Chapitre 7. Du faste au Fast
p. 191-216
Texte intégral
1Plusieurs ruptures importantes ont déterminé l’évolution de la restauration ferroviaire dans les dernières décennies du xxe siècle. Les tarifs des TEE ont été fortement augmentés. Le système de repas réchauffés servis à la place dans les trains Corail a été étendu. Il fallut revoir les voitures Gril-Express dont la propreté et l’étroitesse de circulation ne correspondaient plus au niveau de prestation demandé. La vente ambulante s’est accrue en repensant l’aménagement du chariot. Dans les trains autos-couchettes, les repas servis laissèrent place à des coffrets repas froids. Mais plus que tout, il ne fut plus question de voiture-restaurant.
2Pour assurer de nouveaux services, le matériel en place n’était pas suffisant. Les équipements en froid et en chaud, étaient souvent jugés « ni très performants, ni très fiables, ni très modernes1 ». Certes, la réfrigération mécanique pouvait remplacer les pains de carboglace, des fours à air pulsé ou à micro-ondes feraient mieux que les fours à résistance. Mais ces choix techniques n’étaient pas l’essentiel. La vente de nourritures à emporter dans les buffets de gare ou les coffrets repas annoncés sur les quais contribuaient aussi à la restauration. La distribution automatique en gare ou dans les trains offrait plus de souplesse. En fait, l’ensemble de la restauration était à repenser de manière globale pour l’adapter aux modes de vie.
3Les évolutions comportementales des Français balançaient entre un désir de modernité et un certain attachement à leurs habitudes alimentaires. Les membres du Groupement des employeurs de la restauration ferroviaire étaient persuadés que l’orientation vers le style fast-food américain « n’aurait pas la faveur de la clientèle2 ». Manger vite, une nourriture jugée saine et de bonne hygiène, devint pourtant le challenge auquel la restauration ferroviaire dut s’atteler. Les mêmes tendances de déstructurations des repas, de prises alimentaires raccourcies et d’appétence pour tester des formules nouvelles affectèrent les buffets de gare dont le nombre décrut encore, inexorablement. Ces changements qui ont orienté les mobilités alimentaires n’étaient pas un phénomène spécifiquement lié au mode de transport ferroviaire. L’urbanisation et les pratiques de circulation citadine, la multiplication des voyages et la réduction de l’espace-temps, l’assimilation de cuisines exotiques, de la Méditerranée orientale à l’Orient asiatique ont produit des contextes de vie nouveaux dont la gare et le train étaient des révélateurs parmi d’autres dans le dernier quart du xxe siècle.
L’environnement transformé des mobilités
La mutation des choix de transport
4L’évolution des trafics ne laisse aucun doute sur le basculement qui a marqué les réseaux ferroviaires. Le phénomène fut général en Europe occidentale. Si le nombre de voyageurs augmentait sur la longue durée, la part de marché du trafic voyageur sur le marché intérieur se réduisait. Elle passa en France de 11 % à 9 % entre 1970 et 1991. Elle décrut de 9 % à 6 % en Allemagne, de 12 % à 7 % en Italie, de 13 % à 7 % en Espagne, de 11 % à 7 % en Belgique. Le Royaume Uni connaissait le taux le plus faible avec 5 %3. Le creux fut atteint en 1995 alors que la récession économique des années 1990 atteignait son plein effet.
5La SNCF transporta 64 milliards de voyageurs-kilomètres à la fin de la décennie 1980, 56 en 1995. Cette évolution était très différente si l’on juge séparément les lignes desservies par le TGV et celles dédiées aux autres trains. Le cas du TGV est un chapitre en soi. Contentons-nous pour l’instant de noter que son trafic passa de 11,5 milliards de voyageurs-kilomètres en 1989 à 39,9 en 2002. À cette date, les lignes à grande vitesse Sud-Est, Atlantique, Nord et Méditerranée étaient construites. À l’inverse, sur le réseau ferroviaire principal, hors TGV et hors Île-de-France, le trafic qui représentait le quadruple de celui du TGV en 1989 n’en représenta plus que les deux tiers en 2002. À cette date, le TGV couvrait 64 % du nombre de voyageurs-kilomètres quand les trains régionaux (TER) en assuraient 14 % et les trains rapides nationaux comme le train Corail, 21 %.
6Concurrencé par la progression de la grande vitesse, le réseau ferroviaire classique l’était autant par le maillage des autres infrastructures de transport. L’accroissement considérable du nombre de voitures particulières est primordial. Les automobiles constituaient 82 % des transports intérieurs en milliards de voyageurs-kilomètres à la fin des années 1980 et 88 % dix ans plus tard. En 2002, quand un voyageur empruntait le TGV, 18 utilisaient leur voiture pour se déplacer. Par ailleurs, une part des clients du train s’était déjà reportée vers l’avion. Le transport aérien assura 1,5 % du trafic total voyageurs-kilomètres en 1989, ce qui équivalait à 17 % du volume de voyageurs ferroviaires. Au début du xxie siècle la progression de l’avion était faible sur les lignes intérieures mais continue, équivalant à 21 % du chemin de fer4.
7La réduction de la clientèle ferroviaire en valeur relative posait avec une acuité nouvelle la question des services à maintenir ou à inventer. Les voyageurs du TGV ont découvert une situation nouvelle, marquée par la réduction surprenante des temps de parcours. Pour eux, la durée d’un repas n’était plus un élément déterminant de leur demande. Ils pouvaient facilement décaler déjeuner ou dîner en jouant des tranches horaires du TGV. En revanche, les autres voyageurs en trains classiques prenaient encore en compte cette dimension du voyage. La demande sociale se nourrissait aussi d’expériences multiples. Piéton à la ville, automobiliste interurbain, utilisateur national ou international de l’avion, le voyageur de la fin du xxe siècle était très intermodal. Le voyage ferroviaire et l’intérêt de trouver un repas dans le train ne sauraient donc être évalués sans prendre en compte l’influence sociétale des autres moyens de transport5.
L’automobilisation de la mobilité
8Sur les très longues distances, le choix de la voiture particulière n’allait pas de soi. Une étude commandée en 1966 par la CIWL auprès de 180 sociétés organisant des voyages entre Paris et Zurich, avait délivré des statistiques nettes. Les hommes d’affaires utilisaient l’avion à 55 % d’entre eux, le TEE L’Arbalète à 33 %, la voiture-lit à 7 %, les trains ordinaires à 4 % et l’automobile individuelle à 1 %6. L’approche était différente dès lors que les déplacements relevaient d’une activité professionnelle commerciale à courte distance ou d’une pérégrination touristique. Avec les vacances, l’afflux de voitures sur les itinéraires majeurs et les embouteillages que les actualités relataient systématiquement, démontrent la place croissante de la mobilité routière. En fait, dès la fin des années 1940, la concurrence de la voiture sur les moyennes distances avait déjà interpellé les responsables de la SNCF. En 1948, l’un d’eux soulignait que « dans la zone de moyenne distance autour des grands centres la plus grande partie du trafic va à la route7 ». Sans horaires strictement imposés, offrant la convivialité d’un déplacement collectif, bien plus fréquent que la vision de l’automobiliste seul au volant ne voudrait laisser croire, garante de circuits inopinés, la voiture transforma les comportements. Même si les alertes nouvelles sur la pollution automobile, les risques associés à une conduite encore très permissive et les difficultés des constructeurs entaillaient le mythe du rêve automobile dès la décennie 1970, la concurrence de la voiture suivait une progression constante8. La place du trafic automobile allait croissant dans le marché du transport à la fin du xxe siècle. Même la loi sur l’organisation des transports intérieurs (LOTI), adoptée en 1982 pour rééquilibrer territoire et transports, ne déclencha pas un renversement en faveur des lignes ferroviaires hors TGV. Le ministre qui défendit l’esprit de cette loi soulignait que les responsables de l’État avaient depuis longtemps accoutumé la SNCF à l’idée que « le train n’aurait plus qu’une place réduite dans l’avenir » alors que lui-même considérait que « le transport ferroviaire avait des atouts qui apportaient réponse à des problèmes modernes »9.
9En 1990, les voitures particulières couvraient 585 milliards de voyageurs-kilomètres. Une décennie plus tard, 700 milliards. Dès les années 1960, l’abandon par la SNCF de toute une partie de son réseau secondaire avait provoqué des fermetures de lignes. Les déplacements régionaux sur route croissaient quand ils déclinaient sur rail. L’allongement du réseau autoroutier devint un autre support déterminant du voyage. Réellement amorcé durant les décennies pompidoliennes, le kilométrage d’autoroutes et de voies rapides urbaines a fait un bond spectaculaire en France dans les dernières années du siècle. Aux 1000 kilomètres de 1967, correspondait une multiplication par dix autour de l’an 2000. Les premiers tronçons ouverts furent contemporains de l’arrivée du train Corail : Paris-Lyon achevé en 1971, Lyon-Marseille et Paris-Belgique en 1974, Paris-Caen en 1977. Les services associés à l’instar de la station-essence ont crû de manière parallèle. Un nouvel univers de consommation y prenait forme avec des articles de droguerie, des produits alimentaires, des souvenirs locaux. En concourant au gain de temps, par des itinéraires facilités ou par les performances techniques des véhicules, l’automobile a déterminé une réceptivité accrue à la recomposition des modes de vie. Un symbole en fut la R5 de Renault, prototype de la voiture à vivre qui représentait un tiers de la production de la Régie en 1980. La cible commerciale des classes moyennes conforta les stratégies de fabrication, orientées vers des véhicules innovants et de qualité, plaçant encore plus la route au cœur des déplacements.
