Introduction
p. 9-16
Texte intégral
1Au temps des crises a brutalement succédé le temps des urgences. Dans quelque direction que nous regardions, le temps nous est compté. Une génération tout au plus avant que d’irréversibles dérèglements environnementaux ne condamnent nos sociétés à un effondrement certain. Au mieux quelques années avant qu’automates et intelligences artificielles nous privent d’insertion économique et relèguent la plupart d’entre nous au rang d’inutiles et fâcheuses créatures. À tout moment possible, des crimes abominables, capables de détruire les fondements du vivre-ensemble et de réduire à néant nos principales sources, individuelles et collectives, de fierté et de joie. Sous l’empire de telles urgences, la personne humaine n’existe plus. Données et métadonnées, algorithmes et modèles, effets de systèmes et mouvements de masse accaparent l’attention et mobilisent l’essentiel des efforts : la riposte à l’urgence ou au sentiment d’urgence repose avant tout sur la loi des grands nombres et sur l’hégémonie des chiffres.
2Qu’elle paraît loin, la période où, dès son premier principe, une déclaration internationale stipulait que « les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature1 ». Qu’elle paraît lointaine et incompréhensible, l’époque où un savant éminent, doublé d’un fervent humaniste, osait proclamer : « La Terre a besoin des hommes2. »
3Devant un horizon aussi sombre, rien ne serait plus facile que de céder au désespoir. De considérer en particulier, comme le veut la doxa du jour, que face à « l’urgence environnementale », il n’est d’autre parti réaliste, d’autre perspective crédible, que de chercher à « adapter les systèmes humains à des conditions d’habitabilité détériorée ». D’où, en général, la mission confiée aux sciences sociales – et souvent acceptée de bon gré par celles-ci – d’œuvrer à « l’acceptabilité »3 des mesures qu’impose la nécessité de limiter la dégradation des équilibres de la biosphère.
4Par chance, mon goût pour la résolution des problèmes n’a cessé de s’affirmer et de se développer. Aussi ai-je été amené à suivre le précepte du philosophe Alain visant à ne jamais séparer la réflexion générale de la pratique de l’action. Cela m’a incité à affronter sans intermédiaire la dure réalité des choses, sans avoir à me contenter des explications toutes faites et du prêt-à-penser théorique. Cela m’a poussé à examiner par moi-même la nature des problèmes considérés, en usant de toutes les ressources disponibles et en minimisant autant que possible les a priori. J’aborde donc la présente réflexion en ma double qualité de chercheur et de praticien de la facilitation, facilitation que j’exerce, au sein d’organisations, au profit d’acteurs et dans des territoires, depuis plus de vingt ans.
5Cette attitude d’esprit et cette pratique des situations concrètes m’ont préservé du pessimisme qui saisit tant de chercheurs, conduits à s’intéresser aux grands « problèmes environnementaux ». Pessimisme qui s’accompagne souvent d’une forme de défiance, sinon de dégoût pour « l’espèce humaine », en raison de l’incapacité supposée de celle-ci à se remettre suffisamment en question et à changer de trajectoire de développement.
6En effet, en étudiant de manière approfondie la nature de la crise et des problèmes liés au vivant, deux observations se sont progressivement imposées. Face à l’urgence domine un sentiment d’impuissance. Impuissance généralement expliquée par un défaut de volonté politique. La science a parlé, la science nous dit qu’il faut agir sans délai, mais les responsables politiques, pour le malheur de tous, n’ont pas le courage d’en tirer les conséquences, c’est-à-dire de prendre les décisions qui s’imposent. Sous l’effet, notamment, des déconvenues accumulées par la négociation internationale sur le changement climatique, cette manière de poser le problème est devenue un véritable leitmotiv de la pensée écologique. Loin de se borner aux seuls militants, elle a contaminé une part non négligeable des milieux scientifiques. Elle intervient dans cette sorte de spleen global qui frappe nombre de chercheurs, en sciences de la nature comme en sciences sociales. Pour beaucoup, en effet, « l’inaction politique face à l’urgence environnementale » dépasse l’entendement et ébranle la foi qu’ils avaient placée dans l’avènement d’une société rationnelle, éclairée par la lumière des sciences ; en bref, elle ne laisse que fort peu de place à l’espérance. Qui s’intéresse à la gestion des problèmes complexes n’a cependant aucune difficulté à repérer un premier ensemble d’approximations et de raccourcis massifs sur lesquels repose cette formule. En premier lieu, elle participe d’une confusion évidente entre « problèmes de science », entendus comme questions à résoudre, et « problèmes d’action », correspondant à des difficultés pratiques, souvent non réductibles à des aspects purement techniques. En second lieu, elle consiste à faire comme si « les solutions étaient connues », alors que les problèmes, pour une large part, ne le sont manifestement pas. Aussi convient-il de se demander pourquoi l’empyrée des sciences se désespère aussi vite, avant même d’avoir pris soin d’examiner les situations plus à fond ; avant de considérer les problèmes liés au vivant pour ce qu’ils sont, à savoir des défis se situant au point de confluence entre des intentions et motivations humaines et des caractéristiques et mécanismes « naturels ». En d’autres termes, comment peut-on espérer fonder un diagnostic pertinent en prenant seulement appui sur la manière dont les sciences de la nature et du système Terre appréhendent les problèmes écologiques ? Comment les sciences sociales peuvent-elles revendiquer une posture éminente de réflexivité, tout en se plaçant dans une situation de subordination vis-à-vis des sciences de la nature et en n’ayant d’autre ambition qu’un projet de dénonciation de l’humain et du social ? Comment, finalement, peut-on renoncer aussi vite, alors que tant reste à comprendre ?
