Rumeurs citadines
Enjeux et dimensions de l’oralité dans l’espace public populaire à Paris au xviiie siècle
City rumours: the stakes and scope of orality in popular public space in eighteenth-century Paris
p. 195-208
Résumés
Ce chapitre analyse les formes et les enjeux des rumeurs dans l’espace urbain parisien de la fin du xviiie siècle par une réflexion méthodologique sur les notions de rumeur, d’espace public et d’oralité. Trois angles sont ainsi abordés pour comprendre ces enjeux : d’une part l’analyse du Journal du libraire parisien Siméon-Prosper Hardy, qui fait constamment référence aux rumeurs circulant dans l’espace et aux efforts de la police pour les observer et les contrôler ; d’autre part le cas de l’empoisonneur Desrues dont l’affaire agita l’opinion publique en 1777 ; et, enfin, le pillage de la manufacture de Réveillon en avril 1789 où des rumeurs entraînèrent un mouvement de violence populaire.
This chapter analyses the forms and stakes of rumours in Parisian urban space of the late eighteenth century through a methodological reflection on the notions of rumour, public space, and orality. Three perspectives are essayed in order to understand these issues : first, an analysis of the Journal of the Parisian bookseller Siméon-Prosper Hardy, who makes constant reference to rumours circulating across the spaces of the city and to the efforts of the police to observe and control them ; second, the example of the poisoner Desrues, whose case agitated public opinion in 1777 ; and, finally, the pillage of the Réveillon manufactory in 1789, where rumours led to popular violence.
Texte intégral
1En ce qui concerne le Paris du xviiie siècle, l’oralité, qui nous est forcément parvenue par la médiation de l’écrit et de l’imprimé, est non seulement le support essentiel de la communication quotidienne mais également, comme les travaux notamment de Georges Lefebvre, Georges Rudé et Edgar Morin l’ont montré, un moteur important de dynamiques socio-politiques. Mes Loisirs du libraire parisien Siméon-Prosper Hardy, journal qu’il a tenu entre 1762 et 1789, reflète de manière tout à fait originale et remarquable l’éventail très large des formes populaires d’oralité présentes dans l’espace public de son temps, qui se situent entre les pôles des formes « semi-orales », d’une part, qui sont attachées à l’écrit et à l’imprimé et le prolongent dans l’espace de l’oralité, et, d’autre part, les « bruits » et les « rumeurs » qui ont développé parfois une dynamique socio-politique spécifique. Hardy relève en effet constamment sous sa plume des phénomènes situés à la lisière entre l’écrit et l’oral, que l’on pourrait définir sous le terme de « semi-oralité1 » : tels les cris intenses des colporteurs lisant les arrêts officiels dans les rues, ou encore les commentaires à haute voix effectués par les passants à propos des placards séditieux et choquants. Il relève ainsi, par exemple, des querelles entre le parlement de Paris et le ministre Maupeou, à propos d’un arrêt sur la police des grains, et note que celui-ci fut « crié par les colporteurs avec un certain enthousiasme2 ». S’il prête une attention particulière aux placards affichés publiquement, c’est sans doute qu’il redoute leur impact politique qui lui semblait beaucoup plus fort et plus incalculable que celui d’imprimés circulant sous le manteau et lus et commentés individuellement en privé. La cherté du pain pendant l’hiver 1769-1770 fit ainsi apparaître, comme le note Hardy, « d’affreux placards affichés tendant à semer le trouble et à échauffer les esprits3 ». Il nous relate qu’un placard affiché aux Halles, qu’il qualifie d’« abominable » et de « séditieux », avait été appliqué au mur « avec de la forte colle sur une planche qu’on avoit ensuite clouée à la muraille ; il étoit si affreux que le commissaire qui en fit la levée crut devoir le faire couvrir d’un linge pendant qu’on détachoit la planche pour qu’on ne pût pas le lire plus longtems4 ». On apprend aussi, en lisant attentivement le Journal de Hardy, que les colporteurs ne criaient pas seulement les titres des mémoires judiciaires en vogue, ceux des arrêts des tribunaux et des récits d’exécution, mais aussi ceux des lettres patentes du roi, comme ce fut le cas le 16 février 1770 pour celle concernant l’autorisation donnée aux syndics et directeurs de la Compagnie des Indes « d’ouvrir une lotterie dont le fonds seroit de douze millions5 ».
2Dans cet espace oral urbain, si important politiquement dans une société française encore très incomplètement alphabétisée, Hardy désire être non seulement une plume, mais également une oreille vivante. Il veut en constituer, en quelque sorte, le sismographe, embrassant un très large éventail de phénomènes sociaux. Outre les descriptions des placards et affiches lus à haute voix et celles des titres d’imprimés criés par les colporteurs, qui constituent des phénomènes appartenant au domaine de la semi-oralité proprement dit, on relève également dans ses mémoires en particulier les trois formes d’oralité suivantes : d’abord les « bruits », « malversations » et « murmures » qui circulent et dont Hardy observe avec attention l’envergure, le contenu et l’impact ; puis les formes de rhétorique plus structurées et formelles, comme les oraisons funèbres, les harangues, les remontrances du Parlement ou encore les discours académiques dont il ne se prive pas de juger la qualité et l’esthétique. La clarté, la concision, et plus généralement l’« éloquence6 », constituent ses critères d’évaluation rhétorique ; mais, plus encore, Hardy s’attache dans ses commentaires à des registres liés à une rhétorique plus émotionnelle et pathétique : telle la « vigueur », l’« énergie », la « chaleur », la « vivacité7 », le pathos et en particulier la « sensibilité ».