10Dans les dernières années du xxe siècle, l’automobilisme répondait encore à des aspirations profondes de liberté. Il continuait d’inspirer l’absolue conviction de partager le réel10. Le taux d’équipement des ménages en donnait la preuve : 21 % avaient une voiture en 1953, 78 % en 1995. La mobilité, plus que la vitesse, de plus en plus limitée par les réglementations, devint un facteur prépondérant de l’utilisation des voitures. En dépit des embouteillages, la vitesse moyenne en véhicule particulier augmenta tout de même de 12 % en Île-de-France entre 1976 et 200111. Reflet de la place croissante des véhicules individuels, la part des dépenses des ménages consacrée au transport passa de 13,7 % des budgets en valeur en 1970 à 18,1 % en 2000, celle de la voiture de 5,8 % à 8 %12.
L’attractivité du modèle aérien
11Alors que la SNCF recherchait le bon modèle économique, la concurrence de l’avion devint de plus en plus évidente à la fin des années 1960. Une étude de l’Institut des Transports Aériens estimait en 1969 que la part de l’avion pouvait être évaluée à 4 % du trafic voyageurs pour des distances comprises entre 100 et 500 kilomètres, 10 % jusqu’à 1000 kilomètres, 50 % pour des kilométrages entre 1000 et 4000 kilomètres et qu’au-delà, le marché devenait captif13. La CIWL opposait à cette compétition que l’homme d’affaires choisissant l’avion devait aussi supporter l’allongement de sa journée et des délais d’attente dans les aéroports. Sur certains parcours internationaux, le gain de temps pouvait venir plutôt de déplacements en voitures-couchettes, vers Milan ou Francfort, par exemple. La compagnie considérait que le rail conserverait toujours ses fidèles parmi ceux qui ne pouvaient s’offrir le luxe d’un voyage aérien. À la fin des années 1960, le TEE Paris-Bruxelles maintenait quatre fois plus de clients que l’avion. Mais la comparaison des prix et de l’image de soi qu’inspirait le choix de la modernité par les airs, n’était pas favorable au train. Un vol d’Air Inter entre Paris et Toulouse au prix de 200 francs en 1969 était plus intéressant que la première classe en wagon-lit single à 257 francs, un Paris-Nice à 240 francs en avion coûtait moins qu’un train de luxe à 328 francs. Ramené au prix de la seconde classe, le voyage ferroviaire retrouvait un avantage en étant de 20 à 30 % moins cher14. Mais il fallait voyager en seconde classe.
12Les avantages de l’avion ne faisaient pas de doute. Alors que l’aéroport d’Orly accueillait 9000 passagers par jour en 1961, il en comptait mille fois plus en 1969 et les aéroports parisiens dépassèrent les 20 millions en 1976. Le standing du voyage fut un des arguments efficaces de la réclame aérienne, en particulier sur le plan de la restauration. Les belles années d’une aviation rêvée avaient créé le mythe. Le Super Constellation qui inaugura une route Paris-New York en 1953 réservait à ses passagers sélectionnés un vrai repas servi par des stewards formés dans l’hôtellerie de luxe. Lorsqu’en 1969, la vaisselle jetable devint plus rationnelle en classe touriste, le design industriel mêla le pratique et l’esthétique. L’innovation organisationnelle devint un autre atout. En 1961, la mise en place d’un catering aérien à proximité d’Orly permit de délivrer plus de 20000 repas par jour. Dès 1975, Air France appliquait l’informatique au choix des plats servis à bord en calculant le coût des plats en fonction des ingrédients pour rationaliser les 1500 menus élaborés. La croissance des lignes intérieures adapta l’efficacité des vols internationaux auprès de publics démocratisés dès les années 1970. À la fin du xxe siècle, le transport aérien intérieur était devenu pratique courante et les usages de ce mode de transport influençaient les demandes des voyageurs comme les services à leur proposer. La dépense des ménages consacrée au transport aérien le montre d’évidence. Alors qu’en 1960 la part du train représentait 37,9 % du budget des ménages consacré aux transports collectifs, celle de l’avion se situait bien en dessous à 9,7 %. En 1990, la situation était renversée : 23,1 % au rail, 32,5 % à l’avion. Elle ne cessa de se confirmer dès lors que les avions low cost investirent les aéroports : 34,2 % en 2005 contre 20,5 % au chemin de fer15.
13Les vols intérieurs ont participé de cette dynamique dès la création d’Air Inter qui enregistra 16000 voyageurs en 1960. Sur l’ensemble du trafic aérien la moitié des passagers prenait alors l’avion pour des motifs de loisirs. La compagnie parvint à rassembler jusqu’à 17 millions de clients en 1994. Des itinéraires qui avaient fait le bonheur de la restauration ferroviaire étaient désormais le marché aérien captif d’une clientèle aisée. En 1995, six lignes représentaient 60 % du trafic aérien intérieur : Paris-Marseille, Paris-Toulouse, Paris-Nice, Paris-Bordeaux, Paris-Strasbourg, Paris-Montpellier16. Les mobilités des cadres en voyages aller-retour dans la journée, augmentèrent au rythme des entreprises établies près des aéroports de province. La convention qui lia Air Inter à l’État lui assura dès 1967 la vocation prépondérante d’une desserte des agglomérations régionales. Par des stratégies commerciales ajustées, elle en fit son support de croissance, démocratisant l’espace aérien intérieur. La mise au point d’une tarification graduée en vols rouges, blancs, bleus, selon la fréquentation, soutint largement cette évolution dès 1975 avec des prix très attractifs qui permettaient de faire un Paris-Toulouse en vol au tarif bleu à 270 francs. Le contexte des années 1980 modifia son jeu lorsque la prise d’envols vers les itinéraires internationaux échoua et que la Compagnie dut se résoudre à entrer dans le giron d’Air France. Le marché intérieur fut saisi par d’autres compagnies régionales à la fin de la décennie 1990, relayant les compagnies charter entrées en lice avec l’ouverture du ciel français à la concurrence en 198717.
14Au regard de ces évolutions, sur route et dans les airs, la distribution du trafic ferroviaire changea de nature au cours des années 1980 et 1990. Avant ce basculement, la SNCF considérait que le marché des transports n’était pas saturé au regard du nombre de voyages de plus de 100 kilomètres que les Français effectuaient dans l’année. Ils se résumaient à… deux par an ; seuls 5 % des ménages étaient jugés très mobiles puisqu’ils comptaient à eux seuls un quart des voyages tous modes confondus18. À partir des années 1980, le transport de masse devint résolument celui de seconde classe. En 1996, 82 % des voyageurs se retrouvaient en seconde (44 % sur le TGV, 38 % en trains classiques) et 18 % en première (dont seulement 5 % en trains classiques). L’élargissement de la clientèle devait viser les catégories sociales les moins aisées pour les rendre plus mobiles. Notamment parce que le chemin de fer disposait d’atouts en termes de sécurité, de consommation d’énergie et de compatibilité avec la connexion au cœur des villes19. Reconquérir des clientèles passait aussi par des services, comme une restauration attractive.
Comment se débarrasser du « sandwich SNCF » ?
15Au milieu des années 1980, les hôtels-restaurants détenaient 37 % du marché de la restauration commerciale en volume, les restaurants en ville représentaient 45 % des repas et ceux des centres commerciaux 11 %. La restauration liée aux transports se limitait à 7 % du marché. Le train comptabilisait 6,7 millions de repas soit la moitié du catering aérien. Les autoroutes délivraient 10 millions de consommations et les restaurants de bords de route 67 millions. La restauration ferroviaire était donc plutôt marginale en volume. Une étude conduite sur les implantations commerciales en forte croissance renforçait cette perception, plaçant en premier les magasins des centres commerciaux, les autoroutes, l’avion et… en dernier le train20.
Entre critique culturelle et critique contextuelle
16Au cœur de la restauration ferroviaire, le sandwich prenait une place importante. En 1984, les voyageurs en avalèrent 2300000. Sa connotation était si négative qu’il n’était nul besoin d’ajouter un adjectif à l’appellation « sandwich SNCF », il était devenu le symbole le plus caractéristique d’une restauration médiocre. Un vrai lieu commun dont le chanteur Renaud évoquait la minceur dans sa chanson Marche à l’ombre et que le journal Charlie Hebdo utilisait dans une ironie tragique pour annoncer : « Un comble ! Les affamés ougandais refusent les sandwichs SNCF21 » alors qu’une effroyable famine sévissait en Ouganda.
17La restauration servie aux voyageurs suscita même les questions écrites au ministre des Transports lors des débats parlementaires à propos du TGV. Le problème ne se limitait pas au nouveau train. Les enquêtes menées auprès des différents types de voyageurs le répétaient dans des circonstances de voyage assez diverses. Parmi d’autres, l’étude conduite en février 1982 sur la restauration à bord des trains classiques livre de précieuses indications pour sortir des images toutes faites22. La consommation de sandwiches est d’abord perçue comme un pis-aller. Certains voyageurs emportent leur propre préparation pour pallier l’incertitude d’une offre dans le train. Beaucoup remarquent que les informations données sont trop limitées voire inexistantes. L’argument « quand on monte dans le train, on ne sait jamais si on trouvera à manger ou à boire » emporte l’adhésion de 45 % des enquêtés23. Un tiers des voyageurs se sont habitués à emporter leurs provisions. Parmi eux, les voyageurs de seconde classe dominent mais un quart des clients de première classe et un dixième des voyageurs du TEE font de même. Pourtant, plus de la moitié des voyageurs (56 %) n’écartaient pas l’idée d’acheter quelque chose à manger ou à boire pendant le voyage. La méconnaissance du fonctionnement des différentes formules aboutit donc le plus souvent à un choix par défaut. Tel voyageur déclare connaître les mini-bars, mais avec un commentaire net : « Ils vendent des boissons fraîches et des sandwiches (dégueulasses d’ailleurs !)24. » D’autres soulignent plutôt que le bon service est réservé aux voyageurs de première classe, opposant le saumon des uns au sandwich des autres.