7Il m’est évidemment plus aisé de maintenir une saine distance avec la rhétorique dominante, car j’ai eu la chance de prendre part à des interventions qui m’ont révélé l’existence de marges de manœuvre aussi importantes qu’insoupçonnées. Confronté à des situations concrètes, à la demande de commanditaires spécifiques, il m’a été possible de réaliser combien les liens aux différentes expressions et formes du vivant étaient souvent beaucoup plus denses, riches et diversifiés que ne le donnait à penser une certaine vulgate. Outre des réserves considérables d’engagement potentiel qu’elles ont révélées, ces différentes configurations territoriales m’ont également permis d’apprécier l’importance des relations entre acteurs par rapport aux dimensions environnementales, au travers notamment de leur plus ou moins grande capacité de faire cause commune et d’œuvrer de concert. Reconnaître l’importance du local n’implique pas de céder pour autant à un quelconque angélisme en la matière : une partie significative des problèmes s’élabore assurément à d’autres échelles de responsabilité et d’action. En revanche, prendre vraiment conscience de la détermination de certains acteurs locaux à agir en faveur de dimensions du vivant permet de changer de perspective globale ; de même, le fait d’identifier des obstacles spécifiques mais surmontables au co-engagement des acteurs locaux vis-à-vis du vivant ouvre sur des perspectives de changement fort appréciables. Toutefois, cela a un prix. Cela suppose de sortir de la masse et de la généralité du « social » et de l’« environnement » pour redécouvrir des situations chaque fois singulières, des acteurs spécifiques, des personnes bien réelles et des relations contextuelles. Outre l’énergie et l’espérance qu’elles m’ont insufflées, ces incursions exigeantes ont assurément formé mon goût pour la recherche de « conditions stratégiques de changement ». Comment, finalement, ne pas s’enthousiasmer devant tant de possibilités restant à explorer et à développer ?
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8Le propos de cet ouvrage ne consiste pas à effectuer un énième commentaire sur la gravité de la crise écologique, pas plus qu’il n’a pour objet, à l’inverse, d’analyser les récupérations et les errements auxquels elle donne lieu. Devoir choisir entre catastrophisme et scepticisme ressemble trop à ce piège dont Ulysse apprend à ses dépens qu’il oblige à opter pour une prétendue voie moyenne, dont le coût s’avère en réalité exorbitant. Il faut refuser, d’emblée, d’entrer dans une configuration où Charybde le dispute à Scylla, et qui se solde presque toujours par un sacrifice majeur4. Au risque d’être peu « lisible » sur l’échiquier des rapports de force, il faut fuir la guerre de retranchement et de positions qui accapare l’énergie des différents protagonistes. Qui peut encore prétendre porter un regard neuf sur un problème complexe s’il a fait allégeance à un camp ?
9La notion de crise écologique doit être prise au sérieux, dans ce qu’elle dit en des termes exacts : le rapport à notre habitat est en crise. Crise : période d’élection où l’avenir se décide, période de bifurcation ; période de grand péril assurément, dans la mesure où, potentiellement, le meilleur comme le pire sont susceptibles d’advenir. Ce pourquoi il importe de réfléchir à d’éventuelles conditions propices à une sortie positive de ladite crise.
10Certes, beaucoup d’auteurs, et de très doctes, se sont déjà livrés à l’exercice. Plans d’actions en tous genres, catalogues de solutions, lignes directrices et préconisations avalisées par les plus hautes institutions ne manquent pas. Dès lors, comment éviter la répétition ? En faisant le pari que l’urgence ressentie à trouver des solutions face au péril global a conduit à considérer trop hâtivement les problèmes eux-mêmes ; à les réputer connus, alors qu’ils étaient loin d’avoir été suffisamment approfondis.