3Hardy montre aussi que l’impact d’une rhétorique de la sensibilité, de l’émotion et du pathos ne se réduit pas à l’espace public limité et contrôlé des tribunaux, mais concerne aussi nombre de prises de parole dans l’espace public le plus large. Il évoque ainsi le discours du gentilhomme anglais Gordon à Brest le 2 décembre 1769, qui « avoit harangué assez longtems, avant son supplice […] le peuple qui fondoit en larmes autour de l’échafaud » après qu’il eut « publiquement déclaré qu’il mouroit victime de son amour pour sa patrie et de son dévouement aux intérêts de sa nation qui poussoit l’ingratitude à son égard, jusqu’à le sacrifier lâchement8 ».
4Enfin, l’écriture de Hardy apparaît comme une caisse de résonance très sensible aux « propos de rue9 », aux dénonciations, aux « propos rapportés10 » et à la multiplicité des voix et des prises de parole traversant l’espace public, allant des simples cris « Vive le Roi » jusqu’aux « cris horribles11 » poussés sous d’extrêmes souffrances par les condamnés à mort sur la roue. Toujours attentif aux bruits et aux paroles de la rue, Hardy mentionne ainsi à la date du 7 mars 1770 les « horreurs » circulant contre M. de la Chalotais dont les Ursulines de la ville de Rennes « avoient entendu » parler dans des « assemblées clandestines12 ». Il évoque parfois également dans ses témoignages des incidents de prises de parole insolites, comme cette « voix » stridente qui s’éleva soudain dans l’amphithéâtre de la Comédie Française, le 3 février 1770, pour crier au feu, créant ainsi une telle confusion et un tumulte dont des voleurs purent alors tirer profit « pour escroquer autant qu’ils le purent diamants et bijoux13 ».
5La dimension la plus importante de l’espace public oral présente dans le Journal de Hardy est néanmoins celle représentée par l’ensemble des rumeurs et ouï-dires qu’Hardy retranscrit précisément à travers un champ lexical et sémantique fort diversifié. On trouve d’abord fréquemment, tout au long de son Journal, les termes « on dit », « ce qu’on disoit », « on répand », « on débitoit », « on débite dans le public », « on prétendoit », « il se répand que », « il se répand dans le public », « il fut raconté », « on assura » et « on apprend » ; puis la mention, presque tout aussi fréquente, de « bruits » qui « courent » ou qui « se répandent » ; et, enfin, pour refléter un autre degré d’intensité et d’impact de rumeurs ou de nouvelles répandues à travers la communication orale dans la rue, Hardy utilise le terme de « murmures ». Les « murmures », dont l’occurrence est plutôt rare dans le Journal de Hardy, mais auxquels il prête une attention toute particulière, sont généralement associés à un mécontentement grandissant du public, en particulier des gens du peuple, susceptible d’annoncer des mouvements séditieux et des révoltes, et ils renferment donc une connotation politique. La présentation de la comtesse du Barry comme maîtresse officielle du roi Louis XV en avril 1769 excita, selon Hardy, d’abord des « bruits qui paroissoient s’être ralentis » dans un premier temps, selon ses observations, mais qui reprirent de la vigueur à l’approche de l’événement même : « Cet événement excita de grands murmures à Paris comme à Versailles », note-t-il ainsi à la date du 22 avril 1769. D’autres événements suscitèrent également des murmures perçus comme menaçants pour l’ordre politique, aux yeux de Hardy : tel l’enlèvement des pauvres par la police parisienne en septembre 1769, rapidement suspendu après les « murmures qu’excitoit parmi le peuple une conduite si révoltante14 » ; telle aussi la crainte d’une « banqueroute générale et complette de l’État » qui « excitoit » en janvier 1770 de grands murmures dans le public15 » ; ou telle encore la cherté du pain pendant l’été 1770 qui commença à « exciter de nouveau les murmures du peuple », comme on peut le lire dans son Journal à la date du 14 juillet 1770.
6Les nuances fines, mais assez nettes, entre « on-dits », « bruits » et « murmures » qu’établit Hardy dans sa perception des rumeurs citadines correspondent bien à l’usage lexical et sémantique de l’époque. Le Dictionnaire de la langue française de Richelet définit, en effet, dans son édition de 1784, « bruit » comme « son », mais aussi comme « nouvelle » ainsi que, dans une troisième entrée, comme « démêlé, querelle, sédition16 ». Dans ses entrées « murmure » et « murmurer », ce dictionnaire de référence définit « murmure » comme une « plainte secrette de quelque tort que nous croyons nous avoir été fait », et le verbe « murmurer » comme « gronder, se plaindre fortement17. » Les entrées « murmure » et « murmurer » du Dictionnaire de l’Académie Française mettent en lumière encore plus nettement la dimension menaçante, potentiellement séditieuse, des « murmures ». « Murmure » s’y trouve défini comme un « bruit sourd et confus », et le verbe « murmurer » comme « faire du bruit en se plaignant sourdement sans éclater », « bruit qui court de quelque affaire18 ». Hardy note également avec précision que les arrêts du roi sur les rentes viagères, qui entraînèrent des rumeurs sur une possible banqueroute de l’État en janvier 1770 – en causant des pertes chez ceux qui avaient, comme Hardy lui-même, acheté des actions des fermes générales19 – avaient été imprimée en moins grand nombre d’exemplaires que d’habitude, le gouvernement craignant notamment la publicité par les cris des colporteurs : « On étoit si persuadé à la cour du mauvais effet que produiroient ces arrêts qu’il n’en fut distribué qu’un fort petit nombre aux colporteurs qui sembloient les crier comme avec une espèce de réserve, et qu’on cessa dès le lendemain de leur en délivrer à l’imprimerie du Louvre20. »
7Le Journal de Hardy représente ainsi une des œuvres majeures de la seconde moitié du xviiie siècle pour comprendre et saisir ce que l’on pourrait appeler la « dynamique socio-politique » des bruits et des rumeurs qui allaient jouer un rôle si important, voire capital, dans le déclenchement de la Révolution française, mais aussi pendant les deux décennies la précédant21. Il note avec une grande attention les tentatives menées par les représentants du pouvoir afin de contrôler l’espace public oral et les bruits qui courent, et il relève par exemple que « l’Abbé Terray, Contrôleur des Finances, avait engagé des mouches » pour « épier les discours du public22 ». À propos de l’exécution du général Lally-Tollendal le 9 mai 1766, dont Hardy fut un témoin oculaire, il souligne que le gouvernement, craignant qu’il ne puisse répéter sur l’échafaud publiquement les « propos peu mesurés qu’il tenoit soit contre le Roi, soit contre le gouvernement et contre ses juges23 », avait ordonné de faire mettre dans sa bouche un baîllon l’empêchant de s’adresser à l’immense foule qui assista à son exécution.
