L’autorité paternelle dans la culture pénale parisienne au siècle des Lumières
Paternal authority in Parisian penal culture during the Enlightenment
p. 221-235
Résumés
Dans le sillage de Daniel Roche invitant, dans Le Peuple de Paris (1981), à confronter l’étude des sensibilités et des comportements populaires à celles des rationalités qui leur donnent sens, ce chapitre appréhende les normes de l’autorité paternelle du point de vue des gens de justice de la plus haute cour souveraine du royaume, le Parlement de Paris, au siècle des Lumières. La jurisprudence du crime « atroce » du parricide est le creuset d’une définition extensive de l’autorité paternelle. Selon le droit pénal appliqué dans les tribunaux parisiens au xviiie siècle, l’autorité paternelle ne se limite pas à la personne physique des pères, mais constitue une institution associant non seulement les mères mais également les beaux-pères à l’exercice du gouvernement domestique. Dans le secret des prétoires, l’institution paternelle ne se limite pas à la paternité légitime, révélant des conceptions bio-sociales de l’autorité domestique adaptées aux réalités de la vie familiale sous l’ancien régime démographique (veuvage, remariage et fréquence des familles « récomposées »).
Following the example of Daniel Roche, in Le Peuple de Paris (1981), in bringing together the study of popular attitudes and behaviour with the study of the rationalities which interpreted them, this chapter seeks to understand the norms of paternal authority during the Enlightenment from the perspective of the legal practitioners of the kingdom’s highest court, the Parlement of Paris. The jurisprudence of the ‘atrocious’ crime of parricide was the crucible of an expansive definition of paternal authority. According to criminal law as applied by eighteenth-century Parisian tribunals, paternal authority was not limited to the natural person of the father, but rather formed an institution encompassing both mothers and fathers-in-law in the exercise of domestic government. In the privileged space of the courtroom, paternal authority was not restricted to legitimate paternity, revealing bio-social conceptions of domestic authority which were adapted to the realities of Old Regime family life (widowhood, remarriage and the frequency of ‘reconstituted’ families).
Texte intégral
[P]our ce qui est des Termes de l’Art, qui ne sont guère entendus du Peuple, il faut les expliquer selon le sens que leur donnent les Maîtres : comme il s’agit de savoir ce que c’est que […] Parricide1.
1Ma contribution porte sur les modèles d’autorité paternelle empiriquement construits dans la jurisprudence du crime de parricide qu’élaborent les magistrats de la Tournelle criminelle du Parlement de Paris, la plus prestigieuse cour souveraine du royaume, au xviiie siècle2. À l’époque moderne, le crime de parricide qualifie l’homicide d’un parent jusqu’au quatrième degré, ainsi que toute atteinte à la paternité monarchique. Les manières de vivre et de sentir, les savoir-faire quotidiens des familles populaires, ne sont pas au cœur de cette enquête envisageant les normes de l’autorité paternelle au prisme du droit pénal appliqué dans la juridiction parisienne au siècle des Lumières. En revanche, il s’agit de creuser les pistes de recherches ouvertes par Daniel Roche dans et autour du Peuple de Paris : produit historique des années 1970 publié dans les années 1980, Le peuple de Paris invitait à construire une histoire sociale et culturelle des comportements individuels et collectifs combinée à celle des « intellectualités » qui les ordonnent et leur donnent sens. Croiser l’histoire sociale héritée de l’École des Annales et celle des idées permettait, selon Daniel Roche, de prendre la mesure d’un « écart » pour mieux saisir l’« étrangeté » des cultures matérielles et des sensibilités parisiennes au xviiie siècle3.
2La capitale, alors peuplée de 700000 à 800000 habitants, est un monstre urbain à l’échelle de l’Europe urbanisée des Lumières. Le poids des solidarités parentales ne s’y dément pas, révélant le rôle pivot des pères dans les familles populaires4. Placée à la tête du gouvernement des familles et adossée au sacrement de mariage depuis le Moyen Âge5, l’institution paternelle structure l’ordre de la filiation. Engendrer, nourrir, éduquer, établir, corriger et transmettre (le nom, les patrimoines) : l’éventail des fonctions dévolues aux pères signale l’étendue de leurs pouvoirs et de leurs responsabilités dans la société patriarcale d’Ancien Régime que décrit Le peuple de Paris. Au cœur de toutes les stratégies dans la « tradition populaire de la famille parisienne6 », le rôle du père est également central dans le Journal (1764-1802) du compagnon vitrier Jacques-Louis Ménétra (1738-1812). Aimé et combattu par son fils, Ménétra père est emporté à l’excès, ivrogne, dissipateur. Les éclats brutaux de ce « père correcteur » marquent l’enfance parisienne de Jacques-Louis Ménétra. Pourtant, les « rossées, coups de pied au cul, claques, dégelées à coups de cannes ou de cordes » ne sont pas dénuées d’affectivité : la « violence excessive » des pères exprime le « souci éducatif et le sens d’une responsabilité7 » hautement valorisés dans l’ancienne société.
3Étudier le parricide, ce crime contre les pères communs et contre le roi « père de son peuple », suppose de conjuguer l’histoire sociale des normes judiciaires, des sensibilités familiales et du paternalisme politique à l’époque moderne. L’histoire sociale des pères ordinaires8 doit être articulée à celle des « rationalités9 » juridiques qui font de la paternité une figure du débat politique et religieux : la « place du père est du même tissu que le droit des rois10 ». En ce sens, la science du droit n’est pas opposable au travail empirique de qualification pénale du parricide confrontée à la criminalité des familles dans la juridiction parisienne au temps des Lumières. Les traités de l’ancien droit criminel éclairent les fondements juridiques et la dimension doctrinale des procès11. Les règles pénales et les usages judiciaires nouent des relations dialectiques fondamentales12. Elles révèlent la cohérence profonde d’une culture pénale fondée sur des raisonnements simples, tels que l’extension ou la restriction dans l’aire de la parenté, ainsi que l’atténuation ou l’aggravation pénale du crime de parricide. Leur lecture croisée fait in fine surgir les représentations de l’autorité paternelle selon la jurisprudence du Palais aux prises avec les transformations de la vie familiale, avec la montée des aspirations individuelles et avec la crise de la monarchie paternelle à Paris au siècle des Lumières.
