Les « terres vierges » : des ressources pour la mise en valeur au Chili et au Pérou
p. 199-224
Résumé
Les espaces « vides » et les terres « disponibles » d’Amérique du Sud sont des ressources globalisées dont la valeur ne cesse d’augmenter. Présentés par les gouvernements ou les aménageurs comme des espaces vierges et donc vacants, ces territoires ont pourtant de multiples usages notamment pour les communautés locales. Le processus de mondialisation a pour conséquence d’augmenter le nombre d’acteurs impliqués et modifie par suite les mises en valeur de ces terres de plus en plus convoitées.
Le cas des terres du désert côtier péruvien et des espaces ouverts de la périphérie de Santiago du Chili et de Valparaíso, convoités par des entreprises agro-industrielles ou de construction immobilière permettent de présenter les caractéristiques de ces espaces « vierges » qui peuvent apparaître comme une ressource dans la mesure où ils existent avant tout à travers leur potentiel de développement dans un contexte globalisé. Les anciens usages (pâtures, collectes de bois, chasse…) peu visibles dans le paysage, car souvent extensifs, ne sont pas considérés comme une mise en valeur assez intensive. Il y a ainsi un emboîtement multiscalaire des différentes mises en valeur de ces espaces avec souvent émergence de conflits entre les acteurs.
Ce chapitre présente les caractéristiques de ces espaces par l’étude conjointe du discours des politiques et d’une approche paysagère, en s’appuyant sur deux cas latino-américains de « terres disponibles » au Chili et de « terres vierges » au Pérou. Il expose ensuite les valorisations et les usages passés et actuels, avec notamment l’évolution des valeurs foncières. Finalement, il s’interroge sur les hiérarchies des valeurs attribuées à un espace dans le contexte de la mondialisation et de la multiplicité des acteurs.
Texte intégral
Introduction
1Près d’un demi-siècle après les lois de réforme agraire promulguées au Chili (1967) et au Pérou (1969) visant une redistribution des terres cultivées, les conflits parfois violents quant au régime et à l’usage de ces terres reste actuel. Le statut des terres préexistant est problématique et les réformes sont loin d’avoir tout résolu. Qu’il s’agisse des terres désertiques de la côte nord-péruvienne qui s’étendent dans les pampas entre les vallées irriguées ou des espaces ouverts entre Santiago du Chili et Valparaiso, leurs faibles densités relativement au contexte national ou régional en font des espaces privilégiés de développement des projets agricoles, industriels, résidentiels ou touristiques. Ces changements d’usage des sols parfois très rapides sont conçus comme des mises en valeur de terres jusqu’ici sous-exploitées et nécessitent presque toujours des requalifications et redécoupages fonciers d’envergure (rachat, expropriation, mise en réserve).
2Ce phénomène est permis par des politiques nationales libérales où tout se vend et tout s’achète (Harvey, 2007). Encore faut-il savoir à quel prix. Quelle est la valeur de ces espaces ? La valeur d’un espace n’est-elle que marchande ? Non assurément, et le terme « valeur » – et donc l’expression « mise en valeur » – a plusieurs significations – de même que le mot « ressources » auquel il est très lié. Certains auteurs ont d’ailleurs relevé que le manque de définition de l’expression « accès à la ressource » révélait la complexité des relations de droit et de pouvoir portant sur les espaces qui en recèlent (Ribot, Peluso, 2003). On soutiendra ici que dans une certaine mesure, ce flou permet justement l’appropriation par les acteurs ayant accès à l’information. Car, que sont donc ces espaces de faible densité si ce n’est des ressources exploitables par les premiers acteurs de la mondialisation dans un cas – développement de l’agro-exportation au Pérou – et la métropolisation dans l’autre – développement du parc immobilier au Chili ? Dans le Dictionnary of Human Geography (2000), « le terme [“ressource”] évoque une relation fondamentalement sociale : l’attribution d’une valeur (économique) par un groupe dominant à des attributs et des possibilités qui confèrent une utilité fonctionnelle à ce même groupe1 ». Le même article insiste également sur la nécessité de replacer ce concept dans notre vocabulaire théorique. Il s’agit bien d’une notion complexe, d’autant plus dans un contexte de pluralité des ressources : sur un support, l’espace, lui-même ressource, peuvent se combiner d’autres ressources comme l’eau, le sol, la végétation, etc. Notons que dans bien des définitions, l’aspect collectif de la ressource apparaît plus en ce qui concerne sa gestion que sa possession. Dans le Robert par exemple, le terme est défini dès le xixe siècle comme les « moyens matériels (hommes, réserves d’énergie) dont dispose ou peut disposer une collectivité ». Quant à E. Ostrom, elle met la question des ressources au cœur de son travail sur les biens communs (Ostrom, 2010). Or, que ce soient les terres du domaine de l’État ou les terres des communautés rurales, il est bien question de les privatiser pour développer des projets souvent exogènes (Peters, 1994).
3Ce qui fait naître la ressource, surtout lorsqu’elle n’est pas renouvelable, n’est-ce pas justement la conscience de son tarissement et donc de sa rareté ? De même, les espaces désertiques et ouverts – ainsi que les ressources qu’ils représentent et dont ils sont les supports – sont-ils en voie de disparition ou au contraire en voie de production par la prise de conscience nouvelle de leur raréfaction et devant l’avancée des espaces fermés qui eux se multiplient ?
4Réfléchir en termes de ressources, c’est aussi aborder la question environnementale faite autant de matérialité objective que de représentations afin de comprendre et d’analyser au mieux le fonctionnement des espaces périphériques de la métropole. Pour la géographie de l’environnement anglo-saxonne (Castree, 2009), l’environnement est en effet plus souvent considéré comme une construction que comme un objet ou une somme d’objets. Plus que des résultats, nous présenterons ici des pistes de réflexion permettant la mise en perspective de situations péruvienne et chilienne à des échelles différentes sur la production sociale de la ressource.
Des terres vierges à mettre en valeur
Dans le discours : « terres vierges » au Pérou, « terres disponibles » au Chili
5Les espaces qui nous intéressent ici sont ceux décrits et nommés par les politiques nationales comme « vierges », « délaissés », « abandonnés ». Ces espaces font l’objet de pressions importantes par des investisseurs étrangers souvent appuyés par des politiques nationales favorables à leur « valorisation ». Ces espaces présentés comme « disponibles » sont accessibles aux investisseurs souhaitant étendre les surfaces urbaines, périurbaines ou agricoles.
6Depuis 1990 et le début du gouvernement d’A. Fujimori, le Pérou est entré dans une phase de libéralisation – sur les recommandations des grandes institutions internationales – afin de sortir le pays de la crise sociale et économique. Ce gouvernement rompt avec la législation foncière des années 1980 favorisant les propriétés et les productions collectives. L’objectif est à présent de favoriser l’inversion privée sur les terres eriazas. Le vocabulaire utilisé dans les textes législatifs et réglementaires, mais aussi dans les documents de travail des grands projets d’irrigation, pour nommer ces terres « à valoriser » est nouveau. Elles sont alors définies comme eriazas, c’est-à-dire « terres non cultivées, en friche2 » aptes pour l’usage agricole mais non cultivées par manque ou excès d’eau3. Ces « nouvelles terres » sont « gagnées sur le désert » ou « incorporées », elles permettent ainsi « d’étendre la frontière agricole ».
7Les terres communales sont alors très convoitées car souvent perçues comme disponibles et non valorisées. Le titrage individuel des terres communales est facilité4 par la loi supprimant le caractère inaliénable et insaisissable de ces terres pour permettre le transfert des terres non exploitées par les communautés ou par leurs membres vers d’autres producteurs (Mesclier, 2010). Ainsi, les terres déclarées comme étant « abandonnées » par le ministère de l’Agriculture5 sont incorporées au domaine de l’État6. Elles peuvent alors être acquises par les investisseurs privés suivant deux processus : par vente aux enchères dans le cadre de grands projets d’irrigation nationaux, ou par « dénonce », transaction qui se formalise par l’appropriation d’un lot désertique par un investisseur privé auprès du ministère de l’Agriculture. En contrepartie, l’investisseur s’engage à investir une valeur minimum pour cultiver et rentabiliser la terre dans les cinq années suivant la transaction, faute de quoi la terre redevient propriété de l’État.
