Le cloître de Notre-Dame de Paris au xviiie siècle : un quartier à part
The cloister of Notre-Dame of Paris in the eighteenth century: an area apart
p. 135-147
Résumés
Le cloître de Notre-Dame de Paris est le plus étendu et le mieux conservé des enclos canoniaux parisiens. Occupant l’extrémité nord-est de la Cité, à l’ombre de la cathédrale, il est physiquement séparé du reste de l’île par quatre portes et constitue une paroisse à part entière. Sa situation de cul-de-sac le place à l’abri des encombrements qui empoisonnent la vie des Parisiens. Par ailleurs, il tranche sur son voisinage immédiat par son parcellaire ample, par ses 46 maisons canoniales qui s’apparentent à des hôtels, avec leurs jardins ouvrant sur la Seine, par l’absence de commerces et par ses habitants. Outre les chanoines de la cathédrale et tous ceux qui les servent (clercs divers, musiciens, bedeaux, sonneurs), il abrite aussi des locataires laïques, hommes et femmes, qui trouvent dans ce petit quartier des conditions de logement et un calme supérieurs à ceux du voisinage. Nombre de maisons disposent en effet d’une conduite d’eau concédée par la Ville, qui complète les puits et l’accès direct à la Seine. Rien d’étonnant que des officiers de justice qui exercent au Palais aient choisi de s’y loger. Ils y ont pour voisins des « bourgeois de Paris », des nobles sans profession avouée et des femmes célibataires, filles majeures ou veuves, souvent de condition modeste, qui trouvent dans le cloître un îlot de quiétude, plus rassurant que les ruelles obscures de la Cité.
The cloister of Notre-Dame was the most extensive, and is the best-conserved, of the Parisian canonical enclosures. Occupying the north-east end of the Île de la Cité, next to the cathedral, it was physically separated from the rest of the island by four gates, and formed a parish in its own right. Its cul-de-sac location protected it from the congestion which blighted the lives of Parisians. Moreover, it contrasted sharply with its vicinity by its ample plots of land, by its 46 canonical houses which—with their gardens opening onto the Seine—resembled hôtels, by the absence of trade, and by its inhabitants. Besides the canons of the cathedral and all those who served them (various clerics, musicians, vergers, bell-ringers), it also housed secular tenants, men and women, who found the accommodation conditions and tranquillity in this small area superior to those pertaining in the vicinity. A number of houses had a water pipe provided by the City, which supplemented that from wells and from direct access to the Seine. It is unsurprising that some of the judicial officers who worked at the Palais should have chosen to lodge there. Their neighbours were ‘bourgeois de Paris’, nobles without avowed employment, and single women, spinsters or widows, often of modest social standing, who found in the cloister an islet of tranquillity which was more reassuring than the dark alleys elsewhere on the Île de la Cité.
Texte intégral
1Sous l’Ancien Régime, Paris compte plusieurs « cloîtres », terme qui recouvre une réalité généralement fort éloignée de l’image traditionnelle du quadrilatère monastique. Il s’agit en effet d’enclos ecclésiastiques, conventuels ou séculiers, qui abritent un certain nombre d’édifices, en majorité à usage d’habitation. En 1767, l’abbé Expilly dénombre une vingtaine de ces « espèces de places fermées1 ». Les plus fameux sont les cloîtres canoniaux, véritables petits quartiers composés des maisons édifiées pour les chanoines, blotties autour de l’église collégiale2. Saint-Benoît, Saint-Germain-l’Auxerrois ou Sainte-Opportune sont ainsi entourées. Le plus étendu et le mieux conservé aujourd’hui3, attaché à la cathédrale métropolitaine Notre-Dame, est aussi le moins documenté4. Pourtant, il présente plusieurs caractères dignes d’attention. Tout d’abord, il doit accueillir, au sein d’une kyrielle d’ecclésiastiques, une bonne cinquantaine de chanoines qui sont logés dans des maisons cossues, d’amples dimensions, qui tranchent avec le bâti étriqué de l’île de la Cité et s’avèrent des sources de revenus non négligeables. Tout comme les autres cloîtres de la capitale, celui de Notre-Dame ne se contente pas de loger des clercs et des serviteurs ecclésiastiques : il abrite aussi des locataires laïques, hommes et femmes, qui trouvent dans ce petit quartier des conditions de logement et un calme supérieurs à ceux du voisinage.
Le cloître de Notre-Dame : aspects généraux
2Le quartier canonial occupe, au nord de la cathédrale, tout l’espace jusqu’à la Seine, sur une superficie d’environ 3 hectares (2,8 en excluant le jardin du Terrain). Il est desservi par quatre rues (fig. 1)5. Le long de la façade septentrionale de la cathédrale, s’étend la rue du Cloître Notre-Dame, l’espace le plus large de tout l’enclos (plus de 13 m), qui butte à l’est sur le bâtiment de la salle capitulaire, au-delà duquel on l’appelle rue du Chapitre6. Une rangée de bornes protège l’église et le puits public, établi devant l’auditoire, près de la porte Rouge qu’empruntent les chanoines pour se rendre à l’office divin. La rue Chanoinesse, moins imposante, forme un arc de cercle légèrement brisé, sur lequel ouvrent la plupart des maisons. Les deux dernières rues, transversales, sont secondaires. L’actuelle rue Massillon s’étend entre les deux précédentes, tandis que celle des Chantres n’est qu’une ruelle, en partie enjambée par un bâtiment, qui permet de gagner la porte du carré du Pont Rouge.
3En effet, le quartier canonial ne communique avec le reste de l’île de la Cité que par trois portes, qui sont fermées « tous les soirs à une certaine heure7 ». La principale s’élève à une vingtaine de mètres en retrait de la façade occidentale de la cathédrale. Lors des travaux d’élargissement du parvis, en 1751, les pierres de l’église Saint-Jean le Rond démolie servent à reconstruire ce portail, jusqu’alors simple pavillon, sur un modèle plus monumental, dessiné par Germain Boffrand : une grande porte cochère centrale, flanquée de quatre colonnes doriques engagées qui soutiennent un attique couronné de pots à feu, est encadrée par deux fausses portes piétonnes surmontées d’une table carrée8.
