Engagements, difficultés et carrières
Géographes communistes et communisants dans la tourmente (1938-1945)
p. 39-62
Texte intégral
1La présence du communisme dans la géographie universitaire française à la fin des années 1930 est connue, notamment à travers les deux figures, destinées à devenir dominantes dans le champ1, de Pierre George2 et Jean Dresch, dont les parcours militants et intellectuels ont été plusieurs fois décrits de leur vivant (Pailhé, 1981 ; Lacoste, 1984) et font l’objet d’études régulières depuis leur disparition, quoiqu’encore très rarement nourries par le recours aux archives et s’appuyant largement sur la mémoire disciplinaire (Suret-Canale, 1994 ; Tissier, 2002a ; 2002b ; coll., 2008 ; Maurel, 2008 ; Manzagol et Hamelin, 2008 ; Girault, 2008b ; Hazareesingh, 2015 ; Ginsburger, 2015a ; 2017b). Ainsi, ces deux figures, intervenant fréquemment dans les Annales de géographie, publient également alors dans des revues d’intellectuels communistes plus ou moins visibles et portent haut les couleurs du stalinisme3. D’autres spécialistes disciplinaires, de leur génération comme de la suivante, ont également évolué dans la même période dans ou autour des milieux communistes ou socialistes, que l’histoire récente de la géographie française tend à réévaluer sous cet angle, sans les juger mais en essayant de comprendre leurs « rapports d’hostilité, d’étrangeté, de complémentarité, d’intégration » (Monier, 2002) dans le système disciplinaire, en fonction de leurs attitudes, leurs idées et leurs parcours, leur acculturation (faire de la géographie « communiste ») et leur « projet de conquête » (rendre communiste la géographie).
2Parmi eux, nous allons nous intéresser ici à ceux qui ont traversé la Seconde Guerre mondiale en tant que géographes universitaires, débutants ou confirmés, et en tant que communistes ou communisants. Quels ont été les parcours de guerre de ces spécialistes aux opinions si singulières dans le champ disciplinaire, mais aussi dans le monde intellectuel et universitaire français de l’époque4 ? Comment ont-ils traversé les années troubles de la Seconde Guerre mondiale, de la montée des tensions à la victoire des Alliés ? Comment le conflit a-t-il agi sur leurs carrières, leurs idées, leurs actions et leurs identités, individuelles et collectives ? Peut-on parler à leur propos d’une « parenthèse » concernant la Seconde Guerre mondiale, ou bien d’un événement majeur dans leurs parcours et leurs identités ? Sur toutes ces questions, les informations ne sont pas si nombreuses, sans doute édulcorées par les acteurs mêmes et par une mémoire disciplinaire qui a voulu oublier en partie ce « moment communiste » de ceux qui allaient devenir pour certains des mandarins, pour d’autres des personnalités plus ou moins marquantes dans la seconde moitié du xxe siècle de la géographie française. Il importe cependant de faire le point sur ce sujet, de rassembler les données disponibles et de donner des informations complémentaires, à l’aide des travaux historiques récents, d’archives inédites et de sources imprimées jusqu’ici peu exploitées. On essaiera ainsi de montrer à quel point leur Seconde Guerre mondiale fut marquée par un contexte certes très mouvementé, ambigu et dangereux, mais surtout par l’accélération de leurs trajectoires professionnelles et militantes, alimentée par les qualités personnelles d’universitaires tout à fait remarquables, mais aussi par leur engagement polymorphe.
Des accords de Munich à la défaite française : engagement, mobilisation, répression
Continuités et radicalisation des engagements
3À la fin des années 1930, la montée des périls et des tensions dans les relations internationales, en particulier européennes, provoque la radicalisation de l’engagement ou l’entrée en communisme de plusieurs géographes remarquables. Le jeune Jean Suret-Canale indique ainsi que, si la guerre d’Espagne le fait basculer à gauche en tant que lycéen, c’est l’enseignement de son professeur de philosophie, en classe de philosophie au lycée Henri-IV de Paris, René Maublanc, qui l’initie au marxisme, en 1939, lors de « ces derniers mois de paix entrecoupés de drames annonciateurs de la grande tourmente » (Suret-Canale, 1960 ; Bianchini, 2011, p. 36). Il adhère aux Étudiants communistes en juin 1939, renonce à la philologie et aux langues anciennes pour se tourner vers la géographie, « discipline plus proche des réalités contemporaines » (Suret-Canale, 1981, p. 9-10), et part sur le terrain colonial, en 1938 en Afrique-Occidentale (voyage scolaire), en 1939 en Indochine (récompense pour le premier prix de géographie au concours général) (Bianchini, 2011, p. 51). Pour Pierre George, plus âgé, avancé et engagé5, les accords de Munich sont un électrochoc. Début 1939, il publie dans le premier numéro de la revue communiste intellectuelle La pensée6 un article vibrant à la gloire d’Ernest Denis (1849-1921), historien spécialiste de l’Allemagne et de la Bohême ayant joué un rôle important dans la fondation de l’État tchécoslovaque en 1918, selon lui oublié par les intellectuels et les autorités lors de la très récente crise autour des Sudètes (George, 1939a). De façon plus légitime dans la discipline, il joue par ailleurs un rôle d’intermédiaire entre la communauté des géographes scientifiques et les milieux communistes. Il est ainsi le spécialiste attitré de l’URSS à la Bibliographie géographique internationale (BGI), même s’il n’a pas fait sa thèse de 1934 sur ce thème (c’était sur le Bas-Rhône) et ne publie finalement pas beaucoup sur le sujet avant 1945 : dans les Annales de géographie, c’est seulement en 1938-1939 qu’il signe ses premiers articles sur l’URSS, quatre notes de synthèse sur les travaux récents concernant la Russie polaire et la région de Léningrad, même si son nom apparaît à ce propos pour des articles de synthèse beaucoup plus longs et ambitieux dès 1936 dans la revue de géographie scolaire L’information géographique, à destination de ses collègues, en particulier à propos de la géographie économique d’une Russie en phase d’industrialisation rapide et forcée. George, depuis 1936 professeur agrégé d’histoire et géographie au lycée parisien Charlemagne, est également un enseignant et vulgarisateur actif dans les cercles communistes. Il donne et publie ainsi par exemple un cours sur « Les transports en Russie » en février 1939, pour l’Association pour l’étude de la culture soviétique et dans la série des « Documents de la Russie neuve ». De plus, il écrit sur la France, dans une optique communiste assumée, et signe un ouvrage épais sur la Géographie économique et sociale de la France, publié aux Éditions sociales internationales, très marquées politiquement à gauche (George, 1938). C’est que, pour lui, la géographie doit être une science au service des opinions politiques. Dans le numéro 2 de La pensée, il publie ainsi une revue de presse des études les plus récentes de géographie, affirmant : « La pensée ne saurait se tenir à l’écart du mouvement géographique contemporain. Par sa prétention à la synthèse des faits physiques et humains du présent, la géographie est amenée à traiter de tous les grands problèmes contemporains » (George, 1939b, p. 151). De son côté, Dresch, professeur agrégé d’histoire et géographie au lycée Gouraud de Rabat depuis 1931, publie divers écrits anticolonialistes dans des manuels de géographie (Clerc, 2011, p. 13-14) et contribue surtout à la création du journal communiste L’espoir de Rabat, qui paraît à partir du 1er mai 19387 (Rollinde, 2002, p. 46). Chargé de la rubrique « Le Maroc et nous », celle des « questions marocaines » lui permettant « d’exprimer les conclusions de huit ans de recherches et de contacts, et les réflexions politiques » qu’il en tirait (Dresch, 1979, p. 21-22), il y publie (sans les signer mais au nom du collectif) divers articles traitant des questions économiques, sociales et politiques et des effets de la colonisation sur les Marocains, écrits qui le font repérer et surveiller par les autorités locales. C’est que « leurs titres sont suffisamment éloquents pour se passer de commentaires : Misère marocaine (14 mai 1938), Il faut lutter contre la misère (17 septembre 1938), Une tribu victime de la colonisation (11 juin 1938), La colonisation n’enrichit pas les travailleurs marocains (23 juin 1938) » (Clerc, 2011, p. 14), ou encore Pour la défense des travailleurs marocains en France (3 septembre 1938). Le 17 septembre 1938, il rédige, avec le comité de rédaction, un appel à « libérer les nationalistes bannis et emprisonnés », suite aux « troubles de septembre et octobre 1937 », écrivant :
Les prisons marocaines seraient-elles comparables aux camps de concentration de l’Allemagne hitlérienne, et la barbarie nazie rejoindrait-elle la barbarie du Maroc d’antan ? […] Nous aimerions être assurés que non. […] Mais les souffrances appellent vengeance, les rancœurs s’accumulent, et, si les raisons de l’agitation ne disparaissent pas, l’agitation renaîtra. […] Comment s’étonner que certains parmi les jeunes aient écouté les promesses démagogiques de Franco, les agents de Mussolini, « protecteur de l’Islam », ou de Hitler ? Les Jeunes Marocains avaient mis tous leurs espoirs dans le gouvernement de France et du Protectorat, surtout depuis l’avènement du Front populaire. Ils attendaient qu’on leur applique les principes de justice de 89. Ils ont été déçus. […] Au moment où le fascisme raciste menace de plus en plus les fondements mêmes de la civilisation, où la guerre est sur le point d’éclater, il faut tendre la main aux Jeunes Marocains qui reviennent à nous. […] Les ennemis, ce ne sont pas eux, mais les agents de Franco, d’Hitler ou de Mussolini, les provocateurs étrangers ou marocains, les apprentis fascistes de nos administrations. Tous unis, Marocains et Européens, contre le fascisme, fauteur de guerre !
