Introduction générale. De l’intérêt d’une approche sociospatiale du fait immobilier à Phnom Penh
p. 13-29
Texte intégral
1Depuis le début des années 2000, Phnom Penh accueille d’importants projets immobiliers, qui transforment en profondeur les dynamiques d’urbanisation. La construction de tours de grande hauteur et d’imposants immeubles, de gated communities et de grandes villes-satellites en sont les signes les plus probants. Ce véritable engouement immobilier1 s’inscrit pleinement dans l’espace public, qui devient envahi d’annonces immobilières vantant les mérites de tel ou tel projet immobilier, de panneaux publicitaires mettant en scène la modernisation de la capitale cambodgienne et d’articles de presse qui scrutent les évolutions du marché immobilier2. À tout observateur, le constat serait sans appel : Phnom Penh se modernise à l’image et à la suite de ses consœurs régionales.
2Cette évolution des territoires urbains, loin d’être propre à la capitale cambodgienne, apparaît somme toute singulière : peu de temps auparavant, Phnom Penh s’apparentait à une ville fantôme. Entre 1975 et 1979 en effet, plus d’un quart de la population totale du pays trouve la mort sous le régime khmer rouge, aujourd’hui qualifié de génocidaire. La quasi-totalité des habitants des espaces urbains est déportée ou tuée, le régime pratiquant un véritable « urbicide ». Pendant près de quatre années, Phnom Penh devient un espace honni, vidé de ses habitants et partiellement détruit. Lieu de relégation, la capitale cambodgienne accueille le principal centre pénitencier du Cambodge, S-21, où sont torturés puis exécutés plus de 15000 Cambodgiens entre 1976 et 19793. Le directeur de la prison, Douch, est le premier condamné par les Chambres extraordinaires au sein des tribunaux cambodgiens chargées de juger les hauts dirigeants khmers rouges encore vivants : il écope de la prison à perpétuité le 3 février 2012.
3La transformation contemporaine de la capitale cambodgienne s’apparente donc à une véritable renaissance4, qui doit se lire à des échelles multiples. Localement, la reconstruction de Phnom Penh est tributaire d’une lente reconstitution, pour les habitants comme pour l’État, des connaissances et des savoirs urbains perdus entre 1975 et 1979. À l’échelle internationale, la réémergence de Phnom Penh en tant que capitale sud-est asiatique doit passer par son intégration renouvelée à l’économie régionale, voire mondiale. La métropolisation de Phnom Penh est donc affaire tant de revanche que de rattrapage, qui passent par la nécessaire reconstruction d’une urbanité5 perdue et par l’assimilation des déterminants contemporains de la métropolisation sud-est asiatique vis-à-vis desquels elle fût mise à l’écart.
4Au sein de ces processus, les marchés immobiliers jouent un rôle de premier plan, pour différentes raisons. Tout d’abord, la ressource foncière représente un levier financier majeur, que ce soit pour les ménages, les entreprises ou l’État. Ensuite, le développement de l’activité immobilière favorise le déploiement de nouveaux flux de capitaux, à toutes les échelles géographiques. Enfin, la production immobilière permet aux « ambitions métropolitaines » de prendre forme concrètement par la construction de projets urbains emblématiques, par la création de nouveaux espaces adaptés à l’évolution des modes de vie urbains et par la mise en image d’une modernité citadine supposément attendue. En conséquence, et avec la réorganisation très rapide des marchés immobiliers, la transformation des territoires urbains apparaît tributaire d’un processus transactionnel multidimensionnel6, où les ressources immobilières (c’est-à-dire le foncier et le bâti) sont prises dans de multiples relations économiques, sociales et spatiales. Si le fait immobilier est généralement abordé dans sa seule dimension économique, nous démontrerons dans cet ouvrage qu’une approche croisant la géographie, les études urbaines, les sciences politiques, la sociologie et l’économie politique permet de mieux comprendre le caractère systémique du rapport entre l’immobilier et le phénomène urbain, en considérant les discours et pratiques d’acteurs, les stratégies qu’ils élaborent pour acquérir différentes ressources et la manière dont les territoires se transforment à la suite leurs actions.
5Nous poursuivrons donc deux principaux objectifs : 1) tout d’abord, comprendre comment l’immobilier participe de la production d’espaces urbains. Cet objectif en sert un autre : celui de poser les jalons d’une « géographie sociale de l’immobilier ». En guise d’exorde, car nous reviendrons sur cette proposition dans le déroulement du propos, nous définirons cette dernière comme l’étude des dimensions sociospatiales de l’activité immobilière. Une géographie sociale de l’immobilier passe par l’étude du champ de la production immobilière proprement dite (la filière de production et l’organisation des marchés immobiliers), du champ institutionnel et légal conditionnant localement son déploiement (le cadre urbanistique et de la planification, les politiques urbaines, ou encore les structures institutionnelles et territoriales), du champ des dynamiques résidentielles et de l’habitat, ainsi que du champ des pouvoirs structuré par le rapport entre les différents acteurs impliqués dans l’activité immobilière et les stratégies qu’ils élaborent (qu’ils soient publics ou privés, acheteurs ou vendeurs, propriétaires ou locataires, professionnels ou amateurs, entreprises ou habitants). Enfin, l’ensemble de ces grands champs thématiques doit être resitué au sein de la trajectoire historique de la ville étudiée et de l’évolution contemporaine plus globale des manières de produire l’urbain et de gérer son développement.
62) Ensuite, comprendre et expliquer l’évolution des dynamiques contemporaines de l’urbanisation de Phnom Penh, ville tant « ordinaire7 » « qu’extraordinaire8 », qui reste peu étudiée dans les détails. Phnom Penh reste en effet à la marge des études urbaines sud-est asiatiques, en même temps que ses transformations récentes font écho à l’évolution régionale des dynamiques d’urbanisation.
Phnom Penh dans la production urbaine sud-est asiatique
7Avec près de 25 % de population urbaine (taux à peu près identique au Laos), le Cambodge n’est pas un pays majoritairement urbain. La situation de macrocéphalie urbaine qui y prévaut illustre le déséquilibre national en matière d’urbanisation. Sur un pays peuplé par près de 15 millions de personnes en 2012, Phnom Penh rassemble entre 1,7 et 2 millions d’habitants, ce qui représente près de 90 % de la population urbaine du pays. Siem Reap, la deuxième ville du Cambodge, accueillerait près de 250000 habitants. Phnom Penh représente en ce sens une petite capitale dont les transformations récentes s’inscrivent en marge des grandes métropoles de la région.