18Une frontière qualitative autant que subjective sépare le produit acheté et l’en cas confectionné soi-même, comme le résume un point de vue largement partagé au début de la décennie 1980 :
Ils vont se faire leur casse-croûte comme ils l’aiment, avec du bon pain bien croustillant et du bon jambon, une bonne tranche ou du bon camembert pour pas très cher ; quand ils achètent dans le train, ils vont acheter un sandwich qui n’a plus rien d’un sandwich mais qui ressemble à une éponge qu’ils vont payer un prix fou et qui est mauvais25.
19Un voyageur déclare : « Moi j’aime bien manger alors je prends un casse-croûte préparé à la maison. Au moins le jambon n’est pas épais comme du papier à cigarettes26. » Il conforte l’attitude préventive assez répandue. Certains avis le justifient sans peine : « Les sandwiches que j’ai pu acheter dans le train, c’était quelque chose d’abominable, rassis, durs et immangeables27 » ; « pain industriel, jambon desséché28 ». Les commentaires inverses sont peu nombreux. Certes des voyageurs considèrent que « les sandwiches sur le quai sont plus frais, d’une bonne qualité et plus appétissants29 ». Mais l’ensemble des propos de l’enquête poussèrent le rédacteur du rapport à dresser un bilan très critique. La qualité des produits lui inspire ce bel euphémisme : « Les notes sont assez négatives, sans pouvoir rendre compte de la violence des critiques sur les sandwiches30 ».
20Le cumul de multiples raisons sans liens d’évidence aurait pourtant dû jouer en faveur du sandwich : l’insuffisante propreté de la voiture Gril-Express, la difficulté de circuler dans le train, les réticences en particulier féminines pour aller au Bar-Corail trop fréquenté, le prix des repas, la crainte de laisser ses affaires à sa place. Mais la qualité de ce qui était proposé subissait la concurrence insoutenable de la préparation domestique sur de courts trajets et à l’inverse celle de la nécessité d’un vrai repas sur les parcours de plus de cinq heures. Le sandwich finissait par endosser tous les inconvénients : absence de fraîcheur, emballage en plastique très dépréciatif, perception d’un aliment industriel, cherté relative, nutrition insuffisante, goût rebutant pour des mangeurs ayant perdu le sens de la faim. Il devenait absurde d’acheter trois sandwiches pour se rassasier et parvenir à une dépense à peine moindre que celle d’un repas au wagon-restaurant. Malgré cela, au début de la décennie 1980, 25 % des voyageurs du TEE, 25 % des clients de première classe et 50 % de ceux de seconde classe déclaraient que leur type de repas préféré pouvait être un sandwich. Un repas complet emportait l’adhésion de 50 % dans le TEE, 60 % en première et 35 % en seconde. Il restait 25 % des voyageurs dans le TEE, 15 % en première et en seconde à refuser l’un comme l’autre. Un fort consensus allait par contre vers des prises alimentaires moins chères et plus légères. La demande était importante parmi la clientèle féminine, jeune, provinciale et tous les voyageurs dont le budget l’emportait sur l’enjeu gustatif. Au début des années 1980, les effets de la crise économique et le retour d’une inflation très élevée (13 %) redonnaient une acuité particulière à la maîtrise des dépenses des consommateurs peu aisés.
Le désir du fast-food
21Les enquêtes des services du marketing montrent à quel point il serait erroné d’assimiler la critique portée au « sandwich SNCF » à une remise en cause de l’alimentation industrielle. Lorsque les prestataires de la restauration s’efforçaient de maintenir un menu classique, ce sont les évolutions vers un repas de type snack, voire une offre similaire aux fast-foods naissants qui étaient revendiquées. Des citations explicites l’assurent :
Ils feraient des hamburgers style McDonald, à 8,50 francs, ce serait parfait, superbe. Pas faire une espèce de cuisine à la française avec des moyens qui ne permettent pas de le faire. On servirait des petits hamburgers, des gros, des doubles, des tartes aux pommes qui peuvent être préchauffées, dans leur emballage, aux infrarouges, des trucs avec du fromage fondu par-dessus, des trucs très simples, propres, préemballés, ça serait formidable31.
22Des Wimpy bars franchisés dès 1957 à l’ouverture du premier McDo à Londres en 1974, le style du fast-food venu d’Amérique était répandu en Grande-Bretagne comme le témoin d’un âge alimentaire modernisé. Un quart des repas y était déjà en take away32. Son attrait en France rend compte, après l’ouverture d’un premier McDonald’s en 1979, d’une prédilection tournée vers une autre forme d’alimentation.
23La mutation des aspirations était bien lancée comme le révèle ce témoignage d’un voyageur interrogé en 1982 : « Ce serait bien si on pouvait trouver dans un Bar-Corail, quelque chose qui serait un peu conçu comme un McDonald’s avec une espèce d’endroit pour rester debout… dans la perspective d’une restauration accélérée et pas très onéreuse33. » La remarque s’intègre parfaitement au mouvement qui s’amorçait en France. Alors que 109 établissements de fast-food existaient sur le territoire national en 1980, la progression fut spectaculaire. En 1986, ils avaient décuplé. Entre ces deux dates, le chiffre d’affaires de la restauration rapide progressa de 178 %. Le hamburger représentait 75 % des recettes en 1986, loin devant la viennoiserie (14 %), la pizza (2,2 %), et d’autres produits variés (5,5 %). Le sandwich ne contribuait qu’à 3 % du marché. L’appétence nouvelle pour avaler un steak haché fourré entre deux pains ronds ressort encore plus nettement en considérant les types d’établissements. Les boutiques de hamburgers formaient 52 % des points de vente quand les sandwicheries en constituaient 5,4 %, les sites de vente de pizza 3,3 %, les croissanteries 26,7 %. Alors que le ticket de caisse moyen d’une sandwicherie se limitait à 16 francs, celui d’une croissanterie à 12 francs, le consommateur dépensait 26 francs dans un fast-food de hamburger et 21 francs pour consommer une forme de pizza34.
24Depuis le début de la décennie, le voyageur qui s’adressait à la restauration ferroviaire avait donc bien en tête d’autres modèles alimentaires, que la multiplication des chaînes de restauration rapide rendait de plus en plus visible. Outre l’américain McDonald’s et le Français Jacques Borel, Burger King et Quick étaient dans l’offre en 1980, O’Kitch et Free Time en 1982. Manhattan Burger, Katy’s Burger, Pandy Food suivirent. La restauration rapide à la française n’était pas totalement absente de ce marché puisque l’enseigne Pomme de pain avait entrepris son expansion à Paris en 1980 puis à Lyon trois ans plus tard. Durant la décennie 1980, elle ouvrit 25 points de vente, qui se signalaient par des initiatives originales comme le pot de cornichons à disposition pour condimenter le sandwich au jambon, au comté ou au saucisson. Une autre marque avait été lancée à Brest en 1976, pour promouvoir la Brioche dorée de l’entreprise Le Duff, bientôt mise en concurrence avec la Croissanterie du groupe de panification industrielle Jacquet. Les deux sociétés concentraient 91 % des lieux de vente de restauration rapide à la française en 1981. Quelques années plus tard, le consommateur pouvait élargir son choix avec d’autres formes d’alimentation mobile, soit par la fréquentation des camions pizzas, dont l’expansion vint de Marseille comme vente alimentaire des rues, soit par le recours aux premières entreprises de livraison, encore marginales, avec l’arrivée de l’entreprise américaine Pizza Hut en 198735.
25Trouver un nouveau style de restauration dans le train restait contraint par l’argument du prix. En 1982, le voyageur du TEE plaçait son budget de repas entre 47 francs (un repas plutôt pris au bar avec une quiche, une pizza ou un croque-monsieur, une boisson, un hors-d’œuvre, un dessert et un café) et 227 francs (repas complet dont les mets les plus chers étaient aussi les plus demandés, à 82 % des cas pour le saumon et 77 % pour les tournedos). En première, la moitié des repas se situaient entre 36 francs et 50 francs (28 % des choix) et de 51 francs à 70 francs (39 % des cas), constitué d’un plat principal et d’un hors-d’œuvre, d’un dessert et d’un café avec des boissons alcoolisées. Ces deux segments budgétaires retenaient respectivement 29 % et 27 % des repas consommés par des voyageurs de seconde classe. Le prix du sandwich devait rester très modeste pour gagner son marché, de 7,20 francs à 9,70 francs. La concurrence du buffet de gare n’était pas à ignorer puisqu’un tiers des voyageurs déclaraient y acheter des aliments à emporter et que 29 % avaient dans leurs habitudes d’entrer au buffet de gare pour y consommer un sandwich à la fin de la décennie36. Les plus jeunes voyageurs, entre 15 et 24 ans, considéraient même à 65 % d’entre eux que leur fréquentation du buffet résulterait d’une sandwicherie de qualité, ce que l’écart générationnel avec les plus de 50 ans soulignait, les plus âgés n’étant pas plus de 31 % à exprimer une opinion similaire37. La future clientèle des sandwiches était bien cette jeunesse, si l’on note que 74 % des étudiants et scolaires adhéraient à l’idée d’aller acheter par commodité et en fonction du prix cette restauration perçue comme rapide. En regard, aller au buffet pour trouver une croissanterie ne retenait que 63 % de ces jeunes et l’idée d’y trouver un fast-food séduisait 52 % d’entre eux. Quant à la distribution genrée, elle mettait à égalité femmes et hommes sur cette question. Pour des spécialistes du marketing, la correction d’image associée au sandwich devait venir à bout d’une telle représentation. Mais comment faire converger la demande d’un produit similaire au hamburger de fast-food, la prédilection pour une baguette fraîche et un prix raisonnable ?