4Les deux autres portes du cloître offrent l’aspect plus sobre d’une arcade surmontée d’un comble à deux versants. La première porte s’élève dans le prolongement de la rue des Marmousets et constitue l’entrée de la rue Chanoinesse, au coin de la rue de la Colombe. La seconde ouvre sur le carré du Pont Rouge et permet de pénétrer dans la cour des Chantres, étroite placette encadrée de sept maisons, reliée au reste du cloître par la rue des Chantres. Au chevet de la cathédrale, une dernière porte cochère communique avec le vaste complexe de I’archevêché par la cour des écuries9.
5C’est là, entre cette cour et le « petit cloître10 », que se trouve la petite église Saint-Denis du Pas, église canoniale et, depuis le rattachement de Saint-Jean le Rond en 1748, siège de la paroisse du cloître, sous l’invocation de Saint-Denis et Saint-Jean-Baptiste. Deux chanoines y remplissent les fonctions curiales pour le quartier canonial, qui forme une paroisse à part11.
6Le temps est révolu, toutefois, d’une stricte clôture matérialisée par un mur d’enceinte. L’îlot qui s’étend entre les deux portes principales s’adosse sans rupture aux bâtiments, appartenant tous au chapitre12, sis à l’extérieur du cloître, sur le parvis, rue des Marmousets ou cul-de-sac Sainte-Marine13. Si les murs mitoyens ne sont percés d’aucune porte, les croisées n’y sont pas rares. Ainsi, la maison du théologal bénéficie, sur la cour d’un voisin du cul-de-sac Sainte-Marine, de vues directes agrandies à la fin du xviie siècle14. La maison qui jouxte l’entrée de la rue Chanoinesse étire, le long de la rue de la Colombe, une façade qui n’a rien d’aveugle15. Les deux maisons donnant sur le carré du Pont Rouge (nos 18 et 1916), ainsi qu’on peut toujours en juger, disposent même d’une porte qui permet à leurs habitants de rentrer directement chez eux depuis l’extérieur du cloître, à n’importe quelle heure. Dans le jardin du no 20, une porte bâtarde ouvre sur un passage sous la maison voisine qui débouche rue d’Enfer17. En retour, les maisons peu profondes de cette rue, sans doute établies tardivement à des fins spéculatives, s’éclairent sur les cours et jardins des maisons du cloître18 ; une porte permet même l’accès au puits de la maison canoniale (no 21) contiguë19.
7Toutefois, malgré ces quelques exceptions, le cloître demeure isolé du reste de la ville et sa situation de cul-de-sac le place à l’abri des encombrements qui empoisonnent la vie des Parisiens. En effet, la traversée du cloître n’offre aucun raccourci, si ce n’est, à pied, pour gagner le Pont Rouge depuis le parvis, en passant par l’étroite rue des Chantres. Certes, jusqu’au milieu du xviie siècle, on y croisait parfois des jeunes gens qui s’allaient baigner dans la Seine à l’extrémité orientale de l’île, depuis le Terrain20, mais les chanoines n’eurent de cesse d’empêcher ces pratiques « indécentes » en faisant clore cet espace du côté du fleuve. Le lotissement de l’île Saint-Louis leur offrit l’occasion de réaliser ce projet : la construction des quais, rétrécissant la traverselle Notre-Dame – ainsi nommait-on le bras de Seine entre les deux îles – et y renforçant le courant, rendait indispensable la construction d’un mur en pierre pour protéger la pointe de l’île de la Cité d’une érosion rapide21. Le jardin qui y est alors planté est réservé aux chanoines et aux seuls hommes « qu’ils veulent bien y admettre22 », accentuant ainsi l’isolement du cloître, tandis qu’au nord, le pont de bois reliant les deux îles préserve l’intégrité du quartier canonial grâce à un décrochement bien visible sur les plans et sur les toiles de Raguenet.
8Au début du règne de Louis XIV, l’image du cloître cathédral de Paris se fige pour un siècle et demi, sans changements notables dans le domaine architectural, formant un contraste saisissant avec les environs immédiats.
Un îlot d’aisance, loin de l’entassement de la Cité
9À l’écart du cœur de la Cité et de l’agitation du Palais, le cloître Notre-Dame s’en distingue surtout par l’aspect de ses maisons aux amples dimensions. Sur le plan de Delagrive (fig. 1), le maillage parcellaire lâche du cloître tranche nettement avec celui, étriqué, des îlots situés à l’ouest. La taille et la forme même de ces derniers, répondant à un réseau viaire étroit et tortueux, jurent avec les îlots du cloître, vastes et aérés par des cours et des jardins. Du reste, sur les 2,8 hectares du cloître, qui représentent un peu moins de 15 % des 20 hectares de l’île, on ne compte que 46 maisons, soit moins de 5 % du total de la Cité23. Par leur superficie autant que par leur plan, les maisons du cloître s’apparentent à des hôtels24 particuliers, ce que renforce la présence systématique de portes cochères. Enfin, une douzaine de maisons jouissent d’un jardin25, s’ouvrant sur 1a Seine dans plus de la moitié des cas.