Sources de l’enquête
4Les procès criminels instruits devant le Châtelet et le parlement de Paris (vers 1690-1780) ainsi que la doctrine pénale dès la Renaissance (xvie-xviiie siècles) constituent le véritable terrain de cette enquête. Composé de dix millions de justiciables et couvrant le tiers nord du royaume au xviiie siècle, le parlement de Paris est la plus ancienne, la plus prestigieuse et la plus vaste cour souveraine du royaume de France. Redécouverts par Alfred Soman dans les archives de la Préfecture de Police13, les registres d’écrous de la prison du Palais sont au cœur de ce corpus documentaire. Obligatoire à Paris depuis le xve siècle, l’enregistrement des prisonniers fait l’objet de formalités strictement codifiées par les ordonnances royales de 1498, de 1507, de 1535, de 1549, de 167014. Depuis la généralisation de l’appel de droit au cours du xviie siècle, les accusés jugés dans le ressort du parlement de Paris et condamnés à une peine afflictive et corporelle doivent être transférés dans les prisons du Palais pour y être jugés en appel15. Le greffier des prisons doit en tenir le registre, qui contient les noms, la provenance, la demeure des accusés, le crime dont on les accuse, ainsi que les jugements rendus contre eux en première instance des juridictions subalternes du ressort parisien et en appel du parlement de Paris. Le contentieux du parricide est peu fréquent. En moyenne, 6,5 appelants pour crime de parricide sont annuellement écroués entre 1694 et 1780.
5À cet échantillon, il faut ajouter 129 procès criminels, soit 5,6 % des 2 508 accusés dont le procès est instruit devant la Tournelle parisienne. Cinq présidents à mortier, douze conseillers de la Grande Chambre, trois conseillers de la Chambre des Enquêtes siègent « tour à tour », instruisant des procès criminels en première instance (privilège de noblesse et des officiers de justice) et en appel du ressort parisien. S’ajoutent à cet ensemble les procédures intentées à 69 criminels familiaux exhumés des minutes d’instruction criminelle du Grand Châtelet. Dans la mouvance du Parlement de Paris, cette juridiction de première instance est compétente pour la capitale et ses faubourgs. Au total, les sources engagent à assumer l’histoire d’une rareté répressive dans un contexte hautement politisé. Il s’agit moins de restituer la réalité sociale du crime familial que d’en saisir le traitement pénal par un appareil normatif16. Outre ses compétences administratives, politiques et judiciaires hors norme, la cour souveraine entend former un « modèle » de justice pour le royaume17. Les procès et les jugements qui sanctionnent ceux-ci forgent la mémoire du droit pénal appliqué dans le ressort parisien. Ils définissent cette « science du droit et art de juger » appelée « jurisprudence18 », dont les magistrats du Palais veulent asseoir la supériorité dans leur juridiction, voire dans le royaume.
6Sous le régime de l’arbitraire des crimes et des peines qui prévaut jusqu’en 1791, les jugements de la cour souveraine ne sont pas motivés19 et il n’existe pas de code unifié des lois pénales. La plupart des crimes familiaux (adultère, bigamie, supposition/exposition d’enfants, inceste, parricide, uxoricide, fratricide, mauvais traitements envers ses parents, etc.) sont arbitrairement qualifiés et punis20. Définir le crime et la peine du parricide implique donc de partir de la doctrine criminelle élaborée depuis la Renaissance, moment de la formation d’une culture pénale européenne. Unifiant et rationalisant la procédure inquisitoire, secrète et écrite dans le royaume, l’ordonnance criminelle de 1670 entraîne le renouvellement de la doctrine pénale française. Parmi la multitude des dictionnaires, traités et commentaires qu’elle suscite aux xviie-xviiie siècles, ont été privilégiés les juristes et praticiens du droit du ressort parisien, parmi lesquels les avocats Jean Domat (1625-1696), Antoine Bruneau (1640-1720), Claude-Joseph de Ferrière (1666-1747), Pierre-Jacques Brillon (1671-1736), Guy Du Rousseaud de La Combe (?-1749), le procureur au Châtelet de Paris Jean-Baptiste Denisart (1713-1765), le conseiller au présidial d’Orléans Daniel Jousse (1704-1781) ainsi que l’avocat puis conseiller au Grand Conseil Pierre-François Muyart de Vouglans (1713-1791).
Sacraliser l’autorité paternelle
7Au xviiie siècle, l’extension incriminatoire allouée au parricide dans la doctrine pénale parisienne exprime la sacralisation de l’autorité paternelle dans le double héritage du droit romain et du droit canonique. Des 132 traités juridiques étudiés, il ressort que l’incrimination se stabilise vers 1650 dans l’acception légale étendue que lui confère la législation pénale romaine. En vertu de la loi de Pompée (Lex Pompeia de parricidiis, ier siècle av. J.-C.), le parricide (parricidium) désigne tout homicide d’un parent jusqu’au quatrième degré21. En 1715, l’avocat parisien Antoine Bruneau en livre cette lecture maximaliste : le parricide « se commet à l’égard de toutes sortes de parens, ascendans, descendans & transversaux, jusques au quatrième degré22 ». La référence au Décalogue justifie l’extension du parricide aux mauvais traitements commis par les enfants envers leurs père et mère : selon « les saintes Écritures », de « simples malédictions » et « de simples mauvais traitemens dont un enfant auroit usé » sont punissables de mort, observe le criminaliste Pierre-François Muyart de Vouglans, rangeant ces « outrages » au titre du parricide en 178023.
8En vertu du principe analogique reliant l’autorité domestique des pères à la souveraineté paternelle du monarque, la notion de parricide se substitue au terme de régicide jusqu’à la fin du xviiie siècle. Avec la rhétorique familiale du pouvoir qui assimile le roi au « père du royaume24 », tout attentat à sa personne est qualifié de « parricide » : « Ceux qui attentent à la personne de leur Souverain, sont aussi appellés parricides, parce qu’ils attaquent le Père commun des peuples25. » Les pratiques judiciaires attestent ces usages du droit. Selon les arrêts du Parlement de Paris, les régicides Ravaillac ou Damiens sont convaincus du « crime de lèse-majesté divine et humaine au premier chef pour le très méchant parricide commis sur la personne du roi26 ». Crime composite et « atroce », le parricide transgresse l’essence divine de la paternité monarchique et l’autorité domestique qui en procède : les souverains sont « l’image de la Divinité sur terre » et « sont regardés comme les Peres de leurs Sujets27 ».