8Cette libéralisation, le Chili la connaît depuis le coup d’État du général Pinochet en septembre 1973. Son gouvernement a imposé dans le pays la doctrine économique libérale de l’école de Chicago et le retour à la démocratie dans les années 1990 n’y a rien changé. Ainsi, au niveau national et de façon symptomatique, le Chili est entré en janvier 2010 dans l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE), mais n’a imposé aucune restriction dans la charte d’adhésion, que ce soit en termes d’achat de ses terres ou en termes immobiliers. En l’absence de restrictions et en vertu du code de libération des mouvements de capitaux de 1961, n’importe quelle entreprise ou personne juridique peut se porter acquéreur de terres sur n’importe quelle partie du territoire national, dans les immensités du sud ou du nord ou en périphérie proche des agglomérations de Santiago, Valparaiso ou Concepción. Par ailleurs, un cadre légal plus ancien facilite également l’urbanisation étalée à partir des centres urbains. Selon le principe que l’équilibre entre les usages du sol urbain et rural se fait en fonction de l’offre et de la demande du marché, une loi est votée au Chili en mars 1979 sur la nouvelle Politique de développement urbain : le sol devient dès lors un bien qui peut entrer ouvertement sur le marché. Le sol urbain et le sol rural à potentiel urbain cessent alors d’être soumis à une planification rigide datant de l’époque interventionniste. Le sol urbain est dès lors régi par la Ley General de Urbanismo y Construcciones. En dehors des limites urbaines, c’est-à-dire pour tout l’espace rural, il n’existe pas de loi de planification. L’urbain est donc ce qui est planifié par opposition au rural qui lui ne l’est pas et qui est dès lors considéré comme un sensemble de « terres disponibles » à l’urbanisation. Ce régime foncier est privé et individuel malgré le maintien de l’existence de terres publiques (ou fiscales) appartenant à l’État et de terres communautaires. Ces terres communautaires sont d’ailleurs la seule véritable épine dans le pied des aménageurs qui veulent urbaniser, puisque ces terres ne peuvent en partie pas être vendues. En effet, à l’intérieur de la communauté, les comuneros jouissent de droits individuels permanents et exclusifs sur une portion de terrain, 8 hectares (c’est le goce singular), de droits individuels temporaires en fonction des besoins de leur famille sur une portion de terrain de la propriété de la communauté (c’est la lluvia) et de droits communs (cueillette, ramassage de bois, élevage extensif…) sur la partie de la propriété de la communauté sur laquelle n’ont été constituées ni goces singulares ni lluvias. Chaque comunero est dans l’interdiction de vendre plus de la moitié des 8 hectares qui lui ont été confiés. Dans une communauté de 300 membres, comme il en existe à une vingtaine de kilomètres de Santiago, cela fait légalement 1200 hectares qui échappent à la vente et donc à l’urbanisation.
9Quelles qu’en soient les modalités précises, ce qui caractérise la structure agraire, surtout en périphérie métropolitaine, c’est surtout son évolution rapide et la diversité des situations occasionnées. Il existe une marqueterie de formes de possession de la terre dans ces périphéries. Ainsi si la propriété privée reste le statut le plus répandu, toutes les situations existent en matière de régime foncier, de la location à la propriété commune, en passant par le prêt. Que la plupart des agriculteurs et des éleveurs affirment ne pas vouloir vendre est une chose, mais on se rend compte que beaucoup ne peuvent en fait même pas le faire, car ils ne sont simplement pas propriétaires de la parcelle qu’ils exploitent ou qu’ils habitent. La vente ne constitue donc pas une opportunité particulière pour les agriculteurs car soit ils ont dû vendre avant la fin des années 1990 et le début de la flambée des prix, n’ayant pas pu résister assez longtemps, soit ils ont résisté malgré tout et refusent de vendre maintenant car ils l’ont fait au prix d’une innovation ou de valeurs personnelles et familiales.
10Les enquêtes de terrain menées en 2010 (Faliès, 2013) rejoignent donc celles de l’économiste A. Peral à Lampa en 1997 qui concluait ainsi :
Parallèlement au phénomène de la division patrimoniale, l’effet conjugué de la concurrence internationale, de la sécheresse, de l’interdiction du ministère de la Santé de produire un certain nombre de légumes et le désengagement de l’État, ont obligé un certain nombre de producteurs à se dessaisir de leurs terres. Cette offre de terres a alors pu rencontrer la demande émanant du besoin d’expansion urbaine. Une enquête de terrain, menée dans la commune de Lampa, a montré que les trois quarts des agriculteurs vendent leurs terres progressivement, hectare par hectare, pour résoudre des problèmes financiers, de dettes notamment. Ce qui signifie qu’ils ne vendent pas pour réaliser une affaire, ou pour spéculer. Pour la plupart d’entre eux, le droit à la terre et les titres de propriété ont été obtenu difficilement il y a moins de trente ans lors du processus de Réforme agraire. Aujourd’hui, malgré les difficultés qu’ils rencontrent les agriculteurs ne souhaitent pas se démunir totalement de leur terre
Peral, Chia, 2001.
11La Réforme agraire du gouvernement Frei joue un rôle très important dans la considération des terres vacantes comme des ressources pour la métropole. Elle se donna alors cinq objectifs fondamentaux : l’expropriation des grands domaines mal gérés, l’octroi d’une aide aux exploitations rentables afin de les stimuler, la mise en place d’un projet d’organisation paysanne, syndicale et coopérative, l’augmentation des salaires et la sécurité de l’emploi dans l’agriculture et la mise en œuvre d’une vaste politique de formation des bénéficiaires de la Réforme agraire, des petits propriétaires et des exploitations de taille moyenne. Partout où les grandes propriétés étaient bien gérées ou plutôt partout où elles n’offraient que peu de potentiel d’être mieux gérées si elles étaient subdivisées en raison de sols agricoles de mauvaise qualité, d’absence d’eau pour l’irrigation dans une région au climat méditerranéen, ou en zone de moyenne montagne, donc peu accessible, l’expropriation n’a pas été décidée. C’est le cas de deux communes du Grand Santiago comme, par exemple, la commune de Til Til mais les capacités techniques ont bien changé, et donc la possibilité de leur mise en valeur pour l’agriculture mais aussi pour des projets urbains d’envergure.
12La Réforme agraire est considérée en général comme un échec en raison de sa courte durée d’application, de la mauvaise formation des asentados, du faible investissement financier du gouvernement et de la contre-réforme – ou « Réforme agraire » privatisante – qui a suivi sous le gouvernement militaire et qui a consisté en une privatisation par restitution de la propriété foncière à l’ancien propriétaire ou par la parcellisation des terrains expropriés en faveur des petits agriculteurs, qui accédèrent ainsi à la propriété mais sans la formation nécessaire pour l’exploiter. Ils ont préféré la revendre à ceux qui se portèrent acquéreurs le plus rapidement, c’est-à-dire à leur ancien propriétaire. Le capital en leur possession à ce moment précis fut cependant vite dépensé et ils redevinrent inquilinos sur la propriété du patrón. Ce jalon historique conditionne fortement l’existence des espaces ouverts dans la région centrale car il explique la subsistance de très grandes propriétés à la mise en valeur très extensive dans un contexte métropolitain. Dans la période actuelle de connectivité croissante avec les centres urbains (route Cuesta La Dormida/Quintero), elles acquièrent un nouvel intérêt, notamment pour l’agro-écotourisme ou en tant que réserves de terres.
