciliation, il peut saisir le Conseil de la concurrence. En cas d’échec de la conciliation, il peut émettre une injonction précisant les mesures de nature à mettre fin à la situation litigieuse et décider de la publication de son injonction.
38Le caractère obligatoire ou non de la saisine du médiateur n’était pas réglé nettement dans la loi. L’utilisation du présent, « [...] sont soumis à une conciliation préalable les litiges relatifs à [...] », conduisait à pencher dans le sens du caractère obligatoire de la saisine avant tout recours aux tribunaux judiciaires. Par un arrêt du 20 mars 1990, la Cour de cassation8 a considéré que l’article 92 al. 3 de la loi ne confère un caractère suspensif à la saisine du médiateur qu’à l’égard de toute procédure devant le Conseil de la concurrence (trois mois), mais est sans effet sur les procédures portées devant les juridictions judiciaires. Cette solution est justifiée au regard de l’urgence à régler, par exemple des refus de location de films, notamment par référé. Dès lors, la saisine du médiateur est obligatoire avant toute saisine du Conseil de la concurrence ; en revanche, elle ne l’est pas avant le recours au juge.
Les différents types de saisine
39À côté des demandes de conciliation au sens du décret de 1983, appelées « médiations » formelles dans les rapports du médiateur, une pratique plus légère s’est largement développée, les interventions sans médiation, « hors procédure » prévue, ou demandes d’intervention « informelle ». De plus, le médiateur est doté du pouvoir de se saisir d’office.
40a. Les demandes d’intervention informelle. Il s’agit de demandes non prévues par la loi et le décret, dites aussi « hors procédure ». Elles ne comportent pas de demande de médiation proprement dite et sont donc plus légères. Ce type de demandes est apparu dès les années 1980 et s’est notablement développé depuis la deuxième moitié des années 1990. Ces demandes constituent une partie importante de l’activité du médiateur. Elles sont appréciées, notamment par les petits exploitants de province, car aisées à mettre en oeuvre, simples et peu coûteuses. De plus, elles aboutissent dans la moitié des cas à des solutions aux différends. En général, elles ne portent pas sur des litiges qui donnent lieu à demandes de médiations formelles, mais sur des situations de dissension ou d’opposition. D’ailleurs, même en cas de désaccord au terme de l’intervention du médiateur, les choses en restent presque toujours là.
41Ces demandes émanent principalement des exploitants, des programmateurs et des organisations professionnelles (46 sur 61 en 2005-2006, soit 75 % ; 68 sur 88 en 2004-2005, soit 77 % ; 40 sur 63, soit 63,4 % en 2003-2004 ; 34 sur 51, soit 66,6 % en 2002-2003), mais aussi des distributeurs (15 en 2005-2006, soit 24,5 % ; 19 en 2005-2005, soit 21 % ; 23 en 2003-2004, soit 36,5 % ; 17 sur 51, soit 33,3 %).
42Toutefois les distributeurs présentent aussi bon nombre de demandes d’intervention informelle. La proportion des demandes des distributeurs est ici plus importante que dans le cadre des saisines pour médiation formelle car ils recourent plus volontiers à cette procédure informelle qu’à celle des médiations formelles.
43Sur un plan géographique, ces demandes concernent largement Paris et sa banlieue (26 en 2005-2006, soit 42,6 % ; 21 en 2004-2005, soit 23,8 % ; 20 en 2003-2004, soit 31,7 % ; en 2002-2003, 33 % ; et les villes de moins de 100 000 habitants (24 en 2005-2006, soit 39,3 % ; 41 en 2004-2005, soit 46 % ; 19 en 2003-2004, soit 30 % ; les villes de plus 200 000 habitants sont plus ou moins concernées selon les années (en 2005-2006 : 7 ; en 2004-2005 : 25, soit 28 % ; en 2003-2004 : 16, soit 25 % ; en 2002-2003, 20 %).
44S’agissant des films concernés, les demandes informelles portent principalement sur des films français, dont en général la moitié d’« art et essai » (26 en 2005-2006, dont 10 d’art et essai ; 38 en 2004-2005, dont 19 d’art et essai ; 28 en 2003-2004, dont 17 d’art et essai ; 18 en 2002-2003, dont 13 d’art et essai), ainsi que des films américains (en 2005-2006 : 12, dont 6 d’art et essai ; en 2004-2005 : 23, dont 7 d’art et essai ; 18 en 2003-2004, dont 8 d’art et essai ; 8 en 2002-2003, dont 5 d’art et essai).
45Dans le cas de cette procédure informelle, le taux de résolution varie entre environ la moitié et les deux tiers (61 % en 2005-2006 ; 46 % en 2004-2005 ; 33 sur 45, soit 73,3 % en 2003-2003). L’échec des médiations informelles ne donne en général pas lieu à saisine pour médiation formelle.
46b. Les saisines pour médiation proprement dite ou formelle correspondent à ce que la loi et les décrets organisent au titre de la conciliation en cas de litige. Les saisines pour médiation sont plus nombreuses que les demandes informelles et émanent très majoritairement des exploitants de salles (en 2005-2006,81 sur 89 demandes ; en 2004-2005,88 sur 76 ; en 2003-2004, 75 sur 78 ; en 2002-2003, 50 sur 57, soit 88 % ; en 2001-2002 : 64 sur 68), peu des distributeurs (en 2005-2006 : 6 ; en 2004-2005 : 11), parfois de syndicats professionnels (1 en 2005-2006 et 2004-2005 ; 4 en 2001-2002) et du directeur du CNC (1 en 2005-2006).
47La part de Paris et sa banlieue dans les saisines est variable d’une année sur l’autre, mais globalement élevée (en 2005-2006, 38 sur 81, soit 47 % ; en 2004-2005 : 31 sur 88, soit 35 % ; en 2003-2004 : 19 sur 78, soit 23,4 % ; en 2002-2003 : 19 sur 57, soit 34 % ; en 2001-2002 : 16 sur 68, soit 23 %), tout comme celle des villes de 200 000 à 500 000 habitants (en 2005-2006, 34 % des demandes ; en 2004-2005 : 39 % ; en 2003-2004 : 49 % ; en 2002-2003 : 39, soit 34 % ; en 2001-2002, 37 %).
48La plupart des demandes ont pour objet l’organisation d’une réunion entre exploitant(s) et distributeur(s) au sujet du placement d’un film précis (en 2005-2005, 80 demandes ; en 2004-2005 : 78 sur 88 ; en 2003-2004 : 67 sur 78 ; en 2002-2003 : 52 sur 57, soit 91 % ; en 2001-2002 : 63 sur 68, soit 93 %) ou de plusieurs films.
49En termes de films, elles portent en majorité sur des films français, dont de l’ordre de deux tiers d’« art et essai », (37 en 2005-2006 ; 33 en 2004-2005 ; 15 en 2003-2004, dont 6 d’art et essai ; en 2002-2003 : 25, dont 12 d’art et essai ; en 2001-2002 : 42, dont 21 d’art et essai), et sur des films américains, notamment d’« art et essai » (28 en 2005-2006 ; 27 en 2004-2005 ; 38 en 2003-2004, dont 11 d’art et essai ; en 2002-2003 : 8, dont 3 d’art et essai ; en 2001-2002 : 25, soit 38 %).