9À l’« énormité » du crime selon la doctrine pénale du royaume correspond la férocité des peines suppliciaires assignées aux coupables exemplairement châtiés en place publique. Juristes et criminalistes le rappellent, la mort seule ne suffit pas, elle doit être « fort grieve28 » : « l’énormite & hideur29 » du crime exclut toutes « peines ordinaires30 ». Le parricide familial doit faire amende honorable avant d’avoir le poing de la main droite tranché ; puis, il sera roué vif (si c’est un homme) et son cadavre sera brûlé et réduit en cendres jetées au vent selon un rituel d’exécration totale que surpasse la peine du parricide royal. Après l’amende honorable, ce dernier est tenaillé aux mamelles, aux bras, aux cuisses et au gras des jambes ; ses plaies sont enduites de plomb fondu, d’huile, de poix et de soufre brûlants, sa main droite brûlée, son corps démembré par quatre chevaux avant que son cadavre ne soit entièrement consumé. Selon une politique de marquage des corps mise en exergue par Michel Foucault31, la lésion faite à la majesté royale se retourne, dans l’excès des peines, sur le corps supplicié du criminel de lèse-majesté qui doit souffrir « mille morts ». Dans le cas-limite du parricide royal, l’écartèlement exprime le démantèlement du corps politique qu’engendre l’attentat commis sur la personne sacrée du souverain. Le foisonnement baroque des souffrances infligées au criminel de lèse-majesté manifeste la puissance sacrée de la paternité royale. Le parricide royal est d’une atrocité incommensurable en regard du parricide familial qui en forme une sorte de miniature. L’atrocité du parricide est relative à la grandeur des intérêts que blesse ce contentieux composite : elle induit l’inégale férocité des peines châtiant le crime attentatoire à la majesté du roi père ou à l’autorité domestique des parents.
10Outre l’intensité suppliciaire de la peine, l’atrocité du crime engendre de nombreuses exceptions au droit commun32. Contrairement aux autres homicides, le crime de parricide est réputé irrémissible et inexcusable, même en cas de folie. Contrairement au principe de la personnalité des peines, le châtiment du parricide peut s’étendre aux parents du coupable, à l’instar de ceux du « régicide », qui sont bannis du royaume, tandis que son patronyme doit être éradiqué et sa maison rasée. La mort du criminel n’éteint pas la peine extensible à la postérité du coupable. Il en est ainsi des héritiers du parricide familial qui peuvent être frappés d’indignité successorale. Les complices du coupable doivent subir le châtiment du parricide, même s’ils ne sont pas apparentés à la victime. Extension de criminalité aux parents, même non coupables, extension de parenté aux complices, même non parents : la singularité du crime atroce entraîne la rigueur extrême de châtiments individuels et collectifs. Au crime extraordinaire correspond, en principe, un droit pénal dérogeant au droit commun des homicides ordinaires.
11Par l’amplification du crime et l’intensité de sa peine, le parricide semble former un genre de crime à part plus qu’une espèce d’homicide. Contaminé par la catégorie de la lèse-majesté, le crime « atroce », « inhumain », « cruel », occupe le sommet de l’échelle pénale, témoignant du renforcement des pouvoirs paternels sous le règne du roi « père de son peuple ». De « Dieu le père » au « roi père » et du trône à la chaumière, la famille paternelle est désignée comme un lieu de pouvoir que structure un modèle vertical d’autorité vigoureusement critiqué au siècle des Lumières. Ces figures imbriquées de la paternité marquent la prévalence de représentations holistes de la famille, articulées aux conceptions organicistes de l’État royal.
Un modèle d’autorité éclaté ?
12Contrastant avec la puissante charge symbolique du crime « atroce » selon la doctrine, la sacralisation entourant ces figures paternelles se dilue sous l’effet conjugué de la rareté et du caractère composite du parricide réprimé dans les tribunaux de la mouvance du parlement de Paris. Les registres d’écrous livrent 566 parents (sens large) accusés d’un crime à valeur de parricide selon la doctrine (480 homicides familiaux, 86 cas de violences à ascendants), soit 1 % des quelque 45 221 accusés écroués à la Conciergerie dans l’attente de leur jugement en appel entre 1694 et 1780. Avec 64 accusations de « parricide » sur 566 (11,3 %), une accusation d’« euxoricide » [sic], quatre occurrences du mot « fratricide », la notion savante de « parricide » ne qualifie, en pratique, qu’un dixième des crimes de sang aggravés par leur nature familiale. L’écrasante majorité des violences familiales sont taxées d’« excès », de « voies de faits », d’« homicide », d’« assassin de dessein prémédité », d’« empoisonnement », de « massacre inhumain », de « cruel » ou d’« infâme homicide meurtrier », selon une taxinomie pénale d’une infinie diversité. La nature familiale des violences incriminées est tout aussi diversifiée. Elle vise les époux des deux sexes, les parents légitimes, les descendants et les ascendants, les collatéraux, les consanguins et les alliés jusqu’au quatrième degré de parenté en ligne paternelle ou maternelle – 182 conjoints (42,8 % des accusés) ; 93 collatéraux (21,8 %) ; 89 ascendants (pères, mères, beaux-parents, 20,9 %) ; 49 descendants (11,5 %) ; 12 cas mixtes ; deux tiers d’alliés (conjoints inclus) et un tiers de consanguins. Dans le registre de la parenté symbolique, le parricide s’étend au roi, selon l’usage des tribunaux.