La marque pour contrer l’image
26Cinq axes furent mis en avant en 1984 au sein de la CIWLT : améliorer l’image de la restauration, développer la pénétration du marché auprès des voyageurs de seconde classe et des familles, régionaliser l’offre sur la carte des vins et par la vente de coffrets de produits locaux, améliorer l’information tant auprès du public que des agents de la SNCF, garder un équilibre financier acceptable38. Plusieurs actions étaient prévues dont la cohérence relevait de dispositifs d’informations mieux ciblés : placer des panneaux mobiles à l’entrée des quais, distribuer des prospectus dans les trains, alerter les voyageurs par des offres sonores. La réalité du marché commandait de porter l’effort vers les clientèles les plus mobiles. Le Gril-Express, le Bar-Corail, le bar Intercités et la vente ambulante apportaient 80 % du chiffre d’affaires alors que la restauration à la place et les wagons-restaurants ne dépassaient plus 20 % des recettes.
27Le développement des formules de repas rapide formait l’offre que la CIWLT considérait la plus appropriée au Gril-Express. Aux 6 entrées avec 64 références annuelles, 7 plats principaux avec 30 références et 9 desserts à 20 références, s’ajouteraient désormais des produits à base de pâte et des ventes à emporter légères (café, hamburger, pain, barquettes de frites, tartes). Au Bar-Corail, un kit sandwich à confectionner par le voyageur, des barquettes de fruits et des plateaux-repas composés de produits froids annonçaient la fin du sandwich sous cellophane. Plusieurs nouveautés modifiaient la vente ambulante. La différenciation des sandwiches élargissait l’offre sous de multiples appellations suggestives : Montagnard (jambon des Ardennes et emmental), Major (pain baguette avec un seul jour de péremption), Viennois (sans doute plus résistant puisqu’il était consommable trois jours), Miche au pâté (destiné aux militaires des trains de permissionnaires). Aux sandwiches dénommés, des clientèles supposées. Plus visible, la transformation du chariot ambulant procéda d’une étude comparative de tous les modèles existant en Europe dans la restauration ferroviaire. Un emplacement publicitaire surmonta désormais les casiers transparents à sandwiches pour la vente immédiate. Des compartiments réfrigérés contenaient d’autres sandwiches et des boissons. La capacité du chariot était accrue pour éviter les rechargements. Son centre de gravité abaissé et la conception de son roulement avaient aussi été repensés. Mais sans transformer l’espace des offices du Corail, le résultat restait incertain.
28L’innovation principale était dans un autre dispositif. Depuis 1973, la CIWLT avait mis en œuvre sous le libellé de « cuisine embarquée », le principe d’une cuisine différée en liaison chaude sur les réseaux de l’Est et du Sud-Ouest. Son extension aux trains Intercités et dans le Corail fut envisagée. L’évolution des techniques culinaires, notamment la vapeur sèche, la cuisine sous vide, l’emploi de surgelés, soutenait cette orientation. Abandonner une cuisine élaborée dans le train pour une clientèle réduite et la remplacer par un service simplifié devenait l’évidence. Mais la technologie permettait aussi des améliorations, la cuisson différée rendant de meilleurs résultats que le micro-ondes dont les voitures-restaurants furent parmi les premiers utilisateurs en restauration mobile.
29La SNCF restait pour sa part convaincue que la restauration ferroviaire constituait un atout commercial dans le contexte de concurrences avec d’autres modes de déplacement. Mais une stratégie unique n’était pas concevable. Vers la fin de la décennie 1980, 815 services étaient assurés par jour sur 550 trains au départ d’une trentaine de gares, sans compter les provisions que les voyageurs pouvaient acheter en dehors du train39. La répartition des prestations se faisait à 42 % au bar, 33 % en vente ambulante et 21 % sous forme d’un repas plus classique servi à la place en première classe ou au Gril-Express. Le seul lien entre ces différentes catégories résultait d’une perception que pouvaient avoir tous les consommateurs, profiter d’un temps de voyage contraint pour se restaurer, sans rompre ses habitudes prandiales ou en gagnant du temps. En s’engageant au milieu des années 1980 dans un plan de communication, la SNCF voulut agir conjointement avec les prestataires pour préciser cette perception. L’améliorer certes, mais surtout la définir en exposant les sujétions particulières de cette restauration, des coûts plus élevés qu’à terre aux logistiques d’avitaillement complexes. Le message glissa du matériel à l’immatériel. La Revue générale des chemins de fer souligna ainsi cette mutation : « La restauration ferroviaire a pris fin et a donné place à la restauration de voyage qui, pour chaque consommateur, va correspondre à un bon moment passé dans le train40. »
30Le tournant prit forme en 1985 lorsque la SNCF constitua un Comité restauration communication avec la Direction commerciale voyageurs, la CIWLT, Servair et Gorsse, les trois prestataires de la restauration. Regroupées sous la marque Le Bon Moment, lancée en avril 1987, trois actions orientaient cette politique de communication. Tous les produits et services répondraient à des critères de qualité définis par la SNCF et ses restaurateurs. Un logo représentait cet engagement : un paysage vu de la fenêtre du train et un plateau-repas stylisé, marqué de la raison sociale du prestataire. Un baromètre consommateur était institué pour obtenir tous les deux mois l’avis des clients sur la qualité, le choix et la présentation des plats, l’accueil du personnel et la rapidité du service, l’ambiance, la propreté des lieux et du matériel. La formation du personnel entrait dans une logique entrepreneuriale repensée. Le Bon Moment devenait un produit de marque. En mobilisant au-delà des seuls services de marketing, la stratégie déployée tendait vers une prise en compte d’une culture de la clientèle, devenue une orientation essentielle du management d’entreprise à la fin du xxe siècle41. La SNCF ne souhaitait plus vendre une cuisine mais du temps.
31La brochure distribuée en guise de carte dans la voiture-restaurant des Wagons-Lits en 1989 en appliquait le principe visuellement. En 21 pages, pas une seule image de repas, uniquement des instants traduits en boissons à chaque page publicitaire en marge des tarifs. Eaux d’Évian et de Badoit sur une nappe blanche, verre de Martini sur fond de yachts en pleine mer, Coca-Cola dans la main d’une skieuse éblouie de soleil en perspective des JO d’Albertville de 1992, danseuse dénudée de la revue du centenaire au Moulin-Rouge, jus d’orange des Vergers d’Alsace servi sur plateau d’argent, bouteilles de marques de whisky sur des fonds neutres, cognac Camus sur une page glacée noire en face du menu du jour, bouteille d’Orangina face aux suggestions pour les enfants, bières Kronenbourg sur table de bistrot, entre-deux-mers et bergerac sur un arrière-plan aux couleurs de vendanges.
32Au début de la décennie 1990, la SNCF renforça sa communication par des campagnes publicitaires - affichage en gare et spot télévisuel diffusé trois semaines en décembre 1991 - pour installer la notoriété de la marque. La recommandation qui était déjà enseignée aux employés à bord des trains en 1983 : « Informer pour vendre plus » s’imposait. Une enquête conduite auprès de 611 individus, dont le tiers appartenant aux catégories socioprofessionnelles aisées, livra des enseignements sur la réception de la campagne. Le film publicitaire faisait ressortir la convivialité (33 % des personnes) plus que l’envie de manger (21 %). Mais 72 % des sondés pensaient aller faire un tour au bar, 62 % prendre un repas complet et 53 % acheter un en-cas au bar. En revanche, le message ne paraissait pas si réaliste puisque 12 % (24 % parmi les catégories aisées) considéraient la campagne comme mensongère. Malgré cela 50 % déclaraient que le message donnait envie d’essayer la restauration à bord des trains et 76 % trouvaient que l’information la mettait bien en valeur. L’effet majeur tenait aux 78 % des sondés admettant que tous les voyageurs peuvent trouver de quoi se restaurer dans les trains. La voix off du film le soutenait d’ailleurs : « SNCF, le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous42. »
33Le Bon Moment recouvrait toutes les formules par le slogan. Il permettait d’associer un sandwich amélioré au bar, le snack du Gril et une prestation confortable aux voyageurs de première classe. La clientèle de cette catégorie était aussi à reconquérir sinon à maintenir. Alors que de 1962 à 1975 la croissance avait atteint 46 % de voyageurs en plus, entre 1975 et 1982, elle décroissait de 24 %. Des causes multiples expliquaient cette diminution des premières classes : amélioration du confort sur le train Corail déplaçant une partie des voyageurs vers ce nouveau train ; transfert important du voyage des cadres supérieurs vers le transport aérien ; diminution budgétaire dans un contexte économique moins prospère. Peu avant de lancer la stratégie commerciale du Bon Moment, la SNCF tenta de redresser le voyage en première classe. Étudiée dès 1983, la nouvelle première apparut à l’hiver 1985. Sur le plan alimentaire, l’innovation la plus importante qui anticipa bien des tentatives ultérieures, fut d’associer le chef étoilé Joël Robuchon à la conception des plats sur la liaison Paris-Strasbourg. Il fut le premier grand cuisinier à collaborer à cette recherche gastronomique. De même le réglage du service reçut les conseils du directeur de l’Hôtel Meurice et de la chaîne Intercontinentale, le design des voitures fut confié au décorateur d’intérieur parisien François Catroux. Grâce au système de la cuisine différée, les plats pouvaient être préparés à terre, conditionnés dans des sachets thermorésistants, cuits au four à vapeur puis rapidement refroidis et conservés une semaine à moins de 2 degrés. À bord du train, seules la remise en température et la présentation incombaient au service. L’expérience servit de laboratoire pour faire prévaloir un système commercial nouveau. Critères comportementaux et choix techniques distinguaient les clients.