Dresch, 1979, p. 36-38
4L’antifascisme militant du texte se conjugue donc avec l’anticolonialisme, tant communiste que nationaliste ici. Dresch est cependant à l’époque beaucoup moins intégré dans les structures culturelles du PCF que George, car plus périphérique et surtout en milieu colonial : il est cependant alors très actif dans la communauté disciplinaire, au niveau international8 comme national9 et local10.
Entre méfiance et malaise : la Drôle de guerre des géographes communistes
5Le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale bouleverse les trajectoires des géographes communistes. À cet égard, on ne connaît pas leurs réactions au pacte germano-soviétique d’août 1939, ni à l’action militaire de l’URSS en Europe orientale et septentrionale à partir de septembre, même si l’on sait que Louis Poirier, adhérent au PCF depuis la fin 193611 et depuis 1937 professeur d’histoire et géographie au lycée de Quimper, quitte le parti dont il ne partage plus les options de défense de la politique soviétique, renvoyant à la fin août sa carte d’adhérent (Bruhat, 1983, p. 69 ; Boie, 1989, p. lxx ; Tissier, 1996, p. 552). Notons cependant que, dans les Annales de géographie du début de la guerre, les articles sur l’URSS ne sont plus signés par George, mais par le jeune Jean Gottmann, qui écrit par exemple :
L’accroissement fébrile de toute production [en URSS] […] s’est poursuivi au cours de ces dernières années. […] Il semble intéressant de faire le point sur cette économie vers 1938-1939, à la veille du conflit qui embrase l’Europe, à l’issue de vingt ans de régime soviétique et de dix ans d’économie « planifiée ». La documentation dont on dispose à cet effet se ramène aux seules statistiques soviétiques officielles. Dans les conditions autocratiques du régime, avec son extrême centralisation, tout autre genre d’information économique est exclu. Le profond scepticisme que ces statistiques suscitent ne fait que s’accentuer avec le temps. […] Un nouveau recensement de la population a été publié en 1939, dont les chiffres, quoique évidemment « maquillés », peuvent donner quelques indications. […] Vingt ans de réorganisation, dix ans d’efforts soutenus, tant de richesses détruites n’ont guère procuré à la Russie que des fiertés statistiques. […] On a bien l’impression d’une masse énorme (un sixième des terres émergées, un douzième de l’humanité) tendue dans un effort quasi infini de production. La population, au lieu d’en profiter, en souffre ; l’industrialisation a permis une autarcie très poussée, la réduction du commerce extérieur à sa plus simple expression, mais elle exige de gros sacrifices. Produire n’est pas une fin, et les efforts soviétiques n’ont abouti jusqu’ici qu’à une formidable destruction de matières premières et de travail.
L’évolution économique de la Russie doit être comparée à celle du Canada, lui aussi un Empire du bois et des blés devenu grande puissance industrielle, mais qui, avec bien moins d’hommes et bien moins de tapages, sans souffrances ni sacrifices, a su améliorer son niveau de vie déjà élevé […]. La similitude des deux évolutions, qui est pourtant réelle, est difficile à concevoir, si grand est le contraste créé par l’opposition des systèmes économiques
Gottmann, 1940, p. 73-80.
6Le ton a donc bien changé dans la revue parisienne à l’égard de l’Union soviétique de Staline. Statistiques suspectes, manifestement maquillées, souffrances et sacrifices : le champ lexical de Gottmann, lui-même d’origine russe, russophone et exilé en France12, s’inspirant, pour cet article écrit pendant la Drôle de guerre, des écrits critiques publiés au Bureau de recherches sur l’économie russe de l’université de Birmingham, montre bien ses propres réticences, personnelles et intellectuelles, mais reflète aussi sans doute l’image du régime stalinien après août-septembre 1939 et le pacte germano-soviétique. George n’a certainement pas les mêmes sentiments, mais on ne sait pas si le fait que ce ne soit pas lui qui signe ces lignes sur l’URSS vient de sa situation personnelle, de son retrait public comme ancien communiste, alors que le PCF est interdit par le gouvernement Daladier, de ses propres doutes ou du choix de la rédaction des Annales (notamment de son maître Demangeon dont Gottmann est l’assistant) de donner la parole à une voix plus jeune mais à peine moins compétente, plus critique en tout cas à l’égard de l’URSS13.
7C’est que la Drôle de guerre de George est singulière [voir le chapitre de Denis Wolff dans ce volume]. En mars 1940, non mobilisé sans doute pour des raisons physiques (des problèmes oculaires ?) et évacué de la région parisienne pour échapper à une possible invasion, il est désormais provisoirement professeur au lycée de la Baule. Il écrit alors plusieurs rapports pour le Centre de géographie humaine du Conseil universitaire de la recherche sociale, en particulier sur les effets de la mobilisation et de la guerre sur l’implantation de l’industrie et sur le peuplement de la côte Atlantique qu’il peut observer directement sur le terrain, ce qui témoigne de la poursuite de son travail d’enquête géographique14. Son rapport sur l’industrie dans la région de Saint-Nazaire est ainsi marqué par une description très précise du tissu économique de la région et des conditions de travail et de vie de la main-d’œuvre, et par une attention très particulière quoique nuancée aux conséquences de la mobilisation et du déplacement tactiques des industries stratégiques sur la côte Atlantique. Mais cette enquête, en particulier les questions qu’il a pu poser aux ouvriers, le fait sans doute repérer, surveiller et suspecter par les autorités. En avril-juin 1940, désigné comme un « militant actif de l’ex parti communiste », lui et sa femme Germaine Ronce, institutrice au Pouliguen et « ex-rédactrice au journal La Vie ouvrière », font l’objet d’une enquête de la sécurité intérieure, pour des accusations de « propagande communiste parmi les ouvriers des chantiers de Saint-Nazaire », jugées cependant sans fondement après plusieurs perquisitions15. Informant Demangeon de cet épisode fin mai, il rajoute : « Il devient très difficile de travailler, et pourtant il semble que c’est en fournissant le meilleur effort dans sa spécialité que l’on démontre sa confiance en l’avenir et la continuité de notre culture. Mais cela n’est rien si ce petit avatar en reste là16. » Optimiste, il écrit un peu plus tard : « J’espère à tous points de vue qu’une amélioration générale de la situation apaisera la nervosité des uns, la “soupçonnite” des autres et qu’une atmosphère moins chargée se prêtera à une reprise paisible des travaux géographiques17. » La Drôle de guerre de George est donc marquée par une non-mobilisation lui permettant de poursuivre des travaux géographiques de terrain, travaux presque « normaux » dans une atmosphère incertaine et pesante, en particulier du fait de ses engagements précédents. Suret-Canale indique pour sa part :
Quand la guerre a été déclarée, [j’étais encore] sur le chemin du retour [d’Indochine], au large de Singapour. À mon retour, j’ai passé ma première année de prépa. […] Avec la déclaration de guerre, les khâgnes et les hypokhâgnes ont été transférées de Paris en province, parce qu’on craignait les bombardements de Paris, ou encore les gaz. […] [Celles] de Henri-IV ont été transférées à Rennes. Pendant mon absence, un de mes camarades d’études, Jean Sirinelli [1921-2004]18 […] avait rencontré par hasard à Paris un de nos anciens professeurs d’histoire et de géographie du lycée Henri-IV que nous avions eu en sixième, André Meynier. […] Jean a parlé à Meynier du fait que la classe préparatoire que nous devions faire avait été transférée à Rennes et ce dernier lui a dit : « Écoutez ! J’ai une chambre de bonne vacante. Je suis prêt à prendre deux étudiants en pension. » Alors Sirinelli a retenu la place pour lui et pour moi. C’est ainsi que j’ai fait la rentrée scolaire en hypokhâgne à Rennes en 1939. Finalement, nous nous sommes retrouvés à trois chez André Meynier, avec Pierre Daix [1922-2014], qui était aussi un de nos camarades d’Henri-IV [et qui] dormait dans le bureau d’André Meynier, sur un divan. La famille Meynier avec ses trois filles avait du mérite d’accepter en pension trois gaillards de 19 ans. […] L’année 1939-1940, j’étais donc pensionnaire chez André Meynier. Plus tard, après la guerre, en 1945-1946, j’ai été son assistant à Rennes .
Bianchini, 2011, p. 51-52
8Remarquons ici l’importance de Meynier, mais aussi le fait que ce dernier est très clairement qualifié de socialiste à la fin des années 1930, alors qu’il était professeur d’histoire-géographie à Henri-IV puis professeur à l’université de Rennes depuis 1938 (Robrieux, 1984, p. 154), semblant servir de référence à ses élèves de tous niveaux, suscitant des « vocations de géographe et d’historien » (Daix, 1976, p. 16) et alimentant une « filière bretonne » pour un groupe d’étudiants tous plus ou moins communistes, destinés à devenir professeurs d’histoire-géographie, voire professeurs d’université (en particulier ici Suret-Canale, Daix et Sirinelli). Ce moment est pour lui particulier, comme Charles Robequain le note : « Je sais que, les bâtiments de la faculté ayant été en partie réquisitionnés, [Meynier] s’est installé à l’Institut de géologie […]. Il est probable qu’il aura beaucoup plus d’étudiants que l’an dernier19. »
9Suret-Canale choisit finalement de passer ses certificats d’histoire et géographie à la faculté des lettres de Rennes et d’abandonner l’hypokhâgne, trop contraignante, mais il est happé par la débâcle française :
J’ai fait l’exode en 1940 avec mes camarades, [Jean] Sirinelli et [Pierre] Daix, en vélo20. Puis j’ai rejoint la Vendée où j’avais de la famille qui était en vacances, à Saint Hilaire de Riez. Pierre Daix a été le premier à retourner à Paris. Il devait me donner le feu vert après avoir repris des contacts là-bas, ce qu’il a fait. Je suis donc revenu au mois d’août
Bianchini, 2011, p. 41-43.
