Chapitre 1. Transformation et réorientation de l’agriculture au xxe siècle
p. 31-68
Texte intégral
1Les agricultures du monde ont connu dans la seconde moitié du xxe siècle des transformations rapides et profondes. Sous l’impulsion des pays du Nord, des modèles agronomiques simplifiés se sont étendus et continuent à s’étendre sur la surface de la planète, réduisant la diversité des pratiques et des espèces cultivées. En France, cette transformation a été orchestrée de façon conjointe par l’État et les syndicats agricoles majoritaires. Après avoir décrit les grandes étapes de ce « tournant productiviste », nous nous intéresserons aux critiques de la modernisation agricole, qui ont progressivement vu le jour et affirmé la nécessité de rompre avec cette trajectoire de développement. Nous conclurons, ensuite, ce premier chapitre en décrivant la réponse institutionnelle à cette remise en cause, développée sous la bannière de l’« agriculture durable ».
Le tournant productiviste
2La situation actuelle de l’agriculture française résulte, encore très largement, de l’entreprise de modernisation orchestrée par les autorités politiques et scientifiques après la Seconde Guerre mondiale. Avec l’objectif de faire du secteur agricole l’une des clés de la restauration de la puissance économique de la France, les dirigeants français ont souhaité voir les volumes de production augmenter considérablement.
La modernisation de l’agriculture française
3Le contexte de ce tournant productiviste est décrit dans ce passage de l’Histoire de la France rurale dirigée par Georges Duby et Michel Wallon :
De l’accord de Bretton Woods (18 juillet 1945) à l’entrée en vigueur du plan Marshall (3 avril 1948) et la signature de la convention de coopération économique européenne (OECE, 16 avril 1948), un nouvel équilibre mondial se met en place, dont le centre de gravité est aux États-Unis. Dans ce monde, la France tient une place réduite par rapport à celle qu’elle occupait avant la guerre ; avec son empire financier en ruine, et malgré l’illusion d’une puissance coloniale qui l’encombrera encore pendant plus de dix ans, elle a perdu une bonne part de son autonomie sur le plan international. Mais elle entre dans un système de rapports internationaux nouveaux, dégageant les conditions d’un nouvel équilibre dans lequel l’agriculture devient une pièce de première importance, à condition que soit réalisé un énorme accroissement de production agricole. Cela ne peut être obtenu que par un recours massif aux moyens de production industriels1.
4Les tenants et les aboutissants de cette transformation radicale de l’agriculture ont été très largement décrits2. Deux grands facteurs soutiennent la modernisation d’un secteur qui s’était longtemps tenu à l’écart de l’industrialisation des activités de production amorcée, dans d’autres domaines, depuis le xixe siècle en France : il s’agit, d’une part, de la généralisation de la mécanisation et de la motorisation et, d’autre part, de l’application des résultats des recherches scientifiques, notamment par le recours aux produits phytosanitaires et par la création de semences améliorées. Mais cette transformation passa également par un remaniement structurel important piloté par les lois d’orientation agricoles de 1960 et 1962. Cette dernière, portée par le ministre Edgard Pisani, définit le modèle entrepreneurial de l’exploitation capable de mettre en œuvre des moyens modernes de production. Elle se donne notamment pour objectifs de rajeunir la population agricole active, de faciliter la réunion des agriculteurs au sein de sociétés – initialement les groupements d’exploitation en commun (GAEC), puis les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) qui apparaissent en 1985 – et d’encourager l’augmentation de la taille des exploitations3.
5L’entreprise fut couronnée de succès. Les augmentations des volumes de production ont été impressionnantes dans la plupart des cultures. Entre 1960 et 2004, la production agricole totale a doublé, et ce sur une surface cultivée qui tendait à diminuer, témoignant bien de la hausse spectaculaire de la productivité agricole4. Les courbes représentant l’évolution des rendements dans le secteur céréalier depuis la fin du xixe siècle symbolisent le « bond en avant » accompli par l’agriculture française après la Seconde Guerre mondiale :
6Le solde des échanges extérieurs de produits agricoles de la France devient positif dès 1971, il continuera à croître jusqu’en 19965 : la France a atteint, et même dépassé, son objectif du point de vue de l’autonomie alimentaire, elle devient, en 1990, le second exportateur mondial de produits agroalimentaires derrière les États-Unis.
Le modèle agronomique de l’après-guerre
7L’entreprise de modernisation de l’agriculture initiée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale est le produit d’une restructuration importante de l’organisation du travail dans le monde agricole. Appliquant les préceptes du fordisme, les « modernisateurs » substituèrent à l’organisation traditionnelle de la production agricole, qui reposait principalement sur le travail de paysans autonomes, une division du travail clairement établie entre les différents acteurs du monde agricole, accordant un rôle prédominant aux chercheurs-agronomes. Il s’agissait, en somme, de mettre en place un nouveau système d’innovation pour les pratiques agricoles6. À un modèle horizontal de transmission des savoirs traditionnels, développés localement par les paysans, succédait une organisation verticale de l’amélioration des pratiques agricoles, pensée comme la mise en application par les agriculteurs des innovations scientifiques élaborées dans les laboratoires de recherche agronomique. Opposant la science aux savoirs profanes, un tel système réservait l’exclusivité du travail d’invention aux chercheurs-agronomes, reléguant les agriculteurs au simple statut d’« applicateurs7 ». Du laboratoire au champ, en passant par le relais des conseillers agricoles, la modernisation scientifique de l’agriculture s’inscrivait dorénavant dans une logique descendante8.
8Le modèle agronomique qui en résulta répondait à un objectif précis : il s’agissait d’élaborer des modes de mise en valeur à hauts rendements et dont la productivité ne variait pas avec l’environnement au sein duquel ils étaient développés, autrement dit susceptibles d’être implantés dans tous types de conditions pédoclimatiques. Forts d’une conception universaliste de la science, les agronomes des années 1950 poursuivaient ainsi l’ambition de développer en laboratoire des modèles de production agricole applicables dans le monde entier9. Dans cette logique d’affranchissement à l’égard du contexte environnemental, il fallait faire abstraction des caractéristiques locales, conduisant les agronomes à proposer des modèles théoriques dont les variables d’optimisation étaient peu nombreuses et pouvaient, précisément, être modélisées en laboratoire. Il s’agissait, en somme, de simplifier l’organisation de la production agricole, de réduire la complexité du fonctionnement biologique qui sous-tend les pratiques culturales.
9Pour ce faire, il fallait commencer par simplifier les systèmes complexes et variés de polyculture-élevage qui avaient remplacé les systèmes agropastoraux au xixe siècle et s’étaient progressivement perfectionnés, en s’appuyant sur les « synergies technologiques10 » créées par l’association de rotations complexes des cultures et d’élevages multiples11. En ce sens, comme le décrit Raphaël Larrère :
La transformation des produits a été massivement prise en charge par l’industrie. L’agriculture s’est séparée de l’élevage. Dans les fermes de grande culture, la fumure n’est plus produite par le cheptel mais vient des engrais chimiques. L’alimentation du bétail dépend de moins en moins des disponibilités de l’exploitation, faisant appel à des fabrications industrielles d’aliments composés à partir de produits et de sous-produits (voire de déchets) d’origine diverse (pourvus qu’ils soient bon marché). L’industrie ayant proposé des herbicides et pesticides, il est devenu possible de simplifier les rotations… parfois jusqu’à la monoculture. Bref, le processus de production, qui relevait jusqu’alors du pilotage, a été décomposé en séquences simples, et pour chaque séquence, on a cherché à optimiser le rendement par un emploi judicieux de facteurs de production fournis par l’industrie. Tout ce qui contribuait ainsi aux « synergies technologiques » des systèmes de polyculture-élevage a été détruit, remplacé par des produits achetés aux firmes agrochimiques12.
10Au niveau des pratiques culturales proprement dites, le sol fut réduit au statut de substrat physico-chimique inerte tandis que s’imposaient les deux pivots de ce modèle agronomique réductionniste : les semences, d’une part, et les intrants issus de la chimie de synthèse, d’autre part. Concernant les premières, Christophe Bonneuil a très largement décrit comment le « régime d’innovation variétale des Trente Glorieuses » a conduit à une standardisation de « variétés-lignées pures »13 répondant à des normes visant, d’une part leur distinction, leur homogénéité et leur stabilité (norme DHS), et d’autre part leur caractère productif sous le nom de « valeur agronomique et technologique » (norme VAT)14. L’obligation de l’inscription au « Catalogue officiel » de toute semence commercialisée instaurée par décret en 1949 assurera, en définitive, l’exclusivité du contrôle de la sélection variétale aux « semenciers professionnels »15. Christophe Bonneuil écrit à ce propos :
La semence sélectionnée, la fertilisation, la défense des cultures et les savoirs et normes techniques doivent être produits hors de la ferme pour une efficacité accrue. Ces facteurs de production doivent être standardisés pour se prêter à la mécanisation comme à la transformation industrielle et à des filières qui ne vont cesser de s’allonger entre producteurs et consommateurs. Le modèle productiviste des Trente Glorieuses s’appuie sur une logique d’innovation visant à aligner terroirs et filières sur des savoirs génériques et des logiques de rationalisation qui sont transversales aux productions et visent à agir sur les facteurs « limitants »16.
11Évoqué dans la citation précédente par les termes de « fertilisation » et de « défense des cultures », le second facteur de production mis en avant par le modèle agronomique de l’après-guerre renvoie à l’ensemble des intrants chimiques destinés à assurer la forte productivité à l’hectare des cultures modernes : les engrais chimiques et les pesticides. Les premiers sont introduits massivement pour compenser les carences des sols en éléments nutritifs et maximiser la croissance du peuplement végétal cultivé. Les seconds sont également abondamment utilisés dans le but de neutraliser les bioagresseurs susceptibles de produire des pertes de récolte. D’une certaine façon, les traitements chimiques multiples appliqués dans les champs, qui éliminent la plupart des organismes biologiques présents, excepté la culture elle-même, visent à conformer les sols agricoles réels à leur modélisation dans la théorie agronomique, c’est-à-dire à les transformer en substrats inertes, réservoirs d’éléments nutritifs – logique qu’accomplit pleinement la culture hors-sol.
12L’agronomie du début de la seconde moitié du xxe siècle a ainsi élaboré un système de culture basé sur la standardisation génétique des plantes et la minimisation des interactions entre le peuplement végétal cultivé et son environnement, essentiellement pensées comme des contraintes freinant les progrès agricoles17. Sélectionnant des semences capables de valoriser une utilisation intensive des intrants chimiques, les agronomes ont atteint leurs objectifs de productivité.
La conversion productiviste des agriculteurs
13La transformation de l’agriculture bouleverse la profession d’agriculteur. Pour en prendre la mesure, nous pouvons commencer par constater les modifications structurelles brutales qui touchent le monde agricole. Celles-ci ont quatre caractéristiques principales : inégalité régionale du développement de l’agriculture productiviste, diminution du nombre d’exploitations et de la population active agricole, professionnalisation18 et, enfin, spécialisation des exploitations. L’agriculture productiviste issue de la modernisation exige la mécanisation des tâches agricoles. Elle laisse, par conséquent, en déshérence un grand nombre de terres inaccessibles pour les machines agricoles, notamment dans les régions montagneuses et dans les zones humides, entraînant un phénomène important de déprise agricole. Par ailleurs, en 1955, la France comptait 2,3 millions d’exploitations agricoles, il n’y en a plus en 2003 que 590000, tandis que la population active passait de 6,2 millions à 1,3 million19 – elle est actuellement de 970000 personnes20. Dès 1965, Michel Gervais, Claude Servolin et Jean Weil écrivaient :
On s’attendait, certes, à un déclin de la population agricole. Mais les chiffres obtenus surprirent même les spécialistes les plus avertis : de 1954 à 1962, près d’un million et demi de personnes avaient quitté le monde paysan ! un travailleur sur quatre avait abandonné la terre21 !
