L’amour de la nature ou la peur des tempêtes ?
L’Importance des spécificités culturelles
p. 157-182
Texte intégral
1Il convient également de prendre en considération des éléments d’ordre culturel qui pourraient influer sur l’avancée ou la limitation de la dépoldérisation et expliquer des différences nationales très marquées. Ceci nous conduit à évoquer l’intérêt des Britanniques pour la nature en général et les oiseaux en particulier, en l’opposant à la culture française, davantage centrée sur l’agriculture. De la même façon, nous examinerons à cette fin la peur des tempêtes, qui imprègne en particulier les mentalités néerlandaises et germaniques.
1. La vision contrastée de la nature et de la campagne en Grande-Bretagne et en France
2Si le « besoin pressant » des Britanniques de se tourner vers la nature et leur « goût obsessionnel1 » pour les oiseaux sont bien connus, il paraît néanmoins utile d’approfondir ces traits de la culture britannique, car ils pourraient partiellement expliquer la faible opposition de cette population à l’égard de la dépoldérisation, tout comme la multiplication des projets dans ce pays. La dépoldérisation permet en l’occurrence de faire renaître une nature sauvage et s’avère particulièrement favorable aux oiseaux d’eau, du fait de la reconstitution de leurs habitats.
3L’intérêt actuel des Britanniques pour les oiseaux est étonnamment fort et a fait l’objet d’une analyse géographique récente. Au début des années 2000, C. Chadenas a examiné les relations entre l’homme et l’oiseau dans quatre pays européens, dont l’Angleterre2. Ce faisant, elle a étudié le profil des visiteurs des réserves ornithologiques3. Ses recherches montrent que les visiteurs nationaux prédominent en Angleterre (ils sont 97,5 % dans la réserve de Titchwell), alors que cette catégorie de visiteurs est moins nombreuse dans le parc ornithologique du Marquenterre, en France (89 %), ou la réserve de Schiermonnikoog (68,5 %) aux Pays-Bas. Nous tenons ici le premier signe d’un intérêt des Britanniques pour les oiseaux, qui se confirme à la lecture de statistiques sur leur appartenance à une association de protection des oiseaux : c’est le cas de 81 % des visiteurs de Titchwell contre 3 % des visiteurs du parc du Marquenterre... Bien que la réserve de Titchwell soit particulière, car elle appartient au réseau de la RSPB et attire nécessairement les membres de cette ONG, l’appartenance associative reste plus marquée qu’ailleurs en Europe, même dans des réserves non affiliées à une telle association (25 % des visiteurs de la réserve indépendante de Slimbridge, dans la Severn, sont ainsi membres d’une association de protection des oiseaux ou de la nature). D’autres enquêtes mettent en évidence cet intérêt pour les oiseaux : en 1999, la RSPB avait questionné plus de 1700 visiteurs de ses réserves du Norfolk, montrant que 60 % d’entre eux venaient en priorité du fait de la présence d’oiseaux et de vie sauvage4.
4Une enquête plus récente de la RSPB, effectuée dans un site dépoldérisé en 2003-2004 auprès de 223 visiteurs – celui de Freiston Shore en baie du Wash – a donné des résultats intéressants5 : ainsi, les visiteurs viennent majoritairement dans la réserve pour « voir les oiseaux en général » (57 %), d’autres motifs de visite étant moins cités, comme on le constate dans le tableau ci-dessus6. Celui-ci montre également que cette raison de visite de Freiston Shore reste bien la première pour chaque catégorie de visiteurs, qu’il s’agisse des résidents locaux, de touristes de passage ou de touristes résidant dans la région. Par ailleurs, un traitement croisé a montré que les variables « types de visiteurs » et « raisons invoquées » n’étaient pas liées. Tous viennent en priorité pour les oiseaux ; aucune caractéristique particulière ne permet de distinguer ces groupes les uns des autres.
5Enfin, cette attirance pour les oiseaux est d’autant plus significative que 56 % des visiteurs de Freiston Shore ne sont pas membres de la RSPB7. De surcroît, pour 65 % des visiteurs, le facteur « présence d’oiseaux et de vie sauvage » a même « influé sur la décision de visiter le site »– le second facteur influant étant celui du paysage, mais pour seulement 30 % des visiteurs. Si l’on suppose que ce profil est proche de celui des autres visiteurs des réserves de la RSPB (1 million au total), on conclura sans conteste à l’amour des Britanniques pour l’avifaune. Enfin, le fait qu’on trouve sur les routes des pancartes signalant la vente de nourriture pour les oiseaux en hiver nous semble également représentatif de cet intérêt partagé, tout comme les panneaux d’information suivants, implantés dans des sites dépoldérisés (cf. photos 72 et 73).
6Il est certain que le contexte local incite à de telles visites, en premier lieu du fait de l’importance de l’offre proposée : comme l’explique C. Chadenas, neuf sites ont été aménagés pour l’accueil et la découverte des oiseaux autour de la baie du Wash et sur la côte du North Norfolk. On peut ainsi considérer que l’offre crée en partie la demande de nature. Mais si Ton approfondit la réflexion pour comprendre les raisons de cette offre, on observe qu’elle présente de puissants fondements culturels et historiques : « Le déclenchement des politiques de conservation des marais est très étroitement lié au développement d’une discipline scientifique (l’ornithologie) et d’une pratique de terrain (le birdwatching)8. » En l’occurrence, seize associations de protection ou d’observation des oiseaux existent dans les comtés du Lincolnshire et du Norfolk, dont quatre sont antérieures à 19509. On sait aussi, plus généralement, que les associations de protection de l’environnement ont été fondées il y a plus d’un siècle dans ce pays – 1858 pour l’union des ornithologistes britanniques (British Ornithologist Union) ; 1889 pour la société royale de protection des oiseaux (Royal Society for the Protection of Birds) ; 1895 pour le National Trust et 1912 pour la société royale de conservation de la nature (The Royal Society for Nature Conservation) – et que les premières de leurs réserves ont été acquises dans des marais littoraux riches en oiseaux : le Wicken Fen en 1899 (propriété du National Trust), les Cley Marshes en 1926 (propriété du Norfolk Naturalist Trust) et le Romney Marsh en 1929 (propriété de la RSPB)10. On précisera avec intérêt que la RSPB possède au moins 5 à 10 % des vasières et des prés salés du Royaume-Uni. L’influence de cet héritage culturel et historique sur les mentalités actuelles est donc évidente, et se lit magistralement au fait que la RSPB compte aujourd’hui vingt-six fois plus de membres que son équivalent français – la Ligue de protection des oiseaux – pour une population numériquement équivalente. De tout temps, l’écart entre les deux associations a été très important : la RSPB comptait trente-trois fois plus d’adhérents en 1960 et même cent trente fois plus au milieu des années 1980. Cet écart s’est toutefois réduit11.
7L’ouvrage de K. Thomas, Le Jardin de la nature : la mutation des sensibilités en Angleterre à l’époque moderne (1500-1800), fournit l’essentiel des explications relatives à cette spécificité culturelle : « C’est entre 1500 et 1800 que s’est produite toute une série de transformations de la manière dont les hommes et les femmes, à tous les niveaux de la société, ont perçu et classé le monde naturel les environnant. Au cours de ce processus, certains dogmes acceptés depuis longtemps sur la place de l’homme dans la nature ont été écartés. Des sensibilités nouvelles sont nées, en face des animaux, des plantes et des paysages12. » Concernant les oiseaux – qui ne sont pas les seules bêtes appréciées des Britanniques, également fervents adorateurs des chevaux ou des chiens –, K. Thomas montre combien l’attachement des Britanniques à leur égard est ancien. Les oiseaux en cage13, appréciés pour leur chant ou leur pouvoir d’imitation de la voix humaine, sont vendus à Londres, dès la fin du xviie siècle, sur un marché aux oiseaux chanteurs. Ils sont appréciés par-delà les différences sociales : les classes populaires acquièrent par exemple des pinsons et des canaris et nourrissent les rouges-gorges. En parallèle, la chasse et la consommation d’oiseaux sauvages (grives, alouettes), bien que ne disparaissant pas, déclinent fortement à cette période, et l’étude des oiseaux, leur peinture ou leur collection prend une importance considérable, surtout parmi les classes moyennes. En 1869, enfin, est votée la première loi de protection des oiseaux sauvages pour limiter leur chasse et le commerce des plumes.