8Tout en utilisant un autre genre littéraire, tout en pratiquant une autre forme d’écriture et tout en témoignant aussi d’une sensibilité différente par rapport à la ville et à sa culture quotidienne, le Journal de Hardy semble à plusieurs égards comparable, en ce qui concerne l’appréhension des phénomènes d’oralité, aux Mémoires secrets de Bachaumont et au Tableau de Paris de Mercier qui lui furent immédiatement contemporains. En mettant les trois textes en perspective sous l’angle choisi – la perception de l’espace oral urbain et des « rumeurs citadines » –, on peut cependant relever des spécificités du regard de Hardy et de son écriture : sa focalisation sur les tribunaux et les exécutions, d’abord ; sa fascination pour la personne du roi, et son rejet de tout propos susceptible de pouvoir ternir son image ; sa sensibilité pour les soucis du petit peuple, notamment à l’égard de la cherté du pain ; et, enfin, sa retenue dans les prises de position politiques qui le distingue en particulier de Louis-Sébastien Mercier. Prenons par exemple la description de l’exécution de Lally-Tollendal. Si elle se termine chez Hardy sur l’évocation de son propre rôle comme témoin oculaire, ayant pu observer personnellement « ce triste spectacle » sur la place de Grève à partir « d’une croisée au troisième étage chez le marchand de vin près de l’arcade Saint-Jean24 », cette même description débouche chez Mercier sur le commentaire politique suivant : « Ainsi, peut-on lire dans le chapitre 280 du Tableau de Paris consacré à la place de Grève, la forme du gouvernement se caractérise partout, et ne permet à personne d’élever la voix, même à sa dernière heure, et de haranguer un instant avant d’expirer25. »
9Hardy intervient donc en général très peu directement avec des commentaires politiques, même si on peut parfois relever, au tournant d’une phrase, certaines prises de position assez nettes. Au sein d’une écriture plutôt distanciée, quasiment au « degré zéro » de la chronique événementielle, le lecteur est presque surpris de trouver, par exemple, à la fin d’une longue note sur le procès contre le marquis de Sade, une réflexion de Hardy affirmant que l’issue de ce procès – à ses yeux apparemment scandaleuse – « fournira à la postérité un exemple de plus de l’impunité qui suit d’ordinaire dans notre siècle les crimes les plus abominables, dès que ceux qui les commettent ont le bonheur d’être grands, riches ou accrédités26 ». Mais l’originalité véritable de Hardy et son envergure politique résident non pas dans ses prises de position politiques directes, qui sont rares et parfois surprenantes, mais dans l’attention minutieuse qu’il prête à l’espace public de son époque, à ses institutions, ses spectacles, des entrées royales jusqu’aux exécutions des condamnés à mort, ainsi qu’à la sourde et omniprésente matérialité de la communication orale dans la France des Lumières et de la pré-Révolution dont il fut, sans aucun doute, un sismographe sensible et un subtil auditeur-observateur.
Rumeurs populaires autour d’une affaire judiciaire – le cas de Desrues (1777)
10L’affaire Desrues constitue une des grandes affaires judiciaires ayant agité Paris au xviiie siècle. Avec le procès de la bande de Cartouche au début des années 1720, elle est probablement celle qui a eu le plus large écho dans l’espace public à travers des médias très divers, allant des chansons et complaintes jusqu’aux récits populaires, en passant notamment par les gravures et les estampes vendues sur les places publiques27. La condamnation d’Antoine-François Desrues, marchand-épicier de profession, par le Parlement de Paris confirmant un jugement du Châtelet, et son exécution devant une foule immense en place de Grève le 5 mai 1777 à Paris, reposait sur des indices très controversés. Ceux-ci semblaient prouver, aux yeux des juges, qu’il était l’auteur du double meurtre par empoisonnement de Madame de La Motte, épouse du sieur de La Motte, écuyer de la grande écurie du roi, sieur de Grange-Flandre, et de son fils, suite à la vente d’une terre seigneuriale, appelée Buisson-Souef, située près de Villeneuve-le Roi-les-Sens, sous seing privé à Desrues. Le jugement reposait toutefois uniquement sur des indices et non pas sur des preuves palpables, et Desrues avait persisté à nier, même sous la torture et jusqu’à l’échafaud, les faits qui lui avaient été imputés, se déclarant constamment innocent et comparant son sort à celui de Jean Calas, exécuté en 1762 et réhabilité par la suite, notamment grâce à la campagne publique menée par Voltaire. Linguet nota ainsi dans ses Annales politiques, civiles et littéraires à propos de l’exécution de Desrues et des bruits témoignant de son comportement sur l’échafaud et de ses dernières paroles où le visuel, le théâtral et l’oralité se prolongent en bruits et rumeurs recueillis par le journaliste :
La fermeté du coupable, sa douceur, son courage, ses sentimens de religion mêmes, ont offert un spectacle vraiment étonnant. Il a persisté à soutenir son innocence sur l’article du poison. Il a fait venir sa femme : il lui a recommandé d’élever chrétiennement ses enfans, de travailler par la suite à sa justification, & non pas à sa vengeance, & de tâcher d’obtenir la révision de son procès : il est mort avec la tranquillité d’un innocent sacrifié28.