14Parallèlement, la proportion d’exploitations professionnelles a doublé entre 1970 et 2003, passant de 30 % à 60 % du total22. La réduction du nombre des exploitations agricoles s’est également accompagnée d’une spécialisation importante au détriment des exploitations mixtes qui ne représentent plus en 2005 que 17 % de celles-ci23. On passe, comme nous allons l’examiner plus en détail un peu plus loin, de la polyculture paysanne à un modèle agricole intégré dans lequel les agriculteurs se spécialisent, soit dans la monoculture, soit dans l’élevage intensif, éventuellement hors-sol24.
15Quelles répercussions ces changements structurels ont-ils eues sur les activités des agriculteurs ? La nouvelle orientation donnée par les dirigeants français à l’agriculture exigea une conversion, forcée ou non, des agriculteurs au productivisme. Celle-ci s’est révélée ambivalente du point de vue de la situation sociale de ces derniers. L’adhésion au productivisme devait être l’occasion d’accéder à une nouvelle reconnaissance pour des travailleurs qui se dégageaient ainsi de l’image négative du paysan tourné vers le passé, mais elle s’est surtout traduite, comme nous allons le voir, par une mise sous tutelle des exploitants.
16La volonté politique de développer la productivité de l’agriculture française eut un écho dans les années 1950-1960 parmi les jeunes agriculteurs adhérant à la Jeunesse agricole catholique (JAC), mouvement qui contribuera activement à la création en 1957 du Centre national des jeunes agriculteurs (CNJA), branche jeunesse du syndicat majoritaire qu’est la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA). Ces jeunes agriculteurs adhéraient entièrement à l’idée de moderniser une profession qui avait peu évolué depuis le xixe siècle et désiraient prendre part à la réorganisation du monde agricole25. Acceptant l’idée d’une réduction importante de la population active du secteur, le CNJA, qui s’opposait à la fois à la transformation des agriculteurs en travailleurs salariés et au cadre trop rigide de la famille paysanne patriarcale, défendait un modèle d’agriculteur moderne, responsable de ses terres et mettant en œuvre des techniques de culture innovantes, un modèle compatible, en somme, avec les lois d’orientation de 1960 et 1962. Les membres du CNJA furent, de fait, avec les représentants du secteur céréalier26, les interlocuteurs privilégiés des autorités politiques chargées du pilotage des réformes.
17Un certain scepticisme s’exprima toutefois sur les capacités de la modernisation ainsi orchestrée à « bâtir un monde agricole plus humain27 ». En 1976, Michel Gervais, Marcel Jollivet et Yves Tavernier critiquent même assez sévèrement l’idéologie productiviste de ces agriculteurs « modernes » :
Ces jeunes agriculteurs croient que leur réussite économique dépend très largement de leurs qualités personnelles à condition que l’État élabore un cadre législatif leur permettant de les mettre en valeur. Ils appellent de leurs vœux une politique foncière et une aide financière sélectives favorisant la promotion d’une nouvelle élite agricole qui souhaite s’intégrer dans le système capitaliste tout en sauvegardant son indépendance économique et sociale. Imprégnés d’idéologie moderniste et productiviste, ils préconisent une législation qui leur permette de s’établir efficacement grâce aux dépouilles des plus petits dont la disparition est naturellement commandée par l’intérêt général. Enthousiastes et sincères, ils vivent la loi de la jungle, ainsi organisée, comme une grande œuvre sociale. La JAC les a préparés à admettre que la restructuration agraire, à leur profit, a pour objectif essentiel un meilleur épanouissement des hommes28.
18La transformation effective de la profession d’agriculteur justifie assez largement ce scepticisme. La conversion productiviste du secteur agricole n’a, en effet, pas véritablement tenu ses promesses de faire des paysans des travailleurs autonomes et responsables de leurs activités.
19D’un point de vue politique, les agriculteurs modernistes, adhérents de la FNSEA ou du CNJA, ont obtenu la mise en place d’un modèle de cogestion avec l’État. De ce point de vue, les organisations professionnelles agricoles voient leur pouvoir se renforcer considérablement. En effet, si, de 1946 à 1954, la Confédération générale de l’agriculture, seul syndicat reconnu comme représentatif par le ministère de l’Agriculture, est entièrement sous la tutelle de ce dernier, la FNSEA qui lui succède en tant que syndicat majoritaire va, quant à elle, peu à peu prendre son autonomie par rapport à l’État. Imposant la concertation avec leurs organisations professionnelles comme modèle d’élaboration des politiques agricoles, les agriculteurs parviennent finalement à institutionnaliser le modèle de la cogestion. Toutefois, ce renforcement du pouvoir syndical n’a aucunement favorisé le pluralisme : la FNSEA s’est efforcée, bien au contraire, de s’imposer comme le seul partenaire social de l’administration agricole. C’est sous la direction de ce « partenariat » entre l’État et le syndicat majoritaire que s’est opérée la conversion productiviste de l’agriculture française29.
20À cette limitation de l’autonomie politique des agriculteurs, que constitue le choix par l’État de la « voie syndicale unitaire30 », s’ajoute une dépendance financière croissante. Sous des formes différentes, du soutien aux prix des produits agricoles jusqu’aux récentes aides découplées en passant par celles semi-découplées mises en place en 1992, les aides financières se sont, en effet, imposées dès les années 1960 comme une part essentielle du revenu des agriculteurs. Elles représentent à l’heure actuelle environ 80 % du revenu net d’entreprise agricole31. Dans ce contexte, les agriculteurs sont fortement incités à conformer leur exploitation au modèle défini par les lois d’orientation agricoles et par la politique agricole commune (PAC).
21En outre, la modernisation technico-scientifique des méthodes de culture s’est traduite également par une perte d’autonomie chez les agriculteurs. D’une part, les investissements financiers destinés à l’achat de machines agricoles les ont placés dans une situation de vulnérabilité et de dépendance vis-à-vis des banques auprès desquelles ils durent emprunter32. D’autre part, l’introduction de nouvelles semences améliorées nécessitait la mise en œuvre d’un savoir-faire technique que les agriculteurs ne maîtrisaient pas : c’est le cas notamment pour l’usage des produits phytosanitaires qui accompagnaient ces semences hybrides, productives, mais fragiles. Ces nouvelles exigences techniques ont alors imposé en conséquence la présence de conseillers agricoles dans les exploitations. Dès 1967, Henri Mendras montre, à propos de l’introduction d’un maïs hybride, comment en adoptant ces nouvelles semences des paysans béarnais perdirent leur autonomie au profit d’une tutelle technico-scientifique33.
22C’est, enfin, l’intégration de l’agriculture dans une filière industrielle de production agroalimentaire, qui part des industries semencières et agrochimiques et s’achève majoritairement dans les réseaux de la grande distribution, qui place les agriculteurs dans une situation de dépendance économique34. Comme le résume Raphaël Larrère, cet agriculteur moderne n’est plus un paysan :
C’est un fabricant de « matières premières » (pour l’industrie agroalimentaire), qui achète une gamme de plus en plus large de moyens de production, et dont l’activité ne rend plus les mêmes services. En même temps, son autonomie s’en est trouvée réduite : il dépend des fournisseurs de facteurs de production (de leurs prix et de leurs caractéristiques, éléments sur lesquels il n’a aucune prise) mais aussi des conseils techniques spécialisés qui lui sont fournis en guise de mode d’emploi35.
23Ainsi, le tournant productiviste opéré dans la seconde moitié du xxe siècle transforme profondément les structures du monde agricole et le métier d’agriculteur et fait apparaître une nouvelle stratification sociale. D’un point de vue général, celle-ci s’organise autour d’une ligne de partage avec, d’un côté les agriculteurs qui ont su tirer parti de la modernisation, et de l’autre ceux qui ont, essentiellement, subi la conversion productiviste de l’agriculture. Parmi les premiers se trouvent les « entrepreneurs agro-industriels » et les « petits patrons » ou les « exploitations familiales modernisées », aisés ou moyennement aisés, qui ont pu investir et prendre le tournant productiviste. Parmi les seconds, l’ensemble des exploitants « modernisés-endettés36 », qui ont contracté de lourds emprunts qu’ils ne parviennent pas à rembourser, mais aussi la « paysannerie pauvre traditionnelle ». De ce point de vue, comme le souligne Michel Serres37, le fait social le plus marquant consécutif à la modernisation de l’agriculture est la disparition de la paysannerie. Bertrand Hervieu et Jean Viard ajoutent, dans le même sens, que c’est « en cessant d’être une société agraire, [que] la France devient une grande puissance agricole et agroalimentaire38 ». Remplacés par le modèle de l’exploitant agricole, la disparition des paysans est partout proclamée : Henri Mendras annonce ainsi La fin des paysans39 ; Michel Gervais, Claude Servolin et Jean Weil décrivent Une France sans paysans40 ; le même Michel Gervais, accompagné cette fois de Marcel Jollivet et d’Yves Tavernier, relate La fin de la France paysanne41 ; Pierre Alphandéry, Pierre Bitoun etYves Dupont évoquent enfin Les champs du départ. Une France rurale sans paysans ?42.
La remise en cause de l’agriculture productiviste
24Cependant, si du point de vue des objectifs de production, l’entreprise de modernisation de l’agriculture amorcée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale peut être considérée comme un succès, elle va peu à peu se voir opposer des critiques, provenant de diverses sources et remettant en cause les bienfaits supposés de ce tournant productiviste.
La critique paysanne
25Un premier ensemble de critiques, que l’on peut qualifier d’internes parce qu’elles sont adressées par les paysans eux-mêmes aux autorités agricoles, émerge dès les années 1960. Des courants minoritaires apparaissent, en effet, notamment dans l’ouest de la France, pour contester, peu après leur promulgation, les grandes lois d’orientation agricoles qui encadrent la modernisation. C’est ainsi que deux mouvements syndicaux voient le jour, le Centre régional des jeunes agriculteurs de l’Ouest (CRJAO), en 1965, et la Fédération régionale des syndicats d’exploitants agricoles de l’Ouest (FRSEAO), en 1966, qui marquent les premiers pas de la constitution de la « nouvelle gauche paysanne43 ». Rassemblant des courants assez divers, les acteurs de ce mouvement paysan s’accordent pour critiquer les organisations professionnelles « modernisatrices » et majoritaires, que sont la FNSEA et le CNJA, et dénoncer la cogestion exclusive que celles-ci partagent avec l’État. Ils s’opposent au développement d’un modèle unique d’entreprise agricole ultra-productive, qui favorise les exploitations fortement capitalisées au détriment des plus petites et accroît les inégalités entre les agriculteurs les plus riches et les plus pauvres, quand il n’entraîne pas tout simplement la cessation des activités des seconds. Cette critique, soulignant les inégalités inhérentes au processus de modernisation, remet ainsi en cause l’idée de l’unité du monde paysan, défendue par la FNSEA.