13À des degrés variés, il existe donc des terres disponibles pour une mise en valeur intensive décidée au Pérou comme au Chili par les instances gouvernementales. Il s’agit souvent de terres aux activités encore extensives travaillées ou possédées par des acteurs à la marge des circuits de décision officiels. En effet, le concept de marges est fondamentalement sociospatial et décrit aussi très bien des espaces inscrits dans une forte relation de dépendance au centre – qu’elles dépendent du centre, bien sûr, ou que le centre en dépende pour son développement. Tant et si bien que deux numéros de revue dédiés plus aux marges (Tiers Monde, 185/1, 2006, « Marges au cœur de la ville » ; Autrepart, 45, 2008, « La ville face à ses marges ») ont du mal à faire la distinction entre marge spatiale et marge sociale.
Situation dans les marges nationales et métropolitaines
14Sur la côte péruvienne, ces espaces convoités sont situés dans les interfluves, localement appelées pampas, entre les vallées irriguées, loin des réseaux hydrographiques et des réseaux d’irrigation, aux marges de l’écoumène.
15Les structures agraires péruviennes sont le résultat d’une histoire complexe (Mesclier, 2010) visibles spécifiquement sur la côte. En effet, les espaces mis en valeur depuis les civilisations préincas ont connu de nombreuses modifications foncières, notamment au cours de ces quarante dernières années : haciendas, réforme agraire, coopératives, démantèlement des coopératives, politique libérale avec l’ouverture des marchés fonciers dans les années 1990.
16Les pampas sont ainsi restées relativement en marge de ces évolutions anciennes (fig.1 : les pampas apparaissent en blanc) mais deviennent aujourd’hui espaces de convoitises de par l’étendue des zones « disponibles » et de par leur localisation proche de la panaméricaine qui longe tout le littoral du nord au sud et facilite ainsi leur accès et leur desserte.
17L’extension des logiques urbaines hors de ses limites est particulièrement visible dans les communes directement périphériques des plans de développement de Santiago d’une part et de Valparaiso/Viña del Mar d’autre part7. Ce sont là les communes les plus exposées car les plus accessibles par des axes de communication anciens (ici aussi on peut évoquer la route Panaméricaine) que les promoteurs immobiliers ont suivi pour développer leurs projets, ce sont en même temps les plus démunies dans la mesure où elles n’appartiennent pas – ou appartiennent depuis peu de temps – aux plans régulateurs des deux pôles urbains principaux du pays. Or il peut s’agir de territoires considérables comme les communes de Lampa8 ou de Quintero9, respectivement de 450 km2 et de 150 km2. L’originalité réside ici dans le fait que ce « prototype de la ville libérale » (Pflieger, 2011) ne se cantonne pas aux périphéries proches de la capitale mais concerne les périphéries de son port Valparaiso, et de la plus grande station balnéaire du pays, Viña del Mar.
18On parle alors de marges plus que de périphéries puisque ces espaces et leur devenir sont fondamentalement liés aux centres de pouvoir national ou métropolitain qui les désignent pour le développement de leurs projets. Par ailleurs, malgré les discours officiels et dominants, certains de ces espaces sont occupés et sont valorisés différemment, ce qui se perçoit bien dans leurs évolutions paysagères.
Dans le paysage : des mutations rapides marquées par la fermeture
19Les espaces « disponibles » et convoités sont des terres occupées par des activités à faibles impacts sur le paysage avec un système d’exploitation extensif. Leur appropriation et leur mise en valeur par de nouveaux acteurs modifient considérablement les paysages.
20Au Pérou, ce sont des espaces arides à faible densité humaine et faibles activités anthropiques qui sont ainsi présentés comme vierges et disponibles aux investissements privés. Ces espaces étaient effectivement désertiques et inoccupées dans certains cas, souvent les plus éloignés des vallées, mais dans d’autres cas les terres étaient utilisées à des fins d’élevage extensif, d’apiculture ou d’agriculture impactant peu le paysage.
21Lors de l’achat des terres, le nouvel acquéreur s’approprie rapidement la surface désertique en traçant des sillons, marque du travail au sol, et en limitant sa parcelle avec du barbelé, des murs en brique ou des acacias. Les espaces se ferment et sont rapidement transformés en champs agricoles (Polanyi, 1983 [1944] ; White et al., 2012). Concernant les deux régions péruviennes ayant connu le plus de transformations entre 1990 et 2005, dans le département de La Libertad, plus de 44000 hectares arides ont été vendus par l’État à une cinquantaine d’entreprises, dont environ 15000 étaient en production en 2011 ; dans celui d’Ica, plus de 20000 ha ont été transformés en terres agricoles. Les productions sont vendues sur les marchés mondiaux (Europe, États-Unis et Japon principalement).
22Au Chili, la croissance se fait en prenant principalement trois formes urbaines : celle du condominium fermé ou de l’habitat social à l’intérieur de la zone urbaine et, de façon plus originale, celle des parcelas de agrado dans la zone rurale. En effet, héritage involontaire de la réforme agraire, elles viennent, depuis les années 1990 surtout, morceler les espaces ouverts de la région centrale du Chili. Elles correspondent à des terrains ruraux subdivisés en lots d’au moins 5000 m2 vendus généralement à des citadins qui y bâtissent leur résidence secondaire ou même principale.
23La permissivité des normes régissant le changement d’usage du sol et une demande soutenue ont eu pour conséquence la multiplication de ces parcelles d’agrément, dont la création est un puissant moteur de changements d’usages du sol (Faliès, Montoya, 2010). Leur multiplication est à l’origine de paysages hybrides, qui ne sont plus agricoles mais pas non plus urbains puisque la densité du bâti y est faible et les réseaux techniques inexistants ou incomplets. Elles se localisent dans les interstices des aires de production agricoles, en évitant les secteurs de petite propriété des fonds de vallée, où les coûts fonciers sont élevés, ainsi que les fortes pentes, mais recherchent généralement de bonnes conditions d’accessibilité, la proximité de plans d’eau et la qualité du paysage. Il existe différents types de parcelas de agrado, allant de grandes parcelles destinées à une clientèle aisée, jusqu’à des lotissements conçus pour une population plus modeste.
24À partir de la subdivision initiale peuvent se mettre en place des mécanismes plus ou moins insidieux, aux marges de la légalité, de densification, par la cession de droits d’usage des parcelles, chacun des ayants droit pouvant construire sa propre résidence sans être pour autant propriétaire du sol. Il en résulte un urbanisme spontané, marqué souvent par l’absence de titres fonciers, puisque les parcelles initiales ne peuvent pas être légalement subdivisées hors d’un usage agricole. Par entraînement, les secteurs où les parcelas s’installent posent de sérieux problèmes fonctionnels et environnementaux, propres à un mitage accéléré de l’espace rural, compliquant l’installation des réseaux techniques, accroissant le risque d’incendie comme à Mantagua en 2012 et surtout aboutissant à créer un peuplement temporaire ou même permanent, mais non encadré par l’État. Il faut que les habitants soient assez nombreux et motivés pour créer leur propre junta de vecinos (conseil de voisinage) pour sortir de cet anonymat, ce qui leur permet d’exister politiquement.
25Dans tous les cas, les jardins d’agrément qui les accompagnent viennent contraster avec la végétation alentour soit par leur forme, plus rectiligne et ordonnée, soit pour les espèces présentes, dont la plus fréquente est l’eucalyptus, à la croissance rapide, qui est planté dès la création de la parcelle pour en marquer les limites. Très souvent aussi, les parcelas de agrado ont des piscines. La localisation des parcelas de agrado se fait préférentiellement sur du matorral (versant exposé au nord) pour l’exposition au soleil ou sur les prairies qui correspondent localement à des clairières. Elles sont par ailleurs toutes installées en zones rurales pour des raisons légales. La proximité des grands axes de communication est aussi très importante dans la mesure où elle permet aux habitants des parcelas d’être reliés par la route aux centres urbains. Une fois qu’elles sont installées, des routes d’accès privées sont mises en place, dont la qualité et l’entretien dépendent du standing de l’ensemble résidentiel.