8L’étude de zoogéographie historique de Xavier de Planhol corrobore parfaitement les faits mentionnés par K. Thomas, en montrant qu’« il n’est pas sur la planète de contrées dont la faune ait été plus complètement transformée par l’homme, dans un sens positif ou négatif14 ». Les disparitions d’oiseaux ont ainsi été légion dans ce pays, concernant par exemple de nombreuses espèces inféodées aux zones humides, amplement drainées en Angleterre orientale : ce géographe évoque les disparitions de la Grue cendrée vers 1600 à la suite du drainage des Fens, puis, au xixe siècle, celle des échasses, du bécasseau, de la Guifette noire, etc. Mais en parallèle, les Britanniques ont pratiqué plus qu’ailleurs des réintroductions, voire des introductions d’espèces, montrant par là leur intérêt pour la nature et surtout les oiseaux : le Coq de bruyère a ainsi été réintroduit au xixe siècle, un à deux siècles après sa disparition des différentes régions britanniques. Et surtout, de nouveaux oiseaux ont été introduits dans le pays, à des fins hédoniques et ludiques, dont de nombreuses espèces des zones humides : le Canard mandarin au xixe siècle, l’Oie du Canada, et le Canard chipeau. Malgré l’échec de certaines introductions d’oiseaux chanteurs (rossignol, serins et canaris) ou d’oiseaux plus majestueux, comme le Cygne noir d’Australie ou la Cigogne blanche, leurs tentatives sont néanmoins une nouvelle preuve, s’il en fallait encore, du plaisir esthétique et ludique que l’observation des oiseaux procure depuis plusieurs siècles aux Britanniques. Pour X. de Planhol, les îles Britanniques ont une place à part dans le panorama mondial : « Dans un pays où la pression destructrice d’une civilisation avancée s’est manifestée de bonne heure, mais où l’éveil de la curiosité naturaliste a également été très précoce, s’est développé un extraordinaire laboratoire de l’action humaine15 », marquant complètement le paysage animal, notamment celui de l’avifaune.
9Outre cet amour des animaux, l’amour de la campagne et de la nature sauvage s’intensifie en parallèle auprès de l’ensemble des classes sociales. C’est à cette période que remontent aussi les spécificités du jardin anglais, connu pour son aspect plus spontané que géométrique, au contraire des jardins français et italien. K. Thomas attribue à cette transformation générale des sensibilités de nombreuses raisons géographiques, économiques et socio-culturelles qu’il résume ainsi : « La naissance des villes avait amené une nouvelle envie de campagne. Les progrès de la mise en culture avaient encouragé un goût pour les herbes folles, les montagnes et la nature indomptée16. » Les raisons géographiques et économiques nous semblent fondamentales pour expliquer cette évolution, bien que plus tardives que les raisons socio-culturelles que nous avons évoquées : le développement de l’industrialisation à la fin du xviiie siècle en Grande-Bretagne a effectivement entraîné un développement spectaculaire de l’urbanisation, lui-même synonyme d’une transformation fortement ressentie des campagnes et d’une dégradation de l’environnement naturel. La mécanisation, de son côté, explique le rôle de plus en plus marginal des animaux dans le processus de production – animaux que l’on peut alors prendre en considération sous un autre angle. La modernisation de l’agriculture entraîne aussi une transformation spectaculaire du paysage rural : de relativement sauvage et irrégulier, celui-ci devient de plus en plus géométrique (multiplication des haies), homogène et cultivé. La société dans son ensemble a eu des difficultés à supporter ces transformations spectaculaires de la nature et la campagne. Sur le plan social, l’importance (paradoxale) de la chasse, comme l’essor de l’urbanisation, ont entraîné le déclin de certaines espèces, dont on a pris plus clairement conscience à cette période. En parallèle, une plus grande assurance technique face aux bêtes sauvages explique aussi l’intérêt montré pour ces dernières. Enfin, l’évolution de la culture a également eu une influence sur les sensibilités : ainsi, les poètes et écrivains dénoncent les actes de cruauté envers les animaux et notamment les oiseaux, à partir du xviie siècle ; au siècle suivant, les théologiens comme les naturalistes soutiennent l’idée que l’homme n’est pas au centre de tout, mais partage sa vie dans la nature avec la faune et la flore – tous membres de la création divine et jouant un rôle dans l’économie et le fonctionnement de la nature. L’on passe ainsi d’une vision anthropocentrique et utilitariste de la nature, dominante dans les siècles précédents, à une vision plus idéalisée et scientifique. Ce double point de vue incite naturellement à une plus grande conservation de la vie sauvage. Ces évolutions concrètes et sensibles ont une telle résonance qu’elles touchent toutes les classes sociales et traversent les siècles. La philosophie du National Trust, à sa création à la fin du xixe siècle, en est complètement imprégnée : ce trust souhaite, au moyen d’acquisitions foncières, préserver les éléments les plus beaux de la campagne et du patrimoine architectural, pour contrer le développement économique et l’urbanisation, dont les bienfaits sont remis en cause17.
10L’extraordinaire évolution des sensibilités observée entre les xvie et xviiie siècles explique jusqu’à nos jours le penchant des Britanniques pour les oiseaux et la nature sauvage, de même – c’est l’hypothèse que nous faisons – que la diffusion rapide de la dépoldérisation dans ce pays. De toute évidence, les dépoldérisations sont mieux acceptées dans ce pays qu’ailleurs en Europe. Elles se multiplient d’autant plus facilement que l’environnement rural souhaité par les populations correspond au paysage auquel elles peuvent donner lieu, plus naturel et sauvage. Aujourd’hui encore, ce souhait peut être relié à la faible ampleur des surfaces naturelles dans le pays : avec 70 % de son territoire utilisé par l’agriculture, l’Angleterre se classe à la première place des territoires exploités en Europe. Les opérateurs de dépoldérisations avec qui ces liens entre l’amour des oiseaux et l’acceptation des dépoldérisations ont été évoqués considèrent que « c’est certainement une grande aide dans l’acceptation des projets de managed realignment ». Mais certains estiment qu’on pourrait davantage rattacher l’essor de la dépoldérisation à l’amour de la nature et de la vie sauvage en général qu’à un intérêt spécifiquement centré sur les oiseaux (M. Dixon, RSPB). Pour autant, les oiseaux représentent « le côté glamour de la vie sauvage ! » et, en cela, aident certainement à faire passer certains messages sur la protection de la nature (H. Sherwood, Abotts Hall Farm). Dans certaines régions fortement agricoles comme le Lincolnshire, la population est moins sensibilisée aux questions environnementales et les protecteurs de l’environnement ne sont, dans ce cas-là, pas convaincus par cet argument (John Badley, RSPB). Il leur faut encore expliquer à la population le lien entre la dépoldérisation et les oiseaux, qui n’est ici ni immédiat, ni inconscient.
11Pour mieux mettre en exergue cette importance de l’évolution de la campagne anglaise et de sa perception sur les positions actuelles de la société à l’égard de la dépoldérisation, il peut s’avérer utile de la comparer à celle de la campagne française à la même période. En France, l’évolution a été tout autre car la campagne n’a été ni privée de son dynamisme économique ou de sa population, ni investie d’autres fonctions (paysagères et culturelles notamment) à partir du xviiie siècle. Il faudra attendre le milieu du siècle suivant pour voir l’exode rural démarrer, et même la seconde moitié du xxe siècle pour voir apparaître de nouvelles fonctions davantage tournées vers les loisirs et la nature. En l’occurrence, la structuration des représentations de la campagne française – et indirectement de la nature –, déjà en place au début du xxe siècle, n’a que peu évolué jusqu’à nos jours : cette société du début du siècle est marquée par « l’importance électorale de la population rurale et surtout agricole, le souvenir tenace d’une société multifonctionnelle18 et originale, l’importance des agriculteurs comme vestiges de cette société [... et] comme puissance économique indispensable à l’équilibre national19 ». De nos jours, la puissance des agriculteurs reste vive à la campagne, bien que leur force numérique ne le soit plus. Ils continuent d’avoir leur mot à dire et sont écoutés comme les autres – voire plus écoutés encore lors de la mise en place de projets de dépoldérisation. On l’a vu dans le cas du polder de la Caroline, en baie de Somme. Cette dépoldérisation a été largement acceptée du fait de l’adhésion rapide de l’ASA des Bas-Champs au projet et de positions divergentes de la part du monde agricole, mais avec une acceptation possible de la perte du polder du fait du morcellement important du parcellaire de propriété et d’exploitation à cet endroit. Ailleurs, comme en baie des Veys, ce sont les agriculteurs qui ont fait échouer les dépoldérisations envisagées. L’importance de l’agriculture n’a donc laissé que peu de place à la nature, et l’esprit environnementaliste qui a pourtant pris son essor au tournant du xxe siècle (création de la LPO en 1912) n’a pas eu les mêmes impacts qu’en Angleterre. Comme le dit M. Bodiguel, « la dimension économique, sociale et politique de la campagne était telle [en France] quelle envahissait le champ culturel et politique. [...] La campagne-nature laissée aux poètes n’était pas un problème de société20 ». Ces propos de 1989 pourraient s’appliquer, aujourd’hui encore, à la campagne française ou en tout cas expliquer la rareté des dépoldérisations dans ce pays et la quasiabsence de dépoldérisations totales – même si les esprits ont fortement évolué dans les vingt dernières années et que de nouveaux acteurs sont apparus dans les campagnes littorales21.