26Le mouvement va peu à peu s’institutionnaliser44, principalement avec la création, au début des années 1970, du Mouvement des paysans travailleurs, issu d’une scission au sein du CNJA, à l’initiative notamment de Bernard Lambert qui publie un ouvrage intitulé Les paysans dans la lutte des classes45, lequel obtient un large écho. En se constituant véritablement en syndicat, en 1977, le Mouvement syndical des travailleurs-paysans cherche à s’affirmer comme un contre-pouvoir par rapport à la FNSEA. Au début des années 1980, l’institutionnalisation des courants proposant des modèles agricoles qui ne s’inscrivent pas dans la voie productiviste s’accélère grâce à l’arrivée au pouvoir de la gauche. En 1981, les paysans-travailleurs se recomposent avec d’autres mouvements pour former la Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans (CNSTP). L’année suivante, une mouvance oppositionnelle interne au syndicalisme agricole officiel crée la Fédération nationale des syndicats paysans (FNSP). L’organisation, la même année, par Édith Cresson, alors ministre de l’Agriculture, des États généraux du développement agricole suscite, pour un temps, l’espoir, au sein des mouvements minoritaires, d’une reconnaissance du pluralisme syndical ainsi que de la diversité des innovations périphériques développées depuis les années 196046 ; pour un temps seulement parce que cette reconnaissance officielle se verra limitée en pratique afin de maintenir la domination exclusive de la FNSEA47. Le projet de développer une agriculture paysanne qui s’oppose au productivisme continue néanmoins de s’élaborer au cours des années 1980. En faveur de la sauvegarde des emplois agricoles et des petites exploitations, les acteurs du mouvement paysan créent en 1984 la Fédération associative pour le développement de l’emploi agricole et rural (Fadear). Et, trois ans plus tard, la CNSTP et la FNSP s’allient pour donner naissance à la Confédération paysanne48.Au début des années 1990, la gauche paysanne dispose ainsi d’un syndicat, institutionnalisant la proposition de sortir l’agriculture du productivisme.
La critique des agronomes et des scientifiques
27Parallèlement, une deuxième source de critiques apparaît dans les années 1970, au sein du monde scientifique, et notamment de l’agronomie. À l’Institut national agronomique Paris-Grignon (INA P-G), des enseignants-chercheurs comme Stéphane Hénin, puis Michel Sébillotte, remettent en cause le modèle agronomique réductionniste qui a soutenu la conversion productiviste49. En 1978, Jacques Poly, alors président-directeur général de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), publie un rapport intitulé Pour une agriculture plus économe et plus autonome50. Un certain nombre de paysans, qui mettaient en œuvre des modes de culture en marge du productivisme, s’emparent de cette formule dans laquelle ils reconnaissent leur démarche et voient la possibilité d’un rapprochement entre les agriculteurs et les scientifiques afin d’élaborer de nouveaux modèles agricoles51. C’est dans cette optique qu’un département consacré aux recherches sur les systèmes agraires et le développement (SAD) est créé au sein de l’Inra en 1979. En 1980, paraît le rapport Hénin sur le problème de la pollution des eaux d’origine agricole qui souligne les phénomènes de contamination de l’environnement par l’azote et les risques associés à l’utilisation massive des produits phytosanitaires52.
28À la lumière de la sociologie de la traduction53, nous pouvons dire, au fond, que la science agronomique de l’après-guerre en faisant siens les modes de production des connaissances de la recherche confinée se heurte rapidement aux difficultés de la « laboratorisation de la société ». Par ce néologisme qui vise le retour du savoir produit dans le microcosme du laboratoire vers le macrocosme du « grand monde », Michel Callon et ses collègues désignent la façon dont l’application dans le monde des connaissances scientifiques élaborées dans les laboratoires requiert la recréation dans la société des conditions expérimentales particulières dans lesquelles ces connaissances sont valides. C’est ainsi qu’ils écrivent :
Pour que le monde se comporte comme dans le laboratoire des chercheurs, […] il faut tout simplement transformer le monde pour qu’en chaque point stratégique soit placée une « réplique » du laboratoire, ce site où l’on sait contrôler les phénomènes étudiés54.
29Mais, tant qu’il s’en tient à ce modèle de traduction unilatéral, le « retour dans le grand monde » des méthodes de culture expérimentées en laboratoire consiste à adresser une sorte de proposition « fordiste » aux agriculteurs que les auteurs de l’Essai sur la démocratie technique avaient, non sans humour, formulée à propos de l’élevage des moutons :
« Choisissez la couleur de voiture », disait Henry Ford, « pourvu qu’elle soit noire ! » ; « Faites ce que vous voulez de vos moutons », disent les experts de Sellafield, « pourvu que vous suiviez les règles générales que nous avons élaborées dans nos centres de recherche ! »55.
30Mais, précisément, cette traduction qui consistait à faire des champs les « répliques » des laboratoires de la science agronomique montra bien vite les insuffisances d’une modélisation des systèmes de culture par trop réductionniste. Ce modèle, qui soutint donc le tournant productiviste, a en effet pour préoccupation centrale, et même exclusive, le peuplement végétal cultivé et est, par conséquent, élaboré dans l’ignorance quasi totale du fonctionnement d’un sol, de sa composition physique, des êtres vivants qui le composent. Il se fondait donc sur une conception d’un système de culture bien moins complexe que celle que donne, par exemple, Thierry Doré et ses collègues dans un ouvrage d’agronomie plus récent :
En reprenant un point de vue propre à l’écologie qui envisage l’écosystème comme un système complexe de relations fonctionnelles, on peut considérer que la mise en œuvre d’un système de culture entraîne une altération des relations entre les organismes vivants sur la parcelle cultivée et leur milieu physico-chimique, entre les composantes physique et chimique du milieu cultivé et, au sein même de la composante biologique, entre les différentes populations qui vivent avec le peuplement végétal cultivé56.
31Autrement dit, un système de culture est un système complexe qui ne se réduit pas à la croissance du peuplement végétal cultivé.
32De fait, en pratique, le monde réel ne tarda pas à déborder de toute part le cadre théorique d’un système de culture qui pensait son application sous la forme de la répétition d’une séquence linéaire : semer, fertiliser et protéger, récolter. Ce que ce modèle agronomique semblait ignorer, c’est l’idée que cette répétition puisse avoir des effets cumulatifs, que chaque nouvelle culture ne repart pas d’un hypothétique point zéro, mais bien d’un nouvel état du milieu cultivé, produit historique d’une évolution naturelle mais aussi des cultures précédentes. Présupposant que le sol avait une capacité presque infinie de minéralisation des intrants chimiques, les « modernisateurs » se sont ainsi entièrement désintéressés du devenir des produits massivement introduits à chacune des séquences de culture.
33Ils oubliaient que nous ne maîtrisons jamais entièrement la trajectoire des objets technoscientifiques que nous introduisons dans le monde57. Les découvertes des phénomènes de pollution des sols et des nappes phréatiques, de la diminution de la fertilité des sols ou encore de l’apparition de résistances aux traitements chez certains bioagresseurs exposèrent en pleine lumière les insuffisances du réductionnisme de la science agronomique, et ce en grande partie grâce au développement de ce que Michel Callon et ses collègues décrivent comme la « recherche profane58 ». Le milieu cultivé n’était pas ce substrat inerte aisément reproductible en laboratoire, mais un système biologique composé de nombreux êtres vivants et inscrit dans une trajectoire historique, dont les dernières évolutions témoignaient d’une détérioration rapide de ses qualités physico-chimiques et biologiques.
34Autrement dit, en réponse à la traduction du savoir agronomique confiné, le milieu cultivé réel s’invite dans les laboratoires agronomiques, participant du phénomène inverse de la « laboratorisation » du monde. Michel Callon écrit à ce propos :
Si je n’avais pas peur des paradoxes, je dirais que c’est le mouvement inverse qui prévaut maintenant : la société s’invite dans les laboratoires, oserais–je dire dans les tubes à essais et dans les boîtes de Petri, par mondes sociotechniques interposés et ceux–ci introduisent avec eux, au cœur des sciences et des techniques, les incertitudes ontologiques dont ils sont porteurs. L’in vivo parasite l’in vitro59.
35Forçant les portes du laboratoire, l’environnement des systèmes de culture impose de repenser des modèles scientifiques que l’on avait crus optimaux, mais qui se contentaient, en réalité, de maximiser un nombre de variables très réduit – sélection de la productivité des semences, introductions d’engrais et de pesticides. Et, l’on découvre alors que cette maximisation est non seulement non optimale, comme en témoigne la stagnation récente des rendements agricoles60, mais qu’elle n’est pas soutenable, du fait de ses effets négatifs sur l’environnement. Sous l’impulsion d’une diversité d’acteurs incarnant le « reste61 » disqualifié par l’agronomie dominante, paysans qui remettent en cause le modèle que l’on veut leur imposer, chercheurs confinés qui critiquent le réductionnisme de cette agronomie, mais aussi chercheurs profanes ou « de plein air », parmi lesquels prennent place – nous allons y revenir dans le développement qui suit – des écologistes militants, naît ainsi une controverse sociotechnique qui donne lieu à la constitution progressive d’un « forum hybride62 », centré sur la critique de l’agriculture productiviste.
36Cependant, ne nous y trompons pas, si certains chercheurs soulignent bien dès les années 1970 les limites de l’agronomie réductionniste, la recherche publique en France n’en prend acte que de façon extrêmement marginale, bien loin de l’idée d’une coopération équilibrée entre science confinée et science de plein air. Dans les années 1980, l’Inra accomplit même, bien au contraire, un « tournant académique » qui l’oriente, presque exclusivement, vers la biologie moléculaire et les biotechnologies63. Et il faudra attendre le milieu des années 1990 pour voir se développer des programmes de recherche publique qui sortent de ce cadre réductionniste pour s’intéresser, notamment, aux interactions entre l’agriculture et l’environnement.
La critique écologique
37Cette réorientation de la recherche agronomique à la fin du xxe siècle n’est pas sans lien avec l’apparition d’une troisième source de critiques de l’agriculture productiviste, de nature écologique, qui naît dans les années 1960, mais s’impose véritablement sur la scène publique au début des années 1990.
38Si la pensée environnementale a des racines plus anciennes, datant notamment de la fin du xixe siècle américain, le discours écologiste se déploie, en effet, véritablement à partir des années 1960. La publication en 1962 de Silent Spring64, l’ouvrage célèbre de Rachel Carson dans lequel l’écrivain-biologiste met en lumière les dommages environnementaux liés à l’utilisation des pesticides, marque l’introduction sur la scène publique d’une réflexion sur les effets indésirables de l’épandage massif d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires dans les champs. Les études se multiplient par la suite, révélant les impacts négatifs de ces nouveaux intrants, facteurs déterminants de la hausse de la production agricole, mais aussi à l’origine de la pollution des eaux et des sols ainsi que d’importants dommages causés aux populations animales65.
39De façon globale, la critique de l’agriculture productiviste prend place dans les années 1970 au sein d’une remise en cause plus large de la trajectoire empruntée par le développement industriel. Les craintes suscitées, d’une part, par la technologie nucléaire et, d’autre part, par la possibilité d’un épuisement des ressources terrestres consécutif à l’usage excessif de celles-ci par les hommes donnent naissance à l’idée que notre puissance technique pourrait se retourner contre nous et dégrader l’état de la planète tout entière d’une manière telle que la vie humaine y serait menacée66. En 1972, Le rapport Meadows67 introduit dans le même sens l’idée que les ressources naturelles pourraient limiter notre croissance. Et, de la Déclaration de Rio de 1992 à la publication de la Charte de la Terre en 2000, un discours environnemental global se met en place, affirmant notre appartenance commune à une planète dont les ressources sont limitées et s’inquiétant de la façon dont « les modes de production et de consommation qui prévalent actuellement causent des dommages considérables à l’environnement, l’épuisement des ressources et la disparition massive de nombreuses espèces68 ». Le Sommet de la Terre à Rio en 1992 marque également l’entrée sur la scène internationale des deux préoccupations globales qui vont s’imposer comme les thèmes majeurs de la réflexion environnementale à la fin du xxe siècle : la diminution de la biodiversité69 et le réchauffement climatique. Ces thèmes font l’objet de deux conventions des Nations unies : la Convention sur la diversité biologique, d’une part, déclarant les parties contractantes, « conscientes de la valeur intrinsèque de la diversité biologique et de la valeur de la diversité et de ses éléments constitutifs sur les plans environnemental, génétique, social, économique, scientifique, éducatif, culturel, récréatif et esthétique » et reconnaissant que « la conservation de la diversité biologique est une préoccupation commune à l’humanité70 » ; la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques71, d’autre part, affirmant la nécessité d’un engagement international visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.