8Dresser une typologie des espaces urbains sud-est asiatiques aujourd’hui semble cependant une tâche ardue. Au regard des classifications fonctionnelles des villes sud-est asiatiques précoloniales, Phnom Penh appartient au groupe des villes-marchandes, qui bénéficient d’une situation de carrefour leur permettant un contrôle important des flux commerciaux9. La période de la colonisation a définitivement accéléré la littoralisation du phénomène urbain en général, engendrée par la concentration des activités, des infrastructures et des institutions dans des villes portuaires exportatrices de ressources et de biens dans la région et vers l’Occident. Ville d’hinterland, Phnom Penh semble être restée quelque peu à l’écart de ces processus, cependant que la colonisation a fortement accéléré la croissance de la ville à partir de la fin du xixe siècle.
9Le remodelage parfois important de la trame urbaine avec des modèles d’urbanisme imposés a changé, de manière durable, l’organisation des villes coloniales. Cet urbanisme a pris de multiples formes en fonction de la nationalité des colonisateurs, des sites occupés et de l’évolution historique des pratiques urbanistiques. Néanmoins, deux principaux objectifs ont toujours guidé l’action des Occidentaux : tout d’abord, l’aménagement des villes devait permettre une plus grande efficacité commerciale et une meilleure productivité industrielle ; ensuite, l’urbanisme colonial devait appuyer et refléter l’ordre social imposé, en assurant et en maintenant la sécurité et la division sociale de l’espace. Certaines de ces politiques urbanistiques marquent encore aujourd’hui les paysages urbains sud-est asiatiques.
10L’après-Seconde Guerre mondiale et l’indépendance des colonies et protectorats représentent un moment charnière dans la métamorphose des villes de la région10. La recherche de nouveaux modèles architecturaux et d’urbanisation a transformé durablement Phnom Penh, Jakarta, Singapour, Hanoi ou Rangoon par exemple. Entre les années 1950 et 1960, la plupart des capitales et grandes villes nationales croissent rapidement sous l’effet de l’exode rural, même si certaines politiques interventionnistes ont cherché à contenir les flux de population, en développant l’industrialisation de centres urbains secondaires11 comme en Indonésie et au Vietnam. Ces nouveaux États indépendants se sont notamment appuyés sur la mise en place d’une administration territoriale avancée et d’une bureaucratie importante, qui n’ont cependant pu contenir ces flux migratoires conséquents.
11Corollaire de l’industrialisation grandissante, de la croissance démographique et de l’exode rural, l’urbanisation des villes sud-est asiatiques après les années 1960 apparaît multiforme :
Aux conditions relativement homogènes de sous-développement et de situation politique qui étaient caractéristiques de la région du Sud-Est asiatique pendant la décade 1950-1960, ont succédé des modèles d’urbanisation beaucoup plus diversifiés12.
12La prédominance au niveau national de villes primatiales, qui dominent politiquement, institutionnellement et économiquement leurs armatures urbaines nationales, peut ainsi être vue comme les prémices de l’émergence de grandes métropoles en Asie du Sud-Est13. L’existence de fortes densités de population et d’une intense circulation des hommes et des marchandises entre la ville et la campagne, ainsi qu’entre des espaces urbains de second rang, expliquerait selon Terry McGee l’émergence de grandes régions métropolitaines14. À la différence de ce que constate cet auteur pour l’Indonésie, l’urbanisation de Singapour s’appuie sur un contrôle total de son territoire et de la croissance urbaine15, ainsi que sur le développement d’outils de gestion performants, en réponse aux contraintes liées à l’exiguïté du site. Associée à cet interventionnisme poussé, la politique industrielle et commerciale de cette cité-État lui a permis de s’insérer au cours des années 1970 dans l’économie de marché et la nouvelle division internationale du travail. Tête de pont des économies émergentes d’Asie du Sud-Est, le développement de ce « dragon sud-est asiatique16 » démontre le rôle central des espaces urbains dans l’intégration de cette région à la globalisation économique, tout en y illustrant l’émergence de nouvelles métropoles d’envergue internationale.
13À partir des années 1980, la formation des grandes régions mégapolitaines de Bangkok en Thaïlande, Metro Manila aux Philippines, Kuala Lumpur-Klang en Malaisie et Jabotabek en Indonésie accompagne l’émergence des « nouveaux pays exportateurs17 », dont la croissance, qui s’appuie sur une industrialisation d’exportation portée par une nouvelle division internationale du travail, s’inscrit dans la continuité de celle des nouveaux pays industrialisés18. Depuis les années 1990, de nombreux travaux scientifiques, surtout anglo-saxons, se sont attachés à relever ces importantes transformations19. Ces approches régionales, qui font directement référence aux notions de world cities20, de global cities21 et, à une échelle plus petite, à celle de global city region22, prennent acte du rôle des « villes mondiales » de la région dans la réorganisation géographique des flux de capitaux. Ces recherches permettent de mieux comprendre comment l’évolution des dynamiques urbaines en Asie génère une plus grande interaction entre systèmes productifs locaux et globaux. Pour Howard Dick et Peter Rimmer, ces processus s’expliquent avant tout par une nouvelle division internationale du travail portée par de grandes entreprises multinationales, par l’évolution des armatures urbaines nationales, par la réorganisation des morphologies urbaines locales, tout comme par le développement d’activités tertiaires et quaternaires23. En conséquence, les formes urbaines des villes sud-est asiatique convergeraient, selon ces auteurs, vers celles des pays occidentaux, comme l’illustrent les nouvelles articulations centres-périphéries, l’homogénéisation des paysages urbains (construction de grandes tours de bureau, de villes-satellites, de centres commerciaux), la multiplication des parcs et corridors industriels et des central business districts, ou encore le renforcement de la polycentralité métropolitaine24. S’il est indéniable que les paysages urbains de la région et dans le monde tendent à s’uniformiser, il nous semble peu pertinent, voire simplificateur, de tirer de telles conclusions, au risque de confondre morphologie et processus ou, en d’autres termes, de préjuger la convergence des perceptions, pratiques et appropriations des espaces urbains à partir du constat de l’homogénéisation des paysages citadins et des structures urbaines.