12Le fait que la dépoldérisation ait pris un plus grand essor en Angleterre pourrait aussi tenir en partie à la moindre importance sociale des tempêtes dans ce pays. Celles-ci ont a contrario une importance sociale considérable dans les pays situés sur la rive orientale de la mer du Nord, où les vents d’ouest occasionnent des dégâts considérables.
2. Dangerosité des tempêtes et faible diffusion de la dépoldérisation
« Quand souffle le vent du Nord-Ouest, ce vent si fréquent dans ces parages et si fort qu’il déforme les arbres et force les habitants à ne construire que des maisons basses et massives, quand il amoncelle la vague contre la côte et qu’il trouve en outre un auxiliaire dans une haute marée, le pays tout entier est menacé dans son existence22. »
P. Vidal de la Blache, 1873, à propos de la côte allemande de la mer du Nord.
2.1. La gravité des tempêtes de la mer du Nord
13Il se produit régulièrement des surélévations anormales du niveau de la mer lorsque des dépressions atmosphériques vers lesquelles convergent les vents passent au-dessus des mers et des océans. L’onde océanique ainsi formée se déplace vers les côtes et est amplifiée par les vents. De telles ondes se produisent fréquemment dans le nord-ouest de l’Europe sur le passage des dépressions de la zone tempérée. Elles s’avèrent particulièrement dangereuses dans la partie sud de la mer du Nord, plus resserrée, où les vents venant du nord-ouest peuvent pousser les eaux vers les côtes de l’Angleterre orientale, des Pays-Bas et de la Belgique. Les vents de tempête de 90 à 100 km/h peuvent alors engendrer des niveaux d’eau de 9 à 12 m au total, voire de 15 à 16 m avec des vents dépassant 180 km/h. Il se produit alors sur le trait de côte un dépassement (ou surcote) du niveau prédit de la marée haute, qui peut s’avérer particulièrement dangereux s’il se conjugue à une marée de vive eau, comme ce fut le cas en février 1953 aux Pays-Bas. La tempête Xynthia de février 2010 en France en offre un autre parfait exemple puisqu’elle a résulté de la conjugaison d’une dépression atmosphérique, de vents d’afflux à la côte engendrant une surélévation du plan d’eau et d’une marée haute de vive eau. La surcote atteignit en l’occurrence 1 m sur le littoral atlantique dans son ensemble, 1,15 m au large de La Rochelle et 1,50 m localement, comme au port de La Pallice.
14Ces surélévations du niveau marin se produisent régulièrement sur les côtes européennes du fait de la forte fréquence des tempêtes dans l’Atlantique Nord (une par jour en moyenne en hiver) et de leur emprunt régulier du même « rail », grossièrement situé entre le 50e et le 60e parallèle dans le secteur de la mer du Nord23. De surcroît, plusieurs études effectuées sur la durée d’un siècle ont montré pour cette région une tendance à l’accroissement de la tempétuosité depuis les années 1970. Ce phénomène n’est pas nouveau car on observe une certaine cyclicité de la tempétuosité24, mais il est à prendre en considération dans une région où de nombreuses terres basses doivent être constamment protégées d’un risque de submersion. C’est d’autant plus important que l’avancée progressive de l’habitat et des activités vers la mer explique que les tempêtes, encore considérées comme des « spectacles de société » à valeur esthétique au début du siècle, soient progressivement devenues « spectacles d’un risque ». Le processus de « littoralisation » du xxe siècle a induit une vulnérabilité croissante des sociétés littorales et, par là, « la transformation de la vision culturelle de la tempête25 ». Mais cette vision a aussi évolué sous l’effet d’événements plus catastrophiques, dont on connaît l’influence durable sur la mémoire et les décisions26.
15Dans les dernières décennies, les tempêtes les plus dévastatrices27 de la mer du Nord ont été celles du 31 janvier au 2 février 1953, en Angleterre et aux Pays-Bas, et celle de février 1962 en Allemagne, du fait de la rupture de plusieurs dizaines à plusieurs milliers de digues protégeant de la mer les côtes et les estuaires. Plus encore que le nombre de brèches, c’est le nombre de victimes et l’étendue des surfaces inondées qui traduisent le mieux l’importance de ces catastrophes. À ces deux dates, les victimes se sont comptées en centaines en Angleterre et en Allemagne (plus de 300 dans chaque cas) et en milliers aux Pays-Bas (on a précisément dénombré 1 850 victimes dans ce pays, notamment en Zélande). Selon les sources, les surfaces submergées s’étendaient sur 38 000 ha en Allemagne, 60000 à 100000 ha dans le sud-est de l’Angleterre et 200000 ha environ dans le sud-ouest des Pays-Bas – où des îles entières ont disparu sous les flots. En plus de pertes animales estimées à 45 000 têtes de bétail en Angleterre et 150 à 200 000 têtes en Zélande, 47 000 bâtiments ont été endommagés dans cette région, de même que 24000 en Angleterre et plusieurs milliers en Allemagne. Lors de tempêtes ultérieures, le niveau marin a parfois été presque aussi élevé qu’en 1953 – ce fut le cas en janvier 1976 et en novembre 2007, dans le sud-ouest des Pays-Bas – mais des mesures de protection côtière ont permis de mieux y résister.
16Il est vrai que d’importantes mesures de protection contre la mer ont été mises en œuvre dans ces régions. Ces programmes étant bien connus et fonctionnant tous sur le principe d’un rehaussement des digues et d’un raccourcissement de la ligne de digue, on ne détaillera pas l’ensemble des opérations. On rappellera simplement qu’il s’agit du plan Delta en Zélande, dont les éléments principaux sont figurés sur la carte suivante : des barrages anti-tempêtes isolant de la mer les différents bras des estuaires et raccourcissant considérablement la ligne de digues à rehausser. Ces barrages et les digues voisines sont désormais capables de résister à des tempêtes très sévères, ne se produisant qu’une fois en quatre mille ans. Certains de ces barrages sont mobiles – comme celui du port de Rotterdam, qui n’a servi, pour la première fois, que le 7 novembre 200728 ; d’autres, bien que fermés, permettent des entrées d’eau de mer dans un but de conservation écologique (c’est le cas du barrage de l’Escaut oriental depuis sa construction en 1986 et ce sera bientôt le cas dans le Haringvliet) ; seul l’Escaut occidental n’a pas été barré, du fait de sa fonction comme axe de circulation pour le port d’Anvers. En Allemagne, à la suite de la tempête dévastatrice de 1962, de multiples mesures de protection contre la mer ont été prises dans le cadre de plans de protection côtière. Ces plans ont été révisés à maintes reprises – en 1963, 1977, 1986 et 2001 dans le Schleswig-Holstein – et sont actuellement reconsidérés du fait de l’élévation du niveau de la mer. En Angleterre, la tempête de 1953 s’est traduite par la création du Storm Tide Warning Service – aujourd’hui appelé Storm Tide Forecasting Service –, le rehaussement systématique des digues et la construction du barrage de la Tamise, achevé en 1984 afin de mieux protéger la ville de Londres – qui avait déjà été partiellement submergée en 1928. Mais ce barrage déjà fermé près d’une centaine de fois n’est supposé efficace que jusqu’en 2030. Les autorités réfléchissent à la construction d’un second barrage plus en aval. En Belgique enfin, la tempête de janvier 1976 s’est traduite par la mise en place du plan Sigma, équivalent, pour l’Escaut maritime, du plan Delta néerlandais. Ce plan Sigma, lui aussi en voie de modernisation, implique la création de polders de décharge, tel le KBR-Polder déjà évoqué.