10Cette situation semble s’être stabilisée au cours du xvie siècle. C’est en effet à cette époque, « faste pour l’embellissement de ces demeures26 », que des jardins ont été dégagés vers la Seine. Le plan de Braun, qui représente Paris en 1530, montre de grands terrains vides entre une rangée de maisons, au nord de la rue Chanoinesse, et une seconde rangée en bordure de Seine27. En revanche, dès le plan de Bâle (vers 1550), on voit disparaître ces dernières maisons, au profit d’un simple mur de clôture, qui subsiste sur tous les plans postérieurs. Celui de Quesnel (1609) est le premier à séparer les jardins et à esquisser le tracé des parterres. La démolition de maisons pour dégager la vue sur la Seine dénote à la fois une certaine aisance du chapitre et l’aspiration à une vue dégagée, s’étendant sur l’île Notre-Dame qui n’est pas encore lotie. Ces jardins d’agrément, exposés au soleil levant, se dotent rapidement de parterres, minutieusement reproduits par Delagrive28, tandis qu’une toile de Raguenet (fig. 2) nous les rend plus vivants en les peuplant de promeneurs29. La solidité des murs du quai qui soutiennent ces jardins laisse parfois à désirer, au point qu’une partie s’écroule durant l’hiver 1783-1784. Les bénéficiaires des deux maisons touchées (nos 1 et 3) n’ont toutefois pas à s’en plaindre bien longtemps, puisque le mur est rebâti dès l’été, avec une avancée qui dote ces deux jardins d’une superficie plus conforme à celles de leurs voisins, tout en présentant un profil plus à même de résister au courant30. C’est sans doute pour compenser l’étroitesse de son jardin que la maison la plus proche de l’abreuvoir est couverte d’une belle terrasse à balustrade de pierre, parvenue jusqu’à nous par la grâce du pinceau de Raguenet. Le même ornement couronne le corps de logis qui donne sur la Seine, dans la maison no 9, vaste mais dépourvue de jardin31.
11Hormis ces quelques aménagements sans doute tardifs, l’architecture des maisons, telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui ou sur les toiles de Raguenet, semble plaider en faveur d’une construction réalisée au plus tard au début du xviie siècle32. Néanmoins, les quatre grandes lucarnes qui éclairent sur le jardin le corps de logis principal de la maison no 4, avec leur fronton flanqué de pinacles, jointes aux deux tours carrées encadrant la façade, évoquent une bâtisse plus ancienne, du xvie, voire du xve siècle. À l’inverse, le décor de certaines portes cochères ou l’apparition de balcons en ferronnerie indiquent des remaniements postérieurs, en partie réalisés au xviiie siècle33, le plus bel exemple étant la maison de la maîtrise, rebâtie en 174034.
12Toutefois, si l’on excepte le plan de Delagrive, qui ne fournit que les masses des bâtiments, les éléments manquent pour parfaire notre connaissance de la répartition des corps de logis et de leur distribution intérieure, sans parler de la hauteur des bâtiments. Raguenet se révèle à nouveau très précieux dans ce domaine, mais doit être complété par le plan de Bretez, qui, bien qu’il ne puisse prétendre à l’exhaustivité, est l’une des sources majeures de notre connaissance de la hauteur des maisons parisiennes. Les bâtiments construits dans le cloître dépassent rarement deux étages. La plupart des façades sur la Seine présentent même un seul étage carré, surmonté d’un haut comble percé de lucarnes, disposition qui se retrouve dans bien des façades sur rue, en particulier le long de la rue Chanoinesse35. Or, une telle situation est assez exceptionnelle dans l’île de la Cité, et dans le vieux centre de Paris en général, où l’immense majorité des maisons atteignent une altitude de trois ou quatre étages carrés36. Les immeubles les plus élevés sont concentrés autour de la cour des Chantres, mais leur hauteur compense l’étroitesse des parcelles sur lesquelles ils sont bâtis. Encore ne s’agit-il que d’une situation assez tardive : la maison no 13 est reconstruite sur une hauteur de quatre étages en 167637, à peu près au même moment que celle de la communauté des chantres, qui présente une façade assortie sur la Seine38. Le chapitre projette d’y ajouter, en remplacement de trois étroites maisons à pignon de deux ou trois étages39, un bel immeuble à cour centrale, élevé de quatre étages carrés et d’une mansarde, projet jamais réalisé40.
13Ces documents de construction, hélas trop rares, nous fournissent également quelques indices sur les matériaux utilisés. On y constate l’usage imposant de la pierre dure41, matériau le plus uniment mis en œuvre par les maçons parisiens, sous forme de moellons enduits ou de pierres taillées. Dans l’enclos, ces dernières sont en quantité supérieure au reste de l’île de la Cité42, tandis que le pan de bois y est réduit aux cas indispensables. Alors qu’ailleurs il est d’usage courant pour l’établissement des façades sur cour43, on ne le trouve ici que pour élever des galeries44, des cages d’escaliers45 ou des encorbellement sur la Seine46. La couverture est, comme pour 97 % des maisons du vieux centre, en tuiles de Bourgogne47.
14La distribution intérieure demeure l’aspect le moins connu. Les quelques descriptions parvenues jusqu’à nous48 montrent certaines constantes attendues : loge de portier flanquant la porte cochère, hangars pour les voitures, qui prennent souvent la forme d’appentis en ailes des cours, écuries, parfois imposantes49, et, complément indispensable, greniers à foin éclairés par des lucarnes équipées de poulies50. Les caves établies du côté de la Seine bénéficient, en outre, d’ouvertures sur le cours d’eau, visibles sur la toile de Raguenet, qui constituent sans doute un inconvénient en période de crue51, mais fournissent un éclairage et un accès à l’eau potable52. Dans ce domaine, le cloître se distingue du reste de la ville, non par la présence d’un puits public, devant l’auditoire, ni par celle de puits individuels dans nombre de maisons, équipements récurrents des maisons parisiennes53, mais par la fréquence des conduites d’eau concédées par le Bureau de la ville54. En 1790, la maison no 9 cumule une concession de ce type, un accès direct à la Seine par le souterrain et un puits équipé d’une pompe dans la cour55, bénéficiant ainsi d’un apport d’eau potable généreux pour la maisonnée d’un chanoine, fût-il servi par une domesticité nombreuse.