11Hardy dans son Journal, aussi bien que Bachaumont dans ses Mémoires secrets, Mettra dans sa Correspondance secrète, Grimm et Meister dans leur Correspondance et Mercier dans son Tableau de Paris, évoquent longuement et explicitement cette affaire et les bruits et rumeurs qui l’ont entouré. Grimm et Meister soulignent ainsi que « [l]e peuple a été si touché de ces apparences de vertu et de piété » de Desrues que ses cendres « ont été recueillies le lendemain comme des reliques précieuses29 » censées comporter « quelques vertus sympathiques qui contribuent au bonheur de ceux qui les possedent30 ». Et ils ajoutent : « On a fait vingt portraits de Desrues et toutes les différentes scenes de son crime. Pendant quinze jours, on n’a vu autre chose chez les marchands d’estampes et au coin de toutes les rues31. » Hardy rapporte également, sur plusieurs pages de son Journal, des détails sur l’affaire Desrues et l’importance des rumeurs qui circulaient autour de sa personne et de son exécution, considérant Desrues comme un « scélérat » d’une « nouvelle espèce32 », « un être incompréhensible et d’une espèce toute extraordinaire33 ». Hardy rend compte, sans autres commentaires, de l’impact qu’a eu cette affaire dans l’opinion publique et des rumeurs qui circulaient autour d’elle : « La capitale », note-t-il à la date du 19 avril 1777, pendant le cours de la procédure au tribunal du Châtelet et à peine deux semaines avant l’exécution de Desrues, « est toute en rumeur sur cette singulière affaire ; on ne s’entretenoit d’autre chose dans les sociétés, il ne fallait pas en être surpris ; un trait de scélératesse aussi nouveau et aussi inouï étoit bien fait pour révolter et affliger l’humanité34. » Et il souligne en particulier que, suite à la vente de son arrêt par l’imprimeur du Parlement, Simon, le public se serait arraché ses « cendres » et son portrait gravé, « seul en bonnet de nuit et en Robe de chambre ». Outre la Vie privée et criminelle d’Antoine-François Desrues, commanditée à Baculard d’Arnaud et parue quelques jours seulement après son exécution, un imprimé in-4o de huit pages intitulé Détails historiques et véritables des manœuvres abominables & des crimes atroces, commis de dessein prémédité, par Antoine-François Desrues, imprimé sur ordre des juges du Parlement de Paris (qui avait confirmé le 6 mai 1777 la sentence du lieutenant particulier du Châtelet de Paris) par l’imprimeur Cailleau et « distribué dans les différents Quartiers par les Colporteurs », ce qui ne pouvait « produire », selon Hardy, « un très bon effet35 », a bien essayé d’endiguer la dangereuse vague de sympathie du public populaire en faveur de Desrues que Hardy observe avec attention et une certaine inquiétude : « Ce jour comme il se trouvait un grand nombre de sots », note Hardy à la date du 9 mai 1777, deux jours après l’exécution de Desrues, « d’ignorans ou de personnes disposées par prévention à s’élever contre la magistrature en murmurant contre la rigueur du jugement prononcé le mardi précédent le 6 du mois, contre le trop coupable Desrues36. » La publication des Détails historiques sur ces crimes ne pouvait, d’après la conviction de Hardy, que « produire » dans ce contexte de fermentation « un très bon effet, car il n’étoit pas possible après l’avoir lu avec réflexion, de croire ledit sieur Desrues innocent37 ». On trouve également des récits de l’affaire Desrues dans différents journaux de l’époque ainsi que dans la Correspondance secrète de Mettra et dans des nouvelles à la main, qui ont peut-être servi de sources à Hardy38.
12Les « rumeurs » et « murmures » autour de l’affaire Desrues, certaines pratiques de vénération de sa personne qu’une partie du public, en particulier des couches populaires, perçut comme un véritable héros, renvoient à une version radicalement différente de l’affaire Desrues circulant dans l’espace public parisien de l’époque, version différente de celle présentée par l’arrêt du Parlement et les écrits officieux, comme la Vie privée et criminelle que le lieutenant de police Lenoir avait fait imprimer afin d’infléchir l’opinion et de contrecarrer les rumeurs circulant autour de l’innocence de Desrues. En témoigne la vente de ses cendres et de ses ossements, qui furent considérés comme les reliques d’un nouveau martyr, ainsi que la vente des portraits de Desrues, vénérées par une partie du public – d’après certaines sources contemporaines tel le Tableau de Paris de Mercier qui soutient que « Desrues dans les carrefours de la capitale est plus illustre que Voltaire39 » – comme les images d’un saint40. Mercier rapporte également que la figure en cire de Desrues fut montrée sur les boulevards, à côté de personnages célèbres, comme l’empereur du Saint Empire romain germanique, la famille royale, le comte d’Estaing et le journaliste Linguet41 et que sa complainte fut chantée dans les rues pour le « célébrer », « comme on remet au théâtre une pièce ancienne et mémorable42 ». Desrues apparaît, dans les formes orales et non discursives évoquées, comme une personne innocente, pieuse, persécutée par une justice au service des riches, et victime d’un grand seigneur soupçonneux et d’un « mari jaloux et trompé par les penchants de sa femme pour Desrues auprès de qui elle avait séjourné pendant près de trois semaines après la conclusion de la vente des terres et avant sa mort, en sortant avec lui pour assister à des spectacles ». « Qui se méfieroit d’un homme qui passait pour un saint dans tout son quartier43 ? » concède même l’officieuse Vie privée et criminelle écrite par Baculard d’Arnaud. Des Essarts rapporte dans ses Procès fameux que Desrues se serait écrié sur l’échafaud, en apercevant le crucifix : « Je vais donc mourir comme toi44 ! » Et en « étonnant les spectateurs », selon les bruits rapportés par Des Essarts dans son récit de l’affaire Desrues, il aurait « comparé son sort à celui de l’infortuné Calas, disant qu’il mouroit comme lui victime de l’ignorance & de la prévention45 ». Les récits publiés dans la Correspondance secrète de Mettra sur le procès et l’exécution de Desrues confirment cette double référence, philosophique et biblique, à l’affaire Calas, d’une part, et au supplice du Christ, d’autre part, en illustrant ainsi l’efficacité des images publiques habilement mises en scène par Desrues et des bruits et paroles les accompagnant :
Il a envoyé chercher sa femme & lui a recommandé de bien élever ses enfans : « J’expire, lui a-t-il dit, comme Calas, & je me résigne aux décrets de la Providence. » Il s’est vu attacher sur la croix de St. André avec une tranquillité inouïe ; il s’est même relevé pour regarder le peuple & ensuite ses jambes : enfin il n’y a point de héros qui ne paroisse avec une si grande fermeté vraiment philosophique : on auroit cru voir un de nos chrétiens du premier âge, qui marchoit au supplice, lorsqu’il est descendu de l’hôtel-de-ville, et pourtant cet homme a, selon toutes les apparences, commis plus de vingt empoisonnemens46.