2.2. L’importance des tempêtes dans les cultures néerlandaise et allemande
17Une comparaison de la situation des trois pays, en 1953 et 1962, montre que les Pays-Bas ont été les plus durement touchés. La Zélande a connu, entre le 31 janvier et le 2 février 1953, une véritable « catastrophe nationale », comptant environ six fois plus de victimes que l’Angleterre à la même date ou que la région de Hambourg neuf ans plus tard (tempête de février 1962). Les surfaces inondées en 1953 ont également été deux à trois fois29 plus étendues qu’en Angleterre et cinq fois plus importantes qu’en Allemagne (lors de la tempête de 1962) ; les destructions de bâtiments deux fois plus nombreuses qu’en Angleterre et les pertes de bétail trois à quatre fois plus sérieuses. L’importance sociale de cette tempête pour les Néerlandais s’explique aussi par sa très forte concentration géographique dans pratiquement une seule région (la Zélande et le sud de la Hollande méridionale), alors que les zones submergées étaient davantage disséminées sur la côte orientale de l’Angleterre, à travers cinq comtés s’étendant du Lincolnshire au Kent. La pénétration des eaux dans l’arrière-pays s’est également avérée plus importante aux Pays-Bas, où elle a, dès lors, davantage frappé les esprits, dans des régions agricoles aux densités également plus fortes qu’en Angleterre : la mer a pénétré jusqu’à 70 km à l’intérieur des terres le long des différents estuaires du delta zélandais, alors qu’elle n’est entrée que d’une cinquantaine de kilomètres dans la Tamise et d’une trentaine de kilomètres environ dans la Crouch30. Ailleurs sur la côte britannique, les submersions marines sont restées circonscrites aux polders les plus littoraux ou aux embouchures.
18Les tempêtes de 1953 et 1962 ont aussi eu des effets psychologiques contrastés. S. Rupp-Armstrong et R.J. Nicholls considèrent notamment qu’elles n’ont qu’une importance limitée pour les Britanniques – qui, il est vrai, sont habitués à entendre parler de tempêtes dans les prévisions météorologiques diffusées par les media31. Cette absence de crainte caractérise par exemple les propriétaires de terres endiguées à Skinflats, le long de la Forth : l’absence de submersion marine importante dans la période récente les conduit plutôt à craindre des submersions continentales32. Une attitude similaire transparaît dans plusieurs travaux traitant de ce thème. Ainsi, les enquêtes opérées par L.B. Myatt, M.D. Scrimshaw et J.N. Lester, dans les secteurs de Brandcaster (North Norfolk), Freiston Shore (Wash) et Orplands (Blackwater estuary) montrent systématiquement une absence de crainte à l’égard des futures submersions : la population paraît, tout au plus, modérément inquiète (tabl. 8).
tableau 8 Réponses à la question : « Quel est votre degré d’inquiétude par rapport à la possibilité de futures submersions marines dans votre secteur ? »
De « pas du tout » à « légèrement inquiet » | « Modérément inquiet » | De « inquiet à très inquiet » | |
Freiston Shore (enquête 1) | 41 % | 48 % | 11 % |
Brandcaster Orplands | 54 % 62 % | 33 % de « modérément inquiet » à « inquiet » : 35 % | 13 % que « très inquiet » 3 % |
Source : L.B. Myatt, M.D. Scrimshaw, ). N. Lester, « Public Perceptions and Attitudes Towards a Forthcoming Managed Realignment Scheme... », loc. cit.
19Les auteurs observent aussi une grande confiance dans le système défensif et insistent sur l’idée que « les tempêtes du passé sont un événement inhabituel peu susceptible de se reproduire » (une assertion qui regroupe environ un tiers des réponses à Freiston Shore et la moitié à Orplands). Les opérateurs de dépoldérisations interrogés à ce propos adhèrent eux aussi à l’idée que la tempête de 1953 est sortie des mémoires et que la population est aujourd’hui simplement préoccupée par les aspects financiers des submersions (coût et remboursement des assurances), et plus particulièrement des submersions continentales. La confiance dans le bon état des digues ( !) et dans le système d’alerte mis en place sur le littoral est tellement forte que personne ne songe à un risque vital.
tableau 9 Réactions à l’assertion : « Le managed realignment protégera mieux des submersions marines qu’une digue. »
D’accord | Pas d’accord | Sans opinion et sans réponse | |
Freiston Shore (enquête 1) | 37 % | 21 % | 42 % |
Freiston Shore (enquête 2)* | ? | ? | 40 % |
Brandcaster | 30 % | 27 % | 43 % |
Orplands | 36 % | 17 % | 47 % |
Sources : voir tableau précédent. *S. Orr, Managed realignment : Myth or Magic ?, op. cit.
20Il me semble que l’absence de peur des tempêtes pourrait inconsciemment expliquer l’acceptation de brèches et donc le retour de la mer – ce que des populations d’autres pays riverains de la mer du Nord refusent complètement. De surcroît, la présentation du managed realignment comme moyen d’améliorer le système de défense contre la mer ne peut que renforcer cette relative insouciance : de nombreuses personnes interrogées sur la défense contre la mer accordent même plus d’importance aux techniques de managed realignment (c’est-à-dire à la dépoldérisation) qu’à une protection par les digues.
21Aux Pays-Bas, le drame de 1953 a considérablement marqué les esprits et a persisté jusqu’à nos jours dans les mémoires du fait de sa survenue à une époque où les digues auraient dû permettre de résister à la mer – ce qu’elles n’ont pu faire au Moyen Âge lors de tempêtes tout aussi mémorables33. La fragilité de l’homme et du pays tout entier a été violemment remise en exergue à cette occasion, malgré la tradition séculaire de courage et de combativité de la Zélande dont la devise face à la mer a toujours été luctor et emergo34. Comme le dit le professeur néerlandais P. Leroy, « les Pays-Bas ne peuvent se comprendre sans cette relation amour-haine existentielle, il n’y a pas d’autre mot, avec l’eau35 ». A. Miossec parle, pour sa part, d’un pays « au péril de la mer », « où la fragilité est d’abord celle de la côte face à l’océan déchaîné : les souvenirs cruels de 1953 pèseront longtemps sur le comportement des populations. Tenir face aux flots, voici la règle cardinale d’une bonne gestion du littoral36 ». Par conséquent, de peur que l’oubli ne se développe, notamment parmi les jeunes générations, des panneaux ont été établis dans la partie occidentale du pays37 pour rappeler quelle serait la position naturelle de la ligne du rivage si 7 000 km2 de polders n’avaient pas été conquis, faisant progressivement émerger de la mer plus d’un tiers du pays. Sur l’île zélandaise de Schouwen-Duiveland, presque complètement submergée en 1953, un musée commémoratif du désastre (Muséum Watersnood, 1953) a été récemment construit. Les Zélandais interrogés à ce sujet sont choqués par cette idée de restitution à la mer : il s’agit pour eux de terres qui ont été difficilement conquises et qui font la fierté du pays et en particulier de la Zélande. Les rendre à la mer serait un « gâchis ». Cette fierté nationale est inculquée dès l’école primaire et même les écologistes s’y disent sensibles (V. Klap, ZMF, comm. pers.). Pour les personnes les plus âgées, qui ont vécu la tempête de 1953, l’émotion entre aussi en considération dans cette réaction car les plaies sont restées vives. Il n’est pas acceptable pour elles de rendre à la mer ce qu’elle prend parfois si sauvagement et qu’on a eu tant de mal à prendre ou à reprendre. Les Zélandais frappés personnellement en 1953 ou concernés par les opérations de reconstruction ont eu le sentiment de vivre une « guerre », de voir leur région transformée en champ de bataille. Céder devant la mer remettrait en cause ce pour quoi des vies ont été perdues et tant d’efforts fournis. En Zélande, plusieurs monuments permettent de se remémorer le drame et rappellent la faiblesse permanente de l’homme face à la mer.