15En fait, la répartition des étages en plusieurs appartements (bien visible sur un plan de la maison no 14 (fig. 3), jointe à la présence, dans une même maison, de plusieurs cuisines aménagées56, indique qu’aucun de ces hôtels ne mérite le qualificatif de particulier. Au moins depuis le xve siècle, la location à des particuliers est admise par le chapitre57, ce qui compense les frais d’entretien et augmente les revenus des chanoines. Au début, il n’était question que d’accueillir « des personnes honnêtes et non mariées58 » et « la demeure en était absolument interdite aux femmes59 ». Au xviiie siècle, on rencontre des laïcs des deux sexes dans les maisons claustrales : seul le jardin du Terrain demeure réservé aux hommes. La population du cloître ne se limite donc plus aux seuls ecclésiastiques au service direct de la cathédrale, ni même à leurs serviteurs laïques : elle a connu depuis le xviie siècle une diversification qui n’a pas toujours fait l’unanimité parmi les membres du collège capitulaire.
Les habitants du cloître à la veille de la Révolution
16Les principaux habitants du cloître sont évidemment les membres du chapitre cathédral, composé de 51 canonicats. Or, la possession de l’une de ces prébendes ne suffit pas pour obtenir une maison, en effet on n’en compte que 3660. Chacune d’elle est la propriété d’un chanoine, qui l’a acquise aux enchères ou par résignation du précédent titulaire61. C’est pourquoi les maisons canoniales n’ont pas été considérées comme des biens ecclésiastiques en 1790, mais bien chacune comme la propriété d’un chanoine62. Un décret de l’Assemblée constituante du 24 juillet 1790, qui précise que « les titulaires qui tiendront les maisons de leur corps à titre de vente à vie ou à bail à vie en jouiront jusqu’à leur décès », permet aux chanoines d’y rester, à condition de payer le sixième de leur valeur63. Il faut toutefois exclure deux maisons (nos 9 et 29), jadis canoniales, mais abandonnées par leur propriétaire au chapitre, qui les gère désormais et les loue à divers particuliers64. Les chanoines qui ne possèdent pas de maison peuvent louer un appartement dans le cloître65, voire loger à l’extérieur66.
17Les autres maisons sont liées à des bénéfices. Il en va ainsi des logis dévolus aux deux chanoines de Saint-Aignan, attenants à la chapelle (nos 23 et 24). Les chanoines de Saint-Denis du Pas et de Saint-Jean le Rond disposent de maisons bénéficiales : les bénéficiers prêtres, des trois maisons au nord de la cour des Chantres et d’une autre au chevet de l’église, et les curés, des deux maisons nos 27 et 2867. Un grand nombre de clercs, bénéficiers non-prêtres, gagistes chanteurs, appelés machicots68, ou agents du chapitre s’entassent dans les 25 pièces de l’immeuble de la communauté des chantres, qui jouxte la porte sur le carré du Pont Rouge. En parcourant l’Almanach royal, les minutes des notaires, des commissaires au Châtelet ou du bailliage de la Barre du chapitre69, on rencontre plusieurs de ces ecclésiastiques, chapelains ou bénéficiers « de l’Église de Paris70 », mais aussi des officiers laïques du chapitre, comme Fauveau, le petit sonneur, également huissier de la Barre du chapitre, Imer, suisse de Notre-Dame, certains des francs-sergents chargés de la police intérieure du cloître71, le receveur général, Barbier, ou encore le receveur des censives, Bézard, qui partage avec 1’archiviste Pavillet, le bibliothécaire Buée et le trésorier Mortier les appartements du bâtiment où se trouvent la salle capitulaire, la bibliothèque et l’auditoire72. Le logis du grand sonneur, composé d’une cuisine, d’une chambre et d’un office, est établi dans la tour nord de la cathédrale, avec accès par la galerie de la nef73. En bas de la tour habite le concierge, qui est également marchand gainier74. Le suisse du cloître bénéficie de deux logements dans le grand portail75. Enfin, on ne saurait oublier les douze enfants de chœur, regroupés dans la maison no 32, sous la garde de leur maître de musique, d’une cuisinière et d’un économe76.
18Il apparaît cependant que bien des habitants du cloître sont des locataires étrangers à la vie quotidienne de la cathédrale, résultat de la politique de mise en valeur des maisons claustrales menée par les chanoines depuis le xve siècle (fig. 4). Outre les parents des chanoines77 ou leurs serviteurs, cuisinières, portiers, laquais ou cochers, d’autres personnes trouvent en ces lieux une quiétude inconnue des environs immédiats. Les baux rappellent en effet l’interdiction de tout métier polluant ou bruyant, tels que les blanchisseuses ou les « ouvriers travaillant à forger ». Il est toutefois évident que la multiplication de personnes étrangères au service de la cathédrale trouble l’atmosphère méditative passée (et sans doute idéalisée). Certes, les récriminations des bénéficiers contre les comédies, les bals, les mascarades et les carrosses qui roulent jour et nuit relèvent vraisemblablement plus de l’outrance procédurière que de la réalité78. Néanmoins, en 1738, le chapitre interdit les bals79, tandis qu’un quart de siècle plus tard, le chanoine de Vienne est rappelé à l’ordre par ses confrères, car il donne chez lui des concerts qui occasionnent du bruit et une affluence de carrosses dont se plaignent certains voisins80.
19Ceux-ci choisissent donc le cloître avant tout pour le calme qu’ils espèrent y trouver. De fait, on rencontre parmi les habitants une population, peu encline à l’agitation, que dominent les hommes de lois, depuis les procureurs au parlement jusqu’aux conseillers en la même cour, au Grand Conseil ou à la Chambre des comptes81. Cette présence, qui s’explique évidemment par la proximité du lieu de travail, entraîne sans doute une certaine animation du fait des allées et venues des clients ou de l’agitation proverbiale des clercs de procureurs. Ces derniers semblent n’être pas bienvenus, puisque Béville, procureur au Châtelet, doit promettre, avant d’être accepté comme locataire, de ne point avoir de clercs82. On rencontre néanmoins trois étudiants en droit, dont l’un est fils d’un procureur au parlement.