40Dans ce contexte de crise environnementale72, le modèle agricole de l’après-guerre, tout entier tourné vers la production, fait l’objet de critiques, tant du point de vue de son impact négatif sur la biodiversité que de sa consommation importante d’énergies non renouvelables – cette dernière apparaissant en pleine lumière lors des chocs pétroliers des années 197073.
41Aux critiques environnementales, s’ajoute, d’autre part, une défiance croissante à l’égard des produits issus de l’agriculture productiviste. Ce sont, en premier lieu, les grandes crises sanitaires de l’industrie agroalimentaire de la fin du xxe siècle qui sont à l’origine de cette perte de confiance. L’épizootie de l’encéphalopathie spongiforme bovine qui donne lieu à la « crise de la vache folle » à partir de 1996, les épidémies successives de listériose de 1987, 1992 et 1999, les controverses sur les « poulets à la dioxine » ou autres « bœufs aux hormones » constituèrent, en effet, autant de motifs de suspicion quant à la qualité sanitaire des produits de l’industrie agroalimentaire74, et firent l’objet de nombreux livres, enquêtes journalistiques ou documentaires sur ce qui « se cache dans nos assiettes »75.
42Par ailleurs, les craintes d’ordre sanitaire ne concernent pas uniquement les consommateurs, mais également les utilisateurs des produits phytosanitaires, c’est-à-dire les agriculteurs. L’augmentation d’un certain nombre de maladies chez ces derniers a conduit à s’interroger sur l’impact de l’utilisation des pesticides sur la santé humaine76. Plusieurs études ont depuis mis en lumière les liens de causalité existant entre certains de ces produits et le développement de nouvelles pathologies professionnelles77. L’agriculture productiviste est ainsi également critiquée d’un point de vue sanitaire, car les méthodes qu’elle met en œuvre seraient porteuses de risques pour la santé de la population, tant chez les consommateurs que chez les professionnels du monde agricole.
La critique des pays du Sud
43Enfin, une quatrième source de critiques visant le modèle de l’agriculture productiviste se situe au-delà des frontières des pays qui ont orchestré la transformation productiviste de leurs agricultures. Elle se situe, en effet, dans les pays du Sud qui se voient imposer le modèle de modernisation agricole développé au Nord.
44Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la « faim dans le monde » apparaissait comme l’une des préoccupations internationales majeures. Associée à un double enjeu, humanitaire et géopolitique, l’éradication des famines devint un objectif prioritaire qui motiva notamment la création de la Food and Agriculture Organization (FAO) en 1945. Une solution s’imposa alors, à l’initiative des pays industrialisés – essentiellement les États-Unis et l’Europe –, exporter aux pays en développement les techniques agricoles sur lesquelles s’appuyait la modernisation des agricultures des pays du Nord, afin d’augmenter la productivité mondiale. Ce fut l’esprit de ce que William Gaud, administrateur principal de l’US Agency for International Developement (Usaid), nomma, en 1968, « révolution verte », et que Michel Griffon définit de la façon suivante :
– Un ensemble de techniques de production pour l’agriculture irriguée par inondation dans le tropique humide avec l’emploi : i) de variétés de blé et de riz à paille courte et haut rendement, ii) d’engrais et produits de protection phytosanitaires.
– Un ensemble de mesures de politiques agricoles de soutien : i) des garanties d’achat de la récolte par le secteur public à prix fixé à l’avance, ii) des subventions aux engrais, aux produits de traitement, aux équipements, iii) l’accès au crédit, iv) la protection tarifaire, v) la présence d’un système de vulgarisation78.
Le concept peut être élargi à : toute forme d’agriculture (pas seulement irriguée, mais aussi pluviale) ou d’élevage ; utilisant des variétés améliorées et des races améliorées ; utilisant des techniques intensives en intrants chimiques au sens large (régulateurs de croissance par exemple) ; et bénéficiant de mesures de politique agricole réduisant l’incertitude et améliorant les marges bénéficiaires au moins pendant une période d’apprentissage technologique79.
45De cette « révolution », on peut dresser le bilan productif, qui apparaît très différencié selon les grandes régions du monde auxquelles l’on s’intéresse ; de manière très générale, si l’on suit à nouveau Michel Griffon, celle-ci s’est traduite par une forte hausse de la production en Asie, a connu des résultats moins significatifs en Amérique latine et a subi de nombreux échecs en Afrique80. Mais, le point central, ici, est précisément que, comme il en fut pour les transformations des agricultures des pays du Nord, le critère unique à l’aune duquel a été pensée cette modernisation des agricultures mondiales est celui de la hausse de la production agricole, laissant de côté, d’une part, la question des conséquences environnementales d’une telle conversion productiviste et, d’autre part – et c’est ce qui nous intéresse dans ce paragraphe –, la question de son impact sur les paysanneries locales. Utilisant les mêmes leviers d’action que ceux que nous avons décrits concernant la modernisation de l’agriculture française – l’introduction d’un ensemble de nouvelles techniques, essentiellement la sélection génétique et les apports d’engrais et de produits phytosanitaires, et la mise en œuvre d’une politique de soutien public –, la révolution verte, quand elle a eu lieu, s’est effectuée sans les paysans. C’est ce dont témoigne le fait que cette transformation s’est faite pour l’essentiel en l’absence de réforme agraire.
46La marginalisation des paysans en révéla ses conséquences les plus négatives dans les deux décennies qui suivirent. En effet, l’engagement dans la voie de la révolution verte était soutenu, aux niveaux national et international, par une économie publique. Mais, dès lors que cette politique de soutien agricole apparut comme trop coûteuse pour les États et non suffisamment compétitive au niveau international, les subventions publiques s’amenuisèrent81. Selon la Banque mondiale, l’heure était à l’« ajustement structurel », inspiré de la théorie classique des avantages comparatifs82, autrement dit à la spécialisation des agricultures nationales ainsi qu’à la mondialisation et à la libéralisation des marchés agricoles. Cette nouvelle orientation économique vint souligner la rupture entre, d’une part, un modèle agricole productiviste tourné vers les exportations et le marché mondial83, et, d’autre part, les paysanneries locales qui pratiquaient une agriculture vivrière et vendaient sur des marchés locaux. Bertrand Hervieu et François Purseigle décrivent le premier modèle de la façon suivante :
Le début du xxe siècle consacre l’émergence d’une nouvelle forme de production agricole que l’on peut appeler agriculture de firme : industrielle, financiarisée, mobile, délocalisée et orientée par les marchés mondiaux84.
47Et ils ajoutent :
Quels que soient les contours qu’elle revêt, cette « agriculture de firme » fait naître deux phénomènes : l’un d’abstraction-financiarisation-organisation de la production en fonction des marchés ; l’autre de précarisation-assujettissement, faisant resurgir parfois des situations de néoservage, de non-droit et de paupérisation absolue de la main-d’œuvre85.
48Ne mobilisant, en outre, qu’une part faible de la population rurale, le développement de ces grandes exploitations agricoles orientées vers les marchés mondiaux se fait au détriment des paysans qui, non seulement n’ont pas accès aux marchés internationaux, mais peinent de plus à trouver des débouchés locaux ou régionaux dans la mesure où la mondialisation du marché se traduit également par la croissance des importations de denrées alimentaires dans les pays du Sud, en contrepartie de leurs exportations. Dans un tel contexte, comme le décrivent les deux auteurs, l’agriculture paysanne orientée vers les marchés intérieurs est marginalisée :
Autre phénomène nouveau : le maintien et la diffusion d’une agriculture de survie qu’il conviendrait d’appeler une agriculture congédiée, dans la mesure où les populations urbaines dominantes n’attendent rien de celle-ci pour assurer la sécurité de leur approvisionnement. Nous n’assistons pas à la fin des paysans et à leur transformation en agriculteurs, ni à un exode massif des populations agricoles, mais à une sorte d’exil sans départ, en marge du processus de globalisation des marchés agricoles86.
49Dressant le bilan des effets de la globalisation sur les mondes agricoles, Bertrand Hervieu et François Purseigle notent ainsi :
À la cassure Nord-Sud se superpose désormais une cassure Sud-Sud, qui fait coexister des espaces urbains, des classes moyennes et supérieures côtoyant un marché globalisé, avec des espaces ruraux, des populations pauvres, coupées, quant à elles, des échanges et du développement87.
50Le modèle de l’agriculture productiviste fait ainsi l’objet de critiques également du point de vue des conséquences sociales et économiques de la modernisation des agricultures des pays du Sud88. Accusée de marginaliser la paysannerie traditionnelle, d’aggraver les inégalités sociales, notamment au sein des populations rurales des pays en développement et d’avoir placé ces derniers dans une situation de dépendance alimentaire, la voie empruntée par cette conversion productiviste est remise en cause.
51Un faisceau de raisons politiques, sociales, économiques, environnementales et sanitaires appuient ainsi la critique du modèle agricole issu de la modernisation des agricultures des pays du Nord, et qui s’est exporté dans les pays du Sud par le biais de la révolution verte. De sorte qu’au début des années 1990, la nécessité de réorienter le développement agricole et de quitter la voie du productivisme effréné semble s’imposer.
L’institutionnalisation de l’agriculture durable
52À la fin du xxe siècle, l’idée s’impose dans les mondes agricoles qu’il faut réformer les politiques qui ont conduit, depuis les années 1950, au développement des modèles productivistes – même les commentateurs les moins critiques, qui mettaient en avant le succès productif de la modernisation des Trente Glorieuses, reconnaissent désormais cette nécessité. Après une trentaine d’années de politiques de soutien tendues vers l’objectif unique de la hausse de la production agricole, les décideurs politiques déclarent, en effet, leur intention de réorienter le développement agricole89. Nous allons analyser comment la notion d’agriculture durable va émerger, au niveau européen, avec les réformes successives de la politique agricole commune (PAC) et, au niveau global, avec la « révolution doublement verte », comme réponse institutionnelle aux critiques du productivisme. Tout en observant la façon dont l’administration agricole va se saisir du cadre de la durabilité, initialement associé à la notion de « développement durable90 », nous nous interrogerons sur la portée pratique de ce modèle institutionnel, autrement dit sur sa capacité à promouvoir des modes de mise en valeur agricole en rupture avec le productivisme.
Les réformes de la politique agricole commune
53Au niveau européen, la réforme de la PAC de 1992 concrétise la volonté de rompre avec un productivisme aveugle à ses conséquences sociales et environnementales. La production agricole doit être réorganisée afin de prendre en compte la protection de l’environnement, celle-ci ayant été établie comme l’un des objectifs de la Communauté européenne dans l’Acte unique européen de 198691. Toutefois, si les préoccupations environnementales font bien leur apparition en 1992, elles ne constituent pas pour autant les motivations principales de cette réforme, qui répond avant tout à des exigences économiques et politiques92. D’une certaine façon, le souci des conséquences négatives sur l’environnement de l’agriculture productiviste va d’autant mieux justifier la nécessité de rompre avec le modèle agricole de l’après-guerre que la sortie du productivisme s’impose pour des raisons économiques et politiques93.
54À la fin des années 1980, la politique agricole européenne doit, en effet, résoudre deux problèmes : d’une part, la régulation des excédents productifs et des coûts importants associés au fort soutien qui constitua la ligne directrice des premières années de la PAC, et, d’autre part, le mécontentement des grands pays agricoles exportateurs du monde extra-européen qui exigeaient la baisse des subventions des agricultures de l’Union européenne afin de mettre un terme à ce qu’ils considéraient comme une distorsion de la concurrence sur le marché agricole mondial.