34L’échelle des offres de restauration présentait donc une diversité bien plus grande que les contempteurs du « sandwich SNCF » n’en avaient conscience durant la décennie 1980. Les bars servaient des assiettes froides de crudités, de charcuterie, de saumon fumé ou de foie gras dans les TEE, des spécialités sur tartines de pain Poilâne dans les TGV, des produits de l’office dans les rames RTG. Dans les voitures Gril-Express, le self-service garantissait de pouvoir manger normalement à n’importe quelle heure tous les composants d’un repas. Dans le TGV, des coffrets froids étaient servis à la place en seconde classe et des repas complets en première tandis que les trains Corail offraient soit le bar, soit la restauration à la place, soit la voiture-restaurant. Il fallait aussi rappeler aux voyageurs qu’en première le service assuré par une hôtesse ou un steward (l’emprunt au vocabulaire du transport aérien souligne la concurrence visée) conservait une présentation soignée avec nappe blanche et maître d’hôtel dans le TEE, serviette en tissu et vaisselle classique. Sous l’apparence de la variété, la démarche inspirée par le Bon Moment visait en fait la standardisation des offres sous le contrôle de la SNCF. La marque précédait l’homogénéisation du service. L’évolution de la restauration ferroviaire entrait dans une autre logique, celle du gain de place pour augmenter le nombre de voyageurs, celle de la réduction des effectifs de service, celle d’une offre commerciale ajustée par la rationalisation des processus d’avitaillement et de consommation. La partie était-elle gagnée ? Difficile de l’admettre lorsque le ministre socialiste de la Culture Jack Lang, en campagne électorale des législatives de 1993, admonestait la SNCF, s’en tenant toujours à la même rengaine : « Un McDo, c’est pas terrible, mais c’est toujours mieux qu’un sandwich SNCF43. »
Le déclassement des buffets de gare
35Deux enquêtes conduites sur les buffets de gare à dix ans d’intervalle livrent un tableau renseigné de leurs clientèles entre 1977 et 198844. Bien que les voyageurs aient représenté la majorité des clients, la part des habitants de la ville n’était pas négligeable, s’élevant à 45 % en 197745. Plutôt de fréquentation masculine, jeune (60 % en dessous de 35 ans) et de catégorie socioprofessionnelle modeste, le buffet attirait pour faire de petites consommations. Seuls 22 % des clients prenaient un vrai repas. Le café, l’en-cas ou un verre formaient l’essentiel des dépenses. La moitié des consommateurs se déclaraient des habitués des buffets. Les clientèles féminines qui voyageaient en première classe n’allaient guère au buffet. Du côté masculin, les catégories sociales aisées ne fournissaient pas plus de 16 % d’adeptes.
36L’enquête de 1977 permit de caractériser des profils types. L’indifférent ne voyait dans le buffet qu’une salle d’attente. L’occasionnel exigeant nuançait son avis selon les buffets. Le renfermé n’aimait pas l’ambiance, les buffets lui semblant tous pareils. L’usager contraint était le pire des clients ne trouvant aucun avantage à ce lieu. Peu d’espoir de convaincre ce type de consommateur n’habitant pas la ville, plutôt aisé, souvent de genre féminin, qui fournissait 14 % des consommateurs de l’enquête et 28 % d’une clientèle potentielle. À l’inverse, l’amateur soulignait l’ambiance et le nostalgique du buffet aimait la foule qui pouvait y aller. L’usager déterminé donnait une vision plus spécifique estimant que le buffet n’est pas une salle d’attente et qu’il faut préférer les buffets des petites villes. Au total, l’addition des clients qui n’appréciaient pas les buffets de gare s’élevait au moins à 44 % des personnes enquêtées contre 56 % d’avis neutres ou plus positifs.
37En 1988, l’enquête révéla des opinions moins favorables46. À la question « Vous arrive-t-il d’utiliser les services des buffets de gare ? », un tiers des individus interrogés répondait oui, 67 % jamais47. Les clients - ceux qui restaient - étaient surtout de grands voyageurs, à raison d’un trajet mensuel (39 % de la clientèle) ou des voyageurs effectuant quelques trajets (19 %). Les statistiques rapportées pourraient démontrer que le buffet n’était plus « LA » table de la ville. Prendre un bon repas au restaurant de la gare ne mobilisait plus que 2 % des Français et 6 % de la clientèle des buffets. Prendre un café ou une boisson était envisagé par 70 % des habitués du buffet mais 23 % seulement parmi la population. Acheter un sandwich, voire le manger sur place tentait 52 % des voyageurs contre 18 % de la population48.
38Les buffets de gare n’étaient plus en vogue. Une vingtaine rassemblaient des buffets hôtels regroupant un peu plus de 800 chambres. Les autres étaient tenus en concession par des chaînes comme la CIWLT qui exploitait les buffets de Dijon, Marseille et Toulouse en 1984. Frantour, la filiale tourisme de la SNCF créée en 1977, servait ceux de Paris-Nord, Paris-Est, Lyon-Perrache, Lyon-Part-Dieu, Belfort49. Le métier familial de buffetier, qui avait attiré à la profession de véritables dynasties de restaurateurs de gare, ne comptait plus que 196 concessionnaires sur 232 en 1984. Une grande inégalité de chiffre d’affaires démarquait les établissements. Moins de 6 % d’entre eux réalisaient la moitié du chiffre d’affaires global des buffets. Quant à la gastronomie, elle n’était plus le cœur de la comptabilité, abondée par 58 % de chiffre d’affaires en boisson et plus de 20 millions de sandwiches50. Dans le langage du métier, le tiroir-caisse dépendait cette fois pour de bon de la limonade. De fait, des quantités considérables de boissons s’écoulaient dans les buffets, au point de faciliter la contractualisation des approvisionnements avec les grandes entreprises de brasserie. Celles-ci étaient assurées de trouver l’écoulement de leurs fûts et la promotion de leur marque, comme Heineken, Kronenbourg ou Kanterbrau. En 1984, le marché annuel des buffets de gare représentait un volume de 115000 hectolitres de bière et 230 tonnes de café51. À la gare d’Austerlitz, le buffet des Rouillon écoulait, en 1992, 600000 sandwiches et autant de boissons à emporter, 2000 hectolitres de bières pression et le dixième en limonade52.
Des festins de roi à l’aquarium sans musique
39Pourtant, les buffets de gare suscitaient encore l’évocation plus ou moins rêveuse. Joe Dassin clamait les festins de roi sur le zinc d’un buffet de gare avec sa Fleur aux dents chantée en 1971. Bernard Lavilliers balançait Le buffet de la gare de Metz comme un aquarium sans musique, après y avoir passé en 1974 ses soirées de tournées au cœur de la Lorraine sidérurgique. Bien plus tard au début des années 1990, Alain Bashung donnait à imaginer ses Grands voyageurs, qui cherchent des amuse-gueule au buffet de la gare. D’autres se souviennent à plusieurs décennies de distance, dans leurs nouvelles, du café « qui avait un parfum exotique, tellement la faune qui hantait ce lieu était cosmopolite » et des « cuisines qui envoyaient jour et nuit des montagnes d’assiettes remplies à ras bord de frites molles et de knacks »53. Poésie invisible mais bien ressentie, comme l’a mise en mots sensibles le romancier Benoît Duteurtre54. À ces lignes mélodiques correspondent les visions plus communes de cet espace sas au travers des enquêtes commerciales.
40Saisi comme embarcadère du voyage, le buffet de gare jouait son rôle de lieu de transit : 22 % des voyageurs allaient au buffet pour attendre une correspondance, 15 % à la descente du train et 63 % pour attendre un train55. Il n’en était pas moins un lieu de convergence urbaine entre ceux qui travaillent à proximité de la gare et ceux qui viennent y consommer. Il était surtout un lieu dont les habitués appréciaient qu’il reste ouvert tard. Certains ne fermaient jamais, assurant un service vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La majorité des buffets de grandes villes affichaient une amplitude horaire très large. Y aller participait d’habitudes de consommation ou de comportements situés entre la nécessité d’une consommation alimentaire et celle d’y passer le temps. En 1977, 27 % des enquêtés déclaraient être allés plus de dix fois dans un buffet de gare au cours des derniers mois et 20 % presque une fois chaque mois56.
41La fréquentation du buffet était souvent solitaire. Trois clients sur quatre n’avaient ni compagne ni compagnon dans cette fréquentation, une solitude accrue par le temps passé qui pour la moitié des consommateurs dépassait l’heure57. Mais cette réclusion pouvait cacher bien des postures, du client refusant le mélange social et se comportant en notable à l’écart au spectateur attiré par l’observation de ses congénères, des individus cherchant au buffet anonymat et isolement jusqu’aux voyageurs angoissés qui escomptaient trouver un territoire rassurant.
42À la fin des années 1970, le buffet de la gare n’était plus guère perçu comme une table gastronomique, à l’exception du Train Bleu à la gare de Paris-Lyon, sorte de cas particulier. Car l’image usuelle la plus répandue était associée au bar-brasserie, sale, bruyant, vétuste, à la lumière agressive, mêlant voyageuses, voyageurs, militaires et clientèle de passage démunie ou stigmatisée comme marginale. Parmi les voyageurs interrogés dans le train, les hommes déclaraient y prendre un petit-déjeuner (22 %), un en-cas ou une boisson (74 %) et seulement 4 % un déjeuner ou un dîner. Du côté des femmes, les pourcentages presque identiques ne se dissociaient que par le taux de non-réponse (10 %)58. En revanche, la contradiction n’est qu’apparente lorsque la clientèle potentielle estimait préférer la partie restaurant (54 % des hommes et 47 % des femmes) alors que les clients réels du buffet avaient plutôt un avis inverse, 41 % seulement considérant le restaurant avec intérêt. À la représentation gastronomique que les non consommateurs gardaient parfois à l’esprit s’opposait le désintérêt culinaire d’une clientèle quotidienne. Une majorité trouvait d’ailleurs nécessaire que le bar soit dissocié du restaurant.
