Pierre-Laurent Prier et l’école nationale du patrimoine
p. 33-35
Texte intégral
1Pierre-Laurent Frier a été, de 1990 à 1993, le premier directeur des études de la nouvelle École nationale du patrimoine. Avant de décrire le rôle qu’il a joué, il convient de rappeler l’origine et la mission de cette institution.
2L’idée d’une grande école consacrée à la formation des conservateurs (musées, monuments historiques, inventaire général, archéologie, archives) était relativement ancienne, puisqu’elle remonte aux années 1970. Chargé des questions culturelles aux cabinets de Jacques Chirac, de 1974 à 1976, puis de Raymond Barre, de 1976 à la fin 1977, j’ai suivi personnellement ce projet, successivement étudié par le conseiller d’État Jacques Narbonne, en 1975, puis par le professeur de droit, Jean Chatelain, en 1977. Le premier rapport qui concluait à la création d’une grande école recrutant à bac + 2, et regroupant l’École des chartes et l’École du Louvre, fut écarté au profit du second, qui concluait à l’opportunité de créer une école d’application, recrutant à bac + 3, donc au niveau de la licence, et destinée à donner une formation professionnelle aux futurs conservateurs. Cette solution présentait aussi l’avantage de ne pas entrer en concurrence directe avec les formations universitaires existantes en histoire et histoire de l’art.
3Ce dossier fut repris par Jack Lang, alors ministre de la Culture et de la Communication, dans les années 1988-1990 et aboutit à la création de la nouvelle École nationale du patrimoine en mai 1990. Cette école accompagnait la grande réforme, réalisée à la même date, des corps de la conservation, désormais unifiés dans un même ensemble (conservateurs et conservateurs généraux du patrimoine). Quittant la direction du patrimoine, au ministère de la Culture, je fus nommé directeur de l’École en 1990.
4 Les caractéristiques de cette école (dont l’appellation nouvelle : Institut national du patrimoine, remonte à 1999), étaient les suivantes : elle était d’abord chargée d’organiser un concours commun de recrutement pour les différentes familles de conservateurs, à la place des concours séparés jusque-là existants. Elle offrait aussi à la fonction publique territoriale la possibilité, pour les futurs conservateurs régis par ce statut, de présenter un concours identique, avec certaines adaptations, en vue de leur recrutement par les collectivités territoriales.
5Elle avait ensuite la charge d’organiser une formation d’application, d’une durée de dix-huit mois partagée entre des stages en France et à l’étranger, et des enseignements à Paris, et destinée à donner à d’excellents historiens ou historiens d’art, sélectionnés après des études difficiles, par un concours de haut niveau, des formations utiles à leurs futurs métiers : droit du patrimoine, économie du patrimoine, conservation-restauration des oeuvres d’art, gestion sociale, valorisation et diffusion du patrimoine. Malgré certains rapprochements faits à l’époque, l’ENP n’était pas l’ENA du patrimoine, en raison de deux différences majeures : une partie du temps de la scolarité parisienne était réservée à la poursuite d’activités de recherche, au niveau du DEA ou du doctorat ; d’autre part, il n’existait pas de classement de sortie, les élèves de l’ENP ayant choisi leur spécialité (musées, monuments historiques, archéologie, inventaire) dès l’entrée (avec un statut particulier pour les archivistes, qui devaient être préalablement diplômés de l’École nationale des chartes).
6Il faut maintenant en venir au rôle important qu’a joué Pierre-Laurent Frier, dans les débuts de la nouvelle école.
7Il appartenait au directeur de choisir sans tarder un directeur des études, pour prendre en charge les enseignements et les stages (avec le concours pour ceux-ci d’une directrice des stages, Mme Claude Roux). Au cours de l’été 1990, après l’examen des différentes candidatures, celle de Pierre-Laurent Frier s’est rapidement imposée. C’était déjà, quoique tout jeune, un grand professeur de droit, spécialiste du droit du patrimoine culturel ; sa thèse portait sur les abords des monuments historiques, il préparait différents livres ou manuels sur le droit du patrimoine (au sens large) ; il connaissait bien le monde de l’art et il avait participé au jury de recrutement des futurs commissaires-priseurs. C’était surtout un enseignant hors pair, clair, précis, rigoureux, ayant le contact avec les étudiants. Grand lecteur, grand mélomane, l’esprit toujours en recherche, c’était enfin un homme de très grande culture.
8J’ai donc proposé au ministre sa nomination, et je n’ai eu qu’à me féliciter de ce choix.
9Pierre-Laurent Frier fut d’abord directeur des études à temps partiel, car il avait gardé son enseignement à l’université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, puis il fut détaché à l’ENP, où il a suivi au total pendant trois ans les activités de quatre promotions de conservateurs.
10 Ses responsabilités ont été vastes : choix des thèmes d’enseignement à traiter, recrutement des enseignants et coordonnateurs des différents modules, suivi de la formation permanente des conservateurs en cours de carrière. Il instaura l’évaluation par les conservateurs eux-mêmes des enseignements qu’ils avaient suivis et de leurs professeurs (technique encore rare à l’époque). Il organisa des colloques internationaux, en particulier sur la formation des conservateurs du patrimoine en Europe.
11Très apprécié par les présidents du conseil d’administration (J.-P. Lecat) et du conseil scientifique (J. Le Goff), et par ses collègues de la direction, très admiré par les conservateurs-élèves, Pierre-Laurent Frier a apporté une contribution essentielle à la fondation et aux premières années de l’École nationale du patrimoine. Je puis en apporter personnellement le témoignage et lui adresser, là où il se trouve désormais, l’expression de ma vive reconnaissance.
Auteur
Conseiller maître à la Cour des comptes (h), ancien directeur de l’École nationale du patrimoine (1990-1999).
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