11Examiner plus à fond la nature des problèmes sous la crise écologique, tel est le principe général du présent ouvrage. Avec l’espoir d’identifier des conditions pratiques de résolution de la crise, insuffisamment remarquées à ce jour, et susceptibles de faire que la balance, in fine, penche du bon côté. Non pas des « solutions » en tant que telles, mais bien des conditions décisives, critiques ou stratégiques. Tentative assurément risquée, qu’il convient d’envisager comme une contribution nécessairement limitée pour surmonter la crise écologique.
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12Cette recherche ne repose pas à proprement parler sur une méthode, entendue comme un protocole fortement codifié, suivant des étapes rigoureusement définies et visant à démontrer une certaine vérité. Pour autant, elle procède de grandes caractéristiques qu’il convient de reconnaître et de justifier. Des caractéristiques qui, à certains égards, reviennent à prendre le contre-pied des canons actuels de la « méthode scientifique ». Des caractéristiques qui, heureusement, fondent et inspirent les travaux d’autres chercheurs et penseurs.
13Beaucoup a déjà été dit et écrit sur la crise écologique et ses différentes manifestations. La première caractéristique de la présente recherche consiste à faire le pari du bilan ou plus exactement à miser sur la possibilité de rassembler, de rapprocher et de faire dialoguer un ensemble de savoirs et d’expertises, afin de mettre au jour des enseignements et des résultats peu ou mal identifiés, et pourtant de grande portée. Ce pari et cette approche ne sont évidemment pas sans rappeler l’orientation méthodologique préconisée par Marcel Mauss dans la conclusion de son Essai sur le don : « Après avoir forcément un peu trop divisé et abstrait, il faut que les sociologues s’efforcent de recomposer le tout » (Mauss, 1997, p. 276). Qu’il soit clair cependant que cette orientation n’a pas vocation à produire un méta-savoir ou une super-théorie unifiée, susceptibles de se substituer aux différentes spécialités disciplinaires. Le risque en est réduit, puisque le rapprochement entre différents savoirs et expertises, dans notre cas, s’exerce, non sur des généralités, mais sur des thématiques spécifiques : l’érosion de la biodiversité, le changement climatique, la question des territoires, les origines et les moyens de lutter contre la crise écologique. Chaque fois, il s’agira de se demander si le fait de mettre en relation et en tension différents savoirs et expertises ne permet pas de dire quelque chose de plus ; de repérer, sinon une structure, à tout le moins un motif intégrateur suggéré par la diversité des analyses et des regards ; un motif susceptible d’apporter en retour un nouvel éclairage quant au problème considéré et quant à la manière de le dépasser. S’efforcer de recomposer le tout, certes, mais sans pour autant rechercher le système.
14Cette manière de procéder s’avère assurément risquée. Elle se situe à rebours de ce que Max Weber identifie comme le mouvement général et nécessaire de spécialisation de la recherche. Mais est-il besoin de rappeler qu’aux yeux du sociologue allemand, « l’intellectualisation et la rationalisation croissantes ne signifient donc pas une connaissance générale toujours plus grande des conditions de vie dans lesquelles nous nous trouvons5 » ? Elle n’a pas non plus la prétention de relever à proprement parler de l’interdisciplinarité, même si elle suppose assurément de penser au-delà de ma discipline de rattachement. Mais est-il besoin de rappeler que la complexité de la question écologique appelle une réflexion large et ouverte, ainsi que le recommandent nombre de penseurs ?