20Parmi les autres habitants du cloître, on remarque quelques militaires, quelques aristocrates sans profession avouée et de très nombreux « bourgeois de Paris », expression recouvrant une réalité assez floue83. L’importance des femmes célibataires, filles majeures ou veuves, peut étonner dans un lieu qui leur était jadis interdit. En fait, elle semble plutôt logique, dans la mesure où le cloître de Notre-Dame peut leur apparaître comme une enclave sûre, à l’abri de la délinquance habituelle des ruelles tortueuses des environs84. La maison des chanoines de Saint-Jean le Rond (no 27) abrite même une population exclusivement féminine : une commissionnaire, une bourgeoise et deux ouvrières85. La modestie des situations sociales de ces femmes célibataires tranche quelque peu avec le reste de la population du cloître, nettement plus cossue86.
21Le cloître Notre-Dame apparaît comme un quartier à part, presque exclusivement résidentiel, lové à l’ombre de la cathédrale dont les cloches et les offices scandent le quotidien. Seules les voitures des habitants ou d’éventuels visiteurs rompent la quiétude de ses rues, dont le pavé résonne surtout du pas des piétons. Avant chaque office, tout un personnel ecclésiastique converge vers la porte Rouge de Notre-Dame, depuis les chanoines opulents jusqu’au petit groupe des enfants de chœur, en passant par les chantres gagistes, qui ont traversé tout le quartier depuis leur maison commune. Toute réelle agitation en est exclue ; le brouhaha incessant des rues du centre de Paris, d’où percent les hennissements des chevaux et les injures des cochers, n’y parvient que de façon étouffée, offrant aux habitants une atmosphère propice au travail intellectuel et à la prière. On ne la retrouve pas dans les autres cloîtres de la capitale qui accueillent des métiers plus variés, artisans ou boutiquiers, totalement inconnus de l’enclos cathédral. À la fin de l’Ancien Régime, le cloître Saint-Germain-l’Auxerrois abrite ainsi des merciers, des tapissiers, des orfèvres87, voire un marchand de vin88 et un limonadier, professions propres à attirer une clientèle nombreuse au sein du quartier canonial89. À la lecture des plans, c’est surtout l’amplitude du maillage parcellaire qui contribue à distinguer le cloître de Notre-Dame, dans son quartier aussi bien que par rapport aux autres enclos canoniaux. Le percement du quai des Fleurs, engloutissant les jardins, a épargné l’essentiel des maisons des chanoines dont un grand nombre subsistent aujourd’hui. Par ces souvenirs architecturaux et par le faible nombre de touristes qui s’y aventurent, ce petit quartier continue à évoquer le calme et l’isolement qui furent son apanage sous l’Ancien Régime.
Notes de bas de page
1 Jean-Joseph Expilly, Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et de la France, Amsterdam « et se trouve à Paris », Desaint et Saillant [et al.], 1768, t. 5, p. 411.
2 À ce sujet, surtout pour le Moyen Âge : Jean-Charles Picard (dir.), Les chanoines dans la ville. Recherches sur la topographie des quartiers canoniaux en France, Paris, De Boccard, 1994 ; Yves Esquieu, Quartier cathédral. Une cité dans la ville, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.
3 Malgré d’inévitables destructions et la disparition totale des jardins, avec l’ouverture du quai des Fleurs en 1808-1809, ce petit quartier a gardé le cachet pittoresque du xviiie siècle.
4 Éliane Deronne-Carouge, « Le cloître de Notre-Dame : un village au cœur de la ville », dans Étienne Hamon, Valentine Weiss (dir.), La demeure médiévale à Paris, Paris, Somogy/ Archives nationales, 2012, p. 114-117 ; Agnès Bos, Xavier Dectot, « Le cloître Notre-Dame », dans Alain Erlande-Brandenburg et al. (dir.), Autour de Notre-Dame, Paris, Action artistique de la ville de Paris, 2003, p. 116-119.
5 Leurs noms, qui apparaissent dans les guides et sur les plans contemporains, ne sont pas inscrits aux extrémités des rues, ce qui, selon Watin, « cause un très-grand embarras à ceux qui y ont affaire » (État actuel de Paris, ou le provincial à Paris, t. 1, Quartier Notre-Dame, Paris, Watin fils, 1789, p. 167).
6 C’est ce qu’indique le plan de Turgot.
7 État actuel de Paris…, op. cit., p. 167. On apprend ailleurs que la porte principale ne ferme pas avant 23h30 et ouvre « à la pointe du jour », bien qu’on puisse la faire ouvrir à toute heure par le suisse, selon le Mémoire, pour Me Médéric-François Béville, ancien procureur au Châtelet, locataire de la plus grande partie d’un grand corps-de-logis dépendant d’une maison sise cloître Notre-Dame : contre Mre Jean-Bernard de Vienne, soudiacre, chanoine de l’église de Paris […], Paris, d’Houry, n. d. [1763], p. 16-17 Un exemplaire se trouve à la Bibliothèque historique de la Ville de Paris, 129736.
8 Jacques-François Blondel, Architecture françoise, Paris, Charles-Antoine Jombert, 1752, t. 2, p. 113-114 et liv. 4, no 3, pl. 5 ; Jean-Baptiste Renou de Chauvigné dit Jaillot, Recherches critiques, historiques et topographiques sur la ville de Paris, Paris, l’auteur/ Lottin l’aîné, 1775, t. 1, p. 148 ; Jean-Aymar Piganiol de La Force, Description historique de la ville de Paris et de ses environs, Paris, Libraires associés, 1765, t. 1, p. 396.