13La variété et l’extension données au crime de parricide se projettent dans l’éventail des jugements rendus dans le ressort parisien, lesquels font éclater la catégorie pénale du parricide. Nuançant l’atrocité intrinsèque du parricide astreint à la férocité de châtiments extrêmes selon la doctrine, la tendance à la modération pénale domine en appel du parlement de Paris33. Les trois quarts des parricides jugés sont exonérés de la mort pénale. Parmi eux, 39,5 % sont libérés, le plus souvent à la faveur du doute. Un quart des accusés (112) sont condamnés à mort. La roue jouxte la potence, auxquelles s’agrègent des combinaisons de supplices obéissant à une multitude de variables. Entre 1694 et 1780, seuls 15 parricides – soit un tous les cinq à six ans, en moyenne – subissent l’intégralité du rituel suppliciaire effectivement réservé au criminel familial selon la doctrine. Dans la jurisprudence du Parlement de Paris, la dilution empirique du parricide tempère la protection pénale de l’autorité paternelle.
Atténuer l’homicide paternel, juger les individus
14Or l’atténuation pénale a des fondements juridiques exprimant la prévalence accordée à la reconnaissance juridique de l’individu criminel sur la défense absolue des prérogatives paternelles. L’absence de volonté coupable détermine ainsi l’atténuation de l’homicide parental. En cas de légitime défense, l’homicide parental bénéficie de lettres du prince entérinées au Palais dans près de 10 % des procès instruits en appel34. Rappelons qu’avec le hasard ou l’accident, la légitime défense forme une circonstance de la rémission des crimes de sang selon les règles pénales que formalise la législation royale depuis le xvie siècle35. En théorie irrémissible, le parricide intègre donc le domaine de la clémence royale et peut être pardonné comme les autres homicides. Le cas d’Edme-Claude-Toussaint Salmon est à ce titre éclairant. Transféré dans les geôles du Palais le 10 mai 1729, il est accusé de « parricide de son beau-père ». Condamné en première instance au châtiment exemplaire des parricides (amende honorable, amputation du poing droit, roue), il bénéficie pourtant de lettres de grâce, entérinées par arrêt du Parlement de Paris le 26 octobre 172936. Entendu par les juges le 31 janvier 1730, le gendre parricide plaide la légitime défense. Armé et à cheval, c’est son beau-père qui le « maltraita à différentes reprises », lui « lâchant une détente de l’un de ses pistolets », le « renversant avec son cheval, en le prenant aux cheveux ». Acculé à la riposte, le gendre infortuné s’est « par malheur » vu dans la cruelle nécessité de « lâcher un coup de pistolet dont […] son beau-père est décédé37 ».
15La légitime défense atténue l’atrocité du « parricide nécessaire ». L’ascendance de la victime détentrice de l’autorité paternelle n’interdit pas la grâce du crime atroce, de l’avis même des procureurs généraux du Parquet au xviiie siècle : il « serait bien malheureux pour un beau-fils si, attaqué par son beau-père, il n’avait la liberté de se défendre jusqu’à homicider son agresseur38 ». Tempérant l’absolutisme des pères, le jusnaturalisme pratique des magistrats du Palais éclaire le rôle de la jurisprudence dans la définition du crime de parricide. Fait remarquable, le droit pénal appliqué dans le ressort parisien corrobore les lectures éclairées de l’homicide paternel suivant les Lumières encyclopédiques : un « fils qui n’aurait rien négligé pour éviter d’irriter son père ne pourrait être coupable de parricide si pour défendre sa vie il va jusqu’à tuer son agresseur », lit-on sous la plume du chevalier de Jaucourt (1704-1779), auteur de l’article « Parricide » de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert (1765)39. Le droit de chaque individu à défendre sa vie est irréfragable et antérieur à tout devoir d’obéissance paternelle. Le parricide commis en état de légitime défense est justifié par le droit naturel. Les droits paternels s’effacent devant ceux de l’individu.
16Avec l’atténuation de la responsabilité criminelle du parricide commis en état de légitime défense, la construction pénale de la folie parricide est également exemplaire des arbitrages réalisés entre l’intention individuelle et la sacro-sainte puissance paternelle. Un dixième des meurtriers familiaux taxés de « démence » (11,2 %) échappent à la mort suppliciaire du parricide au profit de l’enfermement perpétuel. La jurisprudence de la folie parricide modère la peine adaptée à la personnalité juridique du criminel40. La responsabilité atténuée du parricide frappé de démence place l’individu criminel au centre du processus pénal. Transféré dans les prisons du Palais en 1717, le manœuvre Jean Huré est accusé de « double parricide pour avoir homicidé son père et son fils […] dans sa maison à coups de cognée ». En première instance (Beaulieu-sur-Loire), il est condamné à la mort exemplaire du parricide (amende honorable, ablation du poing droit, roue, exposition du cadavre). Malgré l’atrocité des faits, les juges de la Tournelle parisienne arrêtent son enfermement perpétuel à Bicêtre (23 octobre 1717)41. La reconnaissance de l’incapacité personnelle de l’accusé l’emporte sur la défense absolue des pouvoirs paternels. Dans l’arbitraire des pouvoirs pénaux, l’atténuation de la responsabilité criminelle du parricide annonce des principes de subjectivation judiciaire au cœur des codifications pénales du xixe siècle. Bien avant l’extension légale des circonstances atténuantes au crime de parricide dans la législation pénale de 183242, bien avant l’irresponsabilité pénale du « dément » dans le Code pénal de 1810 (article 64), la jurisprudence parisienne forme le laboratoire de révolutions silencieuses fondées sur un modèle d’autorité paternelle tempérée par l’individualisation juridique du parricide.