14La circulation et la diffusion de « modèles » architecturaux et urbanistiques et de nouveaux modes de faire et d’habiter la ville participent en effet de dynamiques réticulaires multiples. À partir des années 1970, Singapour exporte régionalement, par l’entremise de sociétés immobilières publiques et privées d’envergures régionale et internationale25 et par la production et la diffusion d’un marketing urbain singulier26, un savoir-faire urbain à l’image des grandes métropoles mondiales. Le condominium en est sûrement un des exemples les plus probants27. La libéralisation des économies socialistes au cours de la deuxième moitié des années 1990 ouvre de nouvelles perspectives28 pour les compagnies transnationales spécialisées dans l’immobilier, l’architecture et l’aménagement des villes. À la suite des grandes métropoles des pays industrialisés d’Asie, certaines régions métropolitaines plus petites, mais en transformation rapide29, deviennent de nouveaux marchés à conquérir pour ces acteurs privés. Les mutations de Bangkok, Jakarta, Manille, et Kuala Lumpur sont largement tributaires d’un urbanisme entrepreneurial porté par de grands conglomérats d’origines japonaise, hongkongaise et singapourienne, puis coréenne, occidentale et chinoise. Ces processus rappellent les mécanismes de la « compétition inter-urbaine » mondiale30, où l’accumulation de capitaux dans les grandes villes fait suite aux nouvelles logiques concurrentielles entraînées par la production d’une certaine « image de modernité métropolitaine », qui accompagne la croissance économique et la tertiairisation des économies.
15Les transformations contemporaines des villes de la péninsule sud-est asiatique s’inscrivent dans le sillage de ces dynamiques urbaines. Les espaces urbains des pays socialistes (Vietnam et Laos) et anciennement socialistes (Cambodge), considérés hier comme exclus des processus de métropolisation propres à l’Asie du Sud-Est, tendent ainsi à se transformer rapidement. Si le Vietnam présente une économie bien plus dynamique que celles du Cambodge et du Laos31, il partage avec eux des dynamiques urbaines communes. Depuis les premières réformes du Đổi Mới32 adoptées en 1986, le Vietnam s’ouvre à l’économie de marché. Les villes de Hanoi et de Ho Chi Minh Ville se transforment à une vitesse rapide33 sous l’effet de la croissance des investissements privés locaux et des investissements directs étrangers34. L’entrée du Vietnam dans l’Association des nations du Sud-Est asiatique (Asean) en 1995 et dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2006 s’inscrit en plein dans les processus d’intégrations régionale et mondiale de l’économie vietnamienne. Plus récentes, les transformations de Vientiane, capitale du Laos, montrent la diffusion croissante des processus de métropolisation au sein des villes plus modestes de la région sud-est asiatique35. Au Laos, les acteurs du développement et de la coopération internationale, tout comme la croissance des investissements directs étrangers, ont un rôle de première importance dans la recomposition de la capitale36.
16Les mutations de Vientiane et de Phnom Penh démontrent l’importance croissante des petites capitales sud-est asiatiques dans l’évolution des dynamiques d’urbanisation régionales, mais aussi mondiales37. La circulation d’hommes, de compétences et de capitaux à l’échelle régionale permet à ces capitales modestes de démontrer un certain « niveau de développement », ne serait-ce que dans les apparences. Pour les investisseurs immobiliers et les promoteurs privés, ces « métropoles secondaires38 » sont caractérisées par une croissance rapide et des marchés immobiliers encore peu concernés par la concurrence. La conquête de ces espaces urbains encore peu développés représente des enjeux de première importance pour les économies nationales, les acteurs privés locaux et internationaux, et une classe « nobiliaire » citadine qui profitera du développement de l’activité immobilière. La multiplication des projets immobiliers privés répond par ailleurs à la volonté de modernisation des espaces urbains voulue par les autorités locales et une partie de la population : que ce soit au Vietnam, au Laos ou au Cambodge, nous assistons à la généralisation d’une logique de « projet urbain39 », qui augure une transformation d’ensemble des métropoles de second rang. Pour les institutions locales, le développement immobilier représente par ailleurs un véritable levier économique. L’édification de grandes tours de bureaux permet de proposer des services dont les entreprises ont besoin. La concentration de ce type de structures fait émerger de nouveaux central business districts, qui accélèrent les effets de synergie économique, dont bénéficient principalement les acteurs des économies tertiaire et quaternaire.
17À un autre niveau d’analyse, ces processus évoquent une plus grande financiarisation des marchés immobiliers sud-est asiatiques, qui accroît la spéculation foncière et génère la formation de bulles immobilières, fragilisant ainsi les économies nationales, au point parfois de les ébranler40. L’exemple de la Thaïlande est, à ce sujet, édifiant. Le réinvestissement quasi systématique des bénéfices de la croissance dans des marchés immobiliers financiarisés, internationalisés et en croissance rapide a abouti à la formation puis à l’éclatement d’une bulle immobilière en 199741. La diffusion de la crise à l’ensemble de l’économie thaïlandaise puis à une partie de la région Asie démontre l’intrication de l’activité immobilière avec le reste des activités économiques et le caractère systémique de cette relation, tout en soulignant, une fois encore, les dangers de faire de la spéculation immobilière un levier économique. Des remarques similaires pourraient être faites à propos de la Corée du Sud et des impacts négatifs de la financiarisation des marchés immobiliers locaux42. Cependant, au sein d’une économie encore peu financiarisée comme celle du Cambodge, les marchés immobiliers restent relativement déconnectés des fluctuations boursières et de l’économie mondiale. Si la crise de 2008 a affecté les prix immobiliers de la capitale cambodgienne, les propriétaires immobiliers ont été peu affectés par ces dévaluations, illustrant l’importance des financements familiaux et le faible recours à l’emprunt.