10D’autres géographes communistes sont pour leur part mobilisés militairement. Alors que le pacte germano-soviétique provoque immédiatement l’interdiction de la revue L’espoir à son trente-deuxième numéro (Dresch, 1979, p. 20), Dresch est affecté comme lieutenant dans le quatrième régiment de tirailleurs marocains en août 1939, et rentre en France pour combattre [Illustration 1]. Mi-octobre, il écrit à Demangeon son inquiétude par rapport à sa thèse d’État21, qu’il est sur le point de terminer : « La guerre a éclaté à un bien mauvais moment pour moi, en tout cas un mois trop tôt. […] Que pensez-vous que je doive faire pour en finir avant que, peut-être, il soit trop tard ? J’espère pouvoir obtenir une permission qui me permettrait tant bien que mal de liquider le tout22. » Malgré ces inquiétudes, Dresch combat « vaillamment comme officier de réserve dans la guerre de 1939-1940 et […], père de cinq enfants, il [n’hésite] pas à s’inscrire comme volontaire pour l’expédition de Norvège » (Carcopino, 1953, p. 394). Décoré de la Croix de guerre et ayant finalement soutenu son doctorat, Dresch retourne au Maroc en août 1940, une fois consommée la défaite française.
11Ce n’est pas le seul cas connu de géographes communistes mobilisés. Jean Tricart, bachelier en 1938 et immédiatement engagé dans des études supérieures à la Sorbonne (Mainguet, 2003), est mobilisé en 1939-1940 au Service géographique de l’armée (SGA), évacué à Bordeaux, aux côtés d’André Cholley et de son élève Jacqueline Garnier, mais aussi de Paul Marres. En effet, ce dernier, géographe, géologue et botaniste socialisant, internationaliste et antifasciste (Chaubin, 2010), assistant de Jules Sion à la faculté des lettres de Montpellier depuis 1932, part en juillet 1939 à Bordeaux où lui est proposée la chaire de géographie à l’université, s’engage dans l’armée malgré ses cinq enfants. Il sert comme capitaine dans un régiment d’infanterie coloniale sur le front de Lorraine, puis est versé au SGA de septembre 1939 jusqu’à l’armistice, ce qui lui permet de faire parvenir à Londres les documents géographiques portant sur la Cyrénaïque dont dispose ce service (ibid.).
Dresch – debout, à gauche – en uniforme lors de la traversée de la Méditerranée [s. l. n. d.], album « Guerre », FJDNT049, photographies no 16 et 28, https://octaviana.fr/document/FJD NT049# ?c=0 & m=0 & s=0 & cv=0 & xywh=0 % 2C-305 % 2C3499 % 2C3073.
Source : collection des tirages photographiques, fonds Dresch, archives de l’université Paris 8 Saint-Denis.
Persécutions et protections : les ambivalences d’une situation chaotique
12L’occupation de la zone Nord et de Paris par les Allemands rend la situation des géographes communistes hautement périlleuse. Suret-Canale témoigne ainsi :
Je suis donc revenu [à Paris] au mois d’août [1940]. Les étudiants communistes étaient organisés. Nous avions une activité permanente, quotidienne : l’impression et la distribution de tracts. Puis, le 26 septembre, j’ai été arrêté par la police française, remis entre les mains des autorités allemandes, condamné par le tribunal militaire allemand du Gross Paris à trois mois de prison. Ça se passait ainsi : le jugement se faisait in absentia, sur dossier fourni par la police française. J’ai passé plus d’un mois à la Santé, dans la division réservée aux Allemands. Puis, j’ai été transféré à la prison du Cherche-Midi. […] Je suis ressorti le 12 février 1941
Bianchini, 2011, p. 41.
13Malgré cet épisode d’emprisonnement qu’on retrouve également dans d’autres cas23, c’est moins avec les Allemands qu’avec Vichy que les géographes plus avancés dans la carrière ont à faire, avec cependant des résultats surprenants. Ainsi, de retour au Maroc et malgré ses décorations et titres, Dresch est d’abord privé de son poste de lycée en décembre 1940 et expulsé pour raisons politiques, au 1er janvier 1941, du fait de ses engagements passés (Tissier, 2002a, p. 439), de l’interdiction du PCF et d’accusations de provocation à la rébellion. Quarante ans plus tard, il résume ainsi ce moment : « La guerre redoutée était venue, accompagnée d’expériences nouvelles. À mon retour […], le régime de Vichy s’installait en France : au Maroc, bientôt, Juifs, francs-maçons et communistes de la “colonie” étaient confondus dans une commune répression. Pour les communistes, c’était le camp de concentration. On me fit la faveur de me renvoyer en France. Le séjour marocain se terminait comme se terminaient mes recherches de thèse » (Dresch, 1979, p. 95). Pourtant, il semble avoir fait l’objet d’une intervention favorable du ministre historien Jérôme Carcopino, qui raconte, dix ans après les faits, sans prononcer toutefois son nom mais de manière totalement transparente :
Peu après mon installation au ministère, j’ai brillamment reclassé un professeur du Maroc que ses supérieurs avaient, par un euphémisme qui le laissait sans emploi, « remis à la disposition du ministère ». Je connaissais cet ancien normalien par sa réputation de géographe récemment confirmée par une très honorable soutenance de thèse en Sorbonne. En outre l’étude de son dossier me persuada de ses dons et de sa conscience pédagogiques. Enfin je fus informé que ce communiste avait combattu vaillamment […]. Je profitai d’un voyage à Vichy de notre Résident au Maroc pour l’entretenir de son ancien subordonné. Le général Noguès, à qui personne n’avait jamais rapporté que les opinions politiques de ce maître eussent fusé à travers ses leçons, voulut bien approuver mes intentions bienveillantes à son égard ; et aussi pleinement rassuré sur le patriotisme de ce communiste, je le nommai à Nice, en lui promettant de le transférer dans un lycée de Paris, dès qu’un poste de sa spécialité y serait vacant, éventualité qui se produisit à la rentrée scolaire du mois d’octobre. Naturellement, [cette] mutation qui compensai[t] une exclusion de quelques semaines par un avancement normal, fu[t] âprement critiquée
Carcopino, 1953, p. 394.
14D’abord nommé professeur au lycée de Valence, Dresch est en effet nommé à celui de Nice en mars 1941, enfin au lycée Voltaire de Paris en octobre (Dresch, 1987, p. 59). Début 1941, George se trouve également dans le collimateur des autorités, comme il le raconte plus tard, en 1944 :
Je suis ce qu’on appelle un fonctionnaire au dossier chargé. J’étais visé par Vichy pour mes opinions politiques.
Membre du parti communiste depuis 1935 – gréviste de 1938 – j’avais derrière moi un déplacement d’office pour avoir été candidat du Front populaire. Après différentes enquêtes policières et administratives, M. Chevalier [secrétaire d’État à l’Éducation nationale et à la Jeunesse] a décidé de me révoquer en février 1941 d’après la consultation du rapport Georgin, proviseur à Charlemagne – M. [l’inspecteur général Henri] Boucau est intervenu ainsi que Huby [un autre inspecteur général], et l’un et l’autre m’ont défendu en s’appuyant sur mon dossier professionnel et ont obtenu la transformation de la révocation en déplacement d’office.
M. Boucau a proposé des postes qui ont été jugés trop avantageux. Le ministre Chevalier est tombé et l’affaire s’est étouffée24.
15La persécution anticommuniste du début de l’année 1941, par ailleurs bien attestée25, touche donc directement George, qui bénéficie cependant de la protection de Boucau et de la chute de Chevalier, remplacé par Carcopino qui a d’autres priorités. Cependant, la situation évolue :
Je me trouvais dans une situation assez difficile au lycée Charlemagne – placé sous la surveillance d’Étienne et de Georgin – j’ai demandé à M. Boucau de me faire changer de lycée et il m’a fait nommer à Lakanal. Il a donc obtenu le poste que j’avais demandé habitant à Bourg-la-Reine.
M. Le Président. M. Boucau n’a pas ignoré que vous faisiez partie du Parti communiste ?
M. George. Il l’a toujours su.
M. Lablenie. M. Boucau vous a-t-il considéré comme un communiste militant ou comme un communiste susceptible de vous rallier au nouveau régime ?
M. George. […] Rien dans mon attitude pendant la guerre aurait pu faire supposer à M. Boucau que j’avais changé d’opinions. Le ministère ne s’y est jamais trompé qui s’est toujours opposé à tout avancement26.
16Après Charlemagne, George est donc nommé au lycée Lakanal à Sceaux en 1941. Cette mutation est la conséquence d’une méfiance par rapport à son positionnement politique, mais aussi d’une intervention directe de l’inspecteur général Boucau [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger sur celui-ci dans ce volume]. Son caractère punitif est largement contestable : il y gagne la tranquillité, la proximité d’avec son domicile et un prestige conservé, même s’il ne s’agit pas à proprement parler d’une promotion27. Dans son cas comme dans celui de Dresch, malgré les soupçons du régime vichyste pour des personnalités communistes, la persécution anti-communiste est donc pour le moins ambivalente, et nourrit plutôt une évolution de carrière certes inattendue et non voulue, mais pas franchement défavorable, grâce aux interventions de protecteurs haut placés (Carcopino et Boucau).