22Bien que les Allemands aient connu des épisodes de tempêtes moins dramatiques, la culture germanique semble tout autant marquée par ces événements. C’est ce qui ressort des contes, légendes et proverbes qui sont rattachés à la mer – qui a d’ailleurs été personnifiée, tel Zeus, sous l’appellation de Blanke Hans. Les proverbes expriment clairement le pouvoir et la dangerosité de l’élément marin, car « qui ne veut endiguer doit céder » à la force marine (Wer nicht will deichen, der muß weichen), « la mer du Nord étant la mer de la mort » (Nordsee, Mordsee). Le récit suivant de Frise du Nord témoigne lui aussi des rapports difficiles à la mer et des sacrifices qu’on supposait devoir faire pour la calmer : « Pendant une violente tempête, une rupture de digue, qu’il n’y avait pas moyen d’enrayer, se produisit le long de l’Eider. Le bruit courut qu’il fallait jeter un enfant dans les vagues pour parvenir à refermer la brèche. On acheta à une mère un enfant illégitime, qu’elle céda contre de l’argent indigne. On construisit une balançoire au-dessus des vagues, sur laquelle on laissa grimper l’enfant, pour qu’il bascule dans la mer et s’y enfonce38. » De tels sacrifices ont été une réalité dans ces régions nordiques jusqu’au xvie siècle pour les humains et xviie siècle pour les animaux. Ils servaient à apaiser les esprits en période de tempête ou à assurer une « meilleure » résistance des digues dès leur mise en service. Des coutumes aussi excessives ont évidemment un rapport avec une réalité difficile. En l’occurrence, le combat contre la mer a été long et ardu depuis l’ère médiévale, les endiguements n’étant finalement, dans certaines régions, que des « reconquêtes de terres » qui avaient déjà été perdues une première fois contre la mer, notamment en Frise du Nord. Dans ce secteur, on fait souvent référence au village médiéval de Rungholt39, disparu durant la tempête de 1362. Avant cela, 10000 habitants de l’Eiderstedt et des Dithmarschen auraient été victimes de la tempête de 1216. Ultérieurement, en 1634, une grande partie de la Frise du Nord a été submergée et scindée en trois îles (Nordstrand, Pellworm et Nordstandischmoor). On a dénombré à cette date 6000 victimes, 50000 noyades d’animaux et la destruction de 1 300 habitations. Plus récemment, la catastrophe de 1962 à Flambourg et dans l’estuaire de l’Elbe, de même que les hauteurs d’eau extrêmes atteintes en 1976, ont de nouveau marqué les esprits. Les spécificités de la politique allemande de dépoldérisation s’expliquent donc aussi, très largement, par l’importance culturelle de ce phénomène.
23C’est ce qu’a confirmé l’étude de la presse allemande menée sur la période 1946-2003 à l’Institut für Wirtschaftsforschung-Hamburg, qui dispose de vingt millions de coupures de presse rassemblées depuis 1908, classées thématiquement et régionalement et issues d’environ cent cinquante journaux. Pour étudier l’évolution de l’opinion allemande sur la poldérisation et la dépoldéri sation, près de cinq cents articles tirés de la rubrique de classement « protection côtière » (Küstenschutz) ont ainsi été retenus. Ils sont extraits d’une vingtaine de revues et de journaux, de renommée régionale et nationale40. Pour en faciliter la synthèse, les résultats de ce dépouillement, limité au littoral continental de la mer du Nord41, dans les trois Länder du Schleswig-Holstein, de Hambourg et de Basse-Saxe, ont été représentés sous forme graphique (fig. H du livret séparé). On observe, en premier lieu, que le nombre d’articles rédigé sur ce sujet, en moyenne 8,6 par an, varie en réalité amplement d’une année sur l’autre et qu’il s’avère plus élevé après une tempête grave. Celle de 1962 a donné lieu à une quarantaine d’écrits ; celle de 1978 à une trentaine d’écrits ; celles de 1949, 1953 et 1981 à une vingtaine d’écrits chacune et celle de 1973 à une quinzaine d’articles. À l’inverse, les tempêtes qui n’ont pas occasionné de gros dégâts, comme celles de 1976 ou de la première moitié des années 1990 (1990, 1994), ont moins fortement marqué les esprits. Par ailleurs, le nombre très important d’articles de la période 1980-1983 tient aussi à la forte contestation des endiguements qui s’est élevée à cette époque dans les rangs des écologistes.
24Ce graphique comprend également un relevé des différents thèmes abordés dans la presse. Les dix thèmes les plus évoqués apparaissent sur le graphique dès qu’ils ont été mentionnés au moins une fois par article. Classés par couleurs, ils traitent des arguments économiques en faveur de la poldérisation (de jaune à brun), de la protection contre les tempêtes (de rouge à rose), de la contestation des poldérisations et de la protection de la nature (en vert) et, enfin, de la hausse du niveau marin et de la question de la dépoldérisation (en bleu). On observe en premier lieu un lien étroit entre le nombre des articles et la quantité et la variété des thèmes abordés : ceux-ci sont plus nombreux et plus diversifiés durant les années de tempête(s) et au début des années 1980. À certaines périodes, certains de ces thèmes ont, de toute évidence, une importance majeure, tels les thèmes de la conquête agricole (en jaune), de la contestation de la poldérisation ou de la protection de la nature (en vert foncé et vert clair) – ces aspects, déjà développés dans des travaux antérieurs pour les années 1950 à 1990, ne seront pas réexposés ici42. En revanche, c’est surtout le thème de la protection côtière (en rouge) qui marque de part en part le graphique, étant pratiquement cité chaque année. On peut estimer qu’au moins la moitié des thèmes évoqués dans ce corpus des soixante dernières années ressortit numériquement à cette seule classe de la « protection côtière ». Et le sujet reprend même de la force depuis le milieu des années 1990, alors qu’on aurait pu le supposer en déclin du fait de la sûreté accrue des systèmes de défense. Outre son évocation lors d’années à tempêtes (1990, 1991, 1994, 2001), il est désormais associé aux nouveaux thèmes abordés dans la presse allemande tels l’élévation du niveau de la mer, la dépoldérisation (Ausdeichung) et le recul de la ligne de digues (Deichrückverlegung). L’importance des tempêtes et du risque de submersion marine pour la société allemande ne fait donc aucun doute, à l’image de ce qu’elle est en Zélande.
2.3. L’essor limité des véritables dépoldérisations aux Pays-Bas et en Allemagne
25Cette importance exacerbée des tempêtes et du risque de submersion marine constitue l’une des explications – si ce n’est l’explication majeure – de l’essor limité de la dépoldérisation, ou du moins des dépoldérisations totales, dans ces deux pays. On constate par exemple que les Pays-Bas se sont lancés très parcimonieusement dans le processus, ce que les scientifiques néerlandais relient eux aussi à la tempête de 1953 et à l’importance culturelle des conquêtes sur la mer43. En effet, même si la taille moyenne des sites dépoldérisés paraît importante – elle est d’environ 140 ha, contre 100 ha en moyenne en France et 40 ha en Grande-Bretagne –, c’est en réalité le type de dépoldérisation et non leur étendue qu’il faut prendre en considération pour analyser l’avancée du mouvement dans un pays (fig. 11).
26En effet, les véritables dépoldérisations de polders maritimes réalisées dans ce pays sont exceptionnelles pour l’instant (un cas réalisé, un cas décidé et des projets uniquement), les autres exemples de dépoldérisation sont soient partiels (deux cas), soit accidentels (deux cas), soit sont totaux mais concernent en réalité des polders d’été et non de véritables polders maritimes (cinq cas). L’analyse de la presse néerlandaise montre également un relatif désintérêt du pays pour cette question : en effet, de 2001 à 2008 la revue de presse nationale néerlandaise réalisée par l’ambassade des Pays-Bas en France n’évoque que trois fois la poldérisation ou la dépoldérisation !
27L’importance de la tempête de 1953 nous semble aussi constituer une bonne explication des différences qu’on perçoit dans l’aménagement récent des deux bras de l’Escaut : le long de l’Escaut oriental, où les pertes humaines et matérielles ont été considérables en 1953 comme on l’observe sur la figure 12, on a rendu quelques polders à la nature mais sans véritablement dépoldériser.