18Cependant, la spéculation immobilière met généralement au jour la faible capacité des institutions locales à gérer de manière pérenne la croissance urbaine. Ces dernières pâtissent parfois d’une divergence entre les aspects techniques de l’aménagement des territoires urbains et les volontés politiques et économiques, qui s’établissent sur la base de rapports privilégiés entre des élites institutionnelles et des acteurs privés, dont les solidarités en Asie du Sud-Est se forgent bien souvent par l’intermédiaire de groupes d’intérêt (corporatistes, institutionnels, etc.) ou sociaux (ethnolinguistiques, familiaux, etc.), qui complexifient les typologies sociopolitiques générallement proposées43. Que ce soit pour Hanoi, Manille, Jakarta ou Bangkok, l’importance croissante des acteurs privés dans la construction des espaces urbains transforme les moyens de contrôle et d’encadrement de l’urbanisation44. L’émergence de nouvelles élites urbaines fait évoluer la dichotomie traditionnellement établie entre les acteurs privés et publics. La plus-value engendrée par le développement économique profite bien souvent à une partie restreinte de la population urbaine, qui occupe des fonctions à la fois dans l’administration et dans le secteur privé. La volonté de « moderniser » les villes sud-est asiatiques et d’améliorer leur capacité de captation des flux de capitaux aux échelles régionale et internationale prend souvent le pas sur une gestion plus durable des espaces urbains, qui profiterait à l’ensemble des citadins.
19Passé ces premiers constats, de nombreuses questions restent entières. Si la transformation des « manières de faire » la ville en Asie du Sud-Est correspond d’une part à une évolution globale des processus d’urbanisation dans le monde et, d’autre part, à certains facteurs propres aux villes des pays en développement, les déterminants locaux des dynamiques d’urbanisation restent bien souvent peu étudiés dans les détails. À Phnom Penh, les conflits fonciers quasi quotidiens – dont l’issue s’apparente parfois au déguerpissement violent de communautés entières ou à l’assassinat ciblé d’activistes –, le manque de transparence des décisions en matière d’aménagement et de construction et les nombreuses affaires de corruption mêlant intérêts publics et privés45 illustrent les tensions générées par le déploiement de nouveaux « modes de production » de la ville. D’un côté, de nombreuses organisations locales et étrangères cherchent à mobiliser la « société civile » par des manifestations, en publiant des rapports souvent détaillés ou, lorsqu’elles possèdent un certain pouvoir diplomatique, en exerçant des pressions politiques ou en infligeant des sanctions financières. D’un autre côté, une partie importante de la jeune société urbaine cambodgienne, locale ou de la diaspora, se fait le chantre de la modernisation actuelle de Phnom Penh qui, selon elle, pourrait bientôt rivaliser avec les autres métropoles régionales46.
20Dans cette étude, nous souhaitons nous appuyer sur cette « tension dialectique » du processus métropolitain, en adoptant une échelle intermédiaire d’analyse, qui nous permettrait de dépasser certains constats généralement admis. Au-delà de la convergence présupposée des espaces urbains sud-est asiatiques vers ceux des pays occidentaux47, le transfert de nouveaux modes de construction des villes semble générer une réalité composite, qui s’appuie sur la synthèse de différents modes de production de la ville. À un autre niveau d’analyse, l’apparent laisser-faire des institutions en charge du développement urbain ne tient pas face à une étude plus fine des relations entre agents, de la structure du champ institutionnel et des relations souvent complexes entre acteurs privés et publics, trop souvent réduites aux faits de corruption. De même, les intérêts des acteurs immobiliers privés sont, la plupart du temps, circonscrits à leur volonté d’accroître leur capital économique. Cependant, les stratégies qu’ils déploient sont intrinsèquement liées aux réalités socioculturelles locales, à l’organisation des rapports de domination au Cambodge et du système économique. Enfin, l’opposition communément établie entre les intérêts privés et l’intérêt général mésestime la structure socio-économique complexe de la société urbaine à Phnom Penh.
Les activités et productions immobilières au prisme de leurs enjeux sociospatiaux
21Afin de dépasser ces antagonismes, l’approche du « fait immobilier » proposée dans cet ouvrage se veut transversale. Plus particulièrement, la production immobilière ne sera pas seulement considérée comme le résultat d’activités économiques, mais aussi comme le fruit de processus sociaux et territoriaux. Notre recherche s’est ainsi organisée autour de deux grandes questions. Comment la production de biens immobiliers participe-t-elle à la construction et à la transformation des territoires urbains de Phnom Penh ? Dans quelle mesure les dynamiques sociales, économiques et territoriales citadines déterminent-elles l’organisation de la production immobilière et, à travers elle, la production de l’espace à Phnom Penh ?
22Pour ce faire, nous proposerons un double déplacement dans l’analyse, à la fois scalaire et épistémologique. Tout d’abord, le fait immobilier en Asie est généralement abordé à petite échelle : les approches régionales et nationales, que ce soit par les marchés ou les acteurs (promoteurs, investisseurs), priment largement. En conséquence, la production de la ville et l’activité immobilière paraissent peu étudiées à l’échelle locale, laissant ainsi de côté la transformation des territoires, des quartiers, des îlots et des espaces de vie.
23Ensuite, l’immobilier est rarement considéré comme une activité économique conditionnée par la relation que les individus et les groupes entretiennent avec leurs territoires. En ce sens, les dynamiques résidentielles, les jeux d’acteurs, les rapports de pouvoir ou encore les discours et représentations des habitants, des autorités locales et des acteurs privés sont rarement intégrés aux analyses. Afin de combler ce manque, nous mobiliserons différentes approches et théories issues notamment de la géographie, de l’économie politique, de la sociologie urbaine et de l’urbanisme, pour finalement élaborer une approche systémique de l’évolution des « modes de production » de Phnom Penh48, cœur de la « géographie sociale de l’immobilier » que nous proposons.
24Ce travail renvoie en partie aux travaux critiques et poststructuralistes en géographie, qui considèrent, à la suite d’Henri Lefebvre, que les « systèmes de production d’espaces » s’appuient sur une distribution inégale des moyens de production et sur des relations de pouvoir asymétriques49. Notre propos s’inscrit ainsi dans la continuité de recherches urbaines françaises conduites entre les années 1960 et les années 198050 et de la géographie critique renouvelée depuis les années 199051.