55C’est dans ce contexte que les préoccupations environnementales firent leur apparition dans les nouvelles orientations agricoles. L’idée qui présida à l’élaboration de la réforme fut, en effet, celle de satisfaire les exigences économiques et politiques avancées en prenant la direction du développement de modes de production plus respectueux de l’environnement. C’est qu’à la recherche d’une issue pour quitter la voie d’une agriculture intensive, devenue trop productive, sans diminuer les revenus agricoles, le couplage de l’agriculture avec les enjeux environnementaux proposait une réponse simple. En premier lieu, les objectifs de la diminution de la production agricole et de la protection de l’environnement pouvaient se rejoindre de manière assez évidente : diminuer l’intensité de l’usage des intrants chimiques ou cesser de cultiver certaines terres – gel des terres –, c’était, en effet, à la fois produire moins et économiser des coûts pour les agriculteurs, mais aussi rejeter moins de substances polluantes dans l’environnement. En second lieu, les objectifs environnementaux offraient une réponse à la question de savoir comment réduire la production agricole sans diminuer les revenus des agriculteurs, alors même qu’une part importante de ces revenus était constituée d’aides précisément indexées sur les volumes produits : il s’agissait de rémunérer les agriculteurs pour les services qu’ils rendaient en vue de la protection de l’environnement.
56Le maintien du niveau des revenus agricoles était ainsi assuré par un changement de la politique d’aide aux agriculteurs : au soutien par les prix qui encourageait la productivité se substituaient des aides directes rémunérant la mise en œuvre de pratiques respectueuses de l’environnement94. En ce sens, la législation européenne avance l’idée en 1992 que
l’instauration d’un régime d’aides visant à encourager une diminution sensible de l’utilisation des engrais ou des produits phyto-pharmaceutiques ou la mise en œuvre des méthodes d’agriculture biologique peut contribuer non seulement à une diminution des risques de pollution d’origine agricole mais également à l’adaptation des divers secteurs de production aux besoins des marchés en favorisant des productions moins intensives95.
57La prise en compte des problématiques environnementales était ainsi non seulement compatible avec les objectifs économiques fixés pour la PAC au début des années 1990, mais constituait aussi et, peut-être surtout, un moyen de les atteindre.
58La réorientation des politiques agricoles européennes de la fin du xxe siècle s’inscrit globalement dans cette voie qui consiste à compenser la baisse du soutien de la production par les prix avec la valorisation des services environnementaux et sociaux que peuvent rendre les agriculteurs. C’est, en effet, cette logique qui prévaut également dans la réforme de 1999 qui aboutit à la création du second pilier de la PAC consacré au développement rural, ainsi que dans la réforme de 2003. Aux côtés du rôle productif qui reste central, ce sont, ainsi, d’autres fonctions de l’agriculture, telles que la protection de la biodiversité ou l’entretien des paysages ruraux, qui sont désormais valorisées et rémunérées par les politiques agricoles. Il s’agit, en définitive, d’intégrer les préoccupations environnementales et sociales dans le cadre du développement économique de l’agriculture. De ce point de vue, nous pouvons dire que les nouvelles orientations agricoles de la fin du xxe siècle traduisent la volonté de réformer le modèle agricole de l’après-guerre en tenant ensemble trois types de préoccupations, économiques, sociales et environnementales, autrement dit de sortir l’agriculture de la voie du productivisme pour l’inscrire dans celle du « développement durable ».
Un nouveau cadre : l’agriculture durable
59C’est ainsi qu’apparaît l’expression d’« agriculture durable », appelée de ses vœux par la Commission européenne en 1999 :
La relation que l’on souhaite établir entre l’agriculture et l’environnement peut être définie par les termes « agriculture durable ». La durabilité est le concept fondamental du cinquième programme d’action en matière d’environnement, où le développement durable est considéré comme un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations à venir de satisfaire leurs propres besoins. Cela signifie qu’il faut maintenir l’équilibre général et la valeur du capital naturel et redéfinir les questions à court, moyen et long terme pour tenir compte des coûts et des avantages socio-économiques réels de l’utilisation et de la conservation96.
60Et, un peu plus loin :
Il importe de mettre l’agriculture européenne sur la voie d’un développement durable en menant des actions qui garantissent la constitution d’un modèle européen d’agriculture respectueux de l’environnement, économiquement viable et socialement acceptable97.
61Le cadre de la durabilité qui cherche à concilier le développement économique avec la préservation de l’environnement tout en intégrant une préoccupation de justice sociale semble, en effet, tout à fait indiqué pour accueillir les nouvelles orientations agricoles définies à la fin du xxe siècle. En dépassant notamment l’opposition entre tenants du productivisme et défenseurs de l’environnement, la réflexion sur l’agriculture durable pourrait engager la diversité des acteurs et penseurs des mondes agricoles dans une discussion commune visant à organiser la transition entre le modèle productiviste de l’après-guerre et un modèle d’agriculture susceptible de s’inscrire dans un temps long, tant du point de vue de sa reproduction environnementale que sociale. Dans leur diversité98, les définitions de l’agriculture durable témoignent presque toutes de cette volonté de satisfaire les objectifs de différentes natures assignés à l’agriculture du xxie siècle. C’est ainsi qu’au sein de la législation américaine, dès 1977, on peut lire dans le Natural Agricultural Resarch Extension and Teaching Policy Act que :
L’agriculture durable est un système intégré de pratiques de production animale et végétale, adaptées et destinées, sur le long terme, 1) à satisfaire les besoins humains en nourriture et en fibres ; 2) à privilégier la qualité de l’environnement et préserver les ressources naturelles dont l’agriculture dépend ; 3) à faire le meilleur usage des ressources non renouvelables et agricoles et à intégrer, le cas échéant, les cycles biologiques naturels et leurs contrôles ; 4) à soutenir la viabilité économique des exploitations agricoles et 5) à améliorer la qualité de vie des agriculteurs et la société dans son ensemble99.
62Dans le même sens, dans un article où elle s’interroge sur les possibilités du développement d’une agriculture durable en France, Sylvie Bonny écrit :
En définitive, une agriculture durable serait donc, dans l’idéal : respectueuse de l’environnement, préservant les ressources, maintenant le potentiel de production pour les générations futures et ne détruisant pas les autres espèces ; rentable pour les agriculteurs et praticable à long terme ; assurant la suffisance et la qualité de l’alimentation à toutes les populations ; équitable au niveau social et humain, entre les différents pays et dans chaque pays ; socialement acceptable100.
63Dès lors, l’agriculture durable hérite du caractère consensuel du développement durable lorsqu’il entend s’appuyer équitablement sur ses trois piliers, économique, social et environnemental. Pour le dire simplement, affirmer qu’il faut orienter la production agricole vers des modèles à la fois plus respectueux de l’environnement et des acteurs agricoles sans négliger la question de la rentabilité économique des exploitations ne risque guère de susciter de vives oppositions.
64Sur le plan environnemental, sont ainsi mises en avant un certain nombre de pratiques vertueuses. Au niveau européen, des mesures agroenvironnementales destinées à favoriser la mise en œuvre de ces pratiques par les agriculteurs sont instituées par la réforme de la PAC de 1992101. Parmi celles-ci, figure la conversion des exploitations au mode de production biologique, qui fait l’objet en 1991, d’une réglementation européenne établissant précisément les critères permettant de revendiquer l’appellation et définissant les conditions d’étiquetage des produits issus de ce mode de production102. Dans le règlement du 28 juin 2007, abrogeant le précédent, l’agriculture biologique est définie de la façon suivante :
La production biologique est un système global de gestion agricole et de production alimentaire qui allie les meilleures pratiques environnementales, un haut degré de biodiversité, la préservation des ressources naturelles, l’application de normes élevées en matière de bien-être animal et une méthode de production respectant la préférence de certains consommateurs à l’égard de produits obtenus grâce à des substances et à des procédés naturels. Le mode de production biologique joue ainsi un double rôle sociétal : d’une part, il approvisionne un marché spécifique répondant à la demande de produits biologiques émanant des consommateurs et, d’autre part, il fournit des biens publics contribuant à la protection de l’environnement et du bien-être animal ainsi qu’au développement rural103.
65L’agriculture biologique est ainsi présentée comme un modèle d’agriculture vertueuse d’un point de vue environnemental, mais aussi d’un point de vue social, autrement dit comme un modèle d’agriculture durable.
66Par ailleurs, en dehors de l’appellation biologique, le paysage institutionnel du monde agricole – que ce soit au sein des instituts de recherche, des organes politiques ou des associations – voit fleurir une multiplicité de qualificatifs visant à indiquer l’intégration des préoccupations environnementales dans la réflexion sur le développement de l’agriculture. Afin de la démarquer du modèle « conventionnel », celle-ci peut être qualifiée d’« intégrée », de « raisonnée », ou encore d’« écologique ». On parlera également d’agriculture de « précision », de « conservation », d’agriculture « écologiquement intensive », « à haute valeur environnementale » ou encore « à haute valeur naturelle ». Déjà longue, cette liste d’appellations est pourtant loin d’être exhaustive104, elle témoigne d’une certaine vitalité de la réflexion sur la réorientation environnementale en cours. Ainsi, entre l’agriculture intensive conventionnelle et l’agriculture biologique, s’échelonnent un certain nombre de modes de mise en valeur plus ou moins clairement définis, mais qui prétendent tous contribuer au développement d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement et s’inscrire dans le cadre général d’une agriculture durable105.
67Sur le plan social, les nouvelles orientations agricoles mettent en avant le rôle que peuvent jouer les agriculteurs dans le développement des espaces ruraux. C’est notamment l’objet de la création, en 1999, du second pilier de la PAC consacré au « développement rural106 » et institué par l’élaboration d’un règlement ad hoc107. S’y ajoute, en 2004, la constitution d’un fonds d’intervention spécifique (Fonds européen agricole pour le développement rural [Feader]), ayant pour mission de soutenir les actions en faveur de ce développement en suivant quatre axes : « améliorer la compétitivité des secteurs agricoles et forestiers », « améliorer l’espace et l’environnement », « améliorer la qualité de vie en milieu rural et la diversification de l’économie rurale » et, enfin, soutenir des initiatives locales pour le développement d’un territoire108.
68Deux thèmes se sont imposés dans l’abondante littérature consacrée aux politiques agricoles en faveur du développement rural : la « multifonctionnalité » et la « territorialisation » de l’agriculture109. La satisfaction des objectifs définis par le second pilier de la PAC passerait, en effet, par le développement d’une agriculture combinant ces deux notions, autrement dit multifonctionnelle et territoriale. Le premier qualificatif renvoie à l’idée, déjà évoquée, de la diversification des fonctions de l’agriculture, tant d’un point de vue économique, que social et environnemental. Le second a trait, quant à lui, à une transformation de la façon de penser et de mettre en œuvre les politiques agricoles : il s’agit de développer des modes de gestion plus décentralisés, en engageant les acteurs locaux d’un « territoire rural110 ». Ce dernier terme est préféré à celui d’« espace rural » dans l’optique de désigner non pas simplement un support géographique, mais plutôt une entité faite des interactions multiples engageant l’ensemble des acteurs locaux111. En ce sens, territorialiser les politiques agricoles, c’est inviter à penser l’agriculture comme une activité parmi d’autres qui participe au développement d’un territoire, et les agriculteurs comme des acteurs locaux de ce développement. De ce point de vue, territorialisation et multifonctionnalité iraient de pair, la réflexion sur l’agriculture abordée sous un angle territorial permettant de faire apparaître la diversité des fonctions économiques, sociales et environnementales que peuvent accomplir les agriculteurs et, inversement, l’appel à la diversification des fonctions de l’agriculture se comprenant mieux par l’analyse de leur contribution à la construction d’un territoire. La rupture avec l’agriculture intensive et mono-fonctionnelle, c’est-à-dire uniquement productive, serait ainsi marquée, non seulement par la volonté de coupler l’agriculture et l’environnement, mais aussi par l’incitation à la diversification des activités agricoles, appelées à renforcer leur rôle socialement structurant dans le développement des espaces ruraux.