50Dans quelques cas, la médiation consiste en des réunions destinées à examiner la situation concurrentielle dans une zone déterminée (3 en 2005- 2006 ; 4 en 2004-2005 ; 3 en 2003-2004). Par exemple, ont été examinées, en 2003-2004, la situation entre deux exploitants de Nancy dont il a finalement été constaté que leurs programmations avaient un caractère complémentaire, ainsi que la situation entre l’un des programmateurs de plusieurs salles du quartier Montparnasse à Paris et une dizaine de distributeurs. En 2001-2002, il a été procédé à l’examen de la situation de concurrence et la meilleure répartition des films entre les deux salles de la ville de Chalon-sur-Saône ainsi que de la répartition inéquitable de films porteurs au détriment des salles du centre-ville de Grenoble. Dans ce type de cas, les réunions ne sont pas véritablement des réunions de conciliation car elles ne peuvent pas donner lieu à accord entre les parties. Elles consistent en l’examen de la situation et l’échange d’informations. Néanmoins, le médiateur peut alors formuler des recommandations.
51Dans d’autres cas, ce sont des relations commerciales conflictuelles entre sociétés qui sont en cause (6 demandes en 2004-2005). Elles ont pour objet, dans certains cas, des allégations de pressions exercées par le programmateur d’un ensemble de salles situées dans plusieurs villes, destinées à évincer un concurrent, dans d’autres cas, des différences de traitement arbitraires entre des exploitants de la part d’un distributeur ou encore le non-respect d’accords conclus entre les parties. Des retards de paiement estimés excessifs ainsi que des exigences d’à-valoir auprès d’exploitants se sont inscrits dans ce cadre en 2002-2003. Les réunions de conciliation permettent assez souvent de trouver un accord.
52Enfin est aussi posé le problème des projections gratuites face aux exploitants commerciaux. Ainsi, en 2005-2006, le directeur général du CNC et deux exploitants ont saisi le médiateur de la situation posée à Dijon par les pratiques de la DRAC de Bourgogne et des écoles de l’Éducation nationale (« École et cinéma »). La réunion a abouti à des recommandations envers les administrations publiques. Le même type de problème a été examiné et a donné lieu à une recommandation en 2004-2005 à la suite de la demande d’un exploitant de Beauvais. Cette même année, la question de projections gratuites offertes par la mairie du 3e arrondissement de Paris a été étudiée. En 2005-2006, une demande concernait le problème posé par une projection en avant-première gratuite au palais des festivals de Cannes d’un film ensuite exploité en salle commerciale ; elle a donné lieu à une recommandation du médiateur à la mairie de Cannes (voir infra).
53L’objet des demandes des distributeurs porte en majorité sur la recherche de salles pour des films (en 2005-2006 : 6 ; en 2004-2005 : 10 ; en 2003-2004 : 3 ; en 2002-2003 : 7, soit 12 % ; en 2001-2002 : 4), parfois des films d’« auteur », un film très « pointu »... ou aussi un exemple intéressant, la suppression de deux séances d’un film, sans l’accord du distributeur, dans le cadre de la fête du cinéma. Il s’agit aussi parfois du rétablissement de relations commerciales abandonnées avec un exploitant. Le plus souvent, ces demandes conduisent à des réunions de conciliation.
54c. L’autosaisine du médiateur. Comme la plupart des AAI, la loi confère au médiateur le pouvoir de se saisir d’office de toute affaire entrant dans sa compétence. Lorsqu’il a connaissance de situations susceptibles de nuire à la concurrence ou à la plus large diffusion des œuvres cinématographiques conforme à l’intérêt général, il peut s’autosaisir. Jusqu’à présent, il ne s’est jamais saisi d’offïce. Toutefois il lui arrive, en quelque sorte en préalable éventuel, de questionner des opérateurs. Ainsi a-t-il, en 2003, observé qu’un film « art et essai » très porteur était projeté, à Paris, exclusivement dans deux types de salles, salle de circuit et salle programmée par une entente de programmation. Aussi a-t-il demandé des précisions à deux distributeurs. Leurs réponses ne lui ont pas paru justifier une saisine d’office. De même a-t-il, en 2004, demandé des explications à un autre distributeur après avoir observé le placement d’un film très porteur dans une salle de circuit de capacité nettement inférieure à celle proposée par un exploitant concurrent qui n’avait pas obtenu de copie au terme de négociations avec le distributeur. Ici encore les réponses apportées n’ont pas conduit le médiateur à s’autosaisir.
55Une fois saisi, le médiateur prend les contacts nécessaires, engage les réunions appropriées et procède à l’instruction des dossiers. Il dispose d’une gamme très étendue de moyens d’intervention pour donner une issue aux litiges et situations portés à sa connaissance.
LA DIVERSITÉ DES MOYENS D’ACTION ET DES EFFETS DES INTERVENTIONS
56Les moyens d’action originaires du médiateur sont d’abord ceux qui sont provoqués par les saisines. Il s’agit de la conciliation ou médiation qui, si elle n’aboutit pas, peut donner lieu à des décisions contraignantes, telle l’injonction, et à des mesures à effet coercitif. Ensuite, au moyen de son rapport, le médiateur énonce, à partir d’affaires significatives, sa doctrine et sa politique d’ensemble dans les domaines sensibles de sa compétence. À côté de ces instruments, le législateur a doté le médiateur, depuis 2001, d’un pouvoir de saisine de la Commission nationale d’équipement commercial (CNEC) afin de renforcer le contrôle sur la création, la réalisation et l’extension de salles, notamment de multisalles.
La gamme des moyens d’action sur demande : de la conciliation à l’injonction
57Le médiateur a pour mission de favoriser ou de susciter toute solution de conciliation. L’issue des demandes varie selon l’obtention ou non d’un accord entre les parties. En premier lieu, l’aboutissement de la conciliation donne lieu à un constat au moyen d’un procès-verbal de conciliation. En deuxième lieu toutefois, s’est développée en marge de la conciliation prévue par la loi une intervention sans médiation, ou conciliation informelle, qui représente une part importante de l’activité du médiateur. En troisième lieu, force obligatoire est donnée au procès-verbal de conciliation du seul fait de son dépôt au greffe du tribunal d’instance. De plus, il peut être rendu public. En quatrième lieu, à défaut de conciliation, le médiateur peut émettre une injonction qui peut être rendue publique. En cinquième lieu, il peut aussi saisir le Conseil de la concurrence et informer le ministère public.
58Dans la pratique, le médiateur utilise presque exclusivement les moyens légers de la conciliation et exceptionnellement les outils lourds. Ceux-ci ne sont pas pour autant dépourvus d’efficacité puisqu’ils font peser sur les opérateurs la menace de leur éventuelle utilisation en cas de défaut de conciliation. L’utilité de ces derniers réside donc aussi largement dans la menace que leur utilisation est susceptible de faire peser sur les opérateurs.