25Cet ouvrage s’appuie par ailleurs sur de nombreuses approches et théories issues de la géographie sociale française, qui vise à relever, en partant des discours et stratégies d’acteurs, certaines dimensions spatiales des faits sociaux qui organisent et structurent les rapports de domination et de pouvoir au sein des territoires52. Au croisement de ces deux influences théoriques, nous nous attacherons donc à relever les processus par lesquels certains acteurs – du technicien au politique en passant par l’habitant – font « entrer » l’espace dans un processus de production pour en tirer une plus-value, qu’elle soit économique, sociale ou symbolique53, et à identifier les territoires qui émergent de tels rapports sociospatiaux.
26Enfin, cet ouvrage s’inscrit dans le renouvellement actuel des études immobilières en géographie, qui portent à la fois sur l’évolution des flux de capitaux immobiliers54, l’importance de l’échelle territoriale dans la compréhension des logiques d’urbanisation du capital immobilier55, ou encore sur la nécessité de repenser les études immobilières en sciences sociales56.
27Cette recherche se distingue cependant de certaines approches post-marxistes parfois trop réductrices qui, en postulant le primat de la production sur les comportements individuels, omettent parfois de considérer la multiplicité des stratégies d’acteurs. Ne souhaitant pas limiter la production immobilière à « l’incarnation paysagère du capital57 », nous nous intéresserons aux formes de territorialisation complexes engendrées par la relation entre l’espace, les citadins et l’activité immobilière. Il faudra ainsi considérer la structuration du « monde social » à l’intérieur duquel se réalisent les stratégies des acteurs immobiliers58 afin de comprendre comment se caractérise localement « l’urbanisation des capitaux59 » immobiliers. Une place importante sera ainsi accordée aux entretiens individuels et aux récits de vie60.
28En ce sens, si notre approche vise à dégager certains éléments d’un présupposé « système de production des espaces urbains », nous ne considérerons pas ces éléments comme fixes, intangibles, immobiles ou linéaires. Bien au contraire, le cœur de notre approche consiste à considérer justement le « système de production » comme le produit de relations instables, fluctantes et mouvantes, que ce soit à propos des relations de pouvoir61, des dynamiques de circulation d’influences et de modèles urbanistiques et architecturaux62, ou encore des politiques urbaines63. Si système il y a, celui-ci s’appréhendera dans sa capacité à produire, à un moment donné et au sein d’un espace particulier, des territoires urbains. Cette approche vise donc moins au « systémisme » qu’à l’identification de processus de production de l’espace par la mise en relation de différents facteurs concourant à transformer les territoires, qu’ils soient urbains ou en passe de l’être.
29Cette étude est conduite en sept chapitres. Dans le premier, nous proposons une lecture historique de la réorganisation des modes de production de la capitale cambodgienne depuis la deuxième moitié du xixe siècle. Nous évoquerons certains substrats idéologiques ayant participé à définir la ville-capitale au Cambodge, mais aussi la rupture historique du régime khmer rouge et ses conséquences sur l’urbanisation contemporaine de la ville. Nous verrons enfin comment la libéralisation de l’économie cambodgienne, l’adoption de l’économie de marché et la réorganisation rapide des marchés immobiliers à partir des années 1990 ont permis une profonde transformation des processus d’urbanisation.
30Le chapitre 2 s’intéresse aux effets les plus saillants de la réorganisation de la production immobilière. Nous verrons comment les grands projets immobiliers s’inscrivent dans une fragmentation accrue des modes de production de la ville, tout en accélérant une réorganisation générale des territoires et de la centralité urbaine.
31Le chapitre 3 change d’échelle d’analyse et aborde les projets immobiliers plus modestes, portés principalement par des promoteurs locaux et familiaux. Nous nous intéresserons aux processus d’étalement urbain et de densification des espaces bâtis, tout en observant l’émergence de nouveaux produits immobiliers. Nous verrons comment la multiplication de ces projets transforme les territoires urbains, mais aussi comment les espaces résidentiels sont porteurs d’une rénovation des manières de faire la ville à Phnom Penh.
32Après avoir présenté, au cours des chapitres précédents, les principaux objets et acteurs de la production immobilière à Phnom Penh, le chapitre 4 montre comment le processus de métropolisation exacerbe les enjeux sociaux de la modernisation de la ville. Nous verrons tout d’abord que la planification urbaine, encore incomplète, s’inscrit dans le sillage d’approches stratégiques du développement économique et institutionnel portées par les grandes agences de développement international et le gouvernement central cambodgien. Nous évoquerons par ailleurs la fracture qui se dessine entre la ville-spectacle et les marges urbaines, conséquence de l’engouement spéculatif et des processus de redistribution contrainte d’une partie de la population urbaine vers les périphéries du territoire municipal.
33Le chapitre 5 porte son attention sur les transformations sociospatiales induites par les nouvelles dynamiques de peuplement en périphérie de la capitale. Tous les espaces périphériques ne sauraient être confondus ; une approche socio-historique apparaît ici indispensable. La reterritorialisation des citadins en périphérie représente à ce titre un véritable « réancrage » d’une partie de la population urbaine. Ce processus s’accompagne cependant de nouvelles divisions sociales de l’espace, que nous appréhenderons en fonction d’une typologie de « secteurs d’habitations », qui considèrent tant les zones bâties que les territoires qui se forment sous l’effet de l’appropriation de l’espace par les habitants.
34Le chapitre 6 regarde de plus près les rapports de pouvoir entre les institutions locales, les habitants et les promoteurs immobiliers privés. La production immobilière ne se limite pas, en effet, à un investissement économique : elle représente définitivement un repositionnement des élites dans la cité, un renouvellement du rapport entre les acteurs dominants et les territoires et une réorganisation des groupes d’intérêt à l’échelle locale. Ces relations de pouvoir se déploient au sein d’un maillage territorial particulier, qu’il est nécessaire de mettre à jour. Entre centralisation administrative et fragmentation sociopolitique, la production de l’espace dans les périphéries urbaines est largement tributaire de ces rapports de force.
35Le chapitre 7 présente, quant à lui, l’organisation de ce que nous nommerons le « champ immobilier ». En centrant notre analyse sur les stratégies d’acteurs, nous verrons comment la pratique de l’activité immobilière revêt une dimension sociale et collective forte, qui nécessite la maîtrise de différentes formes de capitaux. Nous nous appuierons notamment sur la notion de « capital spatial » afin de rendre compte du rapport entre les informations et connaissances immobilières et les stratégies économiques des acteurs immobiliers.
