Partie 1. La maille : analyser les marges suburbaines
p. 21
Texte intégral
1Faire une géographie du lotissement planifié peut paraître décalé : après tout, il y a des catégories bien pratiques déjà : le suburbain, ou même le post-suburbain (Lucy et Phillips, 1997 ; Keil et Young, 2011), ce dernier étant défini par des relations réticulaires à la métropole et la montée en puissance des relations domicile-travail entre espaces périphériques, au détriment des relations pendulaires centre-périphérie. Cette catégorie correspondrait d’ailleurs bien, dans une comparaison avec la France, à la définition statistique du périurbain qui suppose discontinuité du bâti et réticularité des modes de fonctionnement quotidiens (navettes domicile-travail). Mais on sait que cette définition est inadéquate, dans le cadre d’une ville à la fois étalée, polycentrique et en renouvellement constant : le contexte périurbain est en constant réajustement et hésite entre la poursuite de l’étalement sur des distances de plus en plus grandes et la restructuration interne des espaces périphériques dans des logiques de proximité et de densification (Dodier, 2012, p. 33). La notion de suburb paraît a priori plus simple, mais l’on est toujours embarrassé par le suburbain, qui peut être continu et aréolaire (les premières couronnes des suburbs sont alors des banlieues intégrées), en nappe (sprawl) ou fragmenté, quand on parle des grands lotissements de promoteur qui fabriquent la métropole sur ses marges.
2Mon propos est donc de discuter la forme et de préciser ce que le lotissement de promoteur traduit des dynamiques métropolitaines, afin de justifier une approche par cette maille territoriale. Il s’agit d’une part de dénouer les fils des catégories : celles qui servent à décrire la croissance suburbaine, tant dans ses formes que dans sa fragmentation et sont prises dans un effet de miroir entre le regard français et un modèle américain ; mais aussi celles qui servent à mesurer cette croissance, pour démontrer que le recours quasi systématique à des mailles trop englobantes ne permet pas de mesurer de manière adéquate ce qui se passe sur les marges (chapitre 1). Deux questions sont alors posées. La première aborde ce que R. Keil qualifie d’environnement produit par les acteurs et les stratégies : comment se structure la promotion immobilière (grands promoteurs et petits promoteurs régionaux) et comment opèrent ces acteurs, selon quelles contraintes sur les espaces vacants, pour produire encore du suburbain ? Partant de l’évident découpage de l’espace résidentiel des marges suburbaines en grands lotissements, le chapitre 2 déploie le registre de la production « en grand » et analyse l’objet des lotissements planifiés de promoteurs, en proposant d’en faire l’unité de base de la démarche de recherche.
3La seconde série de questionnements visent à construire une ontologie du lotissement : quels liens peut-on établir entre la forme urbaine (d’enclavement) et des projets de territorialisation et d’homogénéité sociale ? La généalogie des lotissements planifiés (banlieues romantiques et villes nouvelles) apporte des éléments de réponse, qui se confirment dans les doctrines d’urbanisme : les boucles, impasses et raquettes ne traduisent pas qu’une rationalité économique, mais sous-tendent l’organisation sociale et territoriale des lieux (chapitre 3).
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