59Il importe de présenter ces moyens d’intervention au regard de la pratique dans un ordre croissant de sévérité, lequel correspond assez bien à la pratique concrète.
Les interventions informelles sans médiation
60Les demandes informelles d’intervention sans médiation sont souvent formulées par courrier simple ou par appel téléphonique. Elles sont suivies d’une ou plusieurs interventions du chargé de mission auprès du médiateur ou du médiateur lui-même. Par courrier ou conversations téléphoniques, ils s’efforcent de rapprocher les points de vue et de parvenir à un accord entre distributeurs et exploitants.
61Représentant une partie importante de l’activité du médiateur, l’on est conduit à s’interroger sur cette évolution. Le développement de cette pratique exprime-t-il une inefficacité des procédures légalement prévues ou, au contraire, une marque de succès de la médiation ? Il est permis de considérer que l’intervention informelle exprime le succès de la conciliation par le médiateur. En effet, le nombre de demandes de ce type est très proche de celui des saisines formelles. Cela marque une préférence de la part des opérateurs pour les interventions souples, rapides, peu coûteuses et faciles d’accès, notamment pour les petits exploitants ou distributeurs. L’issue, autant en cas d’aboutissement à un accord qu’en cas de persistance du désaccord, n’est pas exprimée par un acte formel, tel qu’un procès-verbal aux conséquences potentiellement lourdes, mais par une solution amiable ou un simple constat de désaccord. Un désaccord n’exclut pas le recours à une saisine formelle mais n’y oblige pas. Dans la pratique, il apparaît, à la lecture des rapports du médiateur, que la persistance de différends à la suite des interventions informelles n’est que peu suivie de saisines formelles.
Les médiations
62a. Les demandes de médiations formelles sont susceptibles de donner lieu à plusieurs issues : la première mesure consiste en la tenue de réunions de conciliation entre les parties, pouvant aussi permettre de corriger les asymétries d’information (en 2006-2005 : 53 sur 89, soit 57 % des dossiers ; en 2004-2005 : 62 sur 88 saisines, soit 70 % ; en 2003-2004 : 53 sur 78, soit 68 % ; en 2002-2003 : 34 sur 57 saisines, soit 60 %), ou des recommandations sans réunion (en 2005-2006 : 1). Une part non négligeable des procédures sont closes sans réunion (en 2005-2006 : 33 ; en 2004-2005 : 26 ; en 2003-2004 : 25 ; en 2002-2003 : 23, soit 40 %) en raison d’un accord trouvé entre les parties avant la réunion (en 2005-2006 : 23 ; en 2004-2005 : 26 ; en 2003-2004 : 19 ; en 2002-2003 : 16, soit 28 %) ou en raison de la renonciation du demandeur (en 2004-2005 : 13 ; en 2003-2004 : 6 ; en 2002-2003 : 7, soit 12 %).
63b. La conciliation constitue une deuxième issue de la saisine. Soit elle résulte de l’intervention d’un accord entre les parties, soit elle est constatée par un procès-verbal de conciliation revêtu de la signature des parties. Le procès-verbal précise les mesures à prendre pour mettre fin au litige et fixe un délai pour l’exécution de ces mesures. Il est déposé immédiatement au secrétariat-greffe du tribunal d’instance. Ce dépôt lui confère force exécutoire.
64Les conciliations par accord entre les parties sont majoritaires (en 2005- 2006 : 31 sur 53, soit 58 % ; en 2004-2005 : 37 sur 62, soit 60 % ; en 2003-2004 : 34, soit 64 % ; en 2002-2003 : 68 % ; en 2001-2002 : 67 % ; en 2000-2001 : 85 %). Elles consistent en un accord sur le film demandé, sur la salle demandée, sur un ou des films futurs, un accord pour nouer des relations inexistantes ou pour renouer des relations commerciales interrompues, des accords partiels sur seulement certains des films demandés... Dans certains cas assez rares, notamment lorsqu’ils présentent une valeur de principe, le médiateur demande aux organisations professionnelles du cinéma d’assurer la publicité des procès-verbaux de conciliation à leurs adhérents.
65Le bilan de la médiation dans son ensemble, conciliations, accords avant réunion et injonctions, apparaît très satisfaisant puisqu’il représente 69 % des saisines (en 2005-2006).
66c. Le constat de désaccord représente une troisième issue. Non prévu par la loi ni les décrets, cet instrument a été créé par la pratique des médiateurs. Il représente une solution intermédiaire entre la conciliation et l’injonction, qui exprime la souplesse de la médiation. L’intervention de ce constat exprime bien une des spécificités et un des avantages de la régulation et de l’institution des AAI. À la différence des solutions tranchées apportées par le juge qui condamne ou déboute, le médiateur, comme les autres AAI, est en mesure de moduler ses moyens d’action et décisions avec souplesse. S’il ne parvient pas à concilier les parties et que le prononcer d’une injonction paraît excessif, il se borne à dresser un procès-verbal de constat du désaccord et formule quelques recommandations. Le constat de désaccord apparaît dans environ un tiers des cas de saisine pour conciliation (en 2005-2006 : 18, soit 34 % ; en 2004-2005 : 19, soit 32 % ; en 2003-2004 : 18, soit 34 % ; en 2002-2003 : 7, soit 15 % ; en 2001 -2002 : 23 % ; en 2000-2001 : 15 %). Dans la majorité des cas, il est suivi d’une demande d’injonction par l’une des parties.
L’injonction
67L’injonction peut être prononcée dans un délai de deux mois à compter de la saisine du médiateur et est en général demandée par l’une des parties. Elle constitue une arme qui apparaît lourde, mais elle est prononcée avec une grande mesure par le médiateur lorsque les demandes lui sont faites. En effet, le médiateur ne souhaite interférer qu’avec précaution dans un domaine qui demeure régi par la liberté contractuelle. Ainsi existe-t-il un nombre notable de demandes d’injonction non satisfaites (en 2005-2006 : 5 demandes d’injonction ont été satisfaites et 9 rejetées ; en 2004-2005 : 6 satisfaites et 5 rejetées ; en 2003-2004 : 6 satisfaites et 4 rejetées ; en 2002-2003 : 1 satisfaite et 2 rejetées ; en 2001-2002 et en 2000-2001 : 2 prononcées). En sept ans, le nombre de demandes d’injonction et d’injonctions prononcées s’est notablement accru. Aux termes du décret de 1983, l’injonction précise « les mesures qui [lui] paraissent de nature à mettre fin à la situation litigieuse ». Elle impose donc à l’opérateur destinataire de mettre fin à son comportement défectueux. En général elle porte sur la fourniture d’une copie de film pour laquelle elle est plus adaptée que pour la résolution de relations commerciales difficiles.