Recomposer l’autorité paternelle
17L’atténuation globale des châtiments fondée sur la reconnaissance juridique de l’individu criminel s’accompagne, dans le même temps, d’une aggravation pénale très sélective témoignant de la recomposition du modèle d’autorité paternelle à l’œuvre dans la jurisprudence parisienne du parricide au cours du xviiie siècle. Lorsque la volonté de tuer est établie, la position d’autorité conditionne systématiquement l’aggravation des peines suppliciaires assignées aux homicides familiaux. Entre parents et enfants, l’asymétrie est totale : dans 70 % des cas, la qualification « parricide », lorsqu’elle est expressément employée, désigne le crime des enfants tuant ou assassinant leur père, mère, beaux-parents ; ils sont deux fois plus condamnés à un genre de mort aggravé que les autres homicides familiaux (41,4 % de condamnés à mort). Les enfants meurtriers représentent près de la moitié des condamnés à la mort suppliciaire du parricide selon la doctrine (sept suppliciés sur 15). Ils sont deux fois moins libérés que le reste des homicides familiaux (24 % des cas). En regard, les parents accusés d’avoir tué leurs enfants sont deux fois plus libérés (42,9 % des cas) ; seuls 11,9 % d’entre eux sont condamnés à mort, encore s’agit-il du genre de mort commun aux autres homicides, à savoir la pendaison, le plus souvent sans supplices. C’est donc l’enfance parricide et non l’enfance massacrée qui focalise la rigueur suppliciaire des peines : « Celui qui tue son père, ou sa mère, ou son aïeul, est condamné à un supplice plus affreux que celui qui tue son frère, ou autre parent plus éloigné43. »
18Plus de trois quarts des parricides expressis verbis (soit 36 pour une cinquantaine de cas) sont commis sur des ascendants. Conformément aux interprétations doctrinales de la seconde moitié du xviiie siècle, le père et la mère constituent les neuf dixièmes des ascendants occis par leur progéniture révoltée44. Les mères représentent 20 % des victimes de parricide expressis verbis (les pères, 28 %). Un dixième des accusations de parricide expressis verbis ciblent l’homicide d’un beau-parent, surtout le beau-père. Le crime dans l’ascendance est le cœur du parricide expressis verbis, témoignant de la valeur accordée à la position d’autorité de la victime ainsi que d’une conception de l’autorité paternelle élargie au père, à la mère ou au tuteur légal.
19La recomposition empirique du parricide dans l’arbitraire du pouvoir de juger des magistrats du Palais compose une culture pénale de l’autorité en adéquation avec la législation royale qui, en matière matrimoniale (rapt, mariages secrets ou clandestins, 1556, 1579, 1629, 1730), confie le contrôle des alliances aux « pères et mères », voire à leurs tuteurs. Elle est conforme au droit coutumier du Nord de la France, selon lequel l’autorité « paternelle » définit l’ensemble des droits et devoirs hiérarchisant les relations entre parents et enfants : « En pays de droit coutumier, les enfants de famille vivent sous la dépendance de leurs père et mère45. » Les enfants de famille doivent une obéissance absolue à leurs père et mère exerçant sur eux des pouvoirs correctionnels. Ils ne peuvent emprunter, ester en justice, contracter, se marier sans leur consentement ; en retour, les pères et mères doivent pourvoir à leurs besoins, leur donner une bonne éducation, veiller à leur conduite, les établir selon leurs facultés. Ils sont tenus de leur fournir les aliments (nourriture, logement, habits). Cet état du droit exprime l’autorité dévolue aux mères de famille, avec la caution de la Bible. « Père et mère tu honoreras » (Exode 20, 12 ; Lévitique 20,9 et 19,3 ; Éphésiens, 6, 1-4 ; Matthieu, 15,4) : les enfants de famille sont de jure placés en la « puissance et dépendance » de leurs « pères et mères ».
20En 1701, Pierre Gruchet est accusé d’attentat parricide sur ses « père et mère ». Âgé de 35 ans, le garçon arquebusier demeure chez une logeuse à deux sols la nuit rue Princesse. « Sorti de chez ses père et mère » dix ans plus tôt, il s’est enrôlé dans l’armée durant 14 ans, au cours desquels il s’est marié « sans le consentement de ses père et mère ». De retour dans la capitale, il vit de maigres expédients, sans travail et sans domicile. L’endettement motivé par les débauches (jeu, vin, femmes) anime le fils « dérangé » et violent contre ses « père et mère ». Il achète une épée à « garde de cuivre et à large lame » avec « l’argent que lui ont donné ses père et mère ». Dans la nuit du 7 décembre, il force la maison « de ses père et mère » qu’il brutalise violemment. À son père, il assène un coup d’épée et, à sa mère, « venue auprès de son mari », deux « coups de poings sur la teste suivis d’un coup d’épée ». Révélatrice de la structure parentale de la violence parricide, les atteintes à leur autorité conjointe sont incriminées sous ce chef dans la jurisprudence du Palais au xviiie siècle46. Les conceptions de l’autorité paternelle débordent la stricte personne physique des pères. Elles introduisent un brouillage des frontières de genre dans l’exercice de l’autorité paternelle et/ou maternelle. Elles participent de la construction d’une sorte d’autorité parentale ou, pour mieux dire, d’autorité des parents, avant la lettre de la loi47. Même bornée par la puissance maritale, l’existence d’un droit des mères à l’autorité est affirmée dans le champ juridique, donnant pleinement sens à l’inscription de l’homicide maternel dans la sphère pénale du parricide. Les mères sont associées, de facto et de jure, au gouvernement paternel des familles du vivant du père.
21De plus, les veuves sont instituées « tutrices naturelles » de leurs enfants « en l’absence du père48 ». Elles agissent de facto comme des « pères de substitution ». Une fois remariées, leurs prérogatives paternelles sont dévolues à leur époux ; le beau-père tient alors lieu de père pour les enfants de sa femme. Outre l’homicide paternel ou maternel, l’incrimination de « parricide » s’étend donc au meurtre des beaux-parents. Jacques-François Mathey est ainsi transféré dans la geôle du Palais le 7 janvier 1704. En provenance de Langres, le gentilhomme champenois est accusé du « méchant parricide mentionné au procès […] pour avoir assassiné d’un coup de pistolet tiré dans ses domiciles le feu Sieur Estienne Breton son beau-père et mari de sa mère49 ». L’exercice des fonctions paternelles inscrit les mères, tout comme les beaux-pères (au sens du mari de l’épouse), dans le cercle des parents dont l’homicide volontaire entraîne la qualification pénale de « parricide ». Père et mère légitimes, beaux-parents, conjoints : le tabou parricide se concentre sur le noyau dur de la famille paternelle assujettie au sacrement de mariage50.