26À travers l’identification des parcelas de agrado, on voit bien qu’il y a plus remplacement d’un type de végétation par un autre que réelle disparition. En effet, si les parcelas de agrado et leur végétation irriguée se développent bien prioritairement sur du matorral et qu’elles ont des effets réels sur l’accessibilité en privatisant l’espace, le recru forestier indique aussi une dynamique de conquête de la végétation endémique. De plus, la végétation endémique et le bosque nativo en particulier tendent à être revalorisés parmi les nouveaux habitants des périphéries métropolitaines. Les pépinières leur vendent maintenant de plus en plus d’espèces endémiques comme le boldo et, de façon pionnière mais évocatrice, l’ONG Nature Conservancy vient de signer un projet de remplacement de 3600 hectares d’eucalyptus dans la région de Valdivia, au sud du pays, par du bosque nativo.
27Les transformations paysagères sont très rapides ces dernières années, contribuant ainsi à fermer les paysages (Capron, 2006 ; Thuillier, 1998). Au-delà des discours les caractérisant comme « délaissés » et donc comme en voie d’ouverture d’un point de vue paysager et social puisqu’ils seraient rendus disponibles pour le logement et le travail sociaux (Sabatini, 2007), ces espaces restent situés dans les marges, tant nationales que métropolitaines. On peut employer l’expression « système de ressources environnementales » qui permet de montrer la relativité des modifications d’usages des sols et des ressources dans le temps et dans l’espace, G. Clément nous invitant d’ailleurs à « considérer la limite comme une épaisseur, et non comme un trait » (Clément, 2004). Reste que ces espaces finissent par ne devenir des ressources que pour les centres urbains et/ou nationaux, et ce en dépit des valeurs dont ils sont intrinsèquement porteurs.
Des espaces pourtant porteurs de projets et de valeurs
Place de l’élevage extensif dans la réserve foncière
28Tant au Pérou qu’au Chili, une partie de ces espaces est utilisée par des éleveurs dont l’activité modifie moins le paysage qu’une mise en culture agro-industrielle ou qu’une urbanisation.
29Dans la région centrale du Chili, les éleveurs de chèvres partent de novembre à février dans la cordillère des Andes entre l’Aconcagua et le Cajón del Maipó10 avec les troupeaux. Si la transhumance s’effectue aujourd’hui en camion, les éleveurs n’en restent pas moins de véritables agents territoriaux et même s’ils ne sont pas nombreux et paraissent très marginaux, ils ont un rôle stratégique dans la mise en valeur, la conservation et même la police environnementale de la montagne chilienne, auprès des touristes notamment.
30Sur le piémont côtier péruvien, ces espaces, souvent des terres communales à gestion collective, sont utilisés pour faire paître les animaux (chèvres, vaches…) ou pour une production locale à base des ressources du milieu (charbon de bois, miel, algarrobina11…). Pendant les époques pluvieuses d’El Niño, les paysans utilisent une partie des terres pour cultiver des produits d’autoconsommation tant que l’humidité du sol le permet. On constate ainsi ici une diversité des activités.
31Ces espaces d’élevage regroupent aujourd’hui un ensemble d’acteurs, réels agents territoriaux, ainsi que l’illustre la figure spatiale du potrero au Chili. La figure spatiale du potrero qui nous est offerte par cette même activité d’élevage est riche d’enseignements en termes de valeur car plusieurs s’y superposent. Au sens strict, les potreros sont des paddocks qui servent à faire paître les chevaux entre deux courses ou même des terrains vagues appelés peladeros, avec la même fonction d’origine mais sans plus aucune végétation. Ce sont les espaces à l’air libre les plus représentés comme terrain de jeu après le terrain de foot par les enfants de la commune de Lampa12. Or, ces espaces quasiment abandonnés sont aussi très convoités par les promoteurs immobiliers en raison notamment de leur proximité avec les voies d’accès potentiellement asphaltables. Outre ces espaces aux usages momentanément détournés, les enfants, et leurs parents avec eux, disposent de peu d’endroits publics – gratuits – pour pratiquer des loisirs ou même une simple sociabilité. Les potreros sont ainsi utilisés comme terrains de jeu, comme décharges spontanées ou comme supports de projets immobiliers…
Les espaces ouverts servent donc de passerelles : à un monde naturel et doté de sensorialité ; à un monde non commercialisé que tous les enfants peuvent explorer et dans lequel ils peuvent apprendre et jouer en toute sécurité ; à une ville bonne où chacun peut venir partager son expérience et son sens de la responsabilité. […] C’est pour cette raison que les espaces ouverts publics sont valorisés
Burgess, Harrison, Limb, 1988.
Des valeurs qui s’imbriquent…
32Ainsi, il existe de nombreuses valeurs plus ou moins monétarisées, matérialisées et exprimées qui sont associées aux espaces de faible densité. Il est difficile de les hiérarchiser dans la mesure où certaines sont incommensurables, tandis que d’autres sont internalisées depuis longtemps et que les autres types sont en débat autour de la question de l’évaluation contingente. Pour certains (Costanza, 1997), donner un prix et un coût à l’environnement (végétation, ressources, services écologiques) permet de mieux le protéger en prenant conscience de sa valeur universelle. Pour d’autres (Castree, 2009), il s’agit d’un danger sur le fond dans la mesure où la monétarisation ne serait qu’un préalable, voire un alibi au développement de marchés sur des biens inestimables, ce qui pourrait mettre en péril les principes de préservation des biens communs – ou bien encore une erreur méthodologique pour la biodiversité, pour autant que sa mesure (biodiversité absolue) pose encore des problèmes (Weber, 2003).
33Les espaces ouverts périphériques sont donc doublement confrontés à cette question de la monétarisation, à la fois en tant que tels mais aussi en raison de leur dimension environnementale.
34Le caractère patrimonial des espaces ouverts est rarement évoqué tant il est généralement associé aux « vieilles pierres » et aux constructions architectoniques et ce malgré la présence dans la région centrale du Chili de la réserve homme et biosphère Campana-Peñuela décidée par l’Unesco en 2008. Or, on l’a vu, le propre des espaces ouverts est de porter peu de constructions et le Chili est moins réputé que le Pérou pour la valeur de son architecture précolombienne et coloniale. Mais plusieurs éléments reflètent une évolution de la prise en considération de la valeur patrimoniale de ces espaces, dans un contexte plus général de glissement du sens de patrimoine vers tout ce qui est jugé transmissible dans le temps à des générations futures, en particulier le patrimoine naturel, mais aussi pour des attributs propres des espaces ouverts étudiés, notamment comme la présence de richesses archéologiques et le caractère sacré conféré à certains espaces.
35Depuis 2009, le rallye Dakar est organisé en partie au Chili et les communes se démènent pour accueillir son tracé. En effet, cela peut générer des retombées, notamment médiatiques. En 2012, la commune de Quintero et les dunes de Ritoque ont été sélectionnées. L’argument écologique présenté initialement par l’Association des dunes de Ritoque menée par Andrés L. concernant la protection des dunes, de la zone humide de Mantagua et de l’avifaune n’a pas été retenu pour dévier le tracé. Andrés L. a donc utilisé celui de la présence de dix buttes coquillères indigènes dans les dunes. Cet argument a été porté devant le Consejo de Monumentos Nacionales et le tracé du Dakar a été dévié.