Poursuite des carrières, entrées en résistance
L’Occupation, une époque paradoxalement favorable professionnellement ?
17Avec la stabilisation de la situation militaire et politique, les étudiants géographes communistes reprennent leurs études, en zones libre ou occupée. En 1941, le diplôme d’études supérieurs (DES) parisien de Jean Tricart reçoit le prix Bastian de l’Académie des sciences. Agrégé d’histoire et de géographie en 1943, il est successivement assistant professeur au Prytanée national à Briançon, puis, en 1944-1945, au Prytanée national de La Flèche, chargé de la préparation des concours d’entrée à Saint-Cyr et à l’École supérieure d’aviation (Mainguet, 2003). Un peu plus jeune, Suret-Canale indique pour sa part :
Au cours de l’été 1941, il a commencé à y avoir des manifestations […] moi, je n’ai pas été mis dans le coup et j’en ai été un peu vexé par la suite… Était-ce en raison de mon état physique ? Je suis ressorti de la prison dans un état très affaibli. […] Ensuite, on [l’Union des étudiants communistes] m’a envoyé en zone sud pour m’occuper des étudiants communistes de Toulouse. […] J’ai terminé mes études, tout en menant mes activités à Toulouse. J’avais un certificat d’histoire du Moyen Âge à passer, puis le diplôme d’études supérieures. J’ai fait un mémoire avec le doyen Faucher sur le rôle de Toulouse dans les communications
Bianchini, 2011, p. 43.
18Il précise à ce propos :
À la suite de cela, Daniel Faucher m’a dit que j’étais déjà devenu un spécialiste de la géographie des télécommunications. Mais je n’ai pas persévéré dans cette spécialisation. Pendant la guerre, Faucher a publié dans la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest […] deux articles extraits de mon diplôme, l’une sur les liaisons routières de Toulouse, l’autre sur les chemins de fer. En revanche, la partie concernant la navigation n’a pas été publiée. Je ne l’ai su qu’après la Libération, lorsqu’on m’a fait parvenir les tirés-à-part
Bianchini, 2011, p. 53.
19Du côté de leurs aînés, on observe également des évolutions de carrière particulièrement favorables. Ainsi, la méfiance ministérielle n’empêche pas George d’être bien présent dans le paysage disciplinaire parisien. En 1941-1942, il est nommé, sur proposition de Boucau et aux côtés de Dresch, membre du jury du Concours général de géographie, mais les deux communistes en sont exclus l’année suivante, à la demande du ministère. Il participe au même moment, avec René Clozier (lycée Saint-Louis), Dresch (Voltaire), Maurice Grandazzi (Louis-le-Grand) et Aimé Perpillou (Henri-IV), à l’expérimentation de l’enseignement scolaire séparé de la géographie proposée par Martonne à l’Inspection générale et au ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Abel Bonnard, pour appuyer la mise en place de l’agrégation de géographie (Dumoulin, 1994, p. 29 ; Ginsburger, 2017a). En la matière, l’implication des quatre professeurs fut clairement différenciée, en particulier du côté de Dresch, dont le rapport n’est pas cité directement dans le rapport final de Martonne, malgré des activités pédagogiques dont on a des témoignages directs [Illustration 2]. George semble en tout cas bien intégré dans les réseaux légitimes de la discipline dans cette période d’Occupation. Il continue à participer activement à la rédaction de la 49e BGI, avec son directeur, Élicio Colin, lui-même réfugié à Quéménéven et emprisonné quelques mois (Anonyme, 1941, p. 90 ; Martonne, 1950, p. 68 ; Lageat, 2009) et publie À la découverte du pays de France. La nature et les travaux des hommes, ouvrage d’initiation à destination d’élèves de dix ans paru chez Bourrelier (George, 1942) [voir le chapitre de Pierre Bocquillon et de Jean-Louis Tissier dans ce volume] et préfacé par Boucau28. Il prend également part aux séances de l’Association de géographes français (AGF) en 1942, faisant en particulier une communication orale en juillet sur la basse vallée de l’Aude et discutant celle de Jacqueline Garnier sur Le Mans en novembre, puis en prononçant une autre en avril 1943 sur la Champeigne tourangelle, et envoyant également des interventions écrites sur le Languedoc et la vallée du Rhône en 1942 et 1943. George fait aussi office d’expert, membre en 1943-1944 d’un « groupe de géographes et d’économistes » chargés de faire pour la Délégation générale à l’équipement national (DGEN, fondée en 1941) un bilan sur la décentralisation industrielle (Couzon et Rosental, 2001) [voir le chapitre d’Efi Markou dans ce volume], un « dossier-bilan de la géographie économique et sociale de la France29 ».
Dresch enseignant de lycée, ici avec des élèves, album Sortie de l’Ascension 1943. Hommage des élèves, printemps 1943, FJDNT089, photographie no 10 : https://octaviana.fr/document/FJDNT089#?c=0&m=0&s=0&cv=9&xywh=4110%2C711%2C1762%2C2170.
Source : collection des tirages photographiques, fonds Dresch, archives de l’université Paris 8 Saint-Denis.
En plus de sa participation (fluctuante) au jury du Concours général de géographie30 et à l’expérimentation d’enseignement spécialisé de géographie pour
20le compte de Martonne en 1942, Dresch est également dans une dynamique professionnelle paradoxalement favorable. Il est d’abord chargé de cours à la Sorbonne en 1940-1941 en remplacement de Larnaude, nommé au cabinet du ministre Carcopino, et débute à cette occasion sa carrière dans le supérieur. Il est ensuite nommé à l’université de Caen en 1943 pour suppléer Musset, alors déporté à Mauthausen. Le 6 mars 1943, il présente à l’AGF un exposé sur « l’habitat chez les Chleuhs du Haut-Atlas », tiré de sa thèse, tandis que le jeune Tricart prononce une étude sur les « buttes des environs de Paris », qualifiée de « remarquable » par Martonne : une séance particulièrement marquée par les opinions politiques de ses orateurs, mais sur un mode tout à fait dissimulé. Lorsque deux chaires de géographie coloniale sont créées en 1943 par le gouvernement de Vichy, Martonne ne trouve pas déplacé de faire directement l’éloge de son élève le plus avancé aux instances :
La compétence, garantie d’un bon enseignement à tous les degrés, est tout particulièrement exigée dans l’Enseignement supérieur.
Il n’est peut-être pas de discipline qui la requiert plus que la géographie. L’historien ne peut revivre le passé. Le géographe doit avoir vécu dans les milieux qu’il décrit.
Le Professeur de géographie coloniale doit absolument être familier, par ses travaux personnels, avec les questions si spéciales qu’il a à traiter.
Pour deux postes de géographie coloniale, nous avons la chance d’avoir deux candidats spécialisés, supérieurs, même pour l’ensemble de la géographie en général, à la plupart de leurs contemporains.
Jean Dresch a posé sa candidature à Aix et ne semble pas devoir y rencontrer de concurrent, à moins que Weulersse ne soit écarté de Bordeaux.
Sa personnalité s’impose d’une façon éclatante. Ses thèses de doctorat sur le grand Atlas de Marrakech représentent l’œuvre la plus approfondie, la plus féconde en résultats, la plus personnelle que j’aie eu l’occasion de couronner depuis quarante ans. Dresch n’est d’ailleurs pas seulement un chercheur ; c’est un professeur capable d’enthousiasmer de jeunes élèves de lycée aussi bien que des étudiants, comme j’ai pu m’en rendre compte après lui avoir confié une conférence à la Sorbonne pour suppléer Larnaude, puis à Caen pour suppléer Musset. Son influence est due non seulement à la conscience professionnelle, mais à l’ardeur et aux qualités morales. Père de 6 enfants déjà, il se fait aimer de ses élèves. Il l’a fait de ses soldats comme officier de troupes coloniales au point de garder ou reformer son unité pendant toute la retraite… De tous les jeunes géographes, Dresch est le premier qui devrait accéder à l’Enseignement supérieur. Ce qu’il a fait au Maroc le qualifie spécialement pour la géographie coloniale.
J.Weulersse a pour lui non seulement ses excellentes thèses de doctorat […], mais son activité de voyageur et d’écrivain. […] Il a été chargé pendant quelques mois d’une conférence à la Sorbonne avant la nomination du successeur de Demangeon. Après Dresch, c’est certainement le géographe colonial le plus désigné. Il a posé sa candidature à Bordeaux où il devrait être accueilli par la Faculté, si celle-ci ne désirait pas s’attacher Papy.
Papy est une personnalité sympathique et un géographe digne de prétendre à l’Enseignement supérieur. Mais ses thèses sur le littoral entre Loire et Gironde ne le qualifient aucunement pour enseigner la géographie coloniale. Leur valeur n’est d’ailleurs pas comparable à celle des thèses soit de Dresch soit de Weulersse31.
21L’éloge de Dresch est ici particulièrement clair, tant au niveau scientifique que pédagogique ou moral. La situation de concurrence institutionnelle entre les trois jeunes docteurs Dresch, Weulersse32 et Papy33 explique cette intervention, relativement habituelle chez Martonne (Ginsburger, 2014a), et se solde d’ailleurs par un échec pour son favori34, mais le plus frappant est l’insistance sur les « qualités morales » de Dresch, au niveau familial et militaire. Rien n’est dit en revanche sur ses convictions politiques, même pour en écarter le soupçon : est-ce à dire que Martonne les ignorait ? Peut-être, mais sans doute la chose était-elle connue, justifiant le résultat final, à savoir la nomination de Weulersse à Aix (peut-être moins suspect aux yeux des autorités), ou le fait que Papy était le candidat naturel à Bordeaux, chaire sur laquelle Weulersse candidatait, à qui il fallut donner finalement l’autre poste. Il faut dire que Dresch participe au même moment, secrètement mais directement, à la résistance communiste armée.