68L’efficacité de l’injonction du médiateur a pu être mise en doute car elle ne comporte, aux termes de la loi, aucune sanction ni voie d’exécution en cas de non-respect. Pourtant, les rares injonctions prononcées ont toujours été respectées. Caractère de la régulation, l’autorité morale du médiateur semble suffisante pour en assurer le respect. Ici encore il importe de relever que la menace d’injonction représente un moyen de pression efficace dans nombre de cas et aide à parvenir à une conciliation lors de la phase précédente. La pratique observée exprime la préférence des opérateurs pour des solutions souples, de l’ordre de la conciliation.
69L’injonction peut en outre être rendue publique, publicité qui était considérée par certains parlementaires, lors de la discussion de la loi de 1982, comme une sanction en soi. La publicité des injonctions a été fréquente entre 1983 et 19889, donc durant la période de mise en place du mécanisme. Depuis 2001, à la lecture des rapports du médiateur, il n’apparaît pas que cette publicité ait été imposée.
70L’injonction s’analyse en une décision administrative susceptible de recours devant le juge administratif. C’est ce qu’a admis le tribunal administratif de Paris dans un jugement du 7 février 199710. Il en va sans doute de même du refus opposé par le médiateur de prononcer une injonction qui constitue aussi une décision.
71Le médiateur procède, pour chaque demande d’injonction, à un examen de chaque situation particulière. Les critères qu’il met en oeuvre pour accéder à une demande d’injonction sont, ensemble, des critères économiques, relatifs à la concurrence, et de plus large diffusion culturelle11. Ils sont en général imbriqués et délicats à distinguer. Parmi les injonctions prononcées, si l’on s’attache à relever celles qui sont fondées sur des motifs plus économiques, on peut relever celles portant sur le nombre de copies placées dans la zone de chalandise considérée par rapport au plan de diffusion du distributeur dans des zones de chalandise comparables, sur l’équilibre ou le déséquilibre d’un distributeur donné dans l’accès des salles aux films, sur la situation d’un opérateur dominant dans telle zone de chalandise, sur la priorité d’un exploitant privé par rapport à une salle aidée par la municipalité, sur les tarifs pratiqués, sur la capacité du demandeur à régler les sommes dues dans les délais en usage dans la profession, sur le placement antérieur de films de potentiel comparable à celui demandé et leurs résultats dans la zone considérée...
72Si l’on s’attache aux injonctions fondées principalement sur un motif de diffusion culturelle la plus large, sont appréciés des critères tels que l’adéquation de la salle à tel film, la capacité d’une salle à concourir à la plus large diffusion de tel film et sa compétitivité par rapport aux salles concurrentes, le « travail d’accompagnement » mené par l’exploitant, en particulier dans les salles « art et essai », la continuité d’un exploitant dans la diffusion des films de tel réalisateur, la nécessité pour un type de salle de diffuser aussi des films porteurs afin de pouvoir continuer à assurer la diffusion de films peu commerciaux, la possibilité d’un distributeur d’élargir le plan de diffusion d’un film au regard du succès rencontré.
73En fonction des critères appliqués, les injonctions prononcées portent par exemple sur le déplacement de copies (3 fois en 2005-2006) : cas de copies placées dans deux salles face à face, cas de difficultés d’obtention de copies par une salle mieux adaptée au film en cause ou encore cas de placement de copies par un distributeur exclusivement dans une salle12...
74Les refus d’injonction sont motivés (2005-2006, p. 14 ; 2004-2005, p. 9) le plus souvent par le fait que le nombre de copies placées dans un quartier ou une ville n’apparaît pas insuffisant, soit en même temps, soit successivement, ou que le placement de deux ou plusieurs copies, plutôt qu’une seule, apparaît justifié par la nature du film en cause.
Les recommandations
75Les recommandations représentent un moyen d’action plus souple mis en œuvre à l’issue de réunions de conciliation. Outre qu’elles permettent de régler les situations particulières, elles servent aussi à énoncer des positions de principe sur des questions de portée générale. Cinq ont été émises en 2005-2006 et en 2004-2005.
76Ainsi, dans le cadre des dispositifs de l’Éducation nationale « École et cinéma », « Collège et cinéma » et « Lycée au cinéma », destinés à familiariser les élèves avec la fréquentation des œuvres cinématographiques, des exploitants de salles diffusent des films. Or, il est apparu que certains exploitants, candidats à ces dispositifs, parfois depuis plusieurs années, n’ont jamais été mis en mesure d’y participer. Le médiateur a rappelé (Affaires n° 1049 et n° 1061, dans rapp. 2005-2006, p. 16), d’une part, que les activités de service public assurées par les administrations publiques et les entreprises sont soumises au respect du droit de la concurrence édicté par le code de commerce et par l’article 92 de la loi du 29 juillet 1982 pour la diffusion cinématographique, d’autre part que le Conseil d’État a rappelé à plusieurs reprises la soumission des activités de service public au droit général de la concurrence. Il a donc recommandé aux services de l’Éducation nationale et aux coordinateurs d’assurer aux salles candidates l’accès à ces dispositifs.
77De façon très intéressante, la situation concurrentielle créée par la venue de la Cinémathèque française à Bercy, à Paris, a été l’occasion pour le médiateur de rappeler que si « la mission d’intérêt général qui incombe à la Cinémathèque et les moyens importants qui lui sont attribués par l’État lui créent des devoirs vis-à-vis du public, ils lui font aussi obligation vis-à-vis de la profession et du marché d’exercer ses activités, conformément à la jurisprudence, dans le respect tant de la liberté du commerce et de l’industrie que du droit de la concurrence13 » (recommandation du 6 sept. 2006, rapp. 2005-2006, annexes, et 2005-2006, p. 17). Le médiateur relève que la diffusion des œuvres du répertoire est, à Paris, assurée, même si elles bénéficient de dispositifs de soutien, à titre principal par des entreprises privées qui assument les risques économiques d’exploitation. Il en résulte qu’il n’existe pas à Paris « une carence de l’offre et de l’initiative privée qui pourrait, à elle seule, justifier une intervention, directe ou indirecte, de la puissance publique ». En conséquence, la Cinémathèque doit mener sa mission de service public et « exercer ses activités, conformément à la jurisprudence, dans le respect tant de la liberté du commerce et de l’industrie que des règles de la concurrence14 ». Les concours publics dont elle bénéficie ne doivent pas être de nature, notamment au plan tarifaire (tarif Libre Pass), à fausser le jeu de la concurrence15.