43Malgré tout, la représentation du buffet de gare était plus favorable parmi les clients interrogés sur place car précisément ils étaient des habitués. Les consommations servies rassemblaient 74 % de clients satisfaits ou très satisfaits contre 51 % parmi les voyageurs interrogés dans les trains. Le personnel suscitait peu le mécontentement des consommateurs des buffets (21 % peu ou pas du tout satisfaits) alors que les voyageurs des trains considéraient le personnel des buffets plutôt négativement (41 % chez les hommes, 29 % chez les femmes)59. L’idée que les buffets de gare pourraient être améliorés était tout de même largement partagée. Dans la longue liste des souhaits que les utilisateurs de services en gare réclamaient à la fin des années 1970, le buffet arrivait en troisième position sur dix choix. Seules les installations sanitaires et la question de l’attente en gare paraissaient plus importantes60. La proposition d’une galerie marchande n’était pas du tout dans les recommandations - elle n’était mentionnée qu’à la neuvième place - et guère plus la restauration rapide sur les quais. Trouver des consommations alimentaires restait un apanage attendu du buffet de la gare. Mais l’appréciation pondérée par les générations laissait deviner en 1977 que d’autres attentes seraient promues par les jeunes. Eux ne s’intéressaient au buffet qu’en sixième position. Faire de la gare un lieu de services et du buffet un lieu utilitaire émergeait dans les mentalités.
44En fin de compte, les détracteurs du buffet de gare mettaient en avant l’atmosphère sinistre de la gare plus qu’ils ne critiquaient les consommations prises au buffet inclus dans cet enclos. Accrue par la sensation du lieu, voué au départ et à la rupture, empreinte de la peur de rater son train, la perception de cette halte alimentaire profitait peu de sa capacité à fournir une grande diversité de prestations. Dans la gare sans être « la gare », dans la ville sans être « la ville », le buffet démarquait un territoire de plus en plus intermédiaire, concurrencé par d’autres formules commerciales. Le buffet des petites villes et son restaurant encore bien ancré dans un registre culinaire régional, étaient moins ciblés par cette vision. Là, dans le regard des clientèles, le vétuste devenait l’ancien, le traditionnel se chargeait de nostalgie. Mais certains buffetiers avaient bien compris dès la fin des années 1970 que les clientèles se transformaient. À l’homme d’affaires et au voyageur de première classe désireux d’un menu soigné se substituait l’hétérogénéité de consommateurs mélangés, buveurs de café, de petit vin blanc sec, de bière et de Pschitt, en complément du « jambon-beurre », du croque-monsieur et de la quiche au lard.
45Une décennie plus tard, les tendances se confirmèrent. Les rédacteurs du rapport établi en 1988 entraient dans le sujet par cette appréciation dure : « L’enquête fait apparaître que ce sont les éléments négatifs de l’image des buffets de gare qui priment : lieu impersonnel, fatigant, inconfortable, sale, qui ne donne pas envie d’y passer du temps, et pratiquant des prix élevés61. » Le buffet ne ménageait pas l’intimité selon 72 % des enquêtés et « faisait populaire » pour les trois quarts des individus qui avaient répondu aux questions. Le terrain commercial n’était plus favorable : 34 % des voyageurs de l’enquête déclaraient préférer sortir de la gare et manger en ville quand ils voyageaient, soit autant que ceux qui se munissaient de leurs propres provisions. La compétition n’était plus seulement celle du quartier de gare. Elle dépendait aussi d’autres vécus que les voyageurs de la fin du xxe siècle expérimentaient dans les aéroports ou dans les centres commerciaux. Plusieurs mots des enquêtés disent à quel point l’image était dégradée, par la qualité - « nourriture grasse, indigeste, sandwich sous cellophane, mou, gras, cher, sans beurre, croissant gras, pas frais »- et par le service - « lenteur du repas, conception dépassée, manque d’attention à l’égard des clients »62. Ils y opposaient les nourritures absorbées au Flunch ou au Casino, présentées comme une offre de restauration rapide, économique, sans sacrifice de la qualité du service, ou celle des croissanteries, fast-food et sandwicheries en croissance constante.
46D’apparence unanime, cette vision appelle deux pondérations. L’une relève de l’évolution des conditions d’exercice de la restauration ferroviaire en gare qui cumula des handicaps croissants. L’autre porte sur les initiatives d’innovation commerciale que des buffetiers ont engagées, suscitant d’ailleurs des commentaires dont l’enquête de 1988 rendait compte. La diversité des buffets conduit en effet à les différencier. Celui de Beauvais était apprécié par une clientèle locale, fidèle… mais voyageant peu. Celui de Tours comptait un tiers de la clientèle issue de la ville préférant somme toute l’assiette du buffet à celle des rares restaurants locaux attractifs. Celui de Paris-Montparnasse où le flux de voyageurs était inversement proportionnel au degré de satisfaction des clients. Celui de Dijon, considéré un temps comme une gloire des buffets mais qui ne pouvait plus empêcher que 50 % des voyageurs interrogés à la gare déclarent préférer aller manger en ville.
L’emprise perdue
47La gare Montparnasse illustre l’importance des sujétions qu’un gérant de buffet devait prendre en compte en 198863. Hall de passage des voyageurs, le lieu n’exerçait pas d’attraction dans le quartier. Jugée froide, anonyme et mal fréquentée à certaines heures, seules les perspectives de rénovation de la gare à l’arrivée du TGV Atlantique esquissaient un espoir commercial. Pour attirer il fallait une atmosphère pure, des bruits d’eau, des plantes, des aquariums, de larges baies vitrées invitant à l’évasion, voire déjà au désir écologique. Jusque-là, le buffet jouait un rôle fonctionnel sans rapport avec ces attentes. Les idées mises en avant pour le transformer associèrent une exigence de qualité comparée aux offres extérieures, un cadre propice au voyage, une division des espaces par affectation commerciale. Cinq pôles principaux pouvaient ainsi être dessinés. Le pôle affaires offrirait une restauration rapide et un lieu d’apparence privative formé d’un bar et d’un coin salon. Un autre s’organiserait en self. Un troisième servirait de point de restauration simplifiée avec vente à emporter et consommation sur place. Un pôle régional conserverait une restauration classique à plusieurs niveaux de prix servie à table. Le pôle brasserie associerait le café habituel et des « cellules snack » autour d’un comptoir circulaire où seraient proposées des formules viande, salade et dessert à disponibilité immédiate64. Pour parvenir à ce résultat, les rédacteurs du rapport soulignaient qu’il fallait restaurer l’image de la qualité alimentaire en évitant que les critiques faites au sandwich ne se reportent sur les autres propositions. Surtout le personnel, trop souvent considéré comme peu impliqué par son service, devait être formé. Canaliser les flux de clients en les répartissant devenait l’objectif spatial. Enjeu complexe si l’on tient compte du temps passé au buffet : de 5 à 30 minutes au bar et de 15 minutes à 2 heures lorsque les consommateurs étaient assis. Enjeu encore plus complexe pour proposer une diversité alimentaire attractive. Les plats les plus servis à la brasserie ne sortaient pas du steak, du poulet-frites et des saucisses, les entrées déjà prêtes annonçant une cantine plutôt qu’un restaurant.
48Hors du buffet, d’autres points de vente se répartissaient dans la gare. Une croissanterie-bar livrait croissants et brioches ou des sandwiches chauds, à une clientèle de passage ou aux habitués stationnés pour attendre… dans un cadre sale avec un personnel peu avenant. Des buvettes sur les quais suscitaient des interrogations : pourquoi des sandwiches conservés sans chambre froide en été ? Pourquoi pas des glaces ? Des pâtisseries ? Des crêpes ? En fait, la vente sur les quais disparaissait là comme ailleurs. Avec les voitures Corail, le commerce et le choix du consommateur changeaient. Tendre le bras pour acquérir un Vittel délice ou un jambon-beurre-cornichons ne pouvait plus passer par une fenêtre ouverte évitant de descendre du train. Les buffets de gare, qui avaient innové au xixe siècle pour concurrencer la restauration dans le train, perdaient la partie.
49ÀMontparnasse, d’autres enseignes élargissaient la compétition alimentaire comme une amorce de la politique à venir de rentabilisation de l’espace de la gare. Dans la galerie marchande le voyageur trouvait un bar classique, un restaurant rapide servant des plats asiatiques à emporter, un établissement au style ranch qui délivrait pizzas et crêpes. Sorti de la gare, le consommateur trouvait le restaurant Ludwig où chaque soir un orchestre se produisait et deux brasseries spécialisées dans les fruits de mer. Un seul restaurant véritable subsistait dans la gare, dénommé Le Dolmen des cuisinières, une concession régionaliste aux lignes bretonnes. Il était si différent que les consommateurs se sentaient extraits de la gare. Le lieu d’apparence cossue n’était pas si original avec ses banquettes en similicuir et ses fausses plantes. La restauration pouvait y être rapide en cochant les plats de viande choisis sur une liste et grâce au self-service de hors-d’œuvre variés, de fromages, de desserts. Le soin de l’accueil était remarqué, notamment dans la mise des serveuses habillées court en cuisinières à bonnet blanc. Mais il était si mal signalé qu’il était invisible de la gare. Le Dolmen n’était pas l’égal du Train Bleu à la gare de Lyon. Sa clientèle venait à 80 % de l’extérieur65. Attablé, le menu complet coûtait 125 francs au Dolmen - cinq fois le smic horaire en 1984 - contre 170 francs au Train Bleu.
50La mutation des buffets de gare ne fut pas seulement le résultat d’une dégradation présumée du service. Celui-ci n’était pas plus considéré dans certains établissements des années 1900, même si le mythe nostalgique a fini par laisser penser le contraire. Le changement procède d’abord d’évolutions internes au système ferroviaire. La vitesse commerciale, c’est-à-dire la durée du parcours, est devenue un enjeu majeur au point d’être un argument publicitaire66. Son accroissement eut des conséquences décisives sur l’organisation de la restauration par la réduction du nombre d’arrêts intermédiaires et le raccourcissement du temps d’arrêt en gare. Si la restauration en voiture s’y est adaptée par la transformation des prestations, les buffets de gare y ont perdu un marché qui avait été valorisé comme un service du voyage. Bien avant que le TGV ne fasse de la vitesse technique son atout économique essentiel, la diminution des temps de voyage modifia les fonctions du buffet de gare. La décroissance du nombre de voyageurs sur les grandes lignes classiques s’ajoutait à l’intensification du trafic TGV sans arrêt aux gares intermédiaires. Rappelons par exemple que dans les années 1930, Brest était encore à plus de 7 heures de Paris, il ne fallait plus que 4 heures au début des années 1990. Avant l’avènement du TGV, un quart du territoire était relié à Paris en plus de 5 heures. Après la mise en service des TGV Sud-Est et Atlantique, c’était moins de 10 %67. La vente proposée sur les quais et les arrêts buffet-gare n’avaient plus de raison d’être.