En résistance
22Pour les géographes communistes comme pour beaucoup d’intellectuels et de contemporains, l’entrée en résistance est une opération progressive et difficile, en particulier dans le contexte parisien. Ainsi, Dresch est « d’abord coupé de tout contact » avec le parti communiste clandestin35 mais il reprend contact au printemps 1942, et surtout en 1943 avec le Front national (FN)36 et le PCF clandestins. Membre du comité de résistance du lycée Voltaire, il y représente le FN, de même que Clozier au lycée Saint-Louis, « 18e inscrit au FN » du Supérieur, « chargé d’assurer l’acheminement des étudiants parisiens qui voulaient échapper au STO37 et de recruter ceux qui voulaient faire partie du groupe de combat », assurant « les liaisons avec le F.N. d’Eure et Loire, le M.L.N.38 de l’Oise », pour cela « constamment dénoncé comme résistant au cabinet de Bonnard » et exclu par Boucau du jury d’agrégation39. Chargé en janvier 1944 de l’encadrement des officiers de réserve pour les Francs-Tireurs partisans (FTP) du Nord de la Seine-et-Oise40, Dresch est membre du troisième bureau de l’état-major FFI (Forces françaises de l’intérieur) de la région Île-de-France du colonel Henri Rol-Tanguy, du 27 août à décembre, et prend activement part à la libération de Paris en août 194441, puis fait partie des troupes qui libèrent l’Alsace (Dresch, 1987, p. 61). Jusqu’en mars 1945, il participe à la formation des officiers et officiers FFI aux écoles de Bagnolet et de Sceaux.
23Ces titres militaires particulièrement brillants ne doivent cependant pas occulter le fait que d’autres géographes communistes ou communisants, déjà intégrés dans l’université ou dans la profession enseignante, sont également impliqués dans des actes armés de résistance, à commencer par le cas, fort bien connu par ailleurs, de la géographe Lucie Samuel-Bernard (dite Aubrac) (Ginsburger, 2017c). Pour sa part, Suret-Canale témoigne :
En 1942, je suis passé complètement dans la clandestinité. J’ai eu des responsabilités dans la région de Montpellier, puis à Périgueux. À compter d’octobre 1943 jusqu’à la Libération, j’ai été instructeur des Jeunesses communistes [JC]. Je rayonnais sur six départements. […] Après la Libération, j’ai continué, dans un premier temps, à être permanent des [JC]. Au début de l’année 1945, on m’a envoyé reconstituer les [JC] en Alsace-Lorraine. […] J’ai été permanent des [JC] jusqu’au mois de juin 1945
Bianchini, 2011, p. 43-44.
24Un autre cas est celui de Paul Marres. Après avoir été enseignant à la faculté des lettres de Bordeaux de 1939 à 1941, il succède en 1941 à Sion à la chaire de Montpellier. Proche de Marc Bloch avec qui il va en excursion dans la garrigue nîmoise le 7 juin 1942, en compagnie du naturaliste Paul Marcelin, tous deux également bien connus pour leurs activités de résistants42, continuant à publier dans le Bulletin de la Société languedocienne de géographie (dont il est le secrétaire) et dans celui de l’Institut de géographie alpine (IGA) de Blanchard, il aide de nombreux jeunes gens à fuir le STO et à trouver des filières vers la Haute-Savoie et l’Ariège43. Nommé à la tête du comité départemental de l’Hérault du Front national, créé en 1942, il cache chez lui des résistants et des réfractaires, et est en contact avec son collègue mathématicien Henri Pupponi, l’un des fondateurs du FN à Montpellier, organisation que Marres finance en partie, tandis que son fils Louis distribue des tracts, adhère aux JC en 1943, est interpellé puis participe, avec les maquisards FTPF du Bousquet d’Orb (Hérault), aux combats dans la zone de Peytafi et de Magalas, et est tué le 21 août 1944 avec sept de ses camarades. Marres lui-même échappe de justesse à une arrestation le 9 juin 1944.
25Cependant, on ne peut pas passer sous silence les actions de certains résistants communistes destinés à devenir, dans les années 1950, des géographes importants (Bataillon, 2006)44, mais qui n’ont pas encore pris cette voie au début des années 1940, pour des raisons de carrière ou d’âge. Instituteur toulousain, socialiste incorporé dans l’armée en 1939 et 1942, Jean Bastié, reçu en 1943 au concours d’entrée à l’École nationale supérieure de l’enseignement technique (Enset), section EF (lettres-langues), y organise diverses formes d’aide aux élèves-professeurs et le refus du STO (Girault, 2008a). Élève d’école normale d’instituteurs à Dijon, André Blanc est pour sa part admis à l’ENS de Saint-Cloud en 1943. Menacé par le STO et apprenant la déportation de son père, il bascule entièrement dans la lutte clandestine à laquelle il participait depuis l’automne 1942. Combattant dans les forces de l’intérieur, il rejoint au lendemain de la libération de Paris les unités régulières qui progressent vers l’Est, en particulier dans une des compagnies du régiment Bourgogne de la Première Armée (Pêchoux et Roux, 1978, p. 436-437 ; Denis, 2005). Élève-maître à l’école normale d’instituteurs de Châteauroux, Raymond Dugrand est pour sa part résistant en 1943 au maquis FTPF (Francs-Tireurs et partisans français) de la Haute-Vienne, prenant en 1945 sa carte au PCF (Chaubin, 2010 ; Chevalier, 2014), de même que Bernard Kayser et André Prenant. Ce dernier était le fils de la philosophe Lucie Soto, agrégée de philosophie et future directrice de l’ENS de jeunes filles de Sèvres (1944-1956), et de Marcel Prenant, célèbre zoologue et biologiste marxiste, professeur à la faculté des sciences de Paris et chef d’état-major du Comité militaire des francs-tireurs et partisans en 1942-1944 (Prenant, 1980, p. 163-199)45. Hypokhâgneux adhérent du FN puis FTP en Haute-Saône ayant échappé aux policiers venus le chercher dans la foulée de l’arrestation de son père (ibid., p. 214), à Paris cartographe à l’état-major que dirigeait son père, il avait été chargé de la constitution et de la direction d’un groupe maquisard près d’Achères-la-Forêt en Seine-et-Marne, puis rattaché au groupement de FTP du colonel Fabien à Paris, adjoint du responsable (qu’il remplaça après son décès) d’un des détachements qui prirent le Sénat, le 25 août 1944, enfin combattant sur le front de Lorraine et d’Alsace jusqu’à sa démobilisation en juin 1945 (Gallissot, 2014). Maurice Wolkowitsch a été quant à lui, « membre d’une sizaine active de l’Armée secrète plusieurs mois avant le débarquement […], dans le Boischaut du Sud aux confins du Berry et du Limousin » :
Nous participions de temps à autre à la couverture d’actions de sabotage sur les voies ferrées et lignes à haute tension, plus souvent à la réception de parachutages d’armes qui devaient être entreposées dans des caches. […] Toutes ces opérations exigeaient un parcours aller-retour de 50 à 60 kilomètres pour atteindre des infrastructures visées ou la Petite Brenne dans laquelle le bocage s’efface devant l’openfield, les paysages ouverts permettant de jalonner les terrains de réception des conteneurs parachutés. Ces déplacements nocturnes dans les camions des rares négociants et exploitants agricoles qui en disposaient encore ne pouvaient être ignorés de personne, notamment de la gendarmerie à 300 mètres de laquelle passait la route empruntée. Le 6 juin à l’aube, les membres des sizaines actives ont convergé vers une ferme où ils ont reçu le renfort de très nombreux volontaires ; ainsi s’est constitué l’un des bataillons des Forces françaises de l’intérieur Indre-Est. À partir de cette date les accrochages avec les troupes allemandes se sont multipliés. […] Seule une connivence profonde et totale de la population permettait cette vie en marge et les opérations. […] J’ai tenu à rendre un hommage bien tardif à ceux qui ont permis l’action, particulièrement à la générosité et au courage des paysannes et des paysans du Berry, qui en nous hébergeant risquaient l’incendie de leurs biens et, bien plus, leur vie
Wolkowitsch, 1996, p. 251-252.
26Terminons cette évocation en revenant au cas de Pierre George. Interdite pendant la Drôle de guerre, la revue La pensée reparaît brièvement sous le titre de La pensée libre pour deux numéros, en 1941 et 1942, mais sans le nom du géographe46, même s’il semble garder des contacts avec les milieux syndicaux et communistes clandestins et échapper de justesse à l’arrestation en 1942. À ce propos, on peut voir un écho de cette activité politique dans la nécrologie qu’il consacre au géologue et géographe Charles Steber, l’un des six « collaborateurs de La pensée morts pour la France, morts pour les droits de la pensée […], morts pour que la France vive libre », dans lequel il manifeste, en tant que « compagnon de lutte », un ton tout à fait particulier quant à l’expérience de guerre. Il écrit ainsi :
Le 23octobre [1943], la Gestapo avertissait MmeCharles Steber que son mari, arrêté le 12 à Fontainebleau, s’était pendu dans sa cellule. C’était là un mensonge de plus des hitlériens. Le corps avait les membres brisés. Charles Steber était mort parce qu’il n’avait pas voulu parler, parce qu’il n’avait pas voulu renier sa vie magnifique d’homme toujours à la recherche du Bien et de la Vérité. […]
Fin 1939, au moment où les traîtres de la cinquième colonne pourchassent partout les communistes avant de livrer la France à Hitler, Charles Steber entre au parti communiste français.