15Une deuxième particularité de la recherche entreprise tient à ce qu’elle utilise peu de chiffres et de courbes, de modèles mathématiques et de simulations. Non que ceux-ci ne méritent pas la plus grande attention, mais ils forment déjà la matière et la matrice de tant de travaux et de rapports qu’il a semblé souhaitable de mobiliser, en première instance, une autre source de réflexion et de savoirs, nettement moins sollicitée. À la donnée imposante et quantifiée seront donc préférées la finesse et la fragilité des paroles d’acteurs ou plus exactement de leur expertise-en-situation. Plutôt que de considérer a priori comme supérieures ou davantage légitimes certaines formes d’expertise6 par rapport à d’autres, nous ferons l’hypothèse qu’elles disent toutes des choses significatives et potentiellement pertinentes. L’objectif consistant alors à préciser comment une telle diversité de regards et d’appréciations s’avère possible, comment des lectures aussi variées, voire disparates, peuvent effectivement coexister, et ce qu’elles révèlent, en fin de compte, de la situation et du problème considérés. Notre démarche s’avère donc fondamentalement qualitative, dans le sens fort du terme où il s’agit de reconnaître « les caractéristiques, les propriétés ou les attributs d’un être ou d’une chose auxquels un acteur donné accorde de l’importance7 » ; alors que domine sans partage le règne de la quantité, accorder dans la réflexion une place aussi centrale à la qualité témoigne d’une certaine témérité. Fort heureusement, d’illustres auteurs, tels Régis Debray ou Edgar Morin, plaident régulièrement pour l’avènement d’approches moins exclusivement quantitatives – et donc plus qualitatives – des autres et du monde. Cependant, il s’agit ici de donner corps et consistance à ce vœu, trop souvent demeuré lettre morte. Accepter la qualité, c’est accepter la différence : la qualité n’est pas réductible à une quantité comme on cherche habituellement à le faire ; une part irréductible de la qualité relève de ce qui compte vraiment aux yeux d’une personne donnée : « ce à quoi elle se montre attachée », « ce qu’elle identifie comme caractéristique d’un être ou d’une chose qui importe à ses yeux » ; elle est indissociable de la personne, de son individualité, de sa singularité en somme8.
16Aussi, envisager un problème sous l’angle de la qualité ouvre immédiatement sur une difficulté majeure : par rapport à l’unicité et à la simplicité de l’énoncé scientifique, il faut s’attendre à la pluralité – sinon à la multitude – des formulations, des ressentis et des propositions. La quantité écrase les différences ; la qualité les réhabilite. Dès lors, la difficulté réside dans le fait d’apprendre à penser, non contre les différences, mais avec elles, ou, mieux, grâce à elles. En définitive, l’enjeu consiste à s’interroger sur la possibilité de rendre compte de ces différences et de la pluralité qu’elles traduisent ; plus encore, à rechercher leur intégration dans une forme supérieure, qui reste à définir. La quantité offre l’avantage de l’accumulation et du calcul ; la qualité ouvre la voie de la complétude et de l’intégration. Utiliser la pluralité des regards, des savoirs et des expertises sur une même situation et un même problème, tel est le trait majeur de la démarche déployée tout au long de ce texte.
17Plusieurs thématiques abordées dans cet ouvrage mériteraient, pour chacune d’elles, qu’une vie entière de chercheur leur soit consacrée. Plutôt que d’être mue par une quête de l’exhaustivité, la réflexion poursuivie s’emploie à repérer des éléments ou des faits significatifs, des écarts et des points d’inflexion majeurs, des leviers de changement potentiellement décisifs. Plusieurs conséquences en résultent quant à la composition générale du texte qui suit et quant à la démarche qui le sous-tend. Les aspects communément admis et les notions les mieux établies sont rappelés brièvement ; l’absence de développements significatifs à leur sujet ne signifie pas que leur importance soit sous-estimée. De manière générale, les effets de contraste maximal sont privilégiés, afin de mieux identifier et révéler des points critiques, des faits et des leviers d’importance stratégique. Cela se vérifie au travers d’un double dispositif. Premièrement, dans la tension entretenue à tout moment entre réflexion théorique et observations concrètes : il s’agit moins de tester ou de valider un cadrage ou une armature théoriques, en les soumettant au verdict de cas pratiques, que de favoriser un échange croisé et un enrichissement mutuel entre données empiriques et considérations théoriques. Deuxièmement, dans la confrontation organisée entre échelle globale et échelle locale-territoriale qui structure le présent ouvrage. Dans cette optique, et bien que limités en nombre, les exemples pratiques jouent une grande importance. Comme le soulignait Marcel Mauss, « l’étude du concret, qui est du complet et du complexe », permet de renouer avec une unité trop souvent malmenée par les approches théoriques et les constructions générales. Au demeurant, comme l’a montré Gilles Deleuze dans son livre Différence et répétition (1969), l’examen approfondi de singularités concrètes peut, sous réserve qu’elles en recèlent le potentiel, aboutir à des enseignements de portée universelle. Les cas de l’érosion de la biodiversité, du changement climatique, du plateau de Saclay et de la Haute-Bigorre n’ont donc pas été choisis au hasard.