36Au Pérou, la sauvegarde d’un patrimoine devient également un argument utilisé depuis plusieurs années. Dans une localité du nord du Pérou, Huanchaco, les argumentaires mis en avant pour éviter l’impact de l’extension du grand projet d’irrigation national Chavimochic ont évolué et se sont diversifiés face aux faibles résultats des premiers. Après avoir mis en avant l’argument de destruction de l’écosystème, sur lequel est basé une partie de l’économie locale, c’est celui de la conservation d’un site archéologique de la zone qui a été avancé, sans succès, et c’est finalement celui de la perte de biodiversité et d’espèces endémiques qui a réussi à faire dévier le tracé du canal principal. Cette mise en valeur culturelle ou historique de la terre est l’argument avancé par les populations locales les plus vulnérables face à l’État ou aux investisseurs qui valorisent les ressources économiquement. Ces derniers fixent les valeurs de la terre suivant un ensemble de critères économiques : degré de convoitise, manque relatif, pression par de nouveaux acteurs, localisation, proximité des infrastructures et accessibilité à la ressource hydrique. Dans le cas de terres situées dans l’aire d’influence d’un projet d’irrigation national, le prix des parcelles correspond à la somme de la valeur de la terre13 et du montant que l’acquéreur s’engage à investir.
37Un rapport pour la Banque interaméricaine de développement de 2011 (Trivelli, 2010) prend pour la première fois en compte les prix des transactions au Chili telles qu’elles sont enregistrées chez le conservador de bienes y raices14 et établit un rapport entre la baisse de l’offre et l’augmentation des prix. L’auteur observe que depuis 1995, l’offre baisse tendanciellement moins que les prix n’augmentent et que la croissance urbaine fait fi de la LEU, limite d’extension urbaine en vigueur. Ainsi, la planification de Santiago depuis le premier plan régulateur intercommunal de Santiago de 196015, qui n’a eu de cesse de s’appuyer sur des artifices légaux pour étendre les limites de la ville, n’a eu qu’un effet : augmenter le prix de la ville en pariant sur la disponibilité en terres périphériques libres. C’est donc autant à la demande qu’il faut avoir accès pour comprendre le marché du sol urbain qu’à l’offre, même légale, puisqu’elle est constamment outrepassée. Le « prix de la ville » dépend bien sûr de différents paramètres de la parcelle comme la taille, le raccordement aux infrastructures de base, l’accessibilité, le nombre de pièces du logement16 mais aussi d’aménités non quantifiables comme l’environnement immédiat, la qualité de l’air, le voisinage… : c’est la théorie des prix hédoniques particulièrement nécessaire dans le cadre de villes qui s’étalent vers leurs périphéries rurales et « naturelles », ici, le littoral Pacifique, la cordillère de la Côte ou la cordillère des Andes.
38Les critères de valorisation diffèrent sensiblement suivant les acteurs, mais les critères économiques de valorisation par l’occupation du sol, l’extension de périmètres irrigués, la construction de routes, le raccordement aux infrastructures de base semblent être priorisés dans ces espaces à gouvernements néolibéraux. Ces dynamiques spatiales modifient les paysages et ferment les espaces, au détriment des acteurs les plus vulnérables, engendrant des conflits d’usages et d’appropriation.
… Et entrent en conflit
39La diversité des projets et des acteurs de ces espaces ni vraiment urbains ni vraiment ruraux (éleveurs marginaux, grands propriétaires terriens absentéistes, agro-entrepreneurs, néoruraux, touristes…) génère de nombreux conflits de proximité. Nous entendons ici proximité, non au sens d’absence d’étendue, mais au sens où coexistent sur un même territoire des acteurs aux motivations et aux projets parfois contradictoires. D’un point de vue spatial, ce n’est pas non plus toujours le voisinage qui crée le conflit, notamment dans les problèmes environnementaux comme la pollution des eaux ou des sols qui dépassent très souvent l’échelle de la parcelle pour atteindre celle du bassin versant ou du versant lui-même.
40Les espaces ouverts périphériques de la région centrale du Chili sont particulièrement soumis à ces incendies17 dus aux conditions biophysiques et climatiques d’une région méditerranéenne18, mais aussi anthropiques. En effet, plus de 90 % des feux de forêts sont considérés par les spécialistes comme intentionnels ou au moins liés à une négligence humaine due à certaines pratiques (barbecue, camping sauvage, cigarettes, feux de camp…), particulièrement dans les espaces ouverts accessibles, c’est-à-dire proches des sentiers ou des routes de terre (entretien avec V. Quintanilla, 2010). Enfin, dans une région en forte croissance urbaine périphérique, les incendies servent à changer l’usage des sols sans passer par le plan de manejo forestal.
Séquence chronologique des incendies sur les espaces ouverts
1. Un espace délaissé de moyenne ou de grande superffcie est convoité souvent pour son potentiel immobilier en zone rurale.
2. Achat par des investisseurs qui possèdent les capitaux mais souvent ne connaissent pas le terrain.
3. Incendie criminel qui détruit la végétation endémique.
4. Demande de changement d’usage du sol au Service agricole et d’élevage (SAG) qui n’y voit plus que des sols de mauvaise qualité (catégorie III ou IV) impropres à la culture et donc urbanisables.
5. Lotissement en maisons individuelles avec créations de routes d’accès asphaltées et plantation d’essences exotiques comme l’eucalyptus pour reconstituer rapidement un paysage arboré et marquer la limite des nouvelles propriétés.
6. Incendies accidentels en saison estivale causés par de nouvelles pratiques en milieu méditerranéen rendu plus vulnérable encore par des espèces végétales qui propagent le feu : barbecues, mégots mal éteints, plus grande fréquentation par les voitures, décharges sauvages…
41Ainsi en dix ans, les deux régions où le nombre d’incendies a le plus augmenté sont les régions qui connaissent aussi les plus fortes croissances urbaines périphériques, à savoir la région de Valparaiso et la région de Concepción. La fréquentation touristique compte également. On peut ainsi voir des séquences se reproduire en contexte métropolitain.
42Les conflits sont donc fondamentalement liés à des changements d’usage du sol et, en amont, aux acteurs sous-jacents à la production de l’espace, soit qu’un changement d’usage des sols soit contesté et donc crée le conflit (construction d’une autoroute, urbanisation d’un secteur…), soit qu’à l’inverse un conflit s’exprime par un impact spatial et donc produise un changement d’usage du sol (conflit d’intérêt et de voisinage entre un grand propriétaire et les communautés rurales voisines créant un vide de communication et provoquant l’assèchement de la zone humide de Batuco).
43Or, pour être compris, il faut replacer conflits et changements d’usage des sols dans un contexte juridique et politique particulièrement libéral ; l’étape 4 de la séquence présentée dans l’encadré dépend d’un cadre théorique hérité de 1975 et qui prévoit cet instrument de déclaration de changement d’usage des sols pour des espaces ruraux par définition non planifiés puisqu’ils sont en dehors de la limite de la zone urbaine et donc non soumis aux plans régulateurs communaux.
44À l’heure actuelle, la procédure est la même et le SAG a été officiellement désigné pour s’occuper de ce changement d’usage des sols. À partir de 1997, une déclaration préalable au Sistema de Evaluación de Impacto Ambiental (SEIA) est également nécessaire. Or, le Chili et en particulier le ministère de l’Agriculture dont dépend le SAG ont principalement un objectif : garantir le statut du pays comme puissance agro-alimentaire. Pour cela, ce dernier n’a eu de cesse que de valoriser les terres agricoles jugées les plus productives selon la classification de capacité des sols proposée par l’United States Department of Agriculture (USDA) à savoir les sols de catégorie I, II et III principalement19. Or, les sols IV et V pourraient être cultivables ou en tout cas mis en valeur pour l’élevage mais sont souvent laissés à la forêt en raison de la capacité productive des autres sols et surtout de la superficie du pays. Et ce sont précisément ces sols qui font le plus l’objet de demandes de changement d’usage car ils sont difficilement valorisables et correspondent en plus souvent aux versants de la cordillère de la Côte dans la région métropolitaine et constituent donc une aménité de site pour les futurs résidents. Dans le cas où ces espaces sont couverts de bosque nativo20 ou de matorral21 montrant donc une qualité environnementale intéressante, ils doivent depuis 2008 faire l’objet d’une déclaration préalable. Cet exemple met l’accent sur l’adoption de normes ou règles internationales pensées par les institutions globales et appliquées localement. Les ressources alors « disponibles » font l’objet d’applications spécifiques lorsqu’elles sont valorisables économiquement ou d’un point du vue patrimonial.