28On s’efforce en effet de restaurer une végétation halophile grâce à un abaissement artificiel de la surface du sol facilitant les infiltrations d’eau salée. Les terres restent protégées par des digues. De telles pratiques ont été instaurées sur la rive nord de l’Escaut oriental, de même que dans le polder Emma, en Groningue. Les résultats sont toutefois peu probants, car la dissémination des semences de plantes ne peut se faire par les mouvements de la marée et elle ne se produit donc que grâce aux déplacements des oiseaux, qui transportent avec eux des semences, éventuellement présentes sur leurs pattes44... A contrario, le long de l’Escaut occidental, où les polders ont été relativement épargnés en 1953 (fig. 12) et où les mentalités sont peut-être moins sensibilisées à la question de la défense contre la mer, les projets de dépoldérisation fleurissent depuis plusieurs années et devraient couvrir 600 ha.
29L’importance sociale des tempêtes pour les populations allemandes a également conduit à une politique minimale de dépoldérisation dans ce pays (fig. 11). Les dépoldérisations totales qui ont été pratiquées près d’une trentaine de fois en Grande-Bretagne dans des digues principales ne l’ont été que quatre fois en Allemagne, dans l’estuaire de l’Elbe. De plus, cinq autres dépoldérisations totales n’ont en réalité concerné que des digues de polders d’été, c’est-à-dire en aucun cas des digues de protection principales. Ces dépoldérisations, effectuées depuis 1994 en Basse-Saxe, n’ont, de surcroît, été réalisées qu’à des fins compensatoires, pour remplacer les marais maritimes perdus dans ce Land du fait de l’implantation de conduites de gaz traversant la mer des Wadden, de l’endiguement du Leybucht en 1991 ou de travaux d’extension portuaire dans la Weser. De fait, ces mesures compensatoires sont également à l’origine de la totalité des dépoldérisations pratiquées à Hambourg, tout autant que des dépoldérisations partielles du Schleswig-Holstein45. Au final, seules des dépoldérisations partielles (cinq), ou limitées à des polders d’été (cinq), ont été entreprises sur les côtes allemandes, où c’est la loi qui a, par ailleurs, imposé la plupart des dépoldérisations (dix sur treize), parmi lesquelles seules trois peuvent être qualifiées de véritables (c’est-à-dire des dépoldérisations totales pratiquées dans des digues de mer). Le fait que l’extension de ces entreprises couvre 2 800 ha – contre seulement 1 900 ha en Grande-Bretagne, 1400 ha aux Pays-Bas et 1 300 ha en France – n’a donc rien de significatif.
30Eu égard à l’augmentation prévisible de la fréquence et de l’intensité des tempêtes dans le cadre du changement climatique en cours, il convient de s’interroger sur le devenir de cette politique de dépoldérisation et sur la diffusion des idées britanniques de défense douce des côtes par le managed realignment.
2.4. Des positions prudentes à l’égard de la dépoldérisation dans un contexte de changement climatique
31On peut s’interroger, en premier lieu, sur la position que prendra le Land de Basse-Saxe à l’égard des polders d’été, puisqu’on note une contradiction entre les avancées de la recherche et la position officielle du Land à cet égard. En effet, comme le souligne le groupe trilatéral de travail sur la mer des Wadden, le gouvernement de Basse-Saxe estime nécessaire de conserver les polders d’été, qui jouent un rôle essentiel dans la protection des digues de mer : ces digues basses permettent de ne pas exagérément renforcer les digues de mer situées juste à l’arrière-plan et font office de « brise-lame » tout en limitant les coûts généraux d’entretien de ces dernières46. Or, contrairement à ce qu’on pensait, des recherches ont récemment montré que les digues d’été jouaient un très faible rôle durant les tempêtes47. Certains scientifiques préconisent par conséquent de les rouvrir ou de les éliminer. Dans le Schleswig-Holstein, au contraire, les positions à l’égard de la dépoldérisation se sont clairement durcies, bien que les orientations du Plan général de Protection côtière de 2001 aient pu paraître assez ouvertes. Il y est dit, en effet, que « les retraits ou abandons de digues ne sont possibles que dans des cas exceptionnels », nécessitant 1) que le niveau de sécurité reste au moins équivalent à l’actuel, y compris dans le cas de l’existence d’une seconde ligne de digues, 2) que la population concernée soit d’accord avec la dépoldérisation envisagée et 3) que les coûts de protection côtière n’augmentent pas pour cette raison48 ! Les dépoldérisations ne sont donc pas officiellement exclues ; elles semblent toutefois quasiment irréalisables, ce que confirme le ministre de l’Agriculture du Land : « Les dépoldérisations ne sont sans doute pas impensables, mais doivent être attentivement considérées dans chaque cas et ne sont possibles qu’avec l’accord de la Société49 ». L’on remarque aussi que l’existence d’une seconde ligne de digues reste une spécificité de la politique de protection côtière du Schleswig-Holstein50, puisque deux lignes devraient rester présentes à l’arrière de la digue de mer, si celle-ci était volontairement rompue51 !
32Mais il est vrai que des apports scientifiques nouveaux ont récemment modifié l’idée qu’on se faisait du rôle du schorre dans la protection côtière, et atténué l’intérêt du managed realignment. H.D. Niemeyer et R. Kaiser ont ainsi établi que « la capacité d’atténuation de la houle par les parcs de sédimentation, le schorre et les digues d’été diminuait avec l’augmentation de la hauteur de l’eau durant une tempête. Lors des tempêtes les plus hautes, les parcs, le schorre et les digues d’été ne procurent pas d’atténuation notable de la houle qui pourrait être prise en considération dans le calcul (de la hauteur) des digues52 ». Ce qui est une façon indirecte de suggérer que non seulement il est important de continuer à rehausser les digues, mais qu’il ne faudrait pas non plus compter sur un schorre doublé d’une digue-arrière – comme dans la technique du managed realignement – pour assurer une protection efficace de l’arrière-pays. Enfin, les dernières réflexions d’ingénieurs connus de la protection côtière vont plus dans le sens d’un triplement de la ligne de digues que de dépoldérisations ! En effet, après un premier rehaussement de la digue principale, qu’on ne pourrait peut-être pas réitérer à l’avenir malgré l’élévation du niveau de la mer, pourraient être construits une nouvelle digue et quelques tertres artificiels au sein même des polders de la première ligne, afin de limiter la vulnérabilité, toujours croissante, liée à une rupture des première et seconde lignes de digues53. Ce serait certes une façon de renoncer à l’idée d’une protection totale fournie par la première ligne, mais aussi un signe évident de retour à la « poldérisation »– quoique plus interne, désormais !
33La situation néerlandaise est encore différente, du fait de la très bonne protection de la Zélande derrière un ensemble de barrages ayant réduit la longueur du trait de côte de 700 kilomètres. Plus au nord, face à la mer des Wadden, la situation est assez comparable à celle de la Basse-Saxe voisine, avec la présence d’une unique ligne de digues qu’on ne pourrait faire facilement reculer. Les Pays-Bas ont pourtant lancé en 2002 la campagne « Les Pays-Bas vivent avec l’eau » qui les a conduits à prendre davantage la mer en considération : « Pendant des siècles, nous avons maintenu la mer et les rivières à distance avec de lourds moyens de défense. [...] Le niveau de la mer augmente, le sol se tasse. [...] Au lieu de contenir l’eau à nos portes, nous devons lui donner de l’espace et la laisser pénétrer dans nos vies quotidiennes54. » Ce retournement de la stratégie traditionnelle de défense contre la mer n’est pourtant pas total, car les aménageurs paraissent privilégier un panel de réponses combinant différentes formes d’adaptation, comme la résistance avec maintien du trait de côte, le recul, plus moderne, mais aussi l’avancée sur la mer par endroits55. Il ne s’agit pas toutefois de revenir aux « polders d’atterrissement », construits aux dépens des vasières et des prés salés, mais de privilégier les remblaiements – qui, bien qu’ils constituent une forme d’avancée sur la mer, n’ont en réalité rien à voir avec la poldérisation. Sur les plans prospectifs imaginés par le Rijkswaterstaat, on voit effectivement trois îles artificielles très allongées se dessiner au large de la Zélande. Les députés eux-mêmes s’intéressent à la question puisque la Chambre a demandé, en novembre 2007, au gouvernement de lancer une étude sur la construction en mer du Nord d’un polder vaste de 500 à 1 000 km2, qui permettrait de répondre autant à des objectifs de protection côtière qu’aux difficultés démographiques et foncières de la Randstadt. Mais le plan Delta 2 envisage aujourd’hui la mise en œuvre de solutions moins coûteuses, tels le rechargement des plages hollandaises et zélandaises sur de plus larges distances et le façonnement de bancs de sable artificiels face aux côtes de Zélande56. D’autres solutions pourraient consister en des formes d’adaptation in situ, sans mouvement de conquête ou de recul par rapport à la mer. Il s’agirait par exemple de rehausser le niveau altimétrique de certains polders en y injectant du sable : les Hollandais, passés maîtres dans le rechargement des plages, pourraient aussi recharger des polders grâce aux progrès techniques des dernières décennies dans l’approvisionnement en sable, le terrassement et la fertilisation des sols. Ainsi, en cas de brèches dans les digues, le niveau des polders ne serait plus inférieur au niveau du plan d’eau marin, ce qui permettrait de réduire les possibilités de submersions marines de même que leur ampleur. De la même façon, on envisage de construire, en certains endroits, des maisons amphibies voire flottantes, pour pouvoir convertir plus aisément certains polders habités en polders de décharge, lors de crues continentales, ou de submersions marines obligeant à fermer les grands barrages anti-tempêtes57.
