Police des ports et dans les ports : Marseille, le Havre et Cherbourg (années 1820-1930)
p. 51-66
Texte intégral
1En 1910, le président de la chambre de commerce d’Annonay écrit à son confrère marseillais un courrier dans lequel il déplore les trop nombreux vols en cuirs et peaux commis dans le port phocéen. Il poursuit : « Nous avons supprimé le port de Marseille pour [leurs] expéditions à Buenos-Ayres », remarquant que « jamais par les autres ports nous n’avons eu de pareilles soustractions1 ». Forte de plusieurs plaintes de ce type, la chambre de commerce de Marseille demande au préfet des Bouches-du-Rhône, et obtient, l’organisation d’une force de police originale, dite « des quais », dévolue à la surveillance du transit marchand dans les espaces portuaires.
2Tout ceci s’inscrit à la croisée de deux histoires : celle des ports et de leur modernisation au xixe siècle, dans le contexte de l’industrialisation et de la deuxième mondialisation, qui voit s’intensifier les échanges internationaux et donc les circulations d’hommes et de marchandises dans les espaces portuaires ; celle des polices, en tant qu’institutions du maintien de l’ordre et de la surveillance, de plus en plus professionnalisées, étoffées et variées - et elles-mêmes en mutation.
3Diverses questions se posent. Dans quelle mesure l’activité économique portuaire suppose-t-elle l’organisation de polices dédiées ? Est-ce que la croissance de l’activité a un impact sur cette organisation ? En quoi la mise en œuvre de polices dédiées, dans les ports, informe-t-elle l’histoire plus générale de la police et des polices à l’époque contemporaine ? Pour éclairer ces questions, nous prendrons en considération les deux plus grands ports de commerce français contemporains : Marseille et Le Havre, et en contrepoint Cherbourg, port militaire à l’activité commerciale bien plus réduite jusqu’à l’explosion du trafic voyageur dans les années 19002. Notre objectif sera de montrer que la police dans les ports est un domaine de leur « adaptation permanente3 » à la nouvelle donne économique internationale, en montrant que le mot « police », pour les ports, superpose « bonne » police et « forces » de police, puis la diversité de la surveillance policière d’un port à l’autre.
La police des ports, ou l’administration des circulations portuaires au xixe siècle
4Bruno Marnot a introduit dans l’histoire des ports au xixe siècle la notion d’adaptation permanente, pour désigner l’ensemble des transformations portuaires mises en œuvre par les acteurs locaux en relation avec les représentants de l’État, en vue d’assurer l’attractivité de leurs établissements, soumis à une concurrence internationale accrue par la baisse tendancielle du coût du fret. Il est certain que les grands projets et travaux d’aménagement des infrastructures portuaires sont la marque la plus visible de cette dynamique, tant par leur coût que par leur impact sur les paysages portuaires et, par-delà, urbains4. Moins visibles, mais néanmoins réels, sont les changements institutionnels et organisationnels de ces espaces, que l’on peut aborder par exemple sur le plan policier.
5La question est vaste et dépasse le seul domaine de la police en tant qu’institution de la surveillance et du maintien de l’ordre, dans la mesure où, au xixe siècle, la « police des ports » continue de désigner leur administration en vue de leur garantir un bon ordre économique et social, favorable au commerce. On a longtemps considéré que la période de la Révolution et de l’Empire marque la rupture entre une conception de la police « classique » et héritée des temps médiévaux, au sens de « bonne police » ou « bon gouvernement » des hommes et des choses, incarnée par des hommes, certes, mais aussi des règlements, et une conception contemporaine de la police comme incarnée par des agents composant des corps organisés et dirigés en vue d’assurer surveillance et sécurité. On oppose aujourd’hui à cette représentation tranchée une appréhension plus nuancée, soulignant les continuités entre l’Ancien Régime et le xixe siècle, qu’il soit question de ce que « fait » la police, ou encore de la survivance du mot « police », au sens où on l’entendait sous l’Ancien Régime5. C’est le cas dans le domaine des voiries, qui d’ailleurs relève juridiquement de la « simple police », donc aussi bien de la réglementation de la prostitution, comme de nombreux historiens l’ont souligné, que de celle des espaces portuaires. Si les institutions maritimes d’Ancien Régime ont été détricotées (en particulier les amirautés), la Révolution et l’Empire innovent peu en matière de police portuaire. De ce fait, la police dans les ports de commerce est, à la veille des années 1820, largement héritée de l’Ancien Régime et de nature réglementaire. Le règlement de la police des ports énoncé à Marseille en 1817 par le préfet des Bouches-du-Rhône, le comte Villeneuve-Bargemont, le montre très bien, parce que son auteur a pris le soin d’indiquer, pour les articles qui le nécessitaient, les textes juridiques de référence. Or les deux tiers des 51 articles se fondent sur des ordonnances royales prises entre 1681 et 17596. Onze articles sont inédits et six seulement se fondent sur des lois, décrets et règlements postérieurs à 1789, et notamment sur le règlement de police du port de Marseille encore en vigueur, publié le 24 avril 1792.