78Le médiateur a également formulé des recommandations dans des cas de représentations gratuites. Ainsi la ville de Cannes (Aff. n° 1032) avait loué le palais des festivals (2 500 places) pour une projection gratuite en avant-première d’un film (Anthony Zimmer) tourné à Cannes, destinée à la population cannoise, alors qu’une salle privée devait projeter ce film quelques jours plus tard. Le médiateur a rappelé que, en l’absence de carence de l’initiative privée, cette situation portait atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie. Ainsi en a-t-il également été de l’opération « Soirs d’été », organisée par la mairie du 3e arrondissement de Paris, comportant des séances gratuites chaque soir durant trois semaines, dans un contexte marqué par un nombre croissant de projections gratuites en plein air à Paris. Le médiateur a considéré (Aff. n° 1048, recommandation du 9 nov. 2005, rapp. 2004-2005, p. 20) que la projection gratuite de films très anciens est acceptable si elle est exceptionnelle. En revanche il a recommandé que soit proscrite la diffusion de films en cours d’exploitation et évitée celle de films qui ne le sont plus, mais qui conservent un potentiel commercial. De telles pratiques sont susceptibles de fausser la concurrence.
79L’on doit remarquer que ces observations sont aussi contenues dans les constats et injonctions ou refus qui sont motivés (e.g. rapp. 2005-2006, p. 18 ; 2004-2005, p. 12).
80La saisine du Conseil de la concurrence par le médiateur pour les litiges relevant de sa compétence est prévue par la loi en cas d’échec de la conciliation. Le lien avec le Conseil de la concurrence est aussi prévu dans un autre cas. Le décret du 30 avril 2002 (art. 35) prévoit que lorsque le Conseil de la concurrence est saisi, il communique aux autorités administratives concernées, donc le cas échéant au médiateur du cinéma, toute saisine entrant dans le champ de sa compétence. Ce dernier dispose d’un délai de deux mois pour faire part de ses observations. Cette possibilité n’a pas été utilisée jusqu’à présent.
81L’information du ministère public est également prévue par la loi, en cas d’échec de la conciliation, si les faits sont susceptibles de recevoir une qualification pénale prévue. Cette possibilité n’a pas, elle non plus, été mise en œuvre.
82L’absence de recours à ces procédures pour le moment traduit la conception qu’a le médiateur de sa mission de régulation, très sectorielle et particulière quant à son objet dans un domaine qui concerne le respect du jeu de la concurrence ainsi que la qualité de l’offre culturelle et particulière quant à sa forme, essentiellement la technique de la conciliation.
83Sans doute le médiateur considère-t-il qu’il a une compétence générale et que la médiation constitue une procédure juridique à part entière, indépendamment des autres procédures de droit commun telles que celles existant devant le Conseil de la concurrence et le juge judiciaire16. Entre le Conseil de la concurrence et le médiateur existe, dans le respect de leurs compétences, une répartition des litiges. Les litiges locaux, ponctuels et précis relatifs à la diffusion sont portés devant le médiateur ; les litiges dans lesquels est en cause l’équilibre du marché national sont portés devant le Conseil de la concurrence. Il y a « complémentarité » entre le médiateur et le Conseil de la concurrence, comme l’ont relevé plusieurs auteurs17, mais aussi autonomie. La critique18 selon laquelle il est regrettable que le secteur de la distribution et de la diffusion des oeuvres cinématographiques échappe à l’application du droit commun de la concurrence méconnaît la spécificité de ce secteur. Outre les règles de la concurrence, ce domaine est soumis à la contrainte de l’offre culturelle optimale au public. Ces deux contraintes doivent être l’une et l’autre prises en compte et elles aussi conciliées. C’est pourquoi le législateur a créé une régulation spécifique, dotée d’une institution particulière et de procédures propres, distinctes du droit commun, pour le secteur de la diffusion des films. L’on rencontre ici l’écho des oppositions entre les tenants d’une régulation globale, parfaite, assurant le respect du droit commun de la concurrence sur l’ensemble du marché, et les partisans de régulations sectorielles pour des marchés particuliers. Même si l’on peut considérer que, dans le cadre de la régulation globale de la concurrence, le Conseil de la concurrence est susceptible de prendre en compte des impératifs culturels, dans les domaines culturels en particulier, des régulations sectorielles spécifiques apparaissent préférables.
84La réflexion d’ensemble sur l’usage que le médiateur fait des instruments dont il dispose, sur la politique qu’il mène, sur son positionnement dans le paysage des institutions de la régulation de la concurrence et celles du soutien aux activités cinématographiques apparaît dans les rapports annuels qu’il établit.
Le rapport du médiateur
85Le rapport est prévu par le décret du 8 février 1983. Le médiateur adresse chaque année un rapport d’ensemble sur ses activités au ministre de la Justice, au ministre chargé de l’Économie et des Finances, et au ministre chargé du Cinéma ; copie de ce rapport est adressée au président du Conseil de la concurrence. À l’instar des rapports de toutes les institutions de régulation et de contrôle, les rapports répondent à un triple objet : dresser un bilan d’activité, présenter la doctrine et la politique de l’institution, assurer dans un but d’information et de pédagogie la publicité de son action (sunshine regulation, ou « coup de projecteur »), À cet égard, il constitue un instrument de la régulation d’ensemble de son secteur d’action. Au fil des ans, le contenu des rapports s’est enrichi et leur diffusion améliorée. Depuis 2007, les rapports figurent « en ligne » sur le site Internet du médiateur. Certains de leurs éléments étaient et sont rapportés dans la revue du CNC, CNC Info. La lettre du CNC.
86Les rapports comportent parfois des observations générales formulées à partir de saisines et demandes lorsqu’elles sont nombreuses dans un domaine ou significatives et révélatrices de situations contestables. Les recommandations émises à l’occasion d’un litige fournissent aussi matière à observations générales ; ainsi la question de l’exploitation non commerciale et des projections gratuites précédemment abordées (rapp. 2005-2006). Diverses questions qui dépassent le cadre d’une affaire par leur portée ou qui se présentent de façon répétée donnent lieu à des observations générales participant d’une régulation d’ensemble du secteur de compétence du médiateur. Elles revêtent un caractère pédagogique, voire d’avertissement. Les cinq derniers rapports comportent des « coups de projecteur » et apportent d’intéressants développements sur certains dysfonctionnements.
87La question de la multiplication des copies a donné lieu à des observations renouvelées (rapp. 2005-2006, p. 30 ; rapp. 2003-2004, p. 19 ; 2001- 2002, p. 14, cas de Strasbourg). Il existe en effet une tendance à la multiplication des copies qui, si elle facilite l’accès des films aux salles, constitue, additionnée à l’augmentation du nombre de films et à la concentration des sorties de films à certaines périodes de l’année, un élément de perturbation de l’exploitation des films en salle. Elle entraîne une dilution des entrées, un raccourcissement de la carrière des films, un encombrement voire une saturation des écrans, des difficultés d’accès aux salles des films « fragiles », un turn-over accéléré... La politique du médiateur consiste à contenir cette tendance et à inciter les distributeurs et exploitants à la ralentir, en particulier s’agissant des films « art et essai ». Selon que la zone de chalandise est sous-exposée ou surexposée, il prononce une injonction de rajout de copie ou de déplacement de copie.