13Cette contre-version de l’histoire de Desrues, mise en scène par le condamné lui-même et s’opposant diamétralement au discours de son jugement et aux textes officieux parus dans son sillage, fut soutenue par son comportement pendant son procès et son exécution, puis relayée par des rumeurs et des pratiques non discursives au sein de ce que l’on pourrait appeler l’espace public populaire. Elle était apparemment ancrée dans des formes de sociabilité et de voisinage spécifiques. Desrues apparut, d’après de nombreux témoignages cités par les périodiques imprimés et les nouvelles à la main de l’époque, comme un personnage certes ambitieux, ayant réalisé une ascension sociale impressionnante, se déplaçant de Chartres à Paris, en acquérant une épicerie dans la capitale et par la suite une terre vendue par un seigneur ; mais il passait en même temps comme très travailleur, affable, attaché à la religion jusqu’à coucher « pendant un Carême sur la paille », d’après une de ses voisines du quartier de la paroisse Saint-Nicolas-des-Champs47. Même les écrits destinés à le dépeindre comme un criminel monstrueux, telle la Vie privée et criminelle commanditée par Lenoir à Baculard d’Arnaud, ne pouvaient pas s’empêcher de reconnaître ses talents multiples et sa capacité à traiter et à communiquer avec des milieux sociaux très divers : « Lorsqu’il étoit Épicier, il contrefaisoit l’homme du peuple avec le Crocheteur qui venoit lui demander de l’eau de vie, & l’honnête Bourgeois avec le Négociant que les relations de Commerce amenoient chez lui48. » La mémoire foncièrement ambivalente du personnage de Desrues, portée à la fois par la fascination et l’horreur, se refléta dans nombre de récits narratifs49, mais aussi dans d’autres supports et médias populaires, à usage ambigu et multiple, comme les portraits gravés, qui ont eu « le plus grand débit50 », imprimés et vendus entre autres par des éditeurs comme Basset, rue Saint-Jacques à Paris51, qui étaient spécialisés dans l’impression d’estampes populaires. Circulèrent également plusieurs complaintes sur Desrues, comme celle écrite par M. Guichard, « poëte assez estimé », « qui n’a pas eu moins de vogue52 », suivie par au moins une dizaine d’autres chansons imprimées et en même temps chantées sur des airs populaires53. Cette vénération populaire trouva aussi ses racines dans « l’arrêt de sa condamnation […] assez mal ou ambiguement conçu » et surtout dans les récits de témoins de son exécution impressionnés par « la constance avec laquelle il a souffert la torture & son supplice cruel, fortifiant encore leur opinion54 ». Elle se prolongea dans une sorte de culte reliquaire autour des cendres de Desrues, qui furent achetées, d’après la Correspondance secrète de Mettra, 300 livres par une « foule de Gagne-deniers55 » pour être revendues par la suite à de nombreux intéressés, convaincus de l’innocence et de l’héroïsme du condamné – un indice de l’impact social et politique de la parole orale et de la mise en scène publique et théâtrale des exécutions publiques. Leur écho se retrouva dans de multiples supports matériels et médiatiques dont Hardy et d’autres observateurs contemporains apportent un témoignage saisissant. Un tel retentissement montre en même temps que la dynamique de ces rumeurs et leur impact était difficilement prévisible et encore plus difficilement contrôlable.
De la rumeur à la justice populaire et à la violence politique – le pillage de la manufacture de Réveillon (1789)
14Le 28 avril 1789, une foule de cinq à six mille Parisiens se rassembla sur le faubourg Saint-Antoine et une partie d’entre elle se constitua, selon les sources de l’époque, en un tribunal populaire pour juger et condamner publiquement le sieur Réveillon, un fabricant de papier peint accusé d’exploiter ses ouvriers et de baisser leur salaire. À la fin de ce procès improvisé, fut proclamée une « Sentence du Tiers-Etat » condamnant Réveillon pour maltraitance de ses ouvriers, dans laquelle il est accusé d’avoir tiré avantage de l’augmentation du prix du pain pour les obliger à travailler sans répit et pour des salaires de misère56. Ce jugement, qui décrète la confiscation des biens du fabricant parisien et son exécution publique, fut publié et affiché sur les murs de la Place Royale. Lorsqu’on s’aperçut que Réveillon était parvenu à s’échapper, ses juges décidèrent de procéder à son exécution par l’entremise de son effigie. Un pantin représentant le condamné fut suspendu à un gibet et porté en triomphe dans les rues de Paris. Le lendemain, une seconde partie de la « Sentence du Tiers Etat » fut promulguée et la fabrique et le domicile privé de Réveillon furent pillés.