Mobilisé, il se bat aussi héroïquement qu’en 1917, et après l’armistice il continue naturellement la lutte. Arrêté une première fois en 1941, il est relâché, faute de preuves, quatre mois après. Loin de réduire son ardeur, cette épreuve l’échauffe encore. Son patriotisme, sa lucidité et son courage lui valent d’être nommé membre du Comité parisien de libération nationale. Mais le 12 octobre [1943], il est de nouveau arrêté. Sa femme n’est pas prévenue à temps et ne peut rien tenter pour lui. Cette fois la Gestapo ne le manque pas : elle le tue sous les tortures et ose ensuite prétendre qu’il s’est suicidé. Mais personne n’est dupe
George, 1944a.
27On n’en saura pas plus sur ses activités politiques de guerre, peu documentées, sans doute pas très actives dans le sens de la Résistance47, en tout cas marquées par une certaine ambiguïté.
Conclusion
28Pendant les années de guerre, les géographes français communistes et communisants ont donc connu des itinéraires peu différents de la plupart de leurs collègues et camarades de parti. Entre zone occupée et zone dite libre, selon les parcours personnels et les générations, ils se sont tous trouvés dans des situations relativement instables et précaires, au gré des événements militaires et de la persécution politique menée par les autorités allemandes et le régime de Vichy, et selon une chronologie bien connue par ailleurs. Ils ont cependant été soutenus par divers réseaux disciplinaires de solidarité, soit par des protecteurs bienveillants, universitaires (Martonne à Paris, Meynier à Rennes, Faucher à Toulouse) ou institutionnels (Carcopino et Boucau entre Vichy et Paris), soit par des résistants (le FN à Paris et à Montpellier), tandis qu’ils poursuivaient leurs carrières presque normalement, soutenant leurs thèses de doctorat ou leurs DES, présentant leurs travaux et publiant un peu, accédant à des postes d’enseignants dans le secondaire et parfois le supérieur, en concurrence « classique » avec d’autres candidats non-communistes, sans discrimination manifestement radicalisée par le contexte. Cependant, les sources ne permettent pas actuellement de renseigner complètement les diverses options des uns et des autres, et certains moments de la guerre sont encore dans l’ombre : la période de la Drôle de guerre mériterait d’être approfondie à l’aune du malaise provoqué par le pacte germano-soviétique, et la vie quotidienne et professionnelle des géographes parisiens installés (Dresch, George, Clozier) pourrait certainement être mieux documentée.
29En tout cas, les exemples remarquables d’engagements militaires, en zone Nord ou Sud, de la part d’étudiants et d’enseignants plus ou moins intégrés dans la discipline, mais appelés à y occuper rapidement une place non négligeable, doivent retenir l’attention, même si, là encore, l’accélération de cette participation du fait de la mise en place du STO, en 1943, est tout à fait classique (soit pour y échapper, soit pour en protéger les victimes). Il s’agit à cet égard de constater qu’au moment de la Libération, puis de la victoire, on a donc affaire, notamment à Paris, à un groupe relativement nombreux de géographes (débutants ou confirmés) communistes ou proches des milieux combattants du communisme, auréolés d’une expérience et d’une reconnaissance fortes de résistance active. Dès lors, leur visibilité et leur action disciplinaire, au moins jusqu’en 1956, tiennent autant du contexte de la guerre froide dans sa phase la plus active (avec une radicalisation de leurs positions et des réflexions sur la géographie, envisagée comme une science « bourgeoise » ou « prolétaire ») et de la décolonisation, en particulier en Afrique du Nord (notamment Jean Dresch), que de ce passé de Seconde Guerre mondiale, peu ou mal connu cependant et sans doute jusqu’ici largement édulcoré, en particulier par un courant de la mémoire disciplinaire qui ne voulait pas se souvenir qu’à cette époque précisément, à l’heure de la guerre antifasciste, certains géographes avaient été, comme beaucoup de leurs contemporains et de leurs pairs universitaires, des staliniens affirmés.
Sources archivistiques
Bibliographie
Bibliothèque Mazarine, fonds Demangeon-Perpillou (BM).
Archives départementales de l’Hérault (ADH), fonds Marres.
Archives nationales (AN) :
– 19940500/314, dossier de sécurité intérieure « Pierre George » (1940).
– F17/16924, dossier d’épuration d’Henri Boucau.
– F17/13363, « Note sur les maîtrises de conférence de géographie coloniale créées aux facultés des lettres d’Aix et de Bordeaux ».
– 72AJ/57/II/pièce 2, témoignage de Dresch sur le Front national pour le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale.
– 72AJ/57/IV/pièce 8, témoignage de Clozier sur le Front national universitaire pour le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale.
– F17/26973 et AJ/16/5930 : dossiers de carrière de René Clozier.
Notes de bas de page
1 Tous deux entre autres enseignants titulaires à la Sorbonne à partir de 1948.
2 Il ne faut évidemment pas le confondre avec Pierre Georges, connu sous le pseudonyme de colonel Fabien (1919-1944), lui-même militant communiste et résistant, célèbre pour avoir commis le premier attentat contre un militaire allemand, le 21 août 1941, à la station Barbès-Rochechouart.
3 Au moins pendant les deux décennies séparant 1936 (Front populaire et début de la guerre d’Espagne) et 1956 (XXe congrès du PCUS [Parti communiste de l’Union soviétique], intervention soviétique en Hongrie). George s’est éloigné du PCF à partir de 1956, comme de nombreux intellectuels français (coll., 2008), mais ce n’est pas le cas de Dresch. À l’instar de beaucoup de ses collègues géographes communistes, Dresch a également été ardemment anticolonialiste, idéologie plus acceptable par l’historiographie contemporaine, comme cela a été par exemple rappelé par une exposition thématique organisée en novembre 2015 par la bibliothèque universitaire de l’université Paris-8 Saint-Denis, dépositaire du fonds d’archives de Dresch, qui comprend en particulier des carnets remplis sur le terrain par le géographe entre 1934 et 1990, ainsi que de nombreux documents photographiques.
4 On ne traitera pas ici de la période postérieure à 1945, où le communisme est beaucoup plus répandu parmi les intellectuels français, et où le contexte (notamment la cristallisation de la guerre froide et les débuts de la décolonisation) renvoie à d’autres problématiques que celles de la guerre mondiale.
5 Sympathisant communiste et antifasciste au début des années 1930, engagé dans le syndicalisme enseignant et dans diverses campagnes électorales locales, il n’adhère formellement au PCF qu’en 1935 ou 1936.
6 Reflet d’une certaine « ivresse intellectuelle conquérante » (Daix, 1976, p. 17), cette revue pluridisciplinaire bimestrielle est créée au début de l’année 1939 par des intellectuels communistes ou « compagnons de route » du PCF, en particulier l’écrivain et philosophe Georges Cogniot et le physicien Paul Langevin. Sous-titrée Revue du rationalisme moderne, arts-sciences-philosophie, elle est particulièrement importante du point de vue philosophique, notamment par le retentissement des articles qu’y publie Louis Althusser (Matonti, 1996). George, présent dès 1939, cesse d’y écrire après 1956, mais est au comité de patronage jusqu’en 1982, tandis que Dresch y rentre en 1952 et continue à y publier de nombreuses contributions jusqu’à sa disparition, en particulier dans le numéro collectif intitulé « Géographie d’hier et d’aujourd’hui » en 1984, publié à l’occasion de l’organisation du XXVe congrès international de géographie de Paris. En 2010, ce texte est republié dans la revue, toujours vivante aujourd’hui (Dresch, 1984-2010).
7 Cette fondation fait suite à la disparition du journal communiste Clarté, en juillet 1937, et à la constitution, au printemps 1938, du Parti communiste du Maroc. Le titre de la revue semi-hebdomadaire est emprunté à Malraux (Baida, 2012).
8 Il donne des communications de géomorphologie sur le massif de l’Atlas aux congrès internationaux de géographie de Varsovie (1934) et d’Amsterdam (1938).
9 À la fin des années 1930, il publie en particulier dans L’information géographique (1936 ; 1937 ; 1939), la revue française de géographie scolaire, et dans le Bulletin de la société géologique de France.
10 Il est à ce niveau plus intégré dans la géographie marocaine qu’il ne l’a laissé entendre par la suite : il publie des croquis et des cartes pour le service géographique du Maroc (1935 ; 1938), des articles pour le Bulletin économique du Maroc (1934 ; 1936) et l’office chérifien du tourisme (1938), enfin pour la Revue de géographie marocaine (1938 ; 1940 ; 1941). Il participe également au IXe congrès de l’Institut des hautes études marocaines de Rabat (1937) et au IVe congrès de la Fédération des sociétés savantes de l’Afrique du Nord, à Alger (1939).
11 Ce normalien (1930) et agrégé (1934) projetait de faire une thèse de géomorphologie sous la direction de Martonne sur les fleuves russes ou sur la Crimée (Boie, 1989, p. lxviii), mais n’obtint pas de visa pour aller sur le terrain soviétique.
12 Né en 1915 à Kharkov (Ukraine) dans une famille d’industriels juifs, Gottmann est orphelin à l’âge de deux ans, ses parents étant assassinés par les bolcheviks. Confié à la partie moscovite de sa famille, il fuit la Russie avec sa famille adoptive en 1920, pour Sébastopol, Istanbul, Marseille et enfin Paris (Sanguin et Prévélakis, 1996, p. 74). Éduqué dans un milieu artistique et intellectuel, étudiant d’abord en droit, puis en géographie à la Sorbonne puis à Montpellier, sous la direction de Martonne, Demangeon et Marres, il rédige en 1935 son DES sur l’irrigation en Palestine d’une part, sur l’histoire diplomatique des Balkans avant les guerres balkaniques d’autre part. Assistant de recherche en géographie humaine auprès de Demangeon entre 1937 et 1940, il travaille alors sur l’agriculture et l’irrigation dans le Bassin méditerranéen.