18En somme, la réflexion développée ici se construit à partir des écarts, des contrastes, des divergences, ainsi qu’à partir des affinités, des analogies et des convergences. Mouvement fractal appliqué d’abord à l’échelle de problèmes spécifiques – érosion de la biodiversité, changement climatique – ou de configurations territoriales précises – plateau de Saclay, Haute-Bigorre – avant que d’être reconduit à d’autres échelles, entre « grands problèmes », entre territoires, et plus généralement au sujet de la crise écologique envisagée dans son ensemble. Fondamentalement, cet essai procède donc d’une approche ou d’une démarche différentielle, ou encore de ce que l’on pourrait nommer un « comparatisme différentiel9 ». Il est plaisant de rendre ainsi hommage à Gregory Bateson, pour qui la véritable information jaillissait précisément de la différence.
19Trois parties composent le présent ouvrage.
20La « crise écologique » étant souvent considérée comme un « problème global », la première partie se concentre sur les lectures et les approches résolument et intentionnellement globales du problème. Elle approfondit les cas spécifiques du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité, communément considérés comme deux expressions archétypales de cette « crise ».
21La seconde partie opère un changement radical d’échelle. La « crise écologique » est envisagée sous l’angle du local et du territorial, ce qui oblige à approfondir la notion controversée de territoire. Les cas concrets du plateau de Saclay et de la Haute-Bigorre viennent enrichir la réflexion ; ils livrent un ensemble de données de première importance et révèlent des marges de manœuvre insoupçonnées.
22S’appuyant sur les résultats des deux parties précédentes, les confrontant les uns aux autres et s’employant à les mettre en perspective, la dernière partie cherche à identifier un ensemble de conditions critiques ou stratégiques susceptibles de favoriser une prise en charge positive, motivée et partagée de la qualité du vivant planétaire10.
Notes de bas de page
1 Premier principe de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, adoptée lors du sommet de la Terre (Rio de Janeiro, 1992).
2 La formule est de René Dubos, agronome, biologiste de renom aux États-Unis et rédacteur, avec l’économiste Barbara Ward, du rapport Nous n’avons qu’une Terre ayant servi de support à la première conférence des Nations unies sur l’environnement (Stockholm, 1972).
3 Ces expressions sont placées entre guillemets, car elles sont régulièrement employées dans des séminaires de recherche, dans l’exposé des motifs de plusieurs colloques, ainsi que par des auteurs engagés dans la « question environnementale ».
4 Pas moins de six hommes perdus par Ulysse – l’une des plus lourdes pertes de l’Odyssée – lors du franchissement de ce goulet, alors même qu’il tentait d’éviter les deux écueils en empruntant une voie moyenne ou troisième voie. Pour un développement de ce point, voir Brédif, 2004 (p. 719-721).
5 Phrase extraite de la conférence intitulée « La profession et la vocation de savant », prononcée par Max Weber à Munich, le 7 novembre 1917, généralement réunie avec l’autre texte issu de la conférence « La profession et la vocation de politique » sous le titre Le savant et le politique.
6 L’étymologie nous rappelle que l’expert est celui qui a de l’expérience. L’expertise n’a donc aucune raison de se borner à des considérations purement scientifiques et techniques, dès lors que d’autres formes d’habileté, d’adresse et d’expérience sont nécessaires au bon fonctionnement d’une société.
7 Point développé dans Brédif, 2008. La qualité, comme moyen de repenser le développement durable d’un territoire. EspacesTemps.net, http://espacestemps.net/document5213.html
8 Cette conception « ontologique » de la qualité correspond au sens historiquement premier de qualité, comme le rappelle l’étymologie du mot (le latin qualitas dérivant de qualis : « quel »). Au sens fort du terme, la qualité correspond donc à la « manière d’être, plus ou moins caractéristique d’une chose ou d’un être », en accord avec la définition qu’en donne Aristote dans l’Organon : « J’appelle qualité ce en vertu de quoi on est dit être tel. »« Sans même qu’il soit question de porter un jugement de valeur, de dire si elles sont bonnes ou mauvaises, tout objet, tout être animé, toute réalité présente donc des qualités qui lui confèrent en retour une identité spécifique » (Ibid., 2008).
9 Souvent, le comparatisme s’attache au premier chef à relever des affinités et des analogies. En associant à ce terme celui de « différentiel », nous souhaitons réhabiliter les différences, en montrant qu’elles ont potentiellement autant d’intérêt, sinon plus encore, que les similitudes ; ou plutôt, que c’est en combinant analogies et convergences, dissemblances et différences qu’une intelligence approfondie des situations et des processus peut s’affirmer.
10 Par « vivant » et par « qualité du vivant », nous entendons, en première approche, ce qui est vivant (homme compris, en évitant la séparation habituelle entre humains et non-humains), ainsi que tout ce qui concourt à la qualité et à l’intégrité de la vie comme processus.
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