15Les « bruits » circulant autour du personnage de Réveillon et de ses propos tenus sur les salaires de ses ouvriers, véhiculant une dénonciation virulente de son attitude qualifiée d’égoïste et de rapace, auraient donc provoqué, d’après les témoignages de divers contemporains, des actes de violence : tout d’abord des actes symboliques – la foule en colère brûla dans la rue une poupée de chiffon aux cris de « Arrêt de mort du Tiers-Etat » –, puis des pillages et des destructions dirigés d’abord contre la maison et ensuite contre la manufacture de Réveillon sur le faubourg Saint-Antoine, actes qui constituent l’objet même des représentations iconographiques. La contingence des événements révolutionnaires, les rumeurs circulant, les pratiques de la justice populaire (comme les « arrêts » populaires, l’exécution symbolique de Réveillon et sa condamnation à mort rendue publique), ainsi que la violence spontanée de la foule populaire en colère, tels sont les différents éléments constituant l’épicentre de la représentation de cet événement, que le chroniqueur Hardy, un témoin oculaire, évoque comme suit dans son Journal :
Dans l’après-midi, les Parisiens s’effrayent beaucoup, et même jusqu’à fermer leur boutique en différents endroits, d’une espèce d’insurrection populaire qui s’étoit étendue du fauxbourg Saint-Antoine, dans le quartier Notre-Dame. C’étoit une portion considérable d’ouvriers, soi-disant de ce fauxbourg, soulevés par des brigands contre le nommé Réveillon, très riche fabricant de papiers peints pour meubles, et un autre particulier assez opulent nommé Henriot, salpêtrier, tous deux amis et habitans du même fauxbourg. Ces ouvriers marchoient armés de bâtons, sans faire de mal à personne. J’en rencontre un détachement d’environ cinq à six cents hommes, rue de la Montagne Sainte-Geneviève, qui dirigeoient leur marche par la rue Bordet, du côté du fauxbourg Saint-Marceau, avec un seul tambour, l’un d’entre eux portant sur son épaule une potence à laquelle étoit attachée l’effigie d’un homme peinte sur un morceau de carton, d’autres s’écriant : « Arrêt du Tiers Etat qui juge et condamne les nommés Réveillon et Henriot à être pendus et brûlés en place publique57 ! »
16Hardy, qui avance ainsi l’hypothèse, fortement répandue à l’époque, d’une insurrection agencée par des « brigands » – et non pas issue d’un mouvement populaire plutôt spontané –, insiste en même temps sur l’importance capitale des « bruits » et rumeurs ayant conduit au dénigrement, à la dénonciation, puis à la « condamnation » et à la « punition » du manufacturier Réveillon. La violence des mots et des bruits qui avaient condamné, d’abord verbalement, Réveillon et son voisin Henriot, s’était prolongée en une violence physique brutale et vengeresse, dont Hardy ne peut que constater l’ampleur. Dans la maison de Réveillon, située au faubourg Saint-Antoine, les révoltés n’avaient, selon son témoignage, « absolument laissé que les quatre murailles, tous ses meubles, linge, et effets généralement quelconques (à l’exception pourtant des ustensiles de sa manufacture et des papiers ouvragés en magasin), et jusqu’aux croisées et aux portes des appartemens, ayant été brûlés dans sa cour et à l’entrée de son jardin, où les insurgés avoient établi deux bûchers58 ».
17La dimension orale de la communication publique, ciblée ici à travers les témoignages de Hardy et les bruits circulant autour des affaires Desrues en 1777 et Réveillon en 1789, renvoie ainsi à un double enjeu : l’enjeu, d’une part, de saisir une dynamique de la communication qui se prolonge dans des formes de contestation sourde, dans le cas de Desrues, et de violences brutales, dans le cas de Réveillon, et qui donne à entrevoir, au-delà des médias de l’écrit et de l’imprimé, d’autres formes de communication. Les bruits, les rumeurs, les propos rapportés, les murmures, mais aussi des images et des pratiques non discursives, comme la vente des cendres et des ossements de Desrues, ou encore la condamnation puis la destruction publique par le feu de l’effigie de Réveillon, jouèrent des rôles centraux. Dans les interstices et les non-dits des discours imprimés qui dominent dans l’espace public et qui sont censés influencer l’opinion, on peut détecter, à y regarder de plus près, des formes de contre-discours et de résilience. Face aux bruits et rumeurs populaires qui circulaient, les instances du pouvoir et de la justice, celles de l’Ancien Régime et, selon d’autres stratégies, celles de la Révolution, développèrent des contrôles allant de la répression aux formes multiples de contre-discours. Les stratégies de « publicité » se trouvent ainsi au centre des débats suscités par les rumeurs citadines au xviiie siècle, des affaires Damiens et Desrues jusqu’à ces premiers grands événements de la révolte sociale à Paris que représentent le pillage de la manufacture de Réveillon en avril et la prise de la Bastille en juillet 1789. La Chronique de Paris témoigna en octobre 1789 des controverses suscitées par ces débats et des enjeux qu’ils renfermaient, en notant le 4 octobre 1789, au sujet de la question de la publication des papiers de la Bastille :
On ose même répandre qu’il ne seroit pas prudent de donner au peuple une connoissance entière de tous ces papiers, dont plusieurs intéressent des familles puissantes, même, dit-on, des têtes couronnées. Hé bien, rebâtissez donc une nouvelle Bastille pour les y renfermer ? Mais non, songez plutôt que si le peuple n’avoit pas emporté la Bastille, vous n’auriez pas le droit de lui interdire la connoissance des papiers qu’on y a pris ; que ce peuple double l’importance des objets qu’on lui cache ; que ses soupçons vont toujours beaucoup au-delà de la réalité ; que ce silence motivé lui paroîtra un abus de sa confiance, & qu’il n’a point oublié ces paroles remarquables de son illustre maire : La publicité est la sauve-garde du peuple59.
18La Chronique de Paris allait elle-même confirmer l’importance de ces débats et controverses dans ses numéros suivants, qui traitaient des événements des 5 et 6 octobre à Paris et à Versailles, où les pouvoirs publics tentèrent, en vain, d’endiguer, par la publication d’imprimés rectificateurs, les rumeurs virulentes et les bruits « alarmants répandus dans le public60 » autour de la rareté du pain, la disette, de même qu’autour de l’approvisionnement insuffisant des boulangers en farine.