22L’ouverture du parricide à la belle-parenté marque la volonté de préserver l’autorité dans les familles « complexes » sans cesse recomposées par la mort, le veuvage et le remariage, et contraignant à la coexistence entre les générations, ainsi qu’entre parents, beaux-parents et enfants issus de lits successifs51. Orphelin de mère, placé en nourrice, élevé par sa « bonne grand-mère », brièvement de retour aux côtés de son père remarié : l’expérience vécue de Ménétra atteste les complexités du tissu familial auxquelles s’adapte la jurisprudence parisienne du parricide au xviiie siècle. L’extension juridique de l’autorité paternelle à d’autres parents que le père biologique et social forme peut-être une réponse institutionnelle aux recompositions familiales engendrées par l’Ancien Régime démographique. Les ménages sont fragilisés par la forte mortalité frappant enfants et adultes. Un enfant sur deux risque de passer sous la tutelle du parent survivant (à Paris, il s’agit de la mère ou du père dans 9 cas sur 10)52. Le pater familias est en ce sens une figure du droit qui ne se réduit pas à un donné biologique.
Sauver la monarchie paternelle
23L’aggravation suppliciaire et la restriction du crime dans la proche parenté sont évolutives, reflétant les mues du crime atroce dans la culture pénale des Lumières que bouscule la crise de la monarchie paternelle au milieu du xviiie siècle. Sur le plan incriminatoire, à partir de la décennie 1750-1760, le resserrement du parricide au meurtre ou à l’assassinat d’un ascendant au premier degré s’intensifie. Entre 1755 et 1780, les crimes de sang expressément qualifiés de « parricide » se rapportent à l’homicide volontaire d’un ascendant dans plus de 80 % des cas, contre 60 % dans la première moitié du siècle. En 1757, le criminaliste Pierre-François Muyart de Vouglans réserve le nom de « parricide » aux enfants « qui tuent leurs Pere & Mere et autres ascendans53 ». Au terme de cette mue incriminatoire, l’identification entre le crime de parricide et le meurtre des parents ou beaux-parents s’est considérablement renforcée. La qualification pénale restreinte exprime la hiérarchie des rôles et des statuts dans la famille. Elle articule l’interdit du parricide à la transgression de l’autorité « parentale ».
24Sur le plan pénal, ce parricide restreint fait l’objet d’une politique de rigueur de plus en plus sélective dans les vingt dernières années du règne de Louis XV. Il y a incontestablement un « effet Damiens » lié au choc émotif que constitue l’horrible attentat perpétré contre le roi père en 1757. Le choc de l’événement engendre une intense campagne de propagande royale réactivant avec force la symbolique paternelle du pouvoir monarchique54. Gazettes, journaux, estampes, chansons, drames diffusent l’imagerie du monstre sacrilège portant atteinte à la majesté du roi père. Dans cette micro-conjoncture, la répression s’abat sur les mauvais propos tenus contre le roi, ainsi que sur les adversaires politiques de la monarchie55. Or, le tournant absolutiste du règne de Louis XV a des effets punitifs. Le 26 mars 1757, en place de Grève, le spectacle inouï de l’écartèlement de Damiens incarne la rhétorique de la majesté royale lésée en suivant le cérémonial expiatoire instauré pour François Ravaillac en 1610. D’autres parricides suppliciés font les frais de la déferlante de rigueur pénale que suscite le régicide manqué. Comme pour d’autres classes de délits jugés particulièrement atroces (atteintes au roi ou à l’État royal, meurtre, assassinat, empoisonnement, vol avec effraction), les châtiments alloués au « véritable parricide » se font brusquement plus féroces.
25Alors que dans la seconde moitié du xviiie siècle le Parlement de Paris s’oppose politiquement à l’absolutisme royal56, sa politique criminelle défend l’ordre paternel de la tradition. Après 1757, les arrêts de la Tournelle aggravent brutalement les sentences prononcées localement. « Bûcher vif » pour les empoisonneurs domestiques, amende honorable, poing coupé, roue et cadavre réduit en cendres pour les « véritables parricides » : jusqu’en 1780, la cour souveraine restaure, pour les crimes « énormes », l’intégralité de l’appareil suppliciaire devenu plus discret dans la première moitié du xviiie siècle. Les parricides représentent un dixième des condamnés à mort dans le ressort parisien vers 1760. En regard de l’extrême rareté de ce contentieux, ils paient un lourd tribut à la restauration de l’ordre monarchique. La férocité pénale infligée au parricide royal ou familial s’accentue dès le mitan du siècle des Lumières. Dans un contexte punitif globalement orienté à la douceur, la singularité du crime atroce n’en est que plus forte.
26Après l’attentat manqué de 1757, la jurisprudence parisienne du parricide circonscrit l’urgence répressive assignée à la défense absolue de l’autorité des pères et mères, légitimant un ordre familial autoritaire fondé sur la verticalisation des rapports de parenté. Moins visibles car opérant dans le secret des prétoires, les logiques d’atténuation punitive manifestent dans le même temps la reconnaissance juridique de l’individu criminel placé au centre du dispositif judiciaire. Les manières d’incriminer et de punir le parricide dans la juridiction du parlement de Paris sont tributaires de conceptions traditionnelles de la paternité monarchique s’accommodant de la reconnaissance juridique de la personnalité du criminel (en cas de la folie) ainsi que des droits naturels de l’individu (en cas de légitime défense). Entre autorité paternelle et libertés individuelles, entre société du père et société des individus, entre paternalisme et individualisme, les logiques de compromis dominent. Le crime atroce de parricide est révélateur de figures de la paternité en mutation face à la montée des aspirations individuelles et des transformations de la vie familiale au temps des Lumières. La jurisprudence parisienne du parricide atteste la recomposition d’un ordre parental centré sur le couple parental (père, mère, beaux-parents) et ses enfants. Elle propose un modèle dual et complexe d’autorité réaffirmant l’ordre holiste des familles tout en tenant compte des exigences individualistes. L’intérêt de l’État rencontre la montée culturelle de la société des Lumières57 dont la capitale est le creuset.
Notes de bas de page
1 H. Grotius, Le droit de la guerre, et de la paix, trad. par Jean Barbeyrac, Amsterdam, Pierre de Coup, 1724, 2 vol., t. 1, p. 495.
2 François Bluche, Les magistrats du parlement de Paris au xviiie siècle (1715-1771), Paris, Les Belles Lettres, 1960.
3 Daniel Roche, Le peuple de Paris. Essai sur la culture populaire au xviiie siècle, Paris, Fayard, 1998 [1981], p. ii-iii.