Au niveau global, la « révolution doublement verte »
69Agricultures biologiques, intégrées, raisonnées, multifonctionnelles et territoriales, seraient ainsi désormais les maîtres mots des politiques agricoles européennes soucieuses d’affirmer leur engagement dans la voie de la durabilité. Ce sont également, à une échelle plus globale encore, les ingrédients des nouveaux modèles de développement de l’agriculture mondiale qui ont fait le bilan de la révolution verte.
70L’heure ne serait plus, en effet, à l’exportation des modèles agricoles intensifs en intrants chimiques et coûteux en énergie, qui avait constitué la ligne directrice des politiques agricoles mondiales précédentes. Si « nourrir la planète » reste la priorité, il s’agit désormais de s’interroger sur les façons d’atteindre cet objectif en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux du développement agricole. C’est l’objet de la « révolution doublement verte » qu’appellent de leurs vœux Gordon Conway112 et Michel Griffon113, et que ce dernier définit de la façon suivante :
Qu’est-ce que la révolution doublement verte ?
Comme la Révolution verte, c’est à la fois une nouvelle technologie et une nouvelle politique agricole.
Une nouvelle technologie : les techniques de production sont fortement inspirées par le fonctionnement de la nature elle-même. La connaissance du vivant offre un très grand nombre de possibilités d’imitation des phénomènes naturels. On peut dès lors les utiliser en substitution aux techniques de la Révolution verte fondées sur l’usage d’apports chimiques ou l’utilisation de fortes quantités d’énergie. Le fondement de cette technologie est l’écologie scientifique et, d’une manière plus générale, les mécanismes du vivant. […]
Une nouvelle politique agricole : la politique agricole doit être pragmatiquement orientée par la nécessité de faire sortir de la pauvreté et de faire entrer dans l’économie de marché une grande partie de l’agriculture des pays en développement114.
71Le paradigme de la révolution doublement verte consiste bien ainsi à inscrire la réflexion sur l’avenir de l’agriculture mondiale dans le registre du développement durable. Il s’agit, en effet, de tenir ensemble les dimensions économique, sociale et environnementale du développement agricole, ce qu’ignorait précisément le modèle de la révolution verte qui ne prenait en compte, ni les dégradations de l’environnement qu’elle occasionnait, ni son impact sur les sociétés rurales. La révolution doublement verte consiste à rompre avec les démarches purement technicistes qui n’envisagent que le redoublement de l’intensification comme réponse à la nécessité d’augmenter la production agricole mondiale. Difficilement conciliable avec des objectifs environnementaux, cette voie serait, de surcroît, à écarter dans la mesure où le potentiel d’augmentation des rendements agricoles serait désormais faible115. En outre, la rupture avec le modèle intensif de l’agriculture productiviste s’exprime dans la façon dont celui de la révolution doublement verte tient pour prioritaire l’engagement des paysans les plus pauvres dans l’entreprise de modernisation des agricultures des pays du Sud, contrairement au modèle précédent qui ne concernait que les seuls agriculteurs capables d’investir dans de nouvelles technologies. Il s’agit bien une nouvelle fois d’aborder la question agricole du triple point de vue économique, social et environnemental.
Vers la soutenabilité
72Le xxie siècle serait ainsi à n’en pas douter celui de l’agriculture durable. C’est tout du moins ce qu’un ensemble de discours politiques, économiques et agronomiques annoncent. Le temps du productivisme pensé dans la seule logique quantitative appartiendrait désormais au passé. Les nouvelles politiques agricoles font de la revalorisation des dimensions sociale et environnementale de l’agriculture un véritable leitmotiv et nous assistons, en ce sens, à la multiplication des modèles agricoles revendiquant leur caractère vertueux de ce point de vue. Le consensus autour de la notion d’« agriculture durable » mérite toutefois d’être interrogé.
73S’inscrivant dans la voie tracée par la réflexion sur le développement durable, il est logique que l’agriculture qualifiée à l’identique rencontre les mêmes problématiques. L’exigence de durabilité peut, en premier lieu, se traduire de manière très différente selon que l’on s’en tient à une interprétation forte ou faible du concept, notamment du point de vue de ses objectifs environnementaux116. Se superpose à cette variété interprétative la question de la traduction du terme original, l’anglais sustainability, qui oppose les tenants de la « soutenabilité » à ceux de la « durabilité », les premiers refusant de limiter la portée du concept à la volonté d’inscrire notre développement sur le temps long117. Au-delà des questions d’interprétation, se pose, en outre, le problème de l’instrumentalisation du concept par des acteurs politiques et économiques qui profitent de la flexibilité de sa définition pour le détourner de ses objectifs initiaux, suscitant, selon les termes d’Olivier Godard, un « triple processus d’affadissement, de réduction et de mystification qui conduisent aux débuts d’un rejet de cette référence au développement durable118 ». La popularisation de l’expression et son inscription sur l’agenda politique se paieraient ainsi au prix de la perte de sa puissance critique. De la même façon, la pluralité des approches revendiquant l’inscription de leur démarche dans le cadre de l’agriculture durable, que nous avons décrite un peu plus haut comme le signe de la vitalité de ce thème de réflexion, peut également être interprétée comme la preuve de la vacuité d’un concept si général qu’il peut accueillir des conceptions très divergentes, voire antithétiques. Concept syncrétique, l’agriculture durable n’aurait ainsi forgé qu’un consensus de façade, rassemblant des projets de développement agricole, en réalité, très différents. Prometteur quant aux objectifs généraux qu’il définit, le concept pourrait être, en pratique, inopérant tant il mène à des applications divergentes119.
74Faut-il en conséquence congédier tout bonnement l’expression d’« agriculture durable » ? Notre réponse s’inspire de celle qu’Olivier Godard apporte à la même interrogation concernant le développement durable120. Parce que le diagnostic qui a conduit à sa formulation ainsi que les orientations qu’elle définit sont pertinents, l’agriculture durable, malgré le flou conceptuel qui l’entoure, n’en ouvre pas moins une voie pour le développement de nouveaux modèles agricoles qu’il faut continuer à explorer. Plus précisément, il nous semble que le modèle de la soutenabilité peut offrir une grille de lecture critique permettant d’analyser les modèles agricoles qui ont été récemment constitués comme autant de propositions pour sortir du productivisme et entrer dans la voie de l’agriculture durable. Autrement dit, en distinguant la soutenabilité de la durabilité, afin de souligner la dimension critique du premier terme, tant d’un point de vue environnemental que social, nous allons nous interroger sur la soutenabilité des propositions agricoles qui revendiquent l’appellation d’agriculture durable121.
Notes de bas de page
1 Michel Gervais, Marcel Jollivet, Yves Tavernier, Histoire de la France rurale. Depuis 1914, 4, La fin de la France paysanne, Paris, Seuil (Points), 1992, p. 109.
2 Quatre grands ouvrages collectifs retracent cette histoire : Henri Mendras, Jacques Fauvet (dir.), Les paysans et la politique dans la France contemporaine, Paris, Armand Colin (Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, 94), 1958 ; Michel Gervais, Yves Tavernier, L’univers politique des paysans dans la France contemporaine, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1972 ; Pierre Coulomb et al. (dir.), Les agriculteurs et la politique, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990 ; Bertrand Hervieu, Les mondes agricoles en politiques. De la fin des paysans au retour de la question agricole, Paris, Les Presses de Sciences Po, 2010. Pour une mise en perspective de ces quatre ouvrages, voir, dans le dernier de ceux-ci, l’article de Bertrand Hervieu, « Les agriculteurs dans la vie politique française », dans Id., Les mondes agricoles en politiques, op. cit., p. 19-38. Voir également Henri Mendras, La fin des paysans. Innovations et changement dans l’agriculture française, Paris, Sédéis, 1967 ; Michel Gervais, Claude Servolin, Jean Weil, Une France sans paysans, Paris, Seuil (Société, 7), 1965 ; Michel Gervais, Marcel Jollivet, Yves Tavernier, Histoire de la France rurale, op. cit. ; Bertrand Hervieu, Jean Viard, L’archipel paysan. La fin de la république agricole, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube (Monde en cours), 2001.
3 Maurice Desriers, « L’agriculture française depuis cinquante ans : des petites exploitations familiales aux droits à paiement unique », Agreste Cahiers, 2, juillet 2007 ; Stéphanie Bia, « Agriculture : la grande mutation », Journal du CNRS, 157-158, janvier 2003.
4 Maurice Desriers, « L’agriculture française depuis cinquante ans : des petites exploitations familiales aux droits à paiement unique », art. cité.
5 Mahmoud Allaya, Gabrielle Rucheton, « L’agriculture, l’agroalimentaire, la pêche et le développement rural en France », dans Mahmoud Allaya (dir.), Les agricultures méditerranéennes. Analyses par pays, Montpellier, Options méditerranéennes (B/61), 2008, p. 317-347.
6 Christophe Bonneuil, Frédéric Thomas, Gènes, pouvoirs et profits. Recherche publique et régimes de production des savoirs de Mendel aux OGM, Versailles, Éditions Quæ, 2009 ; Christophe Bonneuil et al., « Innover autrement ? La recherche face à l’avènement d’un nouveau régime de production et de régulation des savoirs en génétique végétale », Dossiers de l’environnement de l’Inra, 30, 2006, p. 29-51 ; Christophe Bonneuil, Frédéric Thomas, « Du maïs hybride aux OGM. Un demi-siècle de génétique et d’amélioration des plantes à l’Inra », communication au colloque « L’amélioration des plantes, continuités et ruptures », Montpellier, octobre 2002.
7 Bernard Chevassus-au-Louis, Biodiversité, un nouveau regard. Refonder la recherche agronomique, Angers, Groupe ESA (Leçon inaugurale), 2006, p. 3.
8 Voir également Bernard Hubert, « L’agronomie, science de l’agriculture ? », Le Mouvement social, 233/4, 2010, p. 143.
9 Marc Dufumier, « Agriculture comparée et développement agricole », Revue Tiers Monde, 3, 2007, p. 611-626.
10 Dominique Vermersch, « Nature et agriculture. Conférence Université de tous les savoirs, 2 mars 2000 », dans Yves Michaud, Qu’est-ce que l’humain ?, Paris, Odile Jacob, 2006, p. 275-286.
11 Raphaël Larrère, « Agriculture : artificialisation ou manipulation de la nature ? », Cosmopolitiques, 1, 2002, La nature n’est plus ce qu’elle était, p. 158-173.
12 Raphaël Larrère, « Agriculture : artificialisation ou manipulation de la nature ? », art. cité, p. 167.
13 Jean Bustarret, « Variétés et variations », Annales agronomiques, 14, 1944, p. 336-362.
14 Christophe Bonneuil et al., « Innover autrement ? », art. cité ; Christophe Bonneuil, Frédéric Thomas, « Du maïs hybride aux OGM », art. cité.
15 Voir également Hélène Tordjman, « La construction d’une marchandise : le cas des semences », Annales. Histoire, sciences sociales, 63/6, 1 décembre 2008, p. 1341-1368.
16 Christophe Bonneuil et al., « Innover autrement ? », art. cité, p. 30.
17 Dominique Desclaux et al., « Changes in the Concept of Genotype Environment Interactions to Fit Agriculture Diversification and Decentralized Participatory Plant Breeding : Pluridisciplinary Point ofView », Euphytica, 163/3, 2008, p. 533-546.
18 Le caractère professionnel d’une exploitation est défini de la façon suivante : « Au sein des exploitations agricoles ainsi définies, on distingue les exploitations dites “professionnelles”. Celles-ci ont une dimension économique de plus de 12 hectares de blé ou équivalent (8 unités de dimension européenne – UDE – si on se réfère à l’unité de mesure utilisée) et emploient plus de 0,75 unité de travail annuel ou UTA. L’UTA est la notion d’équivalent temps plein pour les enquêtes agricoles. Le réseau d’information comptable agricole (RICA), notamment, porte sur ce sous-champ des exploitations », dans Maurice Desriers, « L’agriculture française depuis cinquante ans : des petites exploitations familiales aux droits à paiement unique », art. cité.