9 Archives nationales (désormais AN), Z1J 1086, 6 mai 1782, procès-verbal de visite de l’archevêché après le décès de Mgr de Beaumont.
10 Espace clos qui s’étend au chevet de 1a cathédrale, au sud du chapitre, séparé de l’église Saint-Denis du Pas par un jardin et le cimetière paroissial.
11 Jaillot, Recherches…, op. cit., p. 150. Pour une délimitation du territoire paroissial, qui recouvre exactement celui du cloître, AN, Cartes et plans, N I Seine 56, plan des paroisses de Paris, 1786.
12 AN, S 7A.
13 Comme à Chartres ou Arles : Esquieu, Quartier cathédral…, op. cit., p. 51-54.
14 AN, S 7B, liasse 45, 1688. Elle fait partie des trois maisons que le chapitre a fait construire à la place d’une plus grande, au milieu du xviie siècle (ibid., liasse 47).
15 AN, Z1J 939, 7 juin 1770, visite de réparations faites à la requête de l’abbé Cosme, chanoine de Saint-Aignan (et S 86A, liasse 8).
16 La numérotation renvoie au plan reproduit fig. 1 ; elle est calquée, avec quelques retouches, sur celle de J. Meuret, Le chapitre de Notre-Dame de Paris en 1790, Paris, Alphonse Picard et fils, 1904, p. 67. Elle concorde avec les numéros employés dans les procès-verbaux de visite et les documents du chapitre, ce qui semble attester un usage courant à l’époque, et apparaît aussi sur un plan de Delagrive (AN, Cartes et plans, N II Seine 62).
17 AN, Q2 123-124, 22 novembre 1790, visite et estimation de la maison, louée à la veuve Leclerc.
18 AN, Q2 118, 29 novembre 1790, visite et estimation de la maison no 16 de la rue d’Enfer, à compléter par des plans plus précis de 1703 (S 5 et S 86B).
19 AN, Q2 118, 25 novembre 1790, visite et estimation de la maison no 14 de la rue d’Enfer.
20 Sur un tableau de Theodor Matham montrant les lieux vers 1645, on voit des baigneurs s’ébattre dans la Seine (musée Carnavalet, histoire de Paris, P 624). Au xviiie siècle, on y établit des bains clos qui préservent la décence, sans empêcher les noyades (quelques exemples pour la décennie 1780 : AN, Z2 3019-3110).
21 Sur le conflit entre chanoines et entrepreneurs de l’île Saint-Louis, voir Maurice Dumolin, Études de topographie parisienne, Paris, s. n., 1931, t. 3, p. 16-17, 55-56.
22 Jaillot, Recherches…, op. cit., p. 3.
23 D’après un document de 1740 (AN, Q1 1109), l’île compte 965 maisons. J’en ai soustrait celles bâties sur les ponts et les très nombreuses échoppes, qui portaient le total à 1378.
24 Le terme est employé dans un acte capitulaire du xve siècle, cité par J. Emmanuel des Graviers, « “Messeigneurs du chapitre” de l’église de Paris à l’époque de la guerre de Cent Ans », dans Huitième centenaire de Notre-Dame de Paris (Congrès des 30 mai-3 juin 1964), Paris, J. Vrin, 1967, p. 197. Sur l’ambiguïté et la réalité du terme « hôtel » au Moyen Âge, Boris Bove, « La demeure bourgeoise à Paris au xive siècle : bel hôtel ou grant meson ? », Histoire urbaine, 3, 2001, p. 67-82.
25 Il faudrait y ajouter la maison de la maîtrise dont la cour est plantée de deux rangées d’arbres. Sur la présence de jardins dans le cœur de Paris, Youri Carbonnier, « Le paysage ambigu : jardins et verdure dans le vieux Paris (xviie-xviiie siècles) », dans Pierre Pinon (dir.), Comprendre les paysages urbains, Actes du 135e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, Neuchâtel, 2010, éd. électronique, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2013, p. 45-59.
26 Deronne-Carouge, « Le cloître… », art. cité, p. 115.
27 Le plan de la Tapisserie présente même une rue entre ces deux rangées de maisons. Sur les différents plans de Paris au xvie siècle et sur leur parenté, Gilles Lartigue, « Le plan dit “La grande gouache” », Cahiers du CREPIF, 50, mars 1995, p. 51-66 ; Jean Dérens, « Les plans généraux de Paris au xvie siècle », dans Michel Le MoëI (dir.), Paris à vol d’oiseau, Paris, Délégation à l’action artistique de la Ville de Paris, 1995, p. 25-46.
28 Pour la plupart, car l’un d’entre eux a été oublié : un plan (AN, S 86B) indique un jardin chez le chanoine d’Hauteville, au fond de la cour des Chantres, à l’entrée de la rue du même nom.
29 Nicolas-Jean-Baptiste Raguenet, Le cloître Notre-Dame, vu depuis l’île Saint-Louis, 1753 (musée Carnavalet, histoire de Paris, P 286). L’un des promeneurs, vêtu d’une robe noire, est sans doute un chanoine.
30 AN, H2 21342, 24 août 1784, permission de reconstruire le mur, avec un plan signé Moreau.
31 AN, Q2 117, 20 décembre 1790, procès-verbal de visite, accompagné d’un plan ; Archives de Paris (désormais AP), DQ10 423, no 11426, dossier concernant la formation du quai Napoléon.
32 Jean-Pierre Babelon, Demeures parisiennes sous Henri IV et Louis XIII, Paris, Hazan, 1991, p. 284, pour les maisons de la rue Chanoinesse. Rien ne vient confirmer l’affirmation de Louis Hautecœur, selon laquelle les maisons avaient été rebâties par Philibert Delorme entre 1560 et 1570 : Commission du Vieux Paris, procès-verbaux, 1971, p. 26.