45Afin d’inciter cette déclaration, ces « terrains agricoles avec présence de bosque nativo » sont exemptés d’impôts et en fonction de la classe de sol et de la superficie le propriétaire peut profiter d’une déduction d’impôts de moitié. Suite à cette déclaration, le propriétaire doit également engager une demande de plan de gestion durable pour la partie boisée de son terrain.
46Même s’il s’agit d’une mesure incitative, on voit bien qu’elle ne reste souvent que symbolique. En effet, il est impossible ou très difficile de suivre précisément l’évolution des surfaces boisées sur l’ensemble du territoire national et même à l’échelle métropolitaine tant certaines parcelles peuvent être difficiles d’accès et tant les moyens humains et financiers du ministère de l’Agriculture sont faibles ; deuxièmement, une réduction d’impôts même sur trente ans ne représente rien face au gain généré par la vente de ladite parcelle, surtout en contexte métropolitain où il existe une forte demande pour ce type de terrains ; troisièmement, au Chili, si une loi prime, c’est souvent in fine celle de la propriété privée inscrite dans la Constitution politique du pays.
47Les valeurs attribuées à ces espaces sont relatives et de l’ordre du discours variant suivant les projets de développement. On peut alors se demander qui est à l’origine de la hiérarchie de ses valeurs.
Qui détermine ou arbitre des valeurs de la terre ?
Le rôle des États
48Ce premier acteur supposé de la hiérarchisation des valeurs et de régulation est l’État puisque, comme c’est notamment le cas au Pérou, l’État se dit libéral, mais par sa législation est intervenu considérablement depuis les années 1990 pour faciliter l’accès aux ressources aux investisseurs privés péruviens ou étrangers. D’un côté, il se désengage de nombreuses missions, telles que la sécurité publique, le contrôle phytosanitaire, l’accès au crédit qui sont peu à peu reprises par des institutions privées. Mais de l’autre, et notamment concernant les thématiques foncières, le gouvernement péruvien a promulgué de nombreuses lois favorisant l’accès à la terre aux investisseurs privés (Marshall, 2009). Ainsi, malgré cette volonté politique de désengagement, l’État reste présent par les législations supprimant le caractère inaliénable et insaisissable des terres communales et en facilitant l’accès aux investisseurs lors des transactions foncières, notamment en organisant les ventes aux enchères (dans le cadre des grands projets d’irrigation) et en contrôlant les dossiers lors des dénonces et acquisitions dans les pampas.
49En plus de ce contrôle de l’accès à la terre, l’État intervient dans l’accès à la ressource hydrique. En effet, lors de la vente des terres, l’État péruvien s’engage à fournir la quantité de 10000 m3 d’eau par hectare et par an. Ces dernières années, cet accord n’a pas toujours été respecté, les ressources hydriques venant à manquer pour des raisons diverses. Dans certains cas, l’institution décentralisée en charge de l’administration et de la distribution de l’eau doit manœuvrer entre la hausse des demandes par les entreprises agro-industrielles toujours plus nombreuses et les périodes d’étiage. Elle détermine ainsi les parcelles à approvisionner en priorité suivant ses propres critères, principalement budgétaires. Dans d’autres cas, les propriétaires des domaines agro-industriels réclament l’intervention de l’État pour arranger et réguler les impacts environnementaux. L’État a ainsi mis à disposition des entreprises un fonctionnaire chargé de proposer une nouvelle organisation et gestion de la ressource et, par l’intermédiaire du gouvernement régional, à tracé de nouveaux drains pour évacuer les surplus d’eau dans les zones affectées par l’augmentation du niveau de la nappe phréatique. On observe ainsi une intervention régulière de l’État dans la gestion des ressources – terre et eau – au service des investisseurs privés.
50En 2010, le gouvernement chilien avait signé 52 accords bilatéraux, record d’ouverture économique pour un pays comme celui-ci, même si l’on doit noter une forte captation par les grands groupes et des liens privilégiés avec certains pays. L’un des axes majeurs de cette ouverture globale est l’extraversion de l’économie agricole. Pour le pays, surtout dans le domaine agricole, il s’agit d’un espace de réflexion et d’action avec des partenaires du Pacifique qui connaissent les mêmes problématiques de production et de commercialisation.
Le « grand capital » et son impact local dans les vallées côtières péruviennes…
51Avant de présenter l’impact du grand capital, il semble important de préciser qui en sont les acteurs dans les vallées côtières (typologie inspirée de celle de Bonnamour et al., 1996). Dans les périmètres irrigués étudiés, les acteurs rencontrés sont :
les entreprises multinationales intégrées dans un conglomérat. On peut citer l’entreprise Camposol SA, dont 28 % des actions appartiennent au groupe norvégien Dyer Coriat Holding SL et 14 % à la société allemande Deutsch E Bank AG London ;
les grandes entreprises nationales qui appartiennent à des firmes à dominante non agricole diversifiant leurs activités et se transforment en conglomérats. L’entreprise TALSA, productrice d’asperges, qui dépend du groupe Rocío22, éleveur et producteur avicole (Avicola Rocío SA) et vendeur de systèmes d’irrigation (Agropecuaria Rio Santa SA) fait partie de cette catégorie, tout comme l’entreprise minière San Simon SA qui a investi dans l’agriculture afin de diversifier ses activités ;
les entrepreneurs agricoles à la tête d’exploitations de taille moyenne se sont développés et ont étendu spatialement leurs terres au fil des années. L’augmentation des bénéfices de ces entreprises familiales leur permet d’étendre leurs exploitations pour atteindre aujourd’hui des surfaces de plusieurs centaines d’hectares.
52Ces acteurs influencent considérablement les usages mais aussi la valeur des sols en dynamisant l’activité économique de la zone et en modifiant les logiques territoriales.
53Au-delà des critères agronomiques et techniques mis en avant par l’État péruvien pour fixer la valeur de ses terres, le contexte sociopolitique national mais aussi mondial influence l’évaluation de cette valorisation. Lors de l’acquisition par vente aux enchères, l’engagement d’investissement doit être le plus élevé possible pour remporter la mise face aux concurrents, tout en restant rentable pour les entreprises acquéreuses. Ces dernières transforment les sols sableux en terres arables, ajoutant un équipement d’irrigation performant. La parcelle agricole prend alors une valeur économique suivant les intrants qui y ont été investis. La concentration spatiale de terres intégrées à l’activité agricole industrielle engendre la dynamisation économique et sociale de la zone. Ces territoires deviennent ainsi des enjeux politiques à l’échelle nationale. En outre, les entreprises propriétaires ont souvent des terres dans plusieurs régions péruviennes, et acquièrent un pouvoir économique et politique important à l’échelle nationale, augmentant leur intégration dans les chaînes de production mondiale et dans les conglomérats transnationaux.
54Ainsi la valorisation des terres d’un point de vue agronomique et technique sur une échelle locale conduit à une valorisation économique puis politique d’un espace ou d’un territoire.