34La dépoldérisation pourrait être une troisième technique d’adaptation au changement climatique, mais les projets du Rijkswaterstaat restent pour l’instant indéterminés. Il n’est pas fait allusion à des possibilités de managed realignment de type britannique dans une optique de défense côtière. Ainsi, les cartes qui résument à l’échelle nationale comme régionale les stratégies d’adaptation des régions basses, dans le cas d’une élévation eustatique de 2 m d’ici à un à deux siècles, montrent les barrages existants qu’il faudra adapter et les digues et dunes qu’il faudra renforcer : en l’occurrence, les niveaux de sécurité actuellement offerts par les digues devront être améliorés d’un facteur 10 d’ici à 2050, pour prendre en considération l’évolution des aléas autant que l’accroissement de la vulnérabilité démographique et économique58. Les digues des deux Escaut, de même que celles de la côte nord du pays et des îles des Wadden, seront renforcées et rehaussées. Aucune indication n’apparaît en parallèle sur d’éventuelles dépoldérisations défensives. Seuls quelques barrages seront réaménagés pour devenir perméables à la marée, sur le modèle de celui de l’Escaut oriental. Ce sera le cas du barrage du Haringvliet dès 2010, puis du barrage du Grevelingen Meer. Il faut dire que les Hollandais se préoccupent avant tout du devenir de leur littoral sableux59, en première ligne sur la côte hollandaise, les îles frisonnes et même la façade zélandaise (entre les différents barrages). L’idée est de limiter l’érosion par des rechargements permanents pour conserver le trait de côte de 1990. Cette politique de gestion du littoral sableux est prédominante, tant spatialement que financièrement, et relègue en quelque sorte au second plan les projets de dépoldérisation, qui resteront mineurs pour des raisons financières et sociales. Les décisions néerlandaises ambivalentes à l’égard des projets de dépoldérisation de l’estuaire de l’Escaut occidental illustrent parfaitement cette méfiance néerlandaise à l’égard du retour de la mer dans les terres : les autorités politiques ont en effet décidé, à l’été 2008, de ne plus compenser par des dépoldérisations l’approfondissement du chenal de l’Escaut, estimant possible de remédier à d’éventuels effets érosifs par des déversements réguliers de sables de dragage60. Mais en octobre 2009, la décision de rendre malgré tout le Polder Hedwige à la mer a été prise par le gouvernement néerlandais61... Il reste à voir si elle sera confirmée par le Parlement !
35On note toutefois que les ingénieurs hollandais se sont beaucoup investis dans le réseau et projet européen « ComCoast », ce qui traduit une grande ouverture d’esprit en matière de défense côtière. Ce projet, financé entre 2004 et 2007 dans le cadre du programme Interreg IIIb pour la mer du Nord, a permis aux partenaires de cinq pays62 d’explorer quelles pourraient être les potentialités de réaménagement spatial du littoral pour améliorer les stratégies de protection côtière en mer du Nord. Le projet s’est appuyé sur des études de cas, au cours desquelles les partenaires ont mis au point et appliqué de nouvelles méthodes combinant défense côtière et fonctions économiques et sociales. En l’occurrence, l’une des méthodes, expérimentées du « côté terrestre », consisterait à pratiquer des dépoldérisations partielles ou totales. Or, si les Pays-Bas ne dépoldériseront pas avec la même énergie que les Britanniques, ils ont été les pilotes du projet novateur ComCoast. Les zones dépoldérisées du Breebaart et du Perkpolder ont ainsi servi de sites d’étude. Les Pays-Bas ont fait participer à ce projet, outre le Rijkswaterstaat – son pilote –, trois collectivités territoriales (les provinces de Zélande et de Groningue, et la commune de Hulst) et deux associations zélandaises de drainage. Cette avance des Pays-Bas se lit aussi au fait que la Grande-Bretagne n’a fait participer que l’Agence de l’environnement, avec, en ce qui concerne la dépoldérisation, le choix du site-exemple d’Abotts Hall Farm ; l’Allemagne, pour sa part, n’a fait participer qu’une université, sans site proposant de dépoldérisation. Quant à la France, elle est restée absente du projet, alors que les tempêtes tout comme les risques de submersion existent sur les côtes bordant la Manche. On pense par exemple à la région septentrionale des Watteringues, qui a été concernée par la tempête de 1953. Depuis lors, ce secteur a été densément peuplé, alors qu’il ne bénéficie d’aucune protection efficace...
36Il me semble que les ingénieurs hollandais, à l’image de ce qu’ils ont été par le passé, continuent de montrer une plus grande modernité et adaptabilité face à la mer, même s’ils ne dépoldérisent et ne dépoldériseront pas sur des surfaces aussi étendues que les Britanniques.
Notes de bas de page
1 K. Thomas, Le jardin de la nature. La Mutation des sensibilités en Angleterre à /‘époque moderne (1500- 1800), Paris, Gallimard, 1983, 401 p.
2 C. Chadenas, L’Homme et l’oiseau sur les littoraux d’Europe occidentale. Appropriation de l’espace et enjeux territoriaux : vers une gestion durable ?, thèse de géographie, université de Nantes, 2003, 341 p.
3 Cinquante-quatre personnes interrogées dans le parc du Marquenterre, soixante-sept dans la réserve de Schiermonnikoog et cent cinquante-huit dans la réserve RSPB de Titchwell.
4 La même proportion de visiteurs vient aussi, mais en second lieu, pour admirer le paysage et le spectacle de la nature. C. Chadenas, L’Homme et l’oiseau sur les littoraux d’Europe occidentale, op. cit.
5 A. Manly, op. cit.
6 Une enquete effectuée par lAgencede lenvironnement en 2006 a montre, pour sa part, que cetaient la marche et l’exercice qui attiraient en premier lieu les visiteurs dans cette réserve (60 % des réponses) et que la vie sauvage et les oiseaux ne venaient qu’en seconde position (26 % des réponses). Toutefois, cette étude n’a porté que sur soixante-dix réponses, ce qui nous semble trop limité pour en tirer des conclusions précises.
7 Le non-accès aux données brutes nous empêche de croiser l’appartenance à la RSPB avec les raisons invoquées pour la visite.
8 N. Baron-Yelles, « Les zones humides littorales d’Europe de l’Ouest : conservation, gestion et observation des oiseaux à des fins de loisir », Géographie et cultures, n° 37, 2001, p. 97-116.
9 C. Chadenas, L’Homme et l’oiseau sur les littoraux d’Europe occidentale, op. cit.
10 N. Baron-Yelles, L. Goeldner-Gianella, Marais maritimes d’Europe atlantique, op. cit.
11 1960 : 300 adhérents à la LPO, 10 000 pour la RSPB ; 1985-1986 : 3 000 adhérents pour la LPO et 400 000 pour la RSPB ; 2006-2007 : plus de 40 000 adhérents pour la LPO et plus de 1,05 million pour la RSPB. C. Chadenas, L’Homme et l’oiseau sur les littoraux d’Europe occidentale, op. cit.