33 Malheureusement, les documents conservés sont très chiches à ce propos.
34 No 8, rue Massillon : Meuret, Le chapitre…, op. cit., p. 57-58.
35 Voir, aujourd’hui, les nos 22 et 24. Autre exemple : AP, DQ10 47, no 2147, description de la maison no 7 [numérotée 8 dans le document], en 1798, dont le second corps de logis s’élève de trois étages carrés, ce qui trahit une surélévation d’un étage depuis le tableau de Raguenet, peint en 1753.
36 Youri Carbonnier, Maisons parisiennes des Lumières, Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2006, p. 148-166.
37 AN, S 86A, divers devis, marchés, mémoires et quittances, entre 1653 et 1676, accompagnés de plans et d’une élévation.
38 Louis-Nicolas de Lespinasse, Troisième Vue Intérieure de Paris. Vue du Port au Blé prise à I’extrémité de l’ancien Marché aux Veaux regardant le Pont Notre-Dame en 1782 (musée Carnavalet, histoire de Paris, D 7594) ou le tableau plus ancien de Nicolas-Jean-Baptiste Raguenet (Le port au blé et le cloître Notre-Dame, 1753, musée Carnavalet, histoire de Paris, P 591).
39 AN, S 86B, coupe et plan, n. d. [première moitié du xviiie siècle, d’après les patronymes inscrits].
40 Les trois maisons sont distinctes en 1791 (AN, S 86B, état des locations).
41 La pierre tendre, taillée, est employée massivement pour les élévations des façades, lors des travaux du bâtiment du chapitre : AN, S 86A, toisé des ouvrages, février 1662.
42 Sur l’emploi de la pierre dure dans le bâti parisien, Carbonnier, Maisons parisiennes…, op. cit., p. 38-44.
43 Ibid., p. 45-50.
44 Très bel exemple subsistant dans la première cour de la maison no 14, rue Chanoinesse.
45 Bel exemple de cage en bois, toujours visible dans la courette du no 16 de la rue Chanoinesse ; mais certains escaliers ont été remis au goût du jour : voir AN, S 86B, devis du 11 septembre 1746, avec dessin d’un nouveau garde-corps en ferronnerie.
46 Les murs en pans de bois se repèrent facilement sur les plans, par leur moindre épaisseur.
47 Carbonnier, Maisons parisiennes…, op. cit., p. 63. C’est d’ailleurs assez net sur les tableaux de Raguenet. AP, DQl0 1469, no 1327, mémoire d’ouvrages faits en 1791.
48 AN, séries S, Q2 ou Z1J ; AP, DQ10. Il faut ajouter les plans dressés par Vasserot et Bellanger au xixe siècle : AN, Cartes et plans, F31 22 (plans par maisons) et F31 90 (plans par îlots). La planche gravée du quartier de la Cité est reproduite dans Pierre Pinon, Les plans de Paris. Histoire d’une capitale, Paris, Atelier parisien d’urbanisme [et al.], 2004, p. 93.
49 Celle de la maison de Bonneval (no 4) peut accueillir seize chevaux : AP, DQ10 1469, no 1327, état au 22 décembre 1792.
50 L’une d’entre elles est toujours visible, au no 7 de la rue des Ursins : on constatera avec intérêt la commodité d’un emplacement situé hors du cloître, sur le carré du Pont Rouge, ce qui facilite l’approvisionnement.
51 En février 1763, Béville sort ses tonneaux de vin dans le jardin pour les abriter des hautes eaux : voir Mémoire, pour Me Médéric-François Béville…, op. cit., p. 2. Il s’agit pourtant d’une maison (no 20) qui ne donne pas directement sur la Seine.
52 La potabilité est toute relative, d’après nos critères actuels. À l’époque, les Parisiens boivent, dans leur immense majorité, l’eau de la Seine, qu’elle provienne du labeur des porteurs d’eau qui s’approvisionnent sur des pontons fragiles aux débouchés des ruelles descendant vers la berge ou des fontaines dont beaucoup sont approvisionnées par les pompes du pont Notre-Dame ou de la Samaritaine, au Pont Neuf.
53 Sur la répartition des puits et la qualité de leurs eaux, voir Carbonnier, Maisons parisiennes…, op. cit., p. 422-446.
54 AN, Q1 1249 ; AN, S 86B. Sur l’application de ce système dans le centre de Paris, voir Carbonnier, Maisons parisiennes…, op. cit., p. 440-445.
55 AN, Q2 117, 20 décembre 1790, doc. cit.
56 Par exemple, AN, S 86B, plans du principal corps de logis de la maison Feydau [no 15], 1768 : au rez-de-chaussée, deux cuisines équipées chacune d’un fourneau potager et d’une pierre d’évier ; situation similaire dans la maison Hannequin, dès 1690 (Bibliothèque nationale de France, Estampes, Va 255f, microfilm H 35383 bis).
57 F.-L. Chartier, L’ancien chapitre de Notre-Dame de Paris et sa maîtrise d’après les documents capitulaires (1326-1790), Paris, Perrin, 1897, p. 23.
58 Décision capitulaire de 1422, citée par des Graviers, « “Messeigneurs du chapitre”… », art. cité, p. 194.
59 Germain Brice, Nouvelle description de la ville de Paris, et de tout ce qu’elle contient de plus remarquable, Paris, Julien-Michel Gandouin/François Fournier, 1725, t. 4, p. 246.
60 Meuret, Le chapitre…, op. cit., p. 61 ; Bos, Dectot, « Le cloître… », art. cité, p. 119.
61 AN, L 526, no 110 bis, règlement pour les maisons canoniales, 1766. Le système est expliqué par Deronne-Carouge, « Le cloître… », art. cité, p. 115.
62 Rappelé dans une lettre adressée au préfet de la Seine, le 25 septembre 1810 (AP, DQ10 362, no 12061). D’après le dossier justificatif rassemblé par l’archiviste du chapitre en 1790 (AN, L 526 ou S 1A, no 1), cette situation remonte à l’an 911, date d’une charte de confirmation de l’immunité du cloître (reproduite dans Deronne-Carouge, « Le cloître… », art. cité, p. 114).