36Enfin, le chapitre 8 s’attache à identifier les principales stratégies sociospatiales mises en place par les acteurs immobiliers pour atteindre leurs objectifs. Ces stratégies s’appuient sur un contrôle des flux informationnels dans l’espace, qui s’apparentent à des ressources de premier ordre dans la production, la recherche et la commercialisation des biens immobiliers. Nous verrons notamment que plusieurs lectures des relations entre les acteurs immobiliers et les espaces urbains sont possibles.
Notes de bas de page
1 L’immobilier, en khmer, se dit atchalna voetho.
2 Nous pouvons citer, pour la fin de l’année 2010 et à titre d’exemple, les articles de presse suivants : « Some See Hope of a Real Estate Recovery in ’11 », The Cambodia Daily, 30 novembre 2010 ; « Construction of Country’s Second Overpass St for This Month », The Cambodia Daily, 10 novembre 2010 ; « Housing Projects in Rise in Capital », The Phnom Penh Post, 23 novembre 2010 ; « How to Fund Purchases in Cambodia », The Phnom Penh Post, 25 novembre 2010.
3 D. Chandler, S-21 ou Le crime impuni des Khmers rouges, Paris, Autrement, 2002.
4 V. Deletage, Phnom Penh, renaissance d’une capitale sacrifiée, thèse de doctorat en géographie dirigée par G. Rossi, université Michel-de-Montaigne Bordeaux 3, 2006.
5 Nous entendons par « urbanité » l’ensemble des facteurs qui caractérisent un espace comme étant plus ou moins « urbain ». L’urbanité renvoie donc tant aux formes qu’aux fonctions particulières de la ville, ainsi qu’aux modes d’organisation sociale, politique et institutionnelle lui correspondant.
6 R. Séchet, I. Garat, D. Zeneidi (dir.), Espaces en transactions, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008.
7 En mentionnant l’expression maintenant popularisée de « ville ordinaire », nous faisons référence à l’ouvrage de J. Robinson, Ordinary Cities : Between Modernity and Development, Londres/New York, Routledge, 2006, qui appelle notamment à un décentrement géographique des recherches sur les « villes en développement » vers des villes situées largement à la marge des études urbaines, celles qui restent off the map, dont Phnom Penh pourrait tout à fait faire partie.
8 En écho à la note précédente, l’histoire récente de Phnom Penh évoquée plus haut en fait tout aussi bien une ville « extraordinaire », à la fois un cas d’étude unique et révélateur de dynamiques de production urbaines de nombreuses villes sud-est asiatiques et de pays dits « en développement ».
9 D. Lombard, « Pour une histoire des villes du Sud-Est asiatique », Annales. Économies, sociétés, civilisations, 4, 1970, p. 842-856 ; Id., « À propos de l’histoire des villes d’Asie du Sud-Est », dans P. Clément, S. Clément-Charpentier, C. Goldblum (dir.), Cités d’Asie, Marseille, Parenthèses, 1995, p. 99-106.
10 N. S. Ginsburg, « The Great City in Southeast Asia », The American Journal of Sociology, 60/5, 1955, p. 455- 462 ; R. Bishop, J. Phillips, W. W. Yeo, « Perpetuating Cities : Excepting Globalization and the Southeast Asia Supplement » dans Id. (dir.), Postcolonial Urbanism. Southeast Asian Cities and Global Processes, New York, Routledge, 2003, p. 1-36.
11 D. Forbes, Asian Metropolis. Urbanisation and the Southeast Asian City, Melbourne/New York, Oxford University Press, 1996.
12 T. G. McGee, « Têtes de ponts et enclaves. Le problème urbain et le processus d’urbanisation dans l’Asie du Sud-Est depuis 1945 », Revue Tiers Monde, 45/12, 1971, p. 142.
13 Id., The Southeast Asian City : ASocial Geography of the Primate Cities of Southeast Asia, Londres, G. Bell & Sons, 1967.
14 Id., « Emergence of Desakota Regions in Asia », dans N. Ginsburg, B. M. Koppel, T. G. McGee (éd.), The Extended Metropolis : Settlement Transition in Asia, Honolulu, University of Hawaii Press, 1991, p. 325.
15 R. De Koninck, Singapour : la cité-État ambitieuse, Paris, Belin/La Documentation française, 2006.
16 Les « dragons asiatiques », appelés aussi « nouveaux pays industrialisés », désignent la Corée du Sud, Taiwan, Hong Kong et Singapour.
17 Les nouveaux pays exportateurs, appelés aussi « tigres asiatiques » en référence aux dragons asiatiques, désignent la Thaïlande, la Malaisie, l’Indonésie, le Vietnam et les Philippines.
18 T. G. McGee, I. M. Robinson (éd.), The Mega-Urban Regions of Southeast Asia, Vancouver, UBCPress, 1995.
19 Outre les travaux précédemment cités, voir notamment : D. Forbes, Asian Metropolis. Urbanisation and the Southeast Asian City, Melbourne/New York, Oxford University Press, 1996 ; K. C. Ho, « The Global Economy and Urban Society in Pacific Asia », International Sociology, 12, 1997, p. 275-293 ; Id., « Globalization and Southeast Asian Urban Futures », Asian Journal of Social Science, 30, 2002, p. 1-7 ; M. Douglass, « Mega-Urban Regions and World City Formation : Globalisation, the Economic Crisis and Urban Policy Issues in Pacific Asia », Urban Studies, 37/12, 2000, p. 2315-2335 ; H.-D. Evers, R. Korff, Southeast Asian Urbanism. The Meaning and Power of Social Space, Singapour, Institut of Southeast Asian Studies, 2000 ; P. F. Kelly, Landscapes of Globalization : Human Geographies of Economic Change in the Philippines, Londres/New York, Routledge, 2000 ; M. Askew, Bangkok. Place, Practice and Representation, Londres/New York, Routledge, 2002 ; T. G. McGee, « Reconstructing The Southeast Asian City in an Era of Volatile Globalization », Asian Journal of Social Science, 30, 2002, p. 8-27 ; D. A. Smith, « Les villes mondiales en Asie orientale : analyse empirique et conceptuelle », Revue internationale des sciences sociales, 181, 2004, p. 447-461 ; G. Shatkin, « Global Cities of the South : Emerging Perspectives on Growth and Inequality », Cities, 24/1, 2006, p. 1-15 ; Id., « The City and the Bottom Line : Urban Megaprojects and the Privatization of Planning in Southeast Asia », Environment and Planning A, 40/2, 2008, p. 383-401 ; A. Ong, A. Roy (éd.), Worlding Cities : Asian Experiments and the Art of Being Global, Malden/Oxford/Chichester, Wiley/Blackwell, 2011.