12 K. Thomas, Le Jardin de la nature, op. cit.
13 Précisons-le, car les contradictions ne manquent pas.
14 X. De Planhol, Le Paysage animal. L’homme et la grande faune : une zoogéographie historique, Paris, Fayard, 2004, p. 656-667.
15 Ibid., p. 667.
16 K. Thomas, Le Jardin de la nature, op. cit.
17 H. Buller, « Le National Trust et le littoral anglais », in M. Bodiguel (éd.), Le Littoral entre nature et politique, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 127-139.
18 L’auteur évoque notamment l’existence d’industries à la campagne, tant que l’industrialisation n’avait pas massivement démarré en ville.
19 M. Bodiguel, « La campagne, quelle campagne ? », in M. Bodiguel, R Lowe, Campagne française, campagne britannique, Paris, L’Harmattan, 1989, 355 p.
20 Ibid.
21 Conservatoire du littoral, mouvements associatifs, acteurs du tourisme, nouvelles populations d’origine urbaine, résidents secondaires, nouveaux agriculteurs bio, etc.
22 P. Vidal de la Blache, La Côte allemande de la mer du Nord, cours de géographie à la Faculté des Lettres de Nancy, Revue politique et littéraire, 1873, p. 219-222.
23 N. Schoenenwald, « L’Europe du Nord-Ouest sur le rail des tempêtes », in M. Tabeaud (éd.), Ile-de-France, avis de tempête force 72, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003, p. 41-55.
24 M. Tabeaud, B. Lysaniuk, N. Schoenenwald, J. Buridant, « Le risque "coup de vent” en France depuis le xvie siècle », loc. cit.
25 B. Bousquet, A. Miossec, « La tempête, du moment de nature au spectacle de société. La place du phénomène dans le géosystème au xxe siècle », BAGF, n° 3, 1991, p. 241-251.
26 M. de la Soudière, citant le sociologue H.-R Jeudy sur le désir de catastrophe, in « Nature contre nature : les espaces protégés au risque des tempêtes », Atelier du Conservatoire du littoral, n° 23, 20 décembre 2000.
27 R Wagret, Les Polders, op. cit. ; Information and Documentation Centre for the Geography of the Netherlands (IDG), Zuydeerzee – lake IJssel, Utrecht, 1993, 35 p. (http://www.metoffice.gov.uk/corporate/pressoffice/anniversary/floods1953.html.)
28 Pour la première fois depuis 1976, les services de surveillance des digues ont été mis en alerte sur la totalité de la côte des Pays-Bas et le barrage de Rotterdam a été fermé, alors qu’il n’avait été actionné que pour des exercices depuis sa construction dans les années 1990.
29 Les écarts observés en termes de surfaces inondées ou de têtes de bétail noyées tiennent à des sources divergentes.
30 D’après une carte de W.L Waide, « Der Küstenschutz in England and Wales unter besonderer Berücksichtigung der im Januar 1953 Überfluteten Gebiete », Informationen des Institutesfür Raumforschung, p. 323-334.
31 « It appears that the barriers to change the public perception and landowner opposition [...] might be more easily overcome in England and on Germany’s Baltic Sea coast, perhaps because loss of human life and property bas not been as severe as on Germany’s North Sea coast. Furthermore, the 1953 storm surge seems largely forgotten in England unlike the 1962 surge in Germany ; thus, the fear of the sea is less », dans S. Rupp-Armstrong, RJ. Nicholls, « Coastal and Estuarine Retreat... », loc. cit.
32 S. Midgley, D.J. McGIashan, « Planning and Management ofa Proposed Managed Realignment Project : Bothkennar, Forth estuary, Scotland », loc. cit.
33 Le raz-de-marée de la sainte Élisabeth, en novembre 1421, fut apparemment responsable de la submersion de 70 villages et de 42 000 ha et de la disparition de 100 000 personnes. Cf. P. Wagret, op. cit.
34 Littéralement « je lutte [contre la mer] et j’émerge ».
35 P. Leroy, « Rendre les Pays-Bas à l’eau ? Le rude défi du changement climatique », Septentrion, n° 2, 2006, 7 p.
36 A. Miossec, La Gestion de la nature littorale en France Atlantique. Étude comparative (Royaume-Uni, Pays-Bas, Espagne, États-Unis), doctorat d’État, UBO, vol. 1,1993, 469 p. (chap. IV. 2).
37 P. Leroy, « Rendre les Pays-Bas à l’eau ?... », loc. cit.
38 G. Hubrich-Messow, Sagen und Mârchen aus Nordfriesland, Husum, 1988, 120 p.
39 Des traces de culture et d’habitation ont été découvertes sur les vasières situées au nord-ouest du Hallig Südfall dans les années 1920.
40 Dos Bulletin, das Flensburger Abendb/att, der Frankfurter Allgemeine, der Frankfurter Rundschau, das Flamburger Abendblatt, der Hamburger Echo, das Handelsblatt, der Industriekurier, die Kieler Nachrichten, der Neue Zürcher, die Niederdeutsche Zeitung, das Parlament, der Rheinischer Merkur, der Spiegel, die Süddeutsche Zeitung die Tageszeitung, die VDI-Nachrichten, die Welt, die Wirtschafts Zeitung die Zeit.
41 Excluant par conséquent de l’analyse les îles et les Halligen.
42 L. Coeldner-Gianella, L’Allemagne et ses polders..., op. cit.
43 J.P. Bakker, P. Esselink, K.S. Dijkema, W.E. Van Duin, D.J. De Jong, « Restoration of Sait Marshes in the Netherlands », loc. cit.
44 Ibid.
45 Si, officiellement, seule la dépoldérisation du Beltringharder Koog est une mesure de compensation d’un vaste endiguement (celui du Beltringharder Koog, justement !), en réalité on peut supposer que les dépoldérisations partielles du Rantum Becken, en 1982, et du Speicherkoog-nord, en 1984, ont été effectuées par l’administration régionale de la protection côtière pour compenser, au moins aux yeux de la population, les pertes de marais maritimes liées aux endiguements de cette époque et répondre à la forte agitation écologique du début des années 1980. En l’occurrence, ces dépoldérisations partielles ont présenté l’avantage de contenter les deux parties, en permettant de préserver quelques hectares de marais malgré des poldérisations jugées nécessaires...
46 CWSS, « Coastal Protection and Sea Level rise 2001. Final report », /oc. rit.
47 S. Mai, K.-F. Daemrich, C. Zimmermann, « Wellentransmission an Sommerdeichen », Wasser und Boden, n° 50/11,1998, p. 28-40.
48 B. Probst, « Leitbild und Ziele des Küstenschutzes in Schleswig-Holstein », Wasser und Boden, n° 50/12, 1998, p. 19-24.
49 Kieler Nachrichten, 2 mars 2001.
50 L. Goeldner-Gianella, [Allemagne et ses polders..., op. rit.
51 Generalplan, 2001.
52 H.D. Niemeyer, R. Kaiser, « Hydrodynamische Wirksamkeit von Lahunugen, Hellern und Sommerdeichen », Die Küste, n° 64, 2001, p. 15-60.
53 J. Hofstede, B. Probsc, Integriertes Küstenschutzmanagement in Schleswig-Holstein, op. cit. (www.eucc-d de/infos/sh_kuescenschutz_plan.pdf.)
54 Rijkswaterstaat, communiqué de presse, mai 2002.
55 Y. Eudes, « Villes amphibies, îles artificielles », Le Monde, 3 février 2008.
56 The Delta Commissie, The Delta Commissie Report, 2008, 110 p.
57 Ibid. ; Y Eudes, loc.cit.
58 The Delta Commissie, The Delta Commissie Report, op. cit.
59 M. Van Koningsveld, J.P.M. Mulder, « Sustainable Coastal Policy Developments in The Netherlands. A Systemic Approach Revealed », journal of Coastal Research, n° 20/2,2004, p, 375-385.
60 A. Luteijn, « Pays-Bas : l’élargissement du chenal de l’Escaut occidental s’accompagnera-t-il de mesures de restauration de la nature ? », Escaut sans frontières Info, 2008, p. 43-44.
61 J.-P. Stroobants, « Aux Pays-Bas, une intense campagne contre la remise en eau du polder Hedwige », Le Monde, 11 octobre 2009.
62 Pays-Bas, Belgique, Danemark, Allemagne et Grande-Bretagne.
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