Notes de bas de page
1 Sur ce concept notamment forgé par Fritz Nies, voir Hans-Jürgen Lüsebrink, « Semi-Oralität. Zur literaturwissenschaftlichen Tragweite einer provokativen Kategorie », dans Henning Krauß (dir.), Offene Gefüge. Literatursystem und Lebenswirklichkeit. Festschrift für Fritz Nies zum 60. Geburtstag, Tübingen, Gunter Narr, 1994, p. 151-163.
2 Siméon-Prosper Hardy, Mes Loisirs, ou Journal d’événemens tels qu’ils parviennent à ma connoissance (1753-1789), éd. par Pascal Bastien et al., Paris, Hermann, 2012-2019, 7 vol. parus, t. 1, p. 414.
3 Ibid., t. 1, p. 424.
4 Ibid., t. 1, p. 357 (9 novembre 1769 : « Placard abominable et séditieux affiché aux Halles »).
5 Ibid., t. 1, p. 605.
6 Voir par exemple ibid., t. 1, p. 1768 (29 avril 1768), son commentaire sur le plaidoyer de maître Legouvé : « Ce plaidoyer éloquent, clair, concis et des plus fort par le ton et la manière dont tous les moiens d’abus y furent présentés et discutés. »
7 Ces termes sont par exemple utilisés ibid., t. 1, p. 80 (18 mars 1765, affaire du Curé de Saint-Sulpice).
8 Ibid., t. 1, p. 546 (2 décembre 1769).
9 Ibid., t. 1, p. 566.
10 Ibid., t. 1, p. 654.
11 Ibid., t. 1, p. 658 (25 avril 1770).
12 Ibid., t. 1, p. 615.
13 Ibid., t. 1, p. 597.
14 Ibid., t. 1, p. 517.
15 Ibid., t. 1, p. 590 (24 janvier 1770).
16 Dictionnaire portatif de la langue françoise, extrait du grand dictionnaire de Pierre Richelet [ « nouvelle édition […] par M. de Wailly »], Liège, Plomteux, 1784, 2 vol., t. 1, p. 130, art. « Bruit » (4 entrées).
17 Ibid., t. 2, p. 143, art. « Murmure », « Murmurer ».
18 Dictionnaire de l’Académie Françoise, revu, corrigé et augmenté par l’Académie elle-même, 5e éd., Paris, Bossange et Masson/Garnery/Henri Nicolle, 2 vol., t. 2, p. 144, art. « Murmure », « Murmurer ».
19 Hardy, Mes Loisirs…, op. cit., t. 1, p. 590 : « Je me trouvois en perte comme beaucoup d’autres à cause d’une action des fermes que j’avois achetée en 1768 sur le pied de neuf cent cinq livres et de onze coupons d’annuités de cent livres chacun précédemment convertis en contract. »
20 Ibid., t. 1, p. 590 (24 janvier 1770).
21 Voir sur ce point notamment l’ouvrage classique de Georges Lefebvre, La Grande Peur de 1789, Paris, Armand Colin, 1932 ; ainsi que Eric Selbin, Revolution, Rebellion, Resistance : The Power of Story, Londres, Zed Books 2010.
22 Hardy, Mes Loisirs…, op. cit., t. 1, p. 602 (12 février 1770).
23 Ibid., t. 1, p. 155 (9 mai 1766).
24 Ibid., t. 1, p. 156.
25 Louis Sébastien Mercier, Tableau de Paris, éd. par Jean-Claude Bonnet, Paris, Mercure de France, 1994, 2 vol., t. 1, p. 716.
26 Hardy, Mes Loisirs…, op. cit., t. 1, p. 291.
27 Sur l’affaire Desrues, voir Hans-Jürgen Lüsebrink, Kriminalität und Literatur im Frankreich des 18. Jahrhunderts. Literarische Formen, soziale Funktionen und Wissenskonstituenten von Kriminalitätsdarstellung im Zeitalter der Aufklärung, Munich/Vienne, Oldenbourg-Verlag, 1983, p. 82-98 ; Annie Duprat, « L’affaire Desrues ou le premier tombeau de l’Ancien Régime », Sociétés et Représentations, 18/2, 2004, p. 124-134 ; Georges Claretie, Desrues l’empoisonneur. Une cause célèbre au xviiie siècle, Paris, Eugène Fasquelle, 1906 ; Bernard Hautecloque, Épices et poisons. La vie d’Antoine-François Dérues, l’empoisonneur du xviiie siècle, Paris, Éditions des Équateurs, 2009.
28 Annales politiques, civiles et littéraires du dix-huitième siècle ; ouvrage périodique. Par Mr. Linguet, Londres, s. n., 1777, t. 1, p. 218-219.
29 Correspondance littéraire, philosophique et critique par Grimm, Diderot, Raynal, Meister, etc., éd. par Maurice Tourneux, Paris, Garnier frères, 1877-1882, 16 vol., t. 11, p. 467 (mai 1777).
30 Vie privée et criminelle d’Antoine-François Desrues ; contenant les particularités de sa jeunesse, ses mauvaises inclinations, son insigne hypocrisie ; & le détail des manœuvres abominables & des crimes atroces commis, de dessein prémédité, par ce scélérat, envers la dame de Lamotte & son fils, Avignon [ « et se trouve àParis »], Cailleau, 1777, p. 129. Il existe une autre version de ce récit, qui présente des variantes par rapport à la version ici retenue : voir infra n. 47.
31 Correspondance littéraire…, op. cit., t. 11, p. 467 (mai 1777).
32 Hardy, Mes Loisirs…, op. cit., t. 5, p. 138 (1er mai 1777).
33 Ibid., p. 130 (23 avril 1777).
34 Ibid., p. 125 (19 avril 1777).
35 Ibid., p. 150 (9 mai 1777).
36 Ibid., p. 149 (9 mai 1777).
37 Ibid., p. 150 (9 mai 1777).
38 Correspondance secrète, politique & littéraire, ou Mémoires pour servir à l’histoire des cours, des sociétés & de la littérature en France, depuis la mort de Louis XV [dite de Mettra], Londres, John Adamson, 1787, t. 4, p. 274-276 (« De Paris, le 5 Avril 1777 »).