19 Ibid.
20 « Recensement 2010 », Agreste primeur, 266,septembre 2011. Voir également François Lefebvre, « Repères démographiques. Les mondes agricoles et leur entrée en minorité », dans Bertrand Hervieu (dir.), Les mondes agricoles en politique, op. cit., p. 415-420.
21 Michel Gervais, Claude Servolin, Jean Weil, Une France sans paysans, op. cit., p. 9.
22 Maurice Desriers, « L’agriculture française depuis cinquante ans : des petites exploitations familiales aux droits à paiement unique », art. cité.
23 Mahmoud Allaya, Gabrielle Rucheton, « L’agriculture, l’agroalimentaire, la pêche et le développement rural en France », art. cité.
24 Corentin Canévet, « De la polyculture paysanne à l’intégration : les couches sociales dans l’agriculture », Norois, 104/1, 1979, p. 507-522 ; Id., « Les mutations de l’espace rural », Norois, 105/1, 1980, p. 5-18 ; Id., « Le recensement général de l’agriculture de 1980. Concentration et spécialisation croissantes dans l’agriculture bretonne », Norois, 111/1, 1981, p. 413-419.
25 Voir pour les positions du CNJA, Michel Debatisse, La révolution silencieuse. Le combat des paysans, Paris, Calmann-Lévy, 1963 ; et pour un regard rétrospectif porté quelques années après les lois d’orientation de 1960 et 1962, Hubert Buchou, « Les jeunes agriculteurs des années 1960 et les lois d’orientation et complémentaire », Économie rurale, 108, 1975, p. 31-37.
26 Denis Pesche, « Fondement et mécanismes de l’influence des céréaliers au sein du syndicalisme agricole en France », Économie rurale, 312/4, août 2009, p. 66-79 ; Id., Le syndicalisme agricole spécialisé en France. Entre la spécificité des intérêts et le besoin d’alliances, Paris, L’Harmattan, 2000.
27 Michel Debatisse, La révolution silencieuse, op. cit., p. 137.
28 Michel Gervais, Marcel Jollivet, Yves Tavernier, Histoire de la France rurale, op. cit., p. 467-468.
29 Pierre Coulomb et al. (dir.), Les agriculteurs et la politique, op.cit. ; Rose-Marie Lagrave, Ronald Hubscher, « Unité et pluralisme dans le syndicalisme agricole français. Un faux débat », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 48/1, 1993, p. 109-134 ; Francois Colson, « Que reste-t-il de la cogestion État-profession ? », Pour, 196-1/97, 2008, p. 107-113.
30 Rose-Marie Lagrave, Ronald Hubscher, « Unité et pluralisme dans le syndicalisme agricole français », art. cité.
31 Maurice Desriers, « L’agriculture française depuis cinquante ans : des petites exploitations familiales aux droits à paiement unique », art. cité.
32 Maxime Prével, L’usine à la campagne. Une ethnographie du productivisme agricole, Paris, L’Harmattan (Sociologies et environnement), 2007.
33 Henri Mendras, La fin des paysans, op. cit.
34 Corentin Canévet, « De la polyculture paysanne à l’intégration », art. cité.
35 Raphaël Larrère, « Agriculture : artificialisation ou manipulation de la nature ? », art. cité, p. 169-170.
36 Corentin Canévet, « De la polyculture paysanne à l’intégration », art. cité.
37 Pour Michel Serres, c’est même l’événement le plus marquant du xxe siècle, voir Michel Serres, Le contrat naturel, Paris, Flammarion, 1992.
38 Bertrand Hervieu, Jean Viard, L’archipel paysan, op. cit., p. 71.
39 Henri Mendras, La fin des paysans, op. cit.
40 Michel Gervais, Claude Servolin, Jean Weil, Une France sans paysans, op. cit.
41 Michel Gervais, Marcel Jollivet, Yves Tavernier, Histoire de la France rurale, op. cit.
42 Pierre Alphandéry, Pierre Bitoun, Yves Dupont, Les champs du départ. Une France rurale sans paysans ?, Paris, La Découverte (Cahiers libres), 1989.
43 Jean-Philippe Martin, Histoire de la nouvelle gauche paysanne. Des contestations des années 1960 à la Confédération paysanne, Paris, La Découverte, 2005.
44 Il serait plus juste de dire qu’une partie du mouvement critique s’institutionnalise alors, puisque certains courants refusaient précisément l’institutionnalisation. Cette question est à l’origine de conflits importants au sein du groupe Paysans en lutte, qui rassemblait les dissidents du CNJA. Voir, par exemple, Bernard Lambert, Françoise Bourquelot, Nicole Mathieu, « Paroles de Bernard Lambert : un paysan révolutionnaire », Strates. Matériaux pour la recherche en sciences sociales, 4, décembre 1989.
45 Bernard Lambert, Les paysans dans la lutte des classes, Paris, Seuil, 1970.
46 Voir, par exemple, l’itinéraire d’André Pochon, retracé dans Id., Agronomes et paysans. Un dialogue fructueux, Versailles, Éditions Quæ, 2008.
47 Rose-Marie Lagrave, Ronald Hubscher, « Unité et pluralisme dans le syndicalisme agricole français », art. cité.
48 Estelle Deléage, « Les paysans dans la modernité », Revue française de socio-économie, 9, 2012, p. 117-131 ; Id., « Les mouvements agricoles alternatifs », Informations sociales, 164/2, 29 juin 2011, p. 44-50.
49 Michel Sébillotte, « Agronomie et agriculture. Essai d’analyse des tâches de l’agronome », Cahiers de l’Orstom, 24, 1974, p. 3-25.
50 Jacques Poly, Pour une agriculture plus économe et plus autonome, Paris, Inra, 1978.
51 André Pochon, Agronomes et paysans, op. cit.
52 Stéphane Hénin, Rapport du groupe de travail activités agricoles et qualité des eaux, Paris, ministère de l’Agriculture et ministère de l’Environnement et du Cadre de vie, 1980.
53 Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain. Essai sur la démocratie technique, Paris, Seuil, 2001.
54 Ibid., p. 98.
55 Ibid.
56 Thierry Doré et al. (dir.), L’agronomie aujourd’hui, Versailles, Éditions Quæ, 2006, p. 173.
57 Philippe Roqueplo, Climats sous surveillance. Limites et conditions de l’expertise scientifique, Paris, Economica, 1993.
58 Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain, op. cit. ; voir également Madeleine Akrich, Yannick Barthe, Catherine Rémy, Sur la piste environnementale. Menaces sanitaires et mobilisations profanes, Paris, Presses de l’École des mines, 2010.
59 Michel Callon, « Les incertitudes scientifiques et techniques constituent-elles une source possible de renouvellement de la vie démocratique ? », CSI Working Papers, 28, 2012, p. 10.
60 Michel Griffon, Nourrir la planète. Pour une révolution doublement verte, Paris, Odile Jacob, 2006, chap. 23.
61 Isabelle Stengers, Sciences et pouvoirs. La démocratie face à la technoscience, Paris, La Découverte, 1997.
62 Michel Callon, Pierre Lascoumes, Yannick Barthe, Agir dans un monde incertain, op. cit.
63 Christophe Bonneuil, Frédéric Thomas, Gènes, pouvoirs et profits, op. cit.
64 Rachel Carson, Printemps silencieux, Marseille, Wildproject, 2012.
65 Pour une synthèse d’un grand nombre d’études sur les différents impacts des pesticides, voir Jean-Marc Barbier et al., Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l’utilisation des pesticides et en limiter les impacts environnementaux, Paris, Inra/Cemagref, 2005. Ce rapport d’expertise a donné lieu à la publication de Pesticides, agriculture et environnement. Réduire l’utilisation des pesticides et en limiter les impacts environnementaux, Versailles, Éditions Quae, 2011.
66 Hans Jonas, Le principe responsabilité. Une éthique pour la civilisation technologique, trad. par Jean Greisch, 3e éd., Paris, Le Cerf (Passages), 1993.
67 Club de Rome, Le rapport Meadows. Halte à la croissance, Paris, Fayard, 1972.
68 Préambule de la Charte de la Terre, http://www.earthcharterinaction.org/contenu/pages/La-Charte-de-la-Terre.html
69 Marie-Hélène Parizeau (dir.), La biodiversité. Tout conserver ou tout exploiter ?, Louvain-la-Neuve, De Boecke, 1997.
70 Convention sur la diversité biologique : https://www.cbd-int/doc/legal/cbd-fr.pdf
71 Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques : unfccc.int/ resource/docs/convkp/convfr.pdf
72 Catherine Larrère, Raphaël Larrère (dir.), Actes du colloque « La crise environnementale », op. cit. ; voir également sur ce point Id., Du bon usage de la nature, op. cit.
73 C’est ce que montrent, notamment, David Pimentel et al., « Food Production and the Energy Crisis », Science, 182/4111, 2 novembre 1973, p. 443-449 ; pour la France, voir, par exemple, François Bel, Yves Le Pape, Amédée Mollard, Analyse énergétique de la production agricole. Concepts et méthodes, Paris, Inra/Irep, 1978 ; plus récemment Jean-Marc Ferrière et al., « L’analyse énergétique à l’échelle de l’exploitation agricole. Méthode, apports et limites », Fourrages, 151, 1997, p. 331-350. Sur la question de l’analyse énergétique des modèles agricoles, voir également René Passet, L’économique et le vivant, Paris, Economica, 1996.
74 Pour une analyse sociologique de l’apparition des lanceurs d’alerte, voir Francis Chateauraynaud, Didier Torny, Les sombres précurseurs, op. cit.
75 Isabelle Saporta, Le livre noir de l’agriculture. Comment on assassine nos paysans, notre santé et l’environnement, Paris, Fayard, 2011 ; Fabrice Nicolino, FrançoisVeillerette, Pesticides. Révélations sur un scandale français, Paris, Hachette littératures (Pluriel), 2008. Voir aussi les documentaires de Marie-Monique Robin, Notre poison quotidien, Arte France développement, 2011 ; Philippe Borel, Alerte dans nos assiettes, Dissident Productions, 2009 ; Lourdes Picareta, Dis-moi ce que tu manges…, Arte, 2010 ; Wiltrud Kremer, La bataille de nos assiettes, Arte, 2010.
76 Pour une analyse de la façon dont les interrogations sur la nocivité des pesticides ont été réduites au silence en France, voir Nathalie Jas, « Public Health and Pesticide Regulation in France Before and After Silent Spring », History and Technology, 23/4, 2007, p. 369-388. Pour une analyse montrant l’exposition particulièrement forte des travailleurs migrants à ces risques, voir Frédéric Decosse, « La santé des travailleurs agricoles migrants : un objet politique ? », Études rurales, 2, 2009, p. 103-120 ; Id., « Le nouveau serf, son corps et nos fruits et légumes », Plein droit, 3, 2008, p. 13-16.
77 Isabelle Tron, Odile Piquet, Sandra Cohuet, « Effets chroniques des pesticides sur la santé : état actuel des connaissances », Rennes, Observatoire régional de santé de Bretagne, 2001 ; Jean-François Viel, Sylvia T. Richardson, « Lymphoma, Multiple Myeloma and Leukaemia Among French Farmers in Relation to Pesticide Exposure », Social Science & Medicine, 37/6, 1993, p. 771-777 ; Christian Nicourt, Jean-Max Girault, « Le coût humain des pesticides : comment les viticulteurs et les techniciens viticoles français font face au risque », VertigO-la revue électronique en sciences de l’environnement, 9/3, 2009 ; Bernard Delemotte et al., « Le risque pesticide en agriculture », Archives des maladies professionnelles de médecine du travail et de sécurité sociale, 48/6, 1987, p. 467-475 ; Isabelle Fabre et al., « Un réseau français de toxicovigilance en agriculture », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, 43, 1998, p. 187-189.