20 J. Friedmann, « The World City Hypothesis », Development and Change, 17, 1986, p. 69-84.
21 S. Sassen, The Global City : New York, London, Tokyo, Princeton, Princeton University Press, 1991.
22 A. J. Scott (dir.), Global City Region : Trends, Theory, Policy, Oxford, Oxford University Press, 2001.
23 H. W. Dick, P. J. Rimmer, The City in Southeast Asia : Patterns, Processes and Policy, Honolulu, University of Hawaii Press, 2009.
24 Id., « Beyond the Third World City : The New Urban Geography of Southeast Asia », Urban Studies, 35/12, 1998, p. 2303-2321.
25 A. Haila, « State-Present Capitalism : Property and Development Companies in Singapore », Entreprises et histoire, 30, 2002, p. 63-72 ; X. Guillot, « Flux économiques, transferts d’expertises et production immobilière haut de gamme en Asie orientale », Géocarrefour, 80/3, 2005, p. 171-181.
26 X. Guillot, « Singapour : l’urbanisation du Sud dans le prisme de la mondialisation », Autrepart, 41, 2007, p. 165-179.
27 « Dans les pays anglo-saxons, le terme condominium s’applique à une forme d’acquisition immobilière dans laquelle plus d’un propriétaire partage la propriété, l’usage, et la responsabilité de parties communes. Littéralement, ce terme d’origine latine veut dire : avoir le contrôle (dominium) d’un bien spécifique acquis en commun avec (con-) une ou plusieurs personnes. […] Cette forme d’habitat s’est ensuite répandue en Amérique centrale, au Mexique et en Amérique du Sud, au Brésil notamment, où elle a été élevée au statut de logement plus spécifiquement “haut de gamme”, pour une population essentiellement locale. Dans les années 1970-1980, l’usage de ce type d’habitation s’est étendu à l’Asie orientale » (ibid., p. 173).
28 C. Goldblum, « Dynamique urbaine et métropolisation en Asie du Sud-Est : une perspective à partir de Bangkok et de Singapour », Annales de géographie, 671-672, 2010, p. 174-180.
29 J. W. Jones, « Southeast Asian Urbanization and the Growth of Mega-Urban Regions », Journal of Population Research, 19/2, 2002, p. 119-136 ; M Franck, « Diffusion spatiale de l’urbanisation et de l’industrialisation et formation d’une région urbaine : le cas de Surabaya, en Indonésie », Annales de géographie, 671-672, 2010, p. 69-92.
30 D. Harvey, The Urbanization of Capital : Studies in the History and Theory of Capitalist Urbanisation, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 1985.
31 S. Leung, « Integration and Transition – Vietnam, Cambodia and Lao PDR », dans T. Henckel (éd.), Sustaining Development and Growth in East Asia, New York, Routledge, 2012, p. 271-311.
32 Traduit communément en français par « renouveau ».
33 F. Castiglioni et al. (dir.), La ville vietnamienne en transition, Hanoi/Ho Chi Minh Ville/Paris, Institut des métiers de la ville de Hanoi/Centre de prospective et d’études urbaines/Karthala, 2006 ; F. Quertamp, La population urbaine au Viet Nam : définition, répartition et évolution entre 1979 et 1999, Hanoi, Institut des métiers de la ville de Hanoi, 2004 ; Id., « La périurbanisation de Hanoi. Dynamiques de la transition urbaine vietnamienne et métropolisation », Annales de géographie, 671-672, 2010, p. 93-119 ; J. A. Boudreau, D. Labbé, « Les nouvelles zones urbaines à Hanoi : ruptures et continuités avec la ville », Cahiers de géographie du Québec, 55, 2011, p. 131-149.
34 Les investissements directs étrangers désignent des flux de capitaux internationaux émanant d’une entreprise étrangère qui alimente le capital de sa filiale ou rachète plus de 50 % des parts d’une entreprise locale.
35 C. Sayarath, Vientiane, portrait d’une ville en mutation, Paris, Éditions Recherches, 2005 ; S. Clément-Charpentier et al., Vientiane, architectures d’une capitale : traces, formes, structures, projets, Paris, Éditions Recherches/IPRAUS, 2010.
36 P. Tissandier, « Réorganisation spatiale à Vientiane : entre ouverture économique et importation de modèles de développement urbain », Annales de géographie, 671-672, 2010, p. 120-136.
37 G. Shatkin, « “Fourth World” Cities in the Global Economy : The Case of Phnom Penh, Cambodia », International Journal of Urban and Regional Research, 22, 1998, p. 378-393.
38 Les métropoles secondaires en Asie du Sud-Est montrent des signes de « métropolisation » (intégrations économiques régionales, capacité d’attirer des flux de capitaux étrangers, inscription territoriale au sein de sous-régions économiques, etc.) sans constituer pour autant des centres métropolitains effectifs. Elles se présentent ainsi comme des interfaces-relais de grandes métropoles régionales et parfois mondiales, tout en restant fortement ancrées à leur territoire national (voir C. Goldblum, M. Franck, « Les villes aux marges de la métropolisation en Asie du Sud-Est », L’espace géographique, 36/3, 2007, p. 229-236).
39 C. Goldblum, « Dynamique urbaine et métropolisation… », art. cité.
40 N. Aveline-Dubach, Immobilier : l’Asie, la bulle et la mondialisation, Paris, CNRS Éditions, 2008.
41 E. Charmes, « Flux internationaux de capitaux et bulles spéculatives métropolitaines. Le cas de Bangkok et de la Thaïlande », dans A. Osmont, C. Goldblum (dir.), Villes et citadins dans la mondialisation, Paris, Karthala, 2003, p. 91-105.