6Au printemps 1792, les ports de commerce sont à la veille d’une crise majeure : le négoce maritime souffre en effet très fortement des conflits qui se succèdent, entre 1793 et 1815, et il faut attendre le lendemain des guerres napoléoniennes, soit le retour de la paix, pour voir les échanges et donc les circulations maritimes et portuaires recommencer7. C’est dans ce contexte que de nouveaux règlements de police sont énoncés, au moins dans les trois ports étudiés ici : Marseille dès 1817, puis Le Havre, de nouveau Marseille et Cherbourg, respectivement en 1829, 1830 et 18328. La période censitaire fait contraste avec les décennies du tournant du xviiie siècle, qui furent peu actives en matière de police des ports, sans doute en raison de la faiblesse de l’activité9. À l’inverse, en effet, la reprise, ou du reste l’espoir de reprise, du commerce paraît motiver le toilettage des règlements et le rappel des règles, dans la première décennie de la monarchie constitutionnelle. Ainsi lit-on dans les considérants du règlement marseillais de 1817 : « […] L’état de langueur et de nullité du commerce maritime de Marseille, durant les troubles, les guerres et les désordres qui ont fait, pendant l’absence du souverain légitime, le malheur des Français, a entraîné l’inexécution des lois et règlements sur la police du port de Marseille », or l’« augmentation progressive qui se fait remarquer tous les jours » accroît les « mouvements journaliers », ce qui nécessite « qu’il soit pris, sans aucun délai, des mesures de police ». Un projet de préambule du règlement cherbourgeois de 1832, finalement abandonné, indique de son côté : « L’ordonnance de 1681 qui sert encore de base à tous les règlemens [sic] des ports de commerce est loin de suffire à l’état actuel de plusieurs d’entre eux qui par suite d’événemens [sic] survenus de nos jours, ont reçu un accroissement considérable. Cherbourg est particulièrement dans ce cas : un port de Roi a été créé, le port & le bassin de commerce peuvent maintenant donner asile à plus de 500 bâtimens [sic] : il a donc paru nécessaire de faire un nouveau règlement de police dont les dispositions fussent en harmonie avec tout ce qui doit se rattacher à cette nouvelle situation10. »
7La « police » portuaire désigne bien, dans ces textes, un ensemble de dispositions destinées à « gouverner » les espaces portuaires afin d’assurer leur bon ordre et la sécurité, en leur sein, des biens et des personnes. Voici par exemple les objets couverts par le règlement marseillais de 1817 :
« […] déterminer de manière positive les droits et les devoirs des ouvriers, des gens
de mer, des capitaines, des armateurs et des officiers de port, et ce qui concerne
l’entrée et la sortie des navires ;
L’amarrage, les chargements et déchargements ;
La garde des bâtiments ;
Les précautions contre les incendies ;
Le calfatage, radoubage, lestage et délestage des bâtiments ;
L’entretien et la conservation des quais ;
Les débris des vieux bâtiments ;
Les bouées, balises et signaux ;
La police et sûreté des bâtiments ;
Les officiers de port ;
La compétence et application des amendes. »
8Une partie des dispositions organisent la circulation des navires sur l’eau mais aussi les conditions de leur stationnement à quai, les délais et les modalités de chargement et déchargement des cargaisons, et enfin les règles d’occupation et d’usage des quais. L’objectif est d’éviter tous les types d’encombrement susceptibles de gêner le trafic maritime comme terrestre. Un autre ensemble d’articles visent plutôt la sécurité et la protection des infrastructures portuaires comme des navires, en particulier en matière d’incendie.
9Trois des quatre règlements étudiés ici sont arrêtés par le préfet (ce qui semble la règle, le règlement marseillais du 25 novembre 1830, pris par arrêté municipal, faisant exception11). Les archives cherbourgeoises suggèrent, cependandt que les municipali- tés prennent largement part à l’élaboration des textes, qui résultent en réalité d’une navette entre échelons préfectoral et municipal, d’une part, et d’échanges entre ports, de l’autre. À Cherbourg, en janvier 1832, la municipalité prend l’initiative de réunir une commission de treize membres pour élaborer le projet de règlement. Ces membres sont choisis parmi les « personnes les plus notables, qui par les professions qu’elles ont exercées ou les hauts emplois qu’elles occupent encore se trouvent le plus dans le cas de coopérer par le concours de leurs lumières et de leur expérience à la formation d’un nouveau règlement ». On y trouve le capitaine du port, l’ingénieur en chef des travaux hydrauliques, deux membres du conseil municipal (portés par la suite à quatre), le président de la chambre de commerce, un courtier maritime, deux négociants, trois capitaines de navire (puis deux), et deux constructeurs de navires12, soit un ensemble d’élus locaux, de représentants des milieux d’affaires et d’experts en matière portuaire, formant, avec les représentants de l’État en région (qu’il s’agisse des préfets ou du personnel des Ponts et Chaussées), le noyau dur de la politique portuaire tout au long du siècle.
10Jusqu’en 1867, cette police portuaire est confectionnée à l’échelon local, parce que l’État n’intervient pas, sinon par l’entremise du préfet, qui arrête les règlements après validation ministérielle. Pour autant, on ne peut que relever la très grande similarité des textes, qui visent les mêmes matières, à quelques détails près. Outre que ces règlements puisent tous dans le même répertoire juridique, ils circulent d’un port à l’autre, ce qui favorise leur ressemblance : ainsi en 1832 à Cherbourg, la commission écrit le règlement à partir de celui pris au Havre trois années plus tôt. Les deux villes rénovent encore leurs règlements à peu d’intervalle, à Cherbourg le 20 septembre 185613, au Havre le 10 juin 185714.
