Chapitre 6. L’urbanisme : une assurance
p. 59-60
Texte intégral
1Cette revue de différents travaux scientifiques montre donc la contribution majeure de l’urbanisme à la gestion des mobilités. S’il faut se défaire d’une illusion et d’un piège, il faut rappeler qu’urbanisme et transport sont toujours intimement liés, ce qui conduit à privilégier un urbanisme anticipateur et assurantiel.
2L’illusion « morphologique » est à dissiper. Nous avons vu qu’il n’y a pas de relations simples et directes entre formes urbaines et mobilités, puisque la répartition des fonctions au sein d’une ville ainsi que les caractéristiques du système de transport sont également importantes. Il n’existe pas de ville idéale sur le plan des mobilités ; il y a un ensemble de solutions qui nous semblent pouvoir contribuer à faciliter des accessibilités non automobiles, qui tiennent autant à la planification de l’usage des sols qu’à la gestion de la mobilité. Les termes d’« agencement territorial » nous paraissent ainsi plus appropriés que ceux de « forme urbaine » pour cerner les liens entre le territoire et la mobilité. Aurélien Delpirou, dans sa thèse sur les transports et l’urbanisation dans la Rome contemporaine, propose les termes de « configuration territoriale » (2009, p. 100 et suiv.) pour dépasser les apories de la question de la densité et proposer une approche plus globale de l’articulation entre le territoire et le réseau. La notion d’agencement territorial, très proche, désigne le couple formé par une organisation des réseaux de transport et une distribution spatiale des fonctions urbaines.
3Le piège est de mesurer les bienfaits de l’urbanisme à leur « équivalent-carbone ». Les possibles contributions de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire aux enjeux énergétiques et climatiques ont un coût élevé, par les politiques foncières qu’elles exigent, les investissements massifs dans les transports en commun qu’elles impliquent, etc. Trop élevé, dira l’économiste qui cherche le coût marginal de réduction de la tonne de carbone. Mais évaluer ces investissements à leur seul effet sur les émissions de gaz à effet de serre ne permet pas de prendre en compte tous leurs atouts, dira l’urbaniste, soucieux d’abord de qualité urbaine. En effet, les principes d’aménagement qui découlent des observations en matière de consommations énergétiques (renforcement des liaisons piétonnières, amélioration des réseaux de transports collectifs, plus grande imbrication des logements et des activités, etc.) ont aussi des vertus dans les domaines social, environnemental ou économique. La question des gaz à effet de serre apparaît à la fois comme une chance pour ceux qui désirent une politique d’aménagement du territoire plus respectée et une menace si l’on tente de réduire ses apports à leurs seuls « équivalents-carbone ». Par ailleurs, et c’est la deuxième limite de cette critique « au nom des faibles effets » des politiques d’urbanisme, il y a une très forte interaction entre les différentes composantes des politiques de régulation de l’usage de l’automobile. Même amélioré, un moteur polluera d’autant moins que son usage est réduit par un agencement territorial qui favorise les proximités.
4Le constat est celui de l’indépassable lien entre urbanisme et transport. Si l’automobile donne l’illusion d’une ubiquité totale, le temps, le confort, l’argent et les capacités individuelles restent des facteurs limitatifs fondamentaux aux déplacements. Aussi apparaît-il important d’anticiper les éventuelles limitations futures au système de mobilité. L’énergie et son coût restent le talon d’Achille du système territorial actuel. Comment agir ? Non en bridant systématiquement l’usage de l’automobile, mais en anticipant un agencement territorial qui permette, à court ou à long terme, des alternatives à son usage. Pourquoi ? Parce que cela peut contribuer à atténuer l’effet des mutations à venir, notamment pour les plus pauvres.
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