4 Ibid., p. 321 et suiv.
5 Jean Delumeau, Daniel Roche (dir.), Histoire des pères et de la paternité, Paris, Larousse, 2000 [1990], p. 22, 487-488.
6 Jacques-Louis Ménétra, Journal de ma vie. Compagnon vitrier au xviiie siècle, éd. par Daniel Roche, Paris, Albin Michel, 1998 ; Daniel Roche, « L’amour paternel à Paris au xviiie siècle », Annales de démographie historique, 1983, p. 73-80.
7 Ibid., p. 75.
8 Pour une histoire sociale et culturelle du crime de parricide à l’aune des représentations médiatiques et littéraires, des normes juridiques, ainsi que de la répression pénale dans la France du xixe siècle : Sylvie Lapalus, La mort du vieux. Une histoire du parricide au xixe siècle, Paris, Tallandier, 2004.
9 Daniel Roche, Le peuple de Paris…, op. cit., p. i.
10 Delumeau, Roche (dir.), Histoire des pères…, op. cit., p. 488.
11 Massimo Meccarelli, « La dimension doctrinale du procès dans l’histoire de la justice criminelle. La leçon historiographique de Mario Sbriccoli », Crime, Histoire & Sociétés, 13/1, 2009, p. 82-83 ; Simona Cerutti, « Histoire pragmatique, ou de la rencontre entre histoire sociale et histoire culturelle », Tracés. Revue de Sciences humaines, 15, 2008, p. 161.
12 Sarah Hanley, « “The Jurisprudence of the Arrêts” : Marital Union, Civil Society, and State Formation in France, 1550-1650 », Law and History Review, 21/1, 2003, p. 1-23.
13 Alfred Soman, « Les procès de sorcellerie au parlement de Paris (1565-1640) », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 32/4, 1977, p. 790-814.
14 Claude Gauvard, Mary Rouse, Richard Rouse, Alfred Soman, « Le Châtelet de Paris au début du xve siècle d’après les fragments d’un registre d’écrous de 1412 », Bibliothèque de l’École des chartes, 157/2, 1999, p. 565-577 ; Julie Doyon, « Écrouer et punir. Les registres de la Conciergerie au siècle des Lumières », dans Michel Porret, Vincent Fontana, Ludovic Maugué (dir.), Bois, fers et papiers de justice. Histoire matérielle du droit de punir, Chêne-Bourg, Georg, 2012, p. 48-76.
15 Alfred Soman, « Aux origines de l’appel de droit dans l’ordonnance criminelle de 1670 », xviie siècle, 32/1, 1980, p. 21-35.
16 Françoise Lauwaert, Le meurtre en famille. Parricide et infanticide en Chine (xviiie-xixe siècle), Paris, Odile Jacob, 1999, passim.
17 Alfred Soman, « La justice criminelle, vitrine de la monarchie française », Bibliothèque de l’École des chartes, 153/2, 1995, p. 291-304.
18 Claude-Joseph de Ferrière, Dictionnaire de droit et de pratique, contenant l’explication des termes de droit, d’ordonnances, de coutumes & de pratique, Paris, Nyon, 1768, t. 2, p. 303 (s. v. « Parlement de Paris »).
19 Arlette Lebigre, « “Pour les cas résultant du procès”. Le problème de la motivation des arrêts », Histoire de la justice, 7, 1994, p. 23-37.
20 À l’exception des incriminations légales de recel de grossesse (1556) et de rapt de violence et de séduction (1579, 1629, 1639, 1739).
21 Yan Thomas, « Parricidium. I. Le père, la famille et la cité (la lex Pompeia et le système des poursuites publiques) », Mélanges de l’École française de Rome. Antiquité, 93/2, 1981, p. 683-715.
22 Antoine Bruneau, Observations et maximes sur les matières criminelles, Paris, Guillaume Cavelier fils, 1715, p. 365.
23 Pierre-François Muyart de Vouglans, Les loix criminelles de France, dans leur ordre naturel, Paris, Merigot le jeune/Crapart/Benoît Morin, 1780, p. 176-177.
24 Aurélie du Crest, Modèle familial et pouvoir monarchique (xvie-xviiie siècles), Aix-en-Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 2002.
25 Daniel Jousse, Traité de la justice criminelle de France, Paris, Debure père, 1771, t. 3, p. 682.
26 Arrest de la cour de parlement, contre le tres-meschant parricide François Ravaillac, Lyon, Barthelemy Ancelin, 1610 ; Arrest de la cour de parlement, contre Robert-François Damiens, par lequel il est déclaré dûement atteint & convaincu du crime de parricide par lui commis sur la personne du roi, Paris, P. G. Simon, 1757.
27 Muyart de Vouglans, Les loix criminelles…, op. cit., p. 132.
28 Guy Du Rousseaud de La Combe, Traité des matières criminelles, suivant l’ordonnance du mois d’août 1670, Paris, Théodore Le Gras, 1762 [1741], p. 80.
29 Josse de Damhouder, La practicque et enchiridion des causes criminelles, Louvain, Estienne Wauters et Jehan Bathen, 1555, p. 176.
30 [Pierre-Jacques Brillon], Nouveau dictionnaire civil et canonique de droit, et de pratique, Paris, Michel Brunet, 1717 [1697], p. 684 (s. v. « Parricide »).
31 Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 1975, passim.
32 Sur la notion d’« atrocité », sa genèse et ses effets juridiques (amplification du crime et de sa peine, exceptions au droit pénal commun) : Julien Théry, Benedetta Borello, « “Atrocitas/enormitas”. Per una storia della categoria di “crimine enorme” nel Basso Medioevo (XII-XV secolo) », Quaderni storici, 131, 2009, p. 329-375.
33 Selon une tendance répressive observée dans tous les parlements du royaume au xviiie siècle : Nicole Castan, Justice et répression en Languedoc à l’époque des Lumières, Paris, Flammarion, 1980, p. 278-280 ; Benoît Garnot, « Une illusion historiographique : justice et criminalité au xviiie siècle », Revue historique, 570, 1989, p. 365-366 ; Alfred Soman « La décriminalisation de la sorcellerie en France », Histoire, Économie et Société, 4/2, 1985, p. 179-203.