39 Mercier, Tableau de Paris, op. cit., t. 1, chap. 463, « Chanteurs publics », p. 1283-1285, ici p. 1285.
40 Voir ibid., t. 2, chap. 786, « Graveurs », p. 839-842, ici p. 840 : « Desrues et la Lescombat sont placés [chez les marchands d’estampes] entre deux saints ».
41 Ibid., t. 1, chap. 217, « Spectacles des boulevards », p. 542-543.
42 Ibid., t. 2, chap. 828, « Complaintes », p. 954-955, ici p. 955.
43 Vie privée et criminelle…, op. cit., p. 20.
44 « Desrues (procès & supplice de l’empoisonneur) », dans Nicolas-Toussaint des Essarts, Procès fameux, extraits de l’essai sur l’histoire générale des tribunaux des peuples tant anciens que modernes, Paris, l’auteur, 1786-1788, 9 vol., t. 3, p. 171-199, ici p. 197.
45 Ibid., p. 198.
46 Correspondance secrète…, op. cit., t. 4, p. 358-359 (« De Paris, le 12 Mai 1777 »).
47 Vie privée et criminelle d’Antoine-François Desrues, Paris, Cailleau, 1777, p. 9.
48 Ibid., p. 16-17.
49 Citons, outre le récit mentionné de Baculard d’Arnaud, notamment : Détails historiques et véritables des manœuvres abominables & des crimes atroces, commis de dessein prémédité, par Antoine-François Desrues, [Paris], Cailleau, 1777.
50 Correspondance secrète…, op. cit., t. 4, p. 377 (« De Paris, le 12 Mai 1777 »). À la date du 31 mai 1777 Mettra rapporte qu’« on a imprimé plusieurs détails de la vie du scélérat Desrues » et qu’on « a gravé jusqu’à vingt-quatre estampes sur cette histoire » (ibid., p. 391).
51 Voir l’estampe Antoine François Derues empoisonneur de dessein prémédité, mis à mort le six may 1777, Paris, Basset, n. d., gravure sur cuivre, 1 p. in-4o. Une copie se trouve à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris (désormais BHVP), 10419.
52 Correspondance secrète…, op. cit., t. 4, p. 376-377 (« De Paris, le 12 Mai 1777 »).
53 Voir « Complaintes sur Desrues » (recueil factice, BHVP, 6292), qui contient les quatre complaintes suivantes sur Desrues : « Histoire tragique et morale, d’un ci-devant épicier-droguiste faussaire & empoisonneur » (sur l’air : Approchez-vous, honorable assistance, etc.), 6 p. ; « Complainte historique et circonstanciée sur les cruautés commises par le nommé Derues, épicier-droguiste à Paris » (air : Camarade, il nous faut chanter), 3 p. ; « Autre. Sur le même Sujet » (air : J’entends autour de ma prison), 3 p. ; « Dialogue entre Cartouche & Mandrin, sur la réception de Derues en Enfer » (air : Il est en peine, par Deshayes), 5 p. ; une autre version de l’« Histoire Tragique et Morale », 5 p., dont le texte est identique, mais qui diffère par sa typographie, se trouve à la fin du volume.
54 Correspondance secrète…, op. cit., t. 4, p. 377 (« De Paris, le 12 Mai 1777 »).
55 Vie privée et criminelle…, op. cit. [supra n. 30], p. 129.
56 Voir sur cet événement : Jacques Collot, « L’Affaire Réveillon, 27 et 28 avril 1789 », Revue des questions historiques, 121, 1934, p. 35-55 ; 122, 1935, p. 239-254 ; Leonard N. Rosenband, « Jean-Baptiste Réveillon : A Man on the Make in Old Regime France », French Historical Studies, 20/3, 1997, p. 481-510.
57 Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 6687, fol. 297, 27 avril 1789.
58 Ibid., fol. 302, 29 avril 1789.
59 Chronique de Paris, 42, 4 octobre 1789, p. 165.
60 Chronique de Paris, 43, 5 octobre 1789, p. 171.
Auteur
Sarrebruck
Professeur sénior d’études culturelles romanes et de communication interculturelle à l’université de Saarbrücken (Allemagne), professeur invité au Sénégal, au Burkina Faso, au Cameroun, en France (EHESS Paris, ENS Paris, EPHE, Limoges, Le Mans, Lyon), au Canada (Montréal, Québec) et aux États-Unis (Northwestern University, UCLA). Ses domaines de recherche sont les transferts culturels et les traductions (France-Allemagne, Europe-monde non européen) ; les almanachs populaires dans le monde francophone ; les dimensions transculturelles de l’encyclopédisme des Lumières, et les littératures et cultures francophones hors d’Europe (Afrique subsaharienne, Québec).
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les Jacobins de l’Ouest
Sociabilité révolutionnaire et formes de politisation dans le Maine et la Basse-Normandie (1789-1799)
Christine Peyrard
1996
Une société provinciale face à son devenir : le Vendômois aux xviiie et xixe siècles
Jean Vassort
1996
Aux marges du royaume
Violence, justice et société en Picardie sous François Ier
Isabelle Paresys
1998
Pays ou circonscriptions
Les collectivités territoriales de la France du Sud-Ouest sous l’Ancien Régime
Anne Zink
2000
La permanence de l’extraordinaire
Fiscalité, pouvoirs et monde social en Allemagne aux xviie- xviiie siècles
Rachel Renault
2017
Un désordre européen
La compétition internationale autour des « affaires de Provence » (1580-1598)
Fabrice Micallef
2014
Entre croisades et révolutions
Princes, noblesses et nations au centre de l’Europe (xvie-xviiie siècles)
Claude Michaud
2010