Préambule
p. 11-12
Texte intégral
1Qu’y a-t-il de commun entre le développement d’une théorie sociologique des mobilités et une étude des idéaux fondateurs de la médiation pénale ? Cette question est en quelque sorte le point de départ de cet ouvrage. Celui-ci est en effet issu d’une réflexion sur les convergences entre les thèses de doctorat des auteurs1, lesquelles, bien que fort éloignées quant à leur sujet, apparaissaient liées par des cadres communs. Au fil de longues discussions, émergea l’idée que la notion de mobilité pouvait être utile à la caractérisation de ces points communs. Cette notion pouvait, nous apparaissait-il, avoir une valeur explicative dépassant largement le cadre des déplacements physiques.
2Il ne pouvait cependant être question de se contenter de pointer des convergences entre nos travaux. Nous ne voulions en effet pas produire un texte anecdotique, sur le ton du « quelle coïncidence, vous aussi, vous vous êtes posé cette question ? » La rencontre nous permettait d’approfondir la réflexion développée par B. Montulet qui proposait l’approche des phénomènes de mobilité comme matrice explicative, applicable à un (très) large éventail de phénomènes sociaux. Le concept de mobilité peut, en effet, servir à interroger une multitude de mutations sociales, non seulement celles relatives à la mobilité physique et aux procédures alternatives de règlement des conflits qui constituaient le cœur de nos thèses, mais également bien d’autres touchant à la sexualité, à la famille, à l’enseignement, à la politique, etc. Plus spécifiquement, il nous paraissait qu’un discours sous-tendant nombre de ces mutations pouvait être rapporté à la question de la mobilité.
3Nous étions alors confrontés à un dilemme : prendrions-nous le risque de nous aventurer loin de nos domaines de prédilection respectifs ? Nous confronterions-nous au danger de perdre pied ? On ne compte plus les chercheurs qui, ainsi, se sont noyés dans leur sujet. Dans un même temps, à trop craindre d’aborder des problématiques larges et de généraliser, on peine à produire des rationalisations suffisamment globales pour prétendre donner sens aux observations et dépasser le niveau d’une pure description. Le présent ouvrage témoigne de ce risque que nous avons décidé de courir.
4On ne s’étonnera pas que la forme de ce livre s’en trouve fortement influencée. On pourrait le qualifier d’essai scientifique. Il tente de proposer des outils de pensée, plus précisément, une matrice applicable empiriquement à divers domaines, développée sur la base de réflexions concernant des thématiques très variées de la vie sociale.
5Ce texte se veut également une proposition ouverte, un appel à des recherches visant à le valider ou à l’invalider. C’est de l’application de la matrice par divers chercheurs à divers objets que peut venir la confirmation de sa fécondité et son perfectionnement. L’essai scientifique est donc aussi un appel à un mouvement collaboratif de recherches.
6Enfin, l’objectif fut pour nous de produire un texte le plus court et le plus intelligible possible, afin de ne pas commettre un ouvrage de sociologie théorique de plus, inaccessible aux praticiens des autres disciplines. Parce que nous sommes convaincus qu’il y a plus à gagner à l’essaimage de la sociologie hors des cercles autorisés qu’au maintien d’une supposée pureté des approches au sein d’un cénacle clos sur lui-même, nous avons fait le pari d’une forme accessible.
7L’exercice n’en est pas moins périlleux, passant de l’illustration (toujours déjà analytique) à la construction théorique, revenant à des anecdotes significatives, il est une tentative de prise de distance avec une normativité à laquelle nous sommes quotidiennement confrontés et à laquelle nous ne nions pas céder à l’occasion.
8On ne trouvera donc ici pas de tombereaux de références à des ouvrages scientifiques, pas plus que de nombreux renvois à des controverses scientifiques. Le présent texte se veut une échappée, une porte largement ouverte. Nous espérons apprendre beaucoup de ceux qui voudront confronter notre matrice à leur domaine d’expertise, sur les limites de notre théorie et sur ses conditions d’invalidation, notamment.
Notes de bas de page
1 Mincke C., La médiation pénale face à ses idéaux fondateurs. De l’utopie à l’aveuglement, Bruxelles, Kluwer, 2010 ; Montulet B., Les enjeux spatio-temporels du social : mobilités, Paris, L’Harmattan, 1998.
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