51Bien sûr les buffets pouvaient toujours compter sur une clientèle de ville ou sur les provisions saisies par les voyageurs en vente à emporter. Mais la transformation des modes de vie urbains durant le dernier quart du xxe siècle a aussi contribué à attaquer leur marché. Les offres de restauration hors foyer ont répondu aux attentes de consommation. Elles ont changé les critères de référence, notamment par la diminution du nombre de plats dans un menu. Phénomène qui inquiétait les restaurateurs plus classiques, le fast-food avait conquis sa place en quelques années, passant d’un chiffre d’affaires de 1,5 milliard de francs en 1980 à 7 milliards en 199268. La nouvelle demande était là, portée par les jeunes dans la tranche d’âge de 17 à 22 ans qui représentait 53 % des consommateurs, surtout en Île-de-France où se situait 67 % de la restauration rapide. Le budget rapporté au temps de prise alimentaire s’annonçait comme le facteur discriminant. Le hamburger en traduit la réalité puisqu’il tenait 77 % des ventes de fast-food en 199169. Que pouvaient opposer les buffets de gare à l’ascension des frites surgelées, aux plats cuisinés sous vide et au grignotage permanent ?
Du ris de veau médard au « hamburgare »70
52Entre les velléités gastronomiques de quelques chefs de buffets, les tendances alimentaires et la stratégie commerciale de la SNCF pour rentabiliser ses gares, les divergences apparurent nombreuses. L’association des Buffets de France conduite à ses débuts par des concessionnaires renommés, la famille Mégret à Bordeaux ou les Rouillon à Austerlitz, souhaitait garder l’équilibre entre les services de bar et le maintien d’une affiche gastronomique. L’Association édita un guide en 1977 puis un second en 1984. Celui-ci recensait 102 tables en gare réparties à Paris (7) et en province (95). L’origine des difficultés des buffets énoncée pour justifier la parution du guide, était ainsi posée : « Il a pour but de signaler aux usagers des chemins de fer que les gares ne sont pas seulement des lieux de passage. » L’atout proclamé des buffets n’en restait pas moins adossé à des racines anciennes, inscrites dans la promotion d’une cuisine locale : « Les buffets représentent avant tout une région au travers des spécialités gastronomiques qu’ils proposent71 ».
53Sur 102 buffets, 5 établissements parisiens et 76 en province annonçaient des spécialités culinaires. Mais sous ce vocable générique, seuls 51 buffets de province proposaient réellement une cuisine d’inspiration locale. Ils restaient encore fidèles à la promotion des recettes du cru. Les mêmes que le touriste pouvait trouver sous forme de cartes postales sur les tourniquets de la Maison de la presse. Vendre les produits locaux et les préparations culinaires typiques d’une région - ou construites pour établir une présumée tradition - était à nouveau dans l’air du temps. Le retour d’une ruralité réinventée par des prémices écologistes y concourrait. La régionalisation puis la décentralisation portée par les lois de 1982 en formaient un autre vecteur pour amorcer des formes de patrimonialisation des arts et traditions populaires. L’éditeur Larousse entreprit par exemple la publication d’une série hebdomadaire intitulée Pays et gens de France sans jamais éluder la dimension culinaire. Dans ce contexte, le client du buffet de Bordeaux trouve la lamproie à la bordelaise, les huîtres du Bassin, les anguilles de Garonne à la persillade, les cèpes à la bordelaise et le confit. Celui de Metz se voit proposer la quiche lorraine, le porcelet en gelée, le sorbet à la mirabelle et les fraises de Woippy (en saison). Clermont-Ferrand ou Sélestat œuvrent dans le même sens comme Arras où il est encore possible de déguster l’andouillette aux baies de genièvre et les ris de veau médard. Mais beaucoup d’autres établissements s’en tenaient soit au registre classique de la cuisine française soit à des déterritorialisations assez éloignées des règles de la nouvelle cuisine. Austerlitz met le turbot béarnaise et le filet grillé aux pommes parisiennes à la carte, le Train Bleu associe les escargots de Bourgogne, les charcuteries d’Auvergne, la bouillabaisse en gelée. À Bourges, il est question de confit de canard à l’auvergnate, à Perpignan de la côte de veau vallée d’Auge. Les mêmes écarts séparent les buffets qui offrent des crus des vignobles proches et ceux qui s’en écartent. Ainsi, le client trouve à Toulouse : cahors, madiran, buzet, gaillac et corbières. Millau sert les côtes éponymes. Mais Caen sert le rosé du Var et le muscadet. Un peu partout, cuvée du patron et tour de France des vins bon marché constituent la carte, alors qu’à Bordeaux - heureusement - le buffet sert les grands crus comme les petits châteaux. De rares établissements tentent de subtiles promotions, comme Libourne dont le paradoxe est moins de ne pas afficher les vins du Libournais que de poser sur les tables la bière Heineken et le Get 2772.
54Les photographies choisies dans le guide confirment les écarts de positionnement commercial. La grande majorité des buffets privilégient une vue intérieure (6 à Paris et 67 en province), mais 17 préfèrent la vue extérieure et 4 optent pour une scène urbaine sans lien avec le buffet. Si la salle de restaurant l’emporte dans 62 % des cas, 12 établissements montrent plutôt le bar. Sans doute pour relever une possible animation, 14 buffets mettent en scène des clients, 13 un serveur et 3 une serveuse. Le concessionnaire s’impose rarement. Seul le buffet de Tours ose montrer les assiettes déjà servies. Les 17 buffets qui donnent à voir des aliments préfèrent la corbeille de fruits ou la réminiscence d’une table-buffet où sont déposés fromages, desserts et spécialités. La démarcation entre un goût du moderne et la référence aux usages plus classiques est bien lisible entre les tables des uns recouvertes de nappes colorées (un tiers des tables photographiées), les buffets qui ne cachent pas la nappe en papier (deux cas), les salles où le formica tient lieu de nappe (sept cas) et les restaurants qui drapent la nappe blanche (58 %).
55Au sein même de l’Association, certains membres prônaient une autre approche du métier, plus managériale, inspirée par les modes d’exploitation de grands groupes comme Accor73. La durée journalière d’ouverture, la capacité d’accueil de plusieurs centaines de places et le flux éphémère mais répété de nombreux consommateurs, introduisaient des avantages comparatifs par rapport à la majorité des établissements de ville. Il ne paraissait donc pas incongru d’y puiser une croissance du chiffre d’affaires très ambitieuse qui, sans se départir d’une offre gastronomique traditionnelle, soit surtout portée par l’innovation. Le nombre de compétiteurs pour obtenir la concession du buffet de Montparnasse ou des emplacements du côté de la cour des départs prouve que le marché intéressait des acteurs d’envergure sur le marché de la restauration hors foyer74. Trois candidats postulaient à tous les lots (CIWLT, Elitair Maxim’s et Azuelos), cinq se présentaient à la concession d’un seul des lots, issus de la restauration rapide (Pomme de pain), de la restauration hors foyer (Sogeres), hôtelière (Accor, Frantour), aérienne (Servair). La redevance du buffet s’élevait à 16,9 % du chiffre d’affaires et le minimum à verser à la SNCF atteignait 16 millions de francs hors taxes. Une bonne corrélation pouvait s’opérer avec les demandes que les consommateurs exprimaient dans une vision modernisée des buffets.
56La contrainte du temps prévalait dans les attentes des clients75. Fournir des sandwiches de qualité avec des emballages cartonnés et des sacs pour les emporter rassemblait 52 % d’opinion positive dans les trains et 38 % parmi les utilisateurs habitués des buffets. Une formule de repas servie en trente minutes avec des hors-d’œuvre à volonté, un plat chaud et un dessert, pour un prix de 40 francs à 60 francs retenait l’attention de 52 % des clients au buffet. Trouver une croissanterie convainquait 40 % des consommateurs, une formule de fast-food, 35 %. En décalage avec ce que les buffetiers attachés à la gastronomie soutenaient, ils n’étaient que 15 % de voyageurs à rechercher une formule de repas garnie d’une spécialité régionale et 29 % parmi les habitués des buffets. Les autres n’y voyaient aucun intérêt. Pas plus que la proposition de tenir une table pour y dîner : 62 % des voyageurs n’en avaient pas envie. La segmentation sociale montre que les cadres et les professions intermédiaires demandaient surtout le sandwich et le repas en trente minutes. La croissanterie et le fast-food relevant plus des jeunes, étudiants et scolaires prenant le train. Dans la clientèle des gares, seuls les employés et les ouvriers jugeaient le dîner utile. Les buffetiers devaient s’adapter à ces nouveaux concepts. Certains le tentèrent hardiment, comme ce fut le cas à Nancy où le client pouvait trouver un service de restauration rapide dans l’astucieux « Hamburgare ». Il était complémentaire d’une brasserie, qui fonctionnait au déjeuner et au dîner avec une belle carte, et les cent vingt couverts du Relais Gallé, révérence locale à l’exceptionnelle École de Nancy. Cette nécessité d’adaptation n’était nullement étrangère aux buffetiers, même ceux issus de longues lignées. René Rouillon voyait ainsi la future restauration ferroviaire : « Une restauration plus simple, plus pratique, plus rapide et de bonne qualité, avec des choix aussi étendus que possible et à des conditions de prix très étudiées. » Il n’excluait pas pour autant un service plus luxueux dans quelques buffets d’exception, citant le Train Bleu, Amsterdam ou Salzbourg76.