11La dimension décentralisée de cette régulation portuaire est réduite à compter du 28 février 1867, le ministère des Travaux publics établissant alors un règlement général de police fixant, pour tous les ports maritimes français, un cadre commun dans lequel les règlements de police locaux doivent s’inscrire, sous l’égide des préfets15. Cette initiative s’inscrit dans la politique maritime du Second Empire, qui vise à doter la France en grands ports compétitifs, dans un contexte de libéralisation des échanges. Les règlements des trois ports sont reformulés en conséquence, le préfet de la Manche énonçant un nouveau « règlement général de la police des ports de commerce du département de la Manche », applicable donc à Cherbourg, le 10 juin 186716. Cette intervention étatique ne met toutefois pas fin à des réajustements locaux incessants, par des arrêtés préfectoraux qui viennent s’ajouter au règlement général du port, et toujours inspirés de réformes réalisées dans d’autres ports. On relèvera notamment pour Cherbourg la réglementation des manutentions de pétrole et autres matières inflammables (1870), Cherbourg étant, avec Saint-Vaast, dans la Manche, le seul port de transit de ces matières ; on retiendra encore la réglementation de la circulation sur le pont tournant et aux abords de l’écluse (1874), ou encore les modifications des délais de chargement et de déchargement des navires (1916)17. Dans ces sources du dernier tiers du xixe siècle, la municipalité tend à s’effacer devant la préfecture et les ingénieurs des Ponts et Chaussées. En 1890, la commission constituée pour examiner les questions relatives au transport des matières dangereuses, en exécution de la circulaire ministérielle du 28 juin 1890, est préfectorale. Elle ne compte pas d’élus municipaux, mais le capitaine du port de Cherbourg, deux ingénieurs du port, deux anciens armateurs (dont l’un est président du tribunal du commerce et l’autre son prédécesseur), un professeur de chimie et un entrepositaire de pétrole18. Ainsi, continûment, règlements et arrêtés préfectoraux modulent la police des ports qui apparaît comme un pan de cette politique portuaire en adaptation permanente aux mutations des conditions de la navigation et des orientations stratégiques des établissements.
12Cette « bonne » police des ports, rendue publique par voie d’affichage, comprend un volet répressif, le non-respect des règlements pouvant donner lieu à des poursuites. Les officiers de port (capitaines, lieutenants) et leurs agents (par exemple les pontiers, les éclusiers) ont le pouvoir de dresser les procès-verbaux19. Mais les agents habilités à assurer la protection et faire respecter les usages du domaine public se diversifient au xixe siècle. Les procès-verbaux peuvent légalement être dressés par les maires et leurs adjoints, les personnels des ports (par exemple, agents de la navigation, ingénieurs des Ponts et Chaussées), les commissaires de police et les gendarmes (loi du 29 floréal an X), auxquels s’ajoutent, en vertu de la loi du 23 mars 1842, d’autres agents des Ponts et Chaussées, les piqueurs ou les agents « ayant une compétence spéciale pour la surveillance d’ouvrages publics déterminés ». Enfin, certains règlements mentionnent les commissaires de police et les « autres agents » habilités à dresser des procès-verbaux, tels par exemple les agents de police municipaux20. Les différents règlements de police portuaire mentionnent l’éventualité de poursuites en correctionnelle ou aux assises, pour le cas où les infractions constatées se révéleraient être des délits ou des crimes21. Mais seuls les règlements de Marseille et du Havre comportent des sections visant à prévenir les dommages éventuels opérés sur les équipements portuaires, les navires et les cargaisons - et notamment les vols. Le règlement marseillais de 1830 insiste particulièrement sur la prohibition des circulations nocturnes dans le port et sur la protection des navires et des cargaisons, soulignant le risque de poursuites en justice correctionnelle ou criminelle22. Néanmoins, ce cas est singulier. La « bonne police » portuaire relève de la grande voirie, et les entorses aux règlements renvoient leurs auteurs devant le conseil de préfecture. En cas de procès-verbal constatant une infraction, le préfet décide ou non de poursuivre, autrement dit de citer le contrevenant à comparaître devant le conseil de préfecture. Ce dernier délivre, lors de la comparution de l’infracteur s’il y a lieu, une amende, éventuellement assortie de peines complémentaires, mettant par exemple le contrevenant en demeure de réaliser ou de financer une action réparatrice.
13Les fonds conservés aux archives départementales de la Manche montrent que les poursuites visent des infractions à la circulation et à la station dans le port de Cherbourg : des dépôts de gravats, matériaux, ou débris, non autorisés ou prolongés sur les quais, l’installation de pancartes interdites, l’abandon d’épaves dans les eaux du port, ou le non-respect des règles de circulation sur le pont tournant. Les contrevenants sont généralement des entrepreneurs, des capitaines, des armateurs, des négociants, rappelés à l’ordre par le personnel administratif du port : surveillants, ingénieurs ordinaires ou en chef des Ponts et Chaussées, sous l’égide de la Capitainerie. Ces contrevenants prennent très souvent la plume pour obtenir un aménagement des règles ou des remises d’amende, et sont souvent entendus. L’administration du port, la municipalité et la préfecture ménagent en effet ces acteurs économiques importants. En 1840, le lieutenant du port demande au maire de rappeler à l’ordre les négociants qui ne respectent pas les délais d’usage pour la station sur les quais des marchandises en cours de transit. Il ajoute solliciter son intervention pour ne pas devoir multiplier les procès-verbaux et ainsi « perdre considérablement de temps en prenant un ton de récrimination qui indispose toujours le commerce23 ». Quant aux amendes, elles sont plutôt modestes, en tout cas à Cherbourg à la fin du xixe siècle : 16 francs d’amende, une peine « atténuée » à la demande de l’ingénieur d’arrondissement, pour M. Drouet, en infraction à la circulation sur le pont tournant en 1882, démolition de leurs pancartes non autorisées pour MM. Lepont & fils en 1897, amende encore une fois minimale - souhaitée telle par les poursuivants - à l’encontre de Humel, entrepreneur à Cherbourg, pour avoir en novembre 1906 laissé séjourner du sable sur le terre-plein nord-ouest de l’avant-port24.
14Quoiqu’investis du pouvoir de dresser un procès-verbal, les commissaires de police et leurs agents n’interviennent pas en ces matières, en tout cas à Cherbourg. Pour autant, les ports ne sont pas vides de policiers. Outre que les agents interviennent dans d’autres buts, les grands ports expérimentent au cours de la période des polices dédiées à la surveillance et à la sécurité des trafics marchands et voyageurs.