13 Gottmann met en doute les statistiques économiques (en particulier agricoles) de l’URSS, même si l’on doit remarquer qu’il n’évoque aucunement ici la question de la famine en Ukraine, interprétant la baisse de la population ukrainienne uniquement en termes d’exode rural.
14 BM, Enquêtes dirigées par Albert Demangeon, Boîte 7, 1938-1940, « Enquêtes sur les problèmes économiques du temps de guerre » : « Les déplacements d’industries. Étude préliminaire sur les modifications apportées par la guerre à l’économie industrielle de la région nazairienne », P. George, mars 1940, 14 p. ; « Les évacuations de populations. Étude préliminaire sur les évacuations de population dans les stations balnéaires de la “Côte d’amour” et de la “Côte sauvage” de Pornichet au Croisic », P. George, mars 1940, 27 p.
15 AN, 19940500/314, dossier de sécurité intérieure « Pierre George » (1940), en particulier le rapport de Pierre Faggiani, inspecteur principal de Police mobile, Rennes, 28 mai 1940. À cette occasion, Faggiani effectue « une minutieuse perquisition au domicile du sieur George. Au cours de cette opération, j’ai découvert quarante et un questionnaires émanant du “Conseil universitaire de la Recherche sociale” dont le Directeur est Mr Demangeon, professeur à la Sorbonne, et le secrétaire, un sieur Gottmann. […] Considérant que ces questionnaires, destinés à des correspondants susceptibles de fournir des renseignements d’ordre purement national sur la vie économique et industrielle du pays en temps de guerre, et que la suite de l’enquête demandée par MMrs Demangeon, Gottmann et Meynier (ce dernier professeur de géographie à l’université de Rennes) pourrait, si elle était divulguée, porter atteinte à la sécurité du territoire, j’ai saisi et placé sous scellé, lesdits questionnaires ainsi que le manuscrit de la réponse fournie par le professeur George et la correspondance s’y rapportant » [voir le chapitre de Denis Wolff dans ce volume].
16 BM, Lettre de George à Demangeon, Le Pouliguen, 25 mai 1940.
17 Ibid., 2 juin 1940.
18 Futur professeur de littérature grecque classique et d’histoire ancienne à l’université Paris-Sorbonne, il s’agit du père de l’historien contemporanéiste Jean-François Sirinelli (né en 1949).
19 BM, Lettre de Robequain à Demangeon, 11 novembre 1939.
20 Cela est confirmé par Daix : « Les examens étaient suspendus, les résultats acquis comptant pour définitifs. On nous donnait des laissez-passer afin de partir vers le Sud où s’organiserait la Résistance française. Nous avions prévu cette éventualité. […] Je partis aussitôt à bicyclette avec deux amis d’hypokhâgne, Jean Suret-Canale, qui avait donné son adhésion au Parti avant moi, et Jean Sirinelli. Le lendemain matin, nous traversions la Loire […]. Le flot de l’exode, où les régiments en fuite s’éparpillaient dans la cohue des civils, nous porta jusqu’[…] en Vendée. Les Allemands nous y rattrapèrent quand l’armistice nous eut dissuadés d’aller chercher une armée qui n’existait plus » (Daix, 1976, p. 26). C’est la seule mention faite par Daix aux géographes communistes de cette époque.
21 Sa thèse principale traite de la géomorphologie de l’Atlas marocain, et sa thèse secondaire en géographie humaine étudie les modes d’occupation du sol chez les Chleuhs (Dresch, 1941a ; 1941b).
22 BM, Lettre de Dresch à Demangeon, 18 octobre 1939.
23 Ainsi Raymond Guglielmo, déjà militant communiste et au début de la guerre hypokhâgneux au lycée Henri-IV aux côtés de Pierre Daix, s’engage dès le 1er octobre 1940, participe à la manifestation bien connue d’étudiants du 11 novembre, et est arrêté et incarcéré à Fresnes le 26 novembre 1940 pour avoir participé à la libération de Langevin. Condamné à huit mois de prison, libéré en appel le 26 mai 1941, de retour en khâgne, il reprend immédiatement son activité et se lie au Front national étudiant, où il mène surtout des activités d’informations diverses (renseignement, diffusion, etc.). Arrêté de nouveau en mars 1942 et parvenant à s’évader de la préfecture de Police, il est très fatigué et éprouvé, et reste dans la clandestinité en région parisienne à partir de l’automne 1943. Ce n’est qu’en 1944-1945 qu’il entreprend une licence de géographie à la Sorbonne (Bué et Plet, 2010 ; Jalabert, 2001, p. 46).
24 AN, F17/16924, dossier d’épuration d’Henri Boucau, pièce 10-12, séance du 6 novembre 1944, audition de Pierre George.
25 Ainsi, l’agrégé de philosophie communiste Henri Lefebvre (1901-1991) est révoqué en mars 1941 et entre alors en résistance (Tosel, 2009, p. 181). À la fin de l’année 1943, le ministère, alors sous la direction de Bonnard, retrouve un dossier « Louis Poirier, communiste » : Gracq, depuis fin octobre 1941 assistant temporaire de géographie à l’université de Caen et collègue de Dresch pour remplacer Musset du fait de sa déportation, est alors menacé de révocation, mais est sauvé par l’intervention du doyen de son université (Boie, 1989, p. lxxiv).
26 AN, F17/16924, dossier d’épuration d’Henri Boucau, pièce 10-12, séance du 6 novembre 1944, audition de Pierre George.
27 On connaît certains éléments sur son quotidien de guerre à Bourg-la-Reine. On sait par exemple qu’il a eu des contacts avec le géographe allemand Wolfgang Hartke, alors employé dans un service cartographique de la Wehrmacht à Paris et qui l’aurait notamment aidé en le ravitaillant en produits alimentaires (Ginsburger, 2015e). De la même façon, Yves Lacoste raconte dans ses mémoires (avec les indispensables précautions à prendre par rapport aux souvenirs, près de quatre-vingts années plus tard, de celui qui n’était alors qu’un garçonnet, né en 1929 au Maroc et ayant perdu en 1942 son père géologue) : « En cette fin de printemps, on sonne à la porte. J’ouvre et salue un monsieur en short et spartiates que je ne connais pas. Il m’offre une botte de poireaux et se retire aussitôt. J’apprendrai plus tard que Mme George, l’institutrice de mes frères au cours Florian, informée du décès de notre père, a envoyé son mari nous apporter ces légumes. M. George est professeur d’histoire-géographie au lycée Lakanal, et il cultive un petit jardin sur l’allée d’honneur qui monte au parc de Sceaux. […] Je suis allé chez Pierre George chaque semaine pendant plusieurs mois. [Il] m’a fait découvrir Colline, de Jean Giono. Il me donna un petit ouvrage qu’il venait de publier, À la découverte du pays de France. La nature et les travaux des hommes, avec cette dédicace : “À Yves Lacoste, avec l’espoir que ce petit livre lui donnera le goût des courses sur le terrain et l’encouragera à poursuivre l’œuvre attachée au nom qu’il porte” » (Lacoste, 2018, p. 31-33). Père de substitution pour le jeune orphelin et initiateur à la géographie, George fut par la suite le « patron » de Lacoste dans ses études et sa carrière, même si leurs relations se détériorèrent tardivement.
28 Cette proximité avec un inspecteur général plus ou moins maréchaliste [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger sur Boucau dans ce volume], mais indéniablement l’un des adversaires de Martonne et de Cholley à propos de la création de l’agrégation de géographie, s’explique sans doute par le besoin de protection institutionnelle que George ressent alors. Lorsqu’il apprend que Boucau est jugé pour son action d’inspecteur général de Vichy, George prend l’initiative de demander au tribunal de témoigner en sa faveur « de ce qu’[il] connaît personnellement sur son attitude à l’égard des professeurs d’histoire et géographie qu’il a défendus contre l’arbitraire de Vichy dans des conditions souvent difficiles » (AN, F/17/16924, pièce 10, lettre de P. George, Bourg-la-Reine, 2 novembre 1944). Lors de cette audition, le 6 novembre 1944, il indique la protection de Boucau à son égard, ainsi que dans d’autres cas, pour des communistes (Dresch, Bruhat, Julien) et le royaliste Grandazzi, même s’il reconnaît que l’idée de demander à Boucau de préfacer le livre pour école primaire, était « saugrenue – étant donné les circonstances » (AN, F17/16924, pièce 12, témoignage de P. George, 6 novembre 1944). Ces relations, partagées avec d’autres collègues plus franchement résistants, sont relativement ambiguës.
29 Il y côtoie l’économiste Gabriel Dessus, son président, mais aussi l’historien Louis Chevalier et Jacques Weulersse. Le rapport de ce groupe, publié en neuf fascicules « confidentiels » intitulés Rapports et travaux sur la décongestion des centres industriels par le ministère de l’Économie nationale en 1944 et 1945 (Couzon, 2003, p. 92), puis par extraits en 1949 sous le titre Matériaux pour une géographie volontaire de l’industrie française par la Fondation nationale des sciences politiques (Dessus, George et Weulersse, 1949), a pour ambition de refuser d’« être exclusivement contemplative », mais de préconiser « un choix et une stratégie recommandés par les géographes aux autorités de décision » (George, 1984, p. 213). Selon George quarante ans plus tard, il s’agissait justement d’« éclairer la politique de “reconstruction” après les épreuves de la guerre et de l’Occupation » (George, 1984, p. 213) [voir le chapitre d’Efi Markou dans ce volume].