63 Articles 26 et 27 du décret (AP, DQ10 362, no 12061). On retrouve, dans ces dossiers post-révolutionnaires, certains chanoines qui demeurent fort longtemps dans leur maison : en 1815, l’abbé Cochu est toujours présent dans la maison no 42.
64 Pour la gestion du no 9, voir AN, H5* 3427, avec les noms des locataires.
65 En 1781, trois chanoines logent au no 9 (voir ibid.).
66 En 1790, onze chanoines résident hors du cloître : les vicaires généraux logent à l’archevêché, l’abbé d’Espagnac, conseiller au parlement, demeure rue d’Anjou Saint-Honoré, d’autres résident habituellement en province, où ils détiennent des bénéfices : Meuret, Le chapitre…, op. cit., p. 67.
67 AN, S 86B, état des locations des maisons des bénéficiers prêtres du chapitre Notre-Dame, 12 avril 1791.
68 Sur ces musiciens, François Caillou, Christophe Maillard, « Musique et musiciens d’église à la cathédrale Notre-Dame de Paris autour de 1790 », dans Muséfrem – Base de données prosopographique des musiciens d’église en 1790, février 2016 (http://philidor.cmbv.fr/musefrem/notre-dame-de-paris, consulté le 10 septembre 2017).
69 Dépouillement systématique des minutes de la trentaine de notaires du centre de Paris et des commissaires au Châtelet pour 1788-1789, des minutes civiles de la Barre du chapitre pour 1781-1790 (AN, Z2 3109-3110) et des minutes criminelles de 1739 à 1787 (AN, Z2 3117). Tous les chanoines et officiers du chapitre ont été pris en compte. L’ensemble a fourni les noms et qualités de près de 300 habitants du cloître (fig. 4).
70 Tous ne demeurent pas dans le cloître : les bénéficiers profitent souvent d’une maison attenante à leur bénéfice et c’est sans doute un bon nombre des 150 chapelains qui logent en ville, tel Leroux, demeurant rue des Sept-Voies, sur la rive gauche.
71 En tant que lieu excepté de l’ordinaire, le cloître dépend du bailli de la Barre du chapitre et échappe à la police ordinaire qui n’est pas autorisée à y exercer.
72 Plan du logement du receveur et de l’archiviste, daté de 1756 (AN, S 86B).
73 AN, Min. Cent., CII, 540, 7 janvier 1788, inventaire après le décès de Sébastien Fauveau, grand sonneur de Notre-Dame.
74 AN, Y 11033B.
75 Piganiol de La Force, Description…, op. cit., p. 396.
76 Anne-Marie Yvon, « La maîtrise de Notre-Dame aux xviie et xviiie siècles », Huitième centenaire de Notre-Dame…, op. cit., p. 359-399. Ailleurs, on évoque la présence pérenne du maître de latin : Caillou, Maillard, « Musique et musiciens… », art. cité.
77 Ils furent les premiers acceptés, par dérogation (AN, L 526, plusieurs exemples).
78 Chartier, L’ancien chapitre…, op. cit., p. 32-41.
79 Ibid., p. 43.
80 Mémoire, pour Me Médéric-François Béville…, op. cit., p. 19-20.
81 Sur les adresses des membres des cours supérieures, voir Yves Durand, « Répartition de la noblesse dans les quartiers de Paris », dans Marcel Reinhard (dir.), Contributions à l’histoire démographique de la Révolution française, 2e sér., Paris, Commission d’histoire économique et sociale de la Révolution française, 1965, p. 21-23.
82 Mémoire, pour Me Médéric-François Béville…, op. cit., p. 4.
83 Laurence Croq, Les « bourgeois de Paris » au xviiie siècle : identification d’une catégorie sociale polymorphe, thèse de doctorat d’histoire sous la direction de Daniel Roche, université de Paris I, 1998, 3 vol.
84 Arlette Farge, André Zysberg, « Les théâtres de la violence à Paris au xviiie siècle », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 34/5, 1979, p. 984-1015. Le fait que le cloître Notre-Dame semble épargné n’est pas tout à fait probant dans la mesure où les délits qui y sont commis dépendent du bailli de la Barre du chapitre et non du Châtelet qui a servi de source à l’article. Néanmoins, la lecture des minutes criminelles de la Barre du chapitre (AN, Z2 3117) ne change pas l’impression première : quelques rixes ou vols (dont un dans la maison de la maîtrise, en 1743) n’entament guère la quiétude du quartier.
85 AN, S 86B, état des locations, doc. cit., on trouve également, au no 14, une cardeuse de matelas.
86 À quelques exceptions près, difficiles à dénicher : un ancien gagne-denier, un fumiste ou un relieur, ces deux derniers personnages pouvant d’ailleurs vivre assez confortablement.
87 AN, T* 149032, Registre de la capitation des orfèvres parisiens, 1784.
88 Le marchand de vin en gros Sartorius demeure toutefois dans le cloître Notre-Dame. Il est douteux qu’il y exerce son négoce, bien que la vente de vin en gros n’y soit pas interdite comme celle au détail : voir des Graviers, « “Messeigneurs du chapitre”… », art. cité, p. 199.
89 Soulignons cependant que, depuis le rattachement au chapitre de Notre-Dame en 1744, le cloître Saint-Germain-l’Auxerrois n’abrite plus de chanoines.
Auteur
Agrégé et docteur en histoire de l’université Paris-Sorbonne, maître de conférences en histoire moderne à l’université d’Artois (Arras). Ses recherches portent sur la ville moderne et sur les musiciens du roi au xviiie siècle. Il a publié Maisons parisiennes des Lumières (PUPS, 2006) et Charles Gauzargues (1723-1801), maître de musique de la chapelle de Louis XV (Picard, 2016, avec Jean Duron).
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