88Le médiateur a également formulé des observations sur la mise en place de certains films à Paris (rapp. 2004-2005, P. 16 ; 2003-2004, P. 18). Il relève que, selon les années, la répartition des copies est globalement proportionnelle aux capacités propres des salles. Les grands circuits ont accès aux films « art et essai » et en version originale (VO) dans une proportion correspondant à leur part de salles, même si ces films ne représentent pas leur vocation essentielle. Toutefois, certaines salles indépendantes rencontrent parfois des difficultés pour obtenir des films, par exemple « art et essai » ou en VO, porteurs, dont la projection est essentielle à leur équilibre financier. Le médiateur veille de façon particulièrement attentive à ces films et est amené à solliciter des explications auprès des distributeurs. De telles observations ont aussi valeur pédagogique et sont destinées à être suivies d’effets.
89D’autres phénomènes font encore l’objet d’examen. Par exemple, le cealsing qui consiste à diffuser une seule copie dans plusieurs salles simultanément. Cela permet de multiplier les entrées au démarrage d’un film. Toutefois, cette pratique peut méconnaître des engagements contractuels avec les distributeurs, nuire à la concurrence en concentrant les entrées dans les salles d’un exploitant au détriment des autres salles, exercer un effet d’éviction d’autres films diffusés dans un même complexe... De façon positive, ce phénomène, lorsqu’il est pratiqué dans une zone dénuée de concurrence directe sur ce type de film, facilite la plus large diffusion d’un film (rapp. 2002-2003, p. 18).
90La question du prix des places pratiqué par les salles a fait l’objet d’observations à la suite de réunions suscitées par des situations critiquées (rapp. 2001 – 2002, p. 17s ; 2003-2004, p. 13). Le prix des places pratiqué par un exploitant et les différences de prix des places entre les exploitants sont susceptibles d’influer sur le choix de placement d’une copie par un distributeur. Pour le placement d’un film, un distributeur apprécie les caractères des offres des exploitants, l’emplacement des salles, leur compétitivité, la durée d’exploitation, la qualité des équipements, le type de clientèle, ainsi que le prix des places. Dans la mesure où ces éléments justifient objectivement le placement d’une copie chez un exploitant, le prix trop bas peut-il suffire à fonder le refus de placement auprès de cet exploitant ? Pour le médiateur, un prix anormalement bas peut fonder un refus. Toutefois la réalité d’un prix anormalement bas est difficile à apprécier par rapport à un prix bas. De plus, elle s’apprécie au cas par cas dans la zone, en fonction de l’état de l’équipement, de l’offre des salles, des pratiques des autres exploitants, de la durée du prix bas pratiqué (promotion)... Au regard de la jurisprudence, il ne peut être sanctionné que s’il affecte le jeu de la concurrence (Cass, com., 6 déc. 2005, n° G 05-10 929).
91En outre, un distributeur ne peut imposer un prix minimal (C. com., art. L. 442-5) à un exploitant, de même qu’une convention entre distributeur et exploitant qui ferait « obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse » constituerait une entente prohibée (C. com., art. L. 420-1).
92En marge, l’on ne peut manquer de rappeler que la question du prix des places est posée de façon plus globale depuis l’instauration, en mars 2000, par UGC des cartes d’abonnement illimité UGC illimité, puis par Gaumont, de la carte Le Pass. Le groupe MK2, associé à cette dernière jusqu’en juin 2007, est désormais allié à UGC depuis septembre 2007. L’article 27 du code de l’industrie cinématographique, issu de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE), et de la loi du 17 juillet 2001 (DDOSEC), réglemente l’utilisation de la formule de carte d’abonnement à accès illimité. Ces formules sont soumises à agrément du directeur du CNC, après avis de la Commission d’agrément des formules d’accès au cinéma. Suscitant des réactions très diverses, ces cartes ont un poids relativement modeste dans la fréquentation totale, excepté à Paris et dans la région parisienne. Le médiateur du cinéma n’intervient pas directement dans cette pratique dont avait été saisi le Conseil de la concurrence.
93Une autre pratique, qui a donné lieu à des médiations, a été l’occasion pour le médiateur de rappeler leur condamnation, celle des « couloirs verticaux de programmation » (rapp. 2002-2003, p. 21). Les liens privilégiés qui peuvent exister entre des distributeurs et des salles appartenant au même groupe sont susceptibles d’entraîner des situations de couloirs verticaux constitutifs de dysfonctionnements du marché. Il en résulte que les exploitants indépendants, notamment « art et essai », doivent être traités équitablement tout en admettant que les distributeurs doivent aussi disposer d’une marge d’appréciation importante face à des exploitants indépendants fragiles. Ce rappel a valeur pédagogique générale.
94Enfin, la question du caractère non écrit des contrats de location de films (rapp. 2002-2003, p. 33) a donné lieu à des observations générales du médiateur, d’ailleurs depuis longtemps (rapp. 1989-1991, p. 3). En principe, les contrats relatifs à la représentation cinématographique doivent être écrits et comporter un certain nombre d’éléments précis19. Le caractère écrit de ces contrats n’est pas obligatoire au regard de leur validité, ainsi que l’a souligné une étude de M. André Kéréver en 1991, mais il est un élément de preuve. Toutefois, dans la pratique, il semble que seuls les distributeurs liés aux grands groupes américains (Warner, Metropolitan, GBVI...) recourent systématiquement aux contrats écrits. Les autres distributeurs établissent rarement des contrats écrits et, lorsqu’ils le sont, leur retour par les exploitants avant la sortie du film est rare. Les opérateurs semblent préférer cet usage malgré l’insécurité juridique qui en résulte. Le non-respect de contrats ou des difficultés d’interprétation sont aussi parfois soumis au médiateur. Comme il le rappelle, en ce cas l’arbitrage, aux termes de la loi du 29 juillet 1982 (art. 92), ne relève pas de sa compétence mais des professionnels, en particulier de l’ACPCA, si les opérateurs ont donné leur accord.
Les recours du médiateur contre les décisions des Commissions départementales d’équipement cinématographique
95La loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) a modifié (en dernière lecture à l’Assemblée nationale le 2 mai 2001) l’article 36-4 de la loi d’orientation du commerce et de l’artisanat du 27 décembre 197320 ; elle confère au médiateur du cinéma compétence pour former, dans un délai de deux mois à compter de sa notification ou de son intervention implicite, un recours contre la décision de la Commission départementale d’équipement cinématographique (CDEC) auprès de la Commission nationale d’équipement commercial (CNEC). En effet, afin d’assurer le contrôle de la création de complexes multisalles ou « multiplexes », la loi du 5 juillet 1996 a soumis à autorisation de la CDEC, avant permis de construire, la création de tout ensemble de salles de spectacle cinématographique de plus de 300 places (loi du 2 juil. 2003) et l’extension d’un ensemble de salles de plus de 300 places (loi du 2 juil. 2003). Les critères que doit prendre en considération la CDEC sont énoncés avec précision par l’article 36-1 de la loi. Ils sont relatifs au respect de la concurrence entre salles au plan national et local, et à l’équilibre de l’offre de spectacles cinématographiques dans les zones d’attraction considérées. Le médiateur s’est vu confier la mission d’examiner les décisions des CDEC et le pouvoir de former un recours contre leurs décisions auprès de la CNEC. Ce recours « en appel » est aussi ouvert au préfet, donc dans l’intérêt général, au demandeur et à trois membres de la CDEC.