30 À ce niveau, Dresch raconte, lors de son audition pour le procès d’épuration de Boucau : « [Boucau] m’avait demandé de faire partie du Jury – session 1942. Il savait que je n’avais pas les opinions de Vichy. C’est à cette occasion que je l’ai vu et que j’ai causé longuement avec lui. Il a beaucoup parlé, même avec une certaine imprudence. Il m’a raconté quelles étaient ses activités et les difficultés qu’il éprouvait dans les bureaux du ministère à Vichy pour mettre ses cours sur pied. Il n’était pas très favorable à ce gouvernement. […] Je ne l’ai pas revu au Concours général en 1943 car il avait proposé le même Jury qu’en 1942 et le Cabinet Bonnard avait jugé bon d’éliminer certaines personnes – dont je faisais partie » (AN, F17/16924, pièce 14, compte-rendu de la séance du 10 novembre 1944).
31 AN, F17/13363, « Note sur les maîtrises de conférence de géographie coloniale créées aux facultés des lettres d’Aix et de Bordeaux », de Martonne à destination du ministre Abel Bonnard, 9 septembre 1943 (les éléments soulignés sont d’origine).
32 Normalien agrégé, boursier autour du monde et grand voyageur en Afrique et en Asie ainsi qu’au Proche-Orient, enfin auteur de Noirs et Blancs. À travers l’Afrique nouvelle de Dakar au Cap (1931), Weulersse est nommé au lycée Condorcet en 1940. Il soutient sa thèse de doctorat d’État en 1940, consacrée à la Syrie (Weulersse, 1940a ; 1940b).
33 Ce dernier est professeur agrégé en lycée à La Rochelle de 1926 à 1931 puis à Bordeaux de 1931 à 1943. À partir de 1935, il est également chargé de cours à l’université de la ville. Il soutient en 1941 ses thèses de doctorat d’État, consacrées à la côte atlantique de la Loire à la Gironde du point de vue naturel et humain (Papy, 1941a ; 1941b). Près de vingt ans plus tard, Max Sorre fait à leur propos le commentaire suivant : « Elles [sont] parues à une époque peu favorable à la diffusion des ouvrages de l’esprit » (Sorre, 1962). Pourtant, il semble que les thèses de Papy (en particulier les cartes maritimes) ont été particulièrement exploitées par l’armée allemande d’Occupation, chargées de défendre le littoral aquitain avec le mur de l’Atlantique.
34 Papy est bien nommé à Bordeaux, et Weulersse à Aix-Marseille. Dresch doit attendre 1945, mais pas sur une chaire coloniale.
35 AN, 72AJ/57/II/pièce 2, témoignage de Dresch sur le Front national pour le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Ce document, relativement bref, n’apporte que peu d’éléments supplémentaires pour la compréhension de la guerre de Dresch.
36 Rappelons que l’on parle ici du « Front national de lutte pour la libération et l’indépendance de la France », mouvement de la Résistance intérieure française créé par le PCF vers mai 1941 mais ouvert aux non-communistes. À l’exception d’une certaine implantation dans les milieux intellectuels par le biais du périodique L’université libre, il fut mis en sommeil à partir de l’automne 1941 et ne se développa véritablement qu’à partir de la fin 1942, par la suite présent au Conseil national de la Résistance (CNR). On ne saurait évidemment le confondre avec le parti politique d’extrême droite homonyme, fondé en 1972.
37 Le « Service du travail obligatoire » (STO) est mis en place par le gouvernement Laval à partir de février 1943. Cette réquisition et ce transfert vers l’Allemagne de centaines de milliers de travailleurs français pour participer à l’effort de guerre allemand ont été une cause majeure d’entrée en clandestinité et en résistance pour de nombreux jeunes hommes.
38 Le Mouvement de libération nationale est créé en janvier 1944 par le regroupement des Mouvements unis de la Résistance (MUR) et de mouvements de résistance de la zone Nord, notamment « Défense de la France », « Résistance » et « Lorraine ».
39 AN, 72AJ/57/IV/pièce 8, témoignage de Clozier sur le Front national universitaire pour le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, et Ginsburger, 2019b. Voir également le témoignage de Clozier dans le procès Henri Boucau, qui indique : « Boucau, pour des raisons personnelles, n’a pas hésité à me signaler comme suspect au cabinet de Bonnard, alors que ledit cabinet était tenu au courant par un mouchard, un de nos collègues, qui répétait au cabinet de Bonnard ou lui transmettait les propos tenus au lycée Saint-Louis (le fait m’a été révélé depuis par notre proviseur Guyot) ; le coup a été paré grâce à Martonne, mais il aurait pu avoir les plus graves conséquences, car j’étais le seul au lycée à faire partie d’un groupement de résistance et cela depuis 1941 » (AN, F17/16924, dossier d’épuration d’Henri Boucau, pièces 2 et 3, séance du 27 octobre 1944, audition et lettre de Clozier). L’entrée de Clozier dans la Résistance est plus inattendue que celle de Dresch, dont il n’a pas, à notre connaissance, les antécédents communistes. Du point de vue professionnel, cet ancien combattant de la Grande Guerre, gazé de guerre, agrégé d’histoire et géographie en octobre 1919, est successivement professeur au lycée de Mont-de-Marsan (1919-1920), puis du Prytanée militaire de La Flèche (1920-1930), chargé de suppléance à Henri-IV (1930), enfin nommé au lycée Saint-Louis (1930). Entre 1930 et 1936, il est secrétaire de rédaction des Annales de géographie et soutient sa thèse de doctorat ès lettres en 1940 (La gare du Nord comme thèse principale en géographie humaine, Les causses du Quercy comme thèse secondaire de géographie physique). Pendant le conflit, il continue également ses activités professionnelles. En plus de son enseignement en lycée et de sa participation à l’expérimentation d’enseignement de géographie, il est chargé d’une conférence à la Sorbonne en 1940-1941 avec Weulersse et Perpillou pour remplacer Demangeon, et publie en 1942 un petit ouvrage pionnier sur l’histoire de la géographie, dans la collection Que sais-je ? (Clozier, 1942). Il est en 1944-1945 directeur de L’information géographique, membre du Comité supérieur de la recherche scientifique, chargé de conférences à l’École nationale de Saint-Cloud préparatoire à l’enseignement dans les collèges (depuis 1943), à l’ENS de Fontenay et à la faculté des lettres de Paris (à l’Institut d’urbanisme de l’université de Paris) (AN, F17/26973 et AJ/16/5930 ; Joly, 2013, p. 48). Enfin, il est nommé inspecteur général de l’enseignement secondaire en 1945 [voir le chapitre de Nicolas Ginsburger sur Boucau dans ce volume].
40 AN, 72AJ/57/II/pièce 2, témoignage de Dresch sur le Front national pour le Comité d’histoire de la Deuxième Guerre mondiale.
41 Il y aurait fait œuvre de géographe en « dressant la carte du dispositif des barricades et celui des forces nazies » (Lacoste, 1978, p. 7).
42 ADH, fonds Marres, 132 J1. Également Bloch et Febvre, 2003, p. 200.
43 Chaubin Hélène, « Marres, Paul », Association Maîtron Languedoc-Roussillon (accès : www.histoire-contemporaine-languedoc-roussillon.com/Bio%20Marres.htm, consulté le 15 mars 2016).
44 Même si un certain nombre de ces géographes ont pu par la suite changer d’options idéologiques.
45 Professeur dès 1931, il participe au mouvement pacifiste Amsterdam-Pleyel de 1932 et est l’un des animateurs du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes en 1934. Cet ancien combattant de la Grande Guerre est officier près de Sedan en 1939-1940, fait prisonnier par les Allemands et rapatrié de Silésie fin 1941 comme vétéran et en raison de son âge. En plus de ses activités dans les FTP, il est chargé des relations avec les mouvements gaullistes. Arrêté le 28 janvier 1944 et torturé par la Gestapo, il est emprisonné dans le camp de Compiègne-Royallieu, puis déporté en juin à Hambourg-Neuengamme. Après la Libération, rapatrié en juin 1945, il est élu député à la Constituante et devient membre du comité central du PCF, mais refuse de se présenter aux élections législatives de 1946. Réticent à l’égard du lyssenkisme, il est écarté du Comité central en 1950 et rompt avec le PCF en 1958, au moment de la guerre d’Algérie (Robrieux, 1984, p. 458-459 ; Picard, 1996).
46 Même s’il est possible qu’il se cache derrière certains articles anonymes.
47 Comme pour d’autres enseignants communistes de sa génération : Jean Bruhat par exemple, fait prisonnier puis libéré, « refuse l’engagement dans l’action clandestine », d’où « vraisemblablement un sentiment de culpabilité qui le conduit après la Libération à se situer à la pointe militante et intellectuelle du communisme stalinien des années de l’après-guerre » (Robrieux, 1984, p. 116). On peut faire la même hypothèse pour George.
Auteur
Docteur en histoire contemporaine et chercheur associé à l’équipe EHGO (CNRS, Paris). Il a consacré ses travaux aux géographes français et germanophones pendant les deux guerres mondiales, à la géographie coloniale française et allemande à la Belle Époque et aux femmes géographes au cours du xxe siècle. Avec Marie-Claire Robic, il a été commissaire scientifique d’une exposition consacrée à Paul Vidal de La Blache à la bibliothèque de l’ENS (2018) .
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