Des forces de police dans les ports
15Les forces de police urbaines interviennent évidemment dans les espaces portuaires des trois villes, parce que, tout en faisant partie du domaine public - ce qui les soumet à une réglementation de police de la voirie particulière -, ils font aussi partie des espaces urbains. Ainsi, les polices locales, qu’elles soient purement municipales ou étatisées, comme c’est le cas à Marseille à partir de 1908, s’y déplacent et y interviennent, en particulier dans leurs missions de police judiciaire, soit de poursuite des infractions et de réalisation des enquêtes, en auxiliaires de la justice. On observe du reste, dans les trois villes, que les pouvoirs publics établissent puis modifient à plusieurs reprises un découpage policier de l’espace en sections ou arrondissements de police, comprenant le rivage - et donc les espaces portuaires. Le zonage permet de distribuer les effectifs et le travail de la police, sous l’égide de commissariats. Ainsi, à Cherbourg, deux arrêtés municipaux successifs dessinent, en 1840 puis 1849, cette carte policière de la ville-port. Centrés sur la mairie (le premier arrondissement de police est chaque fois celui qui abrite l’hôtel de ville), ces plans segmentent le port en trois, puis quatre arrondissements de police, dépendants en outre, en 1849, de deux commissariats complémentaires.
16À Marseille et au Havre, les espaces portuaires sont segmentés en plusieurs arrondissements ou sections de police. Les archives policières havraises ne donnent à connaître qu’un seul découpage que l’on sait en place en 1903. Le Havre est alors divisé en six sections de police dont trois (1, 2 et 6) couvrent une partie du port25.
17À Marseille, le découpage policier fluctue, mais il segmente aussi en plusieurs portions les espaces du port. Dans les trois cas, le découpage privilégie les quartiers les plus centraux des villes - la surveillance y est d’autant plus intense que leur superficie est réduite, alors que les zones périphériques sont chaque fois plus vastes. La segmentation des espaces portuaires dans plusieurs zones signifie la volonté d’équilibrer le travail des commissariats de quartier concernés, tout en indiquant que les quais font partie intégrante de l’espace urbain : on peut les supposer incorporés dans les rondes quotidiennes des agents. C’est dire aussi qu’ils n’appellent pas, du point de vue des pouvoirs publics détenteurs localement du pouvoir de police, une mobilisation telle qu’il faudrait instituer une surveillance policière particulière.
18Il en va différemment du point de vue de la sécurité nationale à compter du Second Empire, parce que l’État impérial crée une police spéciale chargée de surveiller les circulations ferroviaires puis maritimes, à partir de 1861. En 1854, elle compte trente commissaires dits des « chemins de fer ». Quoique le nom, les effectifs et la répartition spatiale de cette police fluctuent, la Troisième République la pérennise26. Police spéciale des « chemins de fer, des ports et des frontières » en 1861 ou des « chemins de fer, des ports et de l’émigration » en 1901, ce corps s’inspire cependant des polices « spéciales » à caractère politique qui l’ont précédé. Il remplit de ce fait, dès sa création, des missions de renseignement, tout en assurant aussi des missions administratives et judiciaires. Ainsi, dans les ports, il est chargé de contrôler les passeports des voyageurs maritimes tout en étant appelé à interpeller les suspects - en particulier ceux qui lui auraient été signalés par la Sûreté nationale (puis générale) au ministère de l’Intérieur, que ce soit pour des motifs politiques (notamment une suspicion d’espionnage) ou de droit commun (crimes et délits majeurs).
19Dans les trois ports, les archives témoignent qu’il existe un service de police spéciale au moins entre les années 1870 et 1910. Dans les trois cas, les effectifs paraissent limités à quelques commissaires et/ou inspecteurs : ainsi, au Havre, on recense un commissaire et deux inspecteurs dans les années 190027. À la fin du xixe siècle, au Havre et à Marseille, la police spéciale est très mobilisée par le contrôle du trafic voyageur. Il en va différemment à Cherbourg, alors même que cette activité connaît un boom exceptionnel au début du xxe siècle en direction des États-Unis - si du moins l’on suit les archives conservées qui, pour cette ville, se limitent aux fichiers des enquêtes de ladite police, réalisées entre 1899 et 1914. Il s’agit pour l’essentiel de surveillance et de rapports relatifs à des individus suspects sur le plan national ou à des criminels en fuite28. L’identité militaire du port de Cherbourg explique possiblement une telle orientation de l’activité policière, qu’on ne retrouve ni dans les archives de la police spéciale du Havre ni dans celles de Marseille. Dans les trois cas, quoi qu’il en soit, ces forces de police n’ont pas non plus pour mission originelle d’assurer la sécurité locale et continue des espaces portuaires. Si elles peuvent intervenir, on l’imagine, lors de leurs opérations de contrôle, pour garantir l’ordre public, la sécurité collective ou le respect des lois, leur action se limite à ce contexte de l’arrivée et du départ des navires. La présence, ponctuelle, est par ailleurs partielle et elle ne concerne pas, en particulier, la sécurité des marchandises en transit.