96Ce nouveau pouvoir a été confié au médiateur en raison de sa mission de régulation et de sa position d’observateur d’ensemble de ce secteur. Il est destiné à renforcer le contrôle sur la création et l’extension de multiplexes, après l’appréciation portée par les CDEC locales et leurs décisions, tout en respectant la compétence de la CNEC. L’intervention du médiateur est toute justifiée dans une perspective d’ensemble au regard de la connaissance synthétique qu’il a du secteur et de la politique de régulation qu’il conduit par sa doctrine et sa « jurisprudence » quant à la concurrence et quant à l’intérêt général d’équilibre de l’offre de films. Toutefois il est remarquable qu’il ne dispose pas d’un pouvoir de décision au fond, et que ce pouvoir reste dans le cadre d’autorités administratives.
97Dans la pratique, depuis 2000, le médiateur, après examen des décisions, ne se prononce pas sur les refus d’autorisation des CDEC ; il considère que, dans ce cas, c’est au demandeur qu’il incombe de former un recours. Quant aux recours du médiateur contre les décisions d’autorisation21, la tendance paraît aller dans le sens d’un léger accroissement de leur nombre. En 2001-2002, il a engagé un seul recours et en 2002-2003 de même, après avoir examiné 8 dossiers ; en 2003-2004 (15 projets autorisés et 4 projets refusés par les CDEC), il n’a introduit aucun appel ; en 2004-2005 (24 projets autorisés par les CDEC et 4 refusés qui ont fait l’objet d’appel par les opérateurs devant la CNEC), il a formé 2 recours devant la CNEC qui a refusé 1 projet ; en 2005-2006 (34 projets autorisés et 6 refusés), il a présenté 3 recours (concernant Saint-Raphaël, Fréjus et Dijon) dont 2 ont été rejetés par la CNEC ; en 2006-2007, il a formé 2 recours (Pontarlier – confirmé par la CNEC – et Alès). Entre 2001 et 2007, il a formé 12 recours dont 6 ont été suivis par la CNEC.
98La forte augmentation du nombre de demandes en 2005 et 2006 s’explique par l’abaissement des seuils de demande d’autorisation introduit par la loi du 2 juillet 2003 (300 places) ainsi que par l’accroissement de la modernisation des salles et la création de complexes dans les villes petites et moyennes, notamment dans les centres des villes22.
99Les recours formés par le médiateur contre les autorisations accordées par les CDEC sont fondés sur l’appréciation concrète des situations apparaissant dans les dossiers au regard des critères posés par l’article 36-1 de la loi du 27 décembre 1973 ; ils sont justifiés par les risques de suréquipement dans les zones considérées et le « surdimensionnement » de certains projets. À cet égard, la préoccupation exprimée par le médiateur est de veiller à la diversité de l’offre d’œuvres cinématographiques et en particulier de prévenir les difficultés d’accès aux copies auxquelles risquent d’être exposées les salles fragiles.
100Lorsque le médiateur s’abstient d’introduire un recours contre les décisions des CDEC, c’est soit parce que les situations ne lui paraissent pas le justifier au regard des critères posés par l’art. 36-1 de la loi (en 2002-2003, 2003-2004...), soit en raison de l’existence de recours formés par le préfet (en 2002-2003, 2003-2004...).
101Au reste, les décisions de la CNEC sont susceptibles de recours devant le Conseil d’Etat23.
102Cette nouvelle compétence de contrôle du médiateur en matière d’équipement en salles complète et étend son domaine d’action. Même si intervenait une déréglementation des équipements commerciaux, comme cela est proposé par la « commission Attali » pour favoriser la concurrence, il est peu probable que le secteur très sensible de la diffusion des œuvres cinématographiques suive, sauf à ruiner l’équilibre de la diffusion et de l’offre culturelle en matière de films.
103Le bilan de l’action du médiateur apparaît plutôt satisfaisant. Dans un domaine complexe où il est nécessaire de concilier le respect des règles de la concurrence avec la plus large offre culturelle quant à la diffusion des œuvres cinématographiques, la régulation qu’il assure, tant à l’occasion de chaque affaire que de façon plus globale, apparaît heureuse.
104Introduit par le législateur dans un créneau situé entre les instances d’arbitrage professionnelles, le directeur du CNC, le Conseil de la concurrence, et le juge, il occupe avec la mesure et la subtilité de ses médiations le champ de régulation qui lui a été ouvert. Par la connaissance qu’il a de la spécificité de l’œuvre cinématographique, il a assuré un équilibre de la diffusion des films entre distributeurs et exploitants de salles, entre les indépendants et les grands groupes, il a pu procurer des écrans à des films en difficulté et des films à des exploitants malmenés, assurer au public l’accès aux films et contribuer à une stabilisation du nombre de spectateurs, à la modernisation de l’équipement en salles...
105En termes généraux, au regard de ses missions, son action a assurément contribué, aux côtés de celle des autres acteurs tels que le législateur, le CNC, les collectivités locales..., à empêcher la disparition des petites salles, de salles en centre de ville, de salles « art et essai », sans entraver la modernisation des équipements, et à assurer des écrans à des films exigeants et à faibles moyens. Il est certes difficile de mesurer avec précision l’ampleur de ce qui a été maintenu par son action, mais il est assuré que, sans son intervention, nombre de salles auraient disparu et nombre de films seraient restés confidentiels, voire sans public. Aujourd’hui sans doute le succès du DVD y pare et assure une voie de diffusion, mais il est susceptible de tarir le public des spectateurs de salles.
106Avec les moyens d’action dont il dispose, l’expérience de vingt-cinq ans d’activité du médiateur montre qu’il a pu être efficace : la médiation et la conciliation sont des réalités ; la menace d’usage des outils coercitifs et la pression qui en résulte ont largement permis une régulation convenable du secteur. Il a été reconnu et apprécié par les acteurs de la diffusion des oeuvres cinématographiques qui préfèrent les processus souples de la médiation et de la conciliation, et y adhèrent.
107Certes son action rencontre des limites, éclairées par exemple par le taux d’échec des conciliations informelles et des médiations formelles. Par ailleurs, il ne résout pas tous les problèmes nouveaux qui se posent au secteur, tels que les multisalles, les cartes d’accès illimité..., mais l’objet de ses missions n’est pas de régler les problèmes généraux posés par le marché des activités cinématographiques.
108À l’inverse, on peut retenir pour preuve de son succès la décision d’étendre ses compétences en matière de contrôle des décisions d’autorisation de création et d’extension de salles prises par les CDEC.