55Les investisseurs de l’agriculture industrielle sont présents à plusieurs échelles du territoire en achetant des terres mais aussi en mettant en place des contrats avec de petits propriétaires terriens. Il existe trois types de contrats (Marshall, 2012) : les contrats de location, les contrats d’habilitation et les contrats d’achat-vente de la production. Ce sont autant d’apports financiers sur un territoire générant une évolution des systèmes agricoles et dynamisant les exploitations proches des axes de communication, car plus accessibles pour l’évacuation des productions. Leur présence modifie aussi les cours des produits sur les marchés locaux. En effet, les « déchets » des entreprises, c’est-à-dire les produits ne rentrant pas dans les normes internationales, sont revendus sur les marchés nationaux ou locaux suivant des tarifs fixés par les cours mondiaux.
56Au-delà de la sphère agricole et économique, les entreprises assument des fonctions régaliennes. Le service de sécurité citadine est souvent assuré par une association privée (Marshall, 2009). Le service phytosanitaire public, le Senasa, est remplacé par le service privé et les laboratoires des entreprises qui estiment que le service étatique n’assure pas toujours son rôle.
57La mise en culture d’une zone désertique avec les eaux souterraines ou des eaux canalisées engendre des conséquences environnementales non négligeables. Dans certaines régions, l’extraction non contrôlées des eaux souterraines par les entreprises a occasionné la baisse drastique du niveau de la nappe phréatique avec un risque d’épuisement. Dans d’autres régions, la canalisation d’une partie des eaux d’un bassin versant modifie le budget hydrique naturel du bassin versant, augmentant les quantités naturelles et favorisant ainsi l’humidification et la salinisation des sols. Ces impacts environnementaux obligent les agriculteurs des terres affectées à changer d’activité et/ou à quitter la vallée.
58Ces mutations locales accentuent les inégalités déjà présentes en excluant les plus vulnérables et en favorisant les agriculteurs possédant des parcelles les plus accessibles.
… Mais ce « grand capital » opère une sélection au Chili : l’exemple des hypermarchés
59S’il y a un domaine où s’exprime la globalisation de l’économie et ses impacts à l’échelle locale, c’est celui de la grande distribution. Deux enseignes principales se partagent le secteur au Chili : Jumbo et Líder. La stratégie de cette dernière, la plus ancienne, touche particulièrement les périphéries métropolitaines en raison des superficies que ses hypermarchés requièrent.
60En 2008, un hypermarché Líder a été créé à Quillota sur une ancienne friche et bouleverse les habitudes de consommation de toute la vallée. Cette friche extrêmement bien située selon les critères de géo-marketing de l’enseigne devient une niche économique puisqu’aucun hypermarché n’existe encore dans la zone au début des années 2000, alors que de nombreux acteurs se sont installés sur les parcelas de agrado. Le Líder devient même une forme d’espace public intégré dans le langage quotidien à tel point qu’on ne se donne plus rendez-vous à la place d’armes ou à la ex-estacion (ancienne gare) en ruine mais sur le parking du Líder où il est facile de se garer à toute heure, sept cents places ayant été créées.
61En 2008, un nouveau centre commercial se construit à 500 m de celui-ci malgré la volonté du maire d’y créer un Parque Tecnológico y Científico Industrial à envergure régionale pour diversifier l’économie locale. C’est le concurrent direct de Líder, Jumbo qui appartient au consortium Cencosud SA et présent en Colombie, au Pérou, en Argentine et au Brésil, qui crée un supermarché sous l’enseigne Santa Isabel. Ciblé sur la population rurale, il met en place un système de navettes au service des clients. Cet exemple montre bien comment la compétition établie entre deux grands groupes cotés en Bourse peut s’exercer directement sur les espaces ouverts à la jonction même de l’espace rural (Santa Isabel) et de l’espace urbain (Líder) sans aucune régulation des pouvoirs publics qui, même s’ils ont un projet de développement préalable, finissent par y renoncer en faveur d’un espace planifié par le privé : l’ancienne gare désaffectée a depuis été détruite et va voir s’élever une galerie culturelle privée.
62Le seul espace qui perdure dans sa superficie et dans ses fonctions est un potrero de 5 hectares entre le centre commercial et la Carretera internacional qui mène vers l’Argentine. Le dénouement est donc radicalement différent pour ces deux espaces ouverts pourtant limitrophes mais renforce le rôle de réserve foncière du potrero dont la faible densité devient une ressource d’autant plus rare que toute la zone tend à s’urbaniser.
L’Unesco et sa politique de labellisation
63L’étude de la communauté Mariana Osorio dont les terres sont situées entre Santiago du Chili et Valparaiso dans la cordillère de la Côte présente la plupart des défis d’adaptation aux changements liés à la mondialisation et aux dynamiques de métropolisation des ressources. Ils sont de trois ordres : « que la communauté redevienne une organisation politique souveraine, parvenir à la reconnaissance et à l’inscription légale des terres communautaires, réussir la restructuration économique de la communauté » (Venegas, 2009).
64En effet, cette communauté de 3500 personnes (environ 750 familles) a dû se restructurer à partir des années 1990 après vingt années de dictature militaire particulièrement sévère envers toute forme d’organisation sociale et en particulier envers les communautés rurales éloignées et donc difficilement contrôlables. De plus, la création du parc national de La Campana et sa patrimonialisation par l’Unesco au titre de réserve « Homme et biosphère » en 2008 ainsi que l’arrivée de nouveaux groupes d’acteurs avec de nouvelles préoccupations dans la zone ont rendu nécessaire une réorientation de leur action collective. Même si, en 1985, l’État fait un effort de limitation du parc, les imperfections favorisent une grande confusion qui est la base des revendications et des conflits. La communauté prend conscience en 1993 qu’une partie de son territoire est intégrée dans le parc, ce qui limite nombres de ses usages. De nombreuses négociations et un procès, associant la communauté, un député, une ONG, la Codeff, le ministère de l’Agriculture et la Conaf (Corporación Forestal Nacional), débouchent sur un accord rendant une partie – seulement – des terres à la communauté en contrepartie de l’établissement d’un programme de développement communautaire entre la communauté et la Conaf.
65Malgré ses difficultés juridiques et économiques et les défis qui lui restent à relever, si cette communauté s’est maintenue si longtemps du 26 mai 1612, date du testament de Mariana Osorio en faveur de « ses Indiens, de leurs femmes et de leurs descendants » à aujourd’hui, c’est en raison principalement de l’effectif élevé de ses membres – il est difficile de trouver un accord unanime sur la vente de telle ou telle parcelle –, du bon niveau de coopération et d’organisation interne de la communauté mais aussi de l’appui des deux présidents de la République, Eduardo Frei et Ricardo Lagos pour des raisons électorales mais aussi de sympathie réelle pour des communautés qui représentent pour eux l’essence même de la nation chilienne.
Conclusion
66Les deux cas exposés, les espaces ouverts des métropoles chiliennes et les espaces désertiques des interfluves côtiers péruviens, ont été pendant longtemps des espaces oubliés des pouvoirs centraux, occupés par des populations marginales ou marginalisées. Ces deux terrains ont de multiples correspondances, notamment en termes d’intervention sommaire de l’État, de disponibilités relatives des espaces mis en valeur de façon extensive et de conflits générés avec les acteurs endogènes – notamment des communautés rurales ou paysannes – lors de l’appropriation des terres par de nouveaux acteurs.
67La valorisation de la terre par les acteurs multinationaux (entreprises et organismes) paraît plus légitime. Les révolutions techniques (goutte-à-goutte) et les changements sociaux (émergence d’une classe moyenne en quête d’aménités) qui ont eu lieu depuis quarante ans et les réformes agraires ont permis de transformer considérablement le regard porté sur ces terres vacantes. De délaissées, elles sont devenues ressources à supposer cependant qu’elles ne l’étaient pas déjà et attendaient en « réserve » l’heure de leur mise en valeur.
68Face à la multiplicité des acteurs et à la recherche de terres à l’échelle mondiale, ces espaces sont devenus centraux économiquement bien que délaissés par le politique. Or, « c’est surtout l’usage politique de l’espace qui restitue au maximum la valeur d’usage : ressources, situations spatiales, stratégies » (Lefebvre, 2000 [1974] : 412), ce que ne semblent pas capables d’assurer les pouvoirs péruvien ou chilien, que ce soit à l’échelle métropolitaine ou nationale.