42 J. Kim, S.Y. Lee, D. Mc. George, « The Rise and Fall of Real Estate Trust Institutions in Korea », communication à la conférence internationale « 2002 AsRES/AREUEA Joint International Conference », Séoul (4-6 juillet 2002).
43 H.-D. Evers, « Group Conflict and Class Formation in South-East Asia », dans Id. (éd.), Sociology of South-East Asia : Readings on Social Change and Development, New York, Oxford University Press, 1980, p. 247-261 ; R. Korff, « Who has Power in Bangkok ? », International Journal of Urban and Regional Research, 10/3, 1986, p. 330-350 ; G. Rodan, K. Hewison, R. Robison (éd.), The Political Economy of South-East Asia : Markets, Power and Contestation, Oxford, Oxford University Press, 2006.
44 J. Rüland (éd.), The Dynamics of Metropolitan Management in Southeast Asia, Singapour, Institute of Southeast Asia, 1996.
45 Au sein de l’ouvrage édité par G. Rochigneux (G. Rochigneux [éd.], Cambodge soir. Chroniques sociales d’un pays au quotidien, Phnom Penh, Irasec/Les Éditions du Mékong/Aux lieux d’être, 2005), voir notamment la partie intitulée « Les terres ».
46 La multiplication depuis le milieu des années 2000 de blogs, de sites Internet et de pages de réseaux sociaux dédiés exclusivement aux projets urbains à Phnom Penh ou à la construction d’infrastructures témoigne de l’attrait pour la transformation contemporaine de la capitale cambodgienne. Nous pouvons citer à titre d’exemple les blogs http://projectscambodia.blogspot.com/ et http://constructingcambodia.wordpress.com, le site Internet http://www.skyscrapercity.com/ – qui recense les projets de construction à travers le monde et notamment à Phnom Penh –, ou encore la page Facebook Project Cambodia.
47 H. W. Dick, P. J. Rimmer, The City in Southeast Asia…, op. cit.
48 Un système peut être défini comme un tout structuré par des éléments interdépendants et ayant une fonction précise. La production évoque quant à elle une activité générant un objet matériel ou immatériel. En économie plus particulièrement, la production correspond aux actions humaines permettant de créer des biens et des services. En partant de ces définitions, nous pouvons définir le « système de production d’espaces urbains » comme un ensemble de pratiques et de procédés interdépendants et organisés permettant à l’homme de produire des espaces urbains pour en tirer un bénéfice.
49 H. Lefebvre, La production de l’espace, 4e éd., Paris, Anthropos, 2000 [1974].
50 Voir G. Fauveaud, Produire la ville en Asie du Sud-Est. Les stratégies sociospatiales des acteurs immobiliers à Phnom Penh, Cambodge, thèse de doctorat en géographie dirigée par T. Sanjuan, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, 2013, chap. 1, « L’immobilier : une question éminemment sociospatiale ».
51 N. Smith, Uneven Development : Nature, Capital and the Production of Space, Oxford, Blackwell, 1990 ; Id., The New Urban Frontier. Gentrification and the Revanchist City, Londres/New York, Routledge, 1996 ; E. W. Soja, Postmetropolis : Critical Studies of Cities and Regions, Oxford, Blackwell, 2000 ; D. Harvey, Spaces of Capital : Towards a Critical Geography, New York, Routledge, 2001.
52 R. Séchet, V. Veschambre, « Introduction générale », dans Id. (dir.), Penser et faire la géographie sociale : contributions à une épistémologie de la géographie sociale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2006, p. 7-24.
53 H. Lefebvre, La production de l’espace, op. cit.
54 N. Aveline-Dubach, Immobilier : l’Asie, la bulle et la mondialisation, op. cit.
55 L. Halbert, J. Henneberry, F. Mouzakis (éd.), « Finance, Business Property and Urban and Regional Development », Regional Studies, 48/3, 2014, p. 421-564.
56 T. Theurillat, P. Rérat, O. Crevoisier, « Les marchés immobiliers : acteurs, institutions et territoires », Géographie, économie, société, 16/2, 2014, p. 233-254.
57 D. Harvey, Géographie de la domination, Paris, Les Prairies ordinaires, 2008.
58 P. Bourdieu, Les structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2002.
59 D. Harvey, Géographie et capital. Vers un matérialisme historico-géographique, Paris, Syllepse, 2010.
60 Les données utilisées au sein de cet ouvrage ont été récoltées entre 2006 et 2013. Un peu plus de 500 enquêtes qualitatives et quantitatives ont été réalisées auprès de ménages habitant dans trois espaces périphériques (voir le chapitre 3). Notre méthodologie croise des enquêtes semi-directives auprès de ménages dans le but de constituer une base de données et l’élaboration de biographies individuelles aidant à comprendre, par l’histoire orale, les trajectoires de vie des habitants interrogés. Par ailleurs, les représentants institutionnels locaux (police, élus municipaux, représentants de quartiers) ont fait l’objet d’entretiens systématiques, tout comme, lorsque cela fut possible, les principaux investisseurs immobiliers locaux. Nous avons aussi mené de nombreux entretiens avec les différents acteurs de la production immobilière (institutions étatiques, agences immobilières, investisseurs, compagnies internationales, intermédiaires diverses, etc.). Enfin, un travail important d’observation participante a été réalisé en 2008 à la municipalité de Phnom Penh. Pour une description complète de la méthodologie d’enquête utilisée, voir G. Fauveaud, Produire la ville en Asie du Sud-Est…, op. cit., « Introduction générale », p. 9-48.
61 M. Foucault, Naissance de la biopolitique : cours au Collège de France (1978-1979), Paris, Gallimard/Seuil, 2004.
62 J. M. Jacobs, « Urban Geographies I : Still thinking Cities Relationally », Progress in Human Geography, 36/3, 2012, p. 412-422 ; O. Söderström, Cities in Relations. Trajectories of Urban Development in Hanoi and Ouagadougou, Malden/Oxford, Wiley/Blackwell, 2014.
63 E. J. McCann, K. Ward (dir.), Mobile Urbanism : Cities and Policymaking in the Global Age, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2011.
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