20Pourtant, la prévention et la répression des vols opérés au détriment du commerce maritime sont une question récurrente dans les ports de commerce tout au long de la période ici considérée. Elles contribuent, sur le long terme, à la clôture des ports et au filtrage strict des entrées et des sorties, en quelques points de passage, dans le second xxe siècle. ÀMarseille, on les constate dès que reprend le trafic marchand, dans le premier xixe siècle, dans le cadre de Rive-Neuve, sur la rive sud de l’actuel Vieux-Port, hérité de l’Ancien Régime. Le règlement de police de 1830 vise notamment, comme on l’a indiqué supra, à rappeler à l’ordre les trop nombreux citadins indélicats. Mais bien d’autres sources, notamment judiciaires, convergent pour regretter l’encombrement de cet espace trop étroit et hérité des temps modernes, qui rallonge les durées de stationnement des cargaisons sur les ponts des navires ou sur les quais et accroît les occasions de soustraction. Si, d’après les règlements de police, chaque capitaine est tenu de faire nettoyer le quai emprunté après transport des marchandises, un balayage informel est entrepris par des femmes et des enfants qui en tirent quelques ressources, notamment en ramassant les grains ou les marchandises abandonnés ; mais il n’est pas rare qu’ils se servent sur des ballots ou des sacs en attente d’enlèvement. La question est d’autant plus délicate que ces grappillages participent d’une infra-économie urbaine de la précarité. Ils n’épuisent cependant pas l’ensemble des prédations commises dans ces espaces portuaires : les soustractions sont nombreuses sur les navires, au préjudice de l’équipage, du capitaine ou de l’armateur (soustraction d’effets personnels, d’argent ou de cordages, et autres petits équipements des embarcations). Une surveillance réelle et plurielle s’exerce, impliquant des agents de la police municipale en faction, le personnel navigant, les agents des douanes. On lit toutefois dans un jugement du tribunal correctionnel que la surveillance exercée par l’équipage est « peu exacte et peu active29 ». La mise en activité du nouveau port de la Joliette (1853) puis des docks (1864), qui marque le début du divorce entre la ville et le port, ne sécurise qu’en partie les marchandises. Les prédations se poursuivent sur le quai de la Joliette comme c’était le cas à Rive-Neuve, car il n’y pas de clôture, et l’on y constate les mêmes grappillages qu’à Rive-Neuve deux décennies plus tôt. Les archives correctionnelles montrent d’ailleurs que, entre le milieu du xixe et le début du xxe siècle, la justice poursuit toujours des grappilleurs, leur profil changeant néanmoins : les femmes et enfants du premier xixe siècle laissent place, en correctionnelle, au personnel de manutention - charretiers en premier lieu, pour l’année 190630. En 1919, dans un rapport à la chambre de commerce, Émile Lévy fustige encore la foule des petits et grands voleurs des quais, tandis qu’en 1928 Claude McKay en campe quelques portraits, dans son récit d’inspiration autobiographique, parmi une bande d’Afro-Américains vagabonds « entre la jetée et les docks, et leurs nuits entre la place aux Tapeurs et la Fosse » (nom qu’il donne aux vieux quartiers).
21L’idée de mettre en place dans les espaces portuaires des systèmes policiers spécifiques, engageant la présence physique et régulière d’agents de police, dont la mission est la surveillance des quais et, tout particulièrement, du trafic marchand, revient aux chambres de commerce et débouche sur des dispositifs concrets mais fort différents, au Havre et à Marseille, dès les années 1830 dans le premier port et seulement à compter de la toute fin du xixe siècle dans le second. Au Havre, existe en effet très tôt, avant le milieu du xixe siècle - bien que les fonds municipaux ne permettent pas d’en connaître l’origine -, un dispositif policier révélant une collaboration bien huilée entre la municipalité et les négociants, à la fois par l’intermédiaire de la chambre de commerce et individuellement. La surveillance du transit marchand est assurée par des agents en tenue, surnuméraires ou détachés, lorsque le besoin s’en fait sentir, du service « normal » ou « général », et placés en service dit « spécial » pour protéger les marchandises des voleurs. Ils sont mis à disposition d’une compagnie de commerce ou de navigation, après demande préalable auprès du maire, ou affectés aux Docks et Entrepôts, dans l’enceinte du bassin Bellot. Dix-sept agents, un sous-brigadier et un brigadier sont ainsi affectés au gardiennage des docks en 1910. Chaque porte de l’enceinte est surveillée par un gardien de la paix. La chambre de commerce finance cette surveillance aux deux tiers. Des accords informels régissent le prélèvement d’agents sur le service général à la demande des compagnies ou de la chambre de commerce à partir de 1890. Chaque année, néanmoins, ces dernières réitèrent leur demande, pour toute l’année ou, plus ponctuellement, en fonction du rythme saisonnier des différents trafics. Ces surveillances, qualifiées de missions privées, sont entièrement financées par les compagnies. La municipalité conserve par ailleurs l’usage prioritaire des agents : il est systématiquement indiqué que les agents peuvent être à tout moment rappelés si les besoins du service l’exigent.
22Rien de tel n’existe à Marseille au xixe siècle, si l’on en croit les archives pléthoriques conservées, dont on peut néanmoins toujours supposer la conservation partielle. Il faut en effet attendre la toute fin du xixe siècle pour voir la chambre de commerce s’emparer de la question. Une première police appelée « brigade des quais » est expérimentée en 1899. Jusqu’alors, la surveillance était assurée par des gardes privés. Cette brigade est « chargée de la surveillance des débarquements et des dépôts de marchandises31 ». Elle est cofinancée par la chambre de commerce et le syndicat de la marine marchande : la première à hauteur de 24 000 francs en 1899 et le second à hauteur de 4 000 francs, le tout servant à rétribuer les agents qui la composent. La brigade compte alors un brigadier, deux sous-brigadiers et dix-sept agents. Il est à remarquer qu’elle est placée sous l’autorité du commissaire spécial. L’expérience est brève : en 1904, elle est dissoute après le meurtre accidentel d’un docker pris en flagrant délit de vol par l’un des agents. Si la chambre de commerce motive cette dissolution par la peur de voir la révolte des dockers embraser le port, c’est un motif qui s’ajoute à des difficultés financières intervenues dès 1901 : la chambre de commerce a réduit à 20 000 francs son concours, faisant appel aux compagnies de navigation, qui ont bien voulu réunir 6 000 francs complémentaires, mais à titre exceptionnel. La bavure est l’occasion pour le syndicat de la marine marchande de retirer sa mise, alors même que son représentant juge cette brigade « indispensable32 ». Cela entraîne le désengagement de la chambre et le licenciement des agents. Des négociations sont relancées dans les années 1910, toujours entre la chambre de commerce et la préfecture. Elles aboutissent à la création, en 1920, d’une nouvelle brigade des quais, chargée toujours, en priorité, de surveiller le trafic marchand et de lutter contre le vol. Dans l’immédiat après-guerre, les effectifs, pléthoriques, comptent une centaine d’hommes, dont la moitié sont des gardes auxiliaires directement rétribués par la chambre, tandis que les autres sont certes des policiers, mais rétribués par la chambre, au moyen d’un fonds de concours versé au ministère de l’Intérieur33. Même réduite ensuite, cette police représente la principale force en présence sur les quais, et son pouvoir est accru encore en 1931 parce que le préfet, soucieux de rendre plus lisible la carte policière marseillaise, lui transfère la surveillance des infractions au règlement de police du port. Dès lors, dans ses rapports statistiques mensuels à la chambre de commerce, le commissaire spécial mentionne non seulement les vols ou tentatives de vols poursuivis, les contrôles d’identité effectués, mais encore l’ensemble des infractions constatées au règlement du port. En attribuant à la police spéciale ces missions de simple police et de police de la voirie, le préfet a souhaité simplifier la carte policière marseillaise, pour rendre la police spéciale seule compétente dans les espaces portuaires. L’expérience dure jusqu’en 1937. Cette année-là, la chambre de commerce obtient de diminuer ses versements au bénéfice d’un renforcement de policiers en tenue appartenant à la police d’État, et donc rémunérés par l’État et la municipalité.