69La valorisation de la terre convoitée par des investisseurs étrangers et capitalistes, au Chili, au Pérou mais aussi dans d’autres pays, est basée sur des critères économiques intégrant l’accessibilité aux infrastructures, la liberté et la flexibilité politique et financière – face à un État absent (Chili) ou facilitant (Pérou) –, la disponibilité et la proximité de la ressource hydrique – essentielles dans ces milieux arides ou méditerranéens. Les critères culturels, historiques, environnementaux qui semblent avoir un certains poids dans les discours actuels à l’échelle mondiale restent encore marginaux pour la valorisation de ces ressources qui, malgré leur connaissance ancienne (depuis Darwin pour le Chili) et leur patrimonialisation récente, restent livrées à leur sort. Au terme de cette contribution, on peut affirmer que ce qui nous semblait paradoxal, à savoir le maintien de terres vacantes dans un contexte de mondialisation et/ ou de métropolisation, répond en réalité à une certaine logique. L’espace et son abondance sont en fait le support de ces deux processus exogènes. Ces espaces n’existent pas en tant que tels hors contexte métropolitain ou d’intensification agricole. Ils ne doivent donc plus être considérés comme vides mais porteurs de nombreuses valeurs économiques et sociales. Ce sont les pouvoirs centraux (politiques et plus souvent économiques) qui semblent décider de leur devenir étant donné que par leurs routes, leurs capitaux, leurs acteurs, ils ont fait émerger ces espaces en leur attribuant des ressources devenues rares : faibles densités, ruralité, mise en valeur extensive. L’étude de ces « terres vierges » n’est donc pas un détour mais au contraire permet d’étudier le cœur des deux processus de métropolisation et de mondialisation qui animent toute réflexion sur les ressources.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 « The term captures a fundamentally social relationship : the attribution of (economic) value by a dominant group to attributes and capacities that provide functional utility for that group. »
2 D’après le dictionnaire de la Real Academia Espanola : « Eriazas », synonyme de « erial : adj. Dicho de una tierra o de un campo : sin cultivar ni labrar. »
3 Décret législatif 94 – Decreto legislativo que promueve la inversion privada en proyectos de irrigacion para la ampliacion de la frontera agrícola (décret législatif qui favorise l’investissement privé dans les projets d’irrigation afin d’étendre la frontière agricole).
4 Titrage individuel facilité par la loi 26845 : Ley de titulacion de la tierra de las comunidades campesinas de la costa (loi de titrage de la terre des communautés paysannes de la côte).
5 Le ministère de l’Agriculture à travers le Proyecto Especial de Titulacion de Tierras y Catastro Rural/ Projet spécial de titularisation des terres et du cadastre rural (PETT) financé par la Banque interaméricaine de développement (BID).
6 Transactions détaillées dans la loi 26845.
7 Le Plan Regulador Metropolitano de Santiago (PRMS), créé en 1994, intègre 37 communes et le Plan Regulador Intercomunal del Gran Valparaíso (PREMVAL), qui date de 1965, n’a toujours pas donné lieu à une révision d’importance.
8 Commune localisée au nord-ouest du Gran Santiago et faisant partie du Plan Regulador Metropolitano de Santiago depuis 1997, elle se trouve sur l’un des axes privilégiés de l’urbanisation et de l’industrialisation en périphérie de la capitale malgré une tradition agricole mais en vertu de sa proximité à la route 5 Panaméricaine. Elle se situe sur le versant est de la cordillère de la Côte et comprend sur son territoire la vaste zone humide protégée de Batuco de 14788 hectares.
9 Située au nord de l’estuaire de l’Aconcagua, 20 % de son territoire correspondent à une zone anciennement urbanisée mais 80 % sont aujourd’hui en zone rurale ou littorale à moins de 20 minutes en voiture du centre de Valparaiso.
10 Vallée andine au sud-est de Santiago, avec une importante activité touristique les fins de semaine et l’été, attirant des Chiliens et des Argentins pour des hébergements allant du camping sauvage au resort de luxe en passant par les cabañas.
11 Extrait de fruit de l’algarrobo (prosopis pallida) utilisé dans les boissons, les sucreries et les liqueurs (Diccionarios de la Real Academía, Madrid, 2013).
12 Cartes mentales réalisées en 2010 avec 44 élèves de deux collèges de la commune.
13 La valeur minimum a été calculée par le comité spécial en coordination avec Interinvest, suivant le coût d’opportunité ou suivant le prix d’achat des terres similaires : résumé du livre blanc de Chavimochic, 2014, en ligne : http://www.proyectosapp.pe/RepositorioAPS/0/0/JER/PATIERRAS/chavimochic3/Resumen_Ejecutivo_Chavimochic_3.pdf.
14 Ses charges peuvent être comparées à celles des notaires mais elles sont officiellement héréditaires
15 PRIS de 1960 et décret-loi DL 420 de 1979 ; décret 3516 du ministère de l’Agriculture de 1980 ; PRMS, Plan régulateur métropolitain de Santiago de 1997 ; PRMS 2003 ; PRMS 2006 ; PRMS 2010.
16 Le produit type correspond à une maison individuelle de 70 m2 parfois dans un ensemble résidentiel fermé avec une valeur marchande moyenne de 90000 dollars pour 140 m2 de terrain, soit 2000 UF. La Unidad de Fomento (UF) permet depuis 1967, et un contexte de forte inflation, de déterminer le prix de l’immobilier en prenant en compte le coût de la construction, la valeur de la construction et la valeur du peso chilien. Cet indice est actualisé quotidiennement mais correspond en moyenne à 40 dollars.
17 En 2010, 1000 hectares ont brûlé dans la commune de Lampa au cours d’un feu qui dura cinq semaines (selon le site Internet du Conaf, en 2011). ÀMantagua, en 2011, un feu qui dura presque trois jours ravagea la moitié du condominio Santa Adela « Puquelehue » dont trois maisons partirent entièrement en fumée. Quant au Cajón de San Pedro, il a connu deux jours d’incendies, en plein hiver 2012, brûlant plusieurs hectares de palmeraie endémique sur les versants nord de la Campana.
18 Végétation xérophile, fort ensoleillement, orientation des vents venus du Pacifique (Quintanilla, 1998 ; 2009).
19 Mise en place par Klingebiel et Montgomery en 1961, sur la base de critères qualitatifs ou quantitatifs comme la profondeur, la texture, le pH… Elle a été adaptée dans le cas chilien et permet de classer les sols en fonction de la capacité d’utilisation. Les sols classés de I à IV sont considérés comme susceptibles d’être cultivés et les sols classés de V à VIII, comme inaptes. En général, plus le numéro de la classe est élevé, moins la culture est intensive.
20 Végétation sclérophylle composée principalement d’espèces comme le boldo (Peumus boldus), le quillay (Quillaja saponaria), le litre (Lithrea caustica), le peumo (Cryptocaria alba), le maiten (Maytenus boaria) et l’acacia (Hoffmann, 1979).
21 Formation végétale ouverte poussant sur les collines de sol calcaire et sec.
22 Grupo Rocío, voir http://www.gruporocio.com. Extraits du site : le groupe Rocío a été créé en 1967. Le groupe débute avec le négoce familial d’un élevage de 3500 poulets par mois ; aujourd’hui, il commercialise ses produits au niveau national pour le cas du poulet (nord, centre et une partie du sud du Pérou) et international (conserves, systèmes d’irrigation).
Auteurs
Docteur en géographie, Ater à l’ENS, UMR Prodig 8586.
Maître de conférences, université Paris 13, Pléiade-CRESC/ UMR Prodig 8586.
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