57Au soutien qu’attendaient les buffetiers de la SNCF, la société nationale ne répondit qu’imparfaitement. Elle affirma une stratégie commerciale différente dans les années 1990 en repensant l’aménagement des gares. Le projet dédié aux buffets devait valoriser l’image de la restauration et donner des points de repère standardisés en France. Appuyé sur l’architecture, l’organisation des surfaces, la signalétique et la promotion de produits particuliers, le schéma proposait deux types de restauration : une zone de restauration classique et un stand de vente à emporter dénommé Croq’Voyage77. L’allocation des espaces fut aussi repensée, comme à Nantes dès 1992. Deux concessionnaires coexistaient dans la gare dont la marque Aubépain, bientôt désignée comme support d’une nouvelle politique de restauration en gare78. L’idée de galerie marchande avait eu cours dans les années 1930 à la gare Saint-Lazare mais sans suite. La direction des gares créée en 1997 en relança la conception. D’un lieu de passage il fallait faire une plateforme de services et susciter la concurrence alimentaire. Le plat gastronomique n’était plus dans le discours marketing de la SNCF.
Notes de bas de page
1 SNCF-GERF (Groupement des employeurs de la restauration ferroviaire), note sur l’évolution de la politique de la SNCF en matière de restauration ferroviaire, 16 décembre 1983.
2 Ibid., p. 7.
3 J. Fournier, Le train, l’Europe et le service public, Paris, Odile Jacob, 1993, p. 219.
4 DAEI/SES-Insee, Les comptes des transports en 2002, Paris, 2003, p. 174. Statistiques établies sur la base des données de l’Union des transports publics et ferroviaires (UTP), de la RATP, de la SNCF et de la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), pour les années 1989 à 2002.
5 M. Wolkowitsch, « Les facteurs de la concurrence entre les modes de transport au xixe et xxe siècle », Revue d’histoire des chemins de fer, 16-17, Les chemins de fer en temps de concurrence. Choix du xixe siècle et débats actuels, printemps-automne 1997, p. 55-64.
6 Wagons-lits, 39, 1969, p. 7.
7 F. Caron, Histoire des chemins de fer en France, t. 3, 1937-1997, Paris, Fayard, 2017, p. 171.
8 J.-L. Loubet, Histoire de l’automobile française, Paris, Seuil, 2001, p. 373.
9 C. Fiterman, Profession de foi. Pour l’honneur de la politique, Paris, Seuil, 2005, p. 186.
10 M. Flonneau, Défense et illustration d’un automobilisme républicain, Paris, Descartes et Compagnie, 2014, p. 64.
11 F. Héran, « Automobile versus bicyclette. Illich et la vitesse généralisée », dans M. Flonneau, L. Laborie, A. Passalacqua (dir.), Les transports de la démocratie, op. cit., p. 184.
12 Insee, Cinquante ans de consommation en France, édition 2009, p. 135.
13 Wagons-lits, 39,1969, p. 5.
14 Ibid., p. 9.
15 Insee, Cinquante ans de consommation en France, op. cit, p. 147.
16 P. Zembri, « La grande vitesse ferroviaire, vainqueur de la libéralisation du ciel français ? La stratégie singulière et payante de la SNCF de conquête de la clientèle aérienne domestique », Revue d’histoire des chemins de fer, 46-47, 2012, p. 356.
17 D. Fainsilber, « L’adieu à Air Inter », Les Échos, 1er avril 1997.
18 M. Faugère, « Les Français et les voyages. Évolution du marché des transports depuis 10 ans », Revue générale des chemins de fer, mai 1986, p. 293.
19 F. Caron, Histoire des chemins de fer en France, op. cit., t. 3, p. 452.
20 J. Le Roux, La place de l’enfant et de la famille dans la restauration hors foyer, Étude SNCF, avril 1984.
21 Chanson Marche à l’ombre, 1980 : « C’est vrai que j’suis épais / Comme un sandwich SNCF » ; Charlie Hebdo, 509, 13 août 1980.
22 SNCF, 649 LM 56/3, enquête « La restauration à bord des trains », cité supra.
23 Ibid., p. 42.
24 Ibid., p. 43.
25 Ibid., p. 48.
26 Ibid., p. 52.
27 Ibid., p. 54.
28 Ibid., p. 42.
29 Ibid., p. 56.
30 Ibid., p. 79.
31 Ibid., p. 96.
32 D. Oddy, From Plain fare to Fusion Food. British Diet from the 1890s to the 1990s, Suffolk, Boydell Press, 2003, p. 195.
33 SNCF, 649 LM 56/3, enquête « La restauration à bord des trains », cité supra, p. 96.
34 V. Arzel, Le fast-food en France, Paris, Eurostaf Dafsa (Analyse des comportements), 1987.
35 S. Sanchez, Pizza. Cultures et mondialisation, Paris, CNRS Éditions, 2006.
36 SNCF, 649 LM 94-7, « Les buffets de gare et leur clientèle », 1988, p. 27. Enquête conduite dans les trains et à la gare. Nous ne retenons ici que les sondés dans le train.
37 Ibid., p. 80.
38 CIWLT, « Réponse à la consultation pour l’attribution des services de restauration à bord des trains », mars 1984.
39 J.-P. Loubinoux, « La restauration à bord des trains », Revue générale des chemins de fer, avril 1988, p. 69.
40 Ibid., p. 71.
41 Cette « culture client » est présentée comme un enjeu majeur de l’évolution du marketing relationnel par Pierre Volle dans Marketing. Comprendre l’origine historique, Paris, Eyrolles, 2011 et Franck Cochoy dans Une histoire du marketing, Paris, La Découverte, 1999.
42 SNCF, 649 LM 228, département Marketing, études clientèles et services, « Post test de la campagne “le Bon Moment” », 2 janvier 1992.
43 D. Fortin, « Les coulisses des roulantes », L’Expansion, 13 juillet 1993.
44 SNCF, 649 LM 17/6, Direction commerciale, Département marketing, études de marché, « Enquête buffets de gare », mai 1977 ; SNCF, 649 LM 185 B29, Direction commerciale, Département marketing, études de marché, « Les buffets de gare et leur clientèle », février 1988.
45 L’enquête de 1977 portait sur 700 interviews (450 dans 14 buffets et 250 dans les trains, à parité d’hommes et de femmes).
46 L’enquête de 1988 portait sur 475 voyageurs interrogés dans les trains, complétée par 20 entretiens libres, une enquête nationale auprès de 2000 individus à parité de genre et une enquête en gare proposée à 1000 clients de 10 buffets.
47 SNCF, 649 LM 185 B29, Direction commerciale, Département marketing, études de marché, « Les buffets de gare et leur clientèle », cité supra, p. 13.
48 Ibid., p. 25.
49 L’activité restauration de Frantour atteint 40 % de la restauration dans les gares SNCF en 1995. B. Carrière, « Les activités touristiques de la SCETA : Frantour », Les rails de l’histoire, 3, avril 2012, p. 17-24.
50 M. Chlastacz, « Les buffets de gare. Cent quarante ans de gastronomie ferroviaire », La vie du rail, 1942, 3 mai 1984, p. 14.
51 Ibid.
52 Revue générale des chemins de fer, juillet-août 1993, interview de René Rouillon, concessionnaire du buffet Paris Austerlitz, p. 54.
53 P. Zens, « Les buffets de gare », dans CLEC, Le dévorant, 2015, p. 52. Patrick Zens travaillait au triage de Hausbergen au nord-ouest de Strasbourg dont il évoque le buffet à la fin des années 1960.
54 B. Duteurtre, La nostalgie des buffets de gare, Paris, Payot, 2015.
55 SNCF, 649 LM 17/6, Direction commerciale, Département marketing, études de marché, « Enquête buffets de gare », mai 1977, p. 9.
56 Ibid., p. 8.
57 Ibid.
58 Ibid., p. 14.
59 Ibid., p. 19.
60 Ibid., p. 44.
61 SNCF, 649 LM 185 B29, Direction commerciale, Département marketing, études de marché, « Les buffets de gare et leur clientèle », cité supra, p. 2.
62 Ibid., p. 43.
63 Ibid.
64 Ibid., p. 4.
65 Ibid., p. 47.
66 F. Caron, E. Auphan, « Vitesse et temps ferroviaires », Revue d’histoire des chemins de fer, 39/2, 2008, p. 104-105.
67 J. Charlier, « L’évolution récente des relations ferroviaires Paris-Nantes dans la perspective du TGV Atlantique », Transports, juillet-août 1985, p. 409.
68 F. Oble, E. Le Roy, Le panorama économique de la restauration hors foyer, Paris, Agra Alimentation, 1993, p. 34.
69 Ibid., p. 36.
70 L’expression « Hamburgare » appartient à Jacques Lombard, au buffet de Nancy.
71 Les buffets de France, guide édité par l’Association des buffets de France, 1984, p. 4.
72 Liqueur au goût de menthe poivrée, la marque GET 27 est issue d’une très ancienne fabrication du Lauragais dès le début du xixe siècle.
73 Le groupe Accor est né en 1967 avec la création des hôtels Novotel. En 1991, la CIWLT rejoignait le groupe en y apportant la restauration ferroviaire.
74 SNCF, 505 LM 579-15, note du contrôle des marchés, 5 juillet 1988.
75 SNCF, 649 LM 17/6, Direction commerciale, Département marketing, études de marché, « Enquête buffets de gare », mai 1977 ; SNCF, 649 LM 185 B29, Direction commerciale, Département marketing, études de marché, « Les buffets de gare et leur clientèle », cité supra.
76 Revue générale des chemins de fer, juillet-août 1993, interview de René Rouillon, p. 54.
77 Jonction, informations de la Direction ferroviaire France de la CIWL, 7, février 1990.
78 Revue générale des chemins de fer, juillet-août 1992, p. 9.
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