23ÀMarseille comme au Havre, les milieux d’affaires semblent à l’origine de la formation de ces polices portuaires. Il est vrai que les milieux du négoce et de l’armement les dominent encore dans le premier xxe siècle, et que les chambres de commerce jouent un rôle prééminent dans la gestion et la politique des ports. Les dispositifs diffèrent dans les deux villes : la municipalité havraise paraît s’être très tôt impliquée dans cette sécurisation, puis ne pas s’en être dégagée au bénéfice par exemple d’un dispositif marseillais, qui aurait transféré cette mission à la police spéciale. Rien dans les archives policières ne permet d’en comprendre la raison, sauf que l’harmonie paraît régir les rapports entre les milieux économiques et politiques havrais, proches qui plus est, et que les agents de police municipaux profitent des primes intéressantes que versent les compagnies - ce qui contribue, on peut le supposer, à leur bien-être et leur stabilité. Il faudrait aussi creuser l’étude pour expliquer pourquoi aucune organisation policière similaire n’est mise en place à Marseille avant 1897. Outre que le modèle havrais n’est pas implanté, le dispositif marseillais est présenté en 1903 par le commissaire spécial de Marseille comme innovant et étudié à Bordeaux, Cette [sic] et Gênes34. Il faudrait poursuivre l’enquête pour déterminer si le dispositif marseillais a essaimé dans ces ports, et si d’autres ports que Le Havre ont mis en place très tôt, au xixe siècle, des dispositifs négociés au niveau municipal.
24Ce n’est en rien un fait général. En effet, si le port n’est pas vide d’agents, jamais dans les archives disponibles, que ce soit dans les fonds municipaux de Cherbourg ou départementaux de Saint-Lô, la constitution d’une force de police consacrée à la sécurisation du trafic marchand n’est posée. Certes, ces fonds sont très lacunaires, en raison notamment des pertes majeures consécutives aux bombardements de la fin de la Seconde Guerre mondiale, et une partie des fonds municipaux postérieurs à 1900 ne sont pas encore accessibles, faute de classement. Néanmoins, toutes les archives relatives à la « police du port » désignent sa réglementation et son respect par les usagers. Comme l’activité économique cherbourgeoise est bien moindre que celles du Havre et de Marseille, on serait tenté d’avancer que l’enjeu d’assurer la sécurité des trafics a été limité tout au long du xixe siècle. Il faudrait en outre déterminer dans quelle mesure la forte présence militaire a pu jouer un rôle dans l’organisation de la police cherbourgeoise. Bien des questions restent ainsi ouvertes. Pour ce qui concerne, enfin, Marseille et Le Havre, il est compréhensible que la question de la sécurisation du trafic, en particulier marchand, mais aussi passager, ait été investie par les chambres de commerce comme un enjeu majeur de réputation, aussi bien pour le port que pour l’ensemble du commerce marseillais. Ainsi que l’écrit le président de la Société des commerçants magasiniers et industriels pour la défense des intérêts commerciaux de Marseille, en 1897, dans un courrier adressé au président de la chambre de commerce de Marseille - et relativement, cette fois, aux pisteurs qui importunent, voire escroquent les voyageurs : il faut « mettre un terme à une détestable industrie qui compromet la bonne réputation du commerce de détail marseillais35 ». Alors que c’est, pour le monde du négoce et du petit commerce, un enjeu de réputation, les pouvoirs publics peuvent avoir été tentés de n’y voir que la garantie d’intérêts particuliers, ne justifiant donc pas l’institutionnalisation d’une force publique dédiée - et l’usage, à cet effet, d’argent public. La question financière est cependant résolue par la prise en charge privée du traitement des agents, par contribution des milieux économiques aux finances municipales au Havre, et départementales dans le cas marseillais36.