109L’on peut s’interroger sur les évolutions futures de l’institution. S’agissant de ses instruments d’action, le souhait est parfois émis qu’il soit doté d’un pouvoir de sanction, à l’instar de nombreuses AAI, au demeurant en général collégiales. Il n’est pas certain qu’un tel pouvoir accroîtrait son efficacité, même en tant que menace supplémentaire. De plus, la difficulté du choix du type de sanctions, sanctions pécuniaires ou sanctions administratives, surgit aussitôt. En outre, d’autres autorités disposent déjà d’un pouvoir de sanction, d’une part le directeur du CNC dans le cadre de sa compétence sur tout le secteur cinématographique, d’autre part le Conseil de la concurrence dans son domaine général. L’articulation serait délicate. Afin de ne pas dénaturer sa mission de conciliation, un tel pouvoir devrait être très ciblé.
110Il pourrait aussi être envisagé de renforcer son pouvoir de décision, par exemple pour imposer un règlement plus contraignant en cas d’échec de conciliation. Toutefois son pouvoir d’injonction et la menace qu’il exerce paraissent assez efficaces.
111Sur un autre plan, il serait envisageable d’étendre son domaine de compétence, par exemple à la résolution de litiges ou situations plus globaux ou en matière de saisine du Conseil de la concurrence...
112Au demeurant, le médiateur est parvenu au fil des années à un équilibre satisfaisant de réalisation de ses missions. Sauf à transformer l’institution, toute modification devrait être mesurée et prudente.
113Toutefois, il est probable que le développement prochain des copies de films numériques modifie très profondément les conditions d’intervention du médiateur, dans la mesure où les conditions d’existence des copies de films seront complètement changées. La dématérialisation des « copies » permettra la diffusion simultanée auprès de plusieurs exploitants et dans plusieurs salles. Il est permis de s’interroger sur les modalités de contrôle à venir sur la diffusion des oeuvres cinématographiques.
Notes de bas de page
1 « Le Conseil des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, autorités indépendantes de régulation », dans Études en l’honneur de Gérard Timsit, Louvain-la-Neuve, Bruylant, 2004, p. 292- 307.
2 Voir B. du Marais, Droit public de la régulation économique, Paris, Presses Sc. Po. & Dalloz, 2004, p. 49.
3 J.-M. Pontier, « Le médiateur du cinéma », Rev. Admin., n° 265, janv.-fév. 1992, p. 9 sq. ; Y. Robineau, « Le médiateur du cinéma », dans Mélanges Braibant, 1996, p. 615 sq. ; S. Dupuy-Busson, « Le médiateur du cinéma : une AAI méconnue », Légipresse, n° 183, juil.-août 2001, p. 93 ; J. Joly-Huard, « La médiation en droit de la communication : de la régulation à la déontologie », Légipresse, n° 208, janv.– fév. 2004, p. 16 sq. ; S. Dupuy-Busson, La Liberté cinématographique en France et en Europe : garanties et limites, thèse université Paris II, 2002, 547 p.
4 Loi n° 82-652 du 29 juillet 1982 relative à la communication audiovisuelle, art. 92.
5 Depuis la création de l’institution jusqu’en 2006, les médiateurs ont toujours été des membres du Conseil d’État. Le décret du 6 avril 2006 a nommé M. Roch-Olivier Maistre, conseiller maître à la Cour des comptes.
6 Voir J.-M. Pontier, art. cit, p. 9. ; Y. Robineau, art. cit., p. 615.
7 Madame Isabelle Gérard, chargée de mission, doit ici être vivement remerciée pour les informations qu’elle nous a communiquées.
8 Cass, com., 20 mars 1990, n° 88-15372, Sté Warner Bros c/SARL Léaurel ; JCP. 1990. II.21520, concl. Jéol ; LPA. 6 fév. 1991, comm. Gavalda ; D. 1990. somm. 356. V : S. Dupuy-Busson, art. cit, p. 94 ; Y. Robineau, préc., p. 621.
9 S. Dupuy-Busson, art. cit, p. 97, et note n° 33 ; thèse préc., p. 261.
10 Cité par S. Dupuy-Busson, thèse préc., p. 262.
11 Voir rapport 2005-2006, p. 13.
12 Le refus de fournir une copie est susceptible d’engager la responsabilité du distributeur (code de commerce, art. L. 442-6).
13 La Cinémathèque française assure des missions de service public culturel, voir Conseil d’État, avis n° 370169 du 18 mai 2004, EDŒ, 2005, n° 56, p. 185.
14 L’on remarquera que le médiateur reprend très exactement les formules utilisées par le Conseil d’État dans ses décisions et avis récents : voir CE. S. Avis, 22 nov. 2000, Sté L & P. publicité SARL, rec. 492 ; D. 2001.2110, note Albert ; RFDA, 2001, concl. Austry ; RDP, 2001.393, note Guettier. CE. 27 juil. 2001, CAMIF, rec. 402 ; BJCP. 2001.497, concl. Bergeal. CE. Ass. 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, AJDA, 2006.1595, chron. C. Landais & F. Lénica ; RFDA, 2006,1048, concl. D. Casas.
15 Les communes tendent à multiplier les « salles municipales ». Ces salles, dont la gestion est parfois confiée à des SEML, sont soumises aux règles de la concurrence si la commune n’a pas entendu constituer un service public par application des critères classiques, mais une simple activité d’intérêt général. Voir CE, 5 oct. 2007, req. n° 298773, Sté UGC-CINÉ-CITÉ c/Ville d’Épinal. Si, à l’inverse, la diffusion de films revêt le caractère de mission de service public, la création ou la gestion de la salle par une personne publique ou privée est susceptible d’être soumise à la procédure de délégation de service public.
16 Voir S. Dupuy-Busson, thèse précitée.
17 J.-M. Pontier, art. cit, p. 12 ; Y. Robineau, art. cit., p. 625.
18 Voir notamment D. Brault, Réforme de la programmation cinématographique, plus de marché mais aussi plus de solidarité, rapport au ministre de la Culture, 1989.
19 Code de l’industrie cinématographique, art. 30. Décis. réglem.n° 68 du 25 mars 1993 du CNC(JO, 6 mai 1993). Voir Dupuy-Busson, art. cit, p. 94.
20 La loi n° 96-603 du 5 juil. 1996 avait introduit dans la loi du 27 déc. 1973 un chapitre II bis, « Les équipements cinématographiques », soumettant à autorisation de la « Commission départementale d’équipement cinématographique » la création ou l’extension de salles de spectacle cinématographique. La loi n° 2003-590 du 3 juil. 2003 a abaissé ce seuil de 800 places à 300 places. Il s’agit là de contrôler étroitement la création et l’extension des complexes cinématographiques multisalles ou « multiplexes ».
21 Cette attitude exprime la préoccupation de protection des petites salles et une préférence pour le statu quo par rapport à la création et l’extension de salles de grande capacité.
22 Voir rapport du médiateur 2005-2006, p. 25.
23 Voir par exemple : CE, 14 juin 2006, Ville de Roubaix, req. n° 281343.
Auteur
Doyen de la faculté de droit de l’université d’Évry. Centre de recherche Léon-Duguit, pour les nouvelles transformations du droit.
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