78 Michel Griffon, Nourrir la planète, op. cit., p. 70.
79 Ibid., p. 73, nous avons modifié la mise en forme de l’encadré figurant dans le livre.
80 Ibid., deuxième partie, chapitre 7 : « La Révolution verte comme réponse aux inquiétudes des années 1960 quant aux famines et pénuries futures ».
81 Michel Griffon, Nourrir la planète, op. cit., chapitre 9 : « L’ajustement structurel des années 1980 et 1990 : un coup d’arrêt à la Révolution verte ».
82 David Ricardo, Des principes de l’économie politique et de l’impôt, Paris, Calmann-Lévy (Perspectives de l’économique), 1971 ; Paul A. Samuelson, « The Gains from International Trade », Canadian Journal of Economics and Political Science, 5/2, 1939, p. 195-205 ; Id., « The Gains from International Trade Once Again », The Economic Journal, 72/288, décembre 1962, p. 820-829.
83 Voir le numéro de la revue Études rurales, 190/2, 2002, Les agricultures de firme, 1, « Organisations et financiarisation. Introduction », p. 19-23.
84 Bertrand Hervieu, François Purseigle, « Exode rural : les habits neufs d’une vieille question », dans Christophe Jaffrelot, Christian Lequesne (dir.), L’enjeu mondial. Les migrations, Paris, Presses de Sciences Po (Annuels), 2009, p. 49.
85 Bertrand Hervieu, François Purseigle, « Pour une sociologie des mondes agricoles dans la globalisation », Études rurales, 183, 2009, p. 192.
86 Id., « Exode rural », art. cité, p. 50.
87 Id., « Pour une sociologie des mondes agricoles dans la globalisation », art. cité, p. 193.
88 Voir, par exemple, Vandana Shiva, The Violence of Green Revolution : Third World Agriculture, Ecology and Politics, Londres, Zed Books, 1992.
89 Voir Jean-Pierre Butault (dir.), Les soutiens à l’agriculture. Théorie, histoire, mesure, Paris, Inra (Mieux comprendre), 2004 et en particulier, Jean-Pierre Butault, Alexandre Gohin, Hervé Guyomard, « Des repères historiques sur l’évolution de la politique agricole commune », p. 85-118.
90 Tel qu’il est défini par le rapport Brundtland, c’est-à-dire un développement qui répond « aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations à venir de satisfaire les leurs », voir Gro Harlem Brundtland, Notre avenir à tous. Rapport de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement, Paris, Les Éditions du Fleuve, 1987.
91 Journal officiel de l’Union européenne, L 169, juin 1987.
92 Voir, par exemple, Jean-François Baschet, « Le soutien à l’agroenvironnement en France sur la période 2000-2006 », Notes et études socio-économiques, 33, 2009, p. 41-46 ; Anne-Marie Dussol, Mohammed Hilal, Jean-Christophe Kroll, « 30 ans de PAC : plus de grandes cultures, moins de fourrages, autant de disparités géographiques », Agreste Cahiers, 3, 2003, p. 27-33.
93 Martin Bortzmeyer, Dominique Leblé, Joseph Racaté, « Les attendus libéraux de la nouvelle PAC », Mouvements, 36/6, novembre 2004, p. 132-140.
94 Alain Blogowski, Vincent Chatellier, « Les aides directes aux exploitations agricoles européennes et françaises depuis la réforme de 1992 », dans Jean-Pierre Butault (dir.), Les soutiens à l’agriculture, op. cit, p. 223-275.
95 « Règlement (CEE) no 2078/92 du Conseil, du 30 juin 1992, concernant des méthodes de production agricole compatibles avec les exigences de la protection de l’environnement ainsi que l’entretien de l’espace naturel », Journal officiel de l’Union européenne, L 215, 30 juillet 1992, p. 85-90.
96 « Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions. Pistes pour une agriculture durable », 1999.
97 « Communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social et au Comité des régions. Pistes pour une agriculture durable », art. cité.
98 Frank Pervanchon, André Blouet, « Lexique des qualificatifs de l’agriculture », Le Courrier de l’environnement de l’Inra, 45,2002 ; Sylvie Bonny, « Les possibilités d’un modèle de développement durable en agriculture. Le cas de la France », Le courrier de l’environnement de l’Inra, 23, 1994 ; Andreas Bosshard, « A Methodology and Terminology of Sustainability Assessment and its Perspectives for Rural Planning », Agriculture, Ecosystems & Environment, 77/1, 2000, p. 29-41 ; Charles A. Francis, Cornelia Butler Flora, Larry D. King, Sustainable Agriculture in Temperate Zones, Hoboken, John Wiley and Sons, 1990 ; Clive Arthur Edwards et al., Sustainable Agricultural Systems, Ankeny, Soil and Water Conservation Society, 1990 ; Jules Pretty, The Earthscan Reader in Sustainable Agriculture, Londres, Routledge, 2005.
99 « Sustainable agriculture is an integrated system of plant and animal production practices having a site-specific application that will, over the long term : i) satisfy human food and fiber needs ; ii) enhance environmental quality and the natural ressource base upon which the agricultural economy depends ; iii) make the most efficient use of non-renewable ressources and on-farm ressources and incorporate, where appropriate, the natural biological cycles and controls, iv) sustain the economic viability of farm operations ; and v) enhance the quality of life for farmers and society as a whole », dans John Letey, « Is Irrigated Agriculture Sustainable ? », dans Soil and Water Science : Key to Understanding Our Global Environment, Madison, Soil Science Society of America, 1994, p. 23-37 ; cité par Frank Pervanchon, André Blouet, « Lexique des qualificatifs de l’agriculture », art. cité.
100 Sylvie Bonny, « Les possibilités d’un modèle de développement durable en agriculture », art. cité.
101 Pour la définition juridique des mesures agroenvironnementales voir Règlement (CE) no 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), http://eur-lex.europa. eu/LexUriServ/LexUriServ.do ?uri=OJ : L : 2005 : 277 : 0001 : 0040 : FR : PDF, consulté le 29 décembre 2016 ; pour un bilan de la mise en place de ces mesures, voir par exemple, Michel Pech, François Mitteault, Marc Couvreur, « Les mesures agri-environnementales mises en œuvre en France », Économie rurale, 249/1, 1999, p. 6-10.
102 Règlement (CEE) n° 2092/91 du Conseil, du 24 juin 1991, concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires, eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV%3Al21118
103 Règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l’étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91, eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do ?uri=OJ : L : 2007 : 189 : 0001 : 0023 : FR : PDF
104 Des auteurs ont essayé de répertorier et de définir un certain nombre de ces termes, voir, en particulier, Frank Pervanchon, André Blouet, « Lexique des qualificatifs de l’agriculture », art. cité ; Stéphanie Cabantous, « Petit lexique écolo-agricole », http://www.revue-projet.com/articles/petit-lexique-ecolo-agricole/, consulté le 19 mars 2013 ; pour un lexique des termes anglophones, Mary V. Gold, Sustainable Agriculture : Definitions and Terms, Beltsville, US Department of Agriculture, National Agricultural Library, 1999.
105 L’inscription de certains de ces types d’agriculture dans la perspective du développement d’une agriculture durable est contestée, en particulier concernant l’agriculture raisonnée, comme nous allons le voir un peu plus loin, mais les promoteurs respectifs de chacune de ces agricultures revendiquent cette inscription.
106 Marielle Berriet-Solliec, Bertrand Schmitt, Aurélie Trouvé, « Deuxième pilier de la Pac et développement rural : le RDR est-il vraiment rural ? », dans Francis Aubert, Vincent Piveteau, Bertrand Schmitt (dir.), Politiques agricoles et territoires, Versailles, Éditions Quæ (Update Sciences & Technologies), 2009, p. 165-182.
107 Règlement (CE) n° 1257/1999 du Conseil du 17 mai 1999 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et modifiant et abrogeant certains règlements, eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ ALL/?uri=CELEX%3A31999R1257
108 Ibid.
109 Parmi une littérature abondante, voir par exemple, Francis Aubert, Vincent Piveteau, Bertrand Schmitt (dir.), Politiques agricoles et territoires, op. cit. ; Luc Bodiguel, « Le territoire, vecteur de la reconnaissance juridique de l’agriculture multifonctionnelle », Économie rurale, 273/1, 2003, p. 61-75 ; Christian Deverre, « Les nouveaux liens sociaux au territoire », Natures sciences sociétés, 12/2, juin 2004, p. 172-178 ; Bertrand Hervieu, « La multifonctionnalité de l’agriculture : genèse et fondements d’une nouvelle approche conceptuelle de l’activité agricole », Cahiers agricultures, 11/6, novembre 2002, p. 415-419 ; Amédée Mollard, Emmanuelle Sauboua, Maud Hirczak (dir.), Territoires et enjeux du développement régional, Versailles, Éditions Quæ (Update Sciences & Technologies), 2007 ; Id., « Multifonctionnalité de l’agriculture et territoires : des concepts aux politiques publiques », Cahiers d’économie et sociologie rurales, 66, 2003, p. 28-54 ; Bernard Roux, « Une approche des territoires ruraux mediterraneens par la notion de multifonctionnalite », REM. Revue de l’économie méridionale, 53/209-210, p. 187-201 ; Dominique Vollet, Multifonctionnalité et territoires : justifications et modalités de la territorialisation des politiques publiques, Paris, Inra (Les Cahiers de la multifonctionnalité), 2002 ; Dominique Vollet, Christophe Déprés, Marielle Berriet-Solliec, « La multifonctionnalité de l’agriculture entre efficacité et équité », Économie rurale, 273/1, 2003, p. 195-211.
110 Fabienne Leloup, « La gouvernance territoriale comme nouveau mode de coordination territoriale ? », Géographie, économie, société, 7/4, 2005, p. 321-332.
111 Jean Boiffin, « Conclusions et perspectives », dans Amédée Mollard, Emmanuelle Sauboua, Maud Hirczak (dir.), Territoires et enjeux du développement régional, op. cit. ; Bernard Pecqueur, « De l’exténuation à la sublimation : la notion de territoire est-elle encore utile ? », Géographie, économie, société, 11/1, 2009, p. 55-62.
112 Gordon Conway, The Doubly Green Revolution : Food for All in the Twenty-First Century, Ithaca, Cornell University Press, 1997.
113 Michel Griffon, Nourrir la planète, op. cit.
114 Michel Griffon, Nourrir la planète, op. cit., p. 282.
115 Ibid., chapitre 29.
116 Voir les textes rassemblés dans Dominique Bourg, Augustin Fragnière, « Enjeux économiques : durabilité faible versus durabilité forte », dans Id., La pensée écologique : une anthologie, Paris, Puf, 2014 ; Olivier Godard, « Le développement durable : paysage intellectuel », Natures, sciences, sociétés, 2/4, 1994, p. 309-322.
117 Voir, par exemple, Jean-Marie Harribey, Le développement soutenable, Paris, Economica, 1998.
118 Olivier Godard, « Le développement-durable, une chimère, une mystification ? », Mouvements, 41/4, septembre 2005, p. 14-23.
119 Andreas Bosshard, « A Methodology andTerminology ofSustainabilityAssessment and its Perspectives for Rural Planning », art. cité ; Kenneth A. Dahlberg, « Sustainable Agriculture : Fad or Harbinger ? », BioScience, 41/5, 1991, p. 337-340.
120 Olivier Godard, « Le développement-durable, une chimère, une mystification ? », art. cité, p. 16.
121 Dans la suite du texte, nous emploierons de façon préférentielle le terme « soutenable » pour renvoyer à une réflexion critique sur l’agriculture qui cherche à évaluer sa capacité à tenir ensemble les dimensions sociale, économique et environnementale, et nous réserverons, la plupart du temps, le qualificatif « durable » à la forme institutionnelle de l’« agriculture durable ».
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