25Ce dont ces arrangements témoignent, c’est la volonté des milieux du négoce de voir l’ordre assuré dans le port par des forces de police dédiées - plutôt que par des gardes privés. Les sources havraises n’informent que sur le fonctionnement du dispositif. Mais les sources marseillaises montrent que, à la fin du xixe siècle, les milieux économiques sont favorables à ce que des forces de police soient spécialement investies du maintien de l’ordre dans le port. En septembre 1897, l’armateur Cyprien Fabre déplore ainsi que les compagnies de navigation soient victimes de « vols sérieux qu’il leur est impossible de réprimer seules, et pour lesquels elles ne trouvent aucune espèce d’assistance de la part de la force publique ». Il invoque notamment un récent vol de baril d’huile dans les hangars de la chambre de commerce, qu’un pointeur n’a pu empêcher, le voleur l’ayant menacé d’un « coup de couteau qu’il aurait certainement reçu sans l’intervention d’autres personnes ». Il ajoute que, le même jour, un autre « malfaiteur » débondait des barils « afin de faire couler l’huile pour pouvoir la ramasser ensuite ; sur l’intervention du gardien, il appela à son aide d’autres malandrins et ils sont tombés tous ensemble sur le gardien qui a reçu des coups et des blessures sérieuses37 ». Certains de ces « voleurs » et « malandrins » sont-ils des dockers ? Le fait est fort possible. Il faut considérer cette démarche des chambres de commerce comme une marque, parmi d’autres, de cette demande de police du public38. Ici, ce sont les élites économiques portuaires qui sollicitent la mise en ordre de comportements populaires hérités de pratiques fort anciennes, au nom d’intérêts économiques qu’elles présentent comme majeurs, sinon généraux. Ce nouvel ordre policier ne se substitue pas à l’ancien. Cependant, il vise très clairement des désordres peu formalisés dans les règlements, et cela au bénéfice des usagers du port qui constituaient leurs cibles premières.
26L’étude dans ces significations multiples de la police des ports de Cherbourg, du Havre et de Marseille, des lendemains de l’Empire à la veille de la Seconde Guerre mondiale, foisonne de questionnements que cette contribution est loin d’épuiser, d’autant qu’elle ne présente qu’une série d’éclairages discontinus. Toujours est-il cependant qu’on observe l’empilement des deux sens du mot « police », l’un ancien (règlement, « bonne police ») et l’autre moderne (forces de sécurité appelées « police », sur les quais, ou même, à Marseille « brigade de police des quais »). La comparaison entre les trois villes rappelle la dimension fondamentalement contextualisée des polices. Malgré le renforcement du cadrage national à la fin du Second Empire (1867), les règlements des ports s’adaptent de près aux besoins de chaque port, tandis que les dispositifs policiers de sécurisation des espaces portuaires sont marqués par leurs contextes social et policier : reflet de la cogestion du port par la municipalité havraise et les milieux d’affaires d’une part, de la montée en puissance de la police spéciale marseillaise entre la fin du xixe siècle et les années 1920 d’autre part. Elle montre aussi une police destinée, dans les ports, à garantir la bonne circulation des personnes et des marchandises, mais si les règlements visent l’orchestration de tous les bons usages du port, au service de l’intérêt général, la mise en place de forces de police garantit plus nettement ce que l’on pourrait désigner comme un bon ordre économique - l’intérêt des milieux économiques valant pour général - en stigmatisant les grappillages et les trafics interlopes. En cela, l’évolution de l’environnement coercitif et réglementaire des ports n’est pas sans rappeler celui de la prostitution et du proxénétisme, qui tend à se resserrer sur les trafiquants plutôt que sur les prostituées, à compter de la fin du xixe siècle.
Notes de bas de page
1 Archives de la chambre de commerce et d’industrie de Marseille (CCIM), MR 56 11 21 21.
2 Bruno Marnot, Les grands ports de commerce français et la mondialisation au xixe siècle, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2011, p. 113-127, p. 141-150.
3 Id., « Interconnexion et reclassements : l’insertion des ports français dans la chaîne multimodale au xixe siècle », Flux, 59, 2005-1, p. 10 et suiv., ainsi que Les grands ports de commerce français…, op. cit., 1re partie.
4 Id., « Les ports français et la mondialisation au xixe siècle ou l’émergence de trois modèles de croissance régionaux », Monde(s), 6, 2014-2, p. 195-222.
5 Paolo Napoli, Naissance de la police moderne, Paris, La Découverte, 2003.
6 Adrien Carpentier, Georges Frèrejouan Du Saint, Répertoire général alphabétique du droit français, Paris, Librairie de la société du Recueil Sirey, 30, 1924 [1902], p. 823.
7 Pour Marseille, voir Xavier Daumalin, Nicole Girard, Olivier Raveux (dir.), Du savon à la puce. L’industrie marseillaise du xviie siècle à nos jours, Marseille, Jeanne Laffitte, 2003, p. 99-105.
8 Les documents de travail conservés aux archives municipales en témoignent : certains articles sont entièrement intégrés, ainsi les articles 45 et 46, qui reprennent les articles 18 et 19 du « règlement du Havre ». Archives municipales de Cherbourg (AMC), 1 I 58.
9 Un décret portant règlement pour la police du bassin à flot du port de La Rochelle est pris le 27 février 1810 par exemple. Théodore Ravinet, Code des ponts et chaussées et des mines, Paris, Carilian-Goeury et Dalmont, libraires des corps royaux des ponts et chaussées et des mines, 1847, p. 2-6. Il s’explique par l’aménagement et la mise en activité de ce bassin, achevé en 1808, mais résultant de la mise en œuvre d’un programme arrêté en 1769. Bruno Marnot, Les villes portuaires maritimes en France, xixe-xxie siècle, Paris, Armand Colin (U), 2015, p. 39.
10 Règlement de police du port de Cherbourg, brouillon, AMC, 1 I 58.
11 Théodore Ravinet, Code des ponts et chaussées et des mines, op. cit., p. 297, et le « Règlement pour la police du port de Marseille » arrêté par le maire le 25 novembre 1830 et approuvé le lendemain par le préfet, dans MM. Girod, Clariond (éd.), Journal de jurisprudence commerciale et maritime, Marseille, Imprimerie Marius Olive, XII, seconde partie, 1831, p. 170.
12 Composition de la commission, le 14 janvier 1832, AMC, 1 I 58.
13 Archives départementales de Saint-Lô (AD 51), 4S Cherbourg 451.
14 Aldrick de Caumont, Dictionnaire universel du droit commercial maritime, ou Répertoire méthodique et alphabétique de législation, doctrine et jurisprudence nautiques, Paris, Durand, 2e éd., 1857, p. 573.