34 Les lettres de clémence adressées à la Grande Chancellerie sont indirectement connues grâce aux avis (environ 1500) émis à leur sujet par les procureurs généraux du Parquet de Paris : Reynald Abad, La grâce du roi. Les lettres de clémence de Grande Chancellerie au xviiie siècle, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2011. De plus, les minutes d’instruction criminelle du Palais livrent les interrogatoires « sur lettres de rémission, de grâce, d’abolition » octroyées par la Chancellerie royale avant leur entérinement par arrêts du parlement de Paris : Julie Doyon, L’atrocité du parricide au siècle des Lumières. Le droit pénal dans la jurisprudence criminelle du parlement de Paris, thèse de doctorat dirigée par Marie-José Michel et François-Joseph Ruggiu, université Paris-13, 2015, t. 1, p. 362-364, 381 et suiv.
35 Ordonnances de 1539 (article 168) et de 1670 (titre 16, article 2), ainsi que les déclarations royales du 22 novembre 1683, du 10 août 1686 et du 22 mai 1723.
36 Archives de la Préfecture de Police (désormais APP), AB 98, fol. 60v-61r, 10 mai 1729, Edme-Claude-Toussaint Salmon.
37 Archives nationales, X 2B 1296, fol. 1r, 31 janvier 1730, interrogatoire d’Edme-Claude-Toussaint Salmon.
38 Cet avis est émis par le procureur général Joly de Fleury, consulté sur le cas épineux d’un gendre ayant frappé d’un coup de couteau son beau-père qui lui avait sauté à la gorge (1741) : Abad, La grâce du roi…, op. cit., p. 422.
39 Louis, chevalier de Jaucourt, s. v. « Parricide ou patricide », dans Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Neuchâtel, Samuel Faulche, 1765, t. 12, p. 82-83.
40 Julie Doyon, « Les enjeux médico-judiciaires de la folie parricide au xviiie siècle », Crime, Histoire & Sociétés, 15/1, 2011, p. 5-27 ; Laurence Guignard, Juger la folie. La folie criminelle devant les Assises au xixe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 2010.
41 APP, AB 91, fol. 46rv, 12 juillet 1717, Jean Huré.
42 La loi pénale du 28 avril 1832 (article 463 du Code pénal) étend les circonstances atténuantes au crime de parricide, jusque-là inexcusable en théorie : Lapalus, La mort du vieux…, op. cit., p. 162 et suiv.
43 François Serpillon, Code criminel, ou commentaire sur l’ordonnance de 1670, Lyon, frères Périsse, 1767, t. 1, p. 150.
44 54 % des crimes sanglants expressément qualifiés de « parricide » (50).
45 Arrêts de règlement du parlement de Paris des 9 et 13 mars 1673, 14 mars 1678, 27 octobre 1696, 30 juillet 1699 ; ordonnance royale du 20 avril 1684. Outre le droit de correction domestique, les pères et mères peuvent également faire enfermer par forme de correction les enfants mineurs qui se « dérangent » (jeu, ivrognerie, libertinage, débauche) : du Crest, Modèle familial…, op. cit., p. 139-142.
46 Archives nationales, Y 10018, 9 décembre 1701, interrogatoire de Pierre Gruchet, fol. 1-8.
47 En France, la notion d’autorité parentale se substitue à celle de puissance paternelle dans le Code civil réformé (loi du 4 juin 1970).
48 À Paris au xviiie siècle, la tutelle revient au parent survivant (père ou mère) dans plus de 90 % des cas : Sylvie Perrier, La tutelle des mineurs en France, xvie-xviiie siècles : famille, patrimoine, enfance, thèse de doctorat dirigée par Jacques Gélis, université de Paris VIII, 1996, p. 121.
49 APP, AB 83, fol. 50v-51r, 7 janvier 1704, Jacques-François Mathey.
50 Jacques Mulliez, « La désignation du père », dans Delumeau, Roche (dir.), Histoire des pères…, op. cit., p. 43-72.
51 Micheline Baulant, « La famille en miettes : sur un aspect de la démographie du xviie siècle », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 27/4-5, 1972, p. 959-968.
52 François Lebrun, La vie conjugale sous l’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1998 [1975], p. 48, 62 ; André Burguière et al. (dir.), Histoire de la famille, t. 3, Le choc des modernités, Paris, Armand Colin, 1986, p. 20-21.
53 Pierre-François Muyart de Vouglans, Institutes au droit criminel, ou principes généraux sur ces matières, suivant le droit civil, canonique, et la jurisprudence du royaume ; avec un traité particulier des crimes, Paris, Le Breton, 1757, p. 526.
54 Pierre Rétat (dir.), L’attentat de Damiens. Discours sur l’événement au xviiie siècle, Paris/ Lyon, Éditions du CNRS/Presses universitaires de Lyon, 1979.
55 Arlette Farge, Dire et mal dire. L’opinion publique au xviiie siècle, Paris, Seuil, 1992.
56 Voir la crise janséniste et l’opposition à l’impôt sur le vingtième que soldent la révolte et l’exil du parlement à Pontoise (en 1720, puis en 1753-1754), ainsi que la création provisoire du « parlement Maupeou » (1771-1774). Dépassant la vision classique de parlementaires « frondeurs », de récentes études ont montré combien l’institution et ses magistrats jouent le rôle d’auxiliaires de la souveraineté royale : Julian Swann, « Repenser les parlements au xviiie siècle : du concept de “l’opposition parlementaire” à celui de “culture juridique des conflits politiques” », dans Alain J. Lemaître (dir.), Le monde parlementaire au xviiie siècle. L’invention d’un discours politique, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 17-37.
57 Daniel Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993, p. 33.
Auteur
Enseignante à l’université Paris 13 (Pléiade EA 7338) et docteure en histoire moderne, lauréate d’un subside de recherche du Fonds national suisse pour un projet scientifique post-doctoral hébergé à l’université de Fribourg (prof. Anne-Françoise Praz, 2017-2020). Après sa thèse sur le crime de parricide au xviiie siècle (2015, Prix de la Chancellerie des universités de Paris en Histoire moderne), elle s’intéresse à la notion de droit pénal de la famille, saisie dans une perspective transdisciplinaire (histoire du droit, histoire sociale et culturelle de la famille et de la parenté, anthropologie du politique) et trans-périodes (xviiie-xixe siècles).
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