15 Adrien Carpentier, Georges Frèrejouan Du Saint, Répertoire général alphabétique du droit français, op. cit., p. 823. S’ensuivent les arrêts de nouveaux règlements pour les ports ici considérés. Cas particulier, dans la Manche, le règlement préfectoral vaut pour les différents ports de tout le département. AD 51, 4S Cherbourg 451.
16 Ibid.
17 Chemise de dossier « Police des ports. Règlements particuliers relatifs à la police du port de Cherbourg », ibid.
18 Procès-verbal de la commission instituée à Cherbourg pour étudier les questions relatives au transport des matières dangereuses dans les ports de mer et sur les voies intérieures de navigation, ibid.
19 Voir par exemple art. 49 du règlement du port de Marseille du 6 novembre 1830.
20 Ainsi le règlement de Cherbourg de 1832.
21 Ainsi dans l’art. 64 : « Ceux qui constateraient des infractions au présent règlement, de nature à encourir des peines correctionnelles, seront adressés au procureur du roi près le tribunal de première instance de l’arrondissement. »
22 Art. 42 : « Tous ceux qui causeront des dommages… aux vaisseaux et autres bâtiments… tant pour ce qui regarde les câbles, cordages, grappins et autres effets leur appartenant que pour ce qui peut regarder leur cargaison, seront responsables et traduits, s’il y a lieu, au tribunal compétent, sur l’ordre du capitaine ou autre officier du port, pour être punis selon la rigueur des lois, sans préjudice des intérêts civils. »
23 Courrier du lieutenant du port au maire, le 3 juin 1840, AMC, 1 I 58.
24 AD 51, 4S Cherbourg 450.
25 Rapport du commissaire central au maire du Havre, le 3 décembre 1903, Archives municipales du Havre (AMH), K2 20/8. Pour un tableau plus précis de la police dans le port du Havre à cette période, voir Laurence Montel, « Autour de l’Affaire : les policiers face aux grèves dans le port du Havre à la fin des années 1900 », dans John Barzmann, Jean-Pierre Castelain (dir.), Jules Durand. Un crime social et judiciaire, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 67-83.
26 Jean-Marc Berlière, Marie Vogel, « Aux origines de la police politique républicaine », Criminocorpus [En ligne], Histoire de la police, Articles, mis en ligne le 1er janvier 2008, consulté le 19 mars 2017. URL : http://criminocorpus.revues.org/257.
27 Sur cette question, et en particulier sur Marseille, voir l’article de Céline Regnard dans le présent volume.
28 AD 51, 4 M 11.
29 Jugement correctionnel du 18 mai 1846, Archives départementales des Bouches-du-Rhône (AD 13), 406U.
30 Il est bien difficile de pister l’évolution quantitative de ces soustractions - qu’on ne peut atteindre qu’au travers des sources judiciaires et policières, qui traduisent aussi le mouvement de la répression et des sensibilités au crime.
31 Arrêté ministériel portant création de la brigade, le 11 décembre 1899, CCIM, MR 56 11 21 21.
32 Il contestait déjà de mettre l’argent des syndiqués au service de l’ensemble des usagers du port, comptant les armateurs non syndiqués et les compagnies étrangères. Courrier du syndicat au président de la chambre de commerce, le 16 octobre 1903, CCIM MR 56 11 21 21.
33 Sur cette police, voir Laurence Montel, « Grappillages et surveillance dans le port moderne de Marseille dans l’entre-deux-guerres », dans Marguerite Figeac-Monthus, Christophe Lastécouères (dir.), Territoires de l’illicite : ports et îles, Paris, Armand Colin, 2012, p. 345-358.
34 Rapport du commissaire spécial, le 3 octobre 1903, CCIM, MR 56 11 21 21.
35 Courrier du 20 mai 1897, CCIM, MR 56 11 21 21. Sur les pisteurs, voir, dans le présent volume, l’article de Céline Regnard.
36 Les fonds sont versés au trésorier-payeur général des Bouches-du-Rhône, au titre des cotisations municipales et particulières. Il est bien précisé dans l’arrêté ministériel portant création de la brigade que la « responsabilité de l’État ne pourra être engagée à aucun degré, soit sous le rapport d’indemnités pécuniaires à allouer, soit quant aux indemnités à servir aux agents à l’occasion d’accidents survenus dans l’exercice de leurs fonctions ».
37 Courrier de Cyprien Fabre au président de la chambre de commerce, le 1er septembre 1897, CCIM, MR 56 11 21 21.
38 Quentin Deluermoz, Arnaud-Dominique Houte, Aurélien Lignereux, « Introduction », numéro spécial Sociétés et forces de sécurité au xixe siècle, 50, 2015, Revue d’histoire du xixe siècle, p. 15.
Auteur
Université de Poitiers-CRIHAM EA 4270
Maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Poitiers, membre du CRIHAM (EA 4270, Poitiers) et chercheure associée de l’UMR 7303 Telemme. Elle travaille sur l’histoire des trafics criminels, des régulations urbaines et des imaginaires urbains, dans les villes portuaires, à la suite d’une thèse consacrée à la naissance du Milieu marseillais (Marseille capitale du crime. Histoire croisée de l’imaginaire de Marseille et de la criminalité organisée, 1820-1940). Elle a publié récemment « Autour de l’Affaire : les policiers face aux grèves dans le port du Havre à la fin des années 1900 », dans John Barzman, Jean-Pierre Castelain (dir.), Jules Durand, un crime social et judiciaire, Paris, L’Harmattan, 2015, p. 67-83, et « Proxénétisme et corruption à Marseille dans les années 1920 et 1930. Pratiques et représentations », dans Olivier Dard, Jens Ivo Engels, Andreas Fahrmeir, Frédéric Monier (dir.), Scandales et corruption à l’époque contemporaine, Armand Colin (Les coulisses du politique à l’époque contemporaine, xixe-xxe siècle